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Cinquième article de la série consacrée à la place des gays et des lesbiennes dans la société française. Cet article formule une théorie pour comprendre comment lutter contre l'homophobie. Par notre collaborateur : Kim, 31 ans.


A partir de ce que nous avons dit dans les deux articles précédents, nous pouvons désormais proposer un modèle théorique des facteurs pouvant expliquer la progression de l’acceptation de l’homosexualité dans une société (ou au contraire le maintien d’une forte homophobie). Elle n’est applicable bien sûr que si l’homophobie a existé ou existe dans la société étudiée. On peut considérer qu’il existe trois catégories de facteurs : le degré des droits et libertés dont disposent les gays et les lesbiennes accordés par le pays, le degré des mentalités de la population de ce pays sur l’homosexualité, et les communautés gays et lesbiennes elles-mêmes qui doivent se caractériser par leur degré de visibilité. Chacun influe sur le degré d’acceptation de l’homosexualité dans un pays et par ricochet sur les deux autres facteurs. Ils sont donc tous interdépendants : en effet, seul un ensemble de facteurs systémiques, c'est-à-dire reliés et dépendants les uns des autres, peut expliquer un phénomène si complexe.

Chaque facteur explicatif est lui-même le résultat de plusieurs composantes.

Le degré de droits et de libertés dont disposent les populations homosexuelles dépend des droits et libertés fondamentales accordées par l’Etat : ceux favorisant le débat pour confronter les préjugés à la réalité (libertés d’opinion, d’expression, liberté de la presse), ceux favorisant la revendication de l’accord de droits vers l’égalité (libertés de réunion, d’association et de manifestation), et ceux favorisant l’extension du débat et des revendications d’une minorité à l’ensemble d’une société (pluralisme politique et souveraineté nationale).

Le degré de visibilité des gays et des lesbiennes dépend de facteurs individuels (proportion de gays et de lesbiennes affirmées et outées), communautaires (avec notamment l’inscription spatiale de quartiers gays dans la ville) et médiatiques (l’homosexualité est représentée dans la culture de masse par sa présence dans les médias).

Le degré des mentalités de la société sur l’homosexualité dépend bien sûr du degré de connaissances sur l’homosexualité (un péché ? une anomalie de la nature ? une maladie ? un exemple de diversité ? innée ? une forme de sexualité innée ou acquise ou les deux ? tous des « folles » ? des gens comme tout le monde ? peuvent-ils élever des enfants ? etc..). L’ignorance est d’ailleurs la base de l’existence de l’homophobie quand même. Si les mentalités sont progressistes, ou s’il existe une confrontation entre idées traditionnalistes homophobes et idées plus progressistes, alors, cela peut permettre l’évolution du degré des mentalités sur l’homosexualité, si cela est combinée avec une scolarisation importante et un programme scolaire adaptée soit pour permettre l’acquisition d’une culture scientifique, de la maitrise de l’argumentation et de la rationalité, voir la mise en place de prévention contre l’homophobie.

Tout ceci est représenté schématiquement sur le document 1 ci-dessous.

Document 1

Il existe toutefois des variables qui peuvent perturber le modèle théorique de transition vers l’acceptation de l’homosexualité.

Il y a tout d’abord l’intensité de la foi religieuse (si elle est élevée) qui peuvent fausser l’état des connaissances sur l’homosexualité transmises à la population : c’est ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis par exemple, où la foi religieuse est encore importante, à tel point par exemple que fait rage le débat entre créationnisme et darwinisme, c’est dire. C’est pour cela que l’homophobie y est plus importante que de ce côté-ci de l’Atlantique. Il ne faut pas négliger l’état des connaissances scientifiques sur l’homosexualité (si elles sont fausses ou désuètes) qui peuvent aussi fausser les opinions de la population : c’est ce qui se passait en France il y a 40 ans lorsque l’homosexualité était considérée comme une maladie (il en reste d’ailleurs encore des résidus de cette croyance même aujourd’hui...)

Il y a aussi le degré d’urbanisation, qui est le facteur nécessaire à la création de communautés homosexuelles, favorisant ainsi leur visibilité. C’est ce qui explique pourquoi la dépénalisation de la sodomie (et donc de l’homosexualité) en France en 1791 n’a pas pu transformer en profondeur les mentalités, car cela fut fait au moment où le pays était encore essentiellement rural, et où seule une minorité était instruite (quand on vous dit que la France était en avance sur son temps…).

Et il y a bien évidemment le régime politique de l’Etat : une dictature accorde un degré faible ou nul de droits politiques et de libertés civiles à ses citoyens. Voilà pourquoi les sociétés homophobes sont le plus souvent celles vivant sous une dictature, comme nous l’avions constaté dans notre article précédent.

On constatera au passage que ces trois variables de perturbation au modèle peuvent être influées en partie par le niveau de vie de la population : en effet, la transition de la pauvreté vers un haut niveau de vie influe sur le niveau d’instruction de la population (les parents n’ont plus un besoin vital d’envoyer leurs enfants travailler pour rapporter de l’argent au foyer au lieu d’aller à l’école), et favorise, même si ce n’est pas systématique, la décrue de la foi religieuse (le confort matériel et les meilleures conditions de vie réduisent les occasions de se tourner vers Dieu) et la transition démocratique (c’est le cas actuellement des Nouveaux Pays Industrialisés). Aider un pays à se développer favoriserait donc indirectement l’acceptation de l’homosexualité par sa population.

Ceci peut se démontrer à l’aide de la mise en corrélation entre niveau de vie et tolérance de l’homosexualité (document 2) : le coefficient de corrélation entre revenu par habitant et tolérance de l’homosexualité est en effet de 0,72 !

Document 2

Mais vous allez me dire : il manque quelque chose, on sait tous que l’homophobie est liée au sexisme ! Plus une société est sexiste, plus elle est homophobe ! Et inversement. Alors pourquoi ne pas en parler ? Nous ne nions pas que le fait de rendre une société moins sexiste facilite de rendre une société moins homophobe.
Mais en fait, le sexisme n’est ni plus ni moins que le résultat d’un manque de démocratie et d’un ensemble de préjugés sexistes (les femmes ne peuvent pas voter, elles n’y connaissent rien en politique voyons, leurs rôles et de s’occuper du foyer, de la famille ; elles ne sont pas capables de faire les mêmes choses que les hommes, elles sont inférieures, etc…). Le sexisme et l’homophobie sont donc à mon sens liés non parce que l’un conduit à l’autre mais parce qu’eux deux ont les mêmes origines (la prédominance du machisme due par un déficit démocratique et une méconnaissance de ce qui n’est pas un homme hétérosexuel) ! L’homophobie est donc plus un problème de manque de connaissance et de déficit démocratique plus que de machisme, même si c’est ce dernier qui peut expliquer en partie ces méconnaissances et ce déficit démocratique.
Mais il est vrai que le poids des préjugés est plus fort dans l’homophobie que dans le sexisme car l’un des préjugés sur les homosexuels est quand même que ce sont des « hommes qui font les femmes » (sic), et que donc les préjugés sexistes et homophobes sont corrélés.

Bon, alors, ce modèle, comment ça marche ?

On peut partir de n’importe quel facteur du modèle pour que celui-ci influe sur les autres facteurs.

Ainsi, par exemple, si l’Etat accorde un degré de droits et de libertés faible aux populations homosexuelles, ces dernières se feront discrètes ou invisibles. Cette invisibilité rend impossible le renversement des préjugés homophobes de la société car il n’y a aucune confrontation entre les préjugés et la réalité. L’inertie des préjugés homophobes facilite dès lors le maintien de lois répressives homophobes. C’est ce qui se passe par exemple en Iran (qui a été noté 6/7 par Freedom house) où ont été exécutés deux jeunes homosexuels en 2005..

A l’inverse, si l’Etat accorde un degré de droits et de libertés élevé aux populations homosexuelles, ces dernières peuvent se faire plus visibles. Cette visibilité rend dès lors possible la confrontation des préjugés homophobes avec la réalité, permettant le renversement de ces préjugés si les résistances ne sont pas trop fortes. C’est ce qui se passe actuellement en Afrique du Sud, favorisé il est vrai par des conditions favorables que sont un niveau de développement (favorisant le niveau d’instruction des Sud-africains) et d’urbanisation (favorisant le communautarisme) plus élevé que sur le reste du continent africain.

Une forte visibilité des gays et des lesbiennes peut faire augmenter le degré de droits et libertés accordés par l’Etat et le degré des mentalités sur l’homosexualité. C’est ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni. La forte visibilité de l’homosexualité, notamment médiatique, aura donc précédé la conquête de l’union civile et du droit à l’adoption et influée sur les mentalités pour conduire à moins d’homophobie. On peut considérer que la France aussi se situe dans ce cas de figure, les mentalités ayant beaucoup évoluées avec la dépénalisation de l’homosexualité en 1981 et avec le vote du PaCS en 1999.

En théorie, un haut degré d’acceptation de l’homosexualité influe sur la législation : après tout, pourquoi mettre en place des lois homophobes si personne ne se plaint de l’homosexualité ? Ainsi une population sensibilisée à l’homosexualité et à l’homophobie refuse les lois homophobes et approuvent les lois vers l’égalité entre hétérosexuels et homosexuels. Toutefois, et c’est que nous allons montrer plus loin, en règle générale, les mentalités sont en retard par rapport aux autres facteurs…
Pour le prouver, il va falloir évaluer, chiffrer chaque facteur. C’est ce que nous allons faire dans notre prochain article.

Pour conclure :

Vous voulez combattre l’homophobie ? Il faut dans ce cas agir sur les différents facteurs de la théorie de la transition vers l’acceptation de l’homosexualité dans une société.

Si vous voulez combattre l’homophobie dans le monde, en plus d’aider ponctuellement les cas d’homophobie (manifester contre une condamnation à mort ou un procès par exemple), il faut agir sur les freins du modèle. Il faut donc agir pour favoriser le développement économique et la transition démocratique des pays en question. Que les politiques entendent ce message…

Et si vous voulez combattre l’homophobie en France, il faut :
- augmenter le degré des mentalités en influant sur le contenu des enseignements, par exemple par l’éducation à la prévention de l’homophobie, par l’incorporation de l’homosexualité dans les enseignements pour briser l’hétérocentrisme (sans forcément aller jusqu’aux gay studies, un simple énoncé de maths avec Paul et Mouloud au lieu de Paul et Julie, une étude d’un roman, ça peut le faire quand c’est bien fait) – allez les profs, un peu de courage, et si l’Education Nationale pouvait s’y mettre aussi, cela ne serait pas plus mal ;
- augmenter le degré des droits et des libertés des gays et des lesbiennes en militant à une échelle plus ou moins grande. Si vous n’avez pas envie d’adhérer à un parti politique ou une association luttant contre l’homophobie, manifestez au moins à la marche des Fiertés pour vous faire entendre ! Ce n’est qu’une fois par an, et c’est amusant alors … Ah sinon, il y a toujours le vote (c’est d’actualité) ;
- augmenter le degré de visibilité des gays et des lesbiennes dans la société. Il s’agit déjà d’une part désormais de plus améliorer qualitativement qu’augmenter la présence de l’homosexualité dans les médias. Encore que si les personnages médiatiques homosexuels pouvaient enfin tous sortir du placard, cela serait bien. Mais hors de question de ne compter que sur eux, hein : car vous aussi, en faisant votre coming-out, vous contribuer à faire évoluer positivement le modèle vers plus d’acceptation de l’homosexualité dans la société.

Bref, vous l’aurez compris, il n’y a pas de petits combats. Même vous, à votre échelle, pouvez faire quelque chose. Alors faites-le !


Bibliographie :

* statistiques sur les revenus par habitant : rapport mondial sur le développement humain, édition 2004 (déjà cité)
http://hdr.undp.org/reports/global/2004/francais/pdf/hdr04_fr_HDI.pdf
* sondage sur la tolérance de l’homosexualité dans le monde : sondage de Pew Global (déjà cité)
http://pewglobal.org/reports/pdf/185topline.pdf
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Quatrième article de la série consacrée à la place des gays et des lesbiennes dans la société française. Cette deuxième partie analyse les réelles causes de la persistance de l'homophobie. Par notre collaborateur : Kim, 31 ans.


Dans notre article précédent, nous formulions une nouvelle problématique pour étudier l’homophobie et son évolution vers plus de tolérance et d’acceptation dans une société. Il ne fallait pas se concentrer sur la religion, mais sur l’intensité de la foi religieuse d’une population.
Nous citions comme exemple à l’aide du graphique ci-dessous la diversité des situations des pays chrétiens ou d’héritage chrétien (document 1) : que de différences en effet entre les pays d’Europe occidentale, où l’intensité de la foi religieuse est faible (< à 30 %) et où la tolérance de l’homosexualité est élevée (> à 70 %), l’Amérique latine et surtout les Philippines, où l’intensité de la foi religieuse est forte voir très forte (entre 60 et 92 %) et où la tolérance de l’homosexualité (entre 40 % et 64%) est plus élevée que ne laisserait envisager cette forte intensité de la foi religieuse, et des pays de l’ancien bloc communiste comme la Russie, la Bulgarie ou la Pologne, où la tolérance de l’homosexualité (entre 20 et 40 %) est bien inférieure à ce que laisserait penser leur faible intensité de foi religieuse (< à 40 %). Rien que ce simple constat permet de démontrer que les croyances et doctrines religieuses ne peuvent expliquer à elles seules l’homophobie, vu la diversité des cas présentés, puisque le christianisme est commun à tous ces pays.

Document 1 (repris de l’article précédent).

Alors bien sûr, certains pourraient objecter qu’il existe différentes formes de christianisme et que cela peut permettre de faire évoluer les variables. Pas tant que cela visiblement : rien qu’en regardant les situations dans les pays catholiques, quelles différences énormes entre le Honduras, les Philippines, la Pologne et la France, par exemple ! Et malgré des échantillons bien moindres, on voit aussi que les situations sont tout aussi diverses entre pays orthodoxes et entre pays protestants…
Non, la religion n’influe pas sur l’intensité de la foi religieuse, ni donc par conséquence sur le niveau de tolérance et d’acceptation de l’homosexualité et des homosexuels par les sociétés. Il faut donc chercher une autre explication. Mais laquelle ?

Dans ce type de graphique, il est plus intéressant d’étudier les écarts à la moyenne, qui sont en général toujours plus riches en enseignements, que les cas entrant parfaitement dans la corrélation. Mais pour faciliter la tâche, modifions le graphique en remplaçant les symboles de couleurs représentants les différentes religions par d’autres symboles colorés représentants un autre découpage du monde, cette fois-ci non centré sur les religions, mais sur les grandes aires géopolitiques/civilisationnelles. Sont ainsi représentés :
- en bleu les pays de la civilisation occidentale (Europe occidentale, Amérique du Nord) ;
- en rouge l’ancien bloc de l’Est communiste (Europe centrale et orientale, pays issus de la dislocation de l’ancienne URSS) ;
- en orange le monde latino-américain ;
- en vert les pays de la civilisation musulmane. Seul l’Ouzbékistan a donc été exclu de cette catégorie, au profit de celui des anciens pays communistes, et à l’inverse, certains pays y ont été inclus, come le Nigéria, car plus de la moitié de la population y est musulmane ;
- en marron les pays d’Afrique subsaharienne n’appartenant pas à la civilisation musulmane ;
- et enfin en jaune les pays asiatiques non musulmans. Je suis conscient que cette dernière catégorie n’est pas homogène, et sert un peu de fourre-tout vu la diversité des pays qui la composent : quoi de commun en effet entre l’Inde, les Philippines, la Corée du Sud et le Japon (que j’aurais pu – j’ai hésité - mettre dans le monde occidental) ? Mais l’échantillon est si faible que je me suis résolu à les regrouper artificiellement.

Ceci donne alors le document 2 ci-dessous.

Document 2

Nous obtenons ainsi une nouvelle grille de lecture pour nous permettre d’interpréter les écarts au modèle.
Ainsi, on peut remarquer que les Etats-Unis se démarquent du reste des pays du monde occidental, Canada compris. Ils ont en effet une foi religieuse bien plus élevée (58 %) en comparaison des autres pays de ce groupe (entre 13 et 33 %), ce qui explique la plus faible tolérance de l’homosexualité (qui atteint difficilement les 51 % d’avis favorables en 2002). Le cas des Etats-Unis permet de confirmer le modèle de corrélation entre les deux variables : dans ce pays où le poids de la religion est bien plus important que dans les autres pays occidentaux, c’est visiblement clairement l’intensité de la foi religieuse qui sert d’explication à la relative intolérance envers l’homosexualité.
Les autres pays occidentaux connaissent à l’inverse une progression de la laïcisation, ce qui peut expliquer la faible intensité de la foi religieuse et donc la plus forte tolérance de l’homosexualité (> à 70 %). Doit-on en conclure que l’acceptation de l’homosexualité progresse avec la laïcisation ? Pas sûr en fait d’après ce qui suit.

On peut en effet remarquer qu’un certains nombre de pays de l’ancien bloc soviétique, comme la Russie, la Bulgarie ou la Pologne, ont une ferveur religieuse faible, mais tolèrent peu l’homosexualité. Alors, on pourrait bien sûr dire que c’est normal que ces pays ont une ferveur religieuse faible : leur passé de dictature totalitaire communiste a été marqué par des décennies d’athéisme forcé qui ont laissé des traces. Mais dans ce cas, pourquoi ce recul de la foi religieuse ne s’est pas traduit avec une meilleure tolérance de l’homosexualité comme dans les pays de l’Europe occidentale qui connaissent une intensité de la foi religieuse comparable ? De plus, pourquoi l’ensemble des anciens pays du bloc communiste ne sont-ils pas tous dans la même situation ? Car à l’inverse de la Russie, de la Bulgarie ou de la Pologne, des pays comme la Slovénie ou la République Tchèque ont une faible foi religieuse et une grande tolérance de l’homosexualité, se rapprochant ainsi des pays occidentaux ; et l’Ouzbékistan ou l’Ukraine ont une forte foi religieuse et témoignent d’une forte homophobie. Leur passé commun de laïcisation forcée par les régimes totalitaires communistes, avec certes un degré moindre pour la Pologne chrétienne et l’Ouzbékistan musulman, n’est donc pas l’élément d’explication du degré de tolérance de l’homosexualité dans ces pays, ou au minimum pas le seul.

L’observation des situations des pays d’Amérique latine et des Philippines confirme quand à lui que le niveau d’intensité de la foi religieuse ne peut servir à lui seul de facteur explicatif du degré de tolérance de l’homosexualité par une société. En effet, déjà, ces pays ont une forte intensité de la foi religieuse, supérieure à 60 %, comparable à nombre de pays musulmans ou d’Afrique subsaharienne. Pourtant, leur degré de tolérance de l’homosexualité y est en comparaison jusqu’à 4 à 6 fois supérieur, puisque compris entre 41 et 64 %. Ces pays, et surtout les Philippines, sont donc bien plus tolérance que ne le suggérerait l’importance de leur foi religieuse.

Tout cela prouve que l’intensité de la foi religieuse n’est pas le seul facteur explicatif de tolérance de l’homosexualité. Mais dans ce cas, quel facteur peut provoquer à la fois la baisse de l’intensité de la foi religieuse et la hausse de la tolérance de l’homosexualité ? Il faut donc clairement aller chercher une autre explication ailleurs…

Une première hypothèse est l’accès au savoir, à la science, à la philosophie. Ces derniers peuvent en effet permettre de construire des esprits plus axés sur la critique rationnelle que sur la foi, ce qui peut remettre en cause l’intensité de la foi religieuse. Ils peuvent aussi permettre de remettre en cause les idées véhiculés par les religions, comme par exemple sur les explications de l’origine de l’homme : il n’y a qu’à voir l’opposition entre créationnisme et darwinisme par exemple. Qui est capable d’argumenter face à une personne qui croit au créationnisme est capable d’argumenter contre les préjugés religieux homophobes (d’où l’augmentation de la tolérance de l’homosexualité), non ? Vérifions.

La tolérance de l’homosexualité est en partie positivement liée avec le niveau d’instruction de la population.

Pour vérifier cette hypothèse, on peut analyser les résultats d’un sondage réalisé par IFOP en 2006/2007, qui a demandé à des Français quelle était leur opinion à propos de la proposition suivante : « L’homosexualité est une manière acceptable de vivre sa sexualité ». Les réponses ont été analysé selon différents critères, dont celui du niveau d’étude des sondés. Les résultats de ce sondage ont été mis en graphique dans le document 3 ci-dessous.

Document 3

En observant ce graphique, on constate que le degré de tolérance de l’homosexualité est lié au niveau d’étude. Ainsi l’opinion « tout à fait d’accord » augmente en même temps que le niveau d’étude des personnes interrogées. Inversement, l’opinion « Pas du tout d’accord » diminue en même temps que le niveau d’étude des sondés. Pourquoi un tel lien ?
La poursuite vers des études supérieures reste à priori le symbole du triomphe de la raison sur la foi ou les préjugés. L’acquisition de connaissances de niveau universitaire vient donc battre en brèche les opinions plus traditionnalistes, basées notamment sur les croyances religieuses, souvent en contradiction (voir l’article précédent).
Mais on peut aller plus loin : l’instruction universitaire peut permettre de donner un niveau de culture générale et un mode de fonctionnement intellectuel basé sur la recherche d’informations et la confrontation des sources, ce qui facilite la remise en cause des opinions, basée sur la vérification et l’argumentation… Elle favorise la rationalité.
Pour résumer, la connaissance et la rationalité peuvent renverser les préjugés homophobes des domaines religieux (l’homosexualité est un péché), cliniques (l’homosexualité est un problème médical) et libéraux (l’homosexualité est un problème exclusivement réservé au domaine de la vie privée).

Confirmons cette hypothèse cette fois-ci au niveau mondial. Nous avons d’abord réalisé un graphique liant le taux de scolarisation à celui du degré de tolérance de l’homosexualité (document 4). L’indice de corrélation est positif et élevé, atteignant 0,70. Mais les écarts de tolérance envers l’homosexualité sont tellement nombreux et importants à niveau de scolarisation comparable que cela en devient difficile à expliquer.

Document 4

Nous avons alors décidé de nous concentrer sur la scolarisation dans l’enseignement supérieur, suite à l’enseignement du document 3. Ainsi, le document 5 ci-dessous croise la variable du degré de tolérance de l’homosexualité avec cette fois-ci la variable du taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur, pris sur le site de l’UNESCO.

Document 5
remarque : pas de données pour le Sénégal et la Côté d’Ivoire

On observe là encore sur ce graphique un lien entre les deux variables, même s’il est moins net que sur le graphique précédent. Le coefficient de corrélation le confirme puisqu’il n’est que de 0,58. La corrélation entre niveau d’étude et degré d’acceptation de l’homosexualité reste toutefois confirmée.

Ainsi, les pays occidentaux (à l’exception des Etats-Unis) se caractérisent par un taux de scolarisation dans le supérieur et un degré de tolérance de l’homosexualité élevés.

De même les pays du monde musulman se caractérisent par un taux de scolarisation dans le supérieur et un degré de tolérance de l’homosexualité faibles. On peut donc comprendre que la foi religieuse reste élevée dans ces pays puisque les savoirs universitaires plus fondés sur la raison et la science sont moins dispensés. On remarquera que la Turquie est le pays musulman de ce sondage le plus tolérant parce qu’il possède un taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur bien plus important que ces congénères.

Toutefois, il est clair que le facteur explicatif du niveau d’étude dans la progression de la tolérance envers l’homosexualité est moins important que le précédent. Il faut dire qu’il existe là encore des écarts au modèle. Et de sacrés écarts cette fois-ci ! Ce sont ceux-ci qui nous intéressent.

Ainsi, des pays aussi dissemblables comme la Russie, l’Ukraine, la Pologne, les Etats-Unis ou la Corée du Sud, sont beaucoup moins tolérants que ne laisseraient présager leurs taux de scolarisation dans le supérieur. Ces pays sont donc à l’écart par rapport à l’ensemble des autres pays du monde. Mais ils sont aussi à l’écart de leur groupe régional (les Etats-Unis se décrochent largement du reste de l’Occident ; la Russie et l’Ukraine se détachent totalement des autres pays anciennement communistes comme la Bulgarie, la République Tchèque ou la Bulgarie, eux même très disparates entre eux…). Et enfin il est difficile de trouver un point commun entre ces états : quoi de commun entre les Etats-Unis et l’URSS ? Car si on peut expliquer l’écart des Etats-Unis au coefficient de corrélation par l’intensité de sa foi religieuse qui reste vivace (voir document 2), le même argument ne peut être utilisé pour les pays anciennement communistes comme la Russie ou l’Ukraine qui ont au contraire une faible foi religieuse suite à leur passé totalitaire communiste de laïcisation forcée.

Inversement, un certains nombre de pays d’Amérique latine, ou les Philippines, ou la République Tchèque, ont un degré de tolérance de l’homosexualité bien supérieur à ce que laisserait suggérer leurs plus faibles taux de scolarisation supérieure.

Enfin, il ne faut pas nier que l’enseignement n’est pas le même partout dans le monde. Il peut d’ailleurs être profondément contrôlé par les religieux ou les croyances religieuses, pas toujours en phase avec les connaissances scientifiques. Je me rappelle après tout avoir déjà vu un documentaire scientifique algérien qui réfutait la théorie de l’évolution au profit du créationnisme. Il en existe de même aux Etats-Unis. Et pour terminer, les connaissances scientifiques ne sont pas forcément des vérités (lorsque l’on dépasse la simple observation), mais l’état des recherches à un moment donné (lorsque l’on lance des hypothèses explicatives pas forcement facilement vérifiables) : or elles peuvent se tromper (il n’y a qu’à penser à la croyance que l’homosexualité était une maladie mentale par exemple pendant presque un siècle et demi en Occident par exemple – voir article 2). Tout ceci influe aussi sur cette variable.

Mais bon, malgré cela, de manière générale, l’éducation des populations permet effectivement de faire progresser la tolérance de l’homosexualité (c’est bien pour cela que le débat en France porte notamment sur la nécessité de la prévention de l’homophobie, notamment en milieu scolaire). Mais cela ne suffit pas. Il est donc clair qu'il existe au moins un autre facteur explicatif de la tolérance de l’homosexualité en dehors de l’intensité de la foi religieuse et l’éducation. Lequel ? Qu’est-ce qui peut encore faire reculer les préjugés homophobes en dehors de l’éducation ? Poursuivons l’enquête en formulant une nouvelle hypothèse.

On peut dire que bien souvent des gens ont des préjugés homophobes … alors qu’ils ne connaissent aucun homosexuel déclaré dans leur entourage. Souvent, des personnes connaissant des homosexuels sont plus tolérantes envers l’homosexualité, car ils ont pu constater que les préjugés homophobes ne correspondaient pas à la réalité. Alors, bien sûr, on peut nuancer ce propos en disant que cela n’est pas systématique. Certes. Mais il s’agit d’une tendance, non ? Sinon comment expliquer les mouvements qui affirment que les coming-outs sont une bonne chose pour faire progresser les mentalités ? Que certains approuvent les outings pour faire progresser les mentalités à n’importe quel prix ? Que beaucoup de gays et de lesbiennes en France se plaignent que peu de personnalités des médias, des arts ou du sport restent dans le placard ?
Et si, pour expliquer la progression de la tolérance de l’homosexualité, il fallait tenir en compte le niveau de visibilité des gays et des lesbiennes dans la société, aussi bien dans la vie de tous les jours que dans les médias ? Cela parait d’une certaine évidence. Mais comment chiffrer ce facteur ? Là est le véritable problème. A moins que…

La tolérance de l’homosexualité est en partie positivement liée avec la visibilité de l’homosexualité, ici symbolisé par le niveau d’urbanisation.

Il n’existe pas à ma connaissance de statistiques permettant d’évaluer la visibilité de l’homosexualité dans les sociétés des pays du monde. Mais on peut imaginer les conditions favorisant cette visibilité.

En France, beaucoup d’homosexuel(le)s rêvent de monter à Paris pour plus facilement vivre leur homosexualité. Pourquoi la ville, et tout spécialement la très grande ville, permettrait de mieux vivre ses préférences sentimentales et sexuelles ? Parce que la très grande ville permet plus facilement l’anonymat. Dans les sociétés traditionnelles rurales, chacun est observé et donc jugé par la communauté villageoise, d’où l’impossibilité de pouvoir exprimer son homosexualité dans un environnement homophobe. Par contre, dans une société urbaine, même s’il peut exister aussi une grande homophobie en ville, les liens sociaux sont totalement différents. La multitude d’habitants ne permet pas le mode de fonctionnement des sociétés rurales traditionnelles : chacun peut évoluer plus facilement en dehors du regard des autres. Moins de regards provoquent moins de jugements, et donc plus de libertés d’agir et d’être, et donc plus de possibilité de visibilité. Cette visibilité peut prendre plusieurs formes : constitutions de quartiers homosexuels, mise en place de code de reconnaissance ou d’appartenance (par la mode notamment), démonstrations d’affection en public (se tenir la main, s’embrasser en public), organisations de manifestations culturels ou politiques homosexuelles comme les gayprides ou des festivals, et tout simplement coming-outs auprès de l’entourage hétérosexuel…
Cette visibilité traduit donc une affirmation de l’homosexualité, cette dernière pouvant, si elle atteint le stade de la majorité de gays et de lesbiennes outés, renverser les préjugés homophobes et faire accroitre la tolérance de l’homosexualité.
Ainsi, si nous ne disposons pas à l’heure actuelle de statistiques mondiales sur la visibilité homosexuelle, ont peut imaginer que les chiffres de l’urbanisation permettent indirectement et partiellement de la représenter. De plus, il ne faut pas oublier que la ville, et particulièrement la grande ville, permet plus facilement de rencontrer des personnes ayant fait des études, notamment supérieures, ou tout simplement des personnes plus éclairées, ou anti-conformistes … ce qui peut permettre aussi de faire reculer la foi religieuse (à un degré difficilement évaluable il est vrai à ma connaissance).

Document 6

Le document 6 représente donc le lien entre urbanisation et tolérance de l’homosexualité. Cela semble probant. L’indice de corrélation qui est de 0,73 semble le confirmer si nous ne nous sommes pas trompé d’hypothèse (rappelons que corrélation ne signifie pas causalité).
Ainsi, les sociétés les plus homophobes sont les sociétés encore majoritairement rurales, qui s’avèrent être les pays du monde musulman et de l’Afrique subsaharienne, sans oublier l’Inde. Les pays de ces zones qui se dégagent de leur groupe, soit la Turquie et l’Afrique du Sud, ont d’ailleurs justement des niveaux d’urbanisation et de tolérance envers l’homosexualité bien plus grands justement.
Il est par contre plus difficile d’interpréter les situations dans les sociétés urbaines, vu la multiplicité des situations : que de variations du degré de tolérance de l’homosexualité à niveau d’urbanisation comparable ! N’ayant pas d’explication, il faut lancer de nouvelles hypothèses…

Nous avons dit que la visibilité homosexuelle pouvait s’accroitre avec l’urbanisation qui casse les modes de vie traditionnelle. Mais qu’est-ce qui pourrait l’accroitre, ou la faire régresser, en dehors du mode de vie urbain ?

On peut formuler sans se tromper que si les autorités interdisent l’homosexualité, les gays et les lesbiennes seront plus discrets pour éviter les foudres policières. Vivre une vie d’homosexuel est en effet bien plus difficile lorsqu’il existe une répression politique et policière. On peut se souvenir par exemple de l’arrestation de cinquante-deux homosexuels en Egypte en 2001, ou de l’exécution de deux jeunes homosexuels en Iran en 2005, qui ont été largement médiatisés. Ainsi, si les gays et les lesbiennes n’ont pas de libertés ni de droits, et si en plus ils sont persécutés, leur visibilité au sein de la société ne peut qu’être limitée. Inversement, s’ils ont des droits, il y a plus de chances qu’ils soient plus visibles. Mais peut-on le vérifier ?

La tolérance et l’acceptation de l’homosexualité est en partie positivement liée à la démocratie et au respect des libertés.

Document 7 : la législation sur l’homosexualité dans le monde en 2007.
Document 7 : world laws on homosexuality in 2007

Le document 7 ci-dessus représente les différentes législations concernant les homosexuels dans les différents pays du monde en 2007. Les législations ont été regroupées en deux grandes catégories : « l’homosexualité légalisée » et « l’homosexualité illégale ».

Dans la catégorie « homosexualité légalisée », il existe une grande diversité de situations, allant de la simple légalité de l’homosexualité mais sans aucune reconnaissance ou protection (voir avec de la répression), aux droits au mariage et à l’adoption, en passant par l’étape intermédiaire de la protection contre les discriminations et les crimes homophobes.
On voit ainsi à partir de cette carte que l’Occident (en dehors d’une grande partie des Etats-Unis) et l’Afrique du Sud sont à la pointe de la tolérance et de l’acceptation de l’homosexualité, puisque ces pays reconnaissent le plus souvent les couples homosexuels, soit sous la forme de l’union civile (comme le PaCS en France par exemple), soit sous la forme du mariage (à l’heure actuel ouvert en 2007 aux homosexuels de cinq pays : les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, le Canada et l’Afrique du Sud, groupe auquel il faudrait ajouter comme sixième membre l’Etat du Massachussetts aux Etats-Unis). Beaucoup accordent déjà même l’adoption, même si généralement cela concerne surtout l’adoption simple, c’est à dire l’adoption de l’enfant du partenaire homosexuel : seuls en 2007 les Pays Bas, la Belgique, l’Espagne, Andorre (liée à l’Espagne), le Royaume-Uni, le Canada, l’Afrique du Sud, et quelques Etats fédéraux des Etats-Unis et d’Australie accordent le droit à l’adoption par des couples homosexuels. Bien évidemment, les gays et les lesbiennes y sont aussi protégés légalement des discriminations.
L’Europe centrale qui a intégrée l’Union Européenne, une partie des Etats-Unis, le Japon et une grande partie de l’Amérique latine ne vont en règle générale pas aussi loin mais au moins protègent les gays et les lesbiennes des discriminations, et parfois leur accordent l’union civile.
Une grande partie de l’Afrique francophone, de l’Asie du Sud-Est et de l’Est, et de l’ancienne Union Soviétique se sont contenté de légaliser l’homosexualité. Mais même si elle n’est pas condamnée officiellement pénalement, l’homosexualité continue d’être réprimée dans des pays comme l’Egypte, la Chine, la Turquie ou l’Irak).

Dans la catégorie « homosexualité illégale », les pays condamnent généralement l’homosexualité à des peines de prison plus ou moins longues, qui peuvent aller d’un an de prison à la prison à vie. Une minorité vont jusqu’à la peine de mort : la Mauritanie, les Etats du nord du Nigéria, le Soudan, l’Arabie Saoudite, le Yémen, les Emirats Arabes Unis, l’Afghanistan et le Pakistan). Ces pays où l’homosexualité reste illégale se concentrent sur une grande partie de l’Afrique, du Moyen Orient et de l’Asie du Sud, auxquels il faudrait rajouter quelques Etats bordant les Caraïbes et de l’Asie du Sud-Est.

Mais comment chiffrer des législations ? La solution vient par la notation selon des critères précis. C’est ce que fait annuellement l’organisation américaine non gouvernementale « Freedom House », et là je cite en partie pour expliquer leur travail et leur méthode un article de l’Atlas du Monde diplomatique, dont la vocation est d’évaluer les libertés politiques, civiles et religieuses dans le monde. Elle présente sur son site web (www.freddomhouse.org) les résultats de ses enquêtes annuelles sur la situation des libertés dans 192 pays et 60 territoires autonomes ou sous tutelle. Chaque pays est passé au crible de nombreux indicateurs (élections libres, présence d’un parlement, liberté de culte, liberté de la presse, etc..) pour chacun desquels elle donne deux notes entre 1 et 7 qui permettent de classer les pays en trois catégories : libre pour les pays notés entre 1 et 2,5 (respect quasi-total des libertés publiques), partiellement libre pour les pays notés entre 3 et 5,5 (quelques restrictions sur les libertés publiques,), et absence de liberté pour les pays notés entre 5,5 et 7 (non-respect des droits fondamentaux, système politique strictement contrôlé).

Personnellement, nous avons fait pour chaque pays une moyenne des deux notes, la première portant sur les libertés politiques, la deuxième portant sur les libertés civiles. Cela nous donne le résultat suivant.

Document 8

Ce graphique nous permet de tirer deux enseignements.

Le premier enseignement de ce graphique est qu’il existe effectivement un lien entre démocratie et tolérance de l’homosexualité. Le coefficient de corrélation est de - 0,66, ce qui est assez élevé. Ainsi il existe bien une corrélation positive entre le niveau de libertés démocratiques et la tolérance de l’homosexualité : plus un pays évolue vers la démocratie, plus la tolérance de l’homosexualité est importante. A l’inverse, plus un pays tend vers la suppression des libertés démocratiques et plus la tolérance de l’homosexualité est faible. Comment expliquer cela ?
Un pays démocratique accorde les libertés fondamentales d’opinion et d’expression à ses citoyens. De ce fait, ces derniers peuvent exprimer leurs désaccords face aux préjugés et lois homophobes sans risquer la censure ou la répression. L’expression de ces désaccords permet la mise en place de débats qui font réfléchir la société sur les problématiques de l’homosexualité, et peut à terme faire évoluer les mentalités. On peut le prouver avec l’exemple suivant : en 2000, le magazine Têtu avait commandité un sondage auprès de l’institut de la SOFRES un an après l’adoption du PaCS pour en évaluer les effets auprès de la population (document 9).


Document 9

Le sondage, réitéré d’ailleurs en 2002, indique clairement qu’une majorité de la population considère que le PaCS a permis de faire avancer les mentalités et de mieux faire accepter l’homosexualité dans la société (55% des sondés en 2000, 59 % en 2002). Mais en fait ce n’est pas le PaCs en lui-même qui a fait progresser les mentalités : ce sont les débats qui l’ont précédé. Débats entre les politiques bien sûr, mais surtout entre les citoyens. Car on pouvait parler à l’époque de débat national, largement relayé dans les médias. Et ce sont les débats, les échanges d’arguments, qui permettent de démolir véritablement les préjugés auprès d’un nombre important de personnes. Ce qui a été en partie fait à ce moment-là.
Les effets sont bien évidemment multipliés par le degré de médiatisation des débats. Or justement ceci ne peut être possible que grâce au respect de la liberté de la presse et des médias. Les effets peuvent être aussi accélérés grâce au respect des libertés de réunion et d’association : en effet, les gays et les lesbiennes peuvent eux-mêmes amorcer les débats de manière bien plus efficace grâce aux associations, aux partis politiques. Le respect de la liberté de manifestation permet aux gays et aux lesbiennes, grâce aux gayprides, de revendiquer de manière visible leurs revendications. Le pluralisme politique peut permettre aussi d’accélérer les débats, car la compétition politique engendre une volonté de se démarquer des autres partis pour récolter des votes (c’est ce qui se passe actuellement en France par exemple).
A l’inverse, dans une dictature, toute opinion divergente, toute contestation, est censurée voir réprimée. Et l’absence d’opposition et donc de pluralisme politique favorise l’inertie des débats, lorsqu’il y en a.

Le deuxième enseignement de ce graphique est qu’il est désormais plus facile d’expliquer l’homophobie dans les pays musulmans ou africains : ces pays ne sont pas des démocraties. Là est, en plus de la forte ruralité (document 6), la principale explication des très mauvaises conditions de vie des gays et des lesbiennes dans ces sociétés. Le problème n’est pas la religion mais la conservation de modes de vie rurale traditionnelle et la confiscation du pouvoir par une élite qui favorise indirectement l’inertie de la société. La France absolutiste du XVIIème siècle était dans la même situation !

Pour conclure cette deuxième partie :

Non, non, non, le problème dans la persistance de l’homophobie n’est pas la religion. Rappelons que la science peut être tout aussi néfaste, comme au temps où la médecine considérait l’homosexualité comme une maladie mentale. L’important à étudier dans l’homophobie n’est pas son origine (religieuse, naturaliste, médicale, libérale, etc…) mais son degré d’imprégnation dans les mentalités des sociétés.
Aussi, le problème de la persistance de l’homophobie doit être expliqué par un ensemble de facteurs qui favorisent la persistance des mentalités homophobes. Trouver ses facteurs peuvent permettre pour le coup d’expliquer la progression de la tolérance et de l’acceptation des gays et des lesbiennes dans une société comme celle de la France.

Pour l’instant, nous pouvons donc dire qu’une faible scolarisation (qui ne permet pas de remettre en cause les préjugés, qu’ils soient d’origines religieuses, médicales, libérales, etc..), une faible urbanisation (qui ne permet pas la constitution de communautés homosexuelles et donc ne favorise pas leur visibilité), et un régime politique anti-démocratique (qui peut ne pas permettre ni la remise en cause des préjugés, ni favoriser la visibilité homosexuelle) sont les trois grands facteurs qui expliquent la forte homophobie dans une société. C’est le cas de nombreux pays du monde musulman et d’Afrique subsaharienne, du sous-continent indien, et de l’ancien monde soviétique.

A l’inverse, nous pouvons dire qu’une forte scolarisation (qui eut permettre de remettre en cause les préjugés de toutes sortes), une forte urbanisation (qui peut permettre la constitution de communautés d’homosexuels et donc favoriser leur visibilité) et le respect des principes démocratiques (qui peuvent permettre de remettre en cause les préjugés homophobes et de favoriser la visibilité homosexuelle) sont les trois grands facteurs qui expliquent la faible homophobie dans une société. C’est ce que l’on constate en Occident.

On peut considérer que les niveaux intermédiaires de tolérance de l’homosexualité sont présents dans des pays en « transition d’acceptation de l’homosexualité ». Leurs écarts à la corrélation peuvent s’expliquer par des évolutions parfois divergentes de ces trois facteurs. Un retard dans la « transition d’acceptation de l’homosexualité » peut alors s’expliquer par le non respect des règles démocratiques comme en Russie ou en Ukraine, ou par une encore faible scolarisation jusqu’au niveau universitaire comme dans de nombreux pays d’Amérique latine ou les Philippines, ou par une plus faible visibilité des communautés gays et lesbiennes suite à une urbanisation encore insuffisante comme en Slovénie.

De plus, il ne faut pas oublier que des variables peuvent perturber ces facteurs, héritages de leurs choix politiques et économiques, de leurs structures sociales, de leur histoire. Ainsi, par exemple, les Etats-Unis ont une tolérance de l’homosexualité relativement faible (51 %) car malgré le haut niveau d’instruction de la population, la foi religieuse reste de haut niveau à cause de la concurrence des différentes Eglises. Ce marché de la foi, désigné par la théorie « de l’économie de l’offre », stimule la dévotion (voir dans le Courrier International Hors Série numéro 19 consacré à la religion l’article d’Eduardo Porter, « La foi, c’est affaire d’offre et de demande », p. 51).

Quoiqu’il en soit, nous pouvons désormais dire que la progression de la tolérance de l’homosexualité en France s’est fait en grande partie depuis que la France est devenue un pays majoritairement urbain, qualitativement instruite, et réellement démocratique (saviez-vous que l’organisation Freedom House n’a donné à la France la note maximale pour le respect des libertés civiles qu’à partir de 2002 ?).

Dans notre prochain article, nous expliquerons comment influer sur ces facteurs en proposant un modèle théorique de la « transition vers l’acceptation de l’homosexualité » dans une société et une méthode pour la mesurer.


Petite bibliographie

Les sondages
* L’enquête sur « Que pense le monde en 2002 ? » de Pew Global.
Regarder les questions 39 et 40 sur la foi religieuse et la tolérance de l’homosexualité
http://pewglobal.org/reports/pdf/185topline.pdf
* Le sondage de l’IFOP sur l’adhésion à l’opinion « L’homosexualité est une manière acceptable de vivre sa sexualité » (France 2006) – voir p. 32 :
http://www.lesechos.fr/medias/2007/0206//300139765.pdf
* Le sondage de la SOFRES sur l’adhésion à différentes opinions sur le PaCS commandé par Têtu (France 2000 et 2002)
http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/200202_sexualite_r.htm [/b]

[b]Les statistiques
* Le rapport mondial sur le développement humain, édition 2004.
Ce rapport donne les statistiques mondiales de 2002. Regarder les statistiques sur l’urbanisation, la scolarisation.
http://hdr.undp.org/reports/global/2004/francais/pdf/hdr04_fr_HDI.pdf
* Pour connaitre le taux de scolarisation net dans l’enseignement supérieur en 2002-2003, il vaut mieux consulter les rapports de l’UNESCO :
http://portal.unesco.org/education/fr/file_download.php/984285dc04a7209458bb243f47b8f0e49participationtertiaryed.pdf
* Les évaluations annuelles de l’organisation Freedom House pour noter le niveau de respect des principes démocratiques des pays du monde est consultable ici :
http://www.freedomhouse.org/uploads/fiw/FIWAllScores.xls

Les législations des pays du monde sur l’homosexualité
* le site d’Answer.com (en anglais mais très complet)
http://www.answers.com/topic/homosexuality-laws-of-the-world
* Le site de Swissgay.ch (en français – qui détaille un peu mieux les législations sur les unions homosexuelles et l’adoption, mais n’est pas aussi bien mis à jour que le site précédent)
http://www.swissgay.ch/html/body__out_rage.html


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Troisième article de la série consacrée à la place des gays et des lesbiennes dans la société française. Cette première partie pose une question simple : « Les religions sont-elles homophobes ? ». La réponse pourrait surprendre... Par notre collaborateur : Kim, 31 ans.
 

Dans les deux articles précédents, nous avions vu que la tolérance et l’acceptation de l’homosexualité et des homosexuels par la population et par la République Française avaient largement progressé en France. Ceci traduit donc une évolution des mentalités. Mais la grande question, à savoir pourquoi cette évolution des mentalités s’est faite, restait en suspend. Nous allons tenter d’apporter des réponses à ce sujet dans ce présent article en utilisant la géographie. En effet, c’est en comparant les mentalités dans le monde que nous pourrons en tirer des enseignements.

La tolérance de l’homosexualité n’est pas une chose très répandue dans le monde.

Document 1 : la tolérance de l’homosexualité dans 41 pays du monde en 2002 (document repris dans un article de Wikipedia).

L’idée de cet article m’est venue lorsque j’ai découvert sur la toile la carte ci-dessus (document 1). Cette carte représente le degré d’acceptation de l’homosexualité dans 41 pays du monde. Elle a été réalisée à partir d’un sondage lancé dans une quarantaine de pays où l’on a posé notamment la question suivante (question 40) :
« Laquelle de ces propositions est la plus proche de votre opinion : la numéro 1 ou la numéro 2 ?
- proposition n° 1 : l’homosexualité est une manière de vivre qui doit être acceptée par la société
- proposition n° 2 : l’homosexualité est une manière de vivre qui ne doit pas être accepté par la société ».
Cette question n’était qu’une parmi beaucoup d’autres, de thèmes multiples, le sondage ayant été commandité par l’organisation « Pew Global », chargée de voir ce que le monde pensait en 2002. Il est certes dommage de ne pas avoir tous les pays du monde, mais nous nous en contenterons.
La carte représente la proportion de sondés ayant répondu que la proposition n° 1 était la plus proche de leur opinion. A partir de cette carte, on peut faire une typologie grossière des régions du monde en fonction de leur tolérance de l’homosexualité :
-- l’Europe occidentale correspond à un premier groupe où l’homosexualité est très largement tolérée : la proposition n° 1 y recueille au minimum 60 % des avis, et peut dépasser les 75 % dans certains pays comme l’Allemagne (83%), la République Tchèque (83 %) et la France (77%) ;
-- l’essentiel du continent américain, le Japon et les Philippines correspondent à un deuxième groupe où la tolérance de l’homosexualité y est généralement majoritaire (ou proche de l’être dans un certains nombre de pays d’Amérique latine) : la proposition n° 1 y recueille entre 50 % et 75 % des avis des sondés (entre 40 et 50 % pour un certains nombre de pays d’Amérique latine) ;
-- l’Europe centrale et orientale et l’Afrique australe correspond à un troisième groupe où la proportion de sondés choisissant la proposition n° 1 est comprise entre 20 et 40 % : la tolérance de l’homosexualité y est donc faible.
-- enfin le reste du monde correspond à un quatrième groupe, où la tolérance de l’homosexualité est très faible, inférieure à 20 %.
Mais qu’est-ce qui peut expliquer de telles différences entre les pays et les régions du monde ? Il est temps de proposer des hypothèses et de les vérifier.
Dans cette première partie, nous allons nous interroger sur le poids de la religion dans l’homophobie.

Le poids de la religion dans l’homophobie.

Dans notre article précédent, nous avions dit que l’homosexualité était en France durant l’époque de l’Ancien Régime condamnée par la loi à des peines de mutilations ou de mort par le bûcher pour des raisons religieuses. Ainsi, au XIIIème siècle, plusieurs coutumes légiféraient sur la question, l’homosexualité étant désignée par le terme « bougrerie ». En voici quelque unes :
Coutume de Touraine-Anjou (1246)
« Si quelqu’un est soupçonné de bougrerie, la justice doit le prendre et l’envoyer à l’évêque ; et s’il en était convaincu, on devrait le brûler ; tous ses biens meubles sont au baron […]. »
Ancienne coutume d’Orléans (1260)
« Quand on aura soupçonné un homme de bougrerie, il doit être mis en prison. Les personnes d’Eglise doivent faire l’Inquisition de la foi sur lui, et demander de la foi. Et s’il est condamné, le roi le fait mettre à mort. »
« Celui qui est sodomite prouvé, doit perdre les couilles, et s’il le fait une seconde fois, il doit perdre le membre ; et s’il le fait une troisième fois, il doit être brûlé. »
« Femme qui le fait doit à chaque fois perdre un membre, et la troisième fois, doit être brûlée. Et tous leurs biens sont au roi. »
Les coutumes de Beauvaisis (1285)
« Quand quelqu’un est condamné comme bougre par l’examen de la Sainte Eglise, la Sainte Eglise doit l’abandonner à la justice civile qui doit le brûler, parce la justice spirituelle ne doit pas mettre à mort personne ».
« Qui erre contre la foi, comme en mécréance, de laquelle il ne veut venir à voie de vérité, ou qui fait sodomiterie, il doit être brûlé ».
L’Eglise condamnait en effet tout acte sexuel ne conduisant pas à la procréation, et donc condamnait la sodomie, et donc par ricochet condamnait l’homosexualité (même s’il est anachronique d’utiliser ce terme pour cette époque). Cette condamnation se basait sur plusieurs passages de la Bible, comme par exemple dans le Lévitique, chapitre XX, verset 13 : « Quand un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ce qu’ils font tous les deux est une abomination ; ils seront mis à mort, leur sang retombe sur eux »… Et aujourd’hui, si cette condamnation à la peine de mort n’existe plus, le Pape et l’Eglise catholique condamnent toujours l’homosexualité, car ils continuent à se baser sur la Bible. Les autres religions chrétiennes en font de même.
Bien d’autres religions condamnent de même la sodomie et par extension l’homosexualité.
Ces préceptes sont aussi présents dans la Torah juive : logique, puisque le Lévithique se trouve dans l’Ancien Testament…
L’Islam en fait de même. Dans le Coran par exemple, il est dit dans la sourate 4, verset 16 : « Si deux d’entre vous commettent une action infâme sévissez contre eux. S’ils se repentent et s’amendent laissez-les en paix car Dieu aime à pardonner ; Il est miséricordieux ». L’Islam rejette donc elle aussi la sodomie (et donc par ricochet l’homosexualité) désignée comme « action infâme ». Dans certains pays qui applique la Charia, on exécute des gays pour cette raison.
Les trois religions monothéistes condamnent donc l’homosexualité.

Dans le cas de l’Hindouisme, les textes des Vedas, du Manu Smriti, du Narada Smriti, et du Kama Sutra, parlent beaucoup de l’homosexualité. Mais les interprétations varient selon les époques et les sociétés. D’un côté elle peut être tolérée car elle souvent mentionnée sans forcément qu’il y ait condamnation, au demeurant généralement moins sévère que pour d’autre fait comme l’adultère ou le viol chez les hétérosexuels par exemple. D’un autre côté, elle est décriée car l’absence de possibilité de reproduction au sein d’une relation homosexuelle briserait le cycle de la renaissance et de la réincarnation.
Le Bouddhisme, quand à lui, ne condamne par contre pas explicitement l’homosexualité (sauf pour les moines). Puisque l’essentiel est de ne pas s'engager dans des actions ayant pour conséquence la souffrance d'autrui ou de soi-même, une relation homosexuelle consentante basée sur l’amour, le respect et la fidélité est jugée comme respectant le principe de la « conduite sexuelle éthique ». Toutefois, certains religieux condamnent l’homosexualité en disant que les homosexuels ne respectent pas ce principe, car la relation sexuelle homosexuelle ne pouvant permettre la procréation, elle ne peut donc qu’être une recherche du plaisir non forcément conforme au troisième principe de la « conduite sexuelle éthique ». Ainsi, tout repose sur l’interprétation de ce troisième principe, interprétation qui varie selon les sociétés et les époques.
Les différences d’interprétation existent aussi dans le Shintoïsme : si certains disent que l’homosexualité ne conduit pas à la procréation et brise ainsi la chaine de transmission du culte des ancêtres, d’autres disent que rien n’empêchent l’adoption pour permettre la transmission du culte des ancêtres.
Le Confucianisme rejette plus facilement l’homosexualité car les rôles des hommes et des femmes y sont plus clairement définis et insiste plus sur l’importance de la famille (et donc de la procréation).
Quand au Taoïsme, il ne condamne pas explicitement l’homosexualité, mais puisqu’il parle beaucoup du ying et du yang, deux opposés complémentaires (comme un homme et une femme), une relation homosexuelle peut être considérée comme une union de deux ying, ou deux yang, ce qui provoque un déséquilibre contraire au précepte taoïste.
Ainsi, dans les religions orientales, l’homosexualité n’est pas forcément condamnée religieusement, mais cela reste à l’interprétation des textes, interprétation qui varient selon les sociétés et les époques.

Je n’ai pas d’information pour les religions animistes traditionnelles, mais on peut dors et déjà à priori dire que de manière générale, les religions sont donc ou peuvent être plutôt hostiles à l’homosexualité, arguant généralement la faute, l’impossibilité de reproduction. A partir de ces faits, peut-on dire qu’il existe un lien entre religion et intolérance de l’homosexualité ? A première vue, à partir de ce que nous avons dit, on serait tenté de dire oui. Quoique…

L’intolérance de l’homosexualité n’est pas liée à la religion mais à l’intensité de la foi religieuse.

Pour vérifier s’il existe un lien entre l’intolérance de l’homosexualité et la religion, nous avons utilisé un deuxième sondage de l’organisation « Pew Global », réalisé dans la même série de sondages de 2002.
La question posée (question n° 39) était la suivante :
« Laquelle de ces propositions est la plus proche de votre opinion : la numéro 1 ou la numéro 2 ?
- proposition n° 1 : il n’est pas nécessaire de croire en Dieu pour être moral et avoir de bonnes valeurs
- proposition n° 2 : il est nécessaire de croire en Dieu pour être moral et avoir de bonnes valeurs ».
Ce sondage peut traduire l’intensité de la foi religieuse. Les différents pays ont été mis sur un même graphique en fonction des deux sondages précités n° 39 et 40. Cela nous donne le document 2 ci-dessous.

Document 2

L’observation de ce graphique enseigne d’abord qu’effectivement il existe un lien entre les deux variables, puisque le nuage de points s’inscrit grosso-modo sous la forme grossière d’une ligne. Le calcul du coefficient de corrélation entre les deux variables le confirme : il est en effet de -0.69, ce que est quand même assez significatif.
Hum ? Ah, oui, il va falloir peut-être expliquer ce qu’est un coefficient de corrélation. Alors petite parenthèse : un coefficient de corrélation est un indicateur compris entre -1 et 1 pour mesurer si deux variables sont liées l’une à l’autre. Si le coefficient de corrélation est proche de 1, c’est que les deux variables sont corrélées (= liées) positivement entre elles (par exemple, plus X est grand, plus Y est grand). Si le coefficient de corrélation est proche de -1, c’est que le les variables sont corrélées négativement entre elles (par exemple, plus X est grand, plus Y est petit). Si le coefficient de corrélation est proche de 0, alors on ne peut rien dire. Enfin, il est à savoir que corrélation ne rime pas forcément avec causalité : il faut donc utiliser cet outil statistique avec prudence car on peut facilement en déduire de fausses conclusions. Ceci dit, je referme la parenthèse.
Ainsi, ce coefficient de corrélation de – 0,69 montre que plus la foi religieuse est importante, plus la tolérance de l’homosexualité est faible. Ce sont les pays occidentaux, où progresse la laïcité, qui sont les plus tolérants envers l’homosexualité. Inversement, ce sont les pays du monde musulman et d’Afrique, visiblement très croyants, qui sont les plus intolérants envers l’homosexualité.
Attention toutefois, il serait dangereux de conclure que l’Islam est la source de cette intolérance. Il s’agirait plutôt de dire que c’est l’importance de l’intensité de la foi religieuse des populations dans ces pays qui explique cette intolérance, ce qui explique une politique répressive. Un livre religieux (ici le Coran), ne peut en effet à lui seul tout expliquer : la preuve en est avec les pays chrétiens ou d’origine culturelle chrétienne, c'est-à-dire les pays d’Europe occidentale, d’Amérique latine, les Etats-Unis, les Philippines ou l’Afrique du Sud, qui se différencient ici non par la Bible mais par leur différence d’intensité de foi religieuse, ce qui influe sur leur degré de tolérance de l’homosexualité, et se faisant sur la législation.

Document 3

Ce lien entre intensité de la foi religieuse et tolérance de l’homosexualité se vérifie dans un sondage réalisé en France en 2006 par l’institut IFOP. Une des questions du sondage porte sur l’adhésion à l’opinion « Un enfant s’épanouit de la même manière si ses parents vivent en couple hétérosexuel ou homosexuel ». On constate que les réponses positives (« tout à fait d’accord » et « plutôt d’accord » mis ensemble) s’accroissent en même temps que décroit l’intensité de la foi religieuse des sondés : les catholiques pratiquant répondent positivement à 26 %, contre 42 % pour les catholiques non pratiquant et 67 % pour ceux qui se déclarent sans religion !

Pour conclure cette première partie

Ainsi, à mon sens, il ne faut donc pas étudier l’homophobie en fonction des doctrines et croyances religieuses mais en fonction de l’intensité de la foi religieuse des populations. Cela permet d’une part d’éviter de stigmatiser des religions : beaucoup s’en sont pris à l’Islam lors de la médiatisation de l’exécution de ces deux jeunes Iraniens durant l’été 2005 pour homosexualité, blâmant cette religion, le Coran, la Charia appliquée dans certains de ces pays musulmans qui condamnent à mort des homosexuels. C’est à mon sens un mauvais procès. L’Occident chrétien n’a pas fait mieux en son temps, où l’homosexualité était condamnée au bûcher au Moyen Age. Et pourtant les choses ont évolué, alors que la Bible est restée la même.


Image n° 1 : Bûcher du Chevalier de Hohenberg et de son valet, accusés de sodomie, en 1482, devant Zurich
Photo n° 2 : Exécution de Mahmoud Asgari et Ayaz Marhoni, l’un âgé de 18 ans, l’autre mineur, le 19 juillet 2005, à Mashhad (Iran), accusés de sodomie et de viol sur un mineur de 13 ans (sachant que toute relation sexuelle avec un mineur y est automatiquement qualifiée de viol).

Nous ne nions pas le poids des croyances et doctrines religieuses dans l’homophobie. Mais il n’est pas aussi important que certains le dise. Aussi, il n’est pas nécessaire pour autant d’opposer Islam et Christianisme par exemple dans ce que certains appellent encore « le choc des civilisations », concept des années 1990’ de Huntington pour expliquer le monde, et que certains reprennent pour expliquer les différences d’homophobies dans le monde. Il est erroné. Il vaut mieux opposer les pays où progresse la laïcité, et les pays où progresse le fondamentalisme religieux. La nuance est de taille car elle change totalement les problématiques de recherches. Elle modifie la comparaison entre l’Occident et le monde musulman par exemple sur les questions homosexuelles. Il ne s’agit donc pas d’étudier les textes religieux, mais les causes et les conséquences du regain ou de la décrue de l’intensité de la foi religieuse dans une société. C’est ainsi que l’on pourra comprendre pourquoi et comment progressent la tolérance de l’homosexualité en France et dans le monde. C’est sur quoi nous nous pencherons dans la deuxième partie de notre article.


Petite bibliographie

Pour les sondages
* sondage réalisé par Pew Global dans 44 pays du monde en 2002, pour savoir ce que le monde pense en 2002.
Pour cette première partie, il n’a été utilisé que les questions 39 et 40.
Question 39
« Laquelle de ces propositions est la plus proche de votre opinion : la numéro 1 ou la numéro 2 ?
- proposition n° 1 : il n’est pas nécessaire de croire en Dieu pour être moral et avoir de bonnes valeurs
- proposition n° 2 : il est nécessaire de croire en Dieu pour être moral et avoir de bonnes valeurs ».
Question 40
« Laquelle de ces propositions est la plus proche de votre opinion : la numéro 1 ou la numéro 2 ?
- proposition n° 1 : l’homosexualité est une manière de vivre qui doit être acceptée par la société
- proposition n° 2 : l’homosexualité est une manière de vivre qui ne doit pas être accepté par la société ».
Attention, pour la question 40, plusieurs pays participant au sondage n’ont pas participé à cette question précise pour des raisons diverses : la Tanzanie, la Chine, et l’Egypte.
http://pewglobal.org/reports/pdf/185topline.pdf
* sondage réalisé par IFOP en France en 2006 sur l’adhésion à l’opinion « Un enfant s’épanouit de la même manière si ses parents vivent en couple hétérosexuel ou homosexuel ».
http://www.ifop.com/europe/docs/famille.pdf
* Pour la carte du document qui n’a pas été réalisée par mes soins (pour une fois)
http://en.wikipedia.org/wiki/Societal_attitudes_towards_homosexuality

Pour les religions et l’homosexualité
* BORILLO Daniel, LANG Jack, 2007, « Homosexuels. Quels droits ? », Dalloz
Ce tout petit recueil à prix réduit (2 €) retrace l’histoire des droits des homosexuels depuis l’Antiquité gréco-romaine à la France d’aujourd’hui. Ce petit livre de droit vaut beaucoup pour les textes religieux et législatifs en vigueur auparavant ou actuellement qui sont retranscrit à la fin. Déjà cité en bibliographie de l’article précédent. C’est du petit, mais du concentré.
* MONNERET Jean-Luc, 2003, « Les grands thèmes du Coran », éditions Dervy
Ce livre classe les versets du coran par thème. Très pratique pour s’y retrouver et étudier l’Islam, puisque le Coran original n’est pas classé par ordre thématique ou chronologique mais par ordre de longueur.
* sur internet, le site anglophone « Answer.net » reprend dans une mise claire et complète les articles anglophones sur le sujet pour de nombreuses religions. Beaucoup n’ont pas été traduit en français sur le Wikipedia francophone. En tout cas c’est très complet pour ceux qui maitrisent l’anglais.
http://www.answers.com/topic/religion-and-homosexuality
* pour ceux qui ne serait pas anglophone, l’équivalent francophone sur « Wikipédia » mais en bien moins complet.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Homosexualit%C3%A9_et_religion
Ces deux sites sont en tout cas pratiques pour se renseigner sur les religions asiatiques.


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Deuxième article d'une série consacrée à la place des gays et des lesbiennes en France. Un peu d'histoire, et un état des lieux de l'opinion publique sur les revendications actuelles et sur les propositions des candidats aux élections de 2007. Par notre collaborateur : Kim, 31 ans.

Avertissement : cet article a été écrit en avril 2007, juste avant l'élection présidentielle.


Notre article précédent avait démontré que les gays et les lesbiennes étaient de mieux en mieux acceptés par la société française. Comment cette évolution s’est-elle traduite dans les lois ? Autrement dit comment a évolué la législation envers les homosexuels dans la République française ?
Cet article n’est nullement cette fois-ci un produit de ma recherche mais une sorte de compilation/rappel/résumé de ce qui a déjà été fait sur la question, sauf dans la création des documents et la partie sur l’opinion publique. Ce sujet est en effet assez courant dans la recherche – c’est la popularité de l’Histoire avec un grand « H » : il n’y a qu’à voir la présence de livres sur la question. Alors pourquoi le faire ici me direz-vous ? Et bien d’abord parce que les ouvrages en librairie ou articles sur internet traitent plus souvent de l’histoire mondiale ou occidentale que française. L’histoire des gays et des lesbiennes à l’échelle nationale est donc déjà moins courante. Or elle est aussi spécifique car les différents pays du monde ne connaissent pas les mêmes évolutions aux mêmes rythmes ni pour les mêmes raisons. Et puis deuxièmement parce que j’en ai besoin pour mes articles suivants : une question de lien logique entre les articles, tout simplement.
Il ne s’agit pas ici de retracer précisément toute l’histoire de l’homosexualité en France. Nous nous intéresserons essentiellement à ce qui se passe depuis une génération, soit depuis la décennie 1970’, puisque nos statistiques de nos sondages remontent pour les plus anciens à 1973 (voir article précédent).

Document 1

On pourra juste rapidement rappeler que la France d’Ancien Régime considérait l’homosexualité comme un crime religieux, une perversion de la nature créée par Dieu. Ce « crime » pouvait être passible de tortures ou/et de la peine de mort. La Révolution Française supprima cette discrimination légale avec l’abolition de la pénalisation de la sodomie en 1791. On ne parla pourtant pas à partir de cette époque de pleine liberté et encore moins d’égalité, car si l’homosexualité n’était pas condamnée pénalement (la législation française étant là, et pendant longtemps, en avance sur son temps), elle n’était pas reconnue légalement non plus, et donc non protégée contre l’intolérance et les discriminations : la loi, ou plutôt l’absence de loi discriminatoire, ne correspondait pas avec les préjugés homophobes de la population. Pire, la science essaya d’expliquer l’homosexualité et affirma qu’elle était une maladie mentale au milieu du 19e siècle…
La défaite française en 1940 face aux nazis et la mise en place de la France réactionnaire de Vichy, gouvernée par Pétain, firent reculer les droits des homosexuels avec la pénalisation de l’homosexualité la même année : cette criminalisation, véritable discrimination légale, fit que l’on pouvait être emprisonné de 6 mois à 3 ans pour homosexualité, sans compter les peines d’amende. Cette pénalisation de l’homosexualité ne fut pas remise en cause après la chute du gouvernement de Vichy en 1944 : cela empêcha des déportés homosexuels de témoigner de l’horreur des camps et de réclamer justice.
Les choses ne s’arrangèrent pas sous la IVe République. En 1960, l’homosexualité fut officiellement considérée comme un fléau social contre lequel il fallait lutter. Ainsi, par exemple, l’homosexualité devint une circonstance aggravante en matière d’outrage à la pudeur. En 1968, la France adopta officiellement la classification des maladies mentales de l’Organisation Mondiale de la Santé. Et alors allez vous me dire ? Et bien l’homosexualité faisait partie de cette classification (elle n’en sera retirée par l’OMS qu’en 1993)… Bref, considérés comme des pervers, des malades, un fléau social qui menaçait la société, on comprend que la police tentait de les ficher. Non, on ne peut pas dire que la vie des homosexuels fut rose à cette époque ...
Venons-en aux événements depuis une génération, qui nous intéressent plus particulièrement dans cet article.

Le début des années 1980’ : la conquête de la liberté

Document 2 (repris de l’article précédent)

En 1973, un sondage indiquait que 24 % des Français considéraient l’homosexualité comme une manière acceptable de vivre sa sexualité. C’était peu. Il faut dire que l’essentiel de la population pensait que l’homosexualité était une maladie, héritage des travaux scientifiques du XIXe siècle, ou une perversion, héritage d’une culture chrétienne. Mais en même temps c’était beaucoup pour l’époque : mai 68 et la révolution sexuelle étaient passés par là. Cela avait permis la création d’un embryon de mouvement homosexuel politisé qui osa réclamer la fin de la pénalisation de l’homosexualité dès la première Gay Pride indépendante de 1977, réunissant un millier de personnes. En 1981, les sondages indiquaient une légère hausse des personnes déclarant l’homosexualité comme une manière acceptable de vivre sa sexualité, qui étaient désormais 29 % des sondés. Mais ce n’est pas là que réside l’importance de l’année 1981. En avril, un mois avant les élections présidentielles, la Gay Pride réunissait 10.000 manifestants : cela était suffisant pour que la Gauche, qui espérait remporter les élections, promette de dépénaliser l’homosexualité.
La suite de l’histoire, on la connait : François Mitterrand fut élu président de la République en mai, et la Gauche remporta les élections législatives en juin. Dès lors le vent tourna. Durant le même mois que la victoire de la gauche, le fichage des homosexuels fut interdit, l’homosexualité fut retirée en France de la liste des maladies mentales, et l’obligation pour les homosexuels de disposer de leur logement « en bon père de famille » fut supprimée. Un an plus tard, en 1982, sous l’impulsion du ministre de la justice Robert Badinter, l’homosexualité fut dépénalisée : ce fut la fin de la discrimination légale et pénale, un symbole de liberté.

Photo n° 1 : le président de la République François Mitterrand (1981-1995)
Photo n° 2 : le ministre de la Justice Robert Badinter (1981-1986).

Les années 1985-1999 : la pause juridique

Enfin, il fut ajouté en 1985 dans l’article 225-1 du code pénal la pénalisation des discriminations fondées sur les mœurs, au même titre que les discriminations racistes ou sexistes. Le mot « mœurs » a été utilisé à défaut de celui de « sexualité », ou « orientation sexuelle », ou tout simplement « homosexualité », aussi bien pour en faciliter le vote que pour élargir son action. Mais pour le coup cela en a aussi dilué son sens et sa portée. Voilà pourquoi cette extension de la loi qui pouvait inclure la protection contre les discriminations homophobes est souvent oubliée du bilan de la Gauche sur les questions homosexuelles. C’est aussi pour cela que je ne l’ai pas intégrée dans ma frise chronologique.
Après cela, les choses vont s’arrêter là pendant presque deux décennies. La liberté, oui, mais l’intolérance restait de mise, l’homophobie ordinaire persistait, tout comme les discriminations homophobes dont les homosexuels n’étaient pas réellement efficacement protégés. Il faut dire aussi que le militantisme homosexuel s’était en partie assoupi après la dépénalisation de 1982 : la preuve en est que durant les années 1983-1990, les Gay-Prides ne rassemblèrent que 3.000 manifestants en moyenne, soit 3 fois moins qu’en 1981. Et puis, il est vrai que cette période fut aussi celle des années SIDA, dont les communautés homosexuelles furent durement touchées : l’idée de maladie mentale était alors progressivement remplacée par l’idée de malades extrêmement contagieux et dangereux d’approcher de trop près. Non, ce n’était pas mieux. L’idée de châtiment divin n’était pas forcément loin non plus. Tout cela a eut une conséquence : il faudra attendre le milieu des années 1990’ pour avoir enfin 50 % de la population qui considère l’homosexualité comme une manière acceptable de vivre sa sexualité !

A partir de 1999 : la conquête de l’égalité

Document 3

La deuxième moitié des années 1990 va venir bousculer ces presque deux décennies d’immobilisme. Il faut dire que plusieurs éléments favorables vont permettre cette évolution. En premier lieu, la reprise accentuée d’un militantisme homosexuel, liée aux désastres du SIDA, qui a particulièrement mis en lumière les problèmes de succession entre partenaires d’un couple homosexuel. La revendication était claire : il fallait reconnaitre légalement les couples homosexuels pour permettre la transmission des biens, au nom de l’égalité républicaine !
C’est ce qui explique en grande partie la montée progressive mais spectaculaire du nombre de participants à la Gay Pride, pour culminer à 300.000 manifestants (selon les organisateurs) en 1997 alors qu’il y en avait dix fois moins trois ans plus tôt (document 3) ! C’est un deuxième élément favorable. Comment expliquer cette démultiplication ?
Bien sûr, il y a la poursuite de la progression de l’idée que « l’homosexualité est une façon acceptable de vivre sa sexualité », qui devint enfin majoritaire au sein de la population (55 % en 1997), ce qui encouragea la visibilité. Bien sûr, la Gay Pride de 1997 était aussi une Europride, c'est-à-dire qu’elle attira des Européens en plus des manifestants français. Mais il y a eut aussi, pour ne pas dire surtout, la victoire de la Gauche Plurielle aux élections législatives de mai-juin 1997, notre troisième élément favorable : le but était de faire pression pour réclamer des droits.
Il fallu attendre un an et demi de débat national passionné pour que naisse en 1999 le Pacte Civil de Solidarité (PaCS), soutenu par des militants comme Jan-Paul Pouliquen, et par des députés comme Jean-Pierre Michel, Patrick Bloche, ou Roselyn Bachelot. Le PaCS reconnaissait enfin légalement les couples homosexuels. Et d’une certaine manière, aussi, indirectement, l’homosexualité qui, grâce au débat national, était de mieux en mieux acceptée par la population : la proportion de sondés déclarant penser que « l’homosexualité est une manière comme une autre de vivre sa sexualité » passa rapidement de 55 % en 1997 à 61 % en 1998, puis à 71 % en 2001.

Photo n° 3 : le député Jean-Pierre Michel
Photo n° 4 : le député Patrick Bloche
Photo n° 5 : la députée Roselyn Bachelot

On aurait pu penser que les débats sur le PaCS, si passionnés et virulents, même au sein de l’Assemblée nationale, auraient freiné pendant un long moment la poursuite des conquêtes de droits pour accéder enfin à l’égalité. Mais il n’en fut rien… d’autant que la progression des droits des homosexuels ne se fit pas principalement sur l’amélioration du PaCs comme on aurait pu s’y attendre, mais sur d’autres fronts.
En effet, la construction européenne allait permettre de poursuivre le mouvement vers l’égalité. Car effectivement, la signature en 2000 par la France du traité européen d’Amsterdam l’engageait à transposer dans sa législation l’article 13 relative à la lutte contre les toutes les formes de discriminations « fondées sur le sexe, la race, ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ». C’est ainsi que la France élargissait ses lois nationales contre les discriminations en l’étendant à d’autres catégories de personnes, et notamment en raison de l’orientation sentimentale ou sexuelle, lors de l’adoption de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Les modifications portaient sur les articles 225-1 et 225-2 du Code Pénal qui définissaient les discriminations et leurs sanctions pénales, et surtout sur le Code du Travail, protégeant ainsi mieux les homosexuels dans le monde de l’entreprise. Les discriminations homophobes sont ainsi clairement définies, contrairement à 1985, et donc plus facilement pénalisées : c’est le début de la marche vers l’égalité.
Le retour en 2002 d’un gouvernement de droite après la nouvelle victoire de Jacques Chirac en 2002 aurait pu faire craindre au mieux un gel de l’avancée des droits des homosexuels, au pire, un retour en arrière, suite aux déclarations enflammées de certains parlementaires qui avaient déclaré en 1999 qu’ils supprimeraient le PaCs sitôt revenus au pouvoir. Il n’en fut rien.
En effet, déjà, l’opinion publique évolua vers toujours plus de tolérance envers les homosexuels, et même en s’accélérant : la proportion de sondés déclarant que « l’homosexualité est une manière comme une autre de vivre sa sexualité » continuait de progresser et passait ainsi de 71 % en 2001 à 78 % en 2006. Plus encore, l’acceptation des gays et des lesbiennes progressaient aussi : rappelons ce que nous avons dit dans notre article précédent, soit la hausse de l’acceptation des gays et des lesbiennes, symbolisée par la progression de 16 % en 2000 à 32 % en 2006 de personnes déclarant que cela ne les gênerait pas qu’ils aient un enfant homosexuel, au dépend de la simple tolérance, qui chutait de 64 % en 2000 à 51 % en 2006. Les débats du PaCS, la plus grande visibilité des homosexuels dans les médias, comme par exemple Thomas de Loft Story 2 en 2002, qui aura contribué à rendre sympathique les homosexuels auprès d’un nombre important de téléspectateurs, ont en effet largement accéléré les changements de mentalités de la société française. De toute façon, même de nombreux politiques de droite avaient fini par voir évoluer leurs opinions sur la question.

Photo n° 6 : le président de la République Jacques Chirac (1995-2007)
Photo n° 7 : le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy (2002-2004 ; 2005-2007)

En mars 2003, l’adoption de l’article 47 de la loi sur la sécurité intérieure sous l’impulsion du Ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy permit de classer l’homophobie comme circonstance aggravante lors de la réalisation de crimes liés à l’homophobie ou à l’orientation sentimentale et sexuelle vraie ou supposée des victimes, crimes dont les peines peuvent alors être aggravées. Ceci est alors inscrit dans l’article 132.77 du Code Pénal.
Mais il y a eut des événements encore plus déterminants. En janvier 2004, l’agression dont a été victime Sébastien Nouchet où il été brulé vif fit la une des journaux et sensibilisa l’opinion publique sur l’homophobie, de même que les politiques, jusqu’au président Jacques Chirac lui-même qui s’engagea personnellement. La médiatisation de cet événement (et les débats sur le mariage gay de Bègles – nous y reviendrons plus loin) va ainsi permettre à la lutte contre l’homophobie d’être intégrée rapidement dans le projet de loi portant sur la création de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) créée en décembre 2004. L’homophobie était désormais criminalisée : par exemple les propos homophobes étaient désormais sanctionnés par la loi.
Ainsi, ces deux avancées législatives votées par une majorité de Droite venaient compléter les lois de 2001 votées par la Gauche. Ceci concluaient la législation sur la lutte contre l’homophobie, et la plaçaient à égalité avec la lutte contre d’autres discriminations comme le racisme ou le sexisme. Il s’agit donc véritablement d’un symbole de lutte officielle et engagée contre les inégalités et un véritable pas vers l’égalité citoyenne … qui est passé un peu inaperçu.
Eh, oui, inaperçu car, en plus d’une communication insuffisante sur le sujet, le regard des gays et des lesbiennes se tournaient déjà vers le droit au mariage et à l’adoption. Il faut dire que beaucoup constataient les imperfections du PaCS, considéré par certains comme une union de seconde zone. Les critiques fusaient depuis sa création, et du soulagement d’avoir enfin un statut légal est né rapidement une envie soit d’améliorer le PaCS pour lui donner les mêmes droits qu’au mariage, soit l’ouverture au mariage pour les homosexuels. Et un événement aux Etats-Unis allait bousculer les débats en France…

Les droits au mariage et à l’adoption : les dernières revendications ?

Photo n° 8 : le maire de San Francisco Gavin Newsom après avoir célébré un mariage lesbien en mars 2004.
Photo n° 9 : le maire de Bègles Noël Mamère célèbre un mariage gay en juin 2004.
Photo n° 10 : le premier ministre espagnol José Luis Zapatero qui a fait voter le mariage gay en Espagne en juin 2005.

Tout commença véritablement en fait avec un événement de l’actualité internationale qui remit le sujet de la reconnaissance des couples homosexuels au goût du jour. Lorsqu’en mars 2004, Gavin Newsom, le maire démocrate de San Francisco, maria à tour de bras des gays et des lesbiennes en toute illégalité car le mariage gay n’était pas reconnu par l’Etat de Californie, ni par aucun Etat américain d’ailleurs, cela créa un débat médiatique et politique retentissant aux Etats-Unis … et dans le monde. Si le but était de relancer le mouvement pour le mariage homosexuel aux Etats-Unis, sa couverture médiatique mondiale fera rouvrir le débat sur le statut légal des couples homosexuels en France.
C’est ainsi que le député-maire vert Noël Mamère, s’inspirant de l’action de Gavin Newson, organisa le très médiatisé mariage gay de Medhi et Christophe à Bègles en juin 2004. Le mariage était bien évidemment illégal, mais réalisé en connaissance de cause : si l’annulation juridique était à prévoir, l’objectif était de créer un précédent pour faire prononcer par la justice le côté discriminatoire du mariage. Le battage médiatique créa un nouveau débat national passionné. La droite, qui s’illustra par son opposition le plus souvent clairement affichée, tenta bien en échange de lutter contre l’homophobie (d’où l’intégration de la lutte contre l’homophobie dans la HALDE), mais les gays et les lesbiennes ne retiendront que leur opposition virulente au mariage.
L’annulation du mariage de Bègles aurait pu faire penser que les revendications sur l’ouverture du droit au mariage des couples homosexuels serait gelé pour encore un long moment. Et non : l’actualité internationale, là encore, allait remettre le sujet sur le tapis.
En effet, en juin 2005, le gouvernement de gauche du socialiste Jose Luis Rodriguez Zapatero ouvrit le droit du mariage aux homosexuels. L’Espagne devint ainsi le cinquième pays à rendre légal le mariage gay après le Danemark en 1989, les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2003, et le Canada en 2004. L’Espagne ne faisait qu’appliquer les recommandations de 2003 du Parlement Européen, qui, dans son rapport annuel sur les droits fondamentaux de l’Union Européenne, préconisait aux Etats membres « d'abolir toute forme de discrimination - législatives ou de facto - dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d'adoption d'enfants ».
Cet événement marqua durablement les socialistes français qui étaient jusque là restés réservés sur la question du mariage gay : pour eux, ce mariage gay pouvait devenir une réalité. Ils rejoignirent alors les communistes et les verts qui étaient les plus ouverts à la question. Plus, ils ajoutèrent le droit à l’adoption dans leurs promesses électorales. Bref, les politiques français s’emparèrent du sujet.

La position des candidats sur le mariage et l’adoption durant la campagne électorale de 2007


Les affiches des candidats à la Présidentielle 2007.

Pour résumer, les candidats de Gauche sont favorables au mariage et à l’adoption. Les candidats du Centre et de Droite proposent une union civile équivalente au mariage en termes de droits, mais s’opposent globalement à l’adoption, sauf dans le cas particulier du conjoint d’un parent homosexuel au sein d’un couple homosexuel pour le candidat centriste. Les candidats d’Extrême-Droite ou Droite Nationale s’opposent aux deux mesures.

Pour le mariage homosexuel :
Olivier Besancenot (LCR), Marie-Georges Buffet (PCF), José Bovet (altermondialiste), Dominique Voynet (les Verts), Ségolène Royale (PS).

Contre le mariage homosexuel mais pour une union civile signée en mairie et ouvrant les mêmes droits qu’aux mariés (reprenant le système anglais, en dehors du droit à l’adoption) :
François Bayrou (UDF), Nicolas Sarkozy (UMP).

Contre le mariage homosexuel :
Philippe DeVilliers (MPF), Jean-Marie LePen (FN)

Pour l’abolition du PaCS (inscrit au programme du FN, même si quelques déclarations de Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen donnent à penser qu'ils sont pour le statu quo) :
Jean-Marie LePen (FN)

Pour l’adoption par les couples homosexuels :
Olivier Besancenot (LCR), Marie-Georges Buffet (PCF), José Bovet (candidat libre), Dominique Voynet (les Verts), Ségolène Royale (PS).

Favorable uniquement à l’adoption simple, c'est-à-dire à l’adoption par le conjoint de l’enfant de son partenaire dans un couple homosexuel :
François Bayrou (UDF).

Contre l’adoption par des couples homosexuels :
Nicolas Sarkosy (UMP), Philippe DeVilliers (MPF), Jean-Marie LePen (FN)

Ne se sont pas prononcés sur la question :
Arlette Laguillet (FO), Gérard Schivardi (Parti des Travailleurs), Frédéric Nihous (CPNT)

Bien sûr, cette présidentielle et les législatives qui vont suivre ne parlent pas que de ces deux questions. Il s’agit aussi de poursuivre la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle, d’établir une législation favorable aux transsexuels, de mettre au clair la prévention des maladies (type SIDA) et des suicides touchant des homosexuel(le)s, de s’interroger sur la procréation médiale assistée, de la place de la France dans la lutte contre l’homophobie dans le monde, etc..
Pour tous ces sujets, je vous encourage à lire l’analyse des réponses d’un questionnaire donné aux candidats par l’inter-LGBT en cliquant sur le lien ci-dessous :
http://www.inter-lgbt.org/spip.php?article693

Que pensent les Français de ces revendications ?

Documents 4 et 5

S’il est encore trop tôt pour connaitre le vainqueur des prochaines élections, et donc savoir si les droits au mariage et à l’adoption seront adoptés au cours de la prochaine législature, le débat est en tout cas lancé, aussi bien chez les politiques en campagne électorale qui prennent tous position sur le sujet, que la population qui suit de prêt la campagne électorale, d’autant qu’elle est régulièrement sensibilisée à la question depuis plusieurs années, notamment par le PaCS de 1999 et le mariage de Bègles de 2004, ou l’ouverture récente du mariage dans des pays voisins comme la Belgique en 2003 ou l’Espagne en 2005.
En tout cas, les nouveaux sondages qui abordent les thèmes du mariage et de l’adoption (documents 4 et 5) depuis la loi sur le PaCS de 1999 montrent la progression des avis favorables au mariage (48 % en 2000, 61 % en 2006) et à l’adoption (29 % en 2000, 44 % en 2006) pour les homosexuel(le)s. Cette évolution est parallèle à celle de la progression de l’acceptation de l’homosexualité par les Français (document 2) : l’évolution de la perception de l’homosexualité par la population a donc pour conséquence de faire aussi évoluer sa perception de leurs droits.
On remarquera quand même que la perception par la population des droits des homosexuels est très inférieure à celle de l’homosexualité en terme de proportions : rappelons en effet qu’en 2006 donc, les sondages indiquent 78 % d’opinions favorables envers l’homosexualité, contre seulement 61 % d’opinions favorables pour le mariage homosexuel, et 44 % pour le droit d’adoption. Ceci s’explique par des réticences, bien plus prononcées sur la question de l’adoption que du mariage, et souvent marquées de méconnaissance ou de préjugés, que nous expliquerons dans un autre article.

Pour conclure, la République française est passée en une génération de l’homophobie légale au respect des droits de l’homme.

Les homosexuels sont ainsi passés en une génération seulement de l’état de criminels et de malades mentaux (jusqu’en 1981-1982) à l’état de personnes libres mais simplement tolérées, un peu comme des citoyens de seconde zone, car non reconnus ni protégés contre les inégalités et les discriminations (clairement jusqu’en 1999) ; puis ils accèdent progressivement à partir de 1999 à l’état de véritables citoyens intégrés par la République, où l’égalité et la lutte contre l’homophobie furent clairement affirmées par le vote successif de différentes lois luttant contre les inégalités, les discriminations et les crimes liées à l’orientation sentimentale ou sexuelle. Si les droits au mariage et à l’adoption venaient à être adoptés durant la prochaine législature, cela viendrait ainsi à priori conclure le long combat pour l’abolition des différentes inégalités et discriminations légales ou de facto dont étaient victimes les gays et les lesbiennes en France, et cela représenterait la plus rapide conquête des droits d’une catégorie de population vers la liberté et l’égalité dans l’histoire de la République.
Tout ceci n’a pu se faire bien évidemment qu’avec l’engagement de militants, avec des démonstrations politiques comme la Marche des Fiertés, et avec des hommes et des femmes politiques qui ont fait du droit à l’égalité pour les homosexuels leur combat, parfois à contre courant de l’opinion publique, ce qui est une preuve remarque de courage politique. Mais tout ceci s’est fait aussi parce que les mentalités ont évolué vers plus de tolérance et d’acceptation. Nous tenterons d’expliquer dans nos prochains articles pourquoi et comment les mentalités ont ainsi évolué.


Petite bibliographie

Quelques références côté livres pour en connaitre un peu plus sur l’histoire et l’évolution des droits des homosexuels en France
- ALDRICH Robert (dir.), 2006, « Une histoire de l’homosexualité », Seuil
- SPENCER Colin, 2005, « Histoire de l’homosexualité de l’antiquité à nos jours », Pocket (réédition)
Pour une vision plutôt globale et mondiale.
- MARTEL Frédéric, 2002, « L’homosexualité, la longue marche des gays », Gallimard
L’auteur retrace l’histoire des gays dans la deuxième moitié du XXème siècle en France. De nombreux documents et photographies.
- BORILLO Daniel, LANG Jack, 2007, « Homosexuels. Quels droits ? », Dalloz
Ce tout petit recueil à prix réduit (2 €) retrace l’histoire des droits des homosexuels depuis l’Antiquité gréco-romaine à la France d’aujourd’hui. Ce petit livre de droit vaut beaucoup pour les textes religieux et législatifs en vigueur auparavant ou actuellement qui sont retranscrit à la fin.
- PERREAU Bruno, 2005, « Homosexualité », Librio.
Autre petit recueil à prix réduit (2 €), le chapitre 8 « Les droits des homosexuels » condense en 12 pages la législation en vigueur de façon thématique. Un bon résumé pratique à consulter.

On continue mais cette fois-ci sur Internet
- un résumé d’histoire rapide mais plutôt bien fait sur Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Homosexualit%C3%A9
- pour aller plus loin : RIETHAUSER Stéphane, 2007, « Histoire de l’homosexualité »
http://www.lestoilesroses.com/0-categorie-1053670.html
- une chronologie assez complète avec parfois des extraits de lois
http://www.lgbth.com/histoire/europe/france.html
- un autre chronologie, qui ne concerne que l’histoire proche, plus courte, très synthétique mais très claire
http://www.sos-homophobie.org/index.php?menu=4&menu_option=42&menu_soption=427&news=4

Un peu de droit
Un article sur l’homophobie et le droit pénal français sur Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_p%C3%A9nal_fran%C3%A7ais_et_homophobie#Loi_en_vigueur_.28en_France.29

A propos de l’ancienne considération par la médecine que l’homosexualité est une maladie mentale
RIETHAUSER Stéphane, 2007, « Histoire de l’homosexualité – chapitres 6 et 7 - le triomphe de la médecine sur l’amour »
http://www.lestoilesroses.com/5-categorie-1053670.html

A propos du PaCS de 1999
REMY Jacqueline, 1998, « Les racines d’un projet », L’express du 01/10/1998
http://www.lexpress.fr/info/societe/dossier/pacs/dossier.asp?ida=407843
FOUREST Caroline, VENNER Fiametta, 1998, « Le PaCS sur le banc de l’assemblée », Têtu n° 28 (octobre 1998)
FOUREST Caroline, 1998, « PaCs, la lâcheté de la gauche », Têtu n° 29 (novembre 1998)
VENNER Fiametta, METREAU Joël, 1999, « Le PaCS, enfin ! », Têtu n° 39 (novembre 1999)

A propos de la loi sur la lutte contre toutes les formes de discriminations de 2001
http://www.social.gouv.fr/htm/pointsur/discrimination/presentloi.htm

A propos de l’inclusion de la lutte contre l’homophobie dans la loi sur la sécurité intérieure de 2003http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PPED1.htm

A propos de l’inclusion de la lutte contre l’homophobie dans la HALDE en 2004
http://www.halde.fr/discriminations-10/documentation-13/fiches-pratiques-55/femmes-brin-8921.html

A propos de l’action du maire démocrate de San Francisco qui a célébré des mariages gays en 2004
Jessie Kindig, 2004, « 2004: Le mouvement pour le mariage gay aux Etats-Unis », Socialisme International
http://perso.orange.fr/revuesocialisme/s15usa.html

A propos du mariage de Bègles de 2004
http://dossiersdunet.com/article188.html

Pour en connaitre un peu plus sur l’histoire de la marche des Fiertés en France
- un bon article sur Wikipedia : « Marche des fiertés » - http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaypride
- « La gay pride en question », 2004, Charles Roncier, Têtu n° 90 (juin 2004), pp. 82-83

Les avis des candidats sur le mariage et l’adoption gays
- Le site www.votons.info/ permet facilement de comparer les programmes de tous les candidats, lorsque ceux-ci ou leurs militants on fait parvenir leurs propositions. On peut comparer n’importe quels candidats ou thèmes de campagne électorale de manière très simple et pratique.
Lien vers la page de Comparaison des candidats sur le thème de l'immigration et de la famille
- Une brève AFP qui résume tout cela de manière synthétique
http://www.lcr94.org/breve.php3?id_breve=901
- Une enquête intitulée « Présidentielles 2007 » lancée par l’Inter-LGBT pour les candidats qui détaille leurs avis sur différents sujets liés à l’homosexualité. Assurément le plus complet, malgré le fait que tous les candidats ne soient pas présents.
http://www.inter-lgbt.org/spip.php?article693

Sondages sur la perception des droits des homosexuels à propos du mariage et de l’adoption
- données de la SOFRES pour les années 2000, 2004 et 2006.
http://www.ipsos.fr/canalipsos/poll/8310.asp

Un peu d’épistémologie
Et enfin un article épistémologique pour s’interroger sur la façon de faire de l’histoire sur l’homosexualité. Reprenant les travaux du philosophe Olivier Foucault, l’auteur Lawrence OLIVIER propose que les recherches sur l’histoire des gays et des lesbiennes devrait changer, passant de la problématique actuelle de la conquête de la liberté et de l’égalité à une nouvelle problématique sur l’évolution de l’amitié masculine. as forcément bête pour ouvrir de nouvelles perspectives de recherche…
http://semgai.free.fr/doc_et_pdf/pdf_these_articles_externes/Olivier_foucault.pdf


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Premier article d'une série consacrée à la place des gays et des lesbiennes dans la société française par
Kim, 31 ans
. L'analyse de sondages permet de faire un point sur l'homophobie en France.




En cette période de campagne électorale [Ce premier article date du 11 avril 2007. Note de Daniel] où la question des droits des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transexuels) s’impose progressivement aux candidats à propos du mariage et de l’adoption notamment, où l’on voit de plus en plus d’homosexuel(le)s réels ou fictifs dans les médias, où des histoires de coming-out qui se terminent bien se multiplient ici même sur ce forum [Celui de Et alors. Note de Daniel], on constate aussi depuis quelques années une augmentation de la médiatisation des propos, actes et agressions homophobes, dont même les journaux télévisés ou le forum se font aussi de plus en plus souvent écho.
Ces évolutions contradictoires nécessitent donc de faire une mise au point sur l’évolution de l’homophobie en France, ou pour faire un titre plus positif, sur l’évolution de la tolérance et de l’acceptation des gays et des lesbiennes en France.


L’homophobie recule en France.

Document 1

Pour mesurer l’évolution de l’opinion de la population au sujet de l’homosexualité, on peut se baser sur une série de sondages qui interrogent les Français depuis une trentaine d’années (document 1). Ce sondage montre la montée progressive de l’opinion que « l’homosexualité est une manière acceptable, ou une manière comme une autre, de vivre sa sexualité », passant de 24 % en 1973 à 78 % en 2006. Cette progression s’est faite au détriment des deux préjugés à l’époque largement ancrés dans les esprits, à savoir que l’homosexualité était soit une maladie, soit une perversion. Il y a donc plutôt de quoi se réjouir.

Il est toutefois dommage de ne pas connaitre pour le coup l’évolution des opinions considérant l’homosexualité comme une maladie ou une perversion. En effet, l’année 1997 marque une rupture statistique, suite à l’arrêt du sondage dans sa forme de questionnement après cette date. Cette rupture s’explique premièrement par le fait que l’homosexualité n’était plus officiellement considérée comme une maladie mentale en France dès 1981 et par l’Organisation Mondiale de la Santé en 1993. Elle s’explique deuxièmement par l’adoption en 1999 du PaCS, qui avait été précédé par de nombreux débats sur l’homosexualité en France au sein de la population, et qui avait grandement changé les problématiques de questionnement sur l’homosexualité, faisant entrer ce sujet dans la modernité. D’une certaine manière, il était donc normal d’arrêter de proposer ces deux types de réponses, entérinant les changements de mentalités de la société française.

Mais je persiste à dire dommage, car on peut se demander dans quelle mesure s’est faite la montée de l’opinion que « l’homosexualité est une manière acceptable de vivre sa sexualité », au détriment des deux autres opinions plaçant l’homosexualité comme une anormalité dans le cadre médical ou moral : ont-elles chuté toutes les deux dans les mêmes proportions, ou l’une d’elles résiste-t-elle mieux que l’autre ? Mystère… Car si nous pouvions constater une nette diminution de l’opinion que « l’homosexualité est une maladie que l’on doit guérir », passant de 42 % en 1973 à 23 % en 1997, accompagnant ainsi l’enlèvement officiel de l’homosexualité de la liste des maladies mentales par les législateurs et l’OMS, il n’en est pas de même pour l’opinion que « l’homosexualité est une perversion sexuelle que l’on doit combattre », qui n’a finalement que peu régressée entre 1973 et 1997, ne passant que de 22 % à 17 %. Ce qui peut inquiéter dans le contexte actuel de la montée de l’intégrisme religieux.

Quoiqu’il en soit, la conclusion principale de cette série de sondages reste quand même le recul de l’homophobie déclarée au sein de la population française. En soit, il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle. Mais en fait, les choses sont plus compliquées que cela…


Mais il existe un gros décalage entre l’acceptation et la tolérance des homosexuels au sein de la société française.

Document 2

Deux sondages, l’un réalisé par IFOP et publié dans le quotidien Le Monde du 22 juin 1996, l’autre réalisé par IPSOS et publié dans le mensuel Têtu de mars 2004, ont notamment sondé l’opinion de la population par rapport aux démonstrations d’affection en public d’un couple homosexuel. Certes les questions ne sont pas posées de la même manière, mais on peut constater que la proportion des personnes non choquées en 1996 ou non réticentes en 2004 a progressé, passant de 36 à 55 %.

Mais ce que l’on constate surtout, c’est que la proportion de personnes non réticentes aux baisers gays ou lesbiens échangés en public (55 % en 2004 donc) ne correspond pas du tout à la proportion de personnes déclarant dans le précédent sondage que l’homosexualité est une manière comme une autre de vivre sa sexualité (je rappelle : 78 % en 2006). Une contradiction ? En fait, ce gros décalage, d’une bonne vingtaine de points, ne peut s’expliquer que par le fait qu’il existe une différence marquée entre tolérance et acceptation des gays et des lesbiennes par la population française.

La notion d’acceptation des personnes LGBT implique les notions de liberté et d’égalité, d’absence de pensée qu’il existe des différences fondamentales entre hétérosexuels et homosexuels, différences qui empêcheraient ces derniers, d’une part, de vivre comme ils le souhaitent, d’autre part, d’être traités de la même manière que le reste de la population, et donc par exemple de pouvoir montrer comme tout le monde son amour en public.

La notion de tolérance retient bien évidemment l’idée de liberté (d’exister donc), mais aussi par contre l’idée de différence, c'est-à-dire la pensée que la différence d’orientation sexuelle est suffisamment importante pour justifier un regard différent, un traitement inégalitaire. Pourquoi persiste cette idée de différence ? Nous y reviendrons bien plus longuement dans un autre article. Mais pour faire vite, si vous parcourez des forums de discussions sur internet, et que vous regardez des topics consacrés à des questions liées à l’homosexualité ou aux droits des homosexuels, on retrouve souvent l’idée de la part de ces personnes, qui disent que les homosexuels ont le droit d’exister et de vivre comme ils le souhaitent, que l’homosexualité est anormale, une anomalie de la nature, un « choix » inapproprié, etc… Ces idées, liées le plus souvent à l’ignorance ou la désinformation, justifient alors pour eux d’un traitement différent, qu’ils n’appellent pas d’ailleurs discrimination. Ainsi, ils estiment que l’homosexualité doit rester une affaire privée, qui ne s’affiche pas en public. On est donc loin ici de l’idée d’égalité. Certains parleront d’homophobie cachée ou inconsciente.

À partir de ce constat, une question se pose : quelle est la part des personnes qui acceptent les homosexuels et celles des personnes qui les tolèrent ? Si on recoupe les deux séries de sondages, on pourrait dire, à titre très grossier et indicatif, que :
- 55 % de la population adopterait une attitude d’acceptation ;
- 23 % de la population adopterait une attitude de tolérance ;
- 22 % de la population adopterait une attitude intolérante (ou homophobe).

Mais en fait la question est bien plus complexe : s’inquiéter de ce que font des personnes inconnues est une chose ; constater ce qui peut se passer dans son entourage proche en est une autre…


La société a pour l’instant plus une attitude de tolérance qu’une attitude d’acceptation…

Document 3

Document 4

Cette troisième série de sondages demande à des personnes depuis une trentaine d’années quelle serait leur réaction si leur fils était homosexuel. Il est à noter qu’il existe un sondage similaire posant comme question « si vous appreniez que votre fille est homosexuelle, qu’elle serait votre réaction ? » (document 4), mais celui-ci a été beaucoup moins régulier puisque nous ne disposons que de deux dates (1981 et 2000), ce qui n’est quand même pas très pratique pour en exploiter en détail les résultats. Mais à dates comparables, les chiffres sont à quasiment similaires. Ce sondage propose aux sondés quatre propositions :
- une proposition très tolérante : « cela ne me gênerait pas ».
- une proposition relativement tolérante : « cela me ferait de la peine mais je le laisserais vivre comme il veut »
- une proposition relativement intolérante : « si possible je chercherais à le faire changer »
- une proposition très intolérante : « je serais profondément choqué et je ferais tout pour le faire changer »
De cette série de sondages, on peut tirer deux constatations.

La première constatation est que l’acceptation de l’homosexualité est bien plus facile dans la théorie que dans la pratique. Ce sondage nous enseigne en effet qu’à l’heure actuelle il est bien plus dur pour une grande partie de la population d’accepter l’homosexualité d’un membre proche de la famille, comme son enfant par exemple.

Ainsi, en 2006, seuls 32 % des sondés déclarent qu’apprendre l’homosexualité de leur fils ne les gênerait pas. Ce chiffre de 32 %, très inférieur à celui des 55 % qui ne se déclaraient pas réticentes aux baisers d’un couple homosexuel en public, montre donc là encore un gros décalage de plus d’une vingtaine de points. En tout cas, ce chiffre de 32 % correspond au minimum de l’adoption d’une attitude d’acceptation au sein de la population, attitude qui doit probablement être compris entre 32 % et 55 % (ce dernier chiffre correspond, je le rappelle, aux sondés qui ont déclaré ne pas être réticents face à un baiser en public d’un couple homosexuel).

Une minorité, mais c’est déjà trop, c'est-à-dire 9 % des sondés, se déclare profondément choqués s’ils apprenaient l’homosexualité de leur fils et qu’ils feraient tout pour le faire changer. C’est dans cette catégorie que l’on rencontre probablement le plus de parents qui expulsent leur enfant homosexuel du foyer familial, même si celui-ci est mineur, ou coupent tous les ponts. Il s’agit ici clairement d’homophobie. Le chiffre de 9 % correspond donc au minimum d’homophobes en France, chiffre qui doit être compris entre 9 % et 22 % (ce dernier chiffre correspond aux sondés qui n’ont pas répondu que l’homosexualité est une façon comme une autre de vivre sa sexualité – voir document 1). Le cumul des deux dernières réponses de ce sondage, pas forcément très tolérantes, soit 16 %, appartient à cette large fourchette, et peut donner une hypothèse moyenne.

Mais en fait, la majorité de la population, soit 51 %, déclare qu’apprendre l’homosexualité de leur fils leur ferait de la peine, même s’il le laisserait vivre comme il veut. Pour 9 % des sondés, la peine serait si profonde qu’ils chercheraient si possible à le faire changer. C’est là que l’interprétation de ces chiffres se complique. Est-ce que ces deux types de réponses correspondent à une attitude tolérante ? Difficile à dire en fait car la formulation de la deuxième proposition de réponse utilise le mot « peine ». Ce simple mot peut à lui seul faire varier les interprétations. En effet, la peine possible ressentie lorsque certains apprennent l’homosexualité de leur enfant peut avoir des causes multiples. En lisant des forums de discussions sur internet, on peut en relever plusieurs types.

Il peut il y avoir par exemple la peine de ne pas pouvoir avoir (pensent-ils) des petits enfants, ou la peine de penser que la vie de leur enfant sera plus dur, voir qu’il risque d’être malheureux (à cause de l’homophobie de la société) : la peine est ici la conséquence d’un deuil de l’idée d’une lignée, ou d’une angoisse, d’une crainte, d’une inquiétude, pour le bonheur de l’enfant. Avec cet état d’esprit, on peut comprendre que certains éprouve de la peine mais laisserait leur enfant faire sa vie comme il l’entend, ou que d’autres si possible chercheraient à le faire changer, dans l’idée de le protéger de la société (mais arrêteraient lorsqu’ils se rendraient compte que cela n’est pas possible). À mon sens, il s’agit donc de cas correspondant à une forme d’acceptation (même si elle est un peu douloureuse au début).

Mais il peut il y avoir aussi la peine d’avoir fait un enfant considéré comme « anormal », dans le sens où il ne respecte pas l’ordre établi, qu’il soit naturel ou sociétal, ou dans le sens médical, ou encore moral : la peine n’est donc ici pas une inquiétude pour l’enfant, comme dans les cas précédents, mais un regard par rapport à l’environnement sociétal. Là, on peut à mon avis parler dans ce cas de tolérance, quelque soit l’attitude du parent, à savoir le laisser vivre comme il le souhaite, ou de chercher si possible à le faire changer, attitude qui traduit d’ailleurs une totale méconnaissance de ce qu’est l’homosexualité. On peut même parler d’homophobie pour une partie de ceux qui ont répondu « si possible je chercherais à le faire changer » mais qui, réalistes, ne se font pas d’illusion malgré leur conception rétrograde de l’homosexualité.

On le voit, il est difficile ici d’estimer le nombre de personnes tolérantes. A moins de faire une soustraction par rapport aux estimations précédentes données, mais cela donne une fourchette tellement large, entre 32 % et 59 %, qu’elle en est inutilisable. Elle semble en tout cas majoritaire.


Mais l’acceptation progresse désormais au dépend de la tolérance !

La seconde constatation de cette série de sondages est bien plus positive : l’attitude d’acceptation est en progrès continu en France.
En analysant l’évolution des réponses du sondage, on peut ainsi constater que :
- de 1973 à 1984, les attitudes tolérantes progressent nettement (19 % en 1973, 42 % en 1984) au détriment des attitudes intolérantes, même si ces dernières restent encore majoritaires (72 % en 1973, 53 % en 1984).
- la suite de la décennie 1980’ voit une stagnation des différentes opinions, comme si la dépénalisation de l’homosexualité en 1982 avait figé ensuite le débat et les mentalités.
- les années 1990’ marque la reprise de la progression des attitudes tolérantes, qui cette fois-ci deviennent très nettement majoritaires (80 % en 2000) au dépend des attitudes intolérantes (18 % en 2000).
- les années 2000’ marquent l’arrêt de l’érosion des attitudes intolérantes qui stagnent aux alentours des 16-20 %. Par contre, un basculement s’opère au sein des attitudes tolérantes, puisque la baisse de l’opinion « cela me ferait de la peine mais je le laisserais vivre comme il veut » (passant de 64 % en 2000 à 51 % en 2006) s’explique par la montée en puissance de l’opinion « cela ne me gênerait pas » (passant de 16 % en 2000 à 32 % en 2006).

Si on peut se réjouir de ce basculement vers une attitude bien plus positive et très tolérante, qui n’est toutefois pas encore majoritaire, on peut s’interroger de l’arrêt de la baisse des opinions intolérantes : est-ce une simple phase de stagnation comme durant les années 1980’, ou un réel plancher de la tolérance en dessous duquel on ne pourra descendre ? Le temps nous le dira. Et pour quelle raison cette intolérance persiste ? Est-ce parce que l’homosexualité est toujours considérée comme une maladie ou une perversion par ce cinquième de la population ? Et dans quelles proportions respectives ? Nous manquons hélas de statistiques pour y répondre, même si les propos que l’on peut recueillir sur des forums de discussions sur internet montrent que certains le pensent encore.


En conclusion :

Nous retiendrons tout d’abord que l’homophobie au sein de la population régresse en France. On peut grossièrement évaluer la proportion de réels homophobes entre 9 et 22 % en France, soit grossièrement entre 1 à 2 personnes sur 10 en 2006, contre probablement 7 à 8 personnes sur 10 en 1973 (estimation tirée des sondages montrant qu’en 1973, 76 % ne considéraient pas l’homosexualité comme une manière acceptable de vivre sa sexualité, et que 72 % n’accepteraient pas facilement l’homosexualité de leur fils).
Nous retiendrons ensuite que l’acceptation pleine et entière des homosexuels progresse en France. Pour chiffrer cette proportion d’attitude d’acceptation dans la population, on peut prendre pour hypothèse basse la part des personnes acceptant pleinement l’homosexualité de leur enfant, qui est passé de 3 % en 1973 à 32 % en 2006. L’hypothèse haute est plus difficile à cerner, mais on peut prendre la proportion de personnes ne se déclarant pas réticents à un baiser en public d’un couple homosexuel, soit 55 % en 2006. Ainsi, on pourrait dire qu’approximativement, entre 3 et 5 personnes sur 10 acceptent pleinement les homosexuels en France.
Nous retiendrons enfin que cette progression de l’acceptation des homosexuels en France s’est faite bien sûr au dépend des homophobes, mais aussi, et surtout aujourd’hui, ce qui est nouveauté, des personnes simplement tolérantes (entre 3 et 6 personnes sur 10 en France), qui n’acceptent qu’en partie l’homosexualité et les homosexuels.

Ainsi, les personnes LGBT sont de plus en plus et de mieux en mieux acceptées par la population. Le sont-elles pour autant par la République française ? C’est ce que nous verrons dans notre prochain article.


Petite bibliographie :

* Sondage « Pour vous l’homosexualité est-ce plutôt… »
- données de la SOFRES pour les années 1973, 1981, 1987, 1997
http://www.ambafrance-us.org/fr/aaz/pdf/pacs.pdf
- données d’IFOP pour les années 1986 et 1996. Attention, à dates correspondantes, les résultats ne correspondent pas à ceux de la SOFRES car l’IFOP a proposé comme réponse tolérante la proposition « une manière comme une autre de vivre sa sexualité » au lieu de « une manière acceptable de vivre sa sexualité », ce qui fait baisser le nombre de réponses tolérantes (comme quoi la formulation d’une question et de ses réponses est importante)
http://www.ifop.com/europe/sondages/opinionf/homo.asp
- données à priori provenant d’IFOP pour les années 1995, 1998, 2001
http://www.media-g.net/detail.php?id=IPUEBEEYAC
- données d’IFOP pour l’année 2006
http://www.lesechos.fr/medias/2007/0206//300139765.pdf

* Sondage sur la réaction face à la démonstration d’affection en public par un couple homosexuel.
- données d’IFOP pour 1996 (publié dans le quotidien « Le Monde » du 22 juin 1996)
http://www.ifop.com/europe/sondages/opinionf/homo.asp
- données d’IPSOS pour 2004 (publié dans le magazine « Têtu », n° 88, mars 2004).
http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/1310.asp
http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/poll/7893.asp

* Sondage « Si vous appreniez que votre fils est homosexuelle, quelle serait votre réaction ? »
- données de la SOFRES pour les années 1973, 1981, 1984, 1987, 1997, 2002, 2006
http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/220606_mariagehom_r.htm#1
- données de la SOFRES pour l’année 2000.
http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/190500_femmes.htm

* Sondage « Si vous appreniez que votre fille était homosexuelle, quelle serait votre réaction ? »
- données de la SOFRES pour les années 1981 et 2000.
http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/190500_femmes.htm
http://www.moovelyon.net/IMG/jpg/affiche_pride_fille_petit.jpg
http://www.moovelyon.net/IMG/jpg/affiche_pride_garcon_petite.jpg
http://www.aml-lma.org/images/AML_affiche_familles.jpg

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