Fiche technique :
Avec Edie Falco, Scott William Winters, Robert Clohessy, Kristin Rohde, Adewale Akinnuoye-Agbaje, Rita Moreno, Tom Mardirosian, Christopher
Meloni, Chuck Zito, Michael Wright, David Zayas, J.K. Simmons, Zeljko Ivanek, Terry Kinney, Eammon Walker, Lee Tergessen, Dean Winters… Réalisateurs : Adam Bernstein, Alex Zakrzewski, Jean
de Segonzac… Scéanario : Tom Fontana, James Thorpe, Sean Whitesell…, sur une idée originale de Tom Fontana et Ethlie Ann Vare. Créateur : Tom Fontana.
Saison 1 : huit épisodes de 50 mn. Disponibles en VO, VOST et VF.
Résumé :
Emerald city. Quartier expérimental de la prison créé par le visionnaire Tim McManus qui souhaite améliorer les conditions de vie des détenus.
Mais dans cet univers clos et étouffant se recrée une société terrifiante où dominent la haine, la violence, la peur, la mort. Où tout espoir est vain, où la rédemption est impossible.
« Oz est l'endroit où je vis. Oz est l'endroit où je vais mourir, où la plupart d'entre nous vont mourir. Ce que nous sommes importe peu. Ce que nous allons devenir ne compte
pas »explique le narrateur depuis sa cage en verre. Bienvenue dans l'antichambre de l'enfer.
L’avis de Mérovingien02 :
Avant le triomphe de Six Feet Under et des Sopranos, HBO s'était déjà démarquée de la concurrence en matière de série télé en
produisant Oz, véritable tremblement de terre dans le paysage audiovisuel car conçue avec une liberté de ton jusqu'alors inédite. Une évocation sans concession du milieu carcéral, avec
un langage ordurier, une violence exacerbée et de la nudité frontale, le tout au service d'un propos pour le moins subversif. Un véritable travail d'auteur né de l'imagination de Tom Fontana,
scénariste tellement investi dans sa création qu'il est allé jusqu'à se faire tatouer le nom de son œuvre, réemployant ensuite les images de cet acte dans le générique d'ouverture.
À la manière d'un conte ou d'un récit mythologique (la prison d'Oswald est comparée au détour d'une réplique au Mont de l'Olympe), le
spectateur est invité à pénétrer dans un univers singulier par un narrateur à la fois omniscient et faisant partie intégrante de l'action. Enfermé dans une cellule carrée en verre, le personnage
d'Augustus, un ancien junkie en fauteuil roulant, surplombe les décors et s'adresse directement à la caméra pour nous signaler la thématique de chaque épisode, en résumer la morale (ou son
absence) en guise de conclusion ou pour présenter le passif de chacun des détenus. Des apparitions oniriques et cyniques qui renforcent l'implication émotionnelle car tutoyant directement le
public, comme pour lui tendre le miroir de sa propre vie et questionner les fondements mêmes de ses idéaux. Oz n'est donc pas un divertissement sans conséquence comme le récent
Prison Break. En s'y aventurant, il faut accepter d'être malmené et de ne pas en ressortir indemne. Ainsi, le parcours de Tobias Beecher résumera à lui seul l'effondrement psychologique
du spectateur puisque c'est avec lui que nous découvrirons la vie du pénitencier au cours du premier épisode rythmé par l'affichage des horaires répétitifs et aliénants.
Contrairement à la majorité des prisonniers, Tobias n'est pas un meurtrier ou un psychopathe mais
simplement un avocat qui aura commis accidentellement la mort d'une jeune fille en prenant le volant de sa voiture après avoir bu un verre de trop. Il est de loin le référent le plus attachant
puisque issu d'un quotidien familier et dont la vie a basculé après un drame qui aurait pu survenir à n'importe qui. Rapidement, il est la victime de Vernon Schilliger, un néonazi qui le réduit
au rang d'objet soumis, le violant fréquemment, l'obligeant à se travestir pour l'humilier ou le forçant à lécher ses chaussures. Ces séquences dérangeantes ne feront que placer un peu plus le
public face à sa morale, lui faisant ressentir une véritable haine pour le dominant avant que le basculement de Tobias vers la démence (il ira jusqu'à déféquer sur le visage de son bourreau) et
la question du Pardon ne vienne le mettre en face de l'horrible vérité : l'être humain n'est qu'un animal sauvage prêt à retourner à des instincts primitifs dès que des situations extrêmes se
présentent à lui.
Car la prison d'Ozwald n'est pas le genre d'environnement où il fait bon traîner. Bien que sa fonction
première est de remettre les coupables sur le droit chemin, elle ne fait que les repousser dans leurs derniers retranchements car omettant tout simplement qu'il est impossible d'avoir une vie
normale quand on est enfermé et entouré de violeurs, dealers ou cannibales. Le monde extérieur n'existe pas, seule la télévision servant de fenêtre ouverte (alors que les seules infos diffusées
seront celles évoquant la situation catastrophique à Oz). Même les visions du passé en flash-back revêtent un aspect surréaliste, baignant dans des filtres bleus ou orangés comme si tout n'était
qu'un mauvais souvenir ou un mauvais rêve. On pourra aussi évoquer cette discussion au parloir dans le premier épisode où un détenu parle avec sa femme alors qu'une glace vient scinder l'image en
deux comme si le couple ne partageaient plus le même espace.
Véritable tombeau où l'on est condamné à mourir à petit feu sans aucune résurrection possible (voir
dans l'épisode 2 le fondu enchaîné passant d'un cadavre brûlé au personnage de Nino Schilbetta, qui finira lui aussi assassiné), le département de Haute Sécurité d'Emerald City contamine
jusqu'aux plus respectables des membres de l'équipe chargée du bien-être des détenus. Ainsi, au détour d'un épisode centré sur Dieu, un prêtre verra ses convictions les plus nobles être mises à
rude épreuve lorsqu'un malade mental ayant dévoré ses parents acceptera de se convertir au catholicisme dans le simple but de pouvoir manger « le corps du Christ ». De même, quand se posera
l'épineuse question de la peine de mort, il lui sera bien difficile de conserver une opposition aussi claire quand il se retrouvera face à un être particulièrement abject. Le Mal affecte le cœur
de chacun comme un poison et les rapports amoureux, véritables pulsions de vie, se retrouvent dominés par le sentiment de mort. Ainsi, à deux reprises dans la saison, une scène de sexe sera
montée en parallèle avec un acte de violence (des policiers cognant contre une porte, une mort par injection), comme si chaque nouveau né comportait déjà en lui les plus vils instincts. On notera
d'ailleurs qu'un des détenus perdra son bébé juste après la naissance, renforçant le pessimisme du tableau décrit par Tom Fontana.
Bien que la galerie de salopards ne soit guère rassurante, il conviendra de saluer le remarquable
travail d'écriture capable de rendre sympathique la pire des crapules. Qu'il s'agisse d'un détour humoristique (un dentiste n'osant pas mettre ses doigts dans la bouche d'un cannibale), d'une
séquence émotionnellement chargée (un prisonnier lacérant son visage au cutter pour traduire tout son mal-être) ou de l'utilisation d'un langage universel (la sous intrigue du violoniste), tout
est mis en œuvre pour offrir une vision globale de l'être humain, loin du manichéisme primaire. Car dans le fond, tous ces condamnés à des peines diverses ne sont jamais que le reflet sauvage de
la décadence de l'Humanité toute entière. En effet, bien qu'ils soient tous déconnectés du monde extérieur, chacun marque son appartenance à un clan, seul moyen d'exister pour ne pas finir
écraser par les plus forts. Blacks, latinos, mafia sicilienne, gays, musulmans... Autant de mini communautés en proie à de constantes luttes de pouvoir et ne pouvant s'empêcher de se mener la
guerre, souvent par racisme. Oz se présente donc comme une parabole particulièrement pertinente de nos sociétés modernes, les décors de la série ressemblant presque à un laboratoire au
milieu duquel les matons peuvent observer les animaux dans leur cage en verre, comme cet insecte dans un bocal aperçu en début de saison.
Ce n'est donc pas simplement à une critique des conditions de vie en milieu carcéral à laquelle le
créateur de la série nous convie mais bien à une étude sociologique de notre époque, en abordant des thèmes aussi vastes que le rôle actif de la drogue dans l'économie (et les rapports de force
que cela implique, les plus puissants la revendent à ceux qui la consomment pour oublier leur misère), la place essentielle de la femme dans un environnement dominé par les hommes ou encore les
guerres de religions. On y trouve même un sous-texte sur l'émancipation des noirs via un troublant parallèle entre Malcom X et le charismatique Kareem Said, personnage ayant lui aussi
changé de nom, refusant de prendre des médicaments en dépit de la maladie qui le ronge et profitant de la prison pour se cultiver. Ce renvoi explicite à celui qui fut le porte-parole de Nation of
Islam oriente la série vers une réflexion sur l'inaccessibilité du rêve américain, Malcom X étant un symbole de l'intégration des noirs capables de réussir autrement que par la musique ou le
sport, symbole mis à mal par l'arrivée d'un basketteur à la carrière brisée.
Véritable tragédie grecque en milieu pénitencier, la première saison de Oz s'achève fort
logiquement sur l'implosion qui guette chaque société tiraillée entre ses luttes de pouvoir et l'assouvissement des besoins égoïstes. Une dégénérescence menant à la rébellion, un effondrement du
système en place et duquel ne pourra naître qu'un nouvel ordre pas bien différent et toujours dirigé par le gouverneur Devlin, véritable Zeus tout puissant interdisant aux hommes de s'élever
au-delà de leur condition pour les maintenir dans leur brutalité crasse. L'Homme restera à jamais un loup pour l'Homme.
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