Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification
« enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce
moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).
Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss »)
qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.
Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des
points de vue encore plus !
La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon
manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez
(couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...
Jacques Balthazart, Biologie de l'homosexualité : On naît homosexuel,
on ne choisit pas de l'être, Wavre (Belgique) : Mardaga, 2010, coll. Psy : théories, débats, synthèses ‒ 209 p. 15 x 22 cm, ill. 29 €.
Un éminent biologiste, directeur du Groupe de Recherches en Neuroendocrinologie du Comportement et chargé de
cours à l'Université de Liège (Belgique), a choisi de porter son regard de savant sur les causes de l'homosexualité. Il offre au lecteur un exposé quelquefois ardu, mais clairement structuré et
jalonné de résumés servant de bouées de sauvetage ou de points de rappel et d'ancrage.
La lecture de ce livre n'est pas, même pour le titulaire d'un baccalauréat scientifique, de tout repos.
L'introduction fixe les lignes de cette somme de connaissances : la ligne directrice est définie par le sous-titre du livre. Même si l'on sent une tension militante sous la prose de certains
passages, jamais Jacques Balthazart ne se départit de sa rigueur scientifique. Que ce soit pour analyser les erreurs du passé, dénoncer les généralisations abusives (dans un sens ou dans l'autre)
ou pour, constamment, rappeler les difficultés de l'expérimentation dans un domaine si intime, on est dans un exposé cadré et borné par la rigueur du raisonnement qui refuse le parti pris,
souligne les approximations et pose clairement des questions auxquelles il reconnaît n'apporter que des ébauches de réponses.
On ressort donc de ce livre avec un faisceau de présomptions qui, sans nier la possibilité d'une influence
de l'éducation, fait de notre orientation sexuelle un élément posé – on ne sait précisément ni où ni comment – dès notre naissance.
Le Professeur Balthazart fait un point important sur l'état des connaissances scientifiques en 2010.
Reprenant un par un les divers arguments entendus ça et là : « chromosome de l'homosexualité », stress de la mère durant la grossesse, théories freudiennes et autres études sur les
jumeaux, il apporte l'éclairage d'un spécialiste largement reconnu pour étayer une hypothèse dont il fixe clairement les limites, les dangers et les possibilités de développement.
Prenant le contrepied biologiste du pédopsychiatre Stéphane Clerget (1), il démonte avec de nombreux exemples les explications d'une homosexualité acquise, par défaut, par tradition ou du fait du comportement des parents.
À ceux qui craignent des dérives eugénistes ou de choix prénatal, il expose sa foi en une science au service
de l'homme, dans sa diversité et la richesse de ses différences.
Sans militantisme, avec un esprit éclairé qui n'hésite pas à dénoncer les dérives de certains de ses
collègues, il assume et expose les conclusions philosophiques de sa « découverte ». Même
s'il nous importe plus de savoir comment vivre notre homosexualité que d'en chercher les causes, on pourra trouver ici un exposé complexe mais roboratif. Intéressant pour déculpabiliser les
parents et éducateurs, l'ouvrage de Jacques Balthazart serait à résumer et à présenter dans une version simplifiée au public le plus large possible.
(1) Stéphane Clerget, Comment devient-on homo ou hétéro ?, Jean-Claude Lattès, 2006.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Un article du quotidien Le Monde du 4 février
2010 :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/02/04/l-homosexualite-est-genetique-selon-un-chercheur_1301366_3244.html
Interview de Jacques Balthazart à la RTBF :
http://mediaserver.rtbf.be/sites/rtbf-media/themes/rtbfmedia/iPlayer/MediaPlayer.php?openFunction=getMediaObjectById&openValue=79072
L'avis du blog GayKosmopol :
http://luclebelge.skynetblogs.be/post/7601800/biologie-de-lhomosexualite-le-nouvel-ouvrage
Interview de Jacques Balthazart
Par Gérard Coudougnan
Les Toiles Roses : Monsieur le Professeur, c'est un honneur que vous faites à un non-spécialiste, rédacteur d'un blog homosexuel
militant, en répondant à ces quelques questions. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Jacques Balthazart : Je suis un chercheur scientifique désireux de partager les connaissances acquises avec le public… et un amateur de jazz
et de plongée sous-marine.
Quelles ont été vos principales motivations avant d'écrire ce livre ?
Corriger des erreurs largement répandues dans le public concernant les origines de l’homosexualité… mais
aussi de l’hétérosexualité. La question d’intérêt étant en fait : quels sont les mécanismes qui déterminent notre orientation sexuelle, quelle qu’elle soit ?
Par ailleurs, je désirais faire connaître au public francophone une masse de données scientifiques sur le
sujet qui sont largement diffusées en langue anglaise mais ne sont quasiment jamais mentionnées en français.
Pourriez-vous nous donner quelques uns des arguments les plus forts de votre démonstration des
origines biologiques de l'homosexualité ?
L’argument le plus fort à mon sens est que l’orientation sexuelle est clairement contrôlée chez l’animal par
les hormones pré ou périnatales. On voit mal comment au cours de l’évolution le contrôle d’une caractéristique aussi importante pour la survie d’une espèce (elle conditionne la reproduction)
pourrait avoir changé de déterminisme pour passer sous le contrôle de facteurs de l’environnement tels que l’éducation ou les premières expériences qui par nature sont extrêmement variables. Par
ailleurs, les études cliniques ont rassemblé un faisceau d’observations suggérant que les mécanismes hormonaux mis en évidence chez l’animal sont toujours en action chez l’homme.
Avez-vous eu, en dehors des éloges argumentés figurant sur la quatrième de couverture, des critiques
venant de personnes développant des arguments différents ?
Plusieurs chercheurs scientifiques s’intéressant à l’endocrinologie du comportement et un
neuroendocrinologue clinicien ont écrit des commentaires positifs sur ce texte. Deux de ces avis sont repris ci-dessous :
Pour un endocrinologue chercheur et clinicien qui a toujours été intéressé par les rapports évidents
entre le système hormonal et les fonctions cognitivo-affectives, c'est une grande chance de disposer de cette réflexion biologique rigoureuse écrite par un des meilleurs chercheurs dans ce
domaine. Il est remarquable qu'un scientifique fondamentaliste soit aussi proche des réalités cliniques auxquelles l'endocrinologue se trouve parfois confronté. Ce livre propose une analyse
rigoureuse et très sérieusement documentée du problème de l'orientation sexuelle qui intéressera tant l'endocrinologue clinicien francophone que le grand public.
Jean-Jacques Legros, Endocrinologue
Unité de Psychoneuroendocrinologie, Université de Liège
Le sujet de la sexualité, l'homosexualité en particulier, constitue un dossier controversé dans presque
toutes les sociétés humaines. En ce début de 21e siècle, elle demeure enveloppée dans un manteau de désinformation, d'incompréhension et de préjugés. Le livre courageux du Dr. Balthazart ose
mettre en exergue la recherche scientifique sur ce sujet par une présentation claire, concise, et bien documentée de l'état actuel des connaissances concernant la biologie de l'homosexualité. Ce
faisant, il fait exploser le mythe selon lequel l'homosexualité relèverait plus d'un choix ou d’une perversion que l'hétérosexualité. Sa présentation illustre, dans une perspective évolutive,
comment les mécanismes et les régions du cerveau qui se sont spécialisés au cours de l’évolution dans le contrôle hormonal des comportements sexuels chez les mammifères inférieurs sont toujours
manifestes chez l'homme. Il utilise des arguments biologiques et cliniques pour suggérer que des facteurs hormonaux et génétiques présents au cours du développement embryonnaire prédisposent
l'individu à devenir homosexuel, mais aborde clairement les limites de notre état actuel de compréhension. Finalement, le Dr. Balthazart conclut que « l'homosexualité devrait être considérée comme une variation spontanée d'un caractère biologique, l'orientation sexuelle
». En d'autres termes, les homosexuels constituent une minorité sexuelle et devraient avoir les mêmes droits et privilèges dans la société que la majorité l'hétérosexuelle. Ce livre permettra
d'éduquer à la fois la communauté médicale et le grand public sur l'existence de données fascinantes et convaincantes qui appuient fortement l'idée qu'il existe une base biologique à la sexualité
humaine et par conséquent il devrait aider certaines personnes à accepter la sagesse de la diversité biologique.
Charles E. Roselli, Département de Physiologie et de Pharmacologie,
Oregon Health & Science University, Portland, USA
Le docteur Clerget reste par ailleurs non convaincu ; nous avons eu l’occasion d’en débattre en radio
sur Radio France Internationale le 4 février. J’imagine qu’il en sera de même pour la plupart des psychanalystes.
Je n’ai enfin reçu à ce stade aucune réaction venant de la part des autorités religieuses.
Quelles sont les réactions du monde LGBT à la publication de votre livre ?
Parmi les très nombreuses réactions reçues, une majorité sont positives et me remercient pour l’éclairage
que je donne de cette orientation sexuelle. Le déterminisme prénatal dont je défends l’existence annihile en effet les thèses présentant l’homosexualité comme une perversion, une déviance, un
péché… Il devrait par ailleurs être de nature à déculpabiliser les homosexuels et leurs parents.
Ceci dit, une partie non négligeable des réactions est négative soit parce que certains revendiquent la
liberté de leur choix soit parce qu’ils ont peur des dérives eugéniques qui pourraient être associées à l’identification des mécanismes qui contrôlent l’orientation sexuelle. J’ai répondu à ces
objections potentielles dans mon livre.
Comment pouvez-vous, encore, nous rassurer sur la possibilité d'éviter les dérives eugénistes qui
nous font craindre un monde où le test prénatal d'orientation sexuelle serait accessible ?
Un test de détection n’est pas, à ce stade, très proche car nous ne comprenons pas encore le détail des
mécanismes impliqués. Ceci dit, si un tel test devenait disponible, il est clair que les comités d’éthiques devraient strictement contrôler l’usage qui en serait fait. Ceci ne vaut bien sûr que
pour les pays démocratiques qui malheureusement ne sont pas en majorité dans notre monde. La connaissance est donc potentiellement dangereuse mais c’est vrai de façon générale et le chercheur,
comme tout un chacun, doit rester vigilant quant à l’utilisation qui en est faite.
Vous êtes citoyen d'un royaume dont les avancées en matière de droit des homosexuels sont un exemple
en Europe et dans le monde. Votre livre est paru le même jour que Casse-toi
(1) du photographe Jean-Marie Périer dans lequel il
dénonce le rejet de jeunes homos par leurs parents. Pensez-vous que la société belge est plus protégée de ce genre de dérives ?
La Belgique a effectivement une attitude assez progressiste dans ce domaine à l'heure actuelle. Je n'ai pas
d'interprétation claire de cette différence par rapport à d'autres sociétés latines. Peut-être faut-il voir là un effet bénéfique de la grande diversité culturelle de notre pays.
Je vous remercie de nous avoir accordé tout ce temps et toute cette attention et souhaite que votre
livre reçoive le succès qui lui est dû. Je ne peux que conseiller, tant il est riche de nuances et de précisions, sa lecture à tous ceux qui voudraient réagir à notre discussion. Rigueur
scientifique et doute méthodique y accompagnent une réelle ouverture sur un sujet qui peut intéresser nombre d'entre nous, même si le « comment » est, pour beaucoup, plus important que
le « pourquoi ».
(1) http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/22338
Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact
avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.
TO BE CONTINUED…
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