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SI J'ÉTAIS... HOMO (ou) HÉTÉRO



Homo ou hétéro ? So what...

Kriss

 

Pour la huitième livraison de cette série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, je convie aujourd'hui quelqu'un qui me touche beaucoup : Kriss. Kriss, c'est tout d'abord un fan de science-fiction et de littérature de l'imaginaire (comme moi !). Mais Kriss est surtout un rayon de soleil dans ma vie de blogonaute gay, en couple binational (voire intercontinental), fidèle, amoureux et...). Il nous donne à voir sur son blog (enfin sur leur blog) l'histoire d'amour qui le lie à son prince charmant, Kael. De manière simple, franche, directe ... Mais surtout, derrière chaque mot et chaque photo transpire l'amour, avec un A majuscule ! Et depuis, Kriss et Kael se sont pacsés (à défaut de se marier, c'est notre combat à tous). Et puis, ils ont commencé le long combat pour être parents ! Quel courage ! Quel amour ! En attendant que Kael se plie aussi au jeu du "Et si...", je vous conseille de lire et suivre mes deux tourtereaux préférés...

 

Si j’étais hétéro, ma vie aurait-elle aussi variée ? aussi heureuse ???

Est-ce que je me rappellerais de Jonathan, le charmant chevalier blond qui me venait toujours en aide dans la cour de CM2 quand on n’était pas sympa avec moi ? Probablement pas… Mon enfance a été plutôt calme, mes parents déménageaient très souvent, alors dur de garder des amis. J’étais donc plutôt timide et renfermé, plutôt le gentil garçon, un peu genre premier de la classe auquel les autres gamins trouvaient drôle de piquer les affaires parce que c’était trop facile. Victime idéale, ou pressentaient-ils le pédé que j’allais devenir ? Je ne pense pas, hétéro ou pas, mon enfance aurait été sensiblement la même. J’aurais juste sûrement oublié Jonathan et cet autre garçon qui faisaient de l’aviron en 5e et que je voyais tout droit sortir des livres de Tolkien en elfe musclé qui m’emmenait dans les forêts profondes. Oui, j’étais très précoce dans mes lectures, mais pas trop côté relation amoureuse ou autres, j’ai mis du temps de ce côté-là.

Est-ce que j’aurais passé mes années lycée avec une bande de filles ? Là, je pense qu’on commencerait à diverger, je connais peu de mecs hétéros qui fréquentent quasiment que des filles autrement que pour en faire sa/la cour.



Est-ce que je serais parti de chez moi à 19 ans pour faire mes études à l’autre bout de la France, à Nantes (bah oui, venant de Nancy, c’est l’autre bout) ? Je pense que oui, c’est plutôt mon envie d’indépendance et de ne pas rester chez un de mes parents après leur divorce.

Est-ce que je serais parti en Russie pendant mes études, puis en Nouvelle-Calédonie, en Australie pour l’armée et découvrir le monde ? Là, je suis sûr que non. Je serais resté ici et j’aurais épousé soit une future vétérinaire blonde soit une future avocate rousse (oui, j’ai commencé par les histoires hétéros avant de m’assumer), on aurait eu des enfants, un labrador, une maison en banlieue de Nantes.

J’y serais d’ailleurs encore probablement aujourd’hui, sans avoir fait le tour du monde comme j’ai pu le faire, sans famille, sans attaches.

Ma vie aurait été somme toute moins variée, plus banale, mais pour autant très riche. Simplement différente, avec d’autres priorités, d’autres envies.

Mais une chose est sûre, je serais amoureux, comme je lui suis aujourd’hui de la personne avec qui je vie, un homme, une femme, peu importe… Seul l’Amour m’importe et je sais que je ne pourrais vivre sans : de ce côté-là, tout serait identique. Et quand on est amoureux, on est heureux. Heureux comme je le suis aujourd’hui, jusqu’ici. Hétéro ou homo ? So what…


PaCs de Kriss et Kael.


Kriss



Elle est pas chouette ma life ?

Patrick Antoine

 

Pour la septième livraison de cette série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, j'ai un vrai plaisir à vous faire découvrir un blogueur que j'aime beaucoup : Patrick Antoine. J'aime déjà lire son remarquable blog, Chocolat ou café ?, mais aussi regarder Un jour, une photo, et terminer par la lecture de ses critiques cinéma. Patrick est d'une sensibilité et d'une pudeur qui me touchent. Il y a derrière ses mots une fragilité attendrissante mais aussi une véritable force de caractère. Et Patrick, en plus, me fait toujours l'honneur d'accepter mes petits défis toilerosiens. Pour moi, ce sera chocolat et café.

 

Si j'étais hétérosexuel, ma vie serait complètement différente, je ne serais pas celui que je suis, tant il est évident que ma sexualité a joué un rôle primordial dans la construction ou la déconstruction de celui que je suis devenu. Non pas qu'on ne puisse pas être moi en étant hétérosexuel, mais probablement avec un processus de maturation différent. Aussi m'est-il assez difficile d'imaginer ce que je serais si j'étais hétérosexuel, ce que je ferais, ce que je penserais.

Je suis né homosexuel. Je ne le suis pas devenu, ce n'est pas quelque chose que j'ai choisi. D'autant que je me souvienne, j'ai toujours été plus sensible à la gent masculine. J'étais un enfant solitaire, différent. J'ai très longtemps pensé que mes parents ne m'aimaient pas, que je n'avais pas été un enfant désiré, mais un accident de parcours qu'il avait fallu mener à terme. Je me suis construit avec l'acceptation du rejet, avec l'acceptation d'une différence. Est-ce que pour être hétérosexuel il aurait fallu que mes parents m'aiment de façon plus démonstrative ?

Si j'avais été hétérosexuel, je n'aurais pas été asocial, j'aurais joué avec mes copains aux gendarmes et aux voleurs, ou aux cow-boys et aux indiens. J'aurais joué au foot, j'aurais été populaire, j'aurais eu des amis. Je n'aurais certainement pas sauté une classe pour prouver que j'étais plus intelligent que les autres, que je valais mieux. Je me serais contenté de rester au milieu du troupeau.

Si je suis ce que je suis, c'est que j'ai toujours pensé qu'il fallait que je prouve ce que j'étais, parce que je ne me contentais pas de seulement être. Si j'avais été hétérosexuel, je me serais contenté d'être. On n'a rien à prouver quand on est déjà comme tout le monde.

Si j'étais hétérosexuel, je serais ingénieur en aéronautique aujourd'hui, comme mon père et mes frères. Je n'aurais pas tout envoyé balader après mon bac scientifique pour échapper à un avenir tout tracé et m'épanouir en faisant des choses que j'aimais vraiment. Je serais ingénieur en aéronautique, et aux repas dominicaux je parlerais avions, mécanique, voitures, informatique, téléphonie portable, je commenterais les dernières prouesses technologiques.



Je serais marié, évidemment. Et j'aurais des enfants. Parce qu'immanquablement ça finit toujours par arriver les enfants. C'est une façon de rester dans le moule. C'est une façon de ne pas s'ennuyer à deux tous les soirs.

Je n'habiterais pas à Paris, parce que j'ai été élevé dans l'idée que les enfants ça s'élève dans une maison avec jardin. C'est comme les chiens, il leur faut de l'espace pour s'amuser. D'ailleurs nous aurions aussi un chien et un chat, ça fait partie du lot. Et puis pourquoi habiter à Paris si on ne va pas dans les musées ou aux spectacles et qu'on passe ses soirées devant la télé ? Parce que oui, moi qui ne possède pas de télé, nous en aurions une. Forcément. On ne peut pas vivre enfermé dans une maison à deux sans avoir une télé.

Je ne courrais pas non plus. Exunt les 10 km et les semi marathons. Parce que ma femme n'aurait pas apprécié que trois fois par semaine j'enfile un short pour aller courir dans les bois. Il faut s'investir dans une vie de famille. J'aurais juste eu droit au club de foot, parce que ça fait partie du minimum sportif qu'aucune femme ne peut interdire à un homme. J'aurais eu droit au foot, aux matchs à la télé, et aux soirées bière-pizza avec mes amis footeux.

Je ne serais pas séropositif, parce quand on est marié et qu'on a des enfants on a aussi un sens forcé des responsabilités, on ne risque pas sa vie pour un coup de bite. D'ailleurs dans la famille ça ne se fait pas, on a des valeurs. Il est probable que je n'aurais pas eu non plus une vie sexuelle très épanouie, le désir ça s'émousse avec le temps.

En résumé, si j'étais hétérosexuel je serais marié et père de deux enfants, j'habiterais une maison dans une ville de province, je prendrais ma voiture tous les matins pour aller travailler, les week-ends avec les enfants nous irions voir les parents/beaux-parents, et ma vie serait d'un ennui tranquille. Mes seuls tracas à l'aube de mes quarante ans seraient l'éducation de mes enfants adolescents et mon ventre de plus en plus gras à force de compenser mon ennui par la bouffe et les bons vins.

Finalement, je la trouve bien ma petite vie ratée d'homo célibataire-pauvre-séropositif-parigot...


Patrick Antoine



De l'importance des cadres dans la vie en société. Ou quelque chose comme ça.

Justine Niogret

 

Pour la sixième livraison de cette série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, j’ai le plaisir de vous présenter une des nouvelles passeuses de textes étranges de notre beau pays, un coup de cœur : Justine Niogret. J'ai découvert la prose de Justine il y a quelques mois et son tyle et son imaginaire m'ont électrisé. Je l'ai donc publiée dans ma revue immédiatement. Elle me fait penser à un Ray Bradbury féminin et pervers, à une Poppy Z. Brite moins tourmentée, bref je suis tombé sous son charme vénéneux. Et comme le montre son blog, Justine est drôle, fraîche, un peu barrée et surtout enthousiaste. C'est pour cela qu'elle a dit oui de suite pour tenter cet exercice. C'est aussi pour cela que je l'adore. Comme vous vous laisserez griser par son premier recueil de nouvelles (cliquez sur la couverture en fin de billet)...

 


Si j’étais homo, ça ne changerait rien.

Voilà, je saute direct à la conclusion, à défaut de mon voisin.

Parce que si j’étais homo, je serais toujours et encore moi.

Mais qu’est-ce qui serait différent ? Parce qu’il faut bien que quelque chose diffère, sinon c’est pas du jeu… Alors je dirais le regard des autres, sans doute.

Parce que c’est ça ce qu’ils (ce qu’on, soyons honnêtes, nous avons tous nos racismes) jugent : les autres. La différence. Sortir du cadre, de leur cadre. Ne pas être la jeune fille trop frêle pour porter ses paquets, ne pas être le frétillant jeune homme qui aime faire porter son propre paquet par les sus-dites jeunes filles, soyons classe, les enfants sont couchés.

J’ai toujours été dans le monde d’entre les cadres, dans l’entredeux, à défaut de l’entrefesson. Trop virile de caractère pour être une « vraie » fille, trop assurée pour ne pas être, comme on me l’a si joliment fait remarquer, gouine.

Et curieusement, trop féminine aussi ; trop femme physiquement pour ne pas être une conne, trop grande gueule pour ne pas être, au fond, stupide, trop indifférente pour ne pas être jalouse en secret, trop passionnée pour ne pas être, honte suprême, mal baisée.

Toujours et encore cette même brochette de conneries depuis que je suis née, une fille qui crie est une chieuse, un garçon qui couine a du caractère, vous connaissez le refrain aussi bien que moi, tous en chœur ad nauseam.

Je me souviens de la honte de certains garçons après que je les ai massacrés à la console devant leurs potes. Je me souviens du rire vite étouffé du garagiste quand j’ai acheté une ligne d’échappement pour ma moto et que j’ai refusé ses services parce que « non merci, je saurai l’installer toute seule. » Je me souviens du papier de l’agence immobilière quand j’ai acheté ma maison, ma maison à moi. Monsieur. Monsieur Justine Niogret, tout simplement parce que quand on achète une maison, on ne peut être que Monsieur. Je me souviens de la réflexion d’un Monsieur, justement, après la lecture publique d’un de mes textes : « Vous écrivez comme un homme. » Ben tiens. Je n’ose imaginer la tête du crayon.

Alors voilà, conclusion, comme promis plus haut, ça ne changerait rien.

Parce que pour ceux qui vivent, qui existent, qui se réjouissent du monde et qui me font la grâce d’être mes amis, ça ne changerait rien.

Et pour les autres, ceux qui poussent en pot, ceux qui ferment très fort les yeux pour ne rien voir et qui me font la joie quotidienne de ne pas me fréquenter, ça ne ferait qu’une insulte de plus. De gouine à pédé, la différence ne serait pas notable. 



Mais.

Si j’étais homosexuelle, je voudrais être un garçon.

Parce que quelque chose me dit qu’avec, en gros, les couilles de mon caractère, ma façon d’être passerait mieux. Et puis je n’y peux rien, les corps de femme ne sont pas mon truc. J’aime les hommes, le genre de garçon qui ont de jolies hanches fermes qu’on peut tenir dans deux mains, des joues mal rasées et des yeux de petits ange salaud à qui on a envie de casser la gueule. J’aime les cheveux en brosse et la courbe, là, entre l’oreille et la pointe de l’épaule, touchante à pleurer quand elle est nue.

Je serais James Hetfield pour avoir sa tête de monstre méchant, le droit d’être laid, poilu, barbu, de me cuiter autant que j’ai envie. Je me trimballerais en salopette de redneck immonde, je ferais de la musculation jusqu’à en avoir des vergetures et je me ferais tellement pousser les pattes qu’on se demanderait si j’ai encore des joues en dessous. Je serais tout ce qu’on m’a interdit d’être parce que je suis née avec une zizette au lieu du matériel adéquat. Oh, et j’aurais un chien, un chien aussi con et laid que moi.

Et au niveau fesse (puisqu’on est aussi là pour parler matos), je me taperais des mecs sans doute mieux dans leurs pompes et leur calbute que l’hétéro moyen. Un peu plus curieux, un peu plus tenaces, un peu plus dégourdis et un peu moins timides. Plus joueurs. Des mecs qui se sont rendu compte que leur corps n’avait pas qu’un seul point où appuyer pour lancer les feux d’artifice, et que toute exploration n’allait pas leur faire tomber les oreilles. Ceux-là, comme le remarque ce distingué Gentleman dans Robocop, j’en prendrais pour un dollar. Voire plus.

D’un autre côté… Moi, avec mon minet au bras, végétarien, artiste et gentil avec les animaux, même avec une gitane maïs pourrie entre les dents, on finirait bien par me traiter de gonzesse, je le devine.

 

Justine Niogret

(blog : http://www.justineniogret.com/, MySpace : http://www.myspace.com/justineniogret)



 



The Same Guy In Reverse

(ou Le Même à l'envers)

BBJane (a.k.a. Pascal Françaix)

 

Pour la cinquième livraison de cette série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, je vous propose un véritable coming-out littéraire en exclusivité, celui de BBJane, de son vrai nom Pascal Françaix (oui, oui, sa sœur a ouvert cette série de billets). Pascal est, pour moi, l'une des plus grandes plumes du fantastique moderne français. La preuve, dans ma vraie vie je l'ai publié et c'est un honneur. Si ce genre de littérature vous titille le cervelet, précipitez-vous sur ses livres (en neuf ou d'occasion pour les indisponibles) ; si vous ne pouvez pas les acheter, volez-les ! J'ai rencontré et bossé avec Pascal avant nos coming-out réciproques. Depuis, il est mon pacsé littéraire. Nous travaillons sur un énorme projet de fantastique gay, nous vous en parlerons sur ce blog bientôt. Et puis il y a BBJane et son blog incroyable : original, barré, cultivé, barge et indispensable. Franchement, et en lisant la suite vous serez convaincu(e)s, mon pacsounet est génial !

 

Si j’étais hétéro, faudrait déjà que je m’emploie à sortir du placard homo où ma nature profonde croupit depuis des lustres. Vous imaginez pas combien c’est délicat ! les inimitiés qu’on se crée ! les gémonies qu’on vous décoche ! la tronche que vous tirent les copines !..

S’affirmer, c’est toujours trahir. Pour être aimé, restons semblable. À ce qu’on fut ; à ce qu’ « on » croit. Fluctuons pas d’un pouce, revirons pas d’un poil. Si c’est se contredire que d’être, soyons soi qu’avec des pincettes.

Le placard gay, mes biens chères sœurs, il est verrouillé triple tour. Il se défonce pas d’une pichenette. Faut posséder le fort boutoir, maousse et contondant. Quant on a fait péter la lourde, on est pas quitte pour autant. On est suivi par l’ombre rose… la nostalgie du confinement… et puis par la fureur rancuneuse et braillarde des ex co-recluses qui digèrent pas votre escampette…

« Faux derge ! » qu’elles vous gueulent au cul ! « Judasse !.. Lâcheuse !.. Court-au-con !.. »

Vous devenez l’affreux jojo ! Plus question après ça de fouler le même trottoir – on peut toujours courir quand on a pris les clous !.. On est banni des vieilles plates-bandes…

N’importe !.. La bonne air qu’on respire enfin !..

Ah ! l’Hétéroxygène !.. Épuré de tout miasme ! Ample et revigorant !.. La griserie que l’on s’empoumonne !.. Ça vous tourne un peu la caboche après la claustration, mais à la longue, ça vous requinque !.. C’est pas l’air vicié du Marais ! Ça vous ravive le teint sans fard !..

 

Si j’étais hétéro, après mon backing-in, je balancerais dare-dare tout mon gay-frusquin aux orties… Pas de tri ! Tout ou rien !... Boy George au dépotoir, et Almond, et Britten !... Je te les vire d’autor de mes étagères à CD !… Vade retro Killie ! Antony ! Jobriath !

Je conserve ma vieille Eartha ?.. un ou deux Judy, pour le fun ?..

Que non ! On pinaille pas ! On bazarde tout comme ça vient !

Dans ma vidéothèque aussi, à tour de biscotos je largue ! Morrissey, Paso, Milligan… Mes Bette Davis, mes Crawford… et tous mes « fantastiques » (on vous l’avait pas dit ? le genre est infesté de queers …)

Mes livres ? Parlons-en pas !.. J’ai de quoi remplir trois décharges !..

J’envoie valser, je garde rien ! Photos, bibelots, lithos ! Tout aux gogues et on tire la chasse !.. Faut surtout pas s’encombrer d’art, ça vous féminise le gingin… c’est du ferment à déconfiote…



Photo (c) Son chéri d'à lui. Photo prise au Hameau de la Reine (Authentique !)


Si j’étais hétéro, j’aurais ma mère à dos. La pauvre a jamais pu encadrer les belles-filles, les piffer même de loin. C’est comme qui dirait intrinsèque à sa constitution. Ça lui blêmit les sangs dès qu’elle en flaire une en maraude. Elle ferait quand même un effort, au début, je présume… Un tout petit, pour me complaire… montrer qu’elle se braque pas d’emblée – ça durerait le temps des colchiques, je me fais pas d’illuses…

C’est tellement plus mignon d’avoir un fils en rab ! C’est dans leurs fibres, aux mères… incrusté dans la moelle… À corps à cris, ça veut du fils ! C’est la dévorante appétence ! Jamais trop de rejetons mâles ! Et puis un gendre, l’avantage : c’est pas de la concurrence... Qu’une brue, méfiance ! Ça diffère de grue que d’une lettre ! C’est roué, comme créature ! Ça vous culbute d’un piédestal en deux coups de reins et trois coups de langue…

 


Si j’étais hétéro, j’en pincerais que pour les lesbiennes. Elles seraient mes proies d’élection, pour le défi qu’elles représentent. Tomber une brouteuse, mes cocos, c’est pas donné au premier gusse ! C’est valorisant, comme exploit ! Faut être le mec plus ultra… outillé spécifique… pas seulement du falzar, aussi du ciboulot… avoir un charme dépotant, à transplanter le Fuji en plein cœur de l’Auvergne…

Les nanas hétéros, c’est pas le même tintouin. Ça s’emballe en un tournemain, suffit de savoir if’. Le vieux couplet fait encore bien l’affaire : un coin de lune, un semis d’étoiles… un bouquet de fleurs bleues vaporisé d’eau de rose… un revenu moelleux et stable… la garantie de l’exclusive… la promesse aussi du marmot !.. et du maire ! ça c’est la cerise !.. vous serez leur Seigneur si vous leur miroitez l’Anneau !..

Ah, non ! C’est trop cafard… et surtout trop facile... Lever ça, autant lever rien… Je préfère aller braconner chez les tribus goudous…

 

Si j’étais hétéro, je le serais comme une enclume, pour paraphraser qui-sait-bien.

Sorti de ma gouinolâtrie, je serais archi-homophobe.

J’aurais lu Freud et ses séides, je saurais bien qu’on naît tous bis, qu’on devient si ou ça par frousse rétractile devant l’étendue des possibles… Mais je saurais aussi que, quoi qu’on dise et baise, on est moutons de ses options sitôt qu’on les a prises. On est tous réacs et claniques, au sein de nos fières différences comme de la norme hégémonique…

C’est la société qui l’induit… c’est la merde… c’est l’homme…

D’être instruit de ces choses et d’en être si déconfit me rendrait encore plus prosélyte de la connerie.

Je vous l’ai déjà dit : je vomis le juste milieu, les demi-mesures, l’à-peu-presque.

Je serais anti-gay, raciste, misogyne. Inégalitaire au possible. Ami des génocides.

Je donnerais mon avis sur tout, et ce serait le seul qui vaille.

Et comme le Monde court à sa perte à force de se reproduire, je reproduirais mon pareil à couilles rabattues. Une naissance pour chaque coup tiré !.. – au fait : je serais Catholique – benoîtement intégriste.



Si j’étais hétéro, je perdrais mes cheveux et porterais la barbe. Peu soucieux de littérature, j’écrirais sans relâche, des trucs calibrés pour thuner. Je publierais chez Gallimard des romans Harlequin sur des époux qui se séparent et des divorcés qui se remarient. Mes héros seraient cancéreux, psychiatres ou urgentistes. Et vers la cinquantaine, précocement sénile et résolument chauve, je me risquerais à décrire la liaison pornographique d’un auteur vieillissant et d’une illettrée pré-pubère. La bave aux lèvres et les mains moites, je craindrais le scandale mais n’obtiendrais que le Goncourt. Dans les salons du livre, je ferais du gringue aux minettes, et je dédicacerais les strings de leurs mamans.

 

Si j’étais hétéro – je réalise d’un coup – j’aurais quelques années de moins.

Ça serait bien beau, rajeunir…

Mais je picolerais deux fois plus, ce qui fait que j’irais pas loin.

Suicidaire patenté, malheureux comme les pierres, je serais peut-être plus là pour affirmer que je suis gay

 

Au fond, si j’étais hétéro, je serais le même – inversé.

Boy George m’a soufflé la formule (matez la référence !)

It’s the same thing in reverse

Nothing better, nothing worse

 

Bon, assez palabré… D’ailleurs, je me répète… J’ai noirci trois cents pages, jadis, sur le sujet – et ce fut publié, assure mon éditeur. Heureusement qu’il est là pour m’ôter le doute du pied, parce que si je comptais sur les lecteurs !.. Cahiers-décharge, ça s’appelle. Profitez de la pub : elle est jamais passée nulle part, et sera pas rediffusée…


BBJane (a.k.a.) Pascal Françaix


         





Si je devenais hétérosexuel...

Jean-Yves

 

Pour la quatrième livraison de cette série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, j’ai convié Jean-Yves. Jean-Yves tient le blog "Culture & questions qui font débats", un espace personnel et culturel que je lis depuis trois ans et demi chaque jour. L'homme est discret, mais il répond systématiquement présent lorsque je le sollicite. Jean-Yves est un des piliers historiques de Les Toiles Roses et avoue qu'il pensait faire mieux mais qu'il a bloqué sur le sujet, en effet il est "un gay heureux de l'être". C'est tout le mal qu'on lui souhaite...

 

Si je devenais hétérosexuel (J’ai transformé la proposition « Si j’étais hétérosexuel… » en « Si je devenais hétérosexuel… »)

Quel serait mon look, mes manières, mes rôles, mes représentations, mes attentes, mes désirs, mes problèmes ? Serais-je sûr d’appartenir à une grande famille, celle que Roland Barthes appelait déjà la grande famille des hommes ?

Serais-je le type qui surgit là où s’invente le besoin de mystère que les femmes éprouvent à leur égard ?

En devenant hétéro, je ne voudrais pas être considéré comme un homme qui viendrait d’être créé sur le champ, comme un objet magique, surgi sans aucune trace de l’histoire qui l’a produit.

L’image de l’homme bon chic, bon genre, celle du gagneur qui doit sa supériorité à l’emprise de son corps et de son esprit sur le monde ne pourrait être la mienne. Pas plus ressembler à l’image du « beauf » (celui que chantait Renaud), faisant marcher ses enfants et sa femme à la baguette.

J’essaierais surtout de me penser comme dépendant de l’un et de l’autre sexe. De ne pas poser mon existence hétérosexuelle comme la « normalité ».

In fine, je ne souhaiterais pas m’imaginer seul capable de penser l’hétérosexualité. Voilà, ce serait ma seule véritable affirmation.


Jean-Yves


 


Un rêve évanoui

WoaB

 

Pour la troisième livraison de cette série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, j’ai traversé toute l'Europe pour aller débusquer et ramener vers notre blog : WoaB. WoaB tient un blog intitulé "Without a Brain" (d'où le pseudo, non ?). WoaB, au lieu de dire "Bonjour" tous les matins, glapit un truc comme "Hejsan". Hé oui, WoaB vit en Suède à Stockholm où il prononce de drôles de mots que seuls les suédois essayent de faire croire au reste du monde qu'ils veulent vraiment dire quelque chose. Mais nous savons tous que ce n'est pas vrai. WoaB est jeune (24 ans), WoaB est beau, WoaB est gay, WoaB pense... Et s'il était hétérosexuel ?

 

Une amie, quand je lui ai posé la question, m'a répondu directement : «  Mais tu ne l'es pas ! »

Douce et amère vérité.

Je ne sais si les hétérosexuels se posent aussi la question, mais étant homosexuel dans un monde hétérosexuel, j'ai été amené à imaginer ce que ma vie aurait été si j'avais été différent.

L'homosexualité, comme l'hétérosexualité d'ailleurs, n'est pas un choix (bon d'accord, hormis si vous êtes bisexuel et que vous décidez un de ces quatre matins d'être fidèle). M'enfin, ceci est un cas à part.

D'ailleurs, pour être honnête avec vous, si j'avais pu choisir je serais hétérosexuel. Bien évidemment, je vais devoir nuancer de suite mes propos. Être hétérosexuel dans une société hétérosexuelle, c'est être dans la norme, en bref c'est partir du bon côté de la rivière. Malheureusement, la majorité des hétérosexuels que je connais sont vraiment paumés ; c'est un constat accablant quand on sait que ce sont eux qui fourniront la nouvelle génération. Là, je pourrais partir dans une théorie nostradamusienne et vous faire flipper quant à la fin du monde qui décidément n'est pas si loin, mais non, nous ne sommes pas réunis pour parler de cela.


Je tends à penser que si j'étais hétérosexuel je serais un homme formidable ! Si si... sincèrement, je le pense ! Imaginez mon empathie naturelle, mon aisance avec les femmes, ma créativité naturelle (??)… Je serais le roi du monde ! Une sorte de Margaret Thatcher sans double menton à une réunion du G8. Mon seul souci, c'est que je ne peux m'empêcher de penser que si j’étais hétérosexuel, en fait je ne serais pas moi-même. D'ailleurs, si je tente de me remettre dans le contexte familial et social desquels je suis issu, je serais un vrai petit dictateur imbu de sa personne, ce qui au final me rapproche quand même de mon rêve thatchérien. Pour en revenir à nos moutons, je serais un petit dictateur en puissance (non pas que je ne le sois pas tout en étant homosexuel, mais je pense que je le suis à un moindre degré), une espèce de relation de cause à effet. Je crois aussi très sincèrement que je gagnerais beaucoup à être hétérosexuel, tout d'abord parce que je pense que les femmes sont plus faciles à séduire que les hommes, ensuite (et rien que pour ça je serais hétérosexuel à me damner) on peut faire un enfant quand même plus facilement… et vu le nombre d'enfants qui naissent de tous les côtés, c'est dire si les hétéros connaissent les préservatifs ou la contraception… Mais plus que tout, je crois que je vivrais sûrement ma vie plus pleinement, sans essayer de ne pas être trop émotif, sans prendre garde à ne pas faire ci, ne pas faire ça... Ne vous méprenez pas, je suis conscient que j'idéalise beaucoup mon hypothétique hétérosexualité et bien sûr tous les hétérosexuels ne sont pas des « rocs ». Les hétérosexuels ont aussi des problèmes... Oui mais les homos ont les mêmes… en plus de celui de leur homosexualité !



Je sais aussi que si j'étais hétérosexuel, je n'aurais sûrement pas toutes mes amies ; ça, je vous le dis de but en blanc, ça serait un vrai drame. Je ne crois pas en l'amitié entre deux hétérosexuels de sexes opposés, donc forcément si j'étais hétérosexuel la majorité de mes amies seraient des amis. Une super soirée consisterait à aller draguer de la pauvre donzelle au musée… Palpitant !

En fait, plus j'y pense plus je me trouve coincé entre deux stéréotypes hétérosexuels : l'hétérosexuel de base made in Beaufland ou l'homo de base made in Queenland… Dans les deux cas, rien de bien prometteur. Plus j'y pense (et vous pouvez relire et compter combien de fois j'ai écris que je « pensais » dans cet article), plus je me dis qu'en fait je pense ce que je pense parce que je suis ce que je suis… Houlala, je me fais même peur maintenant... Mais c'est ça aussi de donner des idées de sujet à la con à des gays...

 

WoaB

(Site : http://withoutabrain.hautetfort.com/, MySpace : http://www.myspace.com/gourmandise)

 

 

 

 


Il était une fois moi

Zanzi

 

Pour la deuxième livraison de cette nouvelle série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, j’ai remobilisé pour un come back (en one shot ?) la star démissionnaire de notre blog : Zanzi. Faut-il encore le présenter ? Zanzi a écrit 99 épisodes (soit 4 saisons) de la rubrique la plus célèbre de la blogosphère : Zanzi and the City. De commentateur de ce blog, Zanzi est devenu un excellent collaborateur avant d'entrer dans le cercle très fermé de mes amis (et ce mot, je ne le galvaude jamais). Ce petit chou cultivé et humaniste a vécu les aléas de sa carrière quasi ministérielle et réside désormais à Moncton au Caribouland (patrie de la Dion qui rime avec...). C'est en tant qu'ami que je le menace de tous les maux s'il ne revient pas sur sa décision de ne pas entamer une cinquième saison de sa saga bloguesque...

 

Il était une fois moi. Un petit garçon pas comme les autres. Prématuré d’un mois, je ressemblais à une petite bouteille. J’étais fragile mais bien vif. Premier né de mes parents, je fis la fierté de mon père qui donnait un nouvel héritier à une dynastie autrefois flamboyante et en manque de descendant mâle. Vingt mois plus tard, avec la naissance de mon petit frère, il fit coup double. Mais revenons-en à moi.

Comment évoquer le propos de ce billet hors série sans parler de ce petit bonhomme très spécial. Précoce, pas seulement parce que je suis venu au monde juste à temps pour être Verseau du troisième décan et non du signe des Poissons ainsi qu’il était prévu que je fusse. Précoce, j’ai marché très vite, parlé très vite, appris à lire très vite. Il faudrait interroger ma mère pour savoir à quelle vitesse stupéfiante j’ai réalisé tous ces progrès que certains enfants mettent des années à accomplir et, pour le dernier d’entre eux, n’y parviennent toujours pas à la veille d’entrer en sixième de collège.

Rêveur je fus, rêveur je reste. Je m’évadais dans les livres, avec la prescience que, déjà, ils pouvaient m’apporter un petit plus merveilleux que je ne trouvais pas dans la vie réelle. Avec le recul, je réalise que j’ai eu une enfance heureuse, protégée, insouciante. Mes plus anciens souvenirs remontent à l’année de mes deux ans. Ce sont des flashes. J’étais un enfant rieur, enjoué, très sociable, la coqueluche de tout le monde.

Je suis entré à l’école l’âge de quatre ans et demi, c’est-à-dire quand je l’ai voulu. D’ailleurs, j’estime qu’il est inepte que les parents mettent leurs gamins en maternelle-garderie-crèche dès l’âge de deux ans. Et vas-y que je me débarrasse du baigneur. A l’école, j’ai eu ma première petite copine à l’âge de six ans. Elle s’appelait Nathalie. Avec mon meilleur ami David et une autre copine de classe, Carine, on jouait aux papas et mamans. Classique jeu d’enfants qui s’amusent à imiter les grandes personnes. Mais plus encore, j’adorais jouer aux billes.

Vers neuf ans, je suis tombé amoureux d’Odile, la fille de la maîtresse d’école de la classe de CE2. Ciao Nathalie ! Nathalie était une petite blonde toute frêle, Odile était une brune un peu plus grande, avec des nattes à la Laura Ingalls, et un tempérament prononcé, sans être toutefois du genre garçon manqué comme l’était Marion. Cette idylle platonique d’enfants pré pubères a duré jusqu’au CM2.

En sixième, je suis entré dans un collège privé autrefois tenu par les Frères des Écoles Chrétiennes. Il en restait encore, quoique ces derniers s’étaient défroqués une quinzaine d’années auparavant dans le tourbillon révolutionnaire post-Vatican II et les hérésies modernistes de Paul VI. Ce collège, ou plutôt cet ensemble scolaire qui formait du primaire à la terminale, était une énorme bâtisse qui contrastait avec le côté intimiste et convivial de ma petite école de quartier. Mes débuts furent difficiles, car ma sensibilité d’artiste et de littéraire s’est heurtée de plein fouet à l’hostilité du professeur titulaire qui, pour mon malheur, remplissait également les fonctions de professeur de mathématiques et de sciences physiques, mes bêtes noires. C’est ainsi que mon enfance prit brutalement fin à l’âge de 11 ans et demi et que je fis ma première dépression.

Je me souviens qu’en 6e-5e j’avais le béguin pour une fille qui s’appelait Florence, une blonde aux cheveux bouclés qui me faisait penser à Grace Kelly. En 4e, ce fut une certaine Stéphanie qui portait un nom polonais qu’il m’est impossible de retranscrire ici. Ou bien était-ce en 3e, je ne sais plus, je n’avais qu’une envie : fuir cet enfer de collège qui, à l’époque des maths omnipotentes, n’offrait aucune filière littéraire dans sa section de lycée.

C’est ainsi que pour la seconde dite de détermination, j’ai changé d’établissement, toujours dans le privé. Ainsi le voulait ma catholique maman qui pensait que l’enseignement public serait désastreux. Je ne lui donne pas tort, en tout cas pour ce qui est de notre coin de pays. En seconde, je suis tombé amoureux de Sylvie. Cette passion a duré jusqu’en terminale. Les sentiments n’étaient pas réciproques car elle me voyait comme son meilleur ami et de mon côté, j’étais l’épaule sur laquelle elle pouvait se reposer et répandre ses larmes après chaque désastre sentimental. Elle avait alors, autant que moi par la suite, un cœur d’artichaut. Sylvie m’a beaucoup marqué et c’est la seule fille qui revienne, épisodiquement, hanter mes rêves la nuit.

Entre-temps, en 3e, j’avais commencé à regarder les garçons et je me souviens avoir éprouvé un trouble intéressant lorsque, dans le train de nuit qui emmenait toute la classe en séjour d’une semaine dans la banlieue madrilène, j’observais discrètement le beau Richard dont je pouvais voir, à la faveur d’un caleçon trop large, les testicules alors qu’il grimpait à l’échelle sur la couchette supérieure. C’est ainsi qu’au lycée, tout en étant réellement épris de l’inoubliable Sylvie, je ne pouvais m’empêcher d’épier prudemment les corps et les formes de mes camarades de classe dans les vestiaires, et de mettre à contribution ma rétine périphérique dans les urinoirs.

En première année d’université, l’ambivalence qui m’animait a éclaté au grand jour à l’intérieur de moi-même lorsque je suis tombé amoureux de Valérian, tout en développant une amitié amoureuse avec la belle Carole et en m’inscrivant au cours de japonais pour les beaux yeux d’une autre blonde qui, elle aussi, était un ersatz de Grace Kelly et à qui j’ai tenté de faire la cour, bien vite interrompu lorsque j’ai su qu’elle n’était pas libre. Par la suite, j’appris qu’elle avait épousé le garçon avec lequel elle sortait alors. Cela me semble remonter à des siècles et j’ignore s’ils ont divorcé depuis.

Le même schéma s’est reproduit deux ans plus tard avec des sentiments déchirés entre Axel et Valérie. Axel ayant été décevant et Valérie ayant abandonné les cours, l’année suivante j’ai reporté mes désirs sur une nouvelle Odile, qui me faisait penser à Elizabeth Taylor dans sa splendeur cléopâtresque avec un petit quelque chose de son personnage dans Soudain l’été dernier.

De retour à l’université après cet intermède de deux ans dans une école de communication, j’ai flashé sur une deuxième Valérie, qui était un mélange de Greta Garbo et de Susan Sullivan (voir les génériques de Falcon Crest). Mais c’était un fantasme lointain, je ne lui ai jamais parlé tandis que trois autres jeunes filles virevoltaient dans mon sillage comme de bonnes copines avec lesquelles j’ai tenté, sans succès, de contrecarrer les progrès de mon attirance pour les garçons. Depuis cette époque, plus une seule n’a réellement compté. Je n’inclus pas Shannen Doherty qui me faisait un petit quelque chose à l’époque des premières saisons de Beverly Hills, encore que j’avais un crush phénoménal pour son frère à l’écran, le beau Jason Priestley.

Nous sommes en octobre 2008. L’eau a coulé sous les ponts d’autant plus que les glaces polaires fondent à toute allure. J’ai voulu vous exposer ce long prologue avant d’en venir au sujet principal qui n’est pas si évident que cela car, l’intituler « si j’étais » ne va pas de soi. Quand Daniel clame que je suis un hétéro refoulé (ou plus vraisemblablement, contrarié, il n’a pas tort). Mais bon, je vais jouer le jeu et dire que je suis 100 % homo mais il faudra tenir compte de ce qui précède pour que la grille de lecture soit complète.

Cher Daniel, si j’étais hétérosexuel, je sortirais avec des filles charismatiques d’une beauté à couper le souffle. J’aurais voulu être un sémillant trentenaire dans les années cinquante, pour avoir la chance de vivre des histoires d’amour avec Marilyn Monroe, Ava Gardner, Grace Kelly, et leurs consœurs. Depuis ma plus tendre enfance, je suis attiré par le cinéma hollywoodien de la grande époque et les stars me font rêver ; davantage celles de l’âge d’or que les « people » contemporaines. Elles avaient le glamour.

Si j’étais hétérosexuel, je ressemblerais à Artie Shaw, qui avait le cœur comme son nom. Il s’est marié de nombreuses fois, dont avec Lana Turner. Sans doute serais-je un play-boy bourreau des cœurs, tel un Porfirio Rubirosa, un collectionneur des plus belles créatures féminines qui soient. Je ne serais probablement pas le genre que furent James Stewart et Paul Newman, deux hommes exemplaires fidèles à leur épouse pendant plus de quatre décennies.

Pourtant, si j’avais la chance de rencontrer la perfection faite femme, aussi belle à l’intérieur qu’à l’extérieur, intelligente, smart et sexy, avec un petit grain de folie car il en faut pour être capable de me suivre dans mes aventures, alors il va de soi que je n’aurais d’yeux que pour elle. Je la comblerais de présents magnifiques. J’adorerais me montrer à son bras. Tel un maharadjah, je lui offrirais des bijoux hors de prix, des tenues époustouflantes qui mettraient en valeur sa beauté renversante. Contrairement à Joe DiMaggio, qui a bêtement ruiné son mariage avec Marilyn Monroe à cause de sa jalousie de macho italien qui n’a pas supporté la popularité de sa femme et qui entrait dans des colères monstres après s’être trouvé chaque fois au mauvais endroit au mauvais moment (1. le tournage de la séquence de la chanson « Heat Wave » dans La Joyeuse Parade et 2. le tournage de la bouche de métro dans Sept Ans de Réflexion), je serais fier d’être l’heureux élu d’une femme exceptionnelle que je protègerais tel un chevalier des romans courtois du Moyen-Âge.

Si j’étais hétérosexuel, j’essaierais de rejeter Brad Pitt dans les bras de Jennifer Aniston afin de lui succéder auprès d’Angelina Jolie. Ou alors, je séduirais Britney Spears dans l’espoir de la sortir de son cycle infernal. Peu m’importerait alors que ces femmes aient déjà des enfants, je jouerais avec bonheur les pater familias avec la progéniture d’autrui qui deviendrait la mienne.

Si j’étais hétérosexuel, j’épouserais Charlotte Casiraghi. J’enfermerais Andréa et Pierre dans un monastère, le crâne tondu comme à l’époque des Mérovingiens, détrônerais Albert le Bègue et m’emparerais de Monaco avec l’assentiment de Caroline. Par un curieux tour du destin, mes enfants auraient pour arrière-grand-mère une actrice mythique qui me faisait rêver.

Mais, si j’étais hétérosexuel sans être une célébrité connue et reconnue, je serais un quidam qui finirait sous les ponts, parce qu’au bout du compte, je divorcerais, devrais payer une pension alimentaire à mon ex-femme et subvenir aux besoins de nos enfants et, échaudé par cette expérience traumatisante, trouverais de furtifs réconforts dans des saunas parmi des hommes nus qui ne me demanderaient rien de plus que de partager un moment de plaisir volé à un quotidien déprimant de solitude.

Au bout du compte, que l’on soit homosexuel, hétérosexuel ou bisexuel, ce n’est pas évident d’être un homme et de tracer sa route sur les chemins de la vie, que l’on soit seul ou accompagné.

Pour conclure, je vais oser une variation sur le même thème. Et tiens, si j’étais un arbre ?

Si j’étais un arbre, je serais un chêne, et donc je glanderais comme tout bon fonctionnaire que d’ailleurs je suis. Mais hêtre ou ne pas être, telle est la question… Aurais-je jamais la bonne réponse ?

 

Zanzi

 



Quand le mâle persiste

Audrey Françaix

 

Pour inaugurer cette nouvelle série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, j’ai convié sur notre blog ma belle-sœur littéraire (private joke [Note de Daniel C. Hall]) : Audrey Françaix. Audrey est née en 1980 dans le Nord de la France. Avide de fantastique depuis sa plus tendre enfance, elle a développé un goût prononcé pour l'écriture. Peintre, poétesse, mais avant tout romancière, Audrey a à son actif plusieurs romans pour enfants dont Le Cercle des Elfes et Halloween : le Club des Monstres. Elle fonde en 2004, les Editions Octobre en collaboration avec Pierre Grimbert pour avoir une plus grande liberté d'expression. Depuis elle a fait publié toujours chez Octobre, la Trilogie de la Chair, qui se veut être de l'erotic fantasy française. Alors un conseil, si après avoir dévoré ce billet vous ne vous précipitez pas sur ses romans, c’est à désespérer…



Si j’étais homosexuelle, j’en profiterais premièrement pour être un homme. Ce serait plus simple. Car si j’étais un homme, je serais forcément homosexuel, pour les raisons qui suivent…

J’aurais trop souvent la trique pour me faire curé, à moins d’invoquer la veuve poignet, celle qui finit par rendre les soutanosaures sourds aux « marches nuptiales » et « prières des époux ».

Entre Père Pignole, souvent dans l’isoloir, et Père Dophile qui n’enfonce pas que des paroles d’évangile dans les orifices des marmousets, je choisirais d’être Père Spicace. Je préférerais bander pendu au bout de ma cravate plutôt que matant le cul de ma grognasse dans son jean délavé. De toute façon, il serait pas question pour moi de me convertir au masochisme en me maquant avec la première greluche venue : je ferais mon « coming-out » dès le berceau ! Au moins, je serais pas tenté de tâter de la mégère avant de connaître le véritable Amour, avec un grand A comme Androgame ou Amateur de rosette. Je me laisserais pas le temps de jouer les guignols de naphtaline dans la maison du Seigneur pour officialiser mon martyre avec ma future divorcée. Oh que non !

Parce que les bonnes femmes, y faut se les farcir. Et si c’était qu’au sens propre du mot, ça irait encore…

Pour un homme, le cauchemar commence généralement avec sa génitrice. Cette dernière ne souhaite que le bonheur de son fils, tout en comptant bien le diriger ad vitam aeternam. La fibre maternelle a vite fait de se transformer en chiendent vorace. Môman dégomme une à une les belles-filles potentielles, car les femelles ont souvent du mal à se blairer... même qu’entre elles, elles se blairent witches. Quand une nouvelle bru arrive, môman sort toutes les photos des anciennes soupirantes de son biquet. Car la mère possède une sorte d’album sanctuaire qu’elle peut profaner à tout moment pour en extraire une putréfaction cadavérique destinée à décomposer les prochaines unions de son fils. Et cette technique très subtile se transmet souvent de mère en fille. Ça devient un véritable fléau : l’invasion des profanatrices de sépultures ! Mais un beau jour, le célibat fait paniquer le fiston, alors il enfile l’anneau à la dernière venue, sans même la présenter à môman.

Quand on est un mec, il suffit d’écouter ses potes se plaindre de leurs mouquères jalouses, possessives et castratrices, pour jurer fidélité à l’homosexualité. Selon les branques, les maritornes sont de vraies poules caqueteuses qui finissent par vous transformer en chapon !

Elles ont la passion des sitcoms, des Voici, de la télé-réalité et des commérages entre filles… Elles font de vous des pros de la logorrhée bandante à force de vous contraindre à mater les défilés de mode ou de Miss à leurs côtés dans le canapé, et sous leur surveillance bien sûr. Car elles ne supportent pas que vous ne partagiez pas leurs goûts. « On doit tout faire ensemble ! beuglent-elles. Tu es moi, et je… ne suis pas toi. » Mais à cet instant, vous comprenez « Tuez-moi » : et une envie de « femmicide » vous poursuivra jusqu’à la fin de votre vie ! Vie que vous continuerez malgré tout de partager avec votre bourrelle. Les hommes hétéro seraient-ils maso ?

Bobonne parviendra même à vous rendre responsable des vergetures qui sillonneront son ventre gélatineux à cause des trois gosses braillards et invivables, portraits crachés de leur père, que vous lui aurez parachutés dans le bide. Et vous ne compterez plus sur la lingerie sexy pour trouver encore un brin de plaisir dans la vie maritale, puisque bobonne la sortait uniquement quand elle avait envie d’être engrossée… Il paraît que plus l’homme est excité, plus sa came regorge d’héritiers !

Si bien que, sans même vous en rendre compte, vous finirez en porte-couilles obèse, alcoolique, qui passera ses week-ends à picoler dans une cabane de chasse avec ses copains plombistes.

La semaine, vous en aurez plein le dos des collègues de bureau, et vous attendrez le soir pour vider des kro en jouant aux jeux vidéo. Mais votre femme, tel un pilier de bistro, vous soutiendra. Elle vous aidera à vous foutre en l’air en envisageant de prendre « un nouveau départ ». Et vas-y que je t’engraisse avec des surgelés, mon amour, que je t’offre une rame de cigarettes pour la Saint Valentin, un nouveau fusil à Noël – y’a tellement d’accidents de chasse – en attendant que ça vienne. Ça, ce truc qui lui a toujours manqué, qui ressemble au bonheur, mais qu’elle ne dégotera jamais parce que, au fond, elle n’a rien d’autre à glander qu’à l’espérer éternellement !

Alors, sincèrement, si j’étais homosexuel, oui, je serais un mec. Car, de toute évidence, j’aime les hommes. Ceux que rien ne peut détourner de leurs passions et de leurs rêves, pas même une femme.

 

Audrey Françaix

(afrancaix@ed-octobre.com, blog : http://festindohmelle.canalblog.com/, site : http://www.ed-octobre.com)


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