01.
ANUKITE, LA FEMME-CERF
Papy Potter
Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit
au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le
chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses
spiritualités du monde.
Quand le soleil trompa la lune avec une
simple femme
Alors que l’église nous menace des pires flammes de
l’enfer, les sioux, eux, ont un peu plus de chance. Chez les indiens des plaines en effet, les homosexuels et les transgenres sont sous la protection d’une divinité : ANUKITE.
Mais d’abord, découvrons son histoire. Avant de devenir une déesse, ANUKITE était une
femme. ITE était son véritable nom, ce qui veut dire « visage ». WAZI, son père, était le chef du clan. KANKA, sa mère, était une prophétesse. ITE avait une qualité enviée. Elle était
d’une beauté rare, pour ne pas dire divine. Son époux chanceux était un dieu : TATE, divinité du vent. Ensemble, ils avaient eu quatre fils, dont nous parlerons d’ailleurs une autre fois. Au
moment où se sont déroulés les évènements qui ont tout bouleversé, ITE attendait son cinquième enfant.
Un jour, le peuple des cavernes reçut la visite d’IKTOMI, un dieu menteur, farceur, qui
prend souvent la forme d’une araignée. Les parents d’ITE enviaient leur fille qui avait épousé un dieu. Ils auraient tant aimé détenir eux-mêmes quelques pouvoirs Oh, pas grand-chose. Deux ou
trois dons du ciel. IKTOMI le savait et il fit un cadeau. C’est ainsi que KANKA, la mère d’ITE, reçut un don extraordinaire des mains du dieu arachnéen. Elle pourrait embellir chaque chose selon
sa seule et unique volonté.
IKTOMI aimait intriguer. Il avait l’âme entremetteuse. Il s’approcha alors d’ITE et lui
confia ceci. WI, le soleil, serait tombé éperdument amoureux d’elle.
Mais ITE, et on peut la comprendre, en doutait farouchement. Certes, elle était déjà
fabuleusement belle, mais pas au point de séduire le soleil. C’est pourquoi sa prophétesse de mère sauta sur l’occasion de tester son nouveau pouvoir. Elle lui lança un sortilège afin qu’ITE
devienne encore plus belle qu’elle ne l’était. Et elle y réussit. La jeune femme se transforma aussitôt et devint bien plus chatoyante que les plus colorées des fleurs, plus fraîche que la rosée
de l’aube et plus radieuse que le ciel étoilé. En bref, elle était d’une beauté sans pareille. Là, c’était sûr, si le soleil avait déjà le béguin pour elle, à présent, il serait à ses
pieds.
ITE ne songea dès lors plus qu’à une chose : se faire remarquer de lui. Car après
tout, pourquoi se contenter d’être la femme du vent, si on peut être aimée du plus brillant des astres ? Un jour qu’elle paradait en espérant attirer son regard, WI posa le regard sur elle. Il
s’approcha, sourit, multiplia les poses et les phrases aguicheuses. Ils marchèrent quelques heures ensemble et babillèrent. Et c’est sans hésiter qu’elle accepta, quand il baisa sa main, de le
joindre à sa table lors du prochain banquet. Le soleil était sous son charme.
De son côté, IKTOMI intriguait. HANWI, la lune, flânait dans ses appartements où des
voiles argentés flottaient doucement. Elle chantait, inconsciente du danger. Elle étrangla une note quand elle vit s’approcher la divine araignée, toute hérissée de poils et de soie blanche. Dans
quel piège allait-elle tomber, qu’il tissait autour d’elle ? Mais IKTOMI, adroit, prit sa voix la plus douce et ouvrit une fenêtre aux voilages scintillants. Là, en-bas, le soleil minaudait,
au bras de la mortelle. Et une sueur glacée mouilla les cheveux de la lune.
— Qui est cette mortelle ?, demanda-t-elle, d’une voix plus blanche que son
visage.
— C’est l’épouse du maître des vents, répondit IKTOMI.
— Elle est si belle, constata la déesse.
Une colère sourde lui broyait la poitrine. En bas, visiblement, son mari draguait une
humaine. Le fourbe. Le dieu arachnéen se rapprocha alors de la déesse lunaire :
— Elle viendra au banquet. Vous n’avez pas le choix, oh, ma déesse. Belle comme elle est,
les invités n’auront d’yeux que pour elle. Vous devrez être exceptionnelle pour l’éclipser. Laissez-moi vous donner ces conseils, très chère lune. Le jour du banquet, travaillez d’arrache-pied.
Composez-vous la plus légère des robes, le plus soyeux des maquillages, le plus suave des masques, faites de votre visage une merveille. Ne pressentez-vous pas toute l’ampleur du
danger ?
Il s’approcha, une lueur rouge dans son regard octuple :
— Une autre femme convoite votre époux.
Le jour dit, la lune s’attarda donc à sa toilette, tandis que le soleil présidait à la
table du banquet. À côté de lui, un siège vide attendait la venue de la lune. Ce fut ITE qui apparut enfin. Et sans attendre, il la convia à s’asseoir près de lui. La lune, elle, hésitait, quant
aux voilages à assembler, aux scintillements à réveiller, aux splendeurs à créer sur son visage inquiet.
De sorte que quand elle se présenta, bonne dernière, au banquet, elle ne put qu’amèrement
constater que le siège de l’épouse était déjà formellement occupé par la mortelle rieuse. Tandis qu’elle s’approchait, hypnotisée, la lune sentait ses habits se raidir, son maquillage ternir, son
visage se faner. Elle se le recouvrit, honteuse, et se mit à pleurer.
L’assistance, bien cruelle, comme il en est l’usage dans ce genre de mondanités, éclata
d’un rire gras, amusé, presque heureux du scandale qui jouait son théâtre devant eux.
Les larmes de la lune ruisselèrent dans les cieux.
C’est alors qu’un grondement annonça l’arrivée du grand dieu du ciel. SKAN. Le redouté.
Le juste.
Après avoir interrogé les uns, les autres, témoins ou non, sur les raisons de ce
désordre, il prononça sans hésiter un jugement sans appel.
— Dorénavant, la lune et le soleil ne pourront plus paraître ensemble dans le
ciel.
Les deux astres encaissèrent la sentence, impuissants. Car tous devaient se conformer aux
volontés du ciel qui leur donnait asile.
— Les parents d’ITE, eux, deviendront « vieille femme » et « vieil
homme ». Ils enseigneront aux plus jeunes de leur peuple, et oublieront, par leur travail, ce qu’ils désiraient être : des dieux.
En, bas, dans l’ombre des cavernes où ils vivaient, WAZI et KANKA, vieillirent en un
instant, se recouvrirent de rides, perdant leurs cheveux par poignées. Le poids des ans courba leur dos en l’espace de quelques secondes et le peuple des hommes se mit à hurler de
frayeur.
Quant à ITE, il la châtia, elle aussi. Il la punit sur ce qu’elle détenait de plus
précieux. Non ses enfants, ni son mari, comme il l’est d’habitude des femmes, mais bien sur sa beauté. La moitié de son visage demeura aussi beau qu’il l’était avant. Mais l’autre moitié fut
frappée d’une effrayante malédiction. Elle en devint hideuse et repoussante. Consciente de la terrible épreuve dont elle serait désormais la victime, ITE entra presque aussitôt dans les tourments
de l’enfantement. Elle accoucha bien avant l’heure de son cinquième enfant.
Quant au dieu araignée, qui était malgré tout la cause première de ce désordre, que
devint-il ? Allait-il échapper à la colère du ciel ? Ne devait-il pas écoper du pire des châtiments ? Ce fut peut-être le cas. Car il fut condamné à errer sur la terre, maudit et
craint de tous. Le farceur eut l’audace pourtant de s’en moquer. En effet, dans son châtiment, le dieu du ciel n’avait pas mentionné le peuple des animaux. IKTOMI annonça qu’il pourrait, dès
lors, aller librement parmi eux. Qu’est-ce qui l’en empêcherait ? Il en fut donc ainsi, l’araignée ne faisant frissonner que le peuple des hommes, et jamais l’animal.
Et la lune, ah, la lune ! Chacun le sait d’expérience. En souvenir de ce jour-là, il
arrive bien souvent qu’elle se couvre le visage. HANWI sera toujours l’amoureuse du soleil, mais elle ne règne plus avec lui dans les cieux. Leur couple est désuni, pour la plus froide des
éternités.
Sous les ramures de la femme-cerf
Depuis ce jour, ITE porte le nom d’ANOG ITE, ou ANUKITE, qui signifie « double
visage ». Il est fréquent qu’elle se transforme en cerf à queue noire, le plus souvent après avoir révélé son message ou pour prendre la fuite. Ce pourquoi on la nomme également « la
femme-cerf ». La malédiction qu’a subi la mortelle l’a condamnée à l’isolement et à l’exil.
Ceux qui s’approchent d’ANUKITE sont d’abord subjugués par la moitié splendide de son
visage, avant d’être effrayés par la partie hideuse et de s’enfuir. ANUKITE, dans son malheur, a pu garder son mari auprès d’elle. Mais le peuple des hommes la fuit avec constance. Mais quel
rapport, me direz-vous, avec les homosexuels ?
C’est simple. Chez les sioux, c’est par le rêve que les dons se révèlent. Qu’en est-il
donc de ceux et celles qui rêvent d’ANUKITE ?
Place aux femmes tout d’abord. Celles qui rêvent d’ANUKITE sont ainsi fréquemment dotées,
qui s’en étonnera ?, d’un très puissant pouvoir de séduction. Voilà qui rend les hommes méfiants et les condamne souvent à vivre seules. Une femme trop belle, chacun le sait, n’est
décidément pas bonne à épouser. Surtout si elle exerce sur les mâles de la tribu sa puissance séductrice. Certaines d’entre ces filles d’ANUKITE sont par ailleurs lesbiennes. Car la mortelle
divinisée, en faisant fuir les hommes, n’interdit pas aux femmes de se lier entre elles.
Les personnes qu’ANUKITE protège de ses ramures possèdent de nombreuses qualités, pour le
tissage par exemple, ou le dessin en général et en tout cas pour de nombreuses tâches spécifiquement féminines, et cela, que l’on soie homme ou femme. De grands artistes sioux se revendiquent
ainsi d’ANUKITE.
De nos jours, les femmes que cette déesse protège évoquent souvent une autre féminité que
celle dont jouissent les femmes ordinaires. Une féminité plus indépendante des hommes notamment. Elles avancent par exemple le fait que leur activité artisanale demande une telle maîtrise qu’elle
est souvent incompatible avec une vie familiale et l’éducation des enfants. Une indépendance par rapport aux fonctions matrimoniales que l’on ne peut s’empêcher de rapprocher de la LILITH
judéo-chrétienne. Leur vie entière se consacre dès lors à la maîtrise de la parure, de la beauté, et de l’art visuel, ce en quoi elles incarnent l’esprit d’ITE et la malédiction d’ANUKITE. Femmes
célibataires et lesbiennes sont ainsi le deuxième visage de la femme dans le peuple sioux. Une autre facette de la féminité, investie d’un farouche esprit d’indépendance. Une deuxième face
qu’ANUKITE exhibe par son double visage.
Et les hommes, direz-vous ? Ceux qui rêvent d’ANUKITE sont, eux aussi, investis de
fonctions particulières. Ils sont d’abord soumis à un test de confirmation. On leur propose divers objets parmi lesquels ils doivent choisir. S’ils jettent leur dévolu sur un objet féminin, cela
possède un sens : ce sont des hommes « aux deux esprits », que l’on appelle « winkta ». Le terme « winkta », contre toute attente, désigne indifféremment les
homosexuels et les transsexuels. Le mot dérive en effet de « win » qui signifie « femme » et de « kta », le suffixe désignant le futur. De sorte que le mot
« winkta » signifie littéralement « sera femme ». En conséquence, les « deux esprits » se travestissent fréquemment, accomplissent des tâches féminines aussi bien
que masculines et ont aussi le droit d’épouser d’autres hommes. Ils illustrent, eux aussi, le visage double. La féminité présente en chaque homme. Voire la masculinité présente dans la femme. Ils
sont l’incarnation de ce deuxième visage.
De par le fait que son visage est double, ANUKITE est ainsi la déesse de toutes les
dualités. Elle révèle que chaque chose a en elle-même le germe de son contraire et que les énergies complémentaires cohabitent bien souvent au sein d’une même entité ou d’un même corps. ANUKITE
révèle donc l’homme en la femme et du même coup la femme en l’homme. Cette dualité porte également sur le domaine de la sexualité. Les deux visages de la femme-cerf reflètent à la fois les
sexualités, correcte et incorrecte. Il serait tenté d’opposer du même coup homo et hétéro-sexualités, mais ce serait réducteur. Le problème n’est pas tant le sexe du partenaire que la fonction du
couple. Il est important de savoir qui on est et, en conséquence, de quel type de partenaire on a besoin. Mal choisir son conjoint conduit au désordre et, symboliquement à la mort. C’est la
raison pour laquelle on dit souvent que coucher avec une femme-cerf est mortel.
Ce n’est sans doute pas un hasard non plus si les « winkta » sont souvent
investis de tâches matrimoniales. En tant que « deux esprits », ils ont le droit de fréquenter les cercles masculins ET les cercles féminins de la tribu. Voilà qui les pourvoit d’une
expérience extraordinaire de la masculinité et de la féminité. Observateurs privilégiés des deux sexes, ils en deviennent les coordinateurs. Dès qu’un problème se pose dans un couple, c’est le
« winkta » que l’on s’en vient trouver. Il comprend, lui, les attentes toutes particulières des hommes aussi bien que celles de leurs épouses. Il est ainsi conseiller conjugal. À ceux
qui prétendraient que l’homosexualité est une menace pour la famille, on pourrait donc opposer sans problème le modèle des sioux. Les homos n’y sont pas une menace mais au contraire un outil. Ils
permettent aux couples hétéros de se comprendre et de rester ensemble. ANUKITE, on s’en souvient, avait tenté de séparer le soleil et la lune, de désunir le couple mythique. Pour cela, elle a été
punie. Est-il dès lors si étonnant que celui qui se trouve sous sa protection soie investi de ces fonctions de médiateurs ? Sans doute que non. Ces intermédiaires réparent en fait la faute
qu’ITE avait commise avant de devenir ANUKITE. Comme c’est fréquemment le cas, la déesse règne sur un axe, celui du couple. Cet axe rejoint les divers états, les différentes facettes du couple,
qu’elle incarne tour à tour. Si elle représente à la fois l’infidélité et la sexualité débridée, elle est aussi liée au célibat et à l’équilibre matrimonial. Finalement, l’important est que
chacun soie avec le bon conjoint, si conjoint il doit y avoir.
Les amérindiens, comme plusieurs anciennes autres civilisations, ont donné aux
homosexuels des fonctions sociales bien précises qui peuvent être par ailleurs religieuses. Les « deux esprits », comme c’est souvent le cas chez les païens, accomplissent par exemple
les rites funéraires. Ils président donc à l’accompagnement des morts, de la même manière qu’ils baptisent les enfants d’un nom sacré. Ce sont les gardiens de la porte.
Il est peu probable que les winkta se soient rassemblés en foyers. Généralement, ils
vivaient seuls et étaient craints, ce qui renvoie inévitablement à l’exil que subit ANUKITE depuis des millénaires.
Pour en finir avec cette divinité, on peut également s’attarder au symbolisme du cerf
chez les sioux. Les hommes qui sont sous la protection du cerf à queue noire peuvent tuer d’un seul regard, dit-on, ou capturer une âme dans un miroir… On pense alors qu’avoir des relations
sexuelles avec une femme cerf est mortel. On peut associer ce symbole au fait que les personnes que la femme-cerf protègent restent célibataires ou s’unissent fréquemment avec des partenaires de
même sexe. Dans les deux cas, ils n’ont pas de descendance. Voilà qui contribue à parer d’une aura terrifiante les homos des deux sexes chez les sioux. Ils sont respectés, oui, mais ils sont
craints. Car ils mobilisent avec eux des énergies complexes. Ils ne donnent pas naissance physiquement à des enfants. Mais ils leur donnent pourtant un nom sacré. Lequel est d’ailleurs révélé au
père biologique de l’enfant après qu’il aie couché avec le « winkta ». Avec nos yeux d’occidentaux, nous parlerions de prostitution, d’un acte sexuel « monnayé ». Je ne peux
m’empêcher de songer à Christopher Penczak qui affirme, à l’instar d’Aleister Crowley : « tout comme les relations hétérosexuelles aident les cycles de la vie à se poursuivre sur un
plan physique, les relations homosexuelles, ne dirigeant pas leur énergie sur la conception physique, dirige l’énergie à des fins magiques, peut-être en continuant les cycles vitaux des réalités
magiques, comme l’inconscient collectif. » Quoi de plus magique et sacré que le nom sacré d’un enfant ? Dans cette prostitution que certains qualifient d’outrageante, il est
possible de voir la conception de cet enfant magique, l’enfant sacré. Car c’est après avoir eu des relations charnelles avec le père que le « winkta » enfante, lui, du nom sacré. Il
définit de cette manière la personnalité magique de l’enfant. De sorte que la relation homosexuelle, si elle est stérile sur le plan physique, ne l’est pas forcément sur le plan
spirituel.
Mais le symbole du cerf est également transgenre dans le cas bien précis de la
femme-cerf. Le cerf porte en effet des ramures et respire la puissance, la masculinité. Dans son espèce, les sexes sont particulièrement bien différenciés. On reconnaît aisément une biche d’un
cerf. Qu’une femme, comme ANUKITE, se transforme en cerf ne laisse donc aucun doute sur son caractère transgenre. Le féminin devient le masculin. On peut aussi y voir l’illustration du caractère
matrilinéaire originel des peuples amérindiens défendu par William K Powers. Cet auteur insiste lourdement sur l’importance de la femme chez les sioux. La femme, ne l’oublions pas, accouche à la
fois des hommes et des femmes. L’homme, quant-à-lui, n’accouche pas. Il est hautement probable que cette constatation ait favorisé le culte de la déesse-mère des temps anciens. Les sioux n’ont
pas non plus échappé à la règle. Plusieurs femmes sacrées jalonnent d’ailleurs les mythes oglala. ANUKITE en est un exemple, la femme bison blanc en est un autre.
Il est significatif de voir que le mot femme « win » se retrouve dans les
différentes appellations qu’une jeune fille prend tout au long de son existence (winona, winu…). Par contre, ce même préfixe n’apparaît pour l’homme que quand celui-ci est adulte et marié. Il
devient alors « wicasa » . Le terme « wica » désigne en général la masculinité. « san » ou « sa » voulant dire « rouge ». « wicasa »
veut donc dire « homme rouge ». Le mot le plus proche est « winsan », qui veut dire « femme rouge » mais également « vagin ». « wicasa » aurait
donc, pour racine, le mot « vagin ». Ce qui est d’autant plus logique que « wicasa » ne désigne que les hommes adultes. La notion de féminité apparaît donc en langue sioux
jusque dans le terme représentant la masculinité. Les homosexuels n’échappent pas à la règle vu qu’on les nomme « winkta », donc « seront femmes ». Le fait de définir les
homosexuels par rapport au mot « femme » n’est donc pas propre à eux. Par ailleurs, les lesbiennes sont nommées « winkta win », soit « femme sera femme », ce qui
indique bien la place centrale occupée par la femme dans la civilisation sioux.
Qu’on songe aussi à l’image forte que le cerf évoquait aux yeux des peuples anciens. Il
porte des bois sur la tête. N’est-il pas d’une certaine manière un des rares animaux à unir en lui-même les mondes animal et végétal ? La femme-cerf est alors un symbole puissant :
celui de la cohabitation, au sein d’une même entité, d’énergies, d’idées, d’opinions,…certes opposées mais néanmoins complémentaires. Les enfants de la femme-cerf sont donc ces hommes et ces
femmes aux « deux esprits », capables d’expérimenter en eux l’homme et la femme et d’accomplir, en fait, l’union sacrée.
À suivre le mois
prochain :
Vent d’Ouest et Oiseau-tonnerre
Couple mythologique homo chez les indiens sioux
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