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STONEWALL : 40 ANS !




Ralph Hall (1945 - 1988) lived in New York City during the 1970's with his lover and "spiritual brother" Bob "Flash" Storm. Using an old electric stencil-maker and a hand-cranked Gestetner machine, they produced the multi-colored, underground gay "fagazines" Gay Post, Ain't It Da Truth and Faggots on Faggotry, which they sold and gave away on the street. Hall was self-taught, his art influenced by the psychedelic designs of the 1960's and the emerging gay movement.

Photo de Ralph Hall © Ian Young


 

« L’héritage de Stonewall, c’est alors de pouvoir exprimer qui l’on est, c’était l’affirmation du droit à être. » Maxime Journiac, Ex-Aequo n°29/juillet-août-septembre 1999.

 

 

(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls.



 

Le sommet de la carrière filmée de Judy Garland n'est-il pas la série de shows TV qu'elle a faite pour CBS en 1963-1964 : The Judy Garland Show ?Elle y est insurpassable.

Cette série de 26 shows télévisés de 1 heure que Garland a tournée dans les studios CBS de Los Angeles devait donner une nouvelle orientation à sa carrière. CBS pensait que le public serait ravi de retrouver Judy à la télé dans un show régulier et Garland, qui avait 41 ans, avait cruellement besoin d'argent. Un deal est signé. Judy chantait, dansait, jouait des sketchs, seule ou avec des artistes invités (c'est là qu'elle a fait débuter Streisand à la télé par exemple) et même ses enfants. Elle faisait ses numéros solo devant un public live (comme en concert) et enregistrait les sketchs. Un peu comme les shows de Maritie et Gilbert Carpentier, mais en N&B.

Les décors étaient simples et épurés, d'une stylisation jamais vue à la télé jusqu'alors. Un décor récurrent était celui dans lequel Garland chantait la plupart de ses numéros solo : sur une scène prolongée par un catwalk qui allait vers le public, une grosse malle de voyage était posée. C'est Garland elle-même qui avait voulu cet unique accessoire, qui devait symboliser pour elle toute une vie de vagabonde du spectacle.

Mais Judy avait bien changé physiquement depuis ses films musicaux et les téléspectateurs se sont sentis mal à l'aise de retrouver leur Dorothy prématurément vieillie. De plus, la concurrence était rude avec la chaine rivale NBC, qui passait à la même heure la nouvelle série Bonanza... en couleurs. Les shows ont commencé à ramer et CBS a décidé de les stopper au 26ème numéro, plongeant Garland dans une profonde déprime et provoquant la colère des vrais fans et des critiques, qui avaient perçu le caractère exceptionnel du projet et l'investissement physique personnel stupéfiant de Garland. Ses biographes sont tous d'accord sur le fait que cet échec a précipité sa fin (Judy Garland est morte en 1969, à 47 ans).



Les 26 numéros du Judy Garland Show restent un moment unique de l'histoire du showbiz télévisuel et Garland n'y a jamais été aussi proche, humaine, drôle et bouleversante. Par exemple, son interprétation de "Old Man River" dans le show #1 (voir extrait YouTube ci-dessous), est une expérience émotionnelle sans équivalent pour un admirateur de Judy et à mon humble avis la meilleure version jamais interprétée de cette chanson magique. Son interprétation du "Battle Hymn of the Republic" (Glory Glory Hallelujah) qu'elle a chanté dans son Show au lendemain de l'assassinat de Kennedy, est un morceau d'un lyrisme désespéré inoubliable et fut la séquence la plus applaudie de l'ensemble des programmes. C'est dans ces shows qu'on peut mesurer, s'il en était encore besoin, combien elle a été une artiste absolument complète.




L'ensemble du Judy Garland Show est disponible en DVD Z1 (remasterisé, qualité vidéo et audio stupéfiante) en deux coffrets qui sont assez chers mais qui sont inestimables pour les fans.

Et tant que j'y suis, une autre édition concernant Judy Garland : Judy Garland Speaks! qui est une rareté absolue sortie en CD (googlez pour le trouver). Ce sont les bandes sonores que Judy Garland a enregistrées chez elle sur un magnétophone entre 1963 et 1967 dans le but de documenter une autobiographie qui n'a jamais vu le jour. Les bandes sont conservées aujourd'hui à la Columbia University de New York. En tout, 90 minutes d'enregistrements de Garland toute seule face à son micro, qui raconte sa vie, ses succès et ses échecs personnels et professionnels. Elle n'a pas la langue de bois et dit tout ce qui lui passe par la tête.



Comme les bandes ont été commencées après la débâcle de son show sur CBS, le début en est très amer... pour s'enfoncer encore plus au fur et à mesure de l'enregistrement. On entend souvent le bruit des glaçons dans le verre de whisky (elle termine souvent un enregistrement ivre morte). Au final, c'est une Judy Garland totalement désabusée par sa carrière qui révèle toute sa rage contre le système hollywoodien et sa terreur devant ses propres démons. Elle parle aussi de ses quelques souvenirs heureux, comme sa rencontre avec Mankiewicz ou Minnelli (mais pas sur le même ton de la fin de leurs relations), ses enfants et ses performances scéniques. Plus on avance dans l'écoute, plus un sentiment de malaise nous prend et l'expérience finale en tant qu'auditeur est plutôt désagréable. Judy Garland, défaite et d'une voix cassée, crache son amertume dans la seconde partie (elle insulte même ses fans, c'est-à-dire nous), parle beaucoup du désastre de sa vie privée et de son instinct de survie face à la mort qui semble la guetter. Quand on sait comme tout cela a fini, on a vraiment l'impression d'entendre un fantôme qui n'a pas trouvé le repos qui nous parle depuis la tombe. Bref, une écoute morbide que je ne recommande pas du tout à qui veut garder l'image rayonnante de la Judy Garland qu'on aime. Un document exceptionnel mais éprouvant. Je ne connais rien de semblable pour aucune autre star de la magnitude de Judy Garland.


« Stonewall est d’abord perçu comme une révolte de coiffeuses et pas une révolte d’intellectuels comme mai 68 en France. » Patrick Cabasset, Ex-Aequo n°29/juillet-août-septembre 1999.

 

par  BBJane Hudson

 


C’EST LA FAUTE À JUDY

 

Donc, il faut parler de Stonewall. C’est ennuyeux, j’y étais pas. Et puis c’est de l’histoire ancienne… Pensez donc ! Quarante ans !... C’est du lointain passé dans le fond des mémoires… qui fermente et macère… qui se décompose en fumier… Le fameux « mur de pierre », c’est un vieux pan d’ancienne victoire qui peu à peu se désagrège… juste bon, une fois l’an, à y pisser en chœur nos vieilles rancœurs… un hochet qu’on agite aux parades de printemps pour justifier notre fierté… une marotte poussiéreuse dont les grelots rouillés font « Proud ! Proud ! »… c’est un prétexte à défiler quand tout à l’entour s’ankylose, s’égruge, se délite…

C’est quoi Stonewall, au fait ?... Vous n’êtes pas forcés de savoir… Je vous brosse les faits vite fait : le 28 juin 1969, vers une heure trente du matin, huit flics débarquent au « Stonewall Inn », un bar gay de Christopher Street, Greenwich Village, New York. Rien que de coutumier. C’est pareil tous les mois dans toutes les boîtes à pédales. Le prétexte de la descente, c’est qu’on y vent du liquoreux sans avoir de licence. Le rituel est immuable : vérification des papiers, fichage des contrevenants, menottage d’une poignée de mineurs et d’une brassée de folles. Le port de vêtements réservés au sexe opposé est passible de taule ; pour éviter toute méprise et ne pas boucler d’innocents, des agents féminins, matonnes habilitées, font se dépoiler les suspect(e)s et perquisitionnent les culottes. D’habitude, le taf est peinard, les lopes ne bronchent pas d’un faux cil, se laissent enfourgonner sans piper mot… Cette nuit-là, elles regimbent, font tout un pataquès… Elles se cabrent devant le panier à salade, refusent de se laisser rafler… Un attroupement se forme dans la rue… travestis et lesbiennes mélangés à quelques beatniks… de la racaille en somme, qui grossit à vue d’œil et semble très à cran… Les flics se font huer, essuient quolibets et injures, bientôt suivis de projectiles. Un brin décontenancés, ils optent pour le retranchement et se claquemurent dans le troquet. Cocktails Molotov, escarpins, parcmètres déracinés du trottoir aident à les déloger. Des semeurs d’ordre déboulent en renfort, pas moins de 400 poulets contre 2 000 gays et lesbiches particulièrement remontés. Il faudra près d’une heure pour pacifier le quartier – très momentanément… Le lendemain, les rixes reprennent. Elles se succèdent cinq jours durant à travers le Village… C’est le premier mouvement massivement revendicatif de la communauté homo… c’est en mémoire de l’événement que l’on organise les Gay Pride aux environs de la fin juin.

Stonewall, acte de naissance de l’activisme gay, fut précédé par des obsèques. L’après-midi du 27 juin, quelques heures avant le chambard, 20 000 croquants suivaient sur Madison Avenue le cercueil de Judy Garland. Dans la foule, des homos en masse rendaient à leur idole un ultime et fervent hommage. Ce funèbre cortège, c’était peut-être au fond la première « Marche des Fiertés ». Une telle procession de pédés, en grappes grouillantes et compactes, au grand jour dans la rue, c’était du jamais vu. Judy était alors notre icône absolue, ça tenait du délire… l’énormité du culte gay était à peine pensable... Mylène à côté, c’est peau de balle… Les psychologues tentaient d’élucider le phénomène dans les colonnes du Times, de l’Advocate. Ils bricolaient des théories, freudonnaient des raisons… ils y voyaient une sorte de transfert… d’identification… Les gays se reconnaissaient en Judy… un être fragile, tourmenté… mal dans sa vie et dans ses rêves… une âme écartelée… star adulée, femme meurtrie… capable de tous les excès, mais quand même une battante, tenant en laisse son chien de sort autant qu’elle en avait la force, broyée au bout du compte par un système dévorateur. Accident ou suicide, une overdose de somnifères l’avait finalement emportée par-delà l’arc-en-ciel.



C’est peu dire que sa mort secoua la communauté. Le pulluleux rassemblement des « Amis de Dorothy » (1) à ses funérailles en atteste. Faut-il lier ce deuil aux émeutes de Christopher Street ?... Certains s’y sont risqués… des historiens, des analystes, ont parlé d’un rapport plus ou moins de cause à effet… L’un d’eux a même écrit : « Les émeutes de Stonewall, considérées comme le détonateur du mouvement de libération gay, ont été menées par des travestis en pleurs le jour de l’enterrement de la star. » (2)

Le coup des « travestis en pleurs », là, c’est peut-être un peu poussé… Au « Stonewall Inn », pour commencer, les drag-queens étaient reluquées d’un œil torve. On les écrémait à l’entrée, il leur fallait de la souplesse pour passer le battant… D’ailleurs les patrons du boucard étaient cent pour cent straights… fricotaient avec la Mafia… négociaient avec les poulets les sonnantes modalités d’une paix relative… Les bars gays tenus par des tantes, c’était rarissime à l’époque. Nous étions alors, comme souvent, une affriolante clientèle, spéculée par les hétéros, parfois cossue, toujours trayable

Mais revenons à Judy… Sa mort eut-elle une incidence sur le déclenchement du grabuge ?... Les larmes de tristesse ont-elles fait déborder la coupe ?...

À vrai dire, peu importe. Ce qui m’intéresse dans la question, c’est l’indignation qu’elle soulève. Car elle provoqua des remous. Ça n’est pas sérieux, voyez-vous, d’établir un rapport entre un acte de rébellion historique et couillu, et le trépas d’une diva des tantouses… John Loughery et Martin Duberman, auteurs de solides ouvrages sur Stonewall, protestent d’abondance contre un tel rapprochement. « Les émeutiers, dit le premier, n’étaient pas du genre à rêver sur les albums de la Garland ou à se rendre à ses concerts. Ils étaient plus préoccupés de savoir où ils dormiraient et d’où viendrait leur prochain repas. » (3) Un lecteur de The Advocate, suite à un papier litigieux, se récrie en substance qu’il est bien dégoûtant d’insinuer de telles sornettes, que la connexion est puante et ne fut suggérée que des années plus tard, que le modèle des émeutiers, c’étaient les Black Panthers, qu’ils criaient « Gay Power ! » et pas « Love you, Judy ! »… Il y a du vrai là-dedans… Il y a aussi comme un déni des enjeux affectifs, au profit d’une gloire sociale et militante…

— Comprenez… Il faut en finir !... Vous allez tout féminiser !... Lopettiser la noble geste !... De quoi on aura l’air encore ?... Ah ! merde !... Laissez tomber Judy !... Une droguée, et puis suicidaire !... Picoleuse et neurasthénique !... C’est pas pour nous redorer le blason ! Ça va nous faire encore un beau profil !... Vous y songez au moins ?... La représentation ?... Ça compte un peu, mon brave !... L’image de nous qu’on donne !... Nos aînés ne se sont pas fait ratatiner la gueule pour que leurs héritiers se fardent le portrait !... La Représentation !... Nous avons tant souffert de visions réductrices ! amputeuses et avilissantes !... Mêler Judy à nos combats !... L’icône des follingues !... Mais c’est rétrograder plein pot !...

Stonewall, ce fut bien méritoire, je n’en disconviens pas. Ce fut un pas considérable. Nous y avons acquis, entre autres beaux progrès, une visibilité

Moi, c’est son corollaire qui me fait un peu suer. À présent qu’on peut s’afficher, le sinistre souci de représenter quelque chose ! qui si possible n’indispose personne, qui ne choque ni ne déroge… Ces jours derniers, je lisais un bouquin joliment instructif d’une essayiste américaine (4). Il y est question de Judy et Stonewall. Stonewall, selon l’auteur, ça a sonné le glas du Camp. Le culte des divas, l’effémination, l’artifice… le goût de la futilité, de la pose et des fanfreluches… le rêve aussi, la nostalgie… tout ça fut bel et bien biffé à dater des émeutes. On ne renoue avec tout ce fatras qu’une fois par an, pour le défilé des honteuses, pour mémoire et pour défouler nos sales mauvaises tendances. Mais les trois-cents-soixante-et-quelques jours restants, prière de se déperruquer, de raidir le poignet et figer le croupion. C’est tout pareil qu’au Moyen Âge avec les carnavals… le paroxysme autorisé pour affermir le musellement… Sinon, de quoi nous aurions l’air ?...

C’est effrayant, la Représentation… l’obsession de la bonne image… Un exemple parmi tant d’autres : prenez le cinéma… il faut de moins en moins qu’on y voit des pédés méchants, lubriques ou onduleurs… des caractères un peu complexes ou pas tout à fait blancs… Ça nous a valu, ça nous vaut d’impensables pensums, honnêtes et consternants… C’est le revers du « mur de pierre »… C’est pourquoi il m’est difficile de causer de Stonewall sans évoquer Judy et ses pleureuses, dont les lamentations, que ça nous chante ou non, ont un peu cimenté le parement, il me semble…

— Mais pas du tout !... Vous n’y comprenez rien !... Ça, c’étaient les mœurs du placard ! de l’armoire à biscottes !... C’étaient les gays de l’ancien temps !... On est francs du collier, maintenant ! On n’est plus des pédés vintage !... On n’a plus de manières !Vous pensez à nos droits, bordel ?... Notre égalité, merde !... On les décrochera pas en tortillant !... L’Image, ma chère ! L’Image !... Cachons nos différences, ça nous rendrait scabreux !... Aujourd’hui qu’on peut s’intégrer, finies les simagrées !... fredaines !... On pourrait jamais pouponner ! Y avez-vous songé ?... On n’aura pas droit aux mouflets en leur mettant toujours la main aux fesses !... On était trop évaporés, on méritait pas le mariage !... Aujourd’hui, on est du concret !... Issus du « Mur de Pierre » !... On est substantiels ! Consistants ! Parce qu’on a su se fondre…

J’entends ces propos-là tout le temps... L’Image ! La Représentation !... D’accord… moi, je veux bien… N’empêche, j’ai parfois l’impression… la fierté gay, plus elle court et moins elle avance… Ça vire à la fierté caniche… Ça se pare d’un fumet popote, de fragrances de fond de couche… Des fois, ça fait du bien de sentir un peu le fagot… Alors, Stonewall, il faut faire gaffe… Ce fut beaucoup notre Libération ; c’est un peu, parfois, notre entrave…

 

 

(1) Nom de code que s’attribuaient les homosexuels américains, en référence au personnage interprété par Judy Garland dans « Le Magicien d’Oz »

(2) Antoine Pickels, « Je suis un mensonge, donc je suis la vérité », in Le Labyrinthe des apparences, éd. Complexe, 2000

(3) John Loughery, The Other Side of Silence (Henry Holt, 1998)

(4) Rosemary J. Coombe, The Cultural Life of the Intellectual Properties (Duke University Press, 1998)

 

 

« Gay Power ! »






BEFORE STONEWALL (USA - 1984) :

Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 



Fiche technique :

Avec Rita Mae Brown (Narratice), Anne Bannon, Lisa Ben, Gladys Bentley, George Buse, Carroll Davis, Allen Ginsberg, Barbara Gittings, Barbara Grier, Mabel Hampton, Evelyn Hooker, Jim Kepner, Audre Lorde, Bruce Nugent, Henry Otis, Johnnie Phelps, Chuck Rawland, Ted Rolfs, Donna Smith, Ricky Streiker et Hank Vilas. Réalisation : John Scagliotti et Greta Schiller. Scénario : John Scagliotti et Greta Schiller.

Durée : 85 mn. Disponible en VO et VOST anglaise.



Résumé :

Dans la nuit du 27 au 28 Juin 1969, à New York City a eu lieu la fameuse révolte du Stonewall Inn. Dans ce bar, un affrontement terrible opposa les forces de police aux Drag Queens.

Cette rébellion est considérée par beaucoup comme le point de départ de la libération gay et lesbienne. Ce documentaire s'applique à montrer, à partir de témoignages et d'images d'archives comment se déroulait la vie pour la communauté gay et lesbienne avant cette révolte de Stonewall.



Avis personnel :

Ce documentaire est puissant, fort et courageux. Il traite ouvertement de la visibilité homosexuelle avant 1969 et de la révolte de Stonewall. Il présente tout le chemin parcouru en quelques dizaines d'années par ces hommes et ces femmes qui se sont battus et engagés pour être reconnus et traités à leur juste valeur. En 1984 c'était osé et je suppose que les réalisateurs ont dû se battre et faire preuve d'une formidable énergie pour que ce film voie le jour.



Before Stonewall est relativement impressionnant parce qu'il donne la parole de manière égale aux gays et aux lesbiennes. Il étudie les similitudes et les différences de ce qu'ils ont eu à affronter et c'est encore rare de nos jours.

Les interviews des intervenants, souvent des activistes et militants, sont entrecoupées d'images d'archives, d'extraits de journaux, de films. Ce documentaire est extrêmement bien monté. C'est original et frais, sensible et bouleversant. Les personnes interrogées parlent de leur vie, de leur vécu, de leur combat et le spectateur ne peut être qu'impressionné.



La parole est également donnée à quelques opposants à l'homosexualité mais de manière moindre. Les persécutions, l'inquisition, la pression sociale sont principalement décrites par les intervenants ce qui leur donne une réelle sensibilité complétée par les images d'archives et les extraits de journaux. La période du maccarthysme est à ce titre parfaite décrite et présentée. Ça fait froid dans le dos.



Et il y a cet autre passage qui aborde la Seconde Guerre Mondiale et l'entrée massive des gays et lesbiennes dans l'armée. Quand Johnnie Phelps, imprimeuse, déclare qu'elle s'est engagée pour faire son devoir. Elle ajoute que d'après elle, 97 % des femmes présentes devaient être lesbiennes. Un jour, elle a été convoquée dans le bureau de son officier qui lui a dit qu'il pensait qu'il y avait des lesbiennes dans la division. Il lui a ensuite donné l'ordre de faire une liste de celles-ci et de la lui présenter. Johnnie a répondu qu'il y avait effectivement des homosexuelles dans la division et qu'elle ferait son enquête mais qu'il devait tout d'abord savoir que le premier nom sur la liste serait le sien. Elle lui a explicitement dit qu'elle était lesbienne puis elle lui a expliqué tous les avantages qu'offraient les homosexuelles dans l'armée, le fait qu'elles ne tomberaient pas enceinte, qu'elles étaient les plus décorées. L'officier supérieur lui a alors dit d'oublier cet ordre.

Before Stonewall donne envie de remercier tous les gays et lesbiennes qui se sont battus pour nous permettre d'avoir, aujourd'hui, ces droits que nous possédons et cette visibilité. Parce que cela n'a pas toujours été le cas. Parce que cela ne coulait pas source.

Un cours d'histoire américaine à ne surtout pas manquer ! Exceptionnel !



CRITIQUES PRESSE & RÉCOMPENSES :

Nommé au Festival de Sundance en 1985 dans la Catégorie Meilleur Documentaire pour Greta Schiller.

Vainqueur au Festival International du Film Gay & Lesbien de Torino en 1989 pour Greta Schiller.


EXTRAITS :

« Aujourd'hui, la communauté gay et lesbienne est plus visible dans la société américaine. Comment est-ce arrivé ? »

« Je pensais que j'étais la seule. [...] Je savais que je ne devais pas en parler. Je savais que je devais me cacher. »

« Quand j'ai grandi, personne ne parlait de sexualité et d'éducation sexuelle. »

« Ce que je savais de la sexualité ? Rien. Je n'avais jamais entendu le mot lesbienne. »

« Je suis gay et fier. Je chante beaucoup. Je ne suis plus effrayé d'être moi. Dis-le à ta soeur, dis-le à ton frère. C'est OK. Je chante beaucoup. Je suis gay et je suis fier. »



par Stéphane RIETHAUSER

Le temps de la honte

Nous sommes à New York, dans les années 60. Partout dans l'Etat, il est interdit de servir des boissons alcoolisées aux homosexuels, illégal de danser entre hommes et strictement prohibé de se travestir. Mais au 53, Christopher Street, au cœur de Greenwich Village, le Stonewall Inn est l'un des seuls bars où les gays peuvent se retrouver, malgré les fréquentes descentes de police. Tenu par trois parrains de la mafia, le Stonewall cible volontairement la clientèle gay, car elle rapporte gros. Plus de 200 personnes se retrouvent le week-end et y avalent des cocktails frelatés. Chaque semaine, "Fat" Tony, le patron, graisse la patte des officiers de police du 6e district en leur remettant une enveloppe contenant 2'000 dollars. Ceux-ci organisent régulièrement des raids au Stonewall. Mais après les humiliations d'usage et quelques arrestations, ils tolèrent la réouverture du bar. Les clients, quant à eux, habitués aux ratonnades et aux insultes, gardent la tête basse et souffrent en silence. Le temps est à la honte. Les quelques organisations homophiles existantes de l'époque, parmi lesquelles la Mattachine Society, fondée en Californie dans les années 50, prônent la discrétion absolue et œuvrent en coulisses.

Craig Rodwell, un jeune homme de Chicago, débarque à New York au début des années 60. Immédiatement, il rejoint les rangs de Mattachine. En 1965, il organise la première manifestation homosexuelle devant le Capitole à Washington. Sous l'œil ahuri de la police et des passants, une trentaine d'intrépides encravatés défilent en silence avec des pancartes réclamant des droits pour les homosexuels. En 1967, Craig ouvre la première librairie gay au monde, le "Oscar Wilde Bookshop" sur Christopher Street, toujours en activité à ce jour.

Année après année, Mattachine répète l'expérience de la manifestation lors de chaque Fête de l'Indépendance à Philadelphie. Mais le désarroi de Craig augmente. Cette poignée de militants à l'allure proprette peut-elle faire bouger les choses ? Les revendications homos restaient lettre morte, et ce même dans le tumulte de la révolution estudiantine, des protestations contre la guerre du Viêt-nam, des revendications noires des Black Panthers, et des premiers pas de la lutte féministe. Les jeunes de la Nouvelle Gauche se refusaient à soutenir la cause gay. Et l'écrasante majorité des homosexuels eux-mêmes n'étaient disposés à sortir du placard à aucun prix.

Une descente de trop

Habitué du Stonewall, Craig, comme les autres clients, subissait les humiliations de la police sans broncher. Mais dans la nuit du vendredi 27 juin 1969, sur le coup d'une heure du matin, alors qu'il s'approche du Stonewall, Craig aperçoit un attroupement à l'extérieur du bar. Une nouvelle descente de police est en cours, la deuxième en moins de quinze jours. A l'intérieur, les flics sévissent plus brutalement que d'habitude. Le panier à salade attend devant l'entrée. Une à une, des drag-queens menottées montent dans le fourgon. Parmi elles, Tammy Novak, 18 ans, une figure emblématique du Stonewall. L'ambiance, cette fois, est électrique.
Le matin même, on a enterré quelques rues plus haut Judy Garland, l'idole de tous les gays. Et voilà qu'en sus de perdre leur star préférée, partie rejoindre son arc-en-ciel, les homos subissent une nouvelle humiliation. La foule, d'habitude silencieuse, commence à manifester. La colère monte, et quelques enhardis osent des insultes : "Sales flics ! Laissez les pédés tranquilles !" Des pièces de monnaie et des bouteilles de bière commencent à voler. Tammy reçoit des coups de matraque alors qu'elle est poussée vers le fourgon. Soudain, elle réplique en envoyant un crochet au policier.
A l'intérieur du fourgon, une autre drag-queen de 18 ans, Martin Boyce, donne un coup de pied dans la porte du van et fait tomber un policier. Deux autres drag-queens s'échappent, mais sont rattrapées et rouées de coups. A partir de ce moment, la foule devient hystérique. "Ordures !", "Putains de flics !", "Gay power !" entend-on hurler. Des briques font éclater la vitrine du bar. Des parcomètres sont arrachés, des poubelles mises à feu. La police, effrayée par la foule, se retranche à l'intérieur du bar. Les gays ont pris le contrôle de la rue. La rage est à son comble. En quelques minutes, les homos s'étaient révoltés.

Les unités anti-émeute ne tardent pas à arriver. Craig Rodwell téléphone immédiatement à la presse, qui dépêche aussitôt des reporters sur place. Les émeutes durent jusque tard dans la nuit. Il y a de nombreux blessés. Vers quatre heures du matin, la police reprend le contrôle de la situation.

Le lendemain, les trois grands quotidiens new-yorkais relatent l'événement. Dès le début de l'après-midi, une foule nombreuse se rassemble à nouveau devant le bar, et les affrontements reprennent de plus belle. Craig a dès le matin rédigé un tract : "Plus de mafia et de flics dans les bars gays !", et par écrit, prédit que les émeutes de la veille vont entrer dans l'Histoire.


Divisions internes

Pendant cinq jours, en intermittence, la bataille de rue continue. Dès lors, une frange de gays, Craig Rodwell en tête, cesse d'adopter le profil bas. Mais la majorité des homos ne voit pas ces événements d'un bon œil - Mattachine en tête, qui fait inscrire sur les murs du Stonewall : "Nous les homosexuels demandons à nos gens de rester pacifiques et d'adopter une attitude tranquille dans les rues de Greenwich Village." Avec des travestis troublant l'ordre public, les stéréotypes étaient renforcés !

Le 4 juillet, après une nouvelle nuit d'émeutes, Craig Rodwell descend à Philadelphie pour la traditionnelle manifestation de la Fête de l'Indépendance organisée par Mattachine. Les affrontements de Stonewall avaient donné du courage à certains. Deux femmes se prennent la main. Mais le leader de Mattachine, Frank Kameny, soucieux de l'image irréprochable à donner, les sépare. C'en est trop pour Craig. A ce moment précis, il devient clair dans son esprit qu'une autre ère doit s'ouvrir. Finies les ridicules manifestations silencieuses cautionnant la honte - il est temps de passer à l'action et de se montrer au grand jour ! "Christopher Street Liberation Day !" pense-t-il. L'an prochain, il s'agira de commémorer les événements de Stonewall !

"Come out !"

De retour à New York, Craig se distancie de Mattachine, mobilise ses proches, et fonde le "Gay Liberation Front" (GLF). En décembre 1969 est créée une autre association, la Gay Activist Alliance (GAA). Du côté des lesbiennes, quelques tentatives pour monter des associations échouent. Mais les femmes, bien qu'en minorité, sont présentes dans le GLF. En parallèle, Craig met sur pied le comité d'organisation du Christopher Street Liberation Day. Foster Gunnison, un autre activiste, souligne les difficultés du comité à rassembler des gens : "Le problème principal est celui du secret et de la peur, l'incapacité des homosexuels à sortir du placard". Mais bien déterminés à faire vivre cette Christopher Street Liberation Day Parade, Craig et Foster font des appels à l'aide financière. Ils ne parviennent à récolter qu'un petit millier de dollars. Ils font faire des affiches - une quinzaine de jeunes gens marchant fièrement dans les rues avec le slogan "Come Out". Lorsqu'ils demandent finalement l'autorisation de manifester, les autorités exigent des garanties à raison de 1,25 million de dollars, et le chef de la police, Ed Davis, affirme publiquement qu' "accorder un permis à ces gens serait incommoder les citoyens en permettant un défilé de voleurs et de bandits." L'American Civil Liberties Union (ACLU), une association frondeuse dans la lutte pour les droits des gays, porte l'affaire au tribunal. Quelques heures seulement avant le début de la manifestation, le dimanche 28 juin 1970, le juge accorde finalement l'autorisation en déclarant les exigences de garantie trop élevées.

Le lieu de ralliement était Washington Place au coin de la Sixième Avenue. Peu avant deux heures de l'après-midi, quelques dizaines de jeunes gens se rassemblent. La nervosité est à son comble. Des centaines de policiers bordent l'avenue. La nouvelle circule que la veille cinq jeunes gays ont été tabassés à coups de batte de base-ball et se sont ensuite fait chasser du commissariat en étant menacés d'être inculpés pour "conduite immorale" s'ils portaient plainte. Personne ne sait si le cri de ralliement va être écouté. Personne ne sait à quoi s'attendre. Les flics ne bougent pas. Quelques insultes fusent, mais rien de plus. Petit à petit, quelques centaines de gays et de lesbiennes se rassemblent sous diverses bannières: "Gay Pride", "Gay is Good". Et à deux heures et quart, vêtus de leur T-shirts ornés du signe Lambda, morts de peur, mais n'ayant plus rien à perdre, ces garçons et ces filles s'élancent ensemble en brandissant le poing et en criant de toutes leurs entrailles : "GAY POWER !"

Au fil du parcours, d'autres homos viennent grossir les rangs des manifestants. Au total, près de deux mille gays et lesbiennes remontent la Sixième Avenue jusqu'à Central Park. A l'arrivée, des larmes de bonheur envahissent les visages de Craig et de ses amis. Ils avaient réussi leur pari. L'euphorie ! Unissant leurs forces, ils étaient finalement chacun parvenus à surmonter leurs peurs pour aboutir à cet inimaginable rassemblement sans heurts. Le premier de l'Histoire des gays et des lesbiennes - témoin d'un passé douloureux et espoir incertain d'un avenir meilleur.

Une étape clé

Les émeutes de Stonewall marquent-elles le début de l'émancipation homo ? Pas vraiment. En Europe, dès le XIXème siècle, des pionniers tels que le Suisse de Glaris Heinrich Hössli et l'Allemand Karl Heinrich Ulrichs osent les premiers revendiquer le droit d'aimer une personne de même sexe. Puis au début de ce siècle, le Berlinois Magnus Hirschfeld, certainement le plus grand activiste gay de tous les temps, lance le Comité Scientifique Humanitaire, puis l'Institut pour la Recherche Sexuelle et contribue au fabuleux mouvement de libération gay dans l'Allemagne de Weimar, avant que la barbarie nazie efface presque toutes les traces de son travail. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, c'est de Zürich que résonnent les revendications homos, notamment à travers la publication de Der Kreis (Le cercle), la seule revue gay internationale jusqu'en 1967. Dans la mouvance de Mai 68 se créent en France le Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire (FHAR), et en Suisse le Groupe de Libération Homosexuelle de Genève (GLHOG). Mais les émeutes de Stonewall marquent à n'en pas douter une étape clé de l'émancipation gay. Elles sont la source et le symbole d'une révolution internationale, et sanctionnent le début de la véritable visibilité, un changement d'attitude radical : à la honte s'est enfin substituée la fierté gay, la gay pride.

Dès 1971, on assiste aux premières Gay Pride en Europe, à Londres et à Paris. En Suisse, la première Gay Pride rassemble 300 homos à Berne en 1979. Après Zürich il y a quelques années, le phénomène gagne la Suisse Romande : près de 2'000 personnes défilent dans les rues de Genève en 1997, puis le double l'année suivante à Lausanne. Puis c'est au tour de Fribourg d'accueillir la grande messe homo, qui rassemble plus de 15'000 personnes. Enfin Berne, la capitale, avant que le mouvement ne gagne le Valais en 2001 en suscitant une grande controverse, puis les rives du Lac de Neuchâtel en 2002, pour aller en 2003 investir la capitale jurassienne Delémont.

Oui, les mœurs changent. Le message de fierté fait des adeptes. Trente-huit ans après les émeutes de Stonewall, on célèbre la Gay Pride dans plus de deux cents villes dans le monde. Les pays scandinaves ont déjà adopté le partenariat enregistré depuis une dizaine d'années. La France a voté le PACS et l'Allemagne a fait pareil. Même la Suisse semble disposée à octroyer l'égalité des droits aux couples homosexuels. Mais si une relative acceptation se profile sur le papier, il n'en va pas de même dans la vie quotidienne, une fois sorti de certains milieux urbains. La problématique de fond n'a pas changé : l'homophobie a de solides racines, et la majorité des gays et des lesbiennes continue de vivre recluse dans le placard de la honte et de la peur, au travail, en famille, à l'école, et dans la rue. Puisse la Gay Pride, avec un message politiquement fort, accroître encore la visibilité et la fierté, en proposant le respect des diverses formes de l'amour.

Stéphane Riethauser
Article paru dans 360°, Le Courrier, La Liberté (juin 1999)
Références : Martin Duberman, STONEWALL, New York, Plume Books/Penguin, 1994


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NOTA BENE: les ouvrages utilisés pour ce travail sont répertoriés dans la bibliographie 

Ce travail est l'oeuvre de Stéphane Riethauser. Il est publié sur le blog Les Toiles Roses avec son autorisation. Qu'il en soit chaleureusement remercié. Stéphane est joignable sur le site de lambda éducation.

 

Jan Le Bris de Kerne a 31 ans, vit et travaille à Paris. Tzigane de l'audiovisuel, il a travaillé comme journaliste, chroniqueur, blogueur, communicant, etc. Gitan et aventurier par nature, au-delà de sa vie professionnelle de jour, il a été très actif dans la presse magazine gay et a participé au lancement de Pink TV. Aujourd'hui, il publie dans PREF Magazine en kiosques une chronique appelée « Vodka Pimenta » ! Il tient aussi le blog Jan de Kerne dans le Lisbonne gay.

 

La révolte fondatrice des gays, comme si vous y étiez.

Du sang, des larmes, de l’adrénaline et de la conscience politique.

 


En 1933, les lois américaines interdisent la simple existence de bars gays. Quelques mafieux profitent du manque en ouvrant des enseignes louches pour toute sorte de laissés pour compte : drag queen, clones vêtus de cuir, blacks, latinos et prostitués. Le Stonewall, créé en 1960, est un de ces endroits interlopes au 53 Christopher Street à New York. Il ne désemplit pas. Les gays lui reconnaissent l’immense mérite d’exister.

En 1966, l’interdiction de se regrouper dans les bars est enfin levée. Regain de succès pour le Stonewall. Du coup, chagrin, pour les forces de l’ordre qui préparent une opération spéciale coup de filet dans les milieux de la pègre. C’est le motif de la descente.



27 juin 1969. Il est 3 heures du matin. 9 flics en civil entrent dans le bar. Pétrie d’intentions délicates, la police contrôle un à un les clients avant de les jeter dehors, non sans les gratifier de quelques doux adjectifs. Ils ordonnent la fermeture immédiate du bar.

5 heures du matin. Le bar est vide. La jeunesse gay délogée aurait du s’évanouir aux quatre vents, la peur au ventre. Seulement voilà, ce 27 juin à 5 heures du matin, sur le trottoir de Christopher Street, la jeunesse gay en a assez d’avoir peur et au ventre, elle n’a rien d’autre que la rage. 200. Ils sont 200 à attendre en silence et à laisser monter en eux l’insurrection.



La police sort du Stonewall avec comme prise le barman, le portier ainsi que trois trav’. Cette vision a pour effet celui de l’étincelle sur la poudre. Les folles sont les premières à dégainer. Elles se ruent sur leurs amis arrêtés. Cris, coups, larmes. Et puis pierres et bouteilles sur les policiers. La foule gronde. De tout le quartier arrivent des dizaines de travelos perchés sur talons, pédés en cuir et pire, des lesbiennes. 400. Ils sont maintenant 400.

Leur belle assurance virile perdue, les policiers se réfugient dans l’antre de leurs adversaires : ils se barricadent dans le Stonewall. Les hurlements redoublent, Un parcmètre est arraché et placé contre la porte : la police est prise au piège. Dans la rue, on allume un brasier. Mais les renforts arrivent, la foule est dispersée et 13 arrestations sont opérées.



28 juin 1969. La même foule en furie. Ivre de rage et festive. Les unités anti-émeute interviennent sous les jets de bouteilles enflammées. Quelques excentriques se tiennent par le bras et dansent le french cancan. On les calme à coup de matraques, deux heures durant.



29 juin 1969. Le New York Daily titre : « Descente dans une ruche homo: les abeilles piquées sont devenues folles ! » 500. Ils sont 500 à gueuler des slogans comme « Gay is good ». Les matraques fondent déchaînées sur les pédés. Une violence inouïe. Beaucoup sont blessés et restent à terre mais deux jours d’émeutes suivront encore.



La révolte des coiffeuses et des folles de Stonewall a donné une conscience politique aux gays et provoqué la première Gaypride en 1970. Fin d’un chapitre qui a permis à d’autres chapitres de s’ouvrir : celui des marches des fiertés LGBT du monde entier.

Pour faire vivre ce bel héritage de courage et de révolte face à l’injustice, une seule chose à faire : marcher.




PRIDE 2009
Music & lyrics by Jon Gilbert Leavitt

Silk top hats and button shoes, erotic tintypes, midnight cruise, Berlin gay society 1903
Sigmund Freud's Vienna's hype, identifies the homo-type, The Intermediate Sex and Heterodoxy
The gay wave moves across the sea, hello there Miss Liberty, Betty Boop is hot and hooch is out in the cold
Greenwich Village, Bloomsbury, gays in high society, Harlem nights, Chicago fights, Leopold and Loeb...

[CHORUS]: Pride, gotta have pride - we've been around too long to keep it inside.
Pride, can't sit back and watch from the side, pride is power and power is pride.
It's time to celebrate all the colors of the rainbow, get out into the streets, follow the tide...


The Captive hits the Broadway stage, The Fleet's In, Cadmus' all the rage, and The Well of Loneliness appears on the stands
Depression, bread lines, Crystal Night, Adolf shows Olympic might, put on your pink triangles and put up your hands
A-Bomb, 50's keen, the Kinseys shake the cocktail scene, James Dean, Mattachine, Doris Day and Harry Hay
Donald Webster Cory writes, Joe McCarthy picks a fight, J. Edgar, Roy Cohn shame on you, what else do you plan to do?

Christine Jorgensen's reborn, Daughters of Bilitis form, Ginsberg, Naked Lunch, Giovanni's Room.
Marilyn, the Beatnik scene, Jackie's in her Cassini, Vatican II and something's coming soon...
Summer 1969, the heat is rising all the time and over the rainbow Judy Garland sleeps
Stonewall Bar, men in blue, heads were broken bottles flew, "out of the bars and into the streets..."

CHORUS...

Boys in the Band played, Bette Midler sang, those bathhouse days, Lance Loud, gay and proud, Oscar Wilde Bookstore
...Sister George, Doonesbury, Tales of the City, Anita Bryant, Village People, Studio 54
Harvey Milk, rough trade, Aaron Fricke's prom date, GRID, Torch Song Trilogy, Boy George, GMHC
HIV identified, Rock Hudson, Liberace died, Bowers versus Hardwick's heard, Reagan finally says the word…

Barney Frank, AIDS quilts, ACT-UP, Randy Shilts, Queer Nation, Mapplethorpe, AZT
Amendment 2, Cracker Barrel, "don't ask, don't tell," Angels in America, March on DC
Greg Louganis, Elton John, George Michael, what is going on? Lilith Fair, riot grrls, spend a day at Disney World,
Cunanan scare, the McVeigh case, Ian, Ellen, Will & Grace,
Matthew Shepard- God bless you, what else can we look forward to...?

Gay-dot-com, VaxGen, another Bush in Washington, Millennium March, Mary Cheney, Queer as Folk
Dr. Laura's evil ways, bug chasers, ex-gays, 9/11 – Mark Bingham, Father Mychal Judge.
Holland starts the marriage trend, Beanie Man and Eminem, L-Word, Dubya's back, Queer Eye for the Straight Guy.
Executions in Iran, no same-sex marriage ban, linguists discharged in Iraq, one step forward, two steps back...

Logo, Rosie, crystal meth, PNP, Mark Foley, Jim McGreevey, John Amaechi tells all
Doogie Howser, Lance Bass, Brokeback, Superman, Rufus does Judy at Carnegie Hall
Larry Craig - vice squad, Mahmoud Ahmadinejad - Dumbledore, Nutmeg State, Obama wins, so does Prop 8 -
Forty years ago who knew, when Miss Rivera threw her shoe –a raid became a movement – and our Fourth of July…

CHORUS…

Music & lyrics by Jon Gilbert Leavitt. © 2009 JGLsongs, LLC (ASCAP)
All Rights Reserved.



« Les patrons et les clients du Stonewall Inn à New York ont résisté aux forces de police. C'est l'acte fondateur du mouvement des droits des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels).

Durant le mois des fiertés gays (ce mois de juin), nous célébrerons les événements de juin 1969. Je rejoins l'Onu dans la dépénalisation de l'homosexualité et continue de supporter les mesures en faveur de l'égalité des droits pour les LGBT… ce qui inclut les unions civiles, la lutte contre la discrimination au travail, la réponse au droit à l'adoption et la fin du Don't ask don't tell. »

Barack Obama, Président des États-Unis, lundi 1er juin 2009.

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