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LA BIBLIOTHEQUE ROSE

 

L’auteur :
Marie-Sophie Vermot est née à Montreuil en 1960. Elle a passé toute son enfance en Bourgogne. Elle a toujours détesté l'école, ce qui ne l'a pas empêchée d'étudier la littérature américaine, la danse contemporaine, la philosophie existentialiste ainsi que la peinture expressionniste. Âgée d'une quarantaine d'année, elle est mariée et est mère de quatre enfants. Elle vit actuellement en Normandie et partage son temps entre la peinture, l'écriture, et récemment la sculpture. Elle a publié une vingtaine de romans pour la jeunesse chez différents éditeurs.
L'avis de Jean Yves :
Par le plus grand des hasards, Saul, un lycéen, va devenir le « promeneur » de la chienne Lola. Cette après-midi là, Saul rattrape à temps l'animal que son maître avait laissé échapper et lui évite de passer ainsi sous les roues d'un bus. Monsieur Debray, le vieil homme qui promenait Lola le remercie chaleureusement et lui explique la situation. Lola n'est pas sa chienne : elle appartient à son voisin, qui trop malade ne peut aller la promener. Monsieur Debray propose à Saul de l'accompagner afin que le véritable propriétaire le remercie. C'est ainsi que Saul se retrouve le « promeneur » attitré de Lola. Le maître de Lola, Kyle, lui explique rapidement sa situation : il est sidéen et son compagnon est décédé de cette maladie, quelques années auparavant. Si au départ, Saul voit en cette activité, un moyen de se faire du « fric » pour s'acheter une guitare d'occasion qu'il a repérée, il va peu à peu s'attacher à Kyle au point de renoncer aux vacances scolaires prévues avec ses parents.
Dans ce roman pour adolescents, Marie-Sophie Vermot cerne bien les besoins de Saul avant sa rencontre avec Kyle : « s'éloigner » des parents, ne pas toujours penser aux travaux scolaires (les révisions du bac français), se sentir autonome, se réaliser autrement que par les seules activités jusque-là programmées par les parents (la flûte traversière/Saul rêve de faire partie du groupe de ro
ck que son copain Julien veut créer)…
Son père est, tout à la fois, exigeant et accueillant : il rappelle à son fils ce à quoi il tient (les études) tout en gardant son cœur ouvert. Saul n'a pas de gros problèmes relationnels avec sa famille : d'ailleurs, s'il commet quelques mensonges, il se rend vite compte que son utilisation répétée ne construit rien de solide.
Marie-Sophie Vermot sait faire partager aux lecteurs les peurs qui bloquent les dialogues (Saul ne dira pas au début que Kyle est atteint du SIDA, par crainte de la réaction de ses parents), les silences qui en disent toujours plus longs (on peut penser que la mère de Saul accepte mal d'apprendre la maladie de Kyle puisqu'en cachette de son fils, elle tente de mettre fin à leurs « relations »), les déceptions qui font « capoter » les rêves (Julien, qui démarre son groupe de ro
ck, n'accepte pas la non disponibilité de son ami)…
L'auteure raconte sans aucun misérabilisme la vie qui s'en va, ce qui permet à Saul d'acquérir un état de conscience qu'il n'avait pas jusque-là.
J'ai néanmoins regretté que Marie-Sophie Vermot n'aille pas plus loin dans la découverte de cette nouvelle conscience. Je trouve que la présence de Bettina, en nièce exubérante, « anesthésie » la relation entre Saul et Kyle. Bettina montre certes qu'il est possible d'accompagner un mourant tout en conservant une gaieté consciente. J'aurais aimé découvrir comment Kyle aurait fait pour annoncer à Saul qu'il lui rappelait, tant par son physique que par son comportement, son amant décédé (crainte d'une lecture pédophile du roman ?). La fin, tellement ouverte (Kyle est conduit à l'hôpital) m'a aussi beaucoup déçu : la mort est-elle si redoutable pour ne pas être présente explicitement dans le roman ? Il aurait été intéressant de découvrir chez Saul les conséquences d'un drame qui le dépasse largement.
Dernier point, qui aurait mérité plus d'interrogation : le quiproquo entre Bettina et Saul à propos de la sexualité de l'adolescent (« Je n'en suis pas un, d'accord ? » lui lança-t-il). Il aurait fallu creuser les silences de Saul avec Julien, son refus de lui parler de Kyle, son désir de faire de la guitare (même s'il a besoin d'une pause momentanée). De la même manière, articuler la rupture avec le groupe de Julien et la peur que Saul a d'être perçu comme un homo…
Des émotions manquées, c'est dommage.

Pour plus d'informations :
Publié aux Editions Thierry Magnier (2005)

 
L'auteur :
Francis Berthelot est né à Paris en 1946. Polytechnicien et chercheur en théorie littéraire, auteur de onze romans (Denoël, Fleuve Noir, Fayard, Hachette) et de quatre essais (Nathan), il a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire dans les quatre catégories “nouvelle”, “roman” (pour Rivage des Intouchables), “essai” et “jeunesse”.
Après un passage par la littérature générale, il revient depuis deux ans à un imaginaire dans tous ses états par les voies du merveilleux noir.
L'avis de Jean Yves :

Ce roman met en scène les homosexuels dans la science-fiction et souligne la persistance de leur oppression dans le temps et l'espace.

Dans ce lointain futur, l'humanité terrienne a trouvé refuge sur trois planètes, de la constellation d'Orion. Alnilam, tempérée, nette, blanche et conformiste, d'où est originaire Silex, le héros, jeune et bel homosexuel. Bellatrix, chaude et suffocante, grouillante, plongée dans la technologie futuriste. Bételgeuse, havre de paix, image de paradis, lieu d'équilibre, de respect de la nature et des humains, où vit une forte proportion d'Holoms (traduire homosexuels).

Le roman décrit la destruction de l'ordonnance de la vie de ces trois planètes. Les difficultés économiques (et l'esprit de Maa, principe négatif de l'univers, d'agression, de destruction, de chaos et de mort) font renaître la répression envers les minorités et envers les homosexuels en premier lieu. Interdictions professionnelles, attentats et déportations s'abattent sur les Holoms.

Face à ces événements, la défense et la riposte ne peuvent être assumées que par les opprimés organisés. Le rétablissement de la paix n'aura lieu, finalement, que par l'accession du héros homosexuel au rôle de Gardien de la Constellation. Avant de parvenir à cette fonction de rédemption et de voir la vie reprendre, sereine sur les trois planètes délivrées de la malédiction de l'esprit de Maa, Silex aura parcouru tous les espaces de son être, et de la Constellation. Il aura côtoyé bien des formes d'homosexualité, perdu ses amours mais eu accès à la solution de l'énigme du bien et du mal.

Francis Berthelot donne à l'amour homosexuel une force intégrée au cycle du bien. Des orgasmes collectifs, où la violence et l'infinie tendresse communient, nourrissent les éléments de communion des Taïgrs, au cycle naturel de production du bien et de l'amour. C'est en nous parlant des Taïgrs (« cuirs » imprégnés de l'esprit du Taï, principe positif de l'univers) que l'auteur semble le plus concerné et que tendresse et justesse de ton sont les plus évidentes.

Les Taïgrs incarneraient-ils l'élite des homosexuels, ceux qui auraient dépassé la violence, pour accéder au cycle sacré de production du bien ?

Au terme du roman, les planètes renaissant à la vie, le héros serein et désincarné, ayant vu périr tous les êtres aimés, accède à la plénitude.

Pour plus d'informations :

Disponible chez Calmann-Lévy (France).

Commander le roman chez Adventice.com

Le site de Francis Berthelot
Une interview et des photos de Francis Berthelot

 

L'auteur :
Francis Berthelot est né à Paris en 1946. Polytechnicien et chercheur en théorie littéraire, auteur de onze romans (Denoël, Fleuve Noir, Fayard, Hachette) et de quatre essais (Nathan), il a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire dans les quatre catégories “nouvelle”, “roman” (pour Rivage des Intouchables), “essai” et “jeunesse”.
Après un passage par la littérature générale, il revient depuis deux ans à un imaginaire dans tous ses états par les voies du merveilleux noir.

L'avis de Daniel Conrad Hall :
Khanaor, une île étrange, une entité qui vit et évolue en symbiose avec ses habitants, un territoire livré aux pouvoirs des guerriers, des mages, des rois et des reines, une terre blessée et minée par d'anciens combats, par de sombres machinations, par d'implacables intempéries et d'inexplicables pollutions. Acculée par la lente agonie de la faune aquatique, Mervine, reine-magicienne d'Aquimeur (un peuple qui ne vit que de pêche) s'allie avec Leuthiag, roi-guerrier de Goldèbe (dont le peuple est affamé suite à des années d'intempéries) afin d'obliger les barons d'Ardamance à livrer du sang solaire (seul remède contre la pollution aquatique, mais qui nécessite la mort de plusieurs mages) et à vendre moins cher la neige de lave, un incroyable fertilisant.
Alors que Mervine multiplie les intrigues et sombre lentement dans la démence, Leuthiag redécouvre l'ivresse de la barbarie et les barons d'Ardamance la peur de l'invasion et du pillage. L'île se dirige droit vers l'apocalypse. Seuls quelques personnages marginaux possèdent peut-être la clé pour rétablir la santé et l'espoir des peuples de Khanaor et faire de nouveau régner la paix. Sigrid, la fillette magicienne à la recherche de sa grand-mère disparue ; Kurt, le jeune charmeur de plante, amoureux du pire traître de l'île, l'Anserf, esprit désincarné et maltraité par Mervine, qui connaît les secrets de Khanaor ; Judith et Craès, deux mages en proie aux affres du passé. Et tandis que Mervine se damne en créant la rage d'eau qui empoisonne les cours d'eau d'Ardamance, que Leuthiag et ses barbares brûlent, pillent, tuent et violent au fur et à mesure de l'avancée des combats, que Khanaor se met à secréter ses propres horreurs, les rares combattants pour la paix explorent leurs propres blessures, règlent les contentieux du passé, se croisent et s'allient contre les puissances du mal et du chaos. L'amour, la tolérance et le respect de la terre sauveront-ils Khanaor ?

Khanaor, dont la première publication en deux volumes chez Temps Futurs remonte à 1983 (le Fleuve Noir rééditera le diptyque en 1986/1987), reste — malgré son âge — l'un des grands et des meilleurs romans de fantasy française. D'une grande fraîcheur et d'une véritable originalité, ce roman doit sa réussite au talent de son auteur, un styliste d'une profonde sensibilité. Si l'intrigue principale n'échappe pas aux canons du genre, les nombreuses intrigues secondaires tissent une toile complexe et passionnante, d'où émerge une galerie de personnages hauts en couleurs, profondément touchants, fragiles et torturés. Et c'est là que réside la grande force de Berthelot : l'humanité et la richesse psychologique de ses personnages. L'histoire personnelle de ces marginaux attachants est un véritable régal pour les lecteurs et muscle l'intrigue en parfaite synergie.
Ecologie, homosexualité, amour, rapprochement, tolérance... Le talent de Francis Berthelot est une délicieuse drogue aux effets immédiats. Gageons que les véritables connaisseurs et autres nouveaux convertis ne pourront plus s’en passer... En trois mots : merci, monsieur Berthelot.

Pour plus d'informations :

Imaginaire Sans Frontières (France).

Le site de Francis Berthelot
Une interview et des photos de Francis Berthelot

 

 

L’auteur :
Elvire Murail, née le 7 juin 1958 au Havre, diplômée de l'Université de Cambridge, elle publie son premier roman Escalier C en 1983. Après quatre romans pour adultes, se consacre à la littérature pour la jeunesse depuis 1989.
Scénariste et dialoguiste pour le cinéma et la télévision. Elle est l'auteur de plus de cinquante livres.
L'avis de Jean Yves :

Escalier C tient, à la fois, de la galerie de portraits et de la chronique familiale. Famille d'élection puisqu'elle rassemble les voisins d'un immeuble new-yorkais. L'un d'eux, Forster Tuncurry, est le narrateur des histoires d'amour et d'amitié, des passions et des rancœurs, des joies et des peines de ces quelques personnages réunis par le hasard autour de l'escalier C. Forster Tuncurry, qui se présente lui-même comme un beau garçon dans la trentaine, est un critique d'art redouté pour son intransigeance et ses discours provocateurs. Intelligent et cynique, il a une bête noire : les attachées de presse de galeries d'art. [Ce qui donne, d'ailleurs, quelques scènes d'une ironie grinçante qui dépassent, et de loin, le strict cadre du roman.]
Les voisins sont au nombre de quatre, du moins pour les plus importants : Bruce Conway, une grande gueule sympathique qui manie tour à tour la bonhomie et le ressentiment, Béatrix Holt et Virgil Sparks, un couple infernal qui ponctue de scènes de ménage incessantes la vie diurne et nocturne de l'immeuble, et enfin Coleen Shepherd, dessinateur de mode, jeune, riche, beau et homosexuel.
Ce joli monde vogue d'un appartement à l'autre, au hasard des petits déjeuners et des grands dîners, sans compter le temps passé sur le palier à deviser gaiement de choses et d'autres. Les deux personnages les plus passionnants du lot sont, sans conteste, Forster Tuncurry et Coleen Shepherd. L'un est un homme hétéro de l'espèce la plus macho, l'autre un garçon à l'apparence fragile qu'on voit, au début du livre, se laisser rouer de coups par une brute qui n'assume pas son homosexualité.
Au fil des événements qui rythment la vie agitée de la « famille » de l'escalier C, le lecteur voit s'opérer une insensible mais inéluctable modification des rapports entre le critique d'art sûr de lui et dominateur et le dessinateur de mode tendre et secret sans pour autant que la situation tienne du vaudeville à la sauce gay.

Escalier C est un roman assez exceptionnel par son mélange d'humour et de tendresse. Ecrit avec beaucoup d'efficacité – les dialogues sont rapides et percutants – c'est un formidable hymne à la joie de vivre, plein de sensibilité, se démarquant avec talent des textes où le nombrilisme tient lieu d'imagination.
Pour plus d'informations :
Publié aux Editions Ecole des loisirs, collection « Médium poche » (1999)
Informations sur l’adaptation cinématographique du roman

L'auteur :
Né en 1952 à Liverpool, Clive Barker est romancier, nouvelliste, scénariste de BD, auteur de théâtre, peintre et cinéaste, chantre d'un univers baroque, extrême et érotique placé sous le signe des métamorphoses de la chair. On lui doit notamment en littérature Le jeu de la damnation,
Le royaume des devins ou Galilée, et au cinéma Hellraiser, Le pacte, Cabal et Le maître des illusions. Il prépare actuellement un nouveau film, Tortured Soûls -Animae Damnatae, travaille à un nouveau recueil de nouvelles fantastiques et continue le cycle d'Abarat qu'il écrit pour la jeunesse.
L'avis de Org :
Will Rabjohns est un photographe animalier de renommée internationale. Sa spécialité : la représentation d'une nature sauvage pervertie par les excès humains, le regard flou des derniers ambassadeurs d'espèces moribondes. Son art fascine, dérange : Will Rabjohns y excelle. Alors qu'il achève un reportage sur les ours polaires à Balthazar — de tristes créatures nourries des déchets de la petite ville d'Alaska — Will est grièvement blessé. Lors du coma qui s'ensuit, il revit un souvenir enfoui dans son subconscient, un événement de son enfance survenu peu après la mort de son frère, seule et unique idole de ses parents : la rencontre avec un couple fantastique, peut-être bien immortel, la sublime Rosa et son énigmatique amant, Jacob. Lorsqu'il sort du coma, Will a gagné deux choses. Un besoin de comprendre, d'abord, qui le pousse à tenter de retrouver le couple fantastique. Maître Renard, ensuite, une manière de seconde personnalité, un hôte mental sauvage, déroutant. Les pièces du puzzle sont nombreuses et éparses. Will va s'employer à les rassembler, quitte à contempler l'horreur.

Difficile de définir un livre comme Sacrements — au-delà de sa couverture magnifique, ce qui est suffisamment rare pour mériter d'être signalé. Difficile car c'est un livre énorme (un « roman-fleuve », nous dit la quatrième de couverture) qui, en dépit d'un nombre de personnages somme toute restreint (mais quels personnages !) au regard de sa taille, aborde une foultitude de thématiques — la mort, la maladie (le Sida, en fait), l'écologie (surtout), l'homosexualité, l'enfance, la connaissance... Un livre dans lequel, c'est une évidence, Clive Barker a mis énormément de lui, de ce qu'il est, de ce qu'il sait, ce qu'il ressent. (Les exemples sont légions, mais je ne peux résister à l'envie de vous citer ce passage, p.262, où Barker, lui-même homosexuel, parle des homosexuels : « Des hommes que leurs pères et mères, si aimants, si permissifs soient-ils, ne pourraient jamais comprendre comme ils comprenaient leurs enfants hétéros, parce que leurs rejetons gays constituaient des culs-de-sac génétiques. Ces hommes-là se voyaient obligés de se bâtir eux mêmes leurs familles, avec des amis, des amants ou des divas. Ces hommes-là s'étaient inventés eux-mêmes, pour le meilleur ou pour le pire. ») Un livre construit autour d'une myriade de brefs chapitres où l'action connaîtra une ellipse en forme de flash-ba
ck de près de cent pages. Un livre, enfin, qui transcende les genres (fantasy ? fantastique ?) pour nous porter vers les rivages de la littérature, la grande, la seule, celle ou l'on prend le temps d'exposer, de creuser, de s'attarder sur le détail pour mieux révéler le fond.
Dès le début de sa carrière littéraire, avec notamment ses nouvelles chocs réunies dans les Livres de Sang, Clive Barker laissait présager d'un avenir hors norme de créateur de mondes. Il a depuis fait feu de tous bois : une production nourrie qui, qualitativement, a connu des hauts et des bas (avec des romans comme Cabal, assez médiocres). Toutefois ses dernières œuvres, Imajica, le fabuleux Galilée et maintenant Sacrements, font montrent d'une maîtrise qui confirme Barker comme un auteur de tout premier plan, majeur, un point c'est tout. Et un auteur majeur qui donne toute sa mesure, ça vous fait un bouquin mystifiant, triste car lucide, d'une confondante sensibilité, lourd du poids d'un regard porté sur le monde et ce que nous en faisons. Un livre dont on ressort comme sonné, presque K.O., des étincelles derrière les yeux. Sacrements est de cette veine : le sacre d'un auteur-roi.
 
Pour plus d'informations :
Disponible chez Rivages et Fleuve Noir (France).
Autorisation de la chronique : Revue Bifrost
Le site de Clive Barker (en anglais)

 

L’auteur :
Häkan Lindquist est né en 1958 en Suède. Il vit à Stockholm depuis l'âge de 19 ans, où il a travaillé auprès des enfants puis dans une librairie et un magasin de disques. L'écriture l'accompagne depuis son plus jeune âge mais il ne publie son premier roman Mon frère et son frère qu’en 1993. Autodidacte et curieux de tout, Häkan Lindquist offre une place de choix dans sa vie à l'art sous toutes ses formes : musique, sculpture, peinture, littérature.
L'avis de Jean Yves :
« Dans le séjour, posée sur un poste de télévision, une photographie, un visage, celui d'un jeune garçon.
– C'est qui, là ? dis-je en m'adressant à mes parents.
– C'est ton frère, répond maman.
– C'est ton frère Paul. Il est mort avant ta naissance, explique papa. »
Jonas commence alors un long travail d'investigation, un peu à la manière d'un Sherlo
ck Holmes, il enquête pour essayer de mieux connaître ce frère absent. Ce frère avec qui il aurait aimé jouer, parler, rire et vivre. De questions en questions auprès de ses parents ou de Daniel, l'ami de la famille, il finira par en savoir un peu plus. Son obstination devient douleur pour ses proches, elle réveille en eux le malheur de la disparition, le deuil jamais conclu, la souffrance du manque et de la culpabilité. Ce qui n'était au début qu'un simple questionnement, une recherche d'attitude pour se construire, trouver sa propre image, devient une obsession et un risque. Pour Jonas, ne rien savoir de ce frère pourrait vouloir dire ne rien savoir de lui-même. C'est alors qu'il va découvrir le journal de Paul… et découvre l'intimité de son frère, ses photos, et des lettres. Ces mots aussi, surtout ces mots qu'il ne comprend pas, écrits en tchèque: tjuv milenec. Ahoj muj bratre ou encore: Mému malému Princi. Princi comme prince... Paul aimait les garçons, et un garçon en particulier, Petr, un jeune Tchèque libéré. Loin de s'en émouvoir, il est au contraire fasciné par leur histoire. Elle n'a duré que peu temps, interrompue par la mort brutale de son frère, mais a été d'une rare intensité. Poussé par la curiosité, il parvient même à retrouver la trace de Petr après toutes ces années.
L'histoire est simple, belle, l'écriture sobre. Elle saisit le lecteur et le laisse en haleine jusqu'au dénouement. L'homosexualité y est traitée de deux façons : d’abord, celle de Daniel vécue avec beaucoup de culpabilité et, ensuite, celle épanouie et libre des deux adolescents, Paul et Petr. Un magnifique livre qui évoque l'homosexualité avec naturel et spontanéité.

Pour plus d'informations :
Publié chez Gaïa (2002)
 

 

L'auteur :
Née à Paris en 1947, elle a fait ses études à Dijon (agrégation de Lettres en 1972), émigrée au Canada en 1973, elle enseigné la littérature (doctorat de création littéraire de l'Université de Laval) et la création littéraire dans diverses universités du Québec, en particulier celle de la ville de Chicoutimi (où elle réside). Elle a été la directrice littéraire de la revue Solaris de 1979 à 1990 (elle fait encore partie des quatre écrivains s'occupant de la direction littéraire de la revue, où elle est responsable des articles), a organisé en même temps des ateliers d'écriture SF & F. Elle est écrivaine à plein temps depuis 1990, mais se révèle créatrice dans plusieurs autres domaines : elle fait de la chanson (auteure-compositrice-interprète pendant une dizaine d'années, de 1973 à 1982), de la radio, de la télévision. Elle a écrit des articles et essais théoriques, organisé des congrès littéraires portant sur la science-fiction. Elle est également traductrice de nombreux romans de SF américains et anglais pour des éditeurs français et québécois, et a été chroniqueuse SF pour le réseau de Radio-Canada. Son oeuvre littéraire, importante et toujours de qualité, est traduite et célébrée en Amérique comme en Europe. Elle a obtenue de nombreuses récompenses littéraires et a sa place parmi les meilleurs auteurs actuels du genre. Elle aime la lecture, la musique, le cinéma, les chats (elle en a plusieurs), le ski alpin, la bonne chère et les jeux de mots.
L'avis de Stéphanie Nicot :
Ceux de nos lectrices et lecteurs qui attendraient de la SF aventureuse risqueraient d'être déçus à la lecture de ces Chroniques du Pays des Mères, troisième volume d'Élisabeth Vonarburg à être publié en France (lire chez Denoël Le silence de la Cité, Grand Prix de la SF française 1982, et le recueil Janus). Réglons d'emblée un problème d'image : Vonarburg est bien connue du microcosme SF pour ses positions féministes radicales que certains n'ont pas hésité à rapprocher — de façon peut-être un peu polémique — des courants « politiquement corrects » qui sévissent aux États-Unis. L'argument du roman repose en effet sur un sujet qui, par le passé, a toujours débouché soit sur des utopies féministes sexistes et bavardes, soit sur des mises en scène machistes des angoisses de castration masculines (La Révolte des femmes de Jerry Sohl ou Misandra de Claude Veillot par exemple). Ce « Pays des Mères » d'un futur lointain et indéterminé est en effet un monde totalement dominé par les femmes qui dirigent seules et confinent les rares hommes qui ont échappé aux soubresauts des siècles passés (oppression sexiste puis revanche féministe) et aux séquelles de problèmes génétiques (l'équilibre habituel des naissances a disparu au profit d'une rareté des hommes qui les confine aux tâches de reproduction). On pouvait craindre le pire...
Élisabeth Vonarburg nous offre le meilleur. À mille lieux des clichés, des visions revanchardes, des simplifications, l'auteur brosse peu à peu une vision prodigieusement subtile de cette société de femmes parvenue à un stade de développement et de réflexion tel qu'elle voit surgir de ses rangs des facteurs de dynamisme et de contestation de la séparation des sexes. Tout au long des 630 pages du roman, on se plaît à suivre Lisbeï, personnage tellement attachant et fort que le lecteur — masculin ou féminin, peu importe — s'y attache et suit ce cheminement vers la vérité et la lucidité qui traduit toute vie digne et imprègne tout récit initiatique, forme à laquelle on rattachera sans la moindre hésitation ces Chroniques du Pays des Mères. On finit peut-être par relativiser un peu les autres personnages, (c'est le seul reproche que l'on pourrait faire à Vonarburg), y compris ceux qui accompagnent le parcours de l'héroïne tout au long du livre.
Ce qui est proprement admirable dans le roman, c'est la capacité de l'écrivain à évoquer un passé mythique en nous faisant comprendre les interrogations de Lisbeï, qui remettra en cause la tradition et deviendra archéologue. Loin de tomber dans un didactisme appuyé, Vonarburg nous donne à imaginer les origines de cet univers au travers de bribes, de légendes (on mentionnera la puissance évocatrice d'une relecture au féminin de la passion du Christ), d'artefacts, d'interprétations parfois contradictoires du passé du Pays des Mères.
Autre grande réussite, et démonstration éblouissante quoique contestable dans sa systématisation, Vonarburg montre que le pouvoir c'est aussi le langage. À société de femmes, langage au féminin : au Pays des Mères, on voyage sur des « chevales », on élève des « enfantes », etc. Pour un lecteur masculin, l'effet de déphasage est immédiat.
Appel à la tolérance et à la rencontre entre les sexes, au refus du sexisme, Chroniques du Pays des Mères a été salué par la critique lors de sa sortie au Canada puis traduit aux États-Unis, où il a obtenu le prix spécial Philip K. Di
ck. Ce remarquable roman confirme qu'Élisabeth Vonarburg est désormais un écrivain majeur de la SF mondiale.
Pour plus d'informations :
Disponible au Livre de Poche, collection « SF » (France)
Site officiel d’Elisabeth Vonarburg

L'auteur :
Francis Berthelot est né à Paris en 1946. Polytechnicien et chercheur en théorie littéraire, auteur de onze romans (Denoël, Fleuve Noir, Fayard, Hachette) et de quatre essais (Nathan), il a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire dans les quatre catégories “nouvelle”, “roman” (pour Rivage des Intouchables), “essai” et “jeunesse”.
Après un passage par la littérature générale, il revient depuis deux ans à un imaginaire dans tous ses états par les voies du merveilleux noir.
L'avis de Stéphanie Nicot :
 En avouant « son désir de graver ses mots dans la mémoire des enfants à venir », Arthur, l'un des deux personnages principaux de Rivage des intouchables, se bat non seulement pour survivre, mais pour vivre. Libre, et à sa façon : contre les interdits, les préjugés, les racismes. En créant un monde extraterrestre où Gurdes et Yrvènes (aux uns les écailles dures et aux autres les pigmentations douces) se haïssent férocement, en imaginant une histoire de transgression (les transvers, issus des deux races antagonistes, se mêlent au nom de la liberté, de la tolérance et, tout simplement, du désir), puis en racontant l'épidermie contagieuse qui les frappe, Francis Berthelot a choisi « de parler du sida à travers une maladie fictive... de façon spéculative, dans le cadre d'une autre société, avec un tabou différent, une maladie différente. » Il évoque le sida « d'une manière que n'importe quel lecteur, homosexuel ou hétérosexuel, puisse s'y reconnaître et s'identifier aux personnages. »
Le racisme, Arthur y est confronté tout petit, lorsque ses parents gurdes le lavent pour effacer tout trace de Cassian, son ami yrvène. Comme l'affirme sa mère : « Vivre avec une honte pareille, aucun d'entre nous ne l'a mérité. » Comment, dans ces conditions, la mémoire des transvers ne serait-elle pas malade de la culpabilité et du dégoût de soi : « Quand l'identité profonde de quelqu'un a de tout temps servi d'injure à la populace, quelle estime de soi lui reste-t-il ? » Serait-ce l'origine de l'épidermie ? Arthur et Cassian ne partagent pas le même avis : le jeune révolté yrvène semble sûr de lui, mais Arthur le Gurde se souvient des blessures de l'enfance, de cet « opprobre universel » qui l'accablait « comme s'il allait devoir marcher seul, toute sa vie, entre deux rangées de barbelés » et des insultes qui fusaient : « Frottard. Poiscailleur. Lécheur de Couennes... ».
Là où des faiseurs auraient peine à s'élever au-delà d'une banale transposition futuriste, Berthelot invente une fiction pleine de sens : c'est pour mieux parler d'ici et maintenant qu'il a choisi d'inventer un cruel ailleurs et demain. L'irruption d'une maladie dramatique, la violence haineuse des troupes de Race et Foi et la bêtise des racistes ordinaires font parfois de Rivage des intouchables un livre douloureux. Mais, loin de se clore sur un no future trop souvent de mise dans la SF française, le roman s'achève de façon significative sur l'ébauche difficile, chaotique et tâtonnante d'un avenir meilleur, qui intègre à la fois la phase de libération et l'épreuve. On retrouve là un thème dominant de Berthelot, qui donne unité et continuité à son œuvre, de La Lune noire d'Orion (Calmann--Lévy), au cycle de Khanaor (Fleuve Noir) et de La Ville au fond de l'œil (Denöel, Présence du Futur) — sans oublier ses magnifiques romans de littérature générale (on conseillera tout particulièrement l'éblouissant Jongleur interrompu (Denoël) — à ce superbe et bouleversant récit : la recherche de l'harmonie.
Avec Rivage des intouchables, Francis Berthelot a écrit l'un des plus beaux romans de ces vingt dernières années. Ne passez pas à côté !
Pour plus d'informations :
Disponible chez Folio SF (France).
Autorisation de la chronique : Revue Galaxies
Le site de Francis Berthelot
Une interview et des photos de Francis Berthelot

 

L'auteur :
L'auteur de polar, Joseph Hansen est mort le 24 novembre 2004 en Californie à l’âge de 81 ans.
Hansen avait ouvert la voie au polar gay dans les années 70 en créant Dave Brandstetter, un ancien agent d’assurances homo, qui, de ce fait, se retrouvait à mener des enquêtes où l’homosexualité est le sujet ou la toile de fond.
Ce faisant, ses romans donnaient à voir l’homosexualité côté faits divers (les meurtres, les viols, etc.) mais aussi au quotidien et dans toutes ses dimensions (scènes d’amour, coming-out, affirmation, découverte du sida, etc.).
Bien que gay, Joseph Hansen avait épousé Jane Bancroft avec laquelle il avait eu un enfant.

L'avis de Jean Yves :
– 1978 : THE MAN EVERYBODY WAS AFRAID OF / LES MOUETTES VOLENT BAS (Folio)
À La Caleta, pas loin de Los Angeles, le Chef de la police Ben Orton est une figure, celle de l'Ordre et de la Loi. Quand il meurt, le crâne fracassé par un pot de fleurs, le coupable semble évident : c'est un activiste homo qui n'a pas supporté qu'Orton refuse ses pétitions en faveur des droits des homos. Dave Brandstetter entre alors en scène, pour mener une enquête diligentée par son employeur, Medallion Life, assureur auprès duquel le défunt avait souscrit une police d'assurance-vie. Et Dave trouve que les choses ne sont pas si claires.
Le chef de police d'une petite ville a été tué. Aimé par certains (rares), haï par d'autres, il voulait garder sa ville propre (c'est-à-dire pas d'homos, de drogués, d'hippies, de films pornos...) ; il voulait préserver l'ordre, la famille, et imposait la peur à toute une population. Un homme, Cliff Kerlee, est accusé de ce meurtre car, fait accablant, il avait professé des menaces de mort contre ce flic au cours d'une manifestation retransmise à la télé.
Comme on le voit, nous sommes en plein scénario classique de série noire. Ce qui l'est moins, c'est que les principaux personnages de ce livre, dont certains n'ont rien à voir avec le scénario, sont homosexuels, à commencer par l'enquêteur et l'accusé ; et on l'apprend dès les premières pages.
On a l'impression que le scénario policier d'ailleurs est mal mené, et que en fait il sert de prétexte à décrire les homosexuels, leurs luttes, leurs questions, leurs vies. Ce qui est une nouveauté dans le genre du polar, c'est la présence d'homos militants avec toutes les nuances possibles, au point que l'on croirait parfois reconnaître le mouvement français. Ainsi Nowell est obsédé par la respectabilité, agacé par les « folles » faisant irruption à l'assemblée où il essayait de se faire reconnaître, bref, on se croirait à un ancien congrès d’« Arcadie » ! Un autre, Harv, essaie de regrouper les homos sur la ville, rêve d'un mini San Francisco. Un autre, l'accusé, faisant pétitions, manifs, se bat pour que les pédés vivent comme ils l'entendent. Et puis il y a aussi plein d'autres pédés, moins décrits mais tous sensibilisés à leur condition d'homosexuels. Les lesbiennes sont elles complètement absentes, même lors des manifestations où pourtant elles devaient être. De même les femmes ne sont guère présentes ; au moins, elles ne sont pas utilisées comme objet sexuel (comme dans la plupart des polars).
L'intérêt de l'auteur va, cela est évident, vers les pédés, vers ce fait social qu'est la lutte des homosexuels.
L'intrigue en fait importe peu et il est émouvant de lire une « Série noire » mettant en scène des homosexuels avec naturel et sans caricature.
– 1970 : FADE OUT / LE POIDS DU MONDE (Editions du Masque)

Le Poids du monde est la version intégrale du roman paru en 1970 dans la coll. Série noire sous le titre Un Blond évaporé. Dave Brandstettler vient de perdre son compagnon Rod, mort d'un cancer après vingt ans d'histoire d'amour. Il se remet à travailler pour essayer de faire son deuil. Son job d'enquêteur d'assurances l'amène sur la disparition sans corps retrouvé de Fox Olson un homme bien connu et aimé de tous dans sa ville de Pima.
– 1993 : LIVING UPSTAIRS / EN HAUT DES MARCHES (Rivages Noir)
Nathan Reed vit avec Hoyt Stubblefield depuis quelques semaines. La condition que Hoyt a posée à l'emménagement de Nathan chez lui est que ce dernier ne l'interroge pas sur ses absences répétées. Nathan, confiant en l'homme qu'il aime, a accepté mais est tout de même curieux et suit un matin son amant car il ne lui semblait pas très en forme ces derniers jours. Il découvre que celui-ci se rend à l'enterrement d'une femme, militante communiste. Quelques temps plus tard, un agent du FBI rend visite à Nathan et évoque les activités communistes de Hoyt; or nous sommes en pleine Seconde Guerre Mondiale et il ne fait pas bon être communiste aux Etats-Unis à ce moment-là.
– 1984 : NIGHTWORK / LES RAVAGES DE LA NUIT (Folio)
Dave Brandstetter enquête pour une compagnie d'assurance sur la mort prétendument accidentelle d'un chauffeur de poids lourd. C'est en fait l'explosion du camion qui a propulsé l'engin dans un canyon. Pourquoi ? Et que transportait ce camionneur en plein coeur de la nuit ? Difficile de le savoir car les pistes sont brouillées et apparemment, les enjeux sont importants...

Pour plus d'informations :
Bibliographie

 

L'avis de Jean Yves :
En dehors de la stricte harmonie antithétique des deux sexes, la culture musulmane ne propose aucune autre forme de réalisation du désir. Des rapports qui n'uniraient pas l'homme et la femme sont considérés comme dénaturants, brisant l'architectonique cosmique telle que la propose l'Islam.
« L'homosexualité (Liwât) fait l'objet de la condamnation la plus vive. Elle est assimilée au zinâ (1) et on préconise d'appliquer à ceux qui s'y livrent les châtiments les plus horribles ».
Le Liwât finit même par désigner toutes les formes de perversion sexuelle et parasexuelle. Néanmoins, la pédérastie bloque en Islam toute les perversions et constitue en quelque sorte la turpitude des turpitudes.
La perception de l'homosexualité par l'Islam, telle que nous la rapporte Abdelwahab Boudhiba, est une conception où émaillent les œuvres érotologiques de traits poétiques à la gloire de l'éphèbe, nécessairement imberbe et dont la séduction est toujours comparée à celle exercée par la femme : « L'imberbe est comme une femme », écrivait textuellement Quanâwi (1310).
La seule vue de jolis garçons passe, selon les traités du fiqh pour « troublante et terriblement tentatrice ». Pour la littérature classique, Bouhdiba cite le Maghrébin Ahmad Ibn Youssef at Tifaschî (XIIIe siècle) qui n'aborde l'homosexualité que par le biais des « jouvenceaux » ou des « hermaphrodites ». A propos de Mohammed Çâdiq Hassan Khan, Boudhiba écrit : « L'auteur nous donne de précieuses indications historiques sur l'homosexualité de son époque. Acculturation grecque d'abord, elle est devenue turco-persanne avant d'être intégrée aux sociétés arabo-musulmanes alors que l'érotisme homosexuel restera toujours ignoré en Inde ». C'est bien la Grèce originelle qui transparaît dans cette expression homosexuelle essentiellement pédérastique, qui ne tolère nulle part le désir et l'amour entre hommes. La puberté reste la période tremplin qui détourne le mâle des autres hommes.
« La puberté, c'est le moment où la sexualité vient à l'ordre du jour, où l'on prend congé du monde féminin, où, devenu homme, on est requis de se comporter comme les hommes. ».
L'homme doit dès lors mettre en valeur sa pilosité et le fétichisme du poil est mis à l'honneur... pour les femmes seulement. « La barbe et la moustache sont pour l'homme ce que les tresses de cheveux sont pour les femmes » (Les mille et une nuits). Bouhdiba nous dit que « la barbe jouit d'une place toute privilégiée. Elle est en effet le symbole de la virilité (...) Elle est destinée à attirer le regard ». Mais l'auteur ne peut citer aucun passage traitant de l'érotisme du poil dans une optique homosexuelle.
La partie la plus intéressante du livre semble bien être la réflexion finale sur les perspectives offertes par l'Islam. L'auteur note que le monde musulman est frappé par une crise de la sexualité avec les velléités d'émancipation des femmes et par une crise des croyances traditionnelles.
« A une jeunesse déçue, désemparée (...), l'Islam actuel ne semble pas encore apporter la bonne parole. Et ce, faute d'avoir mis suffisamment à contribution, comme l'ont fait le christianisme et le judaïsme, l'apport enrichissant et novateur des sciences humaines, de la linguistique, de l'histoire, de la psychanalyse, de la sociologie... L'islamologie s'avère actuellement incapable de fournir une nourriture spirituelle adéquate. »
Le livre de A. Bouhdiba est une somme passionnante d'érudition et de réflexion sur l'érotologie musulmane et les enjeux que provoque le choc des conceptions traditionnelles avec les impératifs plus souplement pragmatiques des sociétés modernes.
J'ai mis volontairement l'accent sur l'homosexualité, mais cet ouvrage renferme bien d'autres aspects. A lire absolument.

(1) Zinâ : antithèse de dieu, paganisme exprime la rupture avec la communauté musulmane.
Pour plus d'informations :
Publié chez Editions PUF, Collection « Quadrige-Essais Débats » (2004)
 
Que dit le Coran de l'homosexualité ? par Claude Courouve
Homosexualité et Islam, Bab Al Hourria : site des gays arabes


 

L'avis de Bibliomonde :
Ce qui reste  (Gallimard, 2003)
Chocolat chaud  (Gallimard, 1998)
Plusieurs vies  (Gallimard, 1996 - Folio, 1998)
L'Enfant ébloui  (Gallimard, 1995 - Folio 1999)
Rachid O. est un jeune écrivain marocain parmi les plus prometteurs.
Né en 1970, après des études à Marrakech, il séjourne à Paris. En 2000, il a été accueilli comme pensionnaire de la Villa Médicis gérée par la Fondation de France à Rome. Le Maroc qu’il raconte dans ses romans est celui de l’homosexualité décrite de la façon la plus candide.
« L'auteur aborde, frontalement et sans fioritures, sa « gaytitude » de Marocain, musulman énamouré, dès l'âge de seize ans, d'un coopérant français âgé de quarante ans et père de deux enfants. Le père de l'auteur sait tout, mais ne pose pas de questions. De rencontre en rencontre, Rachid O. découvre et l'écrit et le corps. Il faudra peut-être attendre quelques années pour soupçonner l'impact d'un tel aveu, qui a valeur ethnologique (…) » (Maati Kaabal, le Monde diplomatique, avril 1999).
« Pour résumer mon adolescence, j’aimais aimer les garçons et lire des livres. Je suis arrivé à écrire, mais d’abord je voulais venir en France où, par pur hasard, j’ai fait deux livres autobiographiques, d’abord L’enfant ébloui, puis Plusieurs vies, à travers lesquels je suis revenu à la nostalgie de mon enfance et tout ce qui l’entourait. Ces deux textes ont été une passerelle entre moi et la France, ils m’ont donné un nouvel équilibre entre la France et le Maroc pour un meilleur glissement dans mon intégration. Aujourd’hui, je ne suis plus moi dans Chocolat chaud, l’imaginaire de ce roman me semble plus réel. Je n’ai plus envie de parler de moi maintenant. » (extrait d’un article de Rachid O. pour le Magazine littéraire, avril 1999)
« Rachid O. appartient, curieusement, plus à la famille d’Hervé Guibert qu’à celle des écrivains marocains, même si son apparition a changé quelque chose de fondamental dans la conscience que les auteurs et les lecteurs de son pays, et du Maghreb en général, avaient de la sexualité. Des gestes, des sentiments, des événements furent écrits par lui, qui ne l’avaient jamais été par un écrivain maghrébin. Non pas qu’on ait ignoré que l’homosexualité masculine et la prostitution, plus ou moins littérale, (c’est-à-dire avec ou sans argent), aient été pratiquées au Maghreb – ce serait un comble ! -, mais certaines choses n’étaient jamais écrites.
La brutalité douce, l’intelligence, la sensibilité de Rachid O. ont permit que la littérature s’empare calmement, précisément, de certaines réalités sexuelles et sociales, à travers le filtre d’un individu lucide, sentimental qui a un rapport naturellement poétique avec le monde et qui joue de l’écriture avec une liberté n’interdisant pas pour autant la rigueur de pensée. » (extrait d’un article de René de Ceccatty, Le Monde, avril 2003)
(reproduit avec l’aimable autorisation de Bibliomonde).

Pour plus d'informations :
Les quatre livres sont publiés aux Editions Gallimard et certains en poche chez Folio. 
Interview de Rachid O.


 
L'auteur :
L'auteur de polar, Joseph Hansen est mort le 24 novembre 2004 en Californie à l’âge de 81 ans.
Hansen avait ouvert la voie au polar gay dans les années 70 en créant Dave Brandstetter, un ancien agent d’assurances homo, qui, de ce fait, se retrouvait à mener des enquêtes où l’homosexualité est le sujet ou la toile de fond.
Ce faisant, ses romans donnaient à voir l’homosexualité côté faits divers (les meurtres, les viols, etc.) mais aussi au quotidien et dans toutes ses dimensions (scènes d’amour, coming-out, affirmation, découverte du sida, etc.).
Bien que gay, Joseph Hansen avait épousé Jane Bancroft avec laquelle il avait eu un enfant.
L'avis de Jean Yves :
Une parabole sur le sida et un pied dans l'ennui.
Dans le souci d'une identification totale, si vous rêvez d'un roman homosexuel tous azimuts, c'est ce roman qu'il vous faut. L'auteur est homosexuel, les victimes sont homosexuelles, le meurtrier présumé est homosexuel (mais pas le vrai !), les meubles sont… non, pas les meubles, ils sont impeccables, de bon goût… Car le détective, Dave Brandstetter, a tout pour plaire : courageux, discret, généreux, attentif aux femmes, digne ; il est bien sous tous les rapports (ne doit-il pas être mieux que les hétéros qu'il rencontre incidemment ?) Oui, c'est un héros et il ne craint ni la bagarre, ni les coups, il sait se servir de ses muscles, de son intelligence.
Dave est dans un sacré merdier : des crimes sont commis. Les victimes : des homosexuels, et pas n'importe quels homosexuels, des gays (nous sommes aux USA, l'avais-je oublié ?) atteints du sida.
Mon problème, c'est que quand je lis un polar (j'en lis assez peu au demeurant), tout gay que je suis, j'aime bien m'échapper de la morale, de la générosité. J'aime bien les codes, les rites du polar : des mecs machos en diable, des traîtres et des traîtresses, des vamps chaloupées et des héros pressés qui les basculent sur des divans moelleux dans des sites de rêve, et des lieux noirs, du sang, de la violence, parce qu’un polar pour moi, ce n'est pas forcément un sujet de réflexion, c'est un lieu imaginaire où se défoulent toutes les zones d'ombre que la société m'interdit d'exprimer.
Alors me voici coincé car ce polar m'a ennuyé. Totalement. Mais voilà, qu'un polar montre des hommes atteints du sida, et je me sens coupable de critiquer un bouquin aux si bonnes intentions. Je n'ai plus qu'à attendre les commentaires d'insultes...
Il y a des thèmes graves, si graves... Pour autant, peut-on s'en servir dans l'intrigue de ce qui est, par excellence, une lecture de divertissement ?
Pour plus d'informations :
Publié chez Rivages/Noir (1988)

Bibliographie
Voir la fiche "Quatre polars gay de Joseph Hansen"


La Musardine, 750 pages, 34,90 €

 

Une critique de Bernard Alapetite


Il y a quelques temps, à propos d’un calamiteux ouvrage, j’écrivais que l’on attendait le livre de référence sur l’homosexualité au cinéma. Et bien je suis heureux de vous annoncer que je le tiens entre les mains. C’est L’Homosexualité au cinéma de Didier Roth-Bettoni. Un véritable livre de référence que je crains bien d’user rapidement à force de le consulter.

Didier Roth-Bettoni déroule avec élégance l’histoire du cinéma en pointant tout ce qu’elle recèle de gay et de lesbien. Nourrissant de ses prodigieuses connaissances une pertinente réflexion sur la représentation des gays dans les différentes cinématographies du monde, ne négligeant aucune contrée, des premières images animées à aujourd’hui.

Ce qui épate le plus, c’est la faculté qu’à Didier Roth-Bettoni de débusquer un personnage gay dans des films qui ne le sont pas du tout, comme par exemple dans La Métamorphose des cloportes ou La Belle américaine. Il faut saluer l’exploit du critique qui va jusqu’à voir Embraye bidasse ça fume, Ces flics étranges venus d’ailleurs ou encore Drôle de zèbre de... Guy Lux pour y dénicher le pédé qui s’y cachait. Tous mes respects à l’artiste. Voilà qui prouve bien que tout bon essayiste est un tant soit peu masochiste.

On pourra remarquer aussi dans la plongée dans le cinéma français des années 60 et 70 que l’auteur est un esprit libre et ne suit pas le diktat des laudateurs sectaires de la nouvelle vague, par exemple en reconnaissant toutes les qualités aux Amitiés particulières du honni Delannoy.
L’auteur pousse la probité, lorsqu’il n’a pas vu un film, ce qui est rare, d’abord de le signaler puis à citer un confrère pour nous donner un aperçu de l’œuvre.

Le livre au fil des pages se présente comme une formidable caverne d’Ali Baba, faisant découvrir à son lecteur, en quelques lignes souvent très suggestives, une quantité de films dont il aura, probablement pour un bon nombre, jamais entendu parler, par exemple en ce qui me concerne L’Homme de désir de Dominique Delouche. Mais surtout ce livre donne envie de découvrir et de revoir de nombreux films, ce qui devrait être l’un des buts de tout livre sur le cinéma.

Je vous conseille un jeu, celui de faire la liste des films que vous ne connaissiez pas et dont Didier Roth-Bettoni vous donne l’envie de connaître. Vous aurez ainsi moult espérances de bonheur que vous pourrez combler petit à petit lors de descentes dans les magasins de vidéo et DVD en France et de par le monde. Cela sera très profitable pour votre connaissance du cinéma mais beaucoup moins pour votre compte en banque.

Autre jeu, je le reconnais un peu vain, celui de dresser une autre liste beaucoup plus courte, tant cet essai tend vers l’exhaustivité, des œuvres oubliées par notre forçat de la critique. Il faut toutefois rappeler que le livre embrasse tous les genres cinématographiques et que s’il privilégie le long-métrage de fiction, il n’en oublie pas pour autant les documentaires, la fiction télévisée, le court-métrage pas plus que le cinéma expérimental. À l’aune de mes modestes connaissances, j’ai réussi à trouver quelques manques : en ce qui concerne l’Amérique, j’ai noté l’absence surprenante de Victor Salva et de son très beau Rites of passage ,sans oublier ses deux Jeepers Creepers aussi horrifiques qu’homo-érotiques et surtout le quasi silence sur des séries comme Oz, Six Feet Under, Queer as folk qui, grâce à leur audience sans commune mesure avec la presque totalité des films dont il est question dans cet ouvrage, ont bouleversé la perception des gays par le grand public ; je m’étonne aussi, mais c’était déjà le cas dans Celluloïd Closet, de l’absence du film de Vicente Minelli Celui par qui le scandale arrive dont le personnage du fils est la future Sissi type ; le cinéma gay allemand se voit amputé d’une de ses plus belles réussites, la biographie de la famille Mann, Die Manns : Ein Jahrhundertroman (Thomas Mann et les siens) dans laquelle l’homosexualité est omniprésente et où on découvre l’épisode de la vie de Thomas Mann qui donnera naissance à Mort à Venise et de la romance entre deux adolescents issus d’univers opposés qu’est David au pays des merveilles. Pour l’Espagne, l’auteur a oublié le court-métrage sexy et virtuose Backroom de Guillem Morales. En ce qui concerne la France sont ignorés Le Garçon d’orage, les films de Philippe Sisbane et... Comme un frère ! Le fait que l’auteur ait fait l’impasse, la seule de cette magistrale étude, sur le cinéma d’animation nous prive pour le Japon de ses lumières sur le yaoi animé (le yaoi animé, souvent issu de mangas yaois, est un dessin animé dont les personnages sont gays, et certains sont pornographiques).


Didier Roth-Bettoni

Si d’emblée dans son avant-propos Didier Roth-Bettoni a l’honnêteté de nous dire : « S’agit-il d’un livre militant ? Dans une certaine mesure, puisqu’il est question de corriger une injustice vis-à-vis des homosexuels... Il s’agit tout autant d’un ouvrage cinéphile proposant une relecture de l’histoire du cinéma sous un angle différent où l’homosexualité (des auteurs, des acteurs, des personnages, des sujets, des spectateurs, etc.) aurait le premier rôle... », il n’en reste pas moins que cette posture et le fait que son auteur soit un français, qui plus est un français issu à la fois du sérail cinéphile et de celui du militantisme gay, lui fait trouver souvent un film homophobe lorsqu’un personnage homosexuel n’a pas un rôle positif, attitude politiquement correcte, bien que l’auteur ne cesse de se défendre de ce travers tout au long du volume.

Cette francitude ne lui fait pas néanmoins centrer son ouvrage sur son pays, comme c’était le cas pour le précédent ouvrage sur le sujet L’Homosexualité dans le cinéma français d’Alain Brassart. Le seul livre auquel on peut comparer cette somme, est Image in the dark (sous-titré An Encyclopédia of Gay and Lesbian Film and Video, pas moins !) de Raymond Murray, en anglais et datant de 1994. Cependant, il ne parvient pas complètement à s’extraire des tics et défauts bien spécifiques à la critique française dont le principal est une certaine morgue, quelque peu condescendante, envers le cinéma américain et en particulier à l’encontre du cinéma non hollywoodien souvent qualifié de communautaire, avec la charge négative que cela comporte dans la bouche d’un français. On voit ainsi sourdre insidieusement, probablement au corps défendant de Didier Roth-Bettoni, un certain anti-américanisme, stigmate presque obligatoire de tout intellectuel français de gauche (forcément de gauche, je suis bien conscient du pléonasme).

Parfois l’allégeance au diktat de la critique (surtout pour la période qu’il nomme de « la visibilité », qu’il fait commencer en 1980 et poursuivre jusqu’à nos jours, alors qu’il montre une grande liberté de jugement pour les périodes antérieures) lui fait surévaluer les œuvres de cinéastes qui ont le « ticket d’entrée » comme le dit son confrère, le très lucide Michel Ciment, comme Asia Argento avec son très médiocre Livre de Jérémy, Larry Clark et celles de Gus van Sant en particulier le raté Last days, alors qu’il expédie en quelques mots le très estimable Gypsy 83 de Todd Stephens et que le très beau The Journey of Jared Price – aussi romantique qu’inventif dans sa construction – est seulement cité.
Sans parler de son admiration béate, à l’unisson de presque toute la profession, devant cette supercherie pour snobs qu’est Tarnation. En revanche, on voit avec plaisir qu’il met à sa vraie place des cinéastes comme Todd Haynes avec Velvet Goldmine et John Cameron Mitchell avec Shortbus, c’est-à-dire tout en haut, ce dont bien peu de critiques se sont aperçus.

En ce qui concerne la production récente française Didier Roth-Bettoni est un bien trop gentil garçon, ce que j’ai pu vérifier l’ayant rencontré pour une longue interview qui s’est muée en un exposé magistral dans lequel il balaya tout le spectre du cinéma gay. Cette rencontre donna le film intitulé Un Siècle de cinéma gay qui se trouve en bonus sur le DVD To play or to die chez Eklipse, une excellente introduction et un bon complément à ce passionnant essai.
Sa gentillesse, et peut-être le désir de ne pas se fâcher avec des gens avec lesquels il entretient un commerce fréquent, l’amène parfois à de coupables indulgences comme de traiter le désolant Rome désolé de début d’un exigeant voyage artistique ou les navrantes fictions de Rémi Lange de farces incorrectes et réjouissantes... En revanche, il fait preuve d’une belle liberté en mettant en avant la qualité des films de François Ozon, ce qui n’est pas monnaie courante chez ses confrères.

Si l’on peut être en désaccord avec les opinions de Roth-Bettoni sur tel film ou la place qu’il accorde à tel autre, on ne peut que louer cette subjectivité assumée et étayée qui fait que l’ouvrage dépasse la nomenclature de films gays qu’il aurait pu être si son auteur avait eu moins de personnalité et de passion.

Un essai c’est aussi un style et l’on ne peut qu’admirer la fluidité de celui de Didier Roth-Bettoni dans cette promenade dans le cinéma à travers le temps et l’espace.
Un tel livre serait d’une utilisation bien mal aisée s’il était édité sans sérieux. Rassurez-vous, ce n’est pas le cas. L’éditeur a pris soin d’aérer le texte, scindé en de très nombreux chapitres. Il lui a donné de larges marges dans lesquelles viennent s’insérer les notes. De petites vignettes photographiques, se rapportant aux films cités, viennent égayer la lecture. Pour faciliter la consultation, on trouve en fin de volume deux index : l’un répertoriant les 5 000 films ; l’autre de 3 000 personnalités apparaissant dans les différents développements. S’y ajoute une précieuse chronologie et une liste de 100 films emblématiques accompagnés de leur pitch.
Cet ouvrage me paraît indispensable à tous ceux qui s’intéressent à l’homosexualité et au cinéma, donc à tous les visiteurs de ce blog. Ce gros et élégant volume de 750 pages est une mine de renseignements où vous ne cesserez pas de puiser.


Critique de Bernard Alapetite

Dans le numéro de mars 2007 de Positif, Matthieu Darras s’indignait à juste titre du pillage sur Internet des revues de cinéma par certains sites. Il stigmatise en particulier « Allociné », ce qui ne dédouane pas nombre de blogs (Les Toiles Roses et ses contributeurs étant une des rares et glorieuses exceptions). Bien des signatures de cette excellente revue sont issues de l’université et à la lecture de L’Homosexualité dans le cinéma français, pondu par un universitaire, Alain Brassart, chargé de cours à l’université de Lille III, je constate que la pratique du copier/coller est entrée dans les mœurs universitaires.

Il n’est rien de dire qu’un livre sur le sujet était attendu par la population cinéphile (surtout quand celle-ci tapiolise), le dernier ouvrage et le seul, en langue française, traitant de l’homosexualité au cinéma étant L’Homosexualité à l’écran de Bertrand Philibert (ed. Henri Veyrier, épuisé) datant de 1984. La déception est à la mesure de l’attente.

Déjà l’intitulé de l’ouvrage m’avait mis en garde. Je ne voyais pas la pertinence d’aborder ce thème en ne considérant que la seule cinématographie française… sauf si l’on démontre dans un préambule qu’il y a une particularité dans le traitement du sujet dans ce cinéma. Ce qui n’est pas fait dans cet essai, tout simplement parce que ce n’est pas le cas. La représentation des gays dans le cinéma en France, comme ailleurs, est presque toujours le reflet de leur position dans la société au moment où est tourné le film qui les met en scène. Une telle exclusive est donc destinée à réduire le champ de l’étude. Certes qui trop embrasse mal étreint, mais une telle posture exclut toutes comparaisons avec la représentation des gays à l’écran à la même période dans d’autres pays. Si je persiste à dire que la critique ne se borne pas à la comparaison, comme on le voit trop souvent, s’en priver ramène celle-ci à la seule analyse. Est-ce pour cette raison que dans le cas présent, quand elle existe – rarement, elle est particulièrement « capilotractée » ! Quand ensuite, on écarte les œuvres télévisuelles, les courts-métrages et surtout le cinéma expérimental (premier cinéma à avoir fait une place à l’homosexualité, même si le cinéma français n’a pas eu son Kenneth Anger), force est de constater qu’il ne reste plus grand chose. À la lecture de l’ouvrage, on comprend vite que tant de restrictions n’ont qu’une seule raison d’être : la méconnaissance de la plus grande partie des films dont, même en restant dans le domaine français, l’auteur devrait traiter. Il est bon de rappeler cette évidence : pour écrire sur le cinéma, il est indispensable de voir beaucoup de films...

Le cinéma d’avant 197O est expédié en quelques pages qui ne sont visiblement que le recyclage poussif d’un cours médiocre sur Marcel Carné. Dans ce chapitre, j’ai tout de même appris au passage que Grémillon était bisexuel mais pour tout dire, je ne vois pas que cette information puisse modifier mon regard sur un chef-d’œuvre comme Remorques... Il est surprenant pour cette époque de ne rien trouver sur des acteurs comme Jean Tissier ou Jean Parédès, qui jouèrent de façon récurrente des homosexuels tout au long de leur carrière et il est surtout dommage de lire une bourde comme l’homophobie de Robert Brasillach. Si l’on peut reprocher bien des choses à l’écrivain, que son engagement pro-nazi mena devant un peloton d’exécution en 1945, il est ridicule de traiter d’homophobe cet homosexuel dont le penchant transparaît en filigrane de toute son œuvre (mais faut-il encore l’avoir lue !). L’amalgame avec Laubreaux, qui lui était bien homophobe et qui servit de modèle à Truffaut pour son Daxiat du Dernier métro, est absurde. Bien peu de choses également sur « le cinéma d’hommes » d’un Jean-Pierre Melville dont l’homosexualité me parait beaucoup plus prégnante dans l’œuvre que dans celle de Grémillon.

Mais la lacune la plus criante est l’escamotage de tout le cinéma gay des années 70, pas un mot sur Philippe Vallois, sur Gérard Blain, sur Lionel Soukaz… à la place, nous avons droit à une étude comparative assez oiseuse de la charge homosexuelle latente de Delon et de Belmondo. Heureusement que probablement ces pages n’arriveront pas sous les yeux de ce dernier car la lecture pourrait lui provoquer une attaque fatale. Cette ébouriffante analyse des carrières croisées de Belmondo et Delon, vu du coté gay plus qu’aux habituels ouvrages de cinéphiles, m’évoque le Roger Peyrefitte des années 60 qui voyait dans chaque homme, un tant soi peu connu, un homosexuel dissimulé.

Quant au cinéma gay contemporain, nous avons droit à un autre recyclage de cours, cette fois sur Téchiné, qui n’apprendra rien au cinéphile moyen et à quelques considérations guère plus pertinentes sur Ducastel et Martineau, affublés du concept d’homosexualité tranquille… Toutefois les pages sur Drôle de Félix et Crustacés et coquillages sont assez intéressantes et de loin les meilleures du volume.

Ce système de réutilisation des restes laisse de côté les films uniques dans une filmographie, pas de trace du Ciel de Paris de Bena, des Amoureux de Corsini ou de La Confusion des genres d’Ilan Duran Cohen... On n’en finirait pas d’énumérer les manques.

Comble pour ce qui se présente comme un essai, on n’y trouvera ni thèse ni jugement de valeur, mise à part une détestation d’Ozon dont la particularité serait « la froideur stérile » : avis qui aurait pour le moins demandé un développement que l’on ne trouvera pas. En revanche, on y découvre plusieurs pages aussi peu pertinentes qu’elles sont mal écrites sur la misogynie d’après Brassart des cinéastes gays. Ozon s’y retrouve en première ligne en compagnie de Chéreau et de Lifshitz, considéré brièvement que sous cet angle. C’est la seule thèse que j’ai découvert dans ce livre et elle me parait totalement erronée…

Après ce triste fond, voyons la forme. Et là, on n’est pas loin de crier au scandale. Le livre se résume, pour les films cités, à une revue de presse des articles parus lors de leur sortie en salle. Peut-être est-il nécessaire de rappeler à monsieur le professeur que l’on n’écrit pas avec de la colle et des ciseaux... Ceci dit, on comprend mieux l’utilisation de ces instruments lorsqu’on lit les rares phrases qui ne sont pas des emprunts. Je ne résiste pas au plaisir de vous donner un exemple : « Cette mutation du monde prostitutionnel est révélatrice de l’évolution des goûts de la clientèle : les manques ressentis par certains hommes n’ayant pas assimilé l’évolution des rapports sociaux de sexe vont entraîner une attitude défensive à l’égard des femmes et une réévaluation des fantasmes masculin. »

S’il y a quelque chose à sauver dans ce livre, c’est le regard novateur que l’auteur porte sur la place de l’homosexuel dans le cinéma populaire. Paradoxalement, Brassart semble plus à l’aise avec ce type de films qu’avec le cinéma d’auteur pour lequel il parait avoir une acrimonie rance et un peu honteuse.

Assez surprenant pour un universitaire, l’ouvrage est émaillé d’erreurs, comme ces « cuirs » : homonyme pour éponyme, comique pour comics (le comique américain Flash Gordon ! Sacré clown va !)… Et des erreurs de détail sur la vie courante : Minute n’a jamais été un quotidien mais un hebdomadaire, Jean-Luc Roméro n’a jamais été député (il le voudrait bien, le pauvre), ou beaucoup plus gênant : la constante confusion entre malade du sida et séropositif. Sans parler d’incongruités comme de traiter pour un film tourné en 1998, Antoine de Caunes… de jeune garçon.

Cet essai brille surtout par la méconnaissance de son auteur du sujet qu’il est sensé traiter. Il est patent que même pour les cinéastes cités, Brassart n’a pas vu l’intégralité de leur filmographie. Il ne semble connaître de Lifshitz que Presque rien et n’avoir pas vu de Ducastel et Martineau Ma vraie vie à Rouen, tout comme il ignore Le Temps qui reste d’Ozon.

À ces manques et erreurs, on peut ajouter une aberration de construction qui relègue le chapitre le plus valable, celui sur l’amitié virile, en fin de volume. Il faut aussi signaler la malhonnêteté de faire figurer dans l’annexe filmographie, des films qui ne sont même pas mentionnés comme Les Amis de Gérard Blain, par exemple. Mais encore plus fort, choisir comme couverture l’affiche de L’Homme de sa vie alors qu’il n’en est pas question une seule fois dans l’ouvrage !

Vous avez compris que je vous conseille d’économiser les 23 € que coûte ce bouquin et de continuer à lire Les Toiles Roses, tout en espérant que bientôt paraisse en français un livre digne de ce nom sur le cinéma gay.



 

Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

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Meurtre d'un gigolo, Mehmet Murat Somer, trad. de Gökmen Yilmaz, Éditions du Masque, 2009, 346 p. – 18 €.

 

Mort d'un gigolo... à Istanbul. Trans turque en détective chic & choc…

Il y a des livres que vous rencontrez par hasard, par ouï-dire... qui vous font penser que vous avez eu ce jour-là un sacré coup de chance. Meurtre d'un gigolo appartient, dans le genre polar, à cette catégorie de titres que vous avez le devoir de conseiller à certains de vos amis. Vous savez immédiatement à qui il va plaire.

Le héros de celui-ci est un transsexuel turc qui est amené à livrer une enquête suite à la mort suspecte d'un conducteur de minibus aux appâts et aux charmes faisant des ravages dans la jet-set stambouliote du début des années 2000. Le narrateur joue avec le style Agatha Christie et envoie enquêter, selon les circonstances, Miss Poirot ou Hercule Marple.

Ce personnage fera plaisir aux fans d'Audrey Hepburn : quand il s'habille en femme, c'est à elle qu'il aime s'identifier et lit dans les regards des hommes une intensité et une chaleur qui la font vibrer et qu'elle sait admirablement faire partager. Le T de LGBT trouve ici un talentueux porte-parole, doublé d'un excellent constructeur d'intrigue policière. La force de Mehmet Murat Somer est de bâtir un récit où la transsexualité du narrateur est un atout premier, dont il sait jouer avec finesse et sans faux-semblants : l'humain qui navigue entre les deux genres est une nature sensible, intelligente et remarquablement organisée. En plus de ses talents de hacker, cette princesse sait, le moment venu, s'offrir des « repos du guerrier » dans les bras de jeunes gens amateurs d'exotisme sexuel.

N'usant jamais de grosses ficelles entre virilité et féminité (1), on se retrouve ici sur une frontière mouvante et fluide, sur laquelle on a plaisir à flâner au rythme donné par Mehmet Murat Somer.

Istanbul est aussi un élément clé de cette énigme. Ceux qui l'ont fréquenté en retrouveront l'ambiance brute d'une mégalopole où Atatürk, le voile des femmes et le chant des muezzins sont les éléments d'une modernité originale, à cheval sur deux cultures et deux continents. Entre les milieux interlopes des bas quartiers et les yali des milliardaires, la boîte de nuit spécialisée dans les spectacles transformistes de l'ami(e) Pompon, le monde des hackers et celui des business(wo)men, on est amené à traverser le Bosphore pour tenter de résoudre cette énigme intercontinentale. Un jeune homme au membre « siffredien » a été assassiné...

La solution ? Donnée dans une confrontation où une trans musulmane joue sa Christie !

 

(1) Comme dans le triste Cherry Darling de Serge Delhay.

 

Plus d’informations :

Fiche biographique et bibliographique de l'auteur.

 

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Meurtres sur le Palatin : Une enquête de Kaeso le prétorien, Christina Rodriguez, Editions du Masque, 2009, 323 p., 13 x 20,5 ‒ 16 €

 

Meurtres sur le Palatin de Christina Rodriguez… Serial killer sans romantisme, mais avec sex-appeal !

Un bon polar dans la Rome impériale, cela vous tente, au moment ou l'on va nous servir d'autres festivités, bien sages, en direct du Vatican ?

Nous sommes sous Tibère. Caligula est un jeune homme proche du héros, Kaeso. Des bordels à filles et à garçons aux riches demeures patriciennes en passant par les « élevages » de gladiateurs, cet enquêteur singulier, accompagné d'un léopard, recherche l'auteur de meurtres sauvagement perpétrés.

Ceux qui ont vu Satyricon pourront s'aider des images de Fellini pour planter le décor. L'intrigue est riche, foisonnante de chair, d'or et de sang. De beautés aussi : féminines et masculines. Et pas de contresens historiques sur les mœurs de l'époque : sans être un lupanar homo, les hommes aimant leurs semblables ont leur place dans le récit. On va même suivre d'assez près un superbe handigay et ses conquêtes !

Un éphèbe qui fait tourner bien des têtes est au centre de tous les regards : est-il partie prenante dans ces meurtres où le prédateur laisse un signe mystérieux, un droit de passage pour franchir le Styx, dans la bouche de ceux qu'il torture ?

Une plongée dépaysante dans un monde qui nourrit beaucoup de nos fantasmes, avec pour guide, une romancière qui sait exciter tous nos sens en menant notre imagination et notre réflexion dans des ruelles tortueuses où l'on vend de la chair humaine pour le plaisir des spectateurs avides de sang, comme pour ceux qui achètent les étreintes dans le satin comme dans la fange.

On ressort tout ébouriffé de ces aventures avec l'envie de caresser Io... ou Apollonius ! Attention : ils n'appartiennent pas à la même espèce...

 

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HOMO-GHETTO : Gays et lesbiennes dans les cités : les clandestins de la République, Franck CHAUMONT, Le cherche-midi : Documents, 2009, 197 p. ‒ 15 €

 

Handicap social dans la France d'aujourd'hui...

Voici un livre dont l'introduction rappellera beaucoup de choses à tous ceux qui, sur Handigay, Les Toiles Roses ou sur des sites plus « généralistes » tentent d'organiser des rendez-vous. Entre les timides, les mythos, les fantasmeurs, les branleurs du clavier et les interlocuteurs sincères et capables d'aller au bout de la démarche, c'est-à-dire la rencontre, il y a des heures de clavardage, des rendez-vous manqués, des lapins et autres impolitesses.

Pour Franck Chaumont, il ne s'agissait pas de faire « un plan » mais de recueillir des témoignages sur le vécu de l'homosexualité dans les banlieues de la République Française à la fin de la première décennie du XXIe siècle.

Il a gardé douze profils de garçons et de filles qui racontent leur quotidien, leur jeu de cache-cache pervers, cruel et avec si peu de repos dans un univers hostile. Il faut lire ces confessions, ces récits incroyables de dureté et d'absence de repères.

Pédé ou gouine : la honte !

Dans une architecture déglinguée où seul l'esprit de bande permet de se donner un semblant d'identité, où tout n'est que rapports de force et de pseudo-esprit de groupe, malheur à la brebis qui s'égarerait dans les voies d'une orientation sexuelle anormale. La norme c'est un homme et une femme, et pas de chabada, même si c'est dans une tournante, c'est comme ça. Les parents l'ont dit, les frères et sœurs confirmé et ils ont l'appui des imams et des textes religieux auxquels on ne connaît rien mais qui racontent bien cette histoire de Loth, Sodome et Gomorrhe vues côté Coran.

Prendre un appartement en collocation ? Tout simplement impossible, tant la « convivialité » et le regard des autres sont invasifs.

Et les autres ? Leur aide n'est pas de toute première qualité. Si aux soirées BBB (Black, Blanc, Beur) il y a bien des Gaulois ayant le goût de l'exotisme, quel intérêt y a-t-il à être d'abord considéré comme objet de fantasmes en fonction de tel ou tel critère physique ou comportemental, ressassé depuis tant d'années ? Ces Devotees de l'Arabe ou du Black bien membré et actif sont humainement aussi passionnants et enrichissants que ceux qui courent après les amputés ou qui veulent à tout prix s'envoyer en l'air avec un handi sur le Küschall R33…

Franck Chaumont se livre ensuite à un bref et efficace état des lieux en analysant le contexte social et culturel de cette situation. « La République à deux vitesses » est le titre de ce constat qui devrait faire avancer les choses en leur donnant une visibilité jusqu'ici jamais atteinte.

 

Plus d’informations :

Interview de l'auteur dans Le Nouvel Observateur du 24 septembre 2009,

Kelma, le site ethnique des beurs de la banlieue parisienne,

Soutien aux gays et lesbiennes des banlieues au sein d'un groupe FaceBook.

 

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Des amants, Daniel ARSAND, Stock, 2008, 174 p., 15 €.

 

Amour naissant et finissant sous le règne de Louis XIII…

Puisque le XVIIe siècle semble être une mine pour écrivains sensibles aux amours masculines du début du XXIe, reconnaissons à chacun une solide personnalité : Gimet et Puzin ont été commentés ici, chez leurs éditeurs spécialisés.

Chez Stock, Daniel Arsand, en 174 pages et cent chapitres, nous entraîne sans artifices ni fioritures, avec une écriture taillée à la serpe, au cœur d'un couple d'hommes au destin fatal.

L'auteur est un alchimiste de la langue, qui sait mettre au service d'un idéal d'amour absolu une plume affûtée sur diverses pierres philosophales et trempée dans une encre aux pouvoirs surnaturels dont Sébastien le paysan a le secret. Son amant, Balthazar de Créon, de noble famille, est prêt à tout affronter pour vivre ce sentiment absolu et évident. Inutile de le comparer à l'amour entre un homme et une femme, nous sommes ici dans une autre dimension, que chacun vit avec ses repères : Sébastien qui jouit du corps des autres garçons et le jeune seigneur à la passion exclusive et dévorante, que les accusations de la cour n'effraient pas.

Sodomie et alchimie : tels seront bien sûr les chefs d'accusation de la « justice » de Louis XIII contre ces bardaches sorciers.

Il y a dans ce roman qui se lit d'un trait beaucoup plus que ce qui est annoncé dans le commentaire de la quatrième de couverture :

« Des amantsest un magnifique chant d'amour et d'humanité. À travers l'histoire incandescente de Balthazar et Sébastien, il dénonce l'intolérance de la société d'hier et d'aujourd'hui. »

Amour éclatant, passion, injustice, mort, deuil, amours discrètes et dissimulations fatales, Daniel Arsand éclaire avec force et lucidité quelques belles âmes et dénonce avec une discrète lucidité l'implacabilité de la bêtise et la cruauté qui leur font face.

Une écriture minimaliste, « janséniste » qui transporte avec douceur mais sans ménagements sur des territoires d'un intérêt intemporel.


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.



TO BE CONTINUED…

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