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LA BIBLIOTHEQUE ROSE


 

Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

en collaboration avec  homo6  

 

Il est des lectures dont on ne sort pas indemne, des livres qui vous emportent vers des rivages inconnus, des pages où vous avez envie de replonger plusieurs fois de suite pour en saisir toutes les nuances. Le livre d'Eric B. fut pour moi une grande expérience. Le commenter ne fut pas très compliqué, il fallait juste prendre un peu de distance, ne pas trop s'identifier à un gars qui a, comme moi, une incapacité physique.

Une interview ? Oui, mais j'ai un peu la trouille. Ce mec fréquente la jet-set de Hollywood et tu vas lui poser des questions pour deux « modestes » sites : Les Toiles Roses, et Handigay.com destiné aux handicapé(e)s LGBT ?

Je me lance. Le téléphone sonne. Dialogue Chamonix-Antibes.

Et je tombe sous le charme. Il est simple, direct et sans tabous. Nous faisons de l'humour gay, mais aussi de l'humour d'invalides. Les questions et les réponses s'enchaînent naturellement, avec fluidité. Aux éclats de rires viennent se mêler des moments où nous avouons la larme qui coule entre nos paupières. Il y a des confidences qui resteront « off », il y a un vrai échange et le projet d'une rencontre cet été du côté d'Avignon, dans le genre « l'aveugle et le paralytique ».

En attendant, faites connaissance avec Eric et, comme son bouquin est bien mis en avant dans les rayons des librairies actuellement, vous risquez comme je le fus, d'être happé par cet œil bleu…


Au-dela-de-ma-nuit.jpg

 

Eric Brun-Sanglard, Lauren Malka, Au-delà de ma nuit : Témoignage d'un designer aveugle, Presses de la Renaissance, 2010, 267 p., 18,90 €

 

Un phénix nyctalope gay témoigne. Tel l'oiseau qui renaît de ses cendres, tel un chat capable de se mouvoir dans la plus totale obscurité, Eric Brun-Sanglard raconte le début de son existence. Combien de vies dans celles de ce quadra chamoniard qui a su se hisser jusqu'aux milieux de la jet-set hollywoodienne dans un parcours semé d'obstacles insurmontables au commun des mortels?

La couverture du livre est une évocation de la trame du récit : sous le nom de l'auteur, des caractères en braille, sur un fond noir qui couvre plus de la moitié de la partie droite. À gauche, le beau visage d'un garçon qui a posé son menton sur ses doigts entrecroisés. De cette tête on ne distingue que le côté droit : un œil bleu fixe le sommet de cimes invisibles et la bouche est entrouverte. On sent bien que c'est à l'intérieur de lui-même que cet homme aveugle cherche ses souvenirs, ses réflexions dont il va nous faire la confidence.

En bas à droite le nom de l'éditeur est aussi un symbole : les Presses de la Renaissance. Combien de renaissances a connu Eric Brun-Sanglard ?

Il faut se plonger dans son incroyable autobiographie pour prendre conscience des remous, des drames qu'il a traversés. Le petit interne du lycée privé catholique a d'abord été victime d'un prêtre pédophile. Son coming out jette ensuite un froid dans cette famille de commerçants aisés de Chamonix. Son bac ? Il va le préparer à Boston avec son amour anglophone et se retrouvera à vingt ans dans la jet-set de Hollywood. Touché par le sida, il perd la vue et manque de perdre la vie dix ans plus tard. Avec une lucidité sans faille, sauf dans le domaine sentimental, avec une volonté de survivre qui dépasse la compréhension de ceux pour qui une grippe ou une jambe cassée sont des catastrophes, Eric raconte ses résurrections sans cacher ses échecs et ses doutes. Devenu Le Designer Aveugle caprice des milliardaires, il est maintenant rentré en France où il fait la pause qui lui permet de faire partager son expérience à ceux qui doutent encore de l'énergie vitale dont est capable un simple être humain.

Sans jamais se donner en exemple, avec une réelle modestie, sans aucune intention de donner la moindre leçon que ce soit, Eric Brun-Sanglard offre au lecteur le formidable cadeau d'une incroyable existence marquée par la force de l'amour et la volonté de croire au lendemain. Sa sincérité et sa simplicité, même au milieu des paillettes et de la superficialité hollywoodiennes, font de son livre un bijou de pureté et d'espérance pour lequel on a envie de lui crier : « Bravo, merci et continue longtemps, Eric ».

 

Pour en savoir plus :

Article et interview d'Eric Brun Sanglard :

http://www.handicapepasbete.com/spip.php?article121

Le site du designer aveugle : http://theblinddesigner.com/

Eric B. dans Télé-Matin du 1er mai 2010 :

http://telematin.france2.fr/?page=chronique&id_article=16148

La « bande-son » du livre : http://www.youtube.com/watch?v=yVB1lfpY4Os

Le dernier « bébé » d'Eric B, une compagnie de coaching à laquelle nous souhaitons la plus brillante réussite :

www.ericbcd.com [Eric B Consulting & Development]

 

Eric-1.JPGEric sur sa chaise de bureau sur la plage de Malibu pour illustrer son site internet : www.theheblinddesigner.com.


INTERVIEW D’ERIC BRUN-SANGLARD

par  Gérard Coudougnan

 

Les Toiles Roses : Bonjour Eric, et merci de venir bavarder avec nous sur Les Toiles Roses et Handigay. Toi qui n'aimes pas les classifications qui enferment les gens dans des boîtes hermétiques, toi qui refuses l'étiquette « handicapé », j'espère que tu ne te sentiras pas trop à l'étroit avec nous !

Dans ton livre, tu racontes l'incroyable histoire de ta vie. Toi qui résides aux États-Unis depuis plus de vingt ans, quelles sont tes impressions sur la France où tu séjournes un peu plus longuement pour le lancement de ton livre ?

Eric Brun-Sanglard : Je suis en ce moment à Chamonix où il fait un temps radieux. Je profite de l'affection de mes parents : je savoure le plaisir de moments partagés avec une famille que j'ai enfin redécouverte. Le livre démarre très bien ; je suis très content. J'ai beaucoup de projets et il faut d'abord que je définisse mes priorités ! Ce retour en France est l'occasion de vivre le second livre pour un jour l'écrire !

Je suis revenu en France avec quelqu'un avec qui j'étais à ce moment-là. Nous nous sommes beaucoup promenés. J'ai surtout apprécié toute la culture, tout l'héritage de la France, l'architecture, la gastronomie, j'ai vraiment trouvé toute cette diversité très agréable : c'est quelque chose qui me manquait plutôt aux États-Unis.

J'ai loué un appartement à Paris dans le quartier Montorgueil et je m'y sens vraiment très bien. C'est une rue piétonne, j'y descends comme si c'était un petit village. Je connais tout le monde et tout le monde me dit bonjour quand je vais faire mes courses, quand je vais à la gym. Je trouve ça assez génial, j'aime beaucoup ce côté-là de ma nouvelle vie.

Du côté social en revanche, je trouve que les gens jouent un peu les déclassés, qu'ils sont pessimistes et voient avant tout le mauvais côté des choses, ce qui n'est pas du tout mon genre. Je réagis tout de suite en mettant en avant le côté positif : s'il pleut, je dis « La pluie arrose les jardins et nettoie ».

Pour ce qui est de la communauté gay, disons que je n'ai pas approfondi le sujet. Pour l'instant cela me semble très superficiel. Je suis quand même un peu sorti et les mecs que j'ai rencontrés un peu partout, homos ou hétéros, sont beaucoup plus ouverts, moins cloisonnés dans une case, que les Américains. Quand je suis allé dans des endroits un peu plus branchés comme dans le Marais, je n'ai pas vraiment accroché : j'ai trouvé l'ambiance générale un peu trop précieuse, trop dandy pour moi. Tout tourne trop autour de la sexualité : on est gay, OK mais on est aussi tellement d'autres choses !


Eric-w-dogs.JPGEric avec ses deux chiens : Niko et Fletch, ses chiens guides, devant sa maison qu'il réserve à ses amis quand ils viennent le voir à Los Angeles.

 

As-tu déjà eu des retours intéressants de lecteurs ?

Oh oui, j'ai eu des retours sublimes, sublimes, sublimes !!!!! De très beaux e-mails, des gens qui m'ont arrêté dans la rue. J'ai fait des signatures au Salon du Livre et ce qui est génial, c'est qu'il touche des générations différentes, des hommes et des femmes de tous âges, de tous milieux. Je note au passage que je n'ai pas un retour significatif de la communauté gay. Beaucoup de gens me remercient, trouvent mon témoignage superbe. Quand je suis passé dans l'émission « Salut les Terriens », Thierry Ardisson m'a dit qu'il avait adoré le livre et nous nous sommes découvert des points communs tout à fait incroyables dans notre jeunesse à Chamonix et notre scolarité au pensionnat Saint Michel à Annecy...


LIVING-ROOM.JPGLa maison actuelle d'Eric à Los Angeles.

 

Dans ton livre, tu évoques les traitements que tu as pu suivre contre le HIV sans en évoquer leur coût financier : est-ce par pudeur ou parce que ces soins sont à la portée de la majorité des patients ?

En fait, au début, j'avais un docteur absolument génial, le Dr Scolaro, qui me trouvait des trucs incroyables, pas encore vraiment autorisés et qu'il ne me faisait même pas payer. Il a eu d'ailleurs de gros problèmes et a perdu sa licence à cause de cet esprit d'avant-garde altruiste.

Puis sont apparus les premiers médicaments de trithérapies et on a vu un incroyable courant de solidarité entre les médecins et les pharmaciens militants : les patients qui avaient de bonnes assurances se faisaient prescrire et délivrer plus de médicaments de façon à pouvoir en donner à ceux qui étaient peu ou mal assurés. On était à la limite de la légalité mais c'était dans un esprit de solidarité et d'entraide, de lutte pour la vie, qui faisait oublier le reste.


Chalet-.jpgLa maison des parents d'Eric à Chamonix où il a grandi et d'où il a fait cette interview téléphonique pour Les Toiles Roses et Handigay.com.

 

Même si tu refuses d’être catalogué, tu te qualifies comme gay : as-tu ressenti une solidarité, un soutien particulier de la part d'autres gays ou cette orientation est-elle un simple détail sans importance dans les milieux où tu évolues ?

Je n'ai jamais vraiment évolué dans le milieu gay. Je n'aime pas les ghettos et ma sexualité n'est qu'un élément de ma personnalité, tout comme quand je suis en France, je ne me revendique pas en priorité comme Français, c'est beaucoup plus complexe et beaucoup plus riche. Je n'ai jamais eu de problèmes d'identité : je parle de ma vie, de mon copain avec naturel et sincérité, c'est tout. Je n'essaie ni de choquer ni de me cacher : que ce soit avec un chauffeur de taxi ou un client, je suis naturel sur tout. J'ai beaucoup d'amis hétéros, gays, et c'est marrant, en France c'est parmi les lesbiennes que j'ai le plus d'amies. 

Je n'ai jamais recherché la solidarité d'un groupe de personnes : lorsque je suis parti aux États-Unis à 18 ans, je n'ai pas cherché la solidarité des Français, ni celle des gays, ce sont les êtres humains qui m'attirent, quels que soient leur âge, leur religion, leur race, leur sexualité. C'est la qualité de la personne qui m'intéresse.

 

Quel est ton sentiment au moment où tant de scandales de pédophilie apparaissent dans l'Eglise catholique, toi qui a été la victime d'un prêtre pédophile ?

J'ai ma propre idée qui m'a beaucoup aidé à dépasser tout ça. D'abord je ne pense pas qu'il s'agisse de véritable pédophilie. Pour moi les prêtres sont des gens qui ont arrêté de grandir dans leur sexualité à un très jeune âge, quand ils ont décidé d'entrer au séminaire, surtout que dans ces générations-là, ils avaient 12, 13 ou 14 ans. Donc à cet âge-là leur sexualité s'est arrêtée et dans leur tête, pour eux aujourd'hui, ils ont toujours cet âge-là et donc recherchent des rapports avec des personnes qui ont le même âge qu'eux dans leur tête : c'est pour cela que je ne les considère pas comme de vrais pédophiles. J'en veux plus à l'Eglise, en tant qu'institution, qu'aux personnes. Le système est archaïque et pousse à ce genre d'abus. En résumé, l'Eglise catholique a le devoir de laisser les prêtres avoir une vie sexuelle, sinon cela va continuer. On ne peut priver un être humain de sa sexualité, cela fait partie intégrante de la vie, de l'évolution de la personne…


Chalet-front.jpg

Voir légende ci-dessus.

 

Ton histoire d'amour avec Ian est, en tous points, exceptionnelle. Sans en dévoiler les détails, elle fera, dans ses aspects positifs rêver plus d'un célibataire... puis se révolter tous tes lecteurs. De cette communion qui t'a sauvé la vie, de cet homme qui t'a autorisé à évoquer ses pires aspects et à publier sa photo, tires-tu encore des leçons lorsque tu fais une nouvelle rencontre sentimentale ?

Complètement. Ian c'était… c'est l'amour de ma vie. Il est d'ailleurs de retour dans ma vie aujourd'hui. Nous sommes souvent en relation au moment où il sort d'un centre de soins. Nous parlons très souvent et c'est quelqu'un que j'adore et que j'aimerai toujours d'une manière incroyable. Je ne veux pas dire que je voudrais retourner vivre avec lui mais que c'est un être merveilleux qui place la barre très haut dans mes relations sentimentales aujourd'hui. J'ai beaucoup de mal à être satisfait après ce que j'ai vécu avec Ian. Je sais qu'il est vain de comparer mais quand tu as connu le vrai amour, quand quelqu'un te prend dans ses bras quand il sait que tu es en train de mourir, qui ne m'a jamais laissé dormir une nuit seul dans un hôpital... tu vois, ces moments horribles, les plus durs de ma vie, ont été grâce à lui… merveilleux. Je peux dire que je sais au moins une chose : avoir été aimé !

 

Tu étais venu en France pour une émission de télévision qui n'a pas été lancée : as-tu la possibilité et le souhait de nous en dire plus à ce sujet ?

Je suis arrivé à Paris, la grosse maison de production Endemol m'a proposé un contrat d'un an et demi où ils m'achetaient, ils me contrôlaient et moi j'ai refusé le marché. Je ne veux donner mon contrôle à personne. Ils voulaient refaire l'émission que j'avais déjà tournée aux États-Unis parce qu'elle avait très bien marché et je n'aime pas refaire deux fois la même chose, donc j'ai refusé. Je veux évoluer, mettre la barre plus haut et je refuse que l'on contrôle ma vie.

Je suis allé voir mon amie Sarah Lelouch, la fille de Claude Lelouch, et je fais des projets avec elle ; avec Cendrine Dominguez également, avec des gens qui sont plus motivés par la production de programmes intéressants plutôt que de gagner du fric avec des trucs déjà vus. Ce qui me passionne là-dedans c'est d'évoluer, pas de faire de l'argent ou de devenir une star.


Crescent-Front-Ext-After.JPGLa maison actuelle d'Eric à Los Angeles.

 

Combien de temps comptes-tu rester en France et quels sont tes projets immédiats ?

Je voudrais faire évoluer les mentalités sur le sida. Il y a tellement de choses que les gens ne savent pas, ne comprennent pas, qu'on leur cache. Je suis en contact avec Michel Cymes pour faire une émission là-dessus. Je lui disais l'autre jour : « Il y a trop de tabous autour du sida  : dans un dîner  mondain tu peux entendre des gens parler de leur cancer ou de leur chimio, tu n'entendras jamais personne parler de son sida ou de sa trithérapie et c'est stupide ». J'aimerais que les gens puissent parler aussi librement d'un sida que d'un cancer ou d'une sclérose en plaques. Par exemple, je n'ai plus de charge virale détectable et je suis plus safe qu'un séronégatif ; si je dis à mon partenaire ce que j'ai eu, il va flipper. Donc je voudrais expliquer ce que signifie être séropositif, les risques que cela a pu représenter, ceux que cela ne présente plus, des choses dont on parle trop peu et pas assez précisément. Si j'ai pu recevoir une greffe du rein, c'est bien que le virus du sida est inactif depuis des années. En comparaison avec les États-Unis, je trouve que les gays français ont des lacunes énormes. C'est très dur quand un mec me demande s'il risque d'attraper le sida en m'embrassant...

Je veux donc informer de façon très décontractée, faire passer un maximum d'informations avec de l'humour, sans jouer au prof de médecine ni à Monsieur Jesaistout.

L'un des mes autres projets serait de faire un truc à la Michael Moore contre les laboratoires pharmaceutiques qui bloquent certaines recherches pour continuer à s'enrichir avec les médicaments antirétroviraux. Une compagnie a trouvé un modèle de vaccin contre le sida qu'elle a testé avec de bons résultats en Thaïlande et elle a été rachetée par une société américaine qui a bloqué cette recherche pour que ce vaccin-là ne progresse pas. À un degré différent, quand je travaillais dans la pub, nous avions trouvé un produit absolument génial pour le parfum et nous avons été rachetés par une plus grosse société qui a tout bloqué pour pouvoir continuer avec leur système moins performant mais plus lucratif pour eux. Dans le cas des traitements du sida, ce sont des milliards de dollars qu'un vaccin mettrait en danger...

C'est peut-être un combat vain, sûrement inégal, mais si personne ne le tente on n'aura jamais de vaccin parce que le statu quo enrichit trop de monde. C'est une énorme bête noire à laquelle j'aimerais m'attaquer !!!

En faisant du design alors que j'étais aveugle, j'ai voulu prouver que tout est possible et je ne vais pas m'arrêter là. C'est la peur, les préjugés, c'est nous-même qui nous limitons dans la vie alors que si l'on écarte la peur, si l'on se lance, ça marche ou ça ne marche pas mais au moins on aura essayé.

J'aime la vie : quand on t'a dit à 22 ans que tu allais crever, tu vois la vie différemment, tu prends chaque jour comme si c'était le dernier, donc tu ne vas pas passer le dernier jour de ta vie à te morfondre !

L'inconvénient est que lorsque je rencontre un mec, il a peur de ce que j'ai fait avant et fait un complexe d'infériorité. Il faut donc que j'explique que c'est le présent et le futur d'une relation avec lui qui m'intéresse, pas le passé... et je voudrais que l'on me juge pour ce que je suis et non pas par ce que j'ai fait. C'est la raison pour laquelle je me présente souvent comme « Eric B » sans donner mon nom de famille, sinon les gens filent sur Google et me voient différemment et je peux dire que cela devient un vrai handicap !!!


Devlin-Living-rm.jpg

Devlin-Front-Door.jpgLa maison que j'avais créée pour moi après ma rupture avec Ian et où habite aujourd'hui Penelope Cruz.

 

Au nom des lectrices et lecteurs de Les Toiles Roses et de Handigay.com, en mon nom et en celui de mon rédac'chef vénéré Daniel : mille mercis, Eric.

 

 

Toutes les photos reproduites ici sont © Eric B. et publiées avec son autorisation.

Les légendes des photos ont été rédigées par Eric.

Un grand merci à Kelly Murphy, l’assistante d’Eric, pour nous les avoir envoyées depuis les USA.

Tous droits réservés.

image003.jpg


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…


 

Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

en collaboration avec  homo6 &

univers-l.png 

camellia.jpg

 

Camellia rose, Cy Jung, Éditions Gaies et Lesbiennes, 2009,

127 p. 12,5 x 19 cm ‒ 5 €

 

Drôles de dames ... au camellia (ou Drôles de dames sans Farrah Fawcett qui nous manque tellement).

Marcelline Berthold, avec un h et un d, organise son pot de retraite. Cette institutrice a des projets de voyages et de loisirs divers avec la femme de sa vie, Laure Boitillart, avec un t... On entre dans une histoire qui prend immédiatement un tour très érotique avant de suivre nos deux héroïnes sur les pistes marocaines où tout va basculer cruellement, des roses des sables aux camellias roses. La collection s'intitule « Le bonheur est à tout le monde » et ce bonheur-là, nous sommes nombreux sur le site Handigay.com à en connaître le prix, les enjeux, les obstacles. Marcelline poursuit ses aventures dans un centre de rééducation de la MHHR (Mutuelle Historique des Hussards de la République : ça M'GENe pas de reconnaître une autre mutuelle !) où chagrin, désespoir, humour et esprit de combativité vont devoir mener un combat mis en musique par un merle mystérieux.

Cy Jung n'est pas une étrangère au monde du handicap : lauréate du prix d'honneur du roman lesbien 2008 pour l'ensemble de son œuvre, cette jeune non-voyante porte ici un regard vif et sans concessions sur le monde du handicap moteur. Avec des moments plus que sensuels et d'autres sans pitié, elle dissèque au scalpel les relations humaines dans des univers trop cloisonnés : l''école, l'hôpital, le CRF. Son style si personnel cisèle un univers familier que ce livre permet d'exposer à ceux qui ne l'ont pas vécu.

Un beau récit d'espoir et de lucidité sans aucun tabou ni prosélytisme, un miroir au tain frais de nos vies rapporté avec humour et tendresse... à s'offrir et/ou à apporter (moins cher qu'un paquet de cigarettes !!!) à nos copines de rééducation. À savourer sur la plage, entre deux séances de balnéothérapie ou.... à l'heure de la sieste crapuleuse !

 

En savoir plus :

Le site de l'auteur

Le site de l'éditeur

Cy Jung et le handicap visuel

Cy Jung lauréate du prix Louis Braille « Dire le non visuel »

Extrait de la nouvelle.


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INTERVIEW DE CY JUNG

par Gérard Coudougnan

 

Cy Jung a pris l'initiative d'un contact avec HANDIGAY. Nous avons lu et commenté avec un immense plaisir son dernier roman Camellia rose, qui nous a donné envie d'aller plus loin avec cette auteure. Notre dialogue fut un moment riche en échanges que nous offrons aujourd'hui aux lecteurs de Handigay.com et Les Toiles Roses.

 

Les Toiles Roses : Les mondes des différents handicaps sont assez cloisonnés : en voyant que tu avais remporté un prix « Louis Braille », j'en ai bêtement conclu que tu étais non-voyante alors que tu es amblyope. Ta description de l'univers du handicap moteur est à la fois fine et sensible : comment as-tu effectué ton travail de documentation ?

Cy Jung : Les amblyopes et les malvoyants ont souvent ceci de particulier que leur handicap n'est pas visible aux autres. C'est particulièrement le cas des albinos, dont je suis, tant la spécificité de notre déficience visuelle (inférieure à 1/10 en général avec d'autres troubles associés) nous permet d'être très autonomes, surtout si l'on nous en a donné les moyens dès notre plus jeune âge. J'ai ainsi échappé aux écoles pour aveugles et amblyopes, où j'aurais certainement appris le braille alors que je n'en ai nul besoin.

Mais cette invisibilité de ma déficience visuelle ne m'extrait pas du handicap car mon autonomie n'est pas un donné, mais un construit de chaque instant. Je connais donc le prix et la valeur du dépassement de soi, cette sorte de volonté si particulière de celles et ceux qui savent que leur humanité ne peut s'absoudre de l'invalidité, qu'elle s'y confond et qu'elle peut se transformer en force qui peut aller jusqu'à un étrange sentiment de toute-puissance là où les valides ne verraient qu'infirmité et faiblesse.

Dans ce contexte, si le monde du handicap est institutionnellement cloisonné, je crois qu'il existe une identité entre les personnes handicapées. Je l'ai découvert en résidence universitaire, quand j'avais 18 ans. C'était la première fois que je rencontrais des personnes en fauteuil. Et j'ai senti que nous avions quelque chose en commun, un certain regard posé sur les valides, à coup sûr, mais au-delà, un rapport au corps, un certain type de volonté, une bonne quantité de peurs et de colère aussi, tant de choses qui font que notre rapport au monde est différent.

C'est, je crois, ce qui peut nous unir autour de Camellia rose pour lequel je n'ai pas senti le besoin de me documenter. J'ai eu quelques occasions de rendre visite à des amis ou de la famille dans des maisons médicalisées et des centres de rééducation. Si l'on ajoute à cela que mon univers comprend des personnes handicapées physiques, d'autres malades ou âgées, le handicap moteur m'est familier.

 

Il m'arrive de bondir quand je lis sous la plume de handicapés, que le fait d'être homosexuel(le) leur confère un « double handicap » : comment réagis-tu à ce genre de propos ? Peux-tu parler de cette identité à plusieurs facettes ?

J'ai mis longtemps à l'admettre (il m'a fallu écrire un livre pour cela) mais le handicap est un caractère de mon identité, au même titre que femme, fille de…, protestante, ou… homosexuelle. Je suis née amblyope ; j'ai donc eu tout le loisir de m'habituer à la chose et surtout, je n'ai pas connu d'autre condition visuelle. Quand j'ai pris conscience de mon homosexualité, j'avais 28 ans… Elle est venue sans souci et sans débat intérieur s'ajouter aux autres éléments constitutifs de mon identité. Mon homosexualité n'a ainsi jamais été un handicap, au moins dans la perception que j'en ai, et, quand j'ai enfin admis que ma déficience visuelle pouvait en être un, ce fut pour aussitôt transformer le handicap en une chance.

Mais cela n'enlève rien au fait que ce n'est pas facile d'être homosexuel, pas plus que cela ne l'est d'être handicapé, même si l'on est fier et que l'on a la niaque ! Un des soucis majeurs, il me semble, est que les valides n'imaginent pas que les personnes handicapées, notamment celles en fauteuil, puissent avoir une sexualité. Alors, une homosexualité… !

 

As-tu dans ta culture cinématographique des films qui te sont particulièrement chers et importants dans la construction de ton identité ?

De mon identité d'amblyope, aucun. De mon identité homosexuelle… Go Fish (1)

 

Même question côté littérature.

Même réponse, en remplaçant Go Fish par… Aucun livre en particulier. J'ai eu ma période de lecture frénétique de livres à contenu LGBT, toutes époques confondues. C'est leur somme qui fait ma culture homosexuelle avec juste un essai phare (Fahr !) : Le Désir homosexuel (2) de Guy Hocquenghem. Cela me fait penser que j'avais été fascinée par L'Amour en relief (3).Il y a donc bien un livre qui a marqué mon identité d'amblyope. Cela me fait plaisir de l'avoir retrouvé.

 

Merci d'avoir pris l'initiative de ce contact avec Handigay : as-tu des remarques ou des suggestions à nous faire pour rendre notre travail plus utile et plus intéressant ? Notre système d'agrandissement des caractères est-il utile ?

Les malvoyants et les aveugles disposent aujourd'hui d'outils très performants pour lire à partir d'un ordinateur. Des règles existent pour l'accessibilité des sites ; j'avoue ne pas les connaître et ne pas les avoir pas respectées sur le mien, considérant qu'il comporte essentiellement du texte, ce qui demeure le plus facile à lire.

Handigay.com m'a l'air par contre de les respecter. Cette fonction est rare, je ne la cherche donc pas et utilise d'emblée mes propres outils. Mais je viens de le tester, il est bien ! Merci.

Quant aux activités de Handigay, je les crois absolument essentielles. Si les personnes handicapées doivent toujours faire l'effort d'aller à la rencontre des valides, il est de fait important d'avoir des endroits où l'on se sent bien, chez soi, où l'on n'a pas besoin de justifier de ceci ou cela. Tout ce qui rendra par ailleurs le handicap visible ne peut qu'améliorer notre situation à tous. Alors bravo à celles et ceux qui y contribuent ; vous avez tout mon soutien.

 

Nous sommes sensibles à tes encouragements ! Souhaites-tu nous parler de tes projets actuels ?

Je vais continuer ma série des roses : je crois important de proposer une littérature sentimentale à totale implication homosexuelle. En parallèle, je travaille à d'autres textes et à l'enrichissement de mon site.

 

Merci de ta disponibilité et permets nous d'offrir à nos lecteurs une visite guidée de ce site !

 

Biographie wikipedia,

Interview vidéo de Cy Jung sur Gaypodcast.

 

(1) Go Fish

(2) Une nouvelle édition de ce classique de la littérature gay paru en 1972 est disponible : Guy Hocqenghem et René Sherer (préface), Le Désir homosexuel, Fayard, 2000, 180 p.

(3) Guy Hocquenghem, L'Amour en relief, Albin Michel, 1982, 280 p. (édition de poche au Livre de Poche, 1992, 371 p.).


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BONUS :

INTERVIEW DE CY JUNG

par Isabelle B. Price, rédactrice en chef de  Univers-L.

 

Vous êtes licenciée en Droit public et titulaire d'un diplôme de 3e cycle de L’institut d'Études politiques de Paris. Comment en êtes-vous arrivée à écrire votre premier roman Once Upon A Poulette ?

Once Upon A Poulette n’est pas mon premier roman. Avant lui, j’avais écrit L’homme à la crotte gelée, un texte tout à fait impubliable et qui n’est d’ailleurs pas publié. Après ce premier roman où l’écriture prenait le pas sur le récit, j’ai eu envie d’écrire une histoire d’amour entre filles, parce qu’à l’époque, il n’y en avait pas beaucoup de disponible.

 

Aujourd’hui vivez-vous de vos écrits ?

En dix ans, j’ai publié dix livres et cinq nouvelles qui m’ont été payés 12 000 euros bruts (pour vingt-cinq mille volumes vendus, tous titres confondus) ; je vous laisse faire le compte.

Selon les livres, je suis payée entre 2 % et 10 % du prix hors taxe du livre. Le « tarif syndical » est de 10 % mais, comme beaucoup d’auteurs, j’ai péché par crainte de ne pas être publiée lors de mes premières publications et ai signé des contrats fort peu respectueux du travail de l’auteur. Aujourd’hui, je suis payée normalement et invite les jeunes auteurs à ne pas faire la même erreur que moi.


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Comment vous organisez-vous pour écrire ? Vous avez des horaires réglés ou vous préférez suivre le cours de vos pensées ?

J’écris tous les matins (sauf le dimanche) de 9 heures à 13 ou 14 heures. Je m’assois à mon bureau. J’ai un programme précis et je le respecte. Si je travaille de nouveau l’après-midi, c’est pour m’occuper de la promotion, de la recherche de documents ou d’information, de mon site, etc.

 

Vos romans se déroulent tous en France et à Paris ou en Provence. Jamais eu envie de créer des héroïnes vivant dans d’autres pays ?

J’ai peu voyagé. Je ne connais donc bien que Paris et j’aime que mes récits soient plausibles en temps et en lieu. Je tiens également beaucoup à leur ancrage culturel ; j’aime les clins d’œil à l’histoire, à la politique, à l’actualité. J’aurais vraiment l’impression de me fourvoyer si je devais situer un récit ailleurs que dans mon univers culturel et géographique.

 

En 1998, votre premier roman Once Upon A Poulette était également la première publication des Éditions KTM. Quel était votre objectif à l’époque ? Poursuivez-vous toujours le même ?

Avec ce roman, je souhaitais proposer une belle histoire d’amour entre filles avec un peu de sexe dedans. Je suis toujours dans cette logique, notamment avec ma série des « roses » (Carton Rose, Bulletin Rose et Diadème Rose) même si avec Cul Nu, Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train, et Un roman d’amour, enfin, mon travail se veut aussi axé sur la recherche en écriture.


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En dix ans trouvez-vous que les choses ont évolué en matière de littérature lesbienne en France ?

Je lis peu. Ce que je note essentiellement c’est que l’offre de récits a prodigieusement augmenté grâce au travail des maisons d’édition LGBT. J’en suis ravie. Les lesbiennes ont besoin de se faire une bibliothèque riche d’auteures très diverses.

 

Vous avez été la première véritable auteure à parler du désir et de la passion au féminin. En quoi était-ce important pour vous d’aborder ces sujets ?

L’oppression des femmes se traduit toujours par la servitude sexuelle et je note que leur « libération » se fait par la reconnaissance de la libre disposition de leur corps (contraception, avortement, pénalisation du viol notamment conjugal, etc.).

Être lesbienne, dans ce contexte, peut être considéré comme le stade ultime de la libre disposition de son corps et de l’autonomie sexuelle. Pourtant, les lesbiennes ont tendance à « camoufler » leur sexualité, s’accordant de l’image d’Épinal qui la réduit à quelques caresses et autres frottements de Tribades. C’est parce que cette image les protège. En se retirant de la « réalité sexuelle », elles espèrent être préservées de la violence des hommes qui sont ‒ en tant que genre ‒ toujours très rétifs à l’autonomie sexuelle des femmes.

Tout en ayant conscience de cela, je crois qu’à l’instar des femmes, les lesbiennes ne seront véritablement acceptées et respectées que par la revendication de cette autonomie sexuelle qui passe par la visibilité de leur sexualité. Voilà en tout cas le sens de mon engagement.

 

Dans votre roman, Un roman d’amour, enfin, il est beaucoup plus question d’amour, de réflexion et de tout ce que cela implique que de désir. Vous êtes passée à l’étape suivante. Ce livre marque-t-il un tournant dans votre manière d’écrire ?

Une étape, sans doute ; un tournant, l’avenir le dira. Je n’ai pas l’intention d’écrire toujours le même livre, même dans ma série des « roses » que je continue tout en préparant déjà un roman en écho à ce Roman d’Amour et à Mathilde, qui l’a précédé (et préparé).


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Vous donnez le sentiment de vous écarter des conventions, je pense notamment aux scènes d’amour que vous décrivez dans vos premiers romans, à Cul Nu et à la manière dont vous parlez du couple dans Un roman d’amour, enfin. Est-ce une manière de vous engager pour la différence ?

Je suis albinos et lesbienne ; il me semblerait fondamentalement incongru de vouloir être « comme tout le monde » ; ce serait à coup sûr source d’une véritable souffrance. Je ne cultive donc pas ma différence ; elle est mon identité, simplement, et je défends mon identité.

 

Pour votre dernier livre, était-ce difficile d’écrire un roman basé sur la réflexion où les questions se bousculent plutôt que d’imaginer des scènes d’amour diverses et variées ?

Les deux se valent. Ce n’est pas le même travail. Je revendique le fait qu’écrire est un métier : je dois donc être capable d’écrire tous les genres, tous les formats, tous les sujets. En dehors de ce que je publie, j’écris régulièrement des textes que je ne signe pas dans le cadre de mes activités associatives et militantes. À cette occasion, j’épouse le style de l’auteur présumé du texte. Écrire est une technique, ni plus, ni moins. La maîtriser implique que l’on sorte l’écriture du mythe du génie créateur. Je sais que je vais en choquer plus d’une ; tant pis, je milite aussi pour la désacralisation de l’écriture.

 

D’où est venue l’idée de changer ainsi constamment le prénom de l’être aimée dans Un roman d’amour, enfin ?

Dans Mathilde, je l’ai rencontrée dans en train, le prénom était unique pour des personnages multiples. Mon travail sur l’écriture m’a menée à vouloir tenter l’expérience de l’inverse. Cela a fonctionné et n’a en fait rien contrarié du récit. J’en suis encore un peu surprise, mais ravie.

 

Aujourd’hui vous êtes une auteure très visible et abordable, est-ce une manière pour vous de vous impliquer encore plus dans la visibilité homosexuelle ?

J’ai toujours souhaité être visible et abordable. Je ne conçois pas de vivre sans un engagement permanent. Le métier d’écrire va bien à cette volonté.


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Votre premier roman est sorti en 1998, aujourd’hui, 10 ans après, jugez-vous que le monde a beaucoup évolué en matière de visibilité et de représentation lesbienne que ce soit à la télévision, au cinéma, dans la littérature ?

La visibilité a beaucoup augmenté, en quantité. Cette « multiplication de l’offre » permet de multiplier les représentations donc de permettre à chacun de trouver plus facilement ce qu’elle cherche comme manière de se représenter, donc de vivre, sa propre homosexualité.

Je ne peux que me réjouir de tout cela parce qu’en fin de compte, le but est que chacune soit heureuse.

 

Des sujets que vous n’avez pas abordés et que vous rêvez de traiter dans un prochain livre ?

Il y en a des tonnes ! Pour l’instant, je travaille sur la vieillesse, la mort et le deuil au sens large du terme. Mais rassurez-vous, ce n’est pas forcément triste.

 

Vos parents et votre famille sont fiers que vous soyez écrivaine ? Comment ont-ils réagi à la sortie de votre premier livre ? Et de Tu vois ce que je veux dire. Vivre avec un handicap visuel qui touche un tout autre registre puisqu’il parle de votre albinisme ?

Oui, ma famille est fière et, depuis dix ans, elle a soutenu tous mes projets, tous mes écrits. Il en est de même de mon entourage. Mais je crois qu’elle serait aussi fière de moi si j’avais choisi n’importe quel autre métier. Ce qui l’importe avant tout, c’est que je réalise mes projets et construise ma vie en tendant vers le bonheur. Je m’y emploie tous les jours. Le moyen est secondaire.

 

Dernière question. Quels sont vos auteurs favoris ? Votre livre de chevet ?

À mon chevet, j’ai une radio.

J’ai beaucoup lu, plus jeune. Aujourd’hui, j’ai un peu de mal, mes yeux fatiguent vite. Alors je me concentre sur la presse. Mais si je ne devais garder qu’un livre, j’hésiterais entre La Légende des siècles de Hugo et Les Essais de Montaigne. Et si j’ai droit à un troisième, je prendrais la Bible. Je ne l’ai pas lue. J’aimerais en prendre le temps un jour. J’aime les livres qui interrogent notre humanité.

 

Interview réalisée par Isabelle B. Price en juillet 2008.

Première publication : Univers-L.

Reproduite avec l’autorisation d’Isabelle B. Price.


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées :
lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…

 

 

L'auteur :

Essayiste, historien, sociologue et romancier, Théodore Roszak est né en 1933. Il a publié dix-huit livres. Il est notamment l’auteur de plusieurs essais qui, chacun, ont marqué leurs époques, Vers une contre-culture (Stock, 1970), L’homme planète (Stock, 1980), The Cult of Information (1985), The gendered Atom (2000), consacré aux périls d’une vision du monde purement scientifique. Il a fondé l’écopsychologie, « humanisme écologique » dont les théories sont exposées dans The Voice of the earth (1993) et qui, depuis, a fait école. Il est également romancier. On lui doit aussi La Conspiration des ténèbres et La Menace américaine. Il vit à Berkeley, enseigne l’histoire à l’université de Californie, et collabore régulièrement au New York Times.
L'avis de Robert Wagner :

Daniel Silverman est le premier étonné lorsque son agent lui fait part de l’offre de Faith College, un lycée religieux évangélique du Minnesota. D’abord par la somme proposée : 12 000 dollars pour une intervention d’une journée ! Cela fait bien longtemps que sa réputation ne suscite plus des offres aussi alléchantes.
En effet, ses jours d’auteur de best-sellers sont derrière lui. Son dernier grand succès remonte à près de vingt ans, un roman où il racontait un épisode de la vie de Freud, mais du point de vue d’une de ses patientes. Las, ses autres tentatives (I, Emma ou Madame Bovary revu et corrigé du point de vue d’Emma, Deep End ou Moby Di
ck raconté par la baleine) n’ont guère séduit la critique et les lecteurs. Il a même perdu son agent littéraire.
L’offre de Faith College arrive donc à point nommé pour sauver les finances de Daniel du naufrage. Le Minnesota est bien loin de San Francisco où il réside et la perspective de laisser seul son compagnon, Marty, le soir du réveillon du passage au nouveau millénaire, pèse lourd dans la balance.
Mais poussé par son agent et motivé par les 12 000 dollars payés d’avance, Daniel Silverman finit par accepter l’invitation de Faith College, de venir parler aux étudiants dans le cadre de leur programme d’ouverture sur le monde, programme le présentant comme un écrivain humaniste juif (autant dire un extra-terrestre aux yeux de la population chrétienne évangélique ultra conservatrice de Faith College).
Ce qui l’attend est bien pire que tout ce qu’il a pu imaginer. Le corps professoral et les étudiants de l’établissement vivent selon une lecture littérale – et souvent mal comprise – de la Bible. La galerie de bigots qui défile sous les yeux de Daniel Silverman, « humaniste juif », dépasse l’entendement. Tous sont bien entendu persuadés d’avoir raison et pour eux, le monde d’où vient l’auteur n’est qu’une version moderne de Sodome et Gomorrhe. Mais notre héros décide d’ignorer les convictions discutables de ses hôtes, de faire sa conférence, et de repartir immédiatement, fort des 12 000 dollars payés cash.
C’est du moins son intention, jusqu’au moment où, avant de prendre la parole, il est abordé par un des professeurs de l’établissement qui lui demande, en toute candeur, s’il fait partie de « ces juifs » qui croient tout ce qu’on raconte sur l’Holocauste. Et de développer, devant un Daniel Silverman éberlué mais trop choqué pour réagir, les âneries révisionnistes habituelles de l’ultra droite chrétienne américaine.
Daniel Silverman est tout sauf un juif militant, mais alors qu’il s’apprête à prendre la parole, il est hanté par le souvenir de sa tante Noémie, rescapée des camps nazis, et il sait que – 12 000 dollars ou pas – il ne pourra pas se contenter de son laïus sur la contribution des auteurs juifs à la littérature américaine. Il entreprend donc de conter à son auditoire médusé l’histoire de sa tante Noémie et comment elle expliqua au tout jeune Daniel Silverman âgé de cinq ans la signification du tatouage qu’elle portait au bras gauche, B742365. Et Silverman de présenter ce texte – B742365 – comme le texte juif le plus important au monde, plus important que son œuvre ou celles de Roth ou Malamud. La réaction du public n’est pas celle qu’il attendait, puisque loin d’être émus par l’histoire, certains membres de l’assistance déroulent une banderole anti-avortement sur le thème « Voici l’Holocauste moderne ». Sidéré, Daniel Silverman leur porte le coup de grâce en terminant son intervention par l’aveu de son homosexualité. Il conclut en précisant aux bigots révulsés que son compagnon est noir.
Plutôt satisfait de lui, il se prépare à retourner vers la civilisation et une température plus clémente, lorsqu’un blizzard d’une violence inouïe empêche tout départ de Faith College.
C’est là que commence le vrai chemin de croix de Daniel Silverman, enfermé entre quatre murs avec des bigots de la pire espèce pour lesquels il est maintenant l’incarnation de l’antéchrist : un écrivain humaniste juif homosexuel !
Pendant les jours qui suivent, il va tenter vainement de nouer le dialogue avec certains élèves et membres du corps professoral.
Dans Le Diable et Daniel Silverman, Theodore Roszak laisse libre cours à sa verve de satiriste. Le roman est une formidable plongée dans une Amérique que nous avons du mal à imaginer, que même bon nombre d’américains ont du mal à imaginer. Cette Amérique profonde des communautés évangéliques ultra conservatrices qui n’ont rien à envier aux fondamentalistes musulmans lorsqu’il est question d’intolérance et d’étroitesse d’esprit. Tout y passe : du refus de la théorie de l’évolution à la soumission des femmes, en passant par la croyance – littérale – en un enfer où finiront tous ceux – même chrétiens ! – qui ne partagent pas ces convictions d’un autre temps.
Ce qui fait la grande force de ce livre, c’est que Roszak alterne avec bonheur les chapitres graves – le discours de Silverman à propose de sa tante Noémie, dans l’église – et ceux où le sourire vient aux lèvres du lecteur – tous les grands débats d’idées avec les professeurs. Mais même dans ses moments les plus amusants, ce roman est empreint de gravité, parce que sous l’humour, le lecteur se rend compte du sérieux des interlocuteurs de Daniel Silverman. Quand ce dernier fait remarquer à l’un des professeurs qu’il n’a pas souvent été question d’amour depuis son arrivée à Faith College (or n’est-ce pas là le fondement de la foi chrétienne ?), il se voit répondre le plus sérieusement du monde que l’amour est facile, mais que c’est la peur qui motive le vrai croyant, que sans peur de l’enfer, il n’y a pas de foi chrétienne possible, et que c’est cette peur qu’il est de son devoir d’inculquer à ses élèves.
Réflexion intéressante encore, quand Silverman l’écrivain remet en question sa vocation, en se faisant la réflexion que bon nombre de ses problèmes actuels – et de ceux de l’humanité en général – proviennent de livres : la Bible, le Coran, etc.
On sourit, on est ému à la lecture de ce roman, et on se surprend à repenser, après avoir refermé le livre, à certains des échanges entre Silverman et ses hôtes de Faith College à la lumière du monde dans lequel nous vivons. Et alors on frissonne, parce que Roszak a mis dans le mille et que sa vision est d’une justesse qui glace le sang.
Un livre formidable, l’un des tous meilleurs de son auteur.

Pour plus d'informations :

Disponible au Cherche Midi, collection NéO (France).


 

Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages...


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Edmund White, City Boy ‒ chronique new-yorkaise, préface de John Irving, traduction de l'anglais (américain) par Philippe Delamare,

Plon (collection « Feux croisés »), 2010, 326 p. ‒ 24 €.

 

Edmund White, né à Chicago en 1940 est une référence pour les lecteurs gays.

Un auteur à situer au même niveau que Dominique Fernandez, de l'Académie Française, à qui nous devons L'Étoile rose qui nous est chère, à plus d'un titre (1).

Dans son dernier livre, Edmund White nous invite à parcourir près d'un demi siècle de culture gay avec pour compagnon de route sa ville préférée, New York. Il est le fils adoptif de Big Apple dont on suit l'évolution avec lui, ville où l'on n'osait, dans les années 70, pas vivre et où l'idée d'une promenade nocturne paraissait suicidaire.

L'auteur de la série autobiographique dont nous avons lu un ou plusieurs éléments (2) complète ici le récit d'une vie centrée sur l'écriture. Dans ce pavé de plus de trois cents pages, où l'on quittera souvent New York pour San Francisco, Venise ou Paris, on va croiser Nabokov, Susan Sontag ou Michel Foucault.

Écrire gay est l'un des fils conducteurs qui sous-tend ce récit : la réflexion sur une identité gay qui s'ouvre après Stonewall conduit White à être le premier écrivain américain à poser ouvertement une question à laquelle ses contemporains écrivains américains ou européens vont apporter des éléments à un débat qui n'est toujours pas clos. Il défend l'idée d'un genre spécifique, qui tout en s'inscrivant dans la littérature universelle a des résonances particulières lorsqu'auteur et lecteurs ont en commun le filtre intellectuel d'une orientation sexuelle identique et non conforme au modèle dominant.

Fondamentalement littéraire, souvent lourd de longs récits relatifs aux faits et gestes de ses amis du monde des arts en général et des lettres en particulier, l'esprit de White semble en adéquation parfaite avec la réflexion des Toiles Roses, pour qui Stonewall est un événement clé de notre histoire. L'auteur nous offre même un « Si j'étais hétérosexuel » forcément littéraire et assez représentatif du ton de l''ouvrage.

White a connu le New York d'avant Stonewall ; il a vécu dans le quartier de Castro à San Francisco, a assisté à l'explosion post-Stonewall puis à l'épidémie du sida qui lui a enlevé de nombreux amis et fait planer sur lui le poids de la séropositivité.

Ce voyage est foisonnant, luxuriant de détails sans être en permanence haletant même si aucun élément ne manque de pertinence. C'est un exemple de partage de culture, une référence pour notre blog qui se veut instrument de transmission de valeurs d'ouverture et de réflexion autour de nos différences. Il n'est pas borné aux limites de New York, ni même à celles des USA : lors de ses séjours à Paris (1983-1990), White a confronté son regard de City Boy à celui de ses contemporains français, ce qui en augmente pour nous la richesse et les perspectives. Ses biographies de Jean Genet et de Marcel Proust (3) font référence et la première a remporté en 1990 le prix du National Book Critics Circle. City Boy avait été sélectionné en 2009 par ce même jury.

Ce n'est donc pas par hasard, ni pour une simple opération promotionnelle qu'Edmund White est venu à Paris présenter son livre du 15 au 17 mars dernier au Salon du Livre.

 

(1) http://www.lestoilesroses.net/article-29380208.html

(2) A Boy's Own Story, 1982. En français : Un jeune américain, 1984 (Mazarine) et 1992 (10/18).

The Beautiful Room is Empty, 1988. En français : La Tendresse sur la peau, 1988 (Bourgois) et 1992 (10/18).

The Farewell Symphony, 1997. En français : La Symphonie des adieux, 1998 (Plon) et 2003 (10/18).

The Married Man, 2000. En français : 'Homme marié, 2000 (Plon) et 2002 (10/18).

Genet : A Biography, 1993. En français : Jean Genet, 1993 (Gallimard).

(3) Genet : A Biography, 1993. En français : Jean Genet, 1993 (Gallimard).

Marcel Proust, 1999. En français : Marcel Proust, 2002 (FIDES).

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Biographie d'Emund White : http://fr.wikipedia.org/wiki/Edmund_White

Critique des Inrockuptibles du 23 mars 2010 :

http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/43888/article/livre-city-boy-deambulation-dans-le-new-york-beatnik/

 



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Par Edmund White

 

Je me suis souvent demandé si je me serais mieux entendu avec mon père si j'avais été hétéro. Quand, en 2003, mon neveu a écrit un livre sur mon enfance, un voisin lui a dit que M. White était un homme merveilleux qui lui avait fait découvrir l'orchestre symphonique de Cincinnati en l'invitant à des concerts. Peut-être que si j'avais été hétéro et que j'aie joué au softball avec lui, papa m'aurait aimé.

Mais si j'avais été hétéro, j'aurais été quelqu'un d'entièrement différent. Je ne me serais jamais tourné vers l'écriture avec l'ardent désir de me confesser, de me comprendre, de me justifier aux yeux des autres. Si j'avais été hétéro, je n'aurais pas été obligé de vivre à New York et de préférer la dure pauvreté de la bohème au confort mou du monde des affaires. Mon père était déçu de ce que je n'avais pas repris son entreprise. Mon homosexualité le gênait.

Après sa mort, j'ai commencé à le considérer plutôt comme le raseur misanthrope qu'il était que comme le sadique que j'avais inventé. C'était certainement l'homme le plus ennuyeux qui ait jamais vécu – et il semblait à demi-mort de son vivant. Avant sa mort, j'avais fait, à la fin des années soixante-dix, d'horribles rêves dans lesquels j'étais coincé à l'intérieur d'une série de cercueils en forme de momie qui me ressemblaient parfaitement mais étaient inertes. Je craignais que, comme mon père, je ne sois déjà mort au monde, vivant mais enfermé dans un cadre qui me ressemblait tout en étant plus grand et sans vie.

 

Extrait de City Boy ‒ chronique new-yorkaise, traduit de l'anglais (États-Unis) par Philippe Delamare.

© Edmund White, 2009.

© Plon, 2010, pour la traduction française.

Extrait publié avec l’autorisation des éditions Plon. Un grand merci à Elisabeth Kovacs, attachée de presse.


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées :
lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…



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Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

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Colette FELLOUS, Pour Dalida, Flammarion, 2010, 134 p., 16 €.

 

Dalida. Encore ? Oui, encore et toujours.

Mais pas une biographie, pas un produit commercial dont Orlando a le secret et grâce à qui l'Italienne de naissance égyptienne (c'est vrai, c'est vrai) est connue d'adolescents qui n'étaient pas nés le jour de son suicide le 3 mai 1984.

Pas un roman non plus.

Colette Fellous, femme de lettres et de radio (1) nous offre une romance, comme indiqué sur la couverture de ce livre qu'il est impossible de lire sans fredonner.

Cette romance est le lien tissé par l'auteure entre deux femmes, sa mère et Yolanda Gigliotti. Avec des points de départs communs, une enfance arabo-méditerranéenne, à Tunis pour l'une, au Caire pour l'autre et dans des milieux cosmopolites où l'on parlait mal plusieurs langues que l'on mélangeait dans la même phrase comme on bat un jeu de cartes.

Colette Fellous a plusieurs atouts dans son jeu : un style qui nous emporte en nous prenant par la main, comme un bambino, bambino, nous rapprochant de sa mère et d'elle-même avec un lien récurent, Dalida, la reine de cœur brisé.

Que fait ce titre dans la bibliothèque rose ? Il est là parce qu'il n'y a pas à avoir honte de certains clichés, et que si une discussion au sujet de Mylène Farmer a enflammé le blog, avec Dalida ce sera plus romantica, romantique et bohème.

Dans le Dictionnaire Gay (2) on lit à l'article « Les divas des gays » un sous-article Dalida qui remplit une page entière : « ...Le côté dramatique et excessif de son tempérament théâtral, longs cheveux et robes parfaites d'excentricité mesurée, sa voix chaude, emplie de roulades qui en font le charme, son sens de la mise en scène sur fond de paillettes et de strass, ainsi qu'un répertoire où l'amour malheureux, la nostalgie de l'amour, l'amour des jeunes et beaux mâles (Il venait d'avoir dix-huit ans) tiennent une place essentielle et lui ont attiré la sympathie d'un public gai en connivence avec sa vie sentimentale mouvementée, faite d'une suite de drames, d'échecs, d'amours fous et de douches froides.... »

Colette Fellous fait de Dalida l'inséparable complice d'une relation d'amour mère-fille qui laisse une large place à ces éléments de connivence.

Biographie de style aquarelle, désordonnée, plus axée sur les sentiments que sur la chronologie, elle offre le plus bouleversant témoignage sur une voix qui ne cesse d'agir sur les cœurs de milliers de Gigi à qui elle peut encore manquer.

 

(1) interviewée au sujet de ce livre dans Têtu n°154, avril 2010, p.32

(2) Lionel Povert, Dictionnaire Gay, Jacques Grancher, 1994, 483 p.

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Sur Iolanda Gigliotti : http://fr.wikipedia.org/wiki/Dalida

Le site officiel : http://www.dalida.com/

Colette Fellous parle de son livre avec Paula Jacques dans l'émission de France Inter «Cosmopotaine » le 14 mars 2010 http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/cosmopolitaine/

 

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Olivier DELORME, L’Or d’Alexandre, H&O éditions, 2008, 444 p., 23 €.

 

Un roman EXTRAORDINAIRE pour les lecteurs du blog Les Toiles Roses. Résumons et frappons les trois coups : coup de maître, coup de cœur, coup de foudre !

En parcourant la quatrième de couverture, on comprend assez vite que le trésor chèrement acquis par le Louvre n'est pas forcément authentique… Pourtant, ce sont de véritables pépites, invisibles au premier regard, que recèle le roman d'Olivier Delorme. Il faut attendre la page 88 pour se demander ce qu'est ce fauteuil dont parle Philippe, « en or massif monté sur roulettes en diamants ». Oui, l'un des héros de ce livre est un « c6-c7 », tétraplégique suite au « crash » qui a scindé sa vie en deux parties. Avec son compagnon Stéphane et son auxiliaire de vie Malika, ils mènent une longue enquête donnant lieu à de véritables cours de mythologie antique, de histoire de l'art de la Renaissance et d'histoire contemporaine et à d'intéressants développements sur les techniques de la contrefaçon ou l'art du boursicotage !

Olivier Delorme nous avait dans La Quatrième révélation (H&O, 2005) amenés à découvrir un Saint Paul assez étonnant, personnage trouble à qui la morale judéo-chrétienne doit beaucoup de son obscurantisme, dont fait partie l'homophobie. Ici, ce sont tous les esprits étroits autant chrétiens que musulmans (famille de Malika) qui vont en prendre pour leur grade !

L'auteur, de sa rencontre avec Michel Robert, lecteur tétraplégique à qui il dédie son livre, a su faire un portrait sincère, cru et profond d'un être humain physiquement diminué, mais humainement éblouissant, dans ses doutes comme dans ses ambitions. Numismate de formation, Olivier Delorme frappe ici un écu d'or dont l'avers s'appelle Philippe et le revers Stéphane. Philippe, sur sa « tatamobile », transcende ce roman, dont Stéphane est le principal acteur, Indiana Jones à l'esprit et au cœur puissants et sensibles. La sincérité et la force de leur relation laisseront rêveur plus d'un handi célibataire. Couple fidèle mais pas exclusif, ils en feraient presque oublier la qualité de l'intrigue et ses multiples rebondissements, qui finissent dans une clarté dont on avait pu douer à certains moments !

Avec une lucidité et une crudité rares, sans aucun pathos (on n'est pas dans un roman de Guy d'Esquarres !) le lecteur peut, sous le prétexte d'une énigme politico-policière riche en liens avec l'actualité, se mettre dans la peau d'un « invalide » et de son compagnon : leurs ennemis ne se limitent pas à de dangereux trafiquants ou à des faussaires chevronnés. Plus pervers et pernicieux sont les regards déplacés, curieux, peureux, homophobes, bien pensants culs-bénits, les proches qui « s'évaporent » face au handicap ...

Ce handicap n'occupe explicitement que quelques pages du livre, mais son essence imprègne presque chaque page et on peut facilement savoir si c'est Philippe ou Stéphane qui est le narrateur, tant leur vécu est finement transcrit dans leur pensée et dans leurs actes.

Érudit mais jamais ennuyeux, Delorme passionnera ceux qui ont une curiosité pour l'histoire et l'archéologie. Il touchera tous ceux que concernent le handicap et l'homosexualité dans un subtil cocktail à la saveur inoubliable.

L'ouvrage est un bel objet : 14,5 x 22 cm, 444 pages, c'est un cadeau de 23 € à se faire ou à suggérer... À lire pour soi, à relire à haute voix à son compagnon, à prêter à ses amis, ses soignants, son kiné ou à sa famille… en s'offrant un luxe suprême : se demander ceux à qui on va passer ce bouquin en donnant la clé « c6-c7 » et ceux à qui on laissera la surprise, le choc !

 

POUR EN SAVOIR PLUS : 

Editeur : www.ho-editions.com

Auteur : www.olivier-delorme.com/presse/presse_or.html, site chaleureux et convivial à partir duquel on peut naviguer vers les différents commentaires, strictement littéraires mais aussi à dominante handi ou gay.

Sexualité des blessés médullaires : www.c5c6csex.com

 

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Jean-Louis RECH, Mathéo et Julien, Montréal, PopFiction éditions, collection "Homonyme", 2009, 108 p., 14 €.

 

Jean Louis Rech s'est fixé un défi de taille : transposer en une centaine de pages Roméo et Juliette au XXIe siècle, entre deux jeunes hommes parisiens.

Cet auteur de nouvelles homoérotiques déjà publiées chez le même éditeur, ainsi que chez H&O, est un fin narrateur de scènes que les règles de la morale ou, selon les lieux, de la censure, interdisent aux moins de dix-huit ans.

Il n'y en a aucune dans ce roman qui reste très pudique au moment des ébats de Mathéo et Julien. C'est sur un registre plus sentimental et social que se situe l'action : comment vivre un amour entre Julien, un jeune lycéen fils de notable parisien et Mathéo, jeune enseignant sans autre statut social que celui de professeur de musique dans un autre lycée que celui de Julien ?

Le contexte familial, tout comme celui du lycée de Julien n'est pas vraiment gay-friendy mais on échappera à la rivalité Montaigu/Capulet pour rester dans une tonalité plus contemporaine... même si le dénouement peut sembler, en 2010, un peu excessif...

Un honnête moment de lecture sans ennui ni emballement.


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.



TO BE CONTINUED…


Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

en collaboration avec : homo6

 

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Nadia Galy, Le Cimetière de Saint-Eugène, Albin Michel 2010, 246 p. - 16 €

 

Handigay et orphelin algériens à la recherche d'un père…

Nadia Galy fait vivre le métissage des cultures avec le talent d'une orfèvre de la langue. Ses protagonistes de l'Algérie des années 80 ont une personnalité et une finesse hors du commun. C'est avec le plaisir de celui qui détaille petit à petit un bijou, le caresse puis le repose pour ne pas en épuiser immédiatement tous les détails que j'ai parcouru les allées du Cimetière de Saint-Eugène en compagnie de Slim, Moka, Inès et Clémentine.

Le beau Slim et Moka le boiteux à la « hanche dissidente » forment un couple : Nadia Galy adopte la juste distance pour décrire leur relation qui devra un jour aboutir (p.76) au mariage de chacun d'entre eux. Pas de faux-semblants non plus sur ceux qui draguent dans les fourrés du Château : Moka sait bien qu'ils sont là pour assouvir une pulsion bien précise. Il ne s'agit pas d'avoir recours à des artifices dus aux tarifs trop élevés des prostituées ni à une sexualité de substitution, en attendant de passer aux choses sérieuses. Mais vivre son amour pour un être aussi tourmenté que Slim est pour Moka plus important que ses problèmes de hanche.

Slim découvre progressivement une face cachée de ces origines. Son ami, son amour, Moka est à ses côtés mais c'est sa mère Inès qui détient les clés d'un secret qu'il devient de plus en plus inutile de garder. Avec l'aide de Clémentine, jeune française en mission à Alger, les deux hommes et les deux femmes font une plongée vers les véritables racines de Slim. Dans un univers où la France est un miroir chargé de répulsions multiples, comment gérer la découverte de la moitié de ses origines du côté des colonisateurs ?

Sans aucun stéréotype, avec une tendresse finement distillée dans le grand alambic de l'amour, Nadia Galy offre un aperçu tendre et sans complaisance des déchirements algériens à travers une aventure humaine qu'ont vécue, mutatis mutandis, les enfants de Boches. Elle y apporte une solide expérience qui montre la valeur du métissage et l'enrichissement des cultures croisées face à la stérilité de l'enfermement et du repli sur soi, dans une langue qui cisèle les phrases les plus simples comme un grand moucharabieh derrière lequel on observe, en toute discrétion, la vie des autres.

Une vie où les morts, héros du FLN, inconnu sur une photo égarée ou pied-noir au volant d'une voiture dévalant un ravin, ont autant d'importance que les vivants qui essaient de redécouvrir les racines de Slim, le beau tourmenté.

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

- Interview de Nadia Galy par Philippe Valler sur France Info le 13 mars 2010,

- Nadia Galy à Cosmopolitane (France Inter) pour son premier roman, Alger, lavoir galant, Albin Michel, 2007.


 

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© Mathieu Zazzo

 

 

INTERVIEW DE NADIA GALY

Par  Gérard Coudougnan

 

Les Toiles Roses : Nadia Galy, bonjour. Je vais commencer par vous remercier pour les moments de plaisir que j'ai ressenti en lisant Le Cimetière de Saint-Eugène. Je n'ai pas lu votre premier roman et c'est pour moi la découverte d'un auteur au style qui me touche par la complicité que vous parvenez à établir avec le lecteur. Je confesse avoir de fortes accointances avec la langue et la culture arabe, mais je pense que tout lecteur sensible peut éprouver les mêmes émotions. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ?

Nadia Galy : Tout d’abord merci à vous de m’accueillir sur vos pages ! J’ai 48 ans, je suis architecte et expert judiciaire près la Cour d’appel de Paris. J’ai vécu à Alger, à Paris, et puis 6 ans à Saint-Pierre-et-Miquelon où j’ai commencé à écrire mon premier roman Alger, Lavoir galant, chez Albin Michel également.

Je m’intéresse à ce qu’on ne dit pas mais qu’on ressent souvent fort douloureusement. J’aime passionnément creuser l’intimité dans ce qu’elle peut avoir de noble et de moins noble. Mon premier livre parlait de la détresse sexuelle de la jeunesse algérienne au travers d’un personnage très laid, mais formidablement attachant. Cet homme voulait seulement faire l’amour avant de se marier. Il n’était que désirant sans jamais perdre de vue l’honneur de sa dulcinée. Il y parvient, mais tout bascule et passe cul par dessus tête.

En Algérie, les hommes ‒ ce n’est que d’eux dont on parle ‒ se marient pour se « poser », fonder une famille, prendre une place dans la société. Bien sûr, c’est fréquemment vrai, que la volonté de se conformer à l’imagerie traditionnelle l’emporte absolument. Mais je ne peux m’empêcher d’être convaincue que s’ils se marient si impérieusement, c’est pour enfin avoir des relations sexuelles régulières et consenties. D’ailleurs, cela est entendu voire justifié par les mères, à mots à peine couverts. Le désir des femmes, lui, n’existe forcément pas. Une fille de bonne famille n’éprouve pas de désir en dehors de celui d’avoir des enfants, c’est bien connu !

Certes les choses changent un peu dans les grandes villes, mais ce pays n’est pas fait que de grandes villes !

Ce sont ces méandres que j’ai envie de creuser. Que fait l’amour de nous ? Jusqu’où nous entraine-t-il ? Par là, j’entends toutes les amours, physiques, et platoniques, belles ou sombres, sinueuses. Je veux aussi tenir compte de l’existence de ces désirs impérieux du corps de l’Autre, de sa chaleur.

Pour tenir mes lecteurs, je me dis qu’à défaut de l’histoire, je vais les garder avec les mots, les images que je tords et contorsionne pour les étonner, les surprendre. Je travaille presque mot à mot, pas à pas. Je veux qu’en me lisant on entende parler de soi, que l’on soit arabe ou pas. Je veux qu’on rie et qu’on pleure. Enfin…j’aimerais qu’on rie et qu’on pleure et qu’on apprenne des choses.

 

Votre double culture est en effet un atout précieux pour aborder aussi subtilement les fondamentaux entre êtres humains algériens et français. Vivez-vous plus en France ou en Algérie ?

Je suis née à Alger, j’y ai grandi et vécu jusqu’à 18 ans, entre un père algérien, et une mère française. J’ai adoré mon enfance, mon adolescence. J’étais algérienne sans conteste. Pourtant… ma grand-mère, bretonne, vivait avec nous, maintenant elle est enterrée là-bas. J’étais au lycée Français d’Alger, j’étais francophone bien que parlant l’arabe dialectal avec l’autre partie de ma famille, dans la rue etc. Les questions d’identité étaient reléguées à plus tard, je vivais en Algérie, j’étais algérienne, point.

Et puis, lorsque j’ai eu mon bac (un bac français donc) le gouvernement algérien a décidé d’arabiser toutes les universités. D’un coup, durant l’été. Ça a été le choc : je n’étais pas capable de suivre un enseignement supérieur en arabe. Il a fallu partir pour la France. Mon père a renâclé, mais peu. Et surtout, puisque ma mère était française, j’avais droit à la nationalité française moi aussi ! C’est là qu’ont commencé à se poser à moi les questions d’identité. De là, date ma prise de conscience que je suis double et incapable de trancher. Pour preuve, je suis maintenant en Corse, c'est-à-dire à mi-chemin entre Alger et Paris. Voilà pour ce qui est sûr !

Je retourne plusieurs fois par an à Alger, la maison de mes parents est le seul endroit que j’appelle « la maison ». Toute ma famille est là-bas, mes frères sont près de mes parents, je suis la seule à être partie et j’en consens parfois une belle culpabilité. Une culpabilité familiale surtout, je suis souvent absente lors des petits évènements qui soudent une fratrie par exemple… Je ne me vois pas revivre en Algérie, je suis devenue française pour beaucoup de choses, sauf que, suivant les sujets, je dois d’abord me demander si je réfléchis en française ou en algérienne ! Je suis toujours en train de chercher l’équilibre, pour ne pas me sentir ingrate envers l’une ou l’autre culture. Simple !

 

Slim est homosexuel. Sa mère est du genre « possessive » et il est orphelin de père : pourquoi avoir créé un profil aussi freudien ?

Pour résumer, je voulais parler d’identité : que se passe-t-il lorsqu’on découvre qu’on est un autre que celui qu’on croyait ? Qu’est-ce qu’être homosexuel ? Qu’est-ce qu’être algérien ? Qu’est-ce qu’être un fils ? Que doit-on à sa propre légende ?

J’écris pour apprendre des choses à mes amis français. L’Algérie est si méconnue… Au départ, je voulais expliquer que du côté algérien nous avons été éduqués dans le culte de la guerre d’Indépendance, que ce culte perdure. Je voulais que le père, ce grand absent soit porté comme l’étendard algérien, qu’il soit un défunt gigantesque, capable d’élever un fils à son image. Je voulais que Slim soit plus algérien que le roi, mais avec une faille intime, quelque chose qu’il ne puisse pas soigner, contrecarrer. Je n’ai pas voulu le rendre menteur, ou kleptomane par exemple, parce que ces choses-là ne sont pas forcément impérieuses. Je tenais à ce qu’il se raconte bien des histoires sur sa sexualité pour se sentir toujours conforme à l’homme impeccable qu’il pensait être. Ce n’est que lorsqu’il met un pied dans la tourmente, lors de sa première dispute avec Moka, qu’il pense enfin à ce que son ami peut représenter pour lui. En même temps, il est conscient qu’il n’a jamais été amoureux d’une femme, à son âge… et qu’il a des rapports sexuels consentis avec son ami de toujours ! Quelque chose en lui commence à dire que ce ne sont pas que des rapports de confort ! En résumé, le père de Slim est absent, mais il compte davantage que s’il était vivant. Mort, il est parfait, sans failles ni aspérités, il est le modèle absolu de la virilité. Pourtant…

Quant à sa mère… J’en ai tant vu des mères arabes ! Inès n’est que plus « menteuse » que la moyenne des mères, mais ce qu’elle fait pour son fils au quotidien n’est pas excessif en regard de ce que j’ai pu observer. En revanche, le mensonge qu’elle a tissé autour de lui est tout à fait diabolique, mais les années l’ont poli puis confit d’amour et puis il est resté là à pendre au-dessus d’eux.

Bien sûr le profil est un peu caricatural, mais en réalité, je ne m’en suis aperçue qu’après. Je trouvais ce père absent tellement grand, et tellement présent !

Inès tombe du plafond quand son fils disparait après la révélation. Elle voit seulement qu’il lui en veut, mais elle ne perçoit absolument pas le cataclysme que la vérité engendre : elle n’imagine pas une seconde, qu’elle a fait de son fils l’ennemi de lui-même. Va-t-elle se demander ce qu’aimer veut dire ? D’ailleurs, au moment du drame, elle ne se demande rien. Elle agit et réagit, elle veut guérir son fils de cette maladie qu’est l’homosexualité, quitte à s’en séparer. Elle y met peut-être les formes mais en substance, elle le vire, elle le pousse à émigrer pour se soigner ! Le Casse-toi de Jean Marie Perrier est juste là !

 

nadia2.jpg © Léa Pieri


L'homosexualité n'est pas, comme l'explique clairement Moka, page 76, un choix par défaut, une sexualité de substitution, faute de filles disponibles. Pensez-vous que la libération gay soit, dans l'univers contemporain algérien, préférable au choix de Moka et Slim qui pourrait être résumé en « vivons heureux, vivons cachés » ?

Comment répondre. Franchement ? Je ne vois pas comment une telle chose serait possible. L’homosexualité est pénalisée par le législateur, l’Islam, le machisme et la loi du plus fort ! Si un homme veut monter son Golgotha chaque jour de sa vie, alors peut-être…

Et encore, se dévoiler… auprès de qui ? Une à deux personnes pour alléger le secret. Mais pas dans la rue, pas au travail, pas au sport, pas aux copains, pas à la mosquée, pas à la famille ! Le très beau travail de Philippe Castetbon (l’auteur de Condamnés chez H&O éditions) est révélateur de ces blocages. Je suis bien obligée de dire, qu’à mon point de vue, la société algérienne n’est pas prête. D’infimes lambeaux de ciel bleu apparaissent peut-être ça où là, au dessus de la tête de quelques uns, mais le ciel et si grand… C’est en tout cas mon sentiment profond.

Il y a eu un très beau papier sur le quotidien algérien www.elwatan.com en date du 4 septembre 2007 qui s’intitule Nous sommes tous des passagers clandestins (1). Il lève un pan du voile, mais il est signé… Delphine Gourlay. Sans nul doute, les hommes qu’elle a interrogés se sont-ils sentis plus en confiance avec une femme française qui ne remettait pas leur virilité en cause, cela en dit long sur les conservatismes de tous acabits !

Et puis Internet est arrivé. Les cybercafés sont légions maintenant en Algérie, c’est un oxygène, la parole se libère, entre soi, mais elle se libère. Enfin, les homosexuels peuvent se compter, sentir qu’ils sont moins seuls, échanger à mots vrais sans avoir recours à des contorsions langagières pour tourner autour du pot. C’est maigre certes, ça ne remplace pas de marcher au soleil en se tenant par la taille, mais les mots, c’est une formulation de la pensée qui à force peut déclencher certaines décisions.

Je crois néanmoins que l’El Dorado est loin, et qu’il faudra bien des années encore et bien des tracas pour que l’intimité des couples soit réellement le reflet des apparences. Car le mariage en Algérie est si indéboulonnable, qu’on n’a, hélas, pas fini d’assister à l’union de la carpe et du lapin pour faire bonne figure.

 

Quid des épouses qui servent d'alibi à ces hommes ?

Cyniquement, je dirais qu’elles sont mariées comme il se doit à toute femme bien, ont moins d’enfants et de devoirs conjugaux que les autres… ! En vrai, je ne sais pas. En cas de mariage non consommé, la jeune femme peut retourner chez son père, ce qui en général fait tout exploser. Du coup, le malheureux époux s’oblige à l’honorer pour la forme et la descendance. L’histoire ne dit pas quelle doit être la fréquence de leurs rapports. Tout ça est affaire d’équilibre Une vie entière ainsi… ?

Parfois, je le leur souhaite, les époux ne se font pas de mal, ils sont bons amis, donnent le change, et respectent le couple qu’ils représentent. C’est une autre forme de mariage arrangé. Il y a de quoi pleurer.

 

Qu'apporte à la romancière le handicap physique de Moka face à la beauté de Slim ?

Mais le handicap existe ! Je voulais me servir de ce petit côté dansant pour parler du handicap sans drame, Moka est handicapé (assez peu, je le reconnais) mais c’est pareil que s’il avait les yeux vairons, ça ne change rien au fait qu’il soit aimable au sens plein du terme. On aime les gens pour ce qu’ils sont, ce n’est un secret pour personne.

Et puis pour l’histoire j’avais besoin que Slim soit une sorte de divinité un peu autiste, et que Moka soit le cœur bouillonnant des deux, je voulais que rien ne l’arrête, que son obstination force le respect de tous. D’ailleurs, même face aux gendarmes, même en prison, il conserve son rôle de sentinelle et personne ne le lui conteste ! Moka est pour moi, l’archétype du mec bien, un peu débrouille, un peu borderline, imparfait mais une belle personne. Non ?

Je voulais que Slim ait conscience de leurs physiques à tous deux, sans pour autant qu’il se comporte en aristo de la gueule. Moka est vraiment son ami de toujours. J’espérais que Slim ne nourrisse aucun mépris pour le corps et les traits de Moka, afin de montrer à quel point seule la sexualité prime de son point de vue : « une sexualité cafardeuse comme une brume de contrebandier » dit-il lui-même mais il n’empêche, qu’il en est partie prenante. L’amour, sera pour plus tard.

Également, j’ai feuilleté quelques journaux gays qui m’ont déprimée. Les hommes y sont majoritairement magnifiques. Ça m’a paru loin de la vraie vie. Il m’arrive parfois, en croisant des couples homo dans la rue, de me dire qu’ils sont bien loin des pépites des magazines, et qu’ils suscitent visiblement autant d’émoi et de désir que le papier glacé. Et puis un jour, j’ai croisé un couple hétéro, lui boitait, elle était splendide et ils s’embrassaient à pleine bouche. Il n’y avait pas de raison que je ne m’inspire pas de cette situation que j’ai trouvée cool. Le terme de cool n’est peut-être pas très approprié, mais je trouve qu’il porte plus de choses belles que dire que j’ai trouvé la situation normale. Elle ne l’était pas puisque je l’ai remarquée.

Je ne sais pas si je suis claire…

Et puis, aussi, à titre tout à fait personnel, je n’aime pas ce qui est lisse, poli. Un défaut m’attendrit, un bon ventre, des pattes un peu courtes, une gueule, un caractère… !

 

C'est très clair Nadia, et même si votre regard n'est pas le plus fréquent pour nous, soyez certaine que sa traduction par votre plume ne nous laisse pas indifférents et que Le Cimetière de Saint-Eugène est une recommandation de lecture que nous faisons à tous nos internautes, tout en vous remerciant de la chaleur de votre accueil pour ce dialogue !

 

Note :

(1) On peut lire ici cet article passionnant.


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées :
lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

en collaboration avec : homo6

 

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Un Homo dans la cité, Brahim Naït-Balk (en collaboration avec Florence Assouline), Calmann-Lévy, 2009, 138p., 12 €

 

Parcours d'un homo dans la cité France...

 

Brahim Naït-Balk connaît la force du mot « handicap ». Il est directeur départemental handisport. Alors quand il écrit, sur la quatrième de couverture, évoquant son homosexualité, qu'elle est un « handicap majeur », on comprend qu'il donne à ce mot un poids que nous connaissons.

Nous avons eu plusieurs occasions de le voir dans divers médias à l'occasion de la sortie de ce livre, de ce témoignage, bouleversant de force et de courage. Confession ? Non, il faudrait qu'il y ait une faute, et à part dans l'esprit des membres de son entourage, il n'y a pas de faute.

Brahim est un exemple d'intégration parfaite aux principes dont certains vont nous rebattre les oreilles à propos d'une « identité nationale » aux contours grossièrement électoralistes.

Son éducation, sa scolarité, ses déménagements (Saint-Etienne, Montceau-les-Mines, le Maroc, Aulnay-sous-bois) sont les étapes d'une construction citoyenne et intellectuelle au bord d'un indicible abîme. La différence. Brahim n'est pas attiré par les filles. Il aurait même de drôles de manières, pas très viriles.

Il raconte avec un mélange très subtil de pudeur et de franchise les épreuves subies, dont on peut encore lire les traces dans les expressions de son visage d'homme blessé. Mais l'homme est un résistant. Il s'engage et anime l'une des seules émissions culturelles LGBT de la radio française. Clandestin dans son quartier et écouté dans le monde entier sur Homomicro.

Il fait partie des rares personnes ayant accepté de répondre à Frank Chaumont pour son livre Homo Ghetto. Et cette aventure individuelle existe en dehors de ce recueil de témoignages déjà commenté ici. Elle apporte la force de l'autobiographie d'un homme qui accepte de se battre à visage découvert, après avoir été la victime de « tournantes », un homme qui, n'aimant pas spécialement le foot, est un dirigeant du Paris Foot Gay, en geste militant.

Les récents débats au sujet de ce club et des refus d'un club de jouer contre eux pour des raisons homophobes n'auraient certainement pas eu tant d'échos sans le contexte créé par Un Homo dans la cité. Et l'on se dit que, dans ses fonctions de responsable handisport, ce gars-là qui a même rencontré des handicapés homosexuels (p. 138), doit avoir une capacité d'écoute et d'empathie qui nous donnent envie de faire sa connaissance…

 

LIENS DOCUMENTAIRES :

- Lire la longue critique de notre ami Philippe Ariño

- Le site de Brahim

- Le site de son émission de radio,

- Coup de cœur de Marina Carrère d'Encausse,

- Interview croisée de Franck Chaumont et Brahim Naït-Balk,

- Emission de radio « Spéciale homophobie » avec Jean-Luc Romero et Brahim Naït-Balk sur Générations FM,

- Interviewé par Thierry Guerrier sur France 5 dans l'émission C à dire du 7 octobre 2009,

- Brahim Naït-Balk sur Canal+ dans Salut les Terriens chez Thierry Ardisson,

- Dialogue dans Le Grand Journal de Canal+ entre Brahim Naït-Balk et Rama Yade, secrétaire d'Etat aux sports au sujet de l'annulation du match Paris Football Gay / Bebel Créteil.

 

ÉCOUTER LES ÉMISSIONS D’HOMO-MICRO :

- Avec Gérard Coudougnan

- Avec Daniel Conrad Hall

 

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Interview de Brahim Naït-Balk

Par Gérard Coudougnan


Un échange riche avec l'auteur d'Un Homo dans la cité

 

HANDIGAY et Les Toiles Roses : Bonjour Brahim et merci de venir ici, sur Handigay et Les Toiles Roses, dans un univers dont tu connais chacune des deux composantes, mais pas toujours réunies.

Ton témoignage est d'une telle force et en même temps d'une telle pudeur que l'on sent que tu connais le poids des mots, ceux qui encouragent, ceux qui blessent et ceux qui glissent sans laisser de traces : ton travail avec des personnes en situation de handicap se ressent dans la finesse de ton expression et c'est avec une personne infiniment proche de nous que j'ai le plaisir d'échanger. Si l'on veut hiérarchiser les obstacles à ton épanouissement personnel, comment classes-tu ta culture berbère, ton statut d'émigré, ta condition sociale et ton rôle de « chef de famille » ?

Brahim Naït-Balk : C'est d'abord ce statut de chef de famille : puisque j'avais une responsabilité, il fallait que je donne l'exemple. Cela m'empêchait de montrer quoi que ce soit en rapport avec mon orientation sexuelle. En fait j'avais du mal à m'assumer personnellement, c'était cela le plus difficile pour moi.

 

As-tu trouvé des livres ou des films qui t'ont aidé à avancer, ou d'autres qui, par une homophobie latente, t'ont perturbé ?

Non, absolument aucun. J'étais tellement emprisonné dans mon environnement, dans ma famille, en province, j'avais l'impression que l'homosexualité n'existait pas. C'est le problème dont je parle dans mon livre : si j'avais eu accès à des exemples, dans des livres ou des films, j'aurais réussi à m'émanciper et à comprendre. Mais cela n'a jamais été le cas. Dans un film comme La Cage aux folles, je ne me reconnaissais dans aucun de ces personnages très efféminés qui appartenaient à un monde de fiction totalement étranger à ma situation. Il m'a fallu attendre très longtemps et l'arrivée de la radio Fréquence Gaie qui m'a permis de comprendre beaucoup de choses. Il y avait à l'époque beaucoup d'émissions thématiques.

 

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Ton soutien le plus important a été la station de radio Fréquence Gaie et tu es maintenant l'animateur de Homomicro, l'une des seules émissions 100 % gay de la bande FM, et elle est en plus d'un excellent niveau. Comment as-tu vécu ton premier passage en direct ?

En fait, je fais de la radio depuis 18 ans, j'ai animé des émissions de sport sur Fréquence Paris Plurielle, une émission sur le sport amateur en Ile-de-France qui s'appelait Spormidable. Ensuite, il y a maintenant sept ans, j'ai proposé un concept d'émission gay parce que j'avais envie de m'émanciper et que les gens sachent qui j'étais réellement. Je voulais passer un message à ma famille, à mes collègues de travail, à mes collègues de la radio : c'était vivre au grand jour ce que je n'avais jamais réellement vécu...

 

Un coming-out radiophonique ?

Tout à fait. Un véritable coming-out radiophonique. Et pour lancer mon émission, je suis allé rencontrer l'excellente association Contact qui rassemble des parents d'enfants homos pour leur demander d'être partenaires de l'émission qui s'appelait donc à l'époque Les clés de Contact. Nous avons ainsi fonctionné en partenariat pendant un an et demi. L'idée était de faire s'exprimer parents et enfants homos : c'était des parcours très variés, très intéressants, très riches comme expériences. De mon côté, j'avais le sentiment de ne pas avoir vécu une situation unique. Une de mes demandes a été de proposer à des intervenants de tenir une chronique régulière. L'un des chroniqueurs de cette époque est Sylvain Guillot qui fait partie aujourd'hui de l'équipe d'Homomicro qui tient la chronique info presse. Cela fut pour moi une très belle aventure avec Contact, et même si cela s'est passé tardivement, j'ai réussi à m'émanciper et à trouver mon équilibre. La radio est pour moi une deuxième famille.

 

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Avant Clés de Contact, il y avait donc Spormidable. La querelle autour du match Paris Foot Gay / Créteil Bebel a donné un écho particulier à ton rôle d'entraîneur de ce club gay et gay-friendly : où en est-on aujourd'hui ?

La querelle a été lancée de façon très maladroite : l'entraîneur du Créteil Bébel a eu le tort de dire ouvertement qu'il refusait de jouer contre une équipe qui revendique son engagement gay. Malheureusement pour eux, ils ont été exclus du championnat suite à une commission qui s'est réunie au sein de la fédération qui gère le foot amateur. Conclusion pratique : le Créteil Bébel a décidé de s'exclure du championnat. J'aurais personnellement préféré un dialogue, une discussion entre dirigeants des deux clubs pour leur expliquer qui nous étions réellement et quel était notre combat. Cela aurait été préférable à une exclusion qui est toujours mal vécue et qui fait que beaucoup de ces exclus sont aigris et vont garder en eux cette méchanceté et cette homophobie.

Je le regrette, mais un championnat a des règles comme tout sport, et l'un des engagements élémentaires du sportif est de respecter les règles. Lorsqu'on les enfreint, il faut en assumer les conséquences : c'est le sport !

Le plus intéressant est que cette affaire a fait des vagues au sein du Créteil Bebel. Il y a des gens qui ont fini par ne pas être complètement d'accord avec le président. Ne serait-ce que pour ça, cela peut faire évoluer les mentalités dans leur club et même à l'extérieur. On a vu ainsi des musulmans qui ne se reconnaissent pas dans la démarche du Créteil Bebel : plusieurs sont venus nous dire : « Je suis musulman et en aucun cas je ne refuserai de jouer avec qui que se soit, ce n'est pas dans ma pratique ni dans ma manière d'être ». Cela veut dire aussi qu'il y a dans ce club des dirigeants un peu incultes, un peu désorientés, mais on retrouve hélas cela dans tout le sport !!!

 

Dans ton livre, tu parles de handicapés homos que tu as rencontrés en tant que responsable handisport : as-tu eu l'occasion d'aborder cette spécificité, le fait de devoir gérer un handicap physique avec une orientation sexuelle différente ?

C'était bien avant mon accession à ce poste de responsable handisport des Hauts-de-Seine : j'ai travaillé comme éducateur avec des accidentés de la route, des myopathes, des handicapés moteurs en tous genres. J'ai croisé parmi eux des homos qui savaient que je l'étais mais l'occasion d'en parler ne s'est jamais présentée. À l'époque j'avais ce rôle d'éducateur et je ne m'assumais pas, donc je craignais que l'on m'accuse de tenter d'influencer les gens dans son service, comme si un prosélytisme pouvait être exercé dans ce domaine ! Le fait de ne pas en discuter me paraissait complètement aberrant dans un monde éducatif où notre rôle est d'aider les personnes en difficulté : on arrivait à faire de l'orientation sexuelle un handicap supplémentaire. Ces personnes-là étaient comme moi emprisonnées dans leur cage, ce qui me rapprochait d'elles sans pouvoir pour autant les aider.

Une fois, un garçon avait déposé une petite annonce de rencontre par téléphone (c'était avant Internet !) et avait reçu la visite d'un homme qui lui avait dérobé pas mal d'objets de valeur. Ce problème avait été évoqué en réunion et la conclusion avait été terrible : c'était de sa faute, il n'avait qu'à pas faire ça. Heureusement aujourd'hui des sites existent et apportent des possibilités de lien !

 

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Merci, flatteur ! Il est vrai que l'on reproche parfois à Handigay un manque de réactivité et c'est l'occasion de souligner que nous cherchons, dans toute la mesure du possible à écarter les profils dangereux du site et que, même sur les sites de rencontres généralistes, il y a souvent de très longs mois entre un contact et une rencontre !

Je serai d'ailleurs le premier à conseiller l'utilisation de ce type de sites parce que, travaillant avec des personnes en situation de handicap, je comprends leur souffrance. Ces sites ne peuvent être que bénéfiques pour les informer et les aider à réduire leur isolement. On entre tout de suite dans le vif du sujet : on sait à qui on a à faire et c'est plus franc que d'aller sur un site généraliste en essayant de dissimuler le fauteuil roulant sur les photos ! Je ne vois que des avantages au fait de dire franchement et directement qui l'on est, à parler de son handicap comme de son orientation sexuelle.

Je t'avoue qu'avant de t'inviter à mon émission du 25 janvier 2010, je ne savais pas que vous existiez.

 

Je dois moi aussi te confesser mon ignorance de la qualité et de la fréquence (hebdomadaire !) de ton émission même si je l'avais écoutée en référence à propos d'un livre recensé sur le site.

Je te remercie de cette discussion et invite tes lecteurs à se rendre sur mon site http://www.brahimnaitbalk.fr/ où ils pourront à la fois trouver des liens avec mes activités dont mon émission Homomicro sur la radio Fréquence Paris Plurielle et partager leurs impressions.

 

Ton site est vraiment très riche et de mon côté je me permettrai tout simplement de recommander la lecture de ton livre Un Homo dans la cité.


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées :
lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

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Jacques Balthazart, Biologie de l'homosexualité : On naît homosexuel, on ne choisit pas de l'être, Wavre (Belgique) : Mardaga, 2010, coll. Psy : théories, débats, synthèses ‒ 209 p. 15 x 22 cm, ill. 29 €.

 

Un éminent biologiste, directeur du Groupe de Recherches en Neuroendocrinologie du Comportement et chargé de cours à l'Université de Liège (Belgique), a choisi de porter son regard de savant sur les causes de l'homosexualité. Il offre au lecteur un exposé quelquefois ardu, mais clairement structuré et jalonné de résumés servant de bouées de sauvetage ou de points de rappel et d'ancrage.

La lecture de ce livre n'est pas, même pour le titulaire d'un baccalauréat scientifique, de tout repos. L'introduction fixe les lignes de cette somme de connaissances : la ligne directrice est définie par le sous-titre du livre. Même si l'on sent une tension militante sous la prose de certains passages, jamais Jacques Balthazart ne se départit de sa rigueur scientifique. Que ce soit pour analyser les erreurs du passé, dénoncer les généralisations abusives (dans un sens ou dans l'autre) ou pour, constamment, rappeler les difficultés de l'expérimentation dans un domaine si intime, on est dans un exposé cadré et borné par la rigueur du raisonnement qui refuse le parti pris, souligne les approximations et pose clairement des questions auxquelles il reconnaît n'apporter que des ébauches de réponses.

On ressort donc de ce livre avec un faisceau de présomptions qui, sans nier la possibilité d'une influence de l'éducation, fait de notre orientation sexuelle un élément posé – on ne sait précisément ni où ni comment – dès notre naissance.

Le Professeur Balthazart fait un point important sur l'état des connaissances scientifiques en 2010. Reprenant un par un les divers arguments entendus ça et là : « chromosome de l'homosexualité », stress de la mère durant la grossesse, théories freudiennes et autres études sur les jumeaux, il apporte l'éclairage d'un spécialiste largement reconnu pour étayer une hypothèse dont il fixe clairement les limites, les dangers et les possibilités de développement.

Prenant le contrepied biologiste du pédopsychiatre Stéphane Clerget (1), il démonte avec de nombreux exemples les explications d'une homosexualité acquise, par défaut, par tradition ou du fait du comportement des parents.

À ceux qui craignent des dérives eugénistes ou de choix prénatal, il expose sa foi en une science au service de l'homme, dans sa diversité et la richesse de ses différences.

Sans militantisme, avec un esprit éclairé qui n'hésite pas à dénoncer les dérives de certains de ses collègues, il assume et expose les conclusions philosophiques de sa « découverte ». Même s'il nous importe plus de savoir comment vivre notre homosexualité que d'en chercher les causes, on pourra trouver ici un exposé complexe mais roboratif. Intéressant pour déculpabiliser les parents et éducateurs, l'ouvrage de Jacques Balthazart serait à résumer et à présenter dans une version simplifiée au public le plus large possible.

 

(1) Stéphane Clerget, Comment devient-on homo ou hétéro ?, Jean-Claude Lattès, 2006.

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Un article du quotidien Le Monde du 4 février 2010 :

http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/02/04/l-homosexualite-est-genetique-selon-un-chercheur_1301366_3244.html

Interview de Jacques Balthazart à la RTBF :

http://mediaserver.rtbf.be/sites/rtbf-media/themes/rtbfmedia/iPlayer/MediaPlayer.php?openFunction=getMediaObjectById&openValue=79072

L'avis du blog GayKosmopol :

http://luclebelge.skynetblogs.be/post/7601800/biologie-de-lhomosexualite-le-nouvel-ouvrage

 

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Interview de Jacques Balthazart

Par  Gérard Coudougnan

 

Les Toiles Roses : Monsieur le Professeur, c'est un honneur que vous faites à un non-spécialiste, rédacteur d'un blog homosexuel militant, en répondant à ces quelques questions. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Jacques Balthazart : Je suis un chercheur scientifique désireux de partager les connaissances acquises avec le public… et un amateur de jazz et de plongée sous-marine.

 

Quelles ont été vos principales motivations avant d'écrire ce livre ?

Corriger des erreurs largement répandues dans le public concernant les origines de l’homosexualité… mais aussi de l’hétérosexualité. La question d’intérêt étant en fait : quels sont les mécanismes qui déterminent notre orientation sexuelle, quelle qu’elle soit ?

Par ailleurs, je désirais faire connaître au public francophone une masse de données scientifiques sur le sujet qui sont largement diffusées en langue anglaise mais ne sont quasiment jamais mentionnées en français.

 

Pourriez-vous nous donner quelques uns des arguments les plus forts de votre démonstration des origines biologiques de l'homosexualité ?

L’argument le plus fort à mon sens est que l’orientation sexuelle est clairement contrôlée chez l’animal par les hormones pré ou périnatales. On voit mal comment au cours de l’évolution le contrôle d’une caractéristique aussi importante pour la survie d’une espèce (elle conditionne la reproduction) pourrait avoir changé de déterminisme pour passer sous le contrôle de facteurs de l’environnement tels que l’éducation ou les premières expériences qui par nature sont extrêmement variables. Par ailleurs, les études cliniques ont rassemblé un faisceau d’observations suggérant que les mécanismes hormonaux mis en évidence chez l’animal sont toujours en action chez l’homme.

 

Avez-vous eu, en dehors des éloges argumentés figurant sur la quatrième de couverture, des critiques venant de personnes développant des arguments différents ?

Plusieurs chercheurs scientifiques s’intéressant à l’endocrinologie du comportement et un neuroendocrinologue clinicien ont écrit des commentaires positifs sur ce texte. Deux de ces avis sont repris ci-dessous :

Pour un endocrinologue chercheur et clinicien qui a toujours été intéressé par les rapports évidents entre le système hormonal et les fonctions cognitivo-affectives, c'est une grande chance de disposer de cette réflexion biologique rigoureuse écrite par un des meilleurs chercheurs dans ce domaine. Il est remarquable qu'un scientifique fondamentaliste soit aussi proche des réalités cliniques auxquelles l'endocrinologue se trouve parfois confronté. Ce livre propose une analyse rigoureuse et très sérieusement documentée du problème de l'orientation sexuelle qui intéressera tant l'endocrinologue clinicien francophone que le grand public.

Jean-Jacques Legros, Endocrinologue

Unité de Psychoneuroendocrinologie, Université de Liège

Le sujet de la sexualité, l'homosexualité en particulier, constitue un dossier controversé dans presque toutes les sociétés humaines. En ce début de 21e siècle, elle demeure enveloppée dans un manteau de désinformation, d'incompréhension et de préjugés. Le livre courageux du Dr. Balthazart ose mettre en exergue la recherche scientifique sur ce sujet par une présentation claire, concise, et bien documentée de l'état actuel des connaissances concernant la biologie de l'homosexualité. Ce faisant, il fait exploser le mythe selon lequel l'homosexualité relèverait plus d'un choix ou d’une perversion que l'hétérosexualité. Sa présentation illustre, dans une perspective évolutive, comment les mécanismes et les régions du cerveau qui se sont spécialisés au cours de l’évolution dans le contrôle hormonal des comportements sexuels chez les mammifères inférieurs sont toujours manifestes chez l'homme. Il utilise des arguments biologiques et cliniques pour suggérer que des facteurs hormonaux et génétiques présents au cours du développement embryonnaire prédisposent l'individu à devenir homosexuel, mais aborde clairement les limites de notre état actuel de compréhension. Finalement, le Dr. Balthazart conclut que « l'homosexualité devrait être considérée comme une variation spontanée d'un caractère biologique, l'orientation sexuelle ». En d'autres termes, les homosexuels constituent une minorité sexuelle et devraient avoir les mêmes droits et privilèges dans la société que la majorité l'hétérosexuelle. Ce livre permettra d'éduquer à la fois la communauté médicale et le grand public sur l'existence de données fascinantes et convaincantes qui appuient fortement l'idée qu'il existe une base biologique à la sexualité humaine et par conséquent il devrait aider certaines personnes à accepter la sagesse de la diversité biologique.

Charles E. Roselli, Département de Physiologie et de Pharmacologie,

Oregon Health & Science University, Portland, USA

Le docteur Clerget reste par ailleurs non convaincu ; nous avons eu l’occasion d’en débattre en radio sur Radio France Internationale le 4 février. J’imagine qu’il en sera de même pour la plupart des psychanalystes.

Je n’ai enfin reçu à ce stade aucune réaction venant de la part des autorités religieuses.

 

Quelles sont les réactions du monde LGBT à la publication de votre livre ?

Parmi les très nombreuses réactions reçues, une majorité sont positives et me remercient pour l’éclairage que je donne de cette orientation sexuelle. Le déterminisme prénatal dont je défends l’existence annihile en effet les thèses présentant l’homosexualité comme une perversion, une déviance, un péché… Il devrait par ailleurs être de nature à déculpabiliser les homosexuels et leurs parents.

Ceci dit, une partie non négligeable des réactions est négative soit parce que certains revendiquent la liberté de leur choix soit parce qu’ils ont peur des dérives eugéniques qui pourraient être associées à l’identification des mécanismes qui contrôlent l’orientation sexuelle. J’ai répondu à ces objections potentielles dans mon livre.

 

Comment pouvez-vous, encore, nous rassurer sur la possibilité d'éviter les dérives eugénistes qui nous font craindre un monde où le test prénatal d'orientation sexuelle serait accessible ?

Un test de détection n’est pas, à ce stade, très proche car nous ne comprenons pas encore le détail des mécanismes impliqués. Ceci dit, si un tel test devenait disponible, il est clair que les comités d’éthiques devraient strictement contrôler l’usage qui en serait fait. Ceci ne vaut bien sûr que pour les pays démocratiques qui malheureusement ne sont pas en majorité dans notre monde. La connaissance est donc potentiellement dangereuse mais c’est vrai de façon générale et le chercheur, comme tout un chacun, doit rester vigilant quant à l’utilisation qui en est faite.

 

Vous êtes citoyen d'un royaume dont les avancées en matière de droit des homosexuels sont un exemple en Europe et dans le monde. Votre livre est paru le même jour que Casse-toi (1) du photographe Jean-Marie Périer dans lequel il dénonce le rejet de jeunes homos par leurs parents. Pensez-vous que la société belge est plus protégée de ce genre de dérives ?

La Belgique a effectivement une attitude assez progressiste dans ce domaine à l'heure actuelle. Je n'ai pas d'interprétation claire de cette différence par rapport à d'autres sociétés latines. Peut-être faut-il voir là un effet bénéfique de la grande diversité culturelle de notre pays.

 

Je vous remercie de nous avoir accordé tout ce temps et toute cette attention et souhaite que votre livre reçoive le succès qui lui est dû. Je ne peux que conseiller, tant il est riche de nuances et de précisions, sa lecture à tous ceux qui voudraient réagir à notre discussion. Rigueur scientifique et doute méthodique y accompagnent une réelle ouverture sur un sujet qui peut intéresser nombre d'entre nous, même si le « comment » est, pour beaucoup, plus important que le « pourquoi ».

 

(1) http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/22338

Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées :
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Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

  http://www.imprimermonlivre.com/catalogue_auteurs/photo1/978-2-9535497-0-6.jpg


Philippe ABRIC, Le Champ de coquelicots, Sorengo Éditions,

2009, 191 p., 15,90 €

 

Gentils coquelicots... Messieurs…

Le Champ de coquelicots est l'un des lieux imaginaires où Lionel se trouve emporté, éveillé, au hasard de ses rêves. Philippe Abric se place au cœur d'un groupe d'adolescents en centrant son regard sur ce singulier rêveur. Il nous présente également son frère aîné Jérôme et ses parents, sans oublier parents et camarades de classe, dont la petite amie de Jérôme.

Avec une infinie sensibilité, des descriptions très précises et une lucidité mouvante, l'auteur nous accompagne dans les actes et les pensées d'une semaine, celle qui précède le douzième anniversaire de Lionel.

C'est à un doux éveil au rude monde des adultes que Philippe Abric convie son lecteur en l'emportant dans les pensées de Lionel et de Jérôme. Si Jérôme est attiré par les filles, Lionel ne s'en soucie guère vraiment, sa relation avec son pote Romain va prendre d'autres sentiers plus ou moins détournés, que les nuages de la culpabilité n'encombrent à peine : les deux frères ont un ami commun, Nico, qui ne cache pas son attrait pour les garçons.

Ce roman paraît plus s'adresser à un public adulte qu'aux jeunes des âges des protagonistes. La langue est soignée, recherchée, les phrases ont une longueur qui pourrait rebuter un lectorat trop inexpérimenté. Contrairement aux livres du genre littéraire bien établi qu'est la « littérature jeunesse », on n'est pas happé dès les premières lignes, le premier chapitre, par une action rapide, un univers nouveau, un suspense insoutenable.

C'est à un public adulte de parents ou de personnes curieuses de l'éveil d'un ado de 2009 qui se découvre une orientation sexuelle probablement différente que ce livre apportera, dans sa lenteur et sa subtilité, le plus de joies et de pistes de réflexions.

Comme l'illustration de couverture (due au talent pictural de l'auteur) ou à un tableau impressionniste, on a plaisir, en suivant le détail de tel ou tel paysage, à le mettre en perspective avec les gestes, les actes et les réflexions des jeunes protagonistes de ce court, modeste mais réussi roman d'apprentissage.

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le site de l'éditeur, avec un lien vers la biographie de l'auteur :

http://www.sorengo.com/editions/index.html


http://legonepeint.unblog.fr/files/2009/03/020.jpg

 

INTERVIEW DE PHILIPPE ABRIC

Par  Gérard Coudougnan

 

Les Toiles Roses : Philippe, en écrivant ce livre avez-vous songé à un public adulte ou à un public adolescent ?

Philippe Abric : Ce livre, c'est un peu ma façon de revisiter un thème bien connu : celui du complexe de Peter Pan. C'est donc bien en me plaçant dans le référentiel d'un lecteur adulte que je l'ai écrit. Mais je me suis en même temps beaucoup servi de mes propres souvenirs d'adolescent pour étoffer le récit. L'idée même du scénario du livre, elle-même, m'est venue à l'âge de dix ans environ. C'est pourquoi je pense que les deux types de public doivent pouvoir s'y retrouver.

 

J'espère ne pas vous décevoir en classant votre livre en dehors de la « littérature jeunesse » : si je le conseille à toute bibliothèque municipale, je ne l'aurais pas placé dans mon CDI, non par son caractère ouvertement gay-friendly mais en raison de sa lenteur et de la longueur des descriptions...

Je prends plutôt cela comme un compliment. S'il est vrai que la littérature générale peut éventuellement convenir à un public jeune, la « littérature jeunesse » est, au contraire, généralement cantonnée à ce dernier. Je suis heureux d'avoir écrit un livre qui peut plaire, j'en suis sûr, au plus grand nombre, même si une certaine maturité est sans doute nécessaire pour l'apprécier totalement.

 

Vous avez, comme le prouve l'illustration de couverture, d'autres talents que celui d'écrivain...

J'ai, en effet, tenu à réaliser moi-même la couverture à partir de photos prises dans un champ non loin de chez moi. Je suis content de voir qu'elle arrive à susciter l'intérêt, ainsi qu'à transmettre, comme plusieurs lecteurs m'en ont fait la remarque, un élément important du roman : la nostalgie.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre éditeur ?

Mon éditeur est une personne qui m'est très chère et qui a accepté de donner une chance à mes écrits de trouver leur public. Si les affaires marchent, il s'ouvrira peut-être prochainement à d'autres auteurs proches de mon style littéraire.


http://krypton.mnsu.edu/~schumann/www/images/monet_po.jpg


La « science-fiction psychologique » dont il est question sur la présentation de Sorengo n'est-elle pas le caractère de toute création romanesque ?

Les romans que j'ai envie d'écrire, et ceux que mon éditeur a envie de publier, se doivent de flirter avec une part d'imaginaire et de réalité altérée plus importante que celle que l'on trouve à l'accoutumée dans un roman dit simplement "psychologique". Même si ce premier roman n'en est pas encore la meilleure illustration, j'espère avoir l'occasion d'illustrer encore mieux ce genre littéraire avec d'autres romans.

 

Quelles sont vos sources pour une description aussi fine de cette perception actuelle d'une différence d'orientation sexuelle, sujet qui évolue depuis notre propre adolescence ?

Je me suis beaucoup inspiré de mes propres souvenirs d'adolescent encore relativement récents. J'ai aussi des amis plus jeunes de quelques années, ce qui me permet de voir comment les choses évoluent avec le temps. J'espère que la vision que j'y dépeins de l'homosexualité ne fait pas partie des quelques éléments de mon roman qui lui confèrent une filiation avec la « science-fiction », même si, partant du principe qu'il se déroule dans un réalité altérée, je n'ai pas cherché à être systématiquement proche de notre propre réalité.

 

Le « à suivre » de la dernière page est-il le signal d'un Lionel plus âgé dont nous pourrions bientôt suivre l'évolution ?

Ce que je peux dire sans révéler l'intrigue, c'est que j'ai dès le départ conçu cette aventure comme un récit en trois actes. Le tome 2 est déjà bien avancé et j'espère avoir la chance de le publier bientôt si ce premier tome rencontre le succès escompté. Le « à suivre » de la dernière page est aussi un message pour tous ceux qui pourraient trouver la fin trop abrupte, trop déconnectée de tout ce qui a précédé : je veux dire de ne pas s'inquiéter car cette fin n'est peut-être au contraire qu'un recommencement...

 

Nous attendrons donc avec vous la suite des aventures d'un Lionel plus âgé, en vous souhaitant à tous les deux de toucher un large et nombreux public.


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées :
lestoilesroses@hotmail.fr.


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Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

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Antonio Manuel, Par amour, Atlantica, 2009, 269 p., 20 €.

 

J'ai lu Par amour comme on observe une immense tapisserie du XVIIIe siècle...

Antonio Manuel est l'héritier des plus grands maîtres lissiers de la manufacture espagnole de Santa Bàrbara. Ce jeune écrivain sait tisser les mots sur son métier d'homme de lettres. Son carton, son programme n'apparaissent pas dès les premières pages de ce travail dense et aux mailles finement ouvragées. Avec un peu de recul se distinguent des grandes lignes : l'amour en est, comme le titre l'indique, l'ordonnateur majeur. Amours d'un homme pour d'autres hommes, vécues sans aucune culpabilité mais avec de grandes interrogations sur l'étendue, les limites, les perspectives et les couleurs de ces personnages secondaires, les partenaires. Au premier plan se situent les parents : la mère, source tarie et ceux à qui l'œuvre est dédiée : le père espagnol illettré et viscéralement homophobe (1) et la grand-mère aimante.

Le style peut être rattaché à diverses écoles : Freud (avec des touches lacaniennes et doltoiennes), les principes du yoga et Jésus Christ, fils d'un dieu d'amour, qui a ressuscité Lazare.

Des écrivains jouent un rôle : Annie Ernaux, Madeleine Chapsal et Dominique Fernandez (1).

Les coloris sont violents et contrastés : les fils de la trame narrative ont été trempés dans le sang et les excréments ainsi que dans divers aliments (ingurgités ou régurgités) et des doses variables d'anxiolytiques et d'antidépresseurs. Le blanc lacté fait cruellement défaut à l'auteur qui recourt régulièrement au gris de son psychanalyste.

Antonio Manuel a remis plus de cent fois son ouvrage sur le métier à tisser les descriptions, les émotions, les aspirations, les déceptions, les affections.

Chaque mot, chaque phrase est un travail minutieux : les mots importants sont traités à la loupe étymologique, les personnages reviennent régulièrement préciser un profil que le maître lissier n'hésite pas à recadrer dans une nouvelle perspective à partir d'éléments de la toile de fond qui viennent modifier l'angle de vue. Un aplat devient un relief, un détail une pièce centrale.

Le corps de l'œuvre est celui de l'auteur : un champ de batailles où les étreintes sensuelles à deux ou trois sont aussi puissantes que le combat mené contre une maladie qui entraîne le narrateur dans des introspections douloureuses où se succèdent boulimie et anorexie :

« Mon corps exprime ce que je ne puis entendre. Il met en maux tout le maudit des mots, tout le rance du sentiment, le ferment de toute rancune. Ni haine, ni amertume, certifie ma parole. Mais mon corps désavoue cette vérité fourbe, juste bonne à tromper ma logique, ma raison. » (p.101)

Par amour est le poignant récit d'un combat entre cœur et corps, raison et passions. Le tableau d'un maître qui sublime ses douleurs dans une prose ciselée au scalpel. Rêves et cauchemars, sans doute plus près de la réalité d'un homme que de la fiction d'un narrateur qui réussit à nous entraîner vers une ligne d'horizon. Il est évident que cette écriture en a défini le cadre et les perspectives.

 

(1) http://www.lestoilesroses.net/article-32794391.html

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le blog de l'auteur :

http://antoniomanuel.over-blog.com/

Pourquoi écrit-il ?

http://sites.google.com/site/leslivresdantoniomanuel/a-la-question-de-savoir-pourquoi-j-ecris

Le site de l'éditeur :

http://www.atlantica.fr/

 

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INTERVIEW D’ANTONIO MANUEL

par  Gérard Coudougnan

 

 

Les Toiles Roses : Bonjour Antonio, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?

Antonio Manuel : Cette question m'évoque immédiatement la citation de Jacques Lacan ‒ dont je viens de lire le commentaire proposé par le philosophe Kévin Krantz dans son excellent ouvrage Le Soleil se lèvera-t-il demain ? : « Si un homme qui se croit un roi est fou, un roi qui se croit un roi ne l'est pas moins ».

En effet, c'est une question qui risque de me réduire à la réponse que je vais faire. Je ne me définirai pas, pour éviter le piège, par celui que je ne suis pas ou pense ne pas être, mais j'essaierai de ne pas me réduire à ma fonction sociale d'enseignant de lettres modernes, le premier élément de réponse qui me vient à l'esprit, après mon nom, quand on me demande qui je suis.

J'aimerais pouvoir me présenter, en cette circonstance, en me désignant, avec la même tranquille certitude qu'en répondant « professeur de lettres modernes », comme un écrivain. Je prends la peine de préciser cela parce qu'effectivement, pour moi en tout cas, et pour les personnes qui ne me connaissent pas intimement ou qui n'ont lu ni mon blog, ni mon site, ni mon roman, cela ne va pas de soi. Peut-être parce que je ne vis pas de ce travail d'écriture, et, c'est lié, parce que ce premier roman publié, bien qu'édité assez facilement, n'a pas bénéficié de la publicité nécessaire à sa diffusion et à ma reconnaissance en tant qu'écrivain.

Je suis donc professeur de lettres modernes, écrivain, professeur de yoga, à l'occasion, et je fais fonction de documentaliste depuis la rentrée scolaire. J'ai 42 ans. Je suis officiellement célibataire et je souffre d'une maladie de Chron. J'évoque la pathologie dont je suis atteint parce qu'elle est invalidante, d'une part, et conditionne donc ma vie, mais aussi et surtout parce qu'elle n'est pas assez connue, bien que de plus en plus fréquente comme toutes les maladies auto-immunes, et mérite qu'on en finance la recherche plus généreusement (1).

 

Mais Antonio, tu sais bien que la plupart des auteurs ont un autre travail (souvent, comme toi, dans l'enseignement). Peu nombreux sont ceux qui ne vivent que de leur plume. Faire éditer son premier roman à compte d'éditeur est déjà une reconnaissance. Ne crois-tu pas que ton livre, par sa thématique et son style, ne pourra toucher qu'un public forcément limité ?

Je suppose que par sa thématique tu fais allusion à l’homosexualité du narrateur. C’est vrai que le narrateur est homosexuel mais l’intimité forte que la narration à la première personne crée entre ce personnage et le lecteur me semble propice à l’abolition de toute altérité.

D’ailleurs le point de vue interne adopté introduit le lecteur dans le for intérieur du protagoniste depuis lequel le monde lui est donné à voir, à déchiffrer, à comprendre. Aussi l’identification du lecteur avec le narrateur favorise-t-elle le dépassement des frontières qui délimitent l’espace que sa différence en matière de sexualité pourrait étirer entre eux et participe-t-elle à la résolution de l’énigme que l’autre constitue trop souvent à nos yeux. 

Lire un roman c’est souvent essayer de découvrir ce qui se dissimule derrière l’opacité d’autrui. Et puis je pense, comme Baudelaire dans le poème liminaire du recueil des Fleurs du mal, intitulé « Au lecteur », ou Hugo dans sa préface des Contemplations, que le « je » est une personne interchangeable : au « je » du narrateur se substitue avec aisance celui du lecteur. Il devient ainsi instantanément, infailliblement, involontairement l’instance énonciative du récit dès qu’il en entreprend la lecture : « Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère ! » ; « Quand je vous parle de moi je vous parle de vous. Insensé qui crois que je ne suis pas toi ! ». L'expression de ce qu'il y a de plus intime en soi mène à l'universalité.

Pour ce qui est du style, si d’une certaine manière on peut le définir comme un écart par rapport à la norme, la transcription de la singularité d'un regard, celui du narrateur, à la fois précis et imagé, poétique et réaliste, je ne le crois cependant pas un obstacle à la lecture du roman qui en sélectionnerait le lectorat parmi l’élite intellectuelle, instruite et cultivée. J’en veux pour preuve son acquisition par plusieurs bibliothèques municipales de la région où il fait partie des 20 % de livres les plus empruntés. 

 

Ton roman est une autofiction : à quels jeux se livrent le je autobiographique et le je de fiction ?

Je comprends très bien ton emploi du mot « jeux »mais je le réfute. Il ne s'agit en aucune façon d'un jeu. Dès l'instant où j'écris « je », j'ai la sensation libératrice d'être moi dans mon intimité la plus honteuse, la plus sale, la plus impudique et dans le même temps de trahir celui que je suis du fait même de l'écriture. Je suis bien le narrateur du roman Par amour, néanmoins le choix des mots, la recherche d'une mélodie, d'un rythme, la quête d'un ailleurs stylistique me défigurent. Sans parler du souci de l'efficacité narrative ‒ que je considère comme une beauté plastique, comparable à la fascination éprouvée devant un tableau ou une sculpture ‒ qui déforme le réel vécu.

Il n'est donc pas question d'un jeu entre la fiction et la réalité de ma vie. J'utiliserais, au contraire, le mot « drame » dans sa polysémie : l'usage du « je »rend possible la création d'une action, celle d'écrire et de décrire une réalité jusqu'alors virtuelle qu'on appelle ordinairement « fiction ». Drame encore que cette condamnation de l'auteur d'autofictions à se dire pour exister.

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Dans cette partie de cache-cache, la recherche de la qualité stylistique, la quête d'une perfection littéraire est-elle un élément qui réunit réalité et fiction ou un défi qu'il incombe au nouvel être issu de cette fusion d'affronter ?

À la première partie de la question je répondrais, sans hésitation, par l'affirmative. Il n'y a pas de fiction possible si ne s'impose pas « une manière absolue de voir les choses », ainsi que Flaubert définit le style. Le style réunit la réalité et la fiction dans la mesure où il la crée.

Deux de mes frères ont rompu tout lien avec moi, en partie, parce qu'ils n'ont pas compris cela. Ils ont pris le style pour argent comptant. Autrement dit, ils ont considéré mon roman comme un vulgaire témoignage sur ma vie et n'ont pas du tout apprécié qu'il soit public, alors que la quête d'une perfection littéraire m'a nécessairement contraint à transfigurer la réalité, à l'altérer, puisqu'il s'agissait d'écrire une autofiction et non une autobiographie. Dans cette partie de cache-cache, ils n'ont pas su discerner le vrai du faux, la part du rêve de celle du réel.

En ce qui concerne la seconde partie de la question, je serais moins catégorique. Il est vrai qu'écrire ne transforme pas seulement le monde décrit mais aussi l'écrivain. Le défi est avant tout d'écrire, d'« oser écrire » pour reprendre le titre d'un livre de Madeleine Chapsal. Une fois, celui-ci relevé, le roman achevé, je ressens d'abord une libération sans commune mesure. Celle d'un devoir, vital, achevé. Puis, un tourment s'empare de moi. Lui ai-je été fidèle ? Ai-je vraiment respecté cette vérité ineffable qu'il m'incombe de révéler ? Suis-je réellement digne de les tutoyer ceux-là que j'aime, que j'ai aimés, cette famille qui comprend les noms des écrivains qui me sont chers ? Suis-je parvenu à faire encore quelques pas sur le chemin de ma vie et à accompagner le lecteur dans son propre cheminement existentiel ? Là est le véritable défi. Il nous incombe à tous: réussir à vaincre ou du moins à donner un peu plus de sens à l'absurdité de notre humanité, vivre pour mourir.

Alors parce que, comme tu le dis, du livre est né un nouvel être, je suis à même de marcher encore, « Je peux faire quelques pas / sans tomber / je viens de loin ». Eluard exprimait ce « dur besoin de durer » merveilleusement bien. Je peux poser sur ma vie un regard plus apaisé.

 

Il y a plusieurs séparations, plusieurs exils dans ton texte : une vie unifiée et un chemin régulier sont-ils des thèmes ennuyeux ou tout simplement inaccessibles ?

J'ignore ce qu'est une vie unifiée. Sans doute parce que la mienne ne l'est pas. Les séparations et les exils auxquels tu fais référence sont involontaires. La rupture du narrateur avec G. survient brutalement, de façon inattendue. Elle est une violence, peut-être salutaire, qui lui est infligée. Il la subit et il en souffre, passionnément. La séparation d'avec sa grand-mère maternelle, qu'il a toujours considérée comme sa mère d'adoption, le don quémandeur d'amour fait par sa mère biologique à sa propre mère, résulte de son décès alors qu'il est âgé de six ans. Cette disparition reste insensée pour lui car aucun adulte ne prend soin de la rendre signifiante. Ainsi, il n'assiste pas à ses funérailles mais est envoyé à l'école comme un jour ordinaire. Son obsession de la mort des siens, de sa mère en particulier, de tous ceux qu'il aime, et le fait qu'il vive toute séparation inhabituelle de façon maladive, dans la peur de perdre l'autre, dans l'angoisse de ne plus jamais le revoir, s'enracine dans ce traumatisme de son enfance. Le cancer fulgurant qui emporte son père en une semaine réactive cette ancienne blessure et lui permet d'intégrer l'idée de la mort sur le plan symbolique. Si l'on ne peut concevoir sa propre mort, comme l'explique Freud, la disparition définitive de son père lui enseigne que le deuil est moins pénible lorsque l'on comprend que le défunt reste en soi présent et que l'écriture l'éternise.

Pour ce qui est de l'exil, le texte en rappelle trois circonstances. Le premier exil, celui qui dramatisera les deux autres, est métaphorique. Il ne concerne pas directement le narrateur mais s'inscrit dans l'histoire des siens sous la forme d'une tragédie. Contraint, douloureux, c'est un déracinement qui élabore dans l'imaginaire familiale une mythologie conférant à la décolonisation de l'Algérie la dimension d'un tabou. Mythologie parce que l'Algérie devient progressivement une utopie, le non lieu d'un bonheur indicible. Tabou du fait de la souffrance que provoque son évocation.

Le narrateur nourrira toute sa vie une fascination ambigüe, une nostalgie sans cause pour cet orient méconnu mais néanmoins familier, proche comme peut l'être au réveil le souvenir rêvé d'un amour intense.

Le déménagement durant son adolescence, ce départ du nord de la France pour le sud, retentit, pour lui, comme la répétition d'un cauchemar.

Sa mutation professionnelle du sud de la France pour le nord cette fois, étrange et décevant retour aux sources, constitue le troisième et dernier avatar de cette série d'exils.

Il n'y a donc là aucun divertissement recherché comme remède à l'ennui d'une existence monotone parce que trop bien réglée. Ce sont plutôt les aléas d'un parcours imposé.

 

Quels rites, religieux ou spirituels, te paraissent les plus importants comme axes de l'existence de ton narrateur et/ou de toi même ?

Je n'aime pas le formalisme et l'aspect doctrinaire des religions. Mon narrateur s'est constitué un ensemble de croyances et de pratiques culturels ou cultuels qui sont le fruit de ses errements spirituels et de ses trouvailles bénéfiques.

Le yoga est une de ces pratiques que nous avons en commun mon narrateur et moi-même. Le terme d'axe convient parfaitement à cette philosophie qui a pour but, à mes yeux, d'orienter l'être vers le centre de transparence qui est en lui. De lui permettre de se relier à ce qu'il a de plus sacré, cette part d'éternité que l'on peut nommer Dieu ou bien énergie vitale, selon ses convictions.

Il m'est apparu comme une pratique complémentaire à celle de la psychanalyse dans la mesure où, par le biais des asanas ou postures, il laisse parler le corps afin de lui restituer son vrai langage au détriment de celui appris par les injonctions éducatives. Verticalité me semble être le mot qui résume l'ambition du yoga tel que je le conçois : étirement d'une colonne vertébrale qui tend à faire du corps la flamme qui brûle vers Dieu, de l'homme un trait d'union entre la terre et le ciel.

La lecture du Nouveau Testament avec la figure solaire, révolutionnaire, et infiniment bienveillante du Christ inspire également beaucoup le narrateur de Par amour. Elle pose à côté du modèle du Bouddha, celui d'un autre « éveillé vivant ». Le fascine surtout le cryptage poétique du langage du Christ qui réveille en lui une nouvelle puissance d'exister.

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L'homosexualité est-elle un élément qui a un rôle, une place (laquelle ?) dans ces axes de vie ?

Mon homosexualité guide tous mes choix. Je la crois à l'origine de ma pathologie parce que je l'ai lue dans le regard de mon père et entendue dans ses propos répétés comme une hérésie, un crime impardonnable, une tare, une abjection.

Je ne sais pas si je me suis haï d'emblée d'être la cause possible d'une telle ignominie en cas de révélation publique ou de découverte involontaire par autrui de cette appartenance à une minorité sexuelle ou bien si je l'ai détesté, lui, en premier. Le fait est que son désaveu s'il avait su, il me l'a introjecté dans l'organisme en une perfusion de chaque instant.

Faire une psychanalyse, pratiquer le yoga, écrire bien sûr, m'aident à réaliser une sorte de transfusion. Je tente de relever la tête, de me tenir bien droit pour pouvoir faire face au Père.

 

Tu travailles actuellement dans le Centre de Documentation et d'Information d'un établissement scolaire : quelles joies, quelle frustrations, quels sentiments en général t'apporte ce rôle d'intermédiaire entre des jeunes en construction et la place que peut jouer la lecture dans cette ouverture au monde ?

Cette question recoupe mes préoccupations actuelles. J'ai lu depuis le mois de septembre une infinité de romans destinés aux adolescents dans l'espoir d'en découvrir quelques uns qui vaillent la peine de les inciter à les lire. Aucun ne m'a vraiment enthousiasmé. J'ai fini par me dire que cette catégorisation était avant tout commerciale et qu'un roman pour adolescent est un roman que les adolescents prennent plaisir à lire. Le problème reste entier puisque, excepté les livres relevant du genre à la mode de l'héroïc fantasy dont certains élèves sont particulièrement friands, la plupart d'entre eux ne lisent que par obligation scolaire.

Je me sens donc frustré et je connais des heures de résignation avant d'être repris par l'exaltation à l'idée qu'en pénétrant dans le CDI, ils jouissent du bonheur potentiel inouï d'affronter le monde entier grâce à la lecture de quelques livres essentiels. Et s'il s'agit d'une de ces quelques journées de joie où un élève vient emprunter l'un des romans que j'ai exposés, accompagnés de quelques lignes de présentation incitatives, je me dis que tout n'est pas perdu.

 

Merci Antonio et meilleurs vœux de réussite.

 

(1) Site de l'A.F.A. : http://www.afa.asso.fr/


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées :
lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…

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Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

 
Frédéric Ange et Ganaël : "De il à il"
Au profit de la formidable association "Le Refuge"
soutenue par Les Toiles Roses
!
Soutenez, adhérez, faites un don...

 

Une chanson simple sur un thème très simple : l'amour.

Oui mais il s'agit ici de l'amour en général… entre deux garçons. Pas de plaidoyer, elle n'a pas été écrite rue Sarasate (1) et ses protagonistes ne marchent pas dans les villes, les banlieues les bidonvilles (2). Nous avons cherché des chanteurs qui « osaient », à part Dick Annegarn (3), nous n'avons pas trouvé grand monde. Dave nous a expliqué le pourquoi du comment de son silence, tandis que l'immense Trenet n'a jamais eu le courage ni l'audace d'aller au-delà d'une chanson crypto-gay quasiment inconnue (4).

Un bijou discographique encore disponible (5) rassemble plus d'un demi siècle de chansons « interlopes » rangées en deux CD : la dérision et l'ambiguïté.

Les coming-out récents de chanteurs de la nouvelle génération peuvent-ils faire avancer les mentalités et sortir de leur isolement moral les adolescents en détresse du fait de leur orientation sexuelle ? La situation est connue (6) mais il n'existe aujourd'hui que deux structures d'accueil, l'une à Montpellier et l'autre à Montreuil, offrant à plus de 300 demandeurs par an un REFUGE de… QUINZE places.

C'est pour eux, pour ceux dont s'occupe avec une ardeur et une conviction remarquables Nicolas Noguier et l'équipe du Refuge (7), qui a su attirer l'attention de Fadela Amara (8) que deux chanteurs se sont engagés et aujourd'hui une étape est franchie, grâce à Ganaël et à Frédéric Ange.

 

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La chanteuse Ganaël a déjà un long et beau parcours dans le monde de la chanson. Elle a écrit pour Nicole Croisille, Fabienne Thibaut, les Mini Stars, Richard Joffo, Line Renaud, Jean-Pierre Savelli ; Jacques Dutronc a composé des musiques pour ses textes.

Frédéric Ange (qui fut un temps Fred Ange) a travaillé dans divers médias gays et ses disques ne laissent aucun doute, ni sur sa révolte, ni sur son amour des garçons, lui qui cherche, selon son délicieux néologisme, son « hémisexe ».

Ces deux voix se sont unies autour de la cause du Refuge. Dans un texte où le pathos est absent, où le seul souhait consiste à chanter l'union De il à il, on fredonne la simple et belle mélodie de deux personnes qui rêvent d'une histoire d'amour aussi banale et extraordinaire que celle qui va De il à elle, ou dans le duo, De elle à elle.

 

(1) http://www.youtube.com/watch?v=6WLAGwndSg0

(2) http://www.bide-et-musique.com/song/12136.html

(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Dick_Annegarn

(4) http://www.deezer.com/listen-895133

(5) http://labelchanson.free.fr/interlopes.htm

(6) http://www.ho-editions.com/caddie/description.php?II=68&UID=2010010811003686.69.122.119

(7) http://www.le-refuge.org/

(8) http://www.dailymotion.com/video/xatfyn

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Sur Ganaël : http://www.myspace.com/ganaelchante

Sur Frédéric Ange : http:/www.fredericange.com

POUR FAIRE PLUS :

Adhérer au groupe FaceBook :

http://www.facebook.com/group.php?v=info&ref=mf&gid=154701991734

« Investir « dans ce disque de Ganaël :

http://fr.akamusic.com/ganael

Donnez  votre avis sur la chanson : http://www.youtube.com/watch?v=2wuBlZdSbs0

Adhérer à l'Association Le Refuge  (fiscalement non déductible) :

http://www.le-refuge.org/nous_soutenir/formulaire_adhesion_2010.pdf

Faire un don (fiscalement déductible) :

http://www.le-refuge.org/nous_soutenir/formulaire_de_don_2010.pdf

 

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Une discussion sur la Toile

entre Ganaël, Frédéric et le Père Docu

 

Les Toiles Roses : Bonjour Frédéric, tu n'es pas un inconnu pour un grand nombre d'entre nous. Entre tes émissions de télévision, tes chroniques et tes chansons, tu as déjà ta place dans le monde de la variété. Tu fus Fred Ange, tu es aujourd'hui Frédéric Ange : changement d'étiquette ou mutation plus profonde ?

Frédéric Ange : Effectivement, c'est un changement que beaucoup de personnes ont remarqué : j'ai voulu reprendre mon vrai prénom en entier, car je me suis dit qu'il manquait comme une autre partie de moi-même et c'est pour cela que je suis redevenu Frédéric. Un changement aussi dans l'écriture, une renaissance et ça fait un bien fou de se retrouver un peu plus naturellement, j'ai grandi (rire).

 

Ton précédent CD, Intersex était clair sur tes aspirations humaines... et ta gaieté. Comment le public a-t-il réagi à ton audace ?

Dans un premier temps, certaines personnes ne comprenaient pas la nature profonde d'Intersex, mon coup de gueule ou mon audace, je ne l'explique pas : c'est venu naturellement, d'autres se sont identifiés au texte comme un goût de déjà-vu chez eux.


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Il y a dans le monde littéraire d'interminables discussions sur l'opportunité ou non de discerner une littérature gay, que ce soit abstraitement ou dans les étagères des librairies. On trouve aussi des « rayons gay » chez les marchands de DVD. Vois-tu un intérêt quelconque (en dehors d'alimenter les pages de la presse people) à ce qu'il y ait un style gay dans la chanson ?

Non, je ne pense pas qu'il existe de style gay, je dis ouvertement que je suis gay lorsque j'écris mes propres textes, j'écris ce que je ressens sur ce dont j'ai envie de parler, beaucoup de chansons d'amour sont « accès  hétéro », d'un homme qui dit je t'aime à une femme et le contraire, il en manque dans le paysage de la musique, de vraies chansons qui n'ont pas nature à avoir de sexualité ou encore homosexuelle. On peut se souvenir du groupe Mecano ou encore de Lara Fabian mais qui parlait, elle, juste de différence, alors que je pense que l'amour est universel et n'a pas de sexe.

 

Dans ton adolescence, as-tu eu des exemples marquants, positifs ou négatifs, de personnages gays réels ou imaginaires (cinéma, littérature, etc.) ?

Je suis un grand fan du Petit prince de Saint Exupéry, que j'ai lu et relu des centaines de fois mais rien à voir avec l'homosexualité (rire). Rupert Everett m'a marqué non seulement parce qu'il était gay mais qu'il l'affirmait. Son côté très naturel m'a longtemps attiré et même encore aujourd'hui. Dans les années 90, deux films m'ont marqué, tout d'abord Pédale douce mais que je trouvais trop caricatural et ensuite Gazon maudit beaucoup plus profond, la profondeur aussi du film Le Secret de Brokeback Mountain, ce que j'aime dans les films c'est le naturel de l'homosexualité, pas les clichés.


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Ton duo avec Ganaël est un beau travail de simplicité, de sensibilité et d'émotion. Sais-tu si des radios « généralistes » l'ont inscrit dans leurs playlists ?

Nous sommes sortis du studio pour la dernière fois le 31 décembre, nous avons communiqué d'abord avec les internautes pour savoir ce qu'ils pensaient de la chanson, de ce duo et de notre lutte, nous sommes actuellement en train d'essayer de la faire rentrer en playlist, mais ce n'est pas évident de forcer certaines portes comme NRJ ou une autre radio. Je crois que si j'entends, ne serait ce qu'une fois, De il à il sur NRJ j'en pleurerais de joie, car cela voudrait dire que les radios aussi acceptent la différence et ce n'est pas encore le cas aujourd'hui.

 

Connais-tu Nicolas Noguier et as-tu rencontré des jeunes dont il s'occupe, avec un soutien plus symbolique que matériel des institutions ?

Non, je n'ai pas encore rencontré Nicolas Noguier, mais sur internet nous avons pu discuter quelquefois ensemble sur Facebook. Je lui ai ouvertement tiré mon chapeau pour son association, assuré que je serai toujours là et que je me battrai à ses côtés, en ce qui concerne les jeunes, âgés entre 18 et 27 ans. Le premier jour où j'ai rencontré Ganaël, un des jeunes était présent, c'est le petit protégé de Ganaël (rire), il ne m'a pas laissé indifférent, il est devenu mon petit ami, il est devenu mon combat et je me bats maintenant avec lui ; quelque part cette chanson est devenu notre histoire à tous les deux.


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Ganaël, j'aime ce disque et je veux l'acheter. Que dois-je faire ? Dans le prix que je vais payer, quelle somme ira à l'association « Le Refuge » ?

Ganaël : Dès que le CD sort, on va signer un accord avec le Refuge où je lui confirmerai que je vais reverser des droits d'auteur au Refuge, les droits d'auteur sur la chanson De il à il, comportant ceux de la vente des CD, mais aussi ceux des passages radio et télé. Vu que je suis auteure et compositeur de la chanson.

Sur le CD, on écrira « chanson De il à il au profit du Refuge ».... ce sera donc officiel et sans équivoque.

En plus, vu que la vente des CD ne rapporte plus beaucoup d'argent aujourd'hui, je vais donc m'engager à reverser des droits sur les passages télé et radio qui, eux, rapportent beaucoup plus et ceci dans l'intérêt du Refuge.

 

Comme cette discussion à trois me touche énormément, qu’elle rassemble tellement de valeurs universelles que nous défendons ici, aux Toiles Roses, et de vos vécus personnels, je vais vous laisser le soin de conclure en vous remerciant de ce que vous faites, de ce que vous êtes...

Frédéric : Je remercie Ganaël d'avoir écrit cette chanson, de m'avoir fait confiance pour l'interpréter. Avec quelques difficultés pour moi car toujours trop d'émotions m'envahissent quand je suis en studio et davantage quand elle s'adresse un peu à ce qui est ma vie. Je pense bien sûr à Richard Joffo qui m'a guidé en studio et qui est un peu le grand papa de cette aventure, à Arnaud Rozenblat, qui a été le premier à suggérer à Ganaël de me contacter pour ce projet, et à mon p’tit loup qui travaille à nos côtés pour que De il à il  soit visible partout. Je n’oublie pas tous ceux qui nous envoient des messages de félicitations et d'encouragements auquels on a un peu de mal à répondre : tant d'émotion, un vrai partage, pour une cause qui nous porte, pour Le Refuge.

Un grand merci aussi à toi Gérard de me soutenir depuis le début.

Ganaël : J'ai écrit cette chanson avec mon cœur, j'espère qu'elle plaira et que ce sera bénéfique pour le Refuge, cette indispensable association.

Je remercie Frédéric Ange de s'être lancé avec moi, de toute son âme dans cette aventure.

Frédéric Ange et moi remercions tous ceux qui nous soutiennent avec des commentaires qui font chaud au cœur, et qui nous prouvent qu'ils croient en nous.

En espérant que cette petite chanson pourra faire de grandes choses…


Le mot de Nicolas Noguier,
président de l'association Le Refuge :

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Ma rencontre avec Ganaël a été magique. Au-delà de son talent indiscutable, Ganaël a un cœur immense et une générosité qui la porte à réaliser des projets merveilleux. 

Je la remercie pour toute l'énergie qu'elle dépense au quotidien pour soutenir Le Refuge.

Je suis émerveillé et ému aussi par la voix de Frédéric Ange, un artiste qui a déjà fait ses preuves.

Leur merveilleux duo délivre un formidable message de tolérance et nous transporte. Je suis ému à chaque écoute.

Merci à tous les deux pour votre soutien au Refuge.

Grâce à leur formidable énergie et à votre soutien, nous pourrons développer et pérenniser nos actions à destination des jeunes en rupture familiale, victimes d'homophobie.

 

Nicolas Noguier, Président du Refuge


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.



TO BE CONTINUED…




Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

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Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles, Gyles Brandreth, éditions 10/18, 2009, 284 p., 7 €.

Oscar Wilde et le jeu de la mort, Gyles Brandreth, éditions 10/18, 2009, 460 p., 13,50 €.

Oscar Wilde appartient à « notre » histoire, ou plutôt à notre mythologie. Que savons-nous réellement de lui ? Nous avons l'image d'un auteur condamné pour ses relations avec le fils d'un noble, mort en exil à Paris. Son visage de jeune homme ou sa tombe monumentale du Père Lachaise sont quelque part dans notre mémoire visuelle. Que nous l'ayons lu ou vu représenter sur scène, Oscar Wilde est très flou : peut-être avons-nous plus d'idées précises de Dorian Gray que de son auteur !

Un écrivain anglais vient nous apporter un angle de vision totalement nouveau. À travers des enquêtes policières (trois dont deux traduites en français), il fait vivre Wilde à l'époque de son succès, entouré de ses amis dont Sir Arthur Conan Doyle et Robert Sherard, le narrateur.

Dans des romans policiers d'un style assez proche de Sherlock Holmes, on côtoie donc un homme marié et père de deux enfants, très amoureux de son épouse Constance. Il fréquente aussi de jeunes gens... sur lesquels le narrateur ne fait que des commentaires très étudiés : il connaît la vie privée de son ami et ne la juge jamais, en bon gentleman victorien.

Dans le deuxième tome, il fréquente même un autre gay célèbre, Christopher Bram, Le Père de Frankestein (1) avant son départ pour les États-Unis.

Il n'est jamais intéressant de commenter en détail des intrigues policières. Celles-ci sont très bien construites avec un Wilde dans sa vie quotidienne comme enquêteur, son esprit, son humour et ce que l'on devine du côté caché à peine dévoilé. En commençant par les chandelles, on pourra faire connaissance avec celui des deux romans où le rôle d'une homosexualité refoulée est assez important, mais je n'en dirai pas plus... Inutile de s'attendre à de grandes effusions viriles... même avec John Gray (2) ou Bosie, le flegme britannique reste l'atout majeur de ce narrateur érudit à qui on a souvent envie de dire : « Lâche-toi un peu, Robert, tu nous as dit que tu n'étais pas son amant, alors... »

Il n'empêche : le Père Docu est fier d'avoir déniché ça pour vous (lecture d'été ?) et bravo aux éditions 10/18 pour ce beau travail !

Lecteurs anglophones, attention ! N'achetez pas Oscar Wilde and a Death of No Importance ET Oscar Wilde and the Candlelight Murders, car il s'agit en fait du même livre avec deux titres différents, le premier aux USA et le second au Royaume-Uni !

 

(1) http://www.lestoilesroses.net/article-30995870.html

(2) Personnage souvent évoqué par Patrick Cardon dans son étude Discours littéraires et scientifiques fin-de-siècle (http://www.lestoilesroses.net/article-29701813.html).

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le site (en anglais) de ces aventures :

http://www.oscarwildemurdermysteries.com/

Une promenade avec l'auteur dans les lieux où se rendait Oscar Wilde : autopromotion intelligente !

http://www.youtube.com/watch?v=UfY7PotyrKM

Télécharger gratuitement le premier chapitre d'Oscar Wilde et le jeu de la mort

http://www.10-18.fr/grands-detectives-fiche-livre-9782264046505.html

Télécharger gratuitement le premier chapitre d'Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles

http://www.10-18.fr/grands-detectives-fiche-livre-9782264046499.html

Oscar Wilde :

Sur Les Toiles Roses : http://www.lestoilesroses.net/article-5363372.html

Sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Oscar_Wilde

On découvrira Wilde (et Bosie...) sous un angle tragiquement différent avec le livre et la pièce De Profundis : http://www.lestoilesroses.net/article-33923169.html

 

shabazz

Jack & Ellis, Shabbaz, H&O, 2009, 280 p. 14,5 x 22 cm, 17 €

États-Unis d'Amérique, 1970.

Jack Terrenoire. Trente-trois ans. Musique aléatoire mais choc prévu, programmé, inévitable.

Bi… Bisexuel... en attendant l'exclusivité dans les bras d'Ellis. Jacques est bipolaire, maniaco-dépressif : dépression et euphorie, enfer et... purgatoire. Lecteur de Genet, Navarre, Proust, Baldwin, Crevel…

Ellis. Barebacker de Cody, Wyoming. Trente ans. Un vrai dur à cuire qui monte à cru dans des compétitions de rodéo. Vous avez pensé qu'il se faisait enculer sans capote ? Pas son genre. Le vrai cowboy, blond, ténébreux, taciturne. Hétéro ? Connaît-il ce mot ?

L'intello français a divorcé et laissé sa petite Euryale à Mondeva, sa mère. Compositeur de musique électroacoustique, il a débarqué à JFK à la recherche d'une vérité. De sa vérité : une envie de corps d'homme, de bite, de foutre. Destination : le Wyoming : Ploucland où fut assassiné Matthew Shepard. (1). Ellis tire un coup à droite à gauche, Cassie l'infirmière, sa régulière, Janice, Alicia... pas de misère sexuelle mais pas loin de la misère tout court.

Source intarissable d'images, le film d'Ang Lee (2). Mémoire visuelle excitée par le cliché de couverture, nourrie tout au long du road-movie de Shabazz. Wanted : Bareback Mountain, pas celle des pornos qui ont sauté de bric et de Broke pour rebondir, peu ou Proulx (3), sur le thème des cowboys pédés. Une ferme au bord d'un lac, un lieu où vivre à deux. Deux mecs, Into The Wild. Animaux, nature, sexe et amour, un petit ranch d'enculés dans la sauvage prairie.

Ces deux-là vont en voir avant de...

Inutile et vain de vouloir résumer Shabazz, dangereux de singer un style si personnel qui ne doit effrayer personne. Je ne connais rien à la musique de Stockhausen qui rythme les soubresauts du périple de Jack. Il m'a embarqué sur ses divers pick-up (véhicules et musicaux) et j'ai même fait du rodéo avec Ellis. Si j'ai pour cela enfilé la chemise d'Ennis del Mar, c'est dans une aventure totalement différente que j'ai plongé. Dans un contexte d'homophobie à la violence difficilement conceptualisable avant la lecture de ce livre.

Un roman d'amour et d'Amérique. De musiques en tous genres. Violent et pénétrant, oui, comme vous le pensez, là où vous le pensez. Du cœur et du cul, de la merde et du whisky. Un idéal absolu : pas de bons sentiments, mais des brutes et des truands. Un style à la mesure des horizons parcourus, des rêves frôlés, des viols et des bastonnades vécus. Une aventure et un auteur dont on retiendra le nom : Shabazz, avec deux z.

 

(1) À la mémoire de qui le livre est dédié :

Matthew Shepard : http://www.matthewshepard.fr/texte.htm

Une loi américaine de juillet 2009 inspirée de son « cas »:

http://www.gayclic.com/articles/le_senat_americain_approuve_le_projet_de_loi_dit_matthew_shepard_act_.html

(2) Le film : http://www.lestoilesroses.net/article-1699378.html

(3) Le livre : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/11087

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le site de l'éditeur :

http://www.ho-editions.com/caddie/description.php?II=203&UID=2009071811153690.10.237.143

Le blog d'Euryale : http://blog.euryale.info/post/2009/05/05/Jack-Ellis-SHABAZZ

Bande son... juste pour accompagner la lecture de certains passages : inutile avant d'entrer dans l'histoire, et pas indispensable pendant ni après, elle est destinée à ceux dont Jack & Ellis auront excité la curiosité musicale

Xenakis (p.18) :

http://www.youtube.com/watch?v=9QQFnnpbA9Q

http://www.youtube.com/watch?v=gRLv2gQ_OeM

Franck Sinatra :

(p.18) http://www.youtube.com/watch?v=3RZK7Nw1QE4

(p.66) http://www.youtube.com/watch?v=vhO3NynS9FI

(p.212) http://www.youtube.com/watch?v=OrVnphtSOBU

(p.212) musique de A man alone http://www-v3.deezer.com/listen-89236

(p.212) http://www.youtube.com/watch?v=N0xiex71yxc

Someday, my prince ... http://www.youtube.com/watch?v=57HnHX-BlRg

Stockhausen :

http://www.youtube.com/watch?v=ofQshGGafYA

 

coeurdepierre

Le Cœur de Pierre, Christophe Lucquin, Montréal, Éditions PopFiction, collection Homonyme, 2009, 109 p., 12,7 x 20 cm, 12 €.

Pierre est un jeune homme de vingt-sept ans. Comme son créateur, il a bourlingué : la Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Niort, Paris, Madrid… Buenos Aires.

Ses amours sont difficiles et il ne nous cache rien de ce qui l’excite dans les corps de ses amants ni de ce qui l’attire ou lui fait peur dans la profondeur ou la superficialité de ses liaisons. Christophe Lucquin nous fait partager les émotions, souvent contradictoires, de Pierre.

Comme le suggère la photo de couverture, c’est au gré de pages d’écriture que ce cœur sera emporté au fil des rencontres. Comme un galet poli par les vagues, il va heurter son identité, sa culture, son éducation aux chocs de la vie. Amours, jalousie, rivalités, dans un univers gay où les corps, leurs frottements et jouissances variées ont des codes que Pierre analyse assez lucidement sans pour autant en tirer de solutions.

Ce premier roman utilise des styles variés, autobiographique, épistolaire des courriels, théâtral pour résumer la vie, cinématographique de certains dialogues. Le Cœur de Pierre est un bon essai romanesque sur la précarité du couple gay aux débuts du XXIe siècle.

Note : ce livre est le premier d’une nouvelle collection éditée au Québec, qui a déjà programmé deux autres titres d’auteurs français. Un bon moyen de renforcer les liens franco-québécois ? En attendant il est distribué à un prix français « habituel » (12 €) dans nos librairies réelles ou virtuelles habituelles.

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le site de l’éditeur :

http://editionspopfiction.com/francais/index.html

La collection « Homonyme » :

http://editionspopfiction.com/francais/Collection-HOMONYME.html

 

eudeline

Rue des martyrs, Patrick Eudeline, Grasset, 2009, 312 p., 18,50 €.

Un duo de mecs : Jérôme et Chouraqui. Une rencontre des sixties au Drugstore Saint-Germain : Jérôme a la rock attitude et veut devenir une star. Chouraqui est son producteur. Gudule entre les deux, paumée, shootée, amoureuse de Jérôme mais sensible jusqu'au bout aux étreintes féminines.

Et les échecs qui se suivent et se ressemblent, en 45 tours puis sur scène... jusqu'à une disparition complète, que Chouraqui ne peut admettre.

Patrick Eudeline compose la mélodie du temps qui passe, qui assassine et qui détruit, qui ressuscite pour mieux emporter. Les modes vestimentaires et les styles musicaux de la planète Paname. Les succès fugaces, les espoirs plus cruels que les déceptions.

Un voyage depuis les années soixante au fil des microsillons, des cassettes audio puis de l'arrivée de ce lien qui à partir de la page 223 donne à l'histoire un tour sur lequel nous nous sommes rencontrés, celui du réseau mondial de l'internet.

Le rock est le fil conducteur de ce récit : mode de contestation puis langage universel avant de devenir « niche commerciale » au milieu du village-monde où il a cessé d'être une référence pour la jeunesse.

Jeunesse qui se veut insouciante sous les codes vestimentaires qui détonnent, bref passage sur le devant de scènes médiatiques cruelles, combat pour la survie, pour la vie : Eudeline devrait par son style et son sujet capter un auditoire très large à qui il apportera une vision décalée et d'accès facile à un univers qui a laissé dans nos oreilles et dans nos têtes de nombreuses traces mélodiques.

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Interview de Patrick Eudeline :

http://www.menstyle.fr/culture/livres_photos/videos/090610-rencontre-avec-eudeline.aspx

Ses sources d'inspiration pour ce roman :

Non citée :

Alain Kan : http://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Kan

Citées en fin de livre :

José Salcy : http://www.retrojeunesse60.com/jose.salcy.html

Jacques Filh : http://www.bide-et-musique.com/song/11986.html

Critique de Rue des Martyrs par Les Obsédés Textuels :

http://www.lesobsedestextuels.com/index.php?post/2009/07/14/Rue-des-Martyrs-de-Patrick-Eudeline

 

sedaris

Je suis très à cheval sur les principes, David Sedaris, Éditions de l'Olivier, 2009, 292 p., 20 €.

David Sedaris pratique l'art du changement de monture. Quel que soit le manège, c'est toujours un « haras qui rit » devant l'inanité de ses gesticulations.

Voici un homme riche et reconnu qui promène un regard décentré plus qu'excentrique sur le monde de ce début de XXIe siècle. Son mari, Hugh, est homosexuel. Américain possédant une résidence secondaire en Normandie, il décide d'aller s'installer à Tokyo où il va, entre autres japonaiseries, s'inscrire dans une école de langues. Élève piteux, ses tentatives d'approche du monde japonais s'accompagneront de moments de désespoir d'une certaine drôlerie.

Voici un livre inclassable avec ses moments d'humour partagé et d'autres qui plongent le lecteur dans des abîmes de perplexité.

S'habiller ainsi « fait vraiment pédé ».

En France, on n'annonce jamais les coupures d'eau et on fait une utilisation vraiment excessive du mot « merde ».

Se lever pour aller faire pipi est vraiment très ennuyeux et il vaut mieux pour éviter cela se munir du dispositif réservé aux routiers pressés, aux incontinents et autres supporters sportifs impénitents, quitte à s'embrouiller un peu avec le préservatif adhésif, les tuyaux et le réservoir de ce Copain du Stade.

Les couples ont des conventions étranges et variables sur des thèmes tels que la couleur du papier peint, la monogamie, les sauces, les partenaires avec qui on peut coucher soit une seule fois, soit seulement à l'extérieur...

Curieux texte qui risque d'ennuyer les amis à qui vous le conseillerez en toute bonne foi et de passionner ceux à qui vous direz : « Je ne pense pas que tu aimeras ce livre ».

Loufoque et profond. Lucide et déjanté.

Drôle de drame. Bizarre : vous avez dit bizarre ?

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Pour les anglophones :

Biographie Wikipedia : http://en.wikipedia.org/wiki/David_Sedaris

Lecture du chapitre sur son Copain du Stade :

http://www.youtube.com/watch?v=YBdymtyXt8Y

Présentation de la version originale de ce livre :

http://en.wikipedia.org/wiki/When_You_Are_Engulfed_in_Flames


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.



TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 


Olivier Delorme, Comment je n'ai pas eu le Goncourt,

H&O éditions, 2009, 124 p. - 10€

 

Un Goncourt gay ?

En 2009, cela n'intéresserait pas grand monde de savoir quelles sont les préférences de l'auteur. Ce serait même presque « ringard » depuis Le Jardin d'acclimatation d'Yves Navarre (1), lauréat d'un prix que Jean-Louis Bory avait déjà remporté (avant sa sortie du placard) en 1945 avec Mon Village à l'heure allemande (2).

On connaît même des auteurs à l'homosexualité savamment médiatisée, subtilement dosée dans leurs écrits et entrant dans des canons tout à fait conformes aux moules éditoriaux. Victimes de leurs pulsions, martyrs d'une homophobie auto-entretenue, provocateurs d'une sexualité hors normes, ils pourraient prétendre au prix.

Le narrateur de ce petit polar n'est pas de ceux-là. Il « en est » avec un naturel et une lucidité désarmants et qui ont fait de lui l'auteur fétiche de bon nombre de gays lassés des clichés et des redondances sur « le douloureux problème de l'homosexualité ». C'est parce qu'elle n'est pas un problème pour lui que, de salon en salon, il nous en décrit de belles, entre la sublime Marina et cet obsédé de Cyrille qui ne pense qu'à tester l'hétérosexualité des notables locaux !

Une (seule ?) main mystérieuse assassine les rivaux de notre gay goncourable. Est-il aussi désintéressé et innocent dans cette hécatombe qui doit le mener vers la récompense suprême (il ne pense pas au Nobel tous les matins en se rasant !) ?

Olivier Delorme nous livre là son plus bref récit et c'est le moyen pour ceux qui ont la chance de ne pas y avoir goûté de faire connaissance avec lui. Ses pavés précédents ont pu en effrayer (à tort !) plus d'un : on retrouve ici une fine érudition, un esprit d'empathie et de complicité qui nous embarquent jusqu'à la table de Drouant sans nous laisser respirer, l'esprit tiraillé entre l'élaboration d'hypothèses et l'envie de savoir qui est visé sous tel ou tel pseudonyme.

Cela ne va pas aider l'auteur à trouver un nouvel éditeur, mais ses lecteurs auront gagné un nouveau moment de réflexion et de plaisir !

 

(1) Prix Goncourt 1980, superbement réédité il y a peu par H&O éditions.

http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I00001223/interview-d-yves-navarre-prix-goncourt-1980.fr.html

(2) Vidéo :

http://boutique.ina.fr/video/art-et-culture/litterature/AFE86003369/jean-louis-bory-recoit-le-prix-goncourt.fr.html

 

Note : on pourra savourer le délicat portrait de Verlaine décrit par un frère Goncourt :

« Malédiction sur ce Verlaine, sur ce soûlard, sur ce pédéraste, sur cet assassin, sur ce couard traversé de temps en temps par des peurs de l'enfer qui le font chier dans ses culottes, malédiction sur ce grand pervertisseur qui, par son talent, a fait école, dans la jeunesse lettrée, de tous les mauvais appétits, de tous les goûts antinaturels, de tout ce qui est dégoût et horreur. »

Edmond de Goncourt, Journal, 1er juillet 1893.

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Biographie : http://fr.wikipedia.org/wiki/Olivier_Delorme

Une interview hommage à H&O, son éditeur :

http://www.polychromes.fr/spip.php?article318

Son site internet : http://www.olivier-delorme.com/

Son blog : http://www.olivier-delorme.com/odblog/

Groupe d'amis FaceBook :

http://www.facebook.com/group.php?gid=85260688604&ref=ts

 

 

INTERVIEW : OLIVIER DELORME

 

Les Toiles Roses : Olivier, ton but en écrivant ce roman était donc de te fermer la porte de tous les « grands éditeurs » ?

Olivier Delorme : Non !!! Je rêve toutes les nuits de trahir H&O pour Chalminar, Alcuin Marcel ou Braisaillon, de devenir un Ôteur riche et célèbre, de sortir à chaque rentrée littéraire un produit (plus qu’un livre) de cent vingt pages écrit très gros, avec trois personnages et deux idées, parlant essentiellement de mon nombril, qui ne fasse surtout ni rire ni penser, qui n’ait pas le vulgaire de vouloir captiver par une vraie histoire, bien construite : chacun sait bien qu’après Auschwitz, le roman est mort.

Mais je n’y parviens pas.

Je voudrais, moi aussi, écrire en déstructurant la langue, outrageant la syntaxe et malmenant la grammaire parce qu’on ne peut plus écrire en bon français après Céline : c’est tellement ringard ! Bref, je ne rêve que de devenir un Ôteur à la mode, dans le vent, un Ôteur que s’arrachent toutes les maisons d’édition parisiennes, un Ôteur à prix que la critique encense – surtout Arnaud Viviant et Les Inrockuptibles !

Le vrai drame de ma vie, c’est que, malgré moi, je ne peux m’empêcher d’écrire sur le monde tel qu’il est plutôt que sur moi, de construire de vraies histoires, d’aimer la langue, les mots, les personnages, les intrigues et la critique sociale : autrement dit, je suis totalement irrécupérable.

 

Après tes « pavés », cet exercice de style est-il une récréation ou, pour le scénariste d'intrigues entremêlées que tu es, une épreuve ?

H&O m’a plusieurs fois poussé à me colleter avec des genres vers lesquels je ne serais pas allé naturellement : la nouvelle, l’érotique. Avec La Quatrième Révélation et L’Or d’Alexandre, j’ai voulu utiliser, en les subvertissant, les codes du thriller, pour embarquer le lecteur vers des univers, des émotions, des réflexions auxquels il ne s’attend pas forcément en ouvrant un livre « de genre ». Et ça marche ! Nombre de lecteurs m’en rendent témoignage. À chaque fois, les contraintes de forme que mon éditeur m’a suggérées ou que je m’imposais, ont enrichi mon écriture, fait travailler ce que je sais être mes défauts.

Il y a un peu plus d’un an, H&O m’a demandé si je serais prêt à lui écrire une novella, longue nouvelle ou court roman, qu’il comptait offrir dans le cadre d’une opération commerciale marquant son dixième anniversaire.

L’idée d’écrire quelque chose de drôle et ravageur sur la comédie du monde littéraire que je vois se jouer depuis 1996, date de sortie des Ombres du levant, me trottait dans la tête depuis un moment : les deux choses se sont culbutées dans mon esprit pervers. Suspense policier qui tienne la route, brièveté, causticité dans la satire de la Nomenklatura littéraire, raconter au lecteur ce qu’est la chaîne du livre et à quelle place (accessoire !) s’y trouve l’Ôteur : j’ai bâti l’histoire à partir de ce cahier des charges. Puis, une fois que tout était à peu près en place, l’hiver dernier, sur une île qui ressemble un peu à celle d’où le Goncourt arrache mon narrateur, je suis passé à l’écriture. Dans la jubilation. Et avec, en embuscade derrière l’imprimante, mon compagnon et âme damnée qui, à la première lecture, rebondissant sur mes provocations, me suggérait quelques loufoqueries supplémentaires : un grand moment de bonheur !

C’est lui, par exemple, qui a trouvé ce titre superbe : La Salamandre de Carinthie, grand roman de Marie-Monique Sénéchal, assassinée d’un coup de poinçon… comme Sissi – charge à moi, ensuite, d’inventer l’histoire que raconte ce roman. C’est lui qui a baptisé ce grand imposteur littéraire d’Antoine Zazor, à qui j’ai donné chair et qui ne présente bien sûr aucune ressemblance, autre qu’involontaire et fortuite, avec aucun Ôteur existant ou ayant existé !

En revanche, les frères Fedor et Michka Trepanov, ou Megana, l’inoubliable Ôteuse de Mon pet dans la piscine, il n’y est pour rien.

Bref, l’opération commerciale a été annulée et mon non-Goncourt est devenu un vrai livre, le plus léger en poids et en ton… pas forcément en contenu.

 

Que t'a inspiré la remise du prix Renaudot à Frédéric Beigbeder ?

Un immense et incoercible éclat de rire !

 

Et la polémique sur les propos de Marie NDiaye ?

Le 27 octobre 1966, André Malraux montait à la tribune de l’Assemblée nationale parce que des Raoult de l’époque accusaient le ministère des Affaires culturelles de subventionner un théâtre dans lequel on jouait Les Paravents de Genet, pièce jugée, par ces Raoult d’hier, insultante pour la France. Il leur répondait ceci : « La liberté n'a pas toujours les mains propres, mais il faut cependant y regarder à deux fois avant de la jeter par la fenêtre... (…) Vous avez dit que cette pièce était anti-française : elle est en fait anti-humaine, elle est anti-tout. Goya aussi l'était, comme on le voit dans les Caprices. Vous avez parlé de « pourriture » : soyez prudents ; avec des citations, on peut tout condamner. Que dire alors de Une Charogne de Baudelaire ? Je ne prétends certes pas que Genet est Baudelaire [ni moi que Mme NDiaye soit Genet]. Ce que je veux dire, c'est que lorsque quelque chose blesse votre sensibilité, il est déraisonnable de l'interdire : ce qui est raisonnable, c'est d'aller ailleurs. »

J’eusse simplement apprécié que, s’il avait eu un tout petit peu de courage, M. Frédéric Mitterrand répondît quelque chose dans le genre plutôt que de ramener le principe fondamental de la liberté d’expression à une question d’ordre privé.


 

Tu parles de Tigrane l'Arménien parmi tes romans et c'est le seul que l'on ne parvienne pas à relier à un titre existant : peux-tu nous en dire plus sur tes écrits actuels, en exclusivité pour Les Toiles Roses ?

On n’y parvient pas parce qu’il est en cours d’écriture ! Au printemps 2008, au salon du livre de La Gaude, dans l’arrière-pays niçois, je me suis trouvé confronté, à l’occasion d’un débat, à une Ôteuse qui fut naguère célèbre et qui a tenu devant moi des propos révisionnistes sur le génocide arménien qui m’ont révolté.

Chacun de mes romans naît d’une émotion forte, d’un sentiment que j’ai soudain besoin – un besoin absolu – d’écrire à propos d’une histoire humaine, une histoire de dignité humaine, de gens de chair et de sang à qui on a ôté le droit à la parole, une histoire qui m’a « pété » au visage à un moment de ma vie : la résistance grecque (Les Ombres du levant), la guerre civile grecque et la dictature des colonels (Le Plongeon), les disparus de Chypre (Le Château du silence), l’homophobie qui continue à tuer (La Quatrième Révélation) ou la vie qu’on fait et le regard qu’on porte sur les personnes qui ont un handicap (L’Or d’Alexandre).

Le prochain entremêlera deux époques, 1915-1920 et aujourd’hui, les histoires de Bedros Arevchadian et de son petit-fils Tigrane.

Mais j’ai dû m’interrompre dans l’écriture, il y a quelques mois, pour honorer la commande que m’a passée un grand éditeur parisien (ça y est, j’ai trahi !) : une synthèse sur l’histoire (je suis historien de formation) de la Grèce et du sud des Balkans, à paraître en principe en septembre 2010.

 

Entre le roman « sérieux » et les livres historiques, tu n'écris donc rien d'autre ?

Comme je l’ai dit plus haut, H&O m’a poussé au vice, il y a quelques années, en m’induisant à la tentation d’écrire des romans érotiques. J’en ai commis trois et je me suis bien amusé. Mais comme mes romans sérieux s’adressent à tout public, je n’ai pas voulu que des lecteurs non gays croient acheter un Delorme et se retrouvent dans un univers de croisière sodomite, d’équipe de rugby où les shorts s’envolent aussi vite que dans le calendrier annuel des Dieux du stade, ou bien encore dans le merveilleux monde d’un jeune magicien aux airs d’Harry P., mais qui s’intéresse surtout aux philtres aphrodisiaques et à certains usages du certaines baguettes magiques…

 

Pour en revenir à Comment je n'ai pas eu le Goncourt, il ya un personnage que tu aimes particulièrement ?

J'ai droit à deux ?

 

Si tu veux.

Cyrille et Marina bien sûr, avec qui nous formons sur les salons une redoutable bande des trois ! Sur Cyrille, je n'en dirai pas plus, j'ai maquillé son nom, parce que je ne voulais pas que ses frasques puissent lui porter préjudice auprès de son lectorat qui est, disons, moins déluré que lui. Marina, c'est Marina Dédéyan, que j'ai effectivement rencontrée sur un salon, qui est effectivement devenue une amie, qui nous donne effectivement le cochon d'Inde de son fils en garde pour les vacances – cochon d'Inde qui joue un rôle déterminant dans la résolution de l'énigme policière du bouquin par une Marina transformée en Miss Marple (en beaucoup plus sexy, je précise !)... Marina qui, paraît-il, me rend la pareille dans son prochain roman où elle a créé un guerrier viking complètement pédé ! Bien mieux que le Goncourt, non ?

 

[Note personnelle de Daniel C. Hall : Un grand merci à Olivier pour le temps qu’il a consacré à notre Coudou commun. Un grand merci, aussi, à Henri et Olivier (H&O) pour leur remarquable travail d’éditeur, mais aussi pour le repas gargantuesque de samedi dernier et pour notre Gay Pride dans les ruelles de Le Triadou avec Marco et Vincent. Bises.]

 

Toutes les photographies sont © D. R. Elles sont reproduites avec l'autorisation de Olivier Delorme.

Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 


Jean-Luc ROMERO, Les Voleurs de liberté : Une loi de liberté sur la fin de vie pour tous les Français !, Florent Massot, 2009, 234 p., 18,50 €.

 

Voici un coup de gueule du président de l'ADMD (1). Un plaidoyer vibrant et solidement argumenté pour le droit de mourir dans la dignité, un droit auquel chacun d'entre nous est sensible. Les exemples choisis sont percutants : Vincent Humbert bien sûr, mais aussi et surtout Chantal Sébire dont il a accompagné la lutte pour une fin de vie douce et digne.

L'homme a fait preuve de son courage, tant sur le plan personnel que politique. Premier homme politique français à avoir révélé sa séropositivité, c'est un homme de conviction plus que de clan. Il tire plusieurs fois à bout portant sur Christine Boutin dans ce livre et, s'il reconnaît des qualités humaines à celui dont il fait la tête de file des Voleurs de liberté, il a peu d'indulgence pour Jean Léonetti, député UMP et grand ordonnateur de l'actuelle loi sur la fin de vie ici analysée. Depuis son départ de l'UMP en 2006, Jean Luc Romero siège au Conseil régional d'Ile-de-France dans le groupe des Radicaux de Gauche, comme apparenté.

S'appuyant sur un vécu personnel d'accompagnant de malades, sur ses propres volontés de personne touchée par le HIV, il fait un large tour d'horizon militant des moyens de quitter dignement ce monde. Les expériences belge et suisse sont étudiées, mettant en avant leurs aspects les plus positifs, sans oublier une vraie enquête critique dans le cas de l'association Dignitas (2).

Ceux d'entre nous qui ont vidé leurs carnets d'adresses dans les années 80 et 90, ceux qui ont dans la poche et en tête leurs polythérapies savent plus que les autres de quoi il est question.

Il s'accompagne d'une importante documentation utile à ceux qui veulent prendre des précautions élémentaires contre l'acharnement thérapeutique (p. 185 à 235). En plus de l'actuelle loi Léonetti, on a le texte de celle proposée par l'ADMD, des fiches pratiques à laisser aux siens et des instructions claires à donner à son médecin traitant. Parmi les témoignages et testaments reproduits, celui de Ramon Sanpedro aura une résonance particulière pour ceux qui ont vu le film Mar Adentro (3).

On pourra seulement regretter que cette plaidoirie à laquelle on souscrit assez facilement tant elle est construite et argumentée ne tienne pas mieux compte des objections des « voleurs de liberté » que cette appellation discrédite d'emblée. La loi Léonetti qui condamne à mourir de faim et de soif les personnes dont la fin de vie a été décidée a fait preuve de son insuffisance. Il existe pourtant de sérieux arguments que l'on aurait aimé voir abordés par l'auteur. Ils concernent tout d'abord les patients atteints de maladies dégénératives au pronostic de mort clairement annoncé : dans un contexte de grave déficit de l'Assurance Maladie, comment ne pas craindre qu'à l'acharnement thérapeutique justement dénoncé par Jean-Luc Romero ne fasse place un souci d'économies, sachant le prix des derniers jours d'une vie à l'hôpital ? On peut donc compléter ailleurs son information et équilibrer ce cri par celui de ceux qui veulent « Plus digne la vie » (4) et même si dans ce groupe on trouve le nom du député Léonetti, nous sommes également sensibles à la présence d'Alexandre Jollien, brillant philosophe dont Le Métier d'Homme est un texte inoubliable, même lorsque l'on ignore que son auteur est infirme moteur cérébral, Elie Wiesel, Augustin Legrand (Les Enfants de Don Quichotte) ou Jean-Louis Fournier, auteur de Où on va, Papa ? (5) font également partie de ce collectif auquel on pourra tenter de confronter les arguments de l'auteur.

Le livre de Jean-Luc Romero est un élément important du débat sur la fin de vie. Avec une sincérité et l'engagement d'un homme qui n'hésite pas à bousculer les limites politiques et humaines, il apporte un point de vue passionné et passionnant sur le seul avenir que nous ayons tous en commun.

 

(1) http://www.admd.net/

(2) http://www.dignitas.ch/index.php?option=com_content&task=view&id=136&Itemid=173

(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Mar_adentro

(4) http://www.plusdignelavie.com/accueil.php

(5) http://www.handilove.com/?page=culture&idContentTxt=118&styleoff=&deficient=(ue=fr

POUR EN SAVOIR PLUS :

Biographie wikipédia de J.-L. Romero :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Luc_Romero#Carri.C3.A8re_politique

Son site officiel : http://www.jeanluc-romero.com/

Et son blog : http://www.romero-blog.fr/

Audition de J.-L. Romero à l'Assemblée Nationale devant la mission Léonetti, le 4 juin 2008 :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/commissions/droits-malades-20080604-1.asp

INTERVIEW DE JEAN-LUC ROMERO

 

Les Toiles Roses : Monsieur Romero, nous vous accueillons avec respect sur Les Toiles Roses à l'occasion de la publication de votre dernier livre Les Voleurs de liberté. La plupart de nos lecteurs connaissent la force de vos engagements et apprécient souvent votre visibilité dans un monde politique où l'homosexualité n'est pas un thème fédérateur. C'est sur le sujet de la fin de vie que porte ce livre, dont l'auteur est également président de l'ADMD, Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité.

Comment faire la différence entre une mort digne et un suicide assisté ? Quels sont les enjeux qui séparent ces deux concepts ?

Jean-Luc Romero : La dignité dans la mort est un concept qui appartient à chacun d’entre nous. Pour certains, la dignité peut être synonyme d’acharnement. Chaque respiration est une victoire sur le mal et chaque victoire est une dignité. Pour d’autres, la dignité peut être synonyme d’autonomie. La mort devant intervenir au moment où la vie n’est plus celle de liberté et de voyages que l’on s’est imaginée. Le suicide assisté, c’est un suicide commis avec l’aide d’une personne, parfois issue du corps médical. Évidemment, dans notre esprit, le suicide assisté se fait grâce à des produits médicamenteux qui entraînent une mort douce, sans souffrance. Le suicide assisté nécessite, dans tous les cas, que le patient puisse accomplir un geste, aussi minime soit-il, permettant d’être l’acteur de son suicide.

 

Vous faites un récit passionnant et très touchant de votre relation avec Chantal Sebire. J'ai regardé le numéro de Zone interdite qui lui a été consacré sur M6 le 30 mars 2008. Quand une personne décrète qu'elle refuse la morphine parce que « cela va la mettre dans un état comateux », je pense qu'il y a d'abord un vrai problème d'information médicale. Pour avoir été sous doses massives de morphine, j'ai pu faire l'expérience de la « juste dose » qui soulage sans faire perdre contact avec la réalité. Le refus par Chantal de la souffrance est naturel, mais refuser catégoriquement l'antalgique est comparable au paraplégique qui refuse le fauteuil roulant. Pourquoi, sans briser le secret de votre relation, un tel blocage ?

Depuis les années sida, il est reconnu aux patients le droit de prendre en charge leur thérapie. Le refus de Chantal Sébire lui appartient. Le fait qu’elle était allergique à la morphine est évidemment un élément de compréhension. Mais ce n’est pas le seul. Je crois que, comme beaucoup, Chantal souhaitait entrer dans la mort les yeux ouverts, et pas sous l’effet plus ou moins involontaire d’une surdose de morphine à laquelle, je me répète, elle disait d'ailleurs être allergique. Cette liberté et cette conscience faisait partie de sa notion de dignité dans la mort. Nous n’avons pas à la juger.

 

L'une de mes pensées, lors de mes nuits en soins intensifs, était : « Combien ça coûte ? Est-ce qu'on ne ferait pas mieux de me débrancher pour ce qu'il va rester du bonhomme ? » Si l'on parvient à obtenir une mort dignement assistée, quelles barrières pourra-t-on avoir contre un argument économique à l'abrègement rapide des souffrances ?

Cette pensée, vous l’avez eue alors que la loi n’existe pas – pas encore, aimerais-je dire ! C’est aujourd’hui que des lits d’hôpitaux sont vidés à la veille de week-end particulièrement accidentogènes. Les cas de personnes âgées dont on abrège la vie pour libérer des lits sont légions. L’argument économique est inacceptable pour moi. Et il pourrait exister dès aujourd’hui. En effet, les maisons de retraite, par exemple, pourraient être tentées de maintenir en état de survie des pensionnaires moribonds pour générer du chiffre d’affaires. Mais je ne crois pas à cet argument. Pour autant, la loi que nous demandons, la loi républicaine, protège des dérives, règle les situations et les actes. Elle protège celui qui veut vivre sa vie le plus longtemps possible, comme celui qui ne veut pas entrer dans l’enfer de la souffrance. Je fais souvent le parallèle avec le code de la route. Certes, certains chauffards ne le respectent pas. Mais il est pourtant la garantie de la cohabitation de tous sur la voie publique. En résumé, je dirais qu’il s’agit-là souvent d’un fantasme agité par les opposants à la liberté.

 

J'ai côtoyé des familles touchées par la maladie de Charcot (SLA) dont l'issue fatale est actuellement sans remèdes (1). La force et l'amour de ces familles qui cherchent à jouir de chaque instant d'une vie qui part en lambeaux me touchent autant que la volonté de celui qui refuse l'acharnement thérapeutique : ne croyez-vous pas qu'il y a là aussi une dignité à respecter ?

Au risque de me répéter, je réponds que la loi que nous demandons est une loi de liberté. Chacun, en conscience, soit parce qu’il l’exprime soit parce qu’il l’a écrit, a le droit de choisir les conditions de sa propre fin de vie. Et nul autre que lui n’en a le droit : ni les militants de l’ADMD, ni les médecins, ni le Pape. C’est pour cela que je ne suis pas le défenseur de ceux qui, croyant pratiquer une euthanasie, indiquent qu’ils ont lu la demande de mort dans les yeux du patient. C’est pourtant ce qui se passe encore trop souvent en France, que ce soit le fait de la famille, d’amis ou de médecins plus ou moins compatissants. Nous sommes résolument pour le respect de la volonté. Comme vous, je connais la maladie. Comme vous, je ne sais pas de quoi demain sera fait. Je ne sais pas plus ce que je souhaiterai au moment où… C’est pourquoi, je souhaite que le champ des possibles me soit ouvert.

 


Mettre dans un même sac tous Les Voleurs de liberté est une formule rapide et incisive. Pourtant, c'est aussi le risque de perdre de la crédibilité : entre le médecin qui dit « depuis la loi Léonetti, je peux proposer aux familles ce que je faisais en cachette, à savoir, augmenter la dose de morphine pour offrir un départ en douceur » et les marathoniens en blouse blanche qui foncent la tête entre les scalpels et le visage derrière le masque, sourds aux appels au dialogue, il y a une infinité de possibilités que votre raccourci élude !

C’est un point de vue. Les Voleurs de Liberté sont ceux qui font primer leur avis – voire leur idéologie – sur la volonté de celui qui est dans le lit. Qu’il agisse par compassion ou qu’il le fasse par intérêt, il reste celui qui se substitue de manière autoritaire, sans avoir été désigné par le principal intéressé.

 

Vous n’êtes pas tendre avec Christine Boutin et pour atteindre votre niveau en politique, il faut parfois avaler des couleuvres : avez-vous la possibilité de vous exprimer sur le cas Vanneste ?

Je ne souhaite plus parler de ce monsieur car à chaque fois, cela lui fait de la publicité. Le mieux est aujourd'hui de l'oublier car il n'existe que dans ses attaques contre les homosexuels. Il ne marquera ni l'histoire politique, ni la vie parlementaire et c'est très bien ainsi.

 

Dont acte : reléguons-le à la place qui est la sienne !

Durant ma maladie, j'ai reçu les anticorps de plus de 10 000 donneurs de sang. Beaucoup d'amis gays se sont sentis une vocation de donneurs, totalement vaine. Concernant ce refus du sang donné par les homosexuels, rien ne semble bouger, malgré le mouvement mené cet été par Fred Pecharman (Homodonneur, groupe FaceBook :http://www.facebook.com/group.php?gid=113488218027&ref=ts) : avez-vous les moyens d'informer vos collègues députés de cette situation scandaleuse ?

Cela fait plusieurs années que je lutte pour que la notion de populations à risques soit remplacée par celle – moins discriminatoire – de conduites à risques. En 2006 – il y a trois ans – le ministre de la santé d’alors, Xavier Bertrand, à ma demande, avait requis de l’Agence Française du Sang de modifier ses procédures pour intégrer cette nuance. Malheureusement, l’administration a joué la montre et la nouvelle ministre de la santé, Roselyne Bachelot, est revenue sur cette décision ministérielle. Aujourd’hui, rien ne justifie cette discrimination, condamnée par la Halde. Naturellement, j’ai saisi largement nos élus… mais sans succès à ce jour !

 

Dans vos combats, votre engagement d'homme dépasse les clivages politiques : est-ce la même chose dans les assemblées et les groupes de travail que vous fréquentez ?

Je ne peux pas faire de généralités. Certaines femmes et certains hommes sont ouverts, d’autres sont sectaires. Mais j’imagine que vous connaissez cela très bien. L’humanisme et la tolérance ne sont pas uniformément répartis sur cette terre. Et même si j’ai évolué dans mes croyances politiques, je ne dirai jamais que la lumière est ici lorsque l’ombre est là-bas.

 

C'est effectivement une très belle conclusion tout à fait en phase avec le mot d'ordre des Toiles Roses : « Infinie Diversité en Infinie Combinaison ». Merci de nous avoir accordé tout ce temps. Je vous souhaite le meilleur dans tous les domaines : la formule est banale mais aussi sincère que nos engagements communs.

 

(1) http://www.ars-asso.com/

 

Un immense merci à Isabelle Simon, attachée de presse chez Florent Massot, pour son professionnalisme si courtois et sa disponibilité !


Toutes les photographies sont © D. R. Elles sont reproduites avec l'autorisation de Jean-Luc Romero.


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…

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