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LA BIBLIOTHEQUE ROSE



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

Olivier DELORME, Le Plongeon, Béziers, H&O, 2008, 314 p. - 11 x 18 cm – 8,60 €.

Le Plongeon, que Patrick Poivre d'Arvor avait présenté dans Place aux livres sur LCI en août 2002 est aussi disponible en édition de poche.

C'est un vrai plaisir que de pouvoir s'offrir pour à peine plus de huit euros (moins cher qu'une entrée dans certaines piscines !) un plongeon humain, vivifiant et revigorant d'une telle richesse !

De vrais caractères (sans anglicisme !) sur une île-volcan, rocher fumant du Dodécanèse, à un « crachat » de la Turquie :

— Un couple d'hommes dont l'un est le géniteur du jeune garçon qui les accompagne,

— Un archéologue en bois d'Olivier,

— Une autrichienne au passé obscur et au patronyme évocateur,

— Le ballet du Poséidon Express et de l'Apollon Express,

— Du Campari à l'eau de Seltz et du galaktobouriko,

— Un ancien protégé de la mère de S.A. Sofia, reine d'Espagne,

— Une bouteille de vitriol,

—L'autochtone séduisant et le Grec de l'exil,

— Une mère sous antidépresseurs,

— Des bandes rivales de canards, mais aucun raton laveur...

Dans une construction chronologique décalée et agréable à suivre, avec ses instruments d'archéologue, Olivier Delorme explore méticuleusement les vestiges du lieu depuis lequel les anciens occupants de l'île plongeaient suivant un rituel précis.

Avec sa documentation d'historien, il nous éclaire sur certains aspects de la guerre civile grecque et de la seconde guerre mondiale... sans oublier le passé et les amours grecs.

Avec son amour de la Grèce, il nous fait vivre au rythme de ce microcosme qu'est une île grecque, si loin du pays-continent-archipel, et si proche du pays « rival ».

Avec ses convictions, il nous entraîne dans une réflexion passionnante sur un monde sans monothéisme, moins chargé d'absolutisme moral et de discriminations.

Avec son hédonisme, il nous fait partager une infinité de plaisirs sensuels, de joies physiques et intellectuelles.

Mais le mystère r(h)ode(s) et c'est une intrigue captivante qui saisit le lecteur dès le premier chapitre... et le mène au long de routes sinueuses du port aux lèvres du cratère, du cafeion au village de vacances, du monastère à la falaise, de « l'olivette de la veuve pendue » à la discothèque.

Nul ne sortira indemne de l'aventure : chacun va effectuer sa mue, son katapontismos, son plongeon personnel d'une vie à une autre... et pour l'un d'entre eux ce rite de passage prendra la forme d'un accident qui le laissera paraplégique...

Petit reflet du sens profond et subtil de la réflexion d'un auteur pourfendeur de tous les clichés, au moment où la photographie numérique transforme tant de vacanciers en aveugles paparazzi de l'inutile, ce court extrait (p. 239) : « En cessant de me croire obligé de photographier, j'ai cessé de me croire obligé de lire tous les livres, d'avoir quelque chose à dire ... ou de me sentir coupable parce que je n'en pense rien. Je n'avais plus de compte à rendre, ni aux copains, ni aux parents, ni à Dieu... »

POUR EN SAVOIR PLUS :

Site de l'auteur : http://www.olivier-delorme.com/presse/presse_plongeon.html

À cette page, suivez le lien "Grande interview d'info-grèce" pour obtenir plus de détails sur Le Plongeon.

Les lieux : http://www.nisyros.com/

Une superbe critique : http://www.olivier-delorme.com/presse/articles_plongeon/cite_gay.pdf

 


Françoise Hardy, Le Désespoir des singes et autres bagatelles, J'ai Lu, 2009, 416 p. - photos, 14,95 €.

L'autobiographie d'une chanteuse dans la bibliothèque rose.... Dalida ? Barbara Streisand ? Mylène Farmer ? Hervé Vilard ? Vous n'y êtes pas du tout.

Souvenirs... quand nous entendions cette chanson : http://www.deezer.com/track/540002

Son refrain avait pour nous un sens plus profond et c'était moins l'absence d'amour qui nous tourmentait que le fait de savoir si nous allions le rechercher parmi tous les garçons OU les filles de notre âge....

Françoise Hardy est sexagénaire et ce n'est pas une icône gay. Et alors ? Son autobiographie offre de vrais moments de plaisir et de réflexion avec de petites confidences sur des personnalités du monde de la chanson, du cinéma et des médias. Avec modestie, sans exhibitionnisme ni fausse pudeur, Madame Dutronc évoque son métier de chanteuse, ses amours de femme et de mère, en confessant à la fois ses doutes et son perfectionnisme, ses échecs patents et ses succès discrets.

Jacques Dutronc est au centre de ce livre, comme l'indique malicieusement le titre. L'homme au cigare, acteur et chanteur mériterait le signe astrologique du muffle...

L'astrologue vous énerve ? Elle met dans ce livre stars et étoiles en perspective : on découvre qu'elle ne s'entend pas du tout avec Elizabeth Teissier (1), ce qui la rend a priori plus fréquentable aux rationnels impénitents, impression confirmée par son absence de foi en une astrologie prédictive. Les cieux du jour de naissance interviendront ça et là dans le récit, avec une dominante plus psychologique qu'ésotérique.

Éloignée des pouvoirs, sans véritable engagement politique (au point de se faire piéger par des journalistes peu honnêtes), la chanteuse ne cache rien de ses facilités matérielles ni de ses fragilités existentielles. Que l'on soit ou non amateur de sa production musicale, son style littéraire, sans prétentions, est efficace et peut toucher le lecteur curieux des expériences humaines. La relation Hardy-Dutronc est une aventure qui concerne ceux qui, par une vie de couple non monogame séparent la tête et les fesses, le cœur et le sexe. Rien n'interdit d'en tirer une intéressante analyse d'un attachement (ici féminin) indéfectible à un homme, quels que soient le nombre et la nature de ses aventures extra conjugales.

Traverser avec Françoise Hardy la deuxième moitié du siècle dernier est une promenade où chacun peut trouver des moments de complicité. Le titre n'est pas trompeur : les bagatelles abondent, autour d'une histoire où quelques primates tentent de se hisser plus haut. Chansons et films, chanteurs, acteurs et cinéastes jalonnent un parcours où le lecteur fait coïncider musiques et scénarios avec la bande son et les images de sa propre existence.

 

(1) À propos de qui on savourera les études zététiques…. http://www.zetetique.ldh.org/et0.html

 


Alon HILU, La Mort du moine (traduit de l'hébreu par Emmanuel MOSES), Seuil, 2008, 329 p. - 15 x 22 cm, 23 €.

Discriminations fatales : Un fait historique majeur revisité sous un angle gay est le thème central de ce roman historique couronné en Israël par le prix du Président 2006.

L'affaire de Damas est, avec l'affaire Dreyfus, l'un des événements centraux de l'histoire juive du XIXe siècle. Elle demeure un élément de référence actuel vivant dans la mémoire des habitants du Proche Orient du XXIe siècle : feuilleton égyptien récent, publications « scientifiques » syriennes, allusions internationales lorsqu'un enfant palestinien est tué par des balles israéliennes sous les caméras de France 2 le 30 septembre 2000 (affaire Al Doura) sont trois exemples d'exploitation antisémite de ce « fait divers » tragique.

En 1840 à Damas, un moine catholique disparaît sans laisser de traces, à la veille de la Pâque juive.

Les soupçons se portent « automatiquement » sur les Juifs de la ville et un déchaînement de passions religieuses, économiques, politiques va se déclencher sur une ville majeure de l'empire ottoman en déclin.

Alon Hilu apporte une nouvelle vision de ces faits, toujours inexpliqués, même si sur la tombe du père Tommaso, on peut toujours lire qu'il a été « assassiné par les juifs ».

On suit avec un intérêt soutenu une véritable intrigue psychologique, politique et policière avec de rares moments de tendresse et de partage sensuel pour un garçon qui vit comme un handicap insurmontable son attirance pour les hommes.

Dans sa traduction, Emmanuel Moses utilise une langue un peu chantournée, mais fluide et agréable. Le narrateur est Aslan Farhi, qui passant de la première à le troisième personne, se présente comme coupable de ce meurtre. Au cœur de sa confession, une mésestime complète de lui-même, dans un contexte de rivalités séculaires entre les adeptes des trois monothéismes réunis dans une « cocotte minute » où l'homophobie ambiante est l'étincelle qui va déclencher un déluge antisémite qui atteindra, via leurs délégations consulaires, la France et la Grande-Bretagne et touchera toute la diaspora juive au moment où le sionisme est en train de prendre une forme politique de plus en plus concrète.

C'est un vrai voyage dans le temps et dans l'histoire des mentalités qui est offert au lecteur, une réflexion profonde sur les discriminations croisées, la réalité ou la fiction d'une solidarité entre homosexuels, au-delà des appartenances ethniques et religieuses : à méditer pour nos propres combats ?

POUR EN SAVOIR PLUS :

En français :

Interview de l'auteur au sujet du roman :

http://bibliobs.nouvelobs.com/2008/03/14/alon-hilu-l-affaire-de-damas-version-gay

L'affaire de Damas racontée par l'actuel ministre syrien de la Défense (ou actualité de l'antisémitisme) :

http://www.memri.org/bin/french/articles.cgi?Area=ia&ID=IA9902

L'affaire de Damas et les prémices de l'antisémitisme moderne :

http://www.cairn.info/revue-archives-juives-2001-1-page-114.htm#no39

En anglais :

Site de l'auteur : http://www.alonhilu.com/home.html

Article wikipedia sur le roman : http://en.wikipedia.org/wiki/Death_of_a_Monk


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…



Le Père Docu joue l'envoyé spécial des Toiles Roses au festival d'Avignon : il fait péter les notes de frais : TGV, hôtel 5 étoiles, restaurants de luxe, avec son escort boy favori (un certain Bernard qui n'a pas encore réussi à le fourguer au boss des Toiles Roses).

Durant ses quelques heures de lucidité et de mobilité quotidiennes, le Père Docu abuse de la confiance de quelques troupes qui auront eu pitié de ce pauvre homme et à qui elles font l'obole d'une invitation... et l'honneur d'une conversation.

 

 

Chroniques des temps de sida

Écrit et mis en scène par Bruno Dairou, avec Laurent Ciavatti et Antoine Robinet.

Compagnie « Pourquoi ? »

Au Théâtre du Vieux Balancier, 2 rue d'Amphoux, tous les jours à 13h jusqu'au 31 juillet.

Climatisation et accès handicapés. 45 places.

 

 

Le théâtre du vieux balancier est un lieu minuscule dans une ruelle du vieil Avignon. Quelques fauteuils de cinéma fatigués et des chaises devant une petite scène et les acteurs qui passent par la rue pour revenir sur les planches en changeant d'itinéraire. Un décor minimal qui doit être compatible avec les cinq spectacles occupant successivement les lieux : du pur « lieu du off » avec la mention « confortable et chaleureux »... qui n'est pas partout une règle absolue !

J'avais repéré et choisi ce spectacle en raison du mot « sida »... Si vous craignez entendre des propos sur la maladie, prenez place sereinement, il n'en sera pas explicitement question. L'auteur a choisi ce repère pour des raisons chronologiques afin de relier deux saynètes déjà jouées : Les Cimetières du nord (1996) et Parce que ce soir-là il y avait du vent (2005). Les deux personnages des deux moments évoluent dans le même univers carcéral, dans un contexte où ils sont des parias.

Les dialogues de la première partie sont violents, percutants, entre celui qui occupe les lieux (une cellule ?) et qui accueille, dans une alternance d'agressivité et de tendresse masquée, un nouveau venu. Les deux hommes sont issus de milieux sociaux différents, opposés. Enfermés pour des motifs semblables (opinions politiques ? orientation sexuelle ? maladie ?), leur débat peut devenir un peu abstrait, métaphorique.

Cette première partie est en 2009 trop allusive pour avoir la force qu'elle eut lors de sa création quinze ans plus tôt : Bruno Dairou m'a expliqué qu'elle avait été écrite à un moment où un borgne haineux parlait de « sidaïques » et où l'homophobie avait trouvé dans le « cancer gay » un argument supplémentaire. Ce contexte donnait aux Cimetières du nord une force plus difficile à ressentir aujourd'hui, quelles que soient les qualités d'interprétation de Laurent Ciavatti et d'Antoine Robinet.

Dans la deuxième partie, Antoine Robinet est seul et se met à nu, dans tous les sens du terme. Son propos n'est pas un monologue : il va successivement se fixer dans les yeux de chacun des spectateurs pour le prendre à témoin, lui glisser une confidence, lui faire un aveu, provoquer son indignation ou son étonnement. Plus encore que sa beauté physique, c'est par la force de son regard, qu'il subjugue. Avec un texte sur l'exclusion, la différence, le poids du regard des autres, il réussit à « rendre cette fragile passerelle entre le dit et l'inexprimable » (1) et donne à ces moments trop courts une vraie force émotionnelle et humaine.

 

(1) in Notes d'intention de mise en scène, dossier de presse.

 

Pour aller voir Chroniques des temps de sida :

http://www.avignonleoff.com/programmation/2009/spectacles/theatre/C/chroniques_des_temps_de_sida_3136/lieu/vieux_balancier_276/

Le site de la Compagnie « Pourquoi ? » (en construction en juillet 2009)

http://www.compagniepourquoi.com/

 

*

Un mariage follement gai

De Thierry Djim, avec Geneviève Gil, Sylvia Delattre et... Thierry Dgim.

Tous les jours à 18h au Paris III, 5 rue Henri Fabre : 90 places, climatisation, fauteuils, accès handicapés.


 

Le Paris est un ancien cinéma qui n'ouvre plus que pour le Festival OFF, à deux pas de la « rue de la Ré » et à cinq minutes de la place de l'Horloge.

 

Sébastien fait « un peu » de musculation pour entretenir son corps... Il ne veut pas déplaire à Jean-René, son mec... Les spectateurs se voient, eux, soumis à une bonne heure de musculation intensive des zygomatiques, sans recours à un quelconque artifice de type « sport-élec ».

Voici le genre de spectacle qui n'est pas réservé à un public spécifiquement gay. La salle est comble : tous les âges, tous les genres sont représentés et les enfants rient autant que les aînés.

Cet humour est sain, d'une immense finesse. Sous une allure Birkenstock de l'humour, Thierry Djgm chausse (au propre comme au figuré !) des talons aiguilles pour faire réfléchir tout en amusant. Sans aucune pesanteur, sans jamais intellectualiser ni ridiculiser des sujets aussi lourds que l'homophobie ou le coming out, il plante en cinq tableaux enchaînés de main de maître un récit burlesque, authentique et bourré de clichés intelligemment cadencés.

Les Feux de l'amour, Chantal Goya, Madonna, Les Dieux du stade, Jean Galfione, Catherine Lara et même Florent Pagny et Pascal Obispo sont au programme de cette folie théâtrale.

Le texte de Thierry Dgim est travaillé au millimètre près : s'il a un écho plus fort chez les gays, il n'y a aucune « private joke » inaccessible au grand public, aucune vulgarité. Une autodérision mesurée (« On n'est pas des pédés ! ») et surtout l'envie de recommander ce spectacle à TOUT LE MONDE. LGBT comme parents, amis et... ennemis qui en sortiront sans nul doute avec un regard différent sur des thèmes auxquels ils n'avaient jamais songé. Le parfait exemple de travail léger, subtil et tellement drôle contre... contre quoi ? Ah, on peut encore être homophobe après avoir vu Un Mariage follement gai ? J'étais tellement gai que j'ai pensé que ce mot était déplacé en ces lieux !

 

Pour y aller (dernier jour le 31 juillet 2009) :

http://www.avignonleoff.com/programmation/2009/public/U/un_mariage_follement_gai_-_1786/lieu/paris_-le-_266/

Réservez : c'est souvent complet : 08 99 70 60 51 (1,34€ l'appel + 0,34€ la mn)

Vidéo : http://www.wideo.fr/video/iLyROoafYQ9Q.html

Le site de Thierry Dgim :

http://www.thierrydgim.com/index.html

 

*

De Profundis

D'Oscar Wilde, par le Théâtre de l'Ours, avec Jean-Paul Audrain.

Mise en scène de Grégoire Coette-Jourdain. Avignon festival OFF.

 


Jean-Paul Audrain est seul sur une scène au dépouillement parfaitement étudié. Il ne joue pas Oscar Wilde : il est l'écrivain déchu, incarcéré pour deux années au pénitencier de Reading sous le matricule C 3-3. Tel un conjoint déçu après un divorce prononcé à ses torts, il énonce la stratégie judiciaire dans laquelle il s'est lancé pour satisfaire la haine de son jeune amant Bosie envers son père, marquis de Queensbury, qui saura habilement amplifier le conflit père-fils d'une ostracisation de l'homosexualité, punie par les lois du Royaume-Uni victorien.

Procès perdu aux conséquences fatales pour le dandy irlandais à qui l'on va retirer ses enfants chéris, qui va devoir divorcer, et être déclaré en faillite : il ne survivra pas trois ans à sa libération.

Ce texte n'était pas destiné au théâtre. Il s'agit d'une lettre à celui par qui, pour qui, il se retrouve aux travaux forcés et qui a disparu. Wilde l'intéressait sur son piédestal ; l'homme cloué au pilori a quitté ses pensées. Lettre d'amour, de justifications, de reproches, concerto d'amertume mais aussi brillante leçon d'espoir, de renaissance de celui qui, après l'épreuve de la vindicte publique sur le quai d'une gare a appris la valeur d'un « bonjour Monsieur » qui, dans la bouche d'un gardien, suffit à illuminer une journée.

La mise en scène de Grégoire Couette-Jourdain est un écrin brut qui donne aux mots de Wilde une force que l'on n'attendrait pas d'un style épistolaire. Ses références à la « Première épître aux Corinthiens » de Saint-Paul, l'apôtre de l'homophobie (1) sont de moindre importance par rapport à son inspiration, également citée dans le dossier de presse, des toiles d'Egon Schiele (2) dont Jean-Paul Audrain atteint la force d'expressivité.

Le décor est celui d'un lieu de réclusion : une cellule de prison qui pourrait être aussi une chambre d'hôpital ou de centre de rééducation...

Sans donner aucune leçon, ce témoignage de résistance face à une douleur exquise atteint une valeur universelle.

 

Pour aller voir De Profundis à Avignon jusqu'au 31 juillet 2009, tous les jours à 15h30 :

http://www.avignonleoff.com/programmation/2009/public/D/de_profundis_3221/lieu/luna_-theatre_la-_315/

Salle accessible aux handicapés (attention : gradins) 70 places, climatisation.

 

(1) Première épitre aux Corinthiens, 6 – 9, 10 : Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point le royaume de Dieu? Ne vous y trompez pas: ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, [10] ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n'hériteront le royaume de Dieu. 

On trouvera bien pire dans l'épitre aux Romains, 1 – 26, 27 :

http://www.ebible.free.fr/livre.php?_id=ro&_chap=1

(2) Œuvres d'Egon Schiele :

http://images.google.fr/images?rlz=1C1GGLS_frFR320FR320&sourceid=chrome&q=egon+schiele&um=1&ie=UTF-8&ei=ShRgSt32FN2fjAfrl6G9Dg&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=1

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le site de la compagnie : http://theatredelours.typepad.fr/

Oscar Wilde : sa vie, son oeuvre : http://fr.wikipedia.org/wiki/Oscar_Wilde

Compléments bibliographiques :

De Profundis : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5212

Le Procès d'Oscar Wilde : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/13304

L'affaire Oscar Wilde : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/3779

 

[Remerciements] : Daniel C. Hall, Big Boss des Toiles Roses, remercie les responsables des différences compagnies et tous les acteurs des spectacles présentés ici d’avoir invité nos collaborateurs et les avoir si bien reçu, comme tout représentant de la presse « officielle ». Merci à vous toutes et tous, et bravo pour votre passion et votre talent.



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

Jérémie SARIEL, J’ai eu quinze ans, Éditions Gaies et Lesbiennes,
128 p., 2009, 5 €

 

Un roman « à l'eau d'étoile rose » vient de paraître... Les Toiles Roses l'ont déniché pour vous !

Entre La Vie est belle et Moi Pierre Seel, déporté homosexuel (1), la place est large. Elle a été cinématographiquement enrichie par Bent (2) et Un Amour à taire (3). Les références historiques du drame des Triangles roses ont été en France cernées par divers travaux de Jean Le Bitoux (conseiller du téléfilm Un Amour à taire) et le contexte général de la sexualité des années 1940-1945 récemment scénarisé en « défaite des mâles » historique par Patrick Buisson (4).

Le roman de Jérémie Sariel ne peut être qualifié de roman historique : qu'importe ?

Il agacera les maniaques de l'orthographe (l'éditeur aurait pu faire des relectures plus attentives) comme les historiens. Il fournira aux lecteurs, aimant les belles histoires où cruauté et bonheur alternent gentiment, de bons moments d'émotions. Défenseur sincère du respect des différences et de l'amour sans limites, l'auteur a utilisé librement un contexte historique douloureux sans s'encombrer de trop de contraintes érudites. Petit roman de science-fiction sentimentale, il attire l'attention sur le drame de la déportation des homosexuels dont il fait le cadre d'une histoire à l'eau d'étoiles roses, pleine de sincérité et touchante de naïveté.

Un roman d'une trempe assez semblable, Folle Alliée (5), n'avait pas trouvé un aussi bon éditeur que les Éditions Gaies et Lesbiennes et reste diffusé de façon marginale.

Cet « amour doublement interdit » vécu à quinze ans sera une lecture facile, rapide et enrichissante pour ceux qui n'ont pas le temps, l'occasion ou l'envie d'entrer dans la réalité documentaire d'un drame dont la simple commémoration reste, comme le souligne justement Jérémie Sariel, taboue même en 2009.

Saluons donc ce premier roman comme un pas vers la vulgarisation sensible de l'intolérance extrême et de ceux qui, comme Michel et Jacques, furent les victimes si peu reconnues d'une barbarie que tant d'autres victimes s'irritent de voir reconnue.

C'est à ce genre de « détail », un roman « rose », triste et gay, à cinq euros sur un thème aussi grave que l'on peut penser que nos ancêtres déportés vont peut-être cesser d'être « Les Oubliés de la méméoire » (6).

 

(1) Pierre Seel, Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, avec la collaboration de Jean Le Bitoux, Calmann-Lévy, 1994, 198 p.

(2) Bent : http://www.lestoilesroses.net/article-5480308.html

(3) Un Amour à taire : http://www.lestoilesroses.net/article-4115163.html

(4) Patrick Buisson, 1940-1945 Années érotiques : tome 2 : De la Grande Prostituée à la revanche des mâles, Albin Michel, 2009, 521 p., photos, notes & index. http://www.lestoilesroses.net/categorie-10839716.html

(5) Emma Psyché, Folle alliée, L'équarisseur d'enfants Éditions, 2003, 244 p.

(6) Jean Le Bitoux, Les Oubliés de la mémoire, Hachette Littératures, 2002, 294 p.

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le site le plus complet sur le sujet de la déportation homosexuelle. "Triangles Roses" propose une base documentaire exceptionnelle pour ceux qui souhaitent se renseigner sur le sujet : textes, photos, archives, actualités... Des centaines de documents, des témoignages, des analyses et un historique complet et illustré. Le site propose également un forum. À découvrir absolument.

http://www.hexagonegay.com/TrianglesRoses.html

Le site de l'éditeur :

http://www.livresgaisetlesbiens.fr/

 

INTERVIEW DE JÉRÉMIE SARIEL

 

Bonjour Jérémie, je vais te laisser le soin de te présenter toi-même !

Dans un premier temps, je voulais te remercier de me consacrer cette interview et de l'intérêt que tu as porté à mon roman. Parler de soi... Rien de simple !

Jérémie Sariel, 22 ans, auteur de J'ai eu quinze ans, qui est mon premier roman. Je suis quelqu'un de sensible et passionné.

C'est peut-être un peu court comme présentation mais je ne peux pas tout vous dire... Il faut nous laisser le temps de nous connaître.

 

Je vois à ton sourire que tu n'as pas froid aux yeux !

Revenons à un sujet plus grave : le contexte historique de ton roman. Il est assez évident que tu n'as pas cherché à situer l'action dans des cadres historiques très précis. Quelles ont été tes sources d'inspiration ?

J'avais envie de montrer aux gens qu'une histoire d'amour c'est quelque chose de beau, un sentiment universel qui ne devrait pas avoir besoin que l'on parle ni d'homosexualité, ni d'hétérosexualité...

Les filles qui ont jusqu'à maintenant porté un bel intérêt au roman, ainsi que les autres lecteurs ont fait au fil des pages une totale abstraction du sexe de nos deux personnages principaux et se sont laissé porter par l'amour qui découlait de leur rencontre. Le grand sentimental que je suis a vraiment voulu faire passer l'amour sentiment numéro un de ce livre. C'est une source d'inspiration tellement forte et importante.

La guerre et les camps de concentration sont des décors monstrueusement intéressants, abominables

et réalistes, ce qui donne au lecteur la sensation de vivre l'histoire avec les personnages. Ainsi nous n'oublions pas, car encore aujourd'hui en 2009 la déportation des gays reste taboue, trop de gens ont tendance à oublier et cela n'est pas acceptable.

 

Tu as parfaitement raison et le site que j'ai cité pour compléter la critique de ton roman est très intéressant à ce sujet : déposer une gerbe en l'honneur des homosexuels déportés à l'occasion d'une cérémonie officielle reste un défi, une provocation. Avec un sujet aussi « différent », il n'a pas dû être facile de trouver un éditeur ?

Au départ je n'avais pas l'objectif de faire de mes mots un livre, je me suis servi d'internet pour publier quelques lignes et tout est allé très vite. Que des lecteurs soient assidus et soient demandeurs de suite, cela donne envie de continuer. Alors une page, puis deux, puis dix... De fil en aiguille tu crées l'histoire, les événements... Jusqu'au jour où le manuscrit terminé, j'ai fait les premiers envois auprès d'éditeurs. Je n'ai envoyé que très peu d'exemplaires et j'ai eu l'agréable surprise d'être contacté par Sébastien des EGL quatre jours après réception du texte.

Et voilà le résultat, J'ai eu quinze ans est en vente dans quelques librairies et sur le net !

 

Cette « nouveauté » a dû donner lieu à quelques séances de dédicaces : as-tu un programme de promotion pour cet été ?

Nous sommes justement en train d'y travailler.

J'ai été à la rencontre des lecteurs sur plusieurs Gay Pride et ce furent des moments très agréables que de pouvoir discuter avec des gens qui ont lu ou ont eu envie de lire ce roman. Nous ciblons pour le moment les bars et associations gays.

Invité au Festi'gays de Gourin (56) le 1er août, je suis également en contact avec certaines presses spécialisées.

Une fois terminé, le programme sera publié sur ma page Facebook : http://www.facebook.com/jeremie.sariel?ref=ts.

 

As-tu d'autres projets littéraires ?

Le deuxième roman est en cours d'écriture, sur une période beaucoup plus actuelle, il traitera de sujets tels que l'homoparentalité et parlera bien sûr d'amour qui pour moi est un sentiment inépuisable.

Nous laissons aussi le temps à J'ai eu quinze ans de se faire une place dans vos bibliothèques...

 

C'est tout le mal que nous te souhaitons ! Et en attendant, je vais essayer de faire figurer ton roman dans la section littérature du site http://www.hexagonegay.com/TrianglesRoses.html. En attendant, bel été à toi, Jérémie !

 

LETTRE DE L’AUTEUR AUX FUTUR(E)S LECTEURS(TRICES)

 

À toi,

À toi qui lit cette lettre, le soir où j'ai commencé par taper quelques phrases sur le clavier de mon ordinateur, je n'avais pas prévu de faire le livre dont je vais te parler. L'enchaînement des mots a fait qu'aujourd'hui au travers ce texte, j'ai envie de te faire découvrir l'émotion que j'ai vécue en écrivant J'ai eu quinze ans.

Ce n'est pas une autobiographie et encore moins un document, c'est l’histoire d'un amour qui a dû survivre dans une période si noire...

Et au fond, c'est pendant cette période que Jacques et Michel ont pu ne faire qu'un. Sans la force de leur amour, tout aurait certainement été différent.

Trop de gens sacrifiés pour qu'aujourd'hui nous puissions oublier… Malheureusement ces défunts, qui sont les nôtres, sont trop souvent exclus de toutes les célébrations commémoratives.

À l'heure où Michel rencontre Jacques, ce dernier vient d'avoir ses quinze ans et déjà est enfermé parce qu’il aime autrement, qu’il pense différemment de la majorité.

L'amour qu'ils se portent va tenter de les emmener loin, de les faire avancer, vivre, survivre.

Tu l'auras compris, le thème principal de mon livre est l'amour, vécu avec passion et écrite de manière similaire. Dans un contexte historique si cruel qui sera le théâtre de cette relation, un décor malheureusement réel.

Des mots et maux que j'ai eu envie de partager avec toi, souhait désormais possible puisque les Éditions Gaies et lesbiennes publient ce titre.

Dans l'attente de tes commentaires, cher lecteur je t'embrasse...

Jérémie



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

Patrick BUISSON, 1940-1945 Années érotiques : tome 2 : De la Grande Prostituée à la revanche des mâles, Albin Michel, 2009, 521 p., photos, notes & index.

Après un premier tome sous-titré Vichy ou les infortunes de la vertu, Patrick Buisson, historien et citoyen « hors normes » poursuit son analyse des années noires avec pour fil conducteur la libido comme clef du comportement sous l'Occupation d'une France femelle en adoration devant la virilité des vainqueurs

Entre la collaboration horizontale et la chancelante verticalité du mâle français, c'est un roman des définitions d'une grille internationale de maux croisés qu'offre le « conseiller en transgression » de Nicolas Sarkozy dans sa dernière publication.

Les pulsions sexuelles sont toujours au centre de ce scénario des années 1940-1945. Les acteurs principaux sont de nationalité française, leurs différents statuts face aux « seconds rôles » allemands puis américains et anglais sont décrits et analysés avec la minutie de l'historien qui introduit ça et là des acteurs et actrices professionnels d'un cinéma utilisé comme instrument de propagande.

Avec de bonnes études des milieux homosexuels, ce pavé de plus de 500 pages se dévore comme une mine d'informations offertes sous un angle nouveau, érudit, ouvert et peu enclin à la facilité patriotique ou aux jugements à l'emporte-pièce machiste dont le lecteur du début du XXIe siècle se découvre bien malgré lui l'héritier.

Le vert de gris est la couleur dominante mais pas exclusive d'un livre propre à titiller les neurones des amateurs de Toiles Roses.

La France occupée par les armées allemandes est un pays privé d'hommes : comment résister aux charmes de la virilité triomphante de l'ennemi ? Prostitution de trottoirs, de maisons closes ou relations mondaines des cénacles parisiens et provinciaux (Megève et Cannes en tête de liste) mais aussi rencontres humaines et sentimentales, embochies assumées ou clandestines, naissances de fils de Boches (environ 200 000 ?), le tableau est riche, complexe et chatoyant d'obscénité, d'intéressement et de sincérité. La Résistance et les Libérateurs vont s'inscrire dans une continuité machiste de contrôle du corps et de la volonté féminine dont les liens piteusement masqués avec l'idéologie vichyssoise sont d'une évidence troublante.

Côté homo, ou plutôt « pédérastique », puisque la séparation des deux notions n'est vraiment pas d'actualité, Buisson décrit en détails heurs et malheurs d'une « communauté » occupée et fascinée par de blonds athlètes dont les uniformes alimentent fantasmes et convoitises (p. 199 à 242), puis les illusions vite effondrées d'une Libération qui ne sera pas celle des mœurs (p.424 à 431) après le passage de beaux G.I.. On croise Roger Peyrefitte (1), Montherlant, Cocteau, Abel Bonnard, Brasillach et d'autres dont Daniel Guérin, qui semble être l'homosexuel le plus apprécié par Buisson (p 218-219). La discussion, les disputes qui vont aboutir aux lois de 1942 réprimant, pour la première fois de façon officielle, l'homosexualité dans le « pays de Cambacérès » sont détaillées avec un intéressant luxe de précisions.

Une personnalité hors du commun intrigue l'historien qui lui consacre un long portrait (p. 351 à 354) : Roger Worms, plus connu sous le nom de Roger Stéphane, auteur du sublime roman Parce que c'était lui (2). Pierre Seel (3) n'est pas oublié : il est évident que le portrait que brosse Partick Buisson de Worms et de Seel n'est pas entièrement conforme avec le statut de héros/victime que ces hommes ont acquis dans la culture de certains d'entre nous : devons-nous y voir la trace (pourtant ici très édulcorée) du passé d'extrême-droite de l'auteur ou notre propre volonté d'avoir « nos » héros et « nos » victimes ?

L'historien fait son travail : il dérange, avec une solide argumentation (25 pages de notes en fin de volume) et décape bien des représentations des héros, des salauds et des… salopes en tous genres.

Arletty fait l'objet d'une longue étude (p. 37 à 49) où sont abordés son rôle de marraine de troupes, ses « gousseries », sa liaison avec un officier allemand, ses avortements, ses tournages de films et ses ennuis avec le public et la justice. D'autres acteurs, d'autres tournages sont évoqués et présentés dans cette étonnante projection du film de cinq années de notre histoire dont nous avons déjà, depuis les bancs de l'école vu tant de versions édulcorées.

De l'histoire de la Révolution Française, nous avons des images de chariots vers la guillotine : c'est ce genre de convoi que convoque l'auteur pour nous représenter les tontes de femmes ayant « fauté », les photographies de tels événements ayant été « censurées » après le retour à l'ordre machiste et gauliste.

L'épilogue rapproche ces Années cruellement érotiques de celle chantée par Gainsbourg, quand, après 1968, les baby-boomers tueront le père et qu'à côté d'un « jouir sans entraves » pansexualiste récupéré par le capitalisme bourgeois, « l'envie de pénis a fait place à l'envie de pénal » (Philippe Murray, (4) cité p. 479).


(1) qui publie fin 1944 Les Amitiés Pariculières (livre devenu introuvable avant sa réédition en 2005 par Textes Gais, http://www.textesgais.com/cat2008.pdf).

(2) Roger Stéphane, Parce que c'était lui, H&O, 2005, 124 p. avec une superbe préface d'Olivier Delorme et une lettre touchante de Jean le Bitoux.

(3) Pierre Seel, Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, Calman-Lévy, 1994, 198 p., rédigé avec Jean le Bitoux.

(4) http://www.philippe-muray.com/

Merci à Judith Ott, attachée de presse d'Albin Michel, pour son professionnalisme et sa confiance dans Les Toiles Roses.

POUR EN SAVOIR PLUS :

Sur l'auteur :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Patrick_Buisson

Son rôle politique auprès de Nicolas Sarkozy :

http://www.lexpress.fr/actualite/politique/patrick-buisson-le-conseiller-en-transgression-de-sarkozy_575427.html

Extraits du livre :

http://livres.lexpress.fr/premierespages.asp/idC=14844/idTC=13/idR=6/idG=8

Extraits du tome 1 :

http://livres.lexpress.fr/premierespages.asp/idC=13804/idTC=13/idR=6/idG=8

POUR ALLER PLUS LOIN :

Sur l'interprétation du scénario du film Le plus beau pays du monde (Marcel Bluwal, 1998) évoqué p. 236

http://www.lestoilesroses.net/article-1078071.html

Et surtout

http://www.lestoilesroses.net/article-3791264.html

Sur Pierre Seel, qui a servi de source d'inspiration à certaines scènes du téléfilm Un amour à taire (Christian Faure, 2005), voir les propos de l'historien Jean Le Bitoux (rencontré par P. Buisson le 14 novembre 2004 pour son livre, cf note 21, p. 491) dans le bonus du DVD et surtout

http://www.lestoilesroses.net/article-4115163.html



Cécile, Transmutation, Nice, Editions Bénévent, 2009, 253 p.

Un témoignage brut de pomme... d'Adam ! C'est ce que nous offre Cécile Poivre dans le récit pétillant, épicé et sans travestissement de sa Transmutation.

Dans une langue émaillée de parler nissart (Mefi ! Il y a un glossaire à la fin pour les babatchous qui, malgré un contexte évident, inventeraient des cagades au lieu de se bouleguer un peu le teston !)

La secrétaire a écrit son histoire. Elle ne se prend pas pour une écrivaine : elle nous embarque simplement avec sa gouaille, ses phrases généreuses en adjectifs et son franc-parler qui peut, en un jeu de mots, camoufler un drame sous une formule où l'ironie masque la douleur.

Le pitchoun est efféminé et au collège puis au lycée, les regards des camarades se doublent de mots qui font plus mal que les coups de poing. Quand la violence devient physique, quand le viol n'est plus seulement verbal, la décision est prise : se travestir pour souffrir moins.

Et « la Cécile » tombe amoureuse : d'amants à la sincérité variable en proxénètes camouflés, c'est toujours par amour ou suite à un chagrin d'amour que les situations s'accélèrent.

La prostitution ? Comment vivre autrement quand aux besoins de subsistance s'ajoutent ceux de la toxicomanie ? Le tour d'horizon de sa clientèle est le reflet de la ville où elle travaille : petits puceaux, caïds, pères de familles mais aussi congressistes et vedettes de tel ou tel festival voisin : il y a jazz à tous les étages à Juan les Pins quand on monte les marches à Cannes, pour aller froisser des toiles avec Cécile. L'orientation sexuelle de la clientèle fait rarement débat (à une exception près, lorsqu'elle est évoquée comme « tromperie sur la marchandise » sur une scène de crime) : pour ces messieurs, Cécile est, avant son opération, une fille avec un truc en plus… qui augmente souvent son attrait. Et son cœur fait d'elle une confidente, avec ou sans jeux de gambettes.

La drogue, les voyages en Thaïlande ou à New York sont des escales aux circonstances forcément peu ordinaires…. mais changer en 2 le 1 du numéro de Sécurité Sociale est une vraie aventure : pour valider cette multiplication par deux, il faut passer sur le billard du chirurgien (vaginoplastie) et sur le divan du psychiatre ! On a vu avec Axel Léotard que la division dudit préfixe par deux était une opération encore plus délicate (1).

Par amour, encore et toujours, Cécile se range et, après avoir réglé sa dette envers l'Etat proxénète, devient secrétaire. C'est elle-même qui vous racontera la suite, avec cette faconde si naturelle, son énergie vitale incroyable face aux embûches, sa force de rebond après un échec qui n'est jamais définitif.

Ce livre est déjà un succès : une édition de qualité, une belle mise en pages et au bilan carbone très satisfaisant, Bénévent étant une maison d'édition à compte d'auteur niçoise !!!

Dans un contexte où la « transphobie » est au centre des prochaines marches des fiertés, au moment où d'importantes avancées juridiques sont enregistrées, Transmutation est le témoignage idéal pour se faire une idée du vécu de ces personnes en quête de genre qui ont, comme Cécile une vraie identité où la volonté et le courage sont des instruments mieux affutés que les scalpels.


(1) cf Axel Léotard, Mauvais genre : http://www.lestoilesroses.net/article-30742717.html

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le blog de l'auteure :

http://ceciledenice.unblog.fr/

Une interview par GayPodcast :

http://www.dailymotion.com/video/x976v0_lectures-gaies-entretien-avec-cecil_creation

Le site de l'éditeur :

http://www.editions-benevent.com/presse/9782756309941_885.pdf

Le transsexualisme : textes juridiques :

http://www-iej.u-strasbg.fr/LE%20TRANSSEXUALISME.htm



Anne Delabre et Didier Roth-Bettoni, Le Cinéma français et l’homosexualité, Danger Public, 2009, 330 p.

Le Père Docu n'est pas un cinéphile assidu. C'est donc la recension d'un « lecteur lambda » que je vous propose, à côté des analyses hautement érudites que mes collègues feront du livre d'Anne Delabre et Didier Roth-Bettoni, Le Cinéma français et l'homosexualité.

Lecteur lambda ? Justement : la onzième lettre de l'alphabet grec est un symbole gay depuis les années 70 dans plusieurs pays francophones (1). J'ai donc, comme pas mal d'hommes de ma génération été à l'affût d'informations, de modèles, de réponses concernant une orientation sexuelle non conforme aux modèles dominant la fiction littéraire ou cinématographique. Et quand un film me semblait avoir une « ouverture » je le regardais à le télévision ou j'allais le voir en salle.

Lire ces « Toiles bleu-blanc-rose » a été une agréable et instructive plongée dans cette quête de figures auxquelles les copains du lycée collaient une étiquette de pédés ou de gouines souvent douloureuse.

L'introduction est peut-être un peu trop courte ou n'annonçant pas assez clairement ce qui va être développé et l'on se retrouve facilement un peu égaré dans le premier chapitre, Bon sang, mais je suis homo !

Il faut prendre ses marques, suivre tranquillement, malgré les jalons manquants, cette entrée en matière qui va très rapidement familiariser le lecteur avec un texte qu'il aura du mal à abandonner.

Chacun des douze chapitres est construit autour d'un thème que viennent illustrer films de cinéma, articles de presse, interviews de metteurs en scène et d'acteurs mais aussi de militants LGBT dans une organisation à la lecture facile, dans une langue à la fois relevée et complice quand il s'agit d'appeler un chat un chat.

Sans pitié pour les nanars comiques et autres pécasseries des années 70, les auteurs posent des questions élémentaires accessibles à celui qui se les est posées face à ces follasses, ces camionneuses, ces martyrs, ces victimes, ces malades, ces personnes « comme les autres ».

Une auteure, un auteur (2) : est-ce cette formule si élémentaire qui permet à cet ouvrage un équilibre gays/lesbiennes rarement atteint ? Il est à souligner que la domination masculine habituelle dans le monde homosexuel est ici vaincue : sans compter le nombre de pages dédiées à chacun des genres (sans oublier bi et trans !), il semble que les lesbiennes aient enfin autant de place que les gays.

Cinéma, télévision, films disponibles seulement en vidéo ou DVD, sans prétendre à l'exhaustivité, il semble que l'on fait un tour d'horizon très représentatif... quel étonnement par exemple de voir cité Nationale 7 film tourné dans un « monde à part » (3) où l'un des personnages secondaires est gay !

Je laisse les spécialistes zoomer sur tel ou tel angle d'approche, sur les orientations militantes et les objectifs, le profane referme le livre comme on relève le siège de son fauteuil de cinéma après un bon moment qui a mêlé flashes-back et nouveautés, culture, plaisir et réflexion.


(1) Suisse romande http://www.lambda-education.ch/content/menus/doc/etude.html, Québec  : http://www.et-alors.net/articles/303

(2) Anne Delabre, journaliste est l'auteur de Paris gayment, Parigramme, 2005 et de Clémentine Autain : Portrait, Danger Public, 2006

Didier Roth-Bettoni a été rédacteur en chef du Mensuel du cinéma et de La Saison cinématographique. Il a dirigé les magazines gays ExAequo et Illico. Il collabore actuellement à Première, Les Toiles roses, L'avant-scène cinéma et est l'auteur de plusieurs livres dont L'homosexualité aujourd'hui, Milan, 2009, prochainement recensé dans cette rubrique

(3) Nationale 7, France, Jean-Pierre Sinapi, 1999

http://www.yanous.com/Nationale7/index.html

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le site de l'éditeur :

http://www.dangerpublic.fr/livre/cin%E9ma%20fran%E7ais%20et%20l'homosexualit%E9/9782351231692

Une anecdote personnelle : lors de sa projection au Centre Culturel Français du Caire (République Arabe d'Egypte), Coup de foudre fut, comme tout film diffusé au public, apporté au service de la censure. Après la pesée au gramme près des bobines (procédé habituel destiné à vérifier, après censure et découpage éventuels que les extraits « licencieux » ne se sont pas volatilisés) et visionnage du film, les censeurs, parmi lesquels messieurs barbus et dames voilées ont émis des réserves. Le jeune coopérant français s'est immédiatement empressé de justifier ce qui est souligné dans le livre p. 179 rien n'est explicité de l'homosexualité qui lie Léna et Madeleine. Effectivement ce n'était pas cela qui posait problème... ce qui gênait vraiment, c'est que la belle et sympathique Léna était juive et... sympathique, que l'on pouvait même la prendre en affection dans le camp de concentration de Rivesaltes où commence le film. Racisme, homophobie, antisémitisme...

 


Catherine de Garaté, Chemin de quoi, Thélès, 2008, 166 p.

Drôle de dame, drôles de drames. Un style qui émoustille, titille, un récit qui énerve ou qui ravit : un défi !

Mais à quoi ça rime ? Un roman qui met la prose en bouts rimés, qui ose les amants aux mœurs brimés avec humour. Une file de personnages reliés par l'amour ou le hasard. Et où lesbiennes et homos sortent du placard : on les suit avançant en âge au fil du monde qui s'égare. On s'enfile, on file, on défile, plutôt en ville.

Girafon, Cigalon et Carafon côté garçons, Marlène, Armelle et Isabelle côté femelles : les destins s'entrecroisent, des festins où l'on dégoise aux matins où l'on angoisse.

L'auteure remet nos pendules à l'heure : éditée à compte d'auteure, elle ne va sans doute pas faire son beurre. Qu'importe ? Elle nous emporte sur son chemin. Chemin de quoi ? De vies aux abois, d'amours hors la loi, où les portes des cœurs n'ouvrent pas sur le bonheur à chaque fois.

Verbicruciste à Lesbia Magazine, elle travaille chaque phrase comme à l'usine. Tourneuse de mots, fraiseuse de phrases, linguiste en embuscade, gay-teuse en bleu de chauffe, chimiste de l'allitération, chauffeuse de voûte palatine, cascadeuse de la rime. Auteur bénévole de BD, avec ou sans folles ou pédés, dans le même canard, elle a l'art de narrer la vie dans et hors des placards.

Avec de tels instruments, pas de pitié pour le sentiment : l'objectif narratif reste distant. Grand angle sur les gens et zooms sur les fragments intéressants. Du ras du sol au firmament, Catherine vise sang pour sang, dans un style toujours distant à la fois percutant et caressant. C'est au lecteur de finir le labeur, elle suggère et moi je gère, selon l'humeur.

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le site de l'éditeur,

Une critique dans Lesbia magazine, qui vous en dira un peu plus sur ce livre …

Le blog de Lesbia mag : http://www.myspace.com/lesbiamag

 


Gérard GLATT, L'Impasse Héloïse, roman suivi de Hôpital de jour et de Lettre à Willy, Orizons, 2009.

Le dernier roman de Gérard Glatt répond plus ou moins aux règles du théâtre classique : le narrateur est pourtant un auteur de pièces de théâtre à succès d'avant-garde.

Unité de temps : une très chaude journée de juillet entre sept heures du matin et minuit.

Unité de lieu : entre le XIème et le XXème arrondissement de Paris, c'est l'un des personnages principaux qui donne son nom à l'endroit.

Unité d'action : que l'on se rassure, elle est beaucoup plus vague, plus fluctuante, plus librement interprétée et les protagonistes vont confronter leurs solitudes avec des résultats variables, même si le premier mot du titre ne laisse guère d'illusions sur le résultat de ces échanges.

Que l'on se parle, que l'on se touche, que l'on s'embrasse, que l'on « couche » à deux ou en partouzes, en privé ou en public, dans un lit ou une backroom, ce roman est celui d'une difficulté de l'échange humain.

Lucide sans vouloir être ni pessimiste ni démonstratif, le dramaturge construit son récit comme une didascalie argumentée qui rebondit d'acteur en acteur sans hésiter à faire des flashbacks sur les trois années précédant la « représentation ».

Avec pour dédicace « À toutes celles et ceux qui ne savent pas encore », cette « dramatique d'impasse » est peut-être un coming out, aux antipodes de la comédie de boulevard. On y trouve en effet, autour de la vieille Héloïse, plusieurs garçons assumant leur homosexualité de diverses manières finement suggérées plus que décrites ou analysées. C'est plus la difficulté de tout rapport à l'autre que son caractère homosexuel qui est au cœur des échanges.

Un sérieux tour d'impasse-passe qui peut donner à chaque lecteur la curiosité d'évaluer ses relations avec son entourage après d'une journée à la banalité forcément extraordinaire.

Les deux nouvelles ont la même qualité d'émotions : la gamme infinie du vécu d'une journée de combat contre un fichu virus en Hôpital de jour et une mystérieuse Lettre à Willy.

POUR EN SAVOIR PLUS :

Le site de l'auteur :

http://www.gerard-glatt.net/

Sa biographie :

http://www.gerard-glatt.net/pages/Biographie-837093.html

Le site de l'éditeur :

http://www.editionsorizons.com/

Et celui de ses amis !

http://www.les-amis-d-orizons.com/


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...




Quand L'Harmattan m'a proposé de recevoir ce livre, je dois avouer que j'ai un peu hésité. À la lecture du dossier, il s'agissait d'un roman à forte part autobiographique écrit par un moine ou un prêtre défroqué qui avait choisi de vivre son homosexualité...

Peu indulgent envers les intrusions des divers monothéismes dans nos vies privées, je suis rentré dans cette histoire avec toutes mes griffes hérissées. Quelques heures plus tard, j'ai quitté les héros avec un certain regret, avant d'écrire le commentaire suivant sur le site où je sévis le plus régulièrement :

 

Est-il encore possible de placer l'engagement religieux et la vie monacale au cœur d'un récit où la foi et ses règles vont être confrontées à l'homosexualité des personnages principaux ?

Au moment où un Pape joue à l'Ayatollah, est-il intéressant de revenir sur le thème de la vocation religieuse face à l'orientation sexuelle ?

Dans un tel contexte, il est difficile de ne pas se hérisser face aux éternels discours religieux sur une sexualité que le narrateur et ses héros, Adrien et Malcolm, ont bien du mal à ne pas assimiler à une malédiction, même lorsqu'il en font un « cadeau de Jésus ».

La biographie de l'auteur montre qu'il a lui-même vécu ces doutes. Pourtant on entre dans ce récit par d'autres chemins, distincts des sentiers battus que pourrait laisser craindre la quatrième de couverture.

Une tension narrative s'installe tranquillement : Adrien n'est pas un bigot-gay refoulé, il a un vrai rapport avec une foi, une idée de l'organisation du monde et des rapports entre les hommes.

Ce personnage, en qui on ne voulait surtout pas s'identifier, prend corps et âme. Que l'on partage ou non ses questionnements religieux, sa quête d'une identité contre ou à travers ses attirances sexuelles vers le beau et mystérieux Malcolm, on suit leur histoire avec intérêt. Le style est fluide dans sa variété : récit, journal intime, échanges de lettres. La rivalité entre une idée (Dieu) et un être humain est un combat que mènent les deux protagonistes avec une intelligence et une sensibilité que certains lecteurs ne pourront s'empêcher d'assimiler à un curieux masochisme aux racines psychologiques complexes : le mystère de la foi ?

« Je sais désormais que Dieu aime ce que nous sommes. N'en déplaise à tous ces frustrés de l'Église qui ont érigé la chasteté en valeur suprême ! « L'acte homosexuel est un acte gravement désordonné mais les personnes qui le commettent sont dignes de respect et d'amour » : quelle foutaise ! Quelle anthropologie à deux balles ! D'aimables malades, voilà ce que nous sommes pour l'Église ! Heureusement que notre conscience nous fait hurler au crime ! » (p. 105)

Le premier roman d'un auteur en qui l'on a envie d'avoir foi sans autre doctrine que l'amour des livres.

Hugues POUYE, Par d'autres chemins, L'Harmattan, 2009, 138 p., 13,50 €


 * * * * *


Ayant établi un contact avec l'auteur, j'ai proposé à notre vénéré rédacteur en chef, une interview d'Hugues Pouyé que celui-ci a acceptée : merci Messieurs !

Voici donc le script d'un dialogue finalisé le dimanche 17 mai, Journée mondiale de lutte contre l'homophobie.

 


Bonjour Hugues, peux-tu te présenter ?

D’abord merci à toi, Gérard, de me donner cette belle opportunité de parler ici de mon roman. Ce que j’aime le plus dans cette période qui suit la sortie de Par d’autres chemins, ce sont les rencontres auxquelles elle donne lieu. Et tu es la première personne à avoir médiatiquement donné un écho à ce roman, ce dont je te suis reconnaissant. Et qui plus est sur un site d’handicapés homosexuels. Ce qui est pour moi un beau clin d’œil. En fait, j’ai l’impression que ce roman dit déjà plein de choses sur qui je suis. J’ai été religieux effectivement, pas cloîtré, mais « dans le monde » comme on dit, pendant 13 ans. J’ai grandi à la campagne, en Bourgogne, avec cinq frères et sœurs, dans un univers rassurant : une grande maison, que j’ai adorée, un petit frère – les autres quittaient la maison quand les deux derniers, dont je suis, grandissaient – , de grands espaces où courir, des rivières où pécher, des bois où se cacher… une enfance assez facile, même si comme je l’ai écrit il y a longtemps, « ma maison avait deux tours : l’une plongée dans la lumière et l’autre obscure ». J’étais plutôt bon élève, pensionnaire au Collège des Frères, à Nevers. À 17 ans, je suis monté à Paris, en classe prépa, à Janson et puis j’ai fait droit à Assas – à tout péché miséricorde ! – et c’est dans ces années-là, que ma vie a pris le tournant dont je parle au début de mon livre, avec cette mystérieuse « rencontre » du Christ. J’ai voulu être moine, j’étais en effet très attiré par cette vie de solitaire, j’ai passé ma licence et puis je suis parti en Égypte en coopération, avec l’idée qu’au retour je rentrerais au Monastère de la Pierre-Qui-Vire dans les ombrageuses forêts du Morvan. En fait, je suis entré dans une Congrégation, dont la mission était de former les futurs prêtres. J’ai fait toutes mes études de philosophie et de théologie à l’Institut catholique de Paris, huit années intellectuellement passionnantes mais humainement, éprouvantes déjà, interrompues aussi par un temps en Côte d’Ivoire. Ordonné prêtre en 1993, je quittais trois ans après. Trop de tension, trop de souffrance, trop de désirs contrariés. Mais ça, je le raconte dans le roman. Et maintenant, ça fait 13 ans que je suis enseignant et formateur, prof en école de commerce – la théologie, ça mène à tout ! – et responsable de formations pour adultes à la Ville de Paris, dans le domaine des langues, français et langues étrangères.

 

Ton roman, c’est donc ton histoire ?

En fait, j’aimerais bien ! Quand j’aurai écrit beaucoup de romans, je ferai comme Duras, je mêlerai le réel et la fiction, sans plus pouvoir démêler la réalité de l’écriture ! J’aime bien d’ailleurs cette idée du lien entre la vie et le récit. Après tout, on écrit nos vies aussi, enfin pour une part. Oui, en effet, il y a beaucoup d’éléments autobiographiques dans ce livre. Adrien me ressemble, même parcours, même caractère peut-être. Malcolm a existé. Il a effectivement été un passeur pour moi, un être insaisissable, mais qui a tellement bien compris ce que je traversais quand on s’est rencontrés ! Et il a disparu, pas comme dans le roman mais aussi brutalement. Je me suis même demandé si je n’avais pas écrit ce roman pour le retrouver, lui redonner une vie. Je crois qu’on écrit parce qu’on cherche quelqu’un, on attend une rencontre. C’est encore Duras qui disait ça, je ne sais plus où et plus exactement comment, mais quelque chose comme, « j’ai écrit pour ouvrir une porte qui est toujours demeurée close » et cette porte c’était sa mère, l’accès à l’amour de sa mère, cet amour « toujours-déjà-perdu », comme je l’écris dans ce roman. Dans L’amant, elle dit de sa mère : « Elle est devenue écriture courante », phrase magnifique ! Del Castillo, lui, un autre auteur que j’aime énormément, je crois qu’il a écrit pour retrouver le père, celui qu’il aurait aimé avoir et pas le salopard qu’il décrit dans De père français. D’ailleurs, tous ses personnages ont une personnalité complexe, ambiguë, perverse parfois, comme s’ils étaient tous des « pères à sauver ».

 

Et toi, alors, tu écrirais pour retrouver qui ?

Malcolm évidemment, ou plutôt sa figure, ce qu’il a représenté ! Mon prochain roman, qui n’est que dans ma tête pour le moment, je voudrais qu’il se passe en terre de négritude, une nouvelle histoire d’amour métissée avec pour fond une réflexion sur ce que fut la colonisation. J’ai l’intuition qu’on n’est pas allés jusqu’au bout, sur le plan anthropologique, de ce que fut la rencontre du Blanc et du Noir. Il s’est joué dans la colonisation autre chose qu’un rapport de domination-soumission. Une fascination réciproque que je voudrais tenter de mettre à jour à travers la destinée de deux êtres que tout, de prime abord, séparerait. J’ai découvert récemment que la famille de ma mère avait vécu un siècle et demi aux Antilles, à St Pierre et à Ste Lucie aux XVIIIe et XIXe siècles. Ça m’a intrigué. Je crois que je vais retourner sur les pas de Malcolm !

 

Tu t’expliques cette fascination, comme tu dis, du Blanc pour le Noir ?

C’est chez moi de l’ordre du désir, comme l’écriture, profond, mystérieux, fascinant. Souvent, je m’interroge sur cette attirance pour l’homme noir. Et mes amis blacks ne m’ont jamais vraiment éclairé là-dessus, pas plus que les blancs d’ailleurs ! Je me dis – romanesque ! – que je dois être un peu métis. Mes ancêtres auraient-ils jeté quelque semence de blanc dans le ventre d’une femme noire, ou l’inverse peut-être ! Bien sûr qu’il y a dans ce désir, des raisons esthétiques, des préférences physiques et sexuelles, mais ça va bien au-delà, et c’est ça que j’aimerais tirer au clair, si je puis dire. En tout cas, je ressens que mon désir d’écriture trouve là une terre d’expression, qui sera féconde j’espère.

 

Entre les bigots laïcs à la sauce freudienne mal assimilée et les cathos « ouverts » à la sauce Marc Oraison, comment ne pas avoir envie de hurler « foutez-nous la paix avec notre sexualité » ?

Spontanément, j’aurais envie de répondre « en effet,  foutez-nous la paix ! », foutez-nous la paix, car ça relève trop de l’intime, de notre histoire, de nos pulsions, de nos désirs, mais en même temps, comme tu le suggères dans le préalable de ta question, ce « foutez-nous la paix », il faudrait l’adresser à bien des institutions, pas seulement à l’Église. L’État et le corps médical, comme l’a bien décrit Louis-Georges Tin dans son bouquin sur la naissance de la culture hétérosexuelle, ou Foucault avant lui, ont voulu contrôler la sexualité, peut-être d’ailleurs que la psychanalyse a pris, d’une certaine manière, le relais. Car, c’est vrai aussi que la sexualité peut-être « socialement dangereuse » et qu’elle touche inévitablement à d’autres dimensions que la dimension intime. Regarde, le combat de certains homos pour le PACS, n’était-ce pas aussi une manière de vouloir faire aborder l’intime aux rives du public, à la reconnaissance sociale ? En tout cas, la sexualité, c’est une force mystérieuse, vitale, anarchique, débordante, riche sûrement mais comme tous les domaines de nos vies, capables de débordements, capable du meilleur et du moins bon.

 

Qu’est-ce que tu veux dire ?

Quand je dis le meilleur, je pense à une sexualité, source de plaisir, de jeux, d’abandon, de tendresse, de réassurance, d’ouverture à l’autre et quand je dis le moins bon, je pense à une sexualité au service du seul soi, «solipsiste », qui peut prendre des formes extrêmes où l’autre est absent, nié voire détruit. Et là, je ne vise pas tel ou tel comportement ou pratique sexuels, tous, du « soft au hard », sont exposés et aucun ne parvient à un idéal, qui n’existe sûrement pas d’ailleurs, autrement que comme un élan, une visée, un désir de paix avec soi et avec l’autre. J’aurais envie de dire que notre sexualité n’est pas étrangère au reste de nos comportements, et qu’elle est même peut-être symptomatique, paradigmatique, du reste. « Dis-moi comment tu te comportes sexuellement et je devinerai comment tu es dans la vie ! » C’est un peu brutal, dit comme ça mais je crois que ce n’est pas complètement faux. Pour revenir au « foutez-nous la paix », je dirais, « oui, foutez-nous la paix, si votre discours est normatif, exclusif, violent » mais « oui, prenez la parole, si votre discours est dialogue, échange, visée… ». Et quelle institution peut faire ça ? Mais, là, on passe à un autre sujet…

 

Justement, parlons-en ! Tu n'es certes en aucune manière un porte-parole de l'Eglise mais en quoi, selon toi, cette institution peut-elle encore être digne de foi pour ceux qui ont choisi d'autres chemins ?

Ce n’est pas l’Église que j’aime, même s'il y en a qui disent l’aimer, peut-être sincèrement d’ailleurs, mais moi, ce discours, ça ne me parle pas, et je pense que ça ne m’a jamais vraiment parlé. Dans l’Église, j’ai aimé et je continue à aimer des hommes et des femmes dignes de l’être, j’ai même rencontré des êtres marquants, à qui je dois, pour certains, beaucoup. Ce que j’aime, encore aujourd’hui, c’est l’Évangile et ceux et celles qui en ont compris la dimension délibérément humaine, ceux et celles qui « incarnent » la tendresse et la proximité de Jésus, l’homme au paroxysme de l’humanité, Celui qui s’approche, qui touche, qui inclut, qui guérit, qui fait confiance, qui marche avec, et qui marche d’abord avec ceux qui ont choisi d’autres chemins ou qui ont été mis sur le bord du chemin. S’il y a un universel de l’Évangile, c’est la figure du « pauvre », non pas parce qu’il est pauvre mais parce qu’il représente ce qu’on n’aime pas, ce qu’on ne veut pas être, et ce dont il faut pourtant s’approcher si l’on veut se reconnaître comme homme soi-même.

 

Ce n’est pas un peu misérabiliste, ça ?

Non, vraiment pas ! Le misérabilisme, c’est une dérive. Le « pauvre », c’est le mendiant si je suis riche, le handicapé si je suis bien portant, l’homosexuel si je suis hétérosexuel… et la liste peut s’allonger, mais attention pas comme des figures hypostasiées, excuse-moi, j’ai utilisé un gros mot de théologien !, pas comme des figures poussées dans l'absolu, entièrement investies de la pauvreté, de la mendicité, du handicap ou de l’homosexualité, pas comme des personnes à aimer parce que ça me donne bonne conscience de les aimer avec l’étiquette à laquelle je les aurais réduites, et qu’en plus si je suis homosexuel et de gauche, c’est top, mais parce qu’ils me rappellent à moi, moi, ni mendiant, ni handicapé, ni homosexuel – enfin, oui ça arrive ! – que je suis aussi mendiant, handicapé, homosexuel, parce que d’autres le sont et que je ne suis vraiment homme qu’à partager leur humanité. Et cet universel-là, c’est dans l’Évangile que je l’ai trouvé. Je l’appellerais l’universel de la tendresse, l’universel d’une altérité que j’ose toucher. La personne du pauvre, du handicapé, de l’homosexuel, que je peux aimer de toute évidence, comme personne, parce qu’elle peut être aussi aimable, belle, excitante, devient dans l’Évangile, une figure, parce que m’approchant d’elle, je m’approche aussi de moi, de ma pauvreté, de mon handicap, de mon homosexualité, QUI QUE JE SOIS je m’approche de ma pauvreté, moi qui roule en Porsche, de mon handicap, moi qui bat des records sportifs, de mon homosexualité, moi que seules les femmes font entrer en érection ! Mais attention, j’insiste, aucune de ces figures n’est à « absolutiser », sans quoi, il suffirait de recréer des communautés de proximité, d’identité, « des pauvres qui s’aiment et qui aiment ceux qui aiment les pauvres » ; « des handicapés qui s’aiment et qui aiment ceux qui aiment les handicapés », « des homosexuels qui… ». Non, c’est plus compliqué, il faut s’approcher ou du moins se disposer à approcher le plus grand nombre des figures du pauvre, se disposer à toucher du doigt le plus grand nombre des figures de la différence, de l’altérité. Et ça, c’est une sacrée tâche ! Un programme pour toute la vie !

 

Mais tu as l’air de dire que l’homosexuel est un pauvre, un mendiant, un handicapé, de traiter l’homosexuel comme un malade…  

Alors, je n’ai pas été très clair et je sais que ce que je dis est risqué, source de malentendus possibles ! Enfin, c’est vrai d’ailleurs, on peut être un mendiant handicapé et homosexuel, noir qui plus est, mais ça tout de même ce n’est pas si commun, ce serait la figure sublime… enfin je plaisante, quoique… Plus sérieusement, l’homosexuel n’est pas un malade, même s’il peut l’être aussi ! C’est quelqu’un qui m’invite, mutatis mutandis, comme le pauvre ou le handicapé, ou, et cet ajout est de taille, comme toute personne qui me renvoie à l’idée d’inaccomplissement, d’incomplétude, de différence – car la différence, c’est ce dans quoi je ne veux ni m’accomplir, ni me compléter – comme toute personne, qui peut donc me faire peur – d’ailleurs, de triste mémoire, on a traité dans l’histoire les handicapés et les homosexuels de la même manière la plus inhumaine –, qui peut me donner envie de ne pas la prendre pour modèle d’humanité, eh bien l’homosexuel, c’est donc quelqu’un qui m’invite à penser, moi l’hétéro, que je ne suis homme ou femme hétéro que dans le dialogue maintenu avec l’homme ou la femme homo. Et je pourrais poursuivre, que je ne suis homme ou femme riche que dans le dialogue poursuivi avec l’homme ou la femme pauvre, que je ne suis homme ou femme bien portant que dans le dialogue avec l’homme ou la femme handicapé… Alors, enfin !, pour répondre à ta question, je dirais que si l’Eglise veut être « digne de foi », elle a intérêt à se rapprocher des pauvres, des handicapés et des homosexuels. Pour les pauvres et les handicapés, elle trouvera dans son histoire passée et présente, dans sa tradition, dans ses écrits, des hommes et des femmes, qui lui rappelleront sa vocation , pour les homosexuels, elle a beaucoup, beaucoup à faire, beaucoup d’audace à avoir… car il n’y a pas grand-chose, à moins que le silence de Jésus ne soit sur ce point particulièrement éloquent ! Mais, ça ne sert à rien de crier haro sur l’Église, en revanche, ça peut servir de tenir en son sein un discours discordant.

 

Un premier roman chez L'Harmattan, c'est un peu du « compte d'auteur déguisé (sic) », ainsi que l'expliquait le mensuel Lire de mars 2009. C'est donc un investissement complet que tu as fait : es-tu satisfait du fruit du travail fourni ?

Investissement, oui, on peut le dire. Complet ? J’ai été aidé, soutenu aussi. C’est pourquoi, j’ai tenu à remercier au début de mon roman ces personnes à qui ce texte doit beaucoup. Et la première d’entre elles, Auguste M’Bondé – un Camerounais, y a pas de hasard dans la vie ! – qui dirige une collection sur l’oralité africaine à l’Harmattan et qui vient d’ailleurs de publier un roman, mais pas chez l’Harmattan ! Chez « Vents d’ailleurs », Sikè, roman où il raconte son enfance à sa fille (1). C’est à lui que j’ai présenté la première mouture de mon roman et, tout de suite, il y a cru, il m’a fait retravailler certains passages, il m’a encouragé et introduit à l’Harmattan. À partir de là, c’est vrai, j’ai fait beaucoup, lecture, relecture, correction, aidé aussi mais pas vraiment par mon éditeur ! Ils ont fait un « test orthographique » sur dix pages, un test complet, c’est payant ! Il a été tiré à 300 exemplaires, ce qui n’est pas beaucoup, et j’ai dû acheter 50 exemplaires. Mais, tout ça n’est pas si grave, après tout, ils m’ont publié, ce livre existe, il est en cours de réédition, et ça se fait vite – flux tendus ! – bien répertorié sur les sites de vente en ligne, et s’il est peu visible, très peu visible aujourd’hui en librairie, peut-être le sera-t-il davantage demain. Et puis, comme je ne crois pas au hasard, L’Harmattan, c’est aussi la littérature des autres rives et ça, ça me plaît bien ! Et ils ont édité de très belles choses, lancé des auteurs aussi, africains notamment.

 

As-tu eu des « retours » de lecteurs intéressants ?

Oui, de toi ! Et d’autres aussi. Beaucoup d’amis, de collègues enseignants, m’ont écrit, ils avaient aimé, certains m’ont dit des choses émouvantes sur ce livre qui les avait touchés, bouleversés, m’a écrit une enseignante. Évidemment, ça fait plaisir, ça donne très envie de poursuivre l’écriture. J’ai aimé écrire ce livre, j’y ai mis je crois, de la tendresse, de la vérité, sans fard. Mais je m’interrogeais sur la manière dont un sujet, finalement délicat, une histoire d’amour homosexuelle sur fond d’aspirations spirituelles, un « ménage à croix », comme tu l’as si bien résumé, serait reçu. Je m’exposais aussi dans ce livre, un « coming out » social en quelque sorte, mais je crois que j’ai la chance d’évoluer dans un milieu professionnel ouvert, intelligent, sensible aussi – les profs sont aussi cela ! D’autres ont moins de chance. C’est un hasard, heureux d’ailleurs, que nous fassions cet entretien le jour de la Journée mondiale contre l’homophobie. Ce soir, j’ai mon premier événement, une lecture à l’Harmattan, et ça me plaît bien que ça tombe ce jour-là. Ce livre n’est pas un livre de « militance gay » ni de « revanche ecclésiale » mais s’il peut contribuer, si je peux contribuer à la reconnaissance de la « différence homosexuelle » et à faire avancer un peu les choses dans l’Église, je le ferai de tout cœur. Sinon, je commence à avoir des recensions, sur des blogs (2), et il y a quelques articles à venir pour des revues. Enfin, on verra, ce roman fera le chemin qu’il doit faire. Mais ce que j’ai reçu déjà me donne beaucoup de joie et surtout conforte mon envie de continuer d’écrire.

 

Tu as évoqué tout à l’heure, un futur projet d’écriture, c’est pour bientôt ?

Bientôt, je ne crois pas. Ça va me demander beaucoup de recherches, de travail, d’immersion peut-être. Si j’avais plus de temps, ou si je l’utilisais mieux, ça irait plus vite mais je ne vis pas de l’écriture, en tout cas pas financièrement ! Je sais simplement que cette perspective est pour moi très motivante et qu’elle donne du sens dans ma vie.

 

Merci Hugues pour ta disponibilité et ta sincérité : accepterais-tu, en plus, de répondre aux éventuelles remarques ou questions des lecteurs des Toiles Roses ?

Bien sûr. On écrit pour échanger, partager, s’ouvrir à d’autres mondes, d’autres vies, et je me prêterai avec plaisir à cet échange via les Toiles roses. Et si certains veulent aborder la thématique Noir-Blanc, je suis preneur !

 

(1) http://www.ventsdailleurs.com/index.php?page=shop.product_details&flypage=flypage.tpl∏uct_id=159&category_id=1&option=com_virtuemart&Itemid=73

(2) http://lecumedeslivres.blogspot.com/2009/05/le-cur-empli-dinterrogations-restees.html



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

France Inter dans différents journaux du matin de ce jeudi 14 mai se fait l'écho de l'homophobie qui règne dans le football :

http://parisfootgay.free.fr/fr/news/2009_05_16.pdf

avec divers interviews intéressantes. Le PD (Père docu) vous offre un complément bibliographique récemment paru ...

 

Simon Louis LAJEUNESSE, L'Épreuve de la masculinité : Sports, rituels et homophobie, H&O, 2008, 234 p. -14,5 x 22 cm, bibl., 17 €.

 

Le sport est l'un des milieux où l'homophobie s'exprime le plus ouvertement : l'exemple canadien, même s'il se base sur un contexte différent de nos sports collectifs européens, est utile pour comprendre de tels comportements à partir d'une définition du genre masculin.

Qu'est-ce qui définit un homme ? Comment caractériser la masculinité et la virilité ? Pour répondre à ces questions, le sociologue québécois Simon Louis Lajeunesse a étudié de jeunes sportifs pratiquant des sports collectifs et d'autres jeunes adeptes de sports individuels. Il les a suivis pendant plusieurs mois et, après les avoir informés de sa démarche, les a observés et questionnés.

De cette relation de confiance il rend compte dans un ouvrage sociologique qui se lit comme un roman, tant la progression de la réflexion est construite. Alimentée de témoignages et de tableaux différenciant les sportifs, leurs attitudes dans les entrainements, dans les vestiaires avant et après les rencontres, l'étude met en évidence la crainte des attitudes efféminées, l'importance de l'intimité physique avec, dans certains cas, une part de génitalité.

On découvrira que le machisme sportif est entretenu par... les architectes des vestiaires. Sans entrer dans des considérations fantasmatiques (on est loin des studios de photos des calendriers type « Dieux du stade »), S.-L. Lajeunesse fait état de « rites d'initiation » qui s'y déroulent, montre les différents lieux occupés par les sportifs selon leurs attitudes par rapport au groupe, circonstances impossibles à retrouver dans des vestiaires féminins où la pudeur est davantage prise en compte.

La langue est claire et accessible à tous les publics, les témoignages des jeunes hommes étant riches en savoureux canadianismes.

Ce livre qui devrait être proposé à tous les futurs professeurs d'éducation physique et sportive intéressera également les pères et mères de petits ou grands sportifs... et toute personne qui se pose des questions sur la masculinité.

Quelle que soit son orientation sexuelle, si l'on fréquente les stades et/ou les salles de sport il est rare de ne pas y entendre des réflexions du style « vas-y, montre que t'es pas une tapette » ou « nique-moi ces tarlouzes »...

 

Pour en savoir plus :

Critique d'une ébauche de ce travail sur la masculinité :

http://www.scom.ulaval.ca/Au.fil.des.evenements/2002/09.05/homme.html

Interview de l'auteur au sujet de la perception qu'ont les hommes de leur pénis :

http://www.radio-canada.ca/radio/christiane/modele-document.asp?docnumero=44881&numero=1880

Un exemple d'abus sexuels en groupe dans l'armée canadienne, cité par l'auteur p. 120, les Airborn :

http://archives.radio-canada.ca/guerres_conflits/operations_paix/dossiers/789-4793/

 

TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

Pierre LACROIX, Bleus, ErosOnyx, 2007, 94 p. 14,5 x 19 cm.

Avoir ce livre près de soi est une sensation proche de celle que l'on doit ressentir à la découverte d'une pépite d'or, d'un talisman, d'une lanterne magique.

Son génie s'est appelé dans une édition précédente (chez Geneviève Pastre en 1996) François Nozières. Il est aujourd'hui Pierre Lacroix et son éditeur, Nix & Nox, est devenu Erosonyx sis dans le Cantal : autant dire que ce livre, pourtant disponible sur les sites des libraires en ligne les plus courants, ne vous tombe pas dessus par hasard.

Éblouissant récit d'amours entre garçons sur une île grecque, oscillant entre poème en prose et roman poétique, son écriture singulière va vous obliger à savourer chaque phrase. La lecture silencieuse, rapide et habituelle à tout lecteur confirmé, prouve ici sa faiblesse sur la mise en bouche d'un texte peaufiné à la syllabe près, à l'allitération savoureuse, au choc phonétique des troubles, au velours de voyelles orchestrant les joies et les espoirs.

Le ciel est bleu, la mer (Egée ?) est limpide mais le narrateur sait qu'il y a dans son histoire, dans notre histoire, du bleu nuit et des outremers mystérieux, inquiétants, sauvages.

Ce livre n'est pas destiné à un public d'esthètes. Sa force est d'être accessible à chacun d'entre nous. Les azurs d'une ligne horizon partagée voisinent avec les profondeurs des angoisses face à l'inanité de nos entreprises, les hématomes des échecs. Il est aussi témoin des ciels sans frontières dans lequel notre esprit et notre force vitale peuvent, quelles que soient nos limites matérielles, se mouvoir et voler avec l'âme-frère ou à sa recherche.

 


Christopher BRAM, Le Père de Frankenstein, 10/18 Domaine étranger, 376 p.

Le Père Docu se la joue modeste côté cinéma…

Dans cette « œuvre de fiction dont le héros est un homme qui a réellement existé », Christopher Bram fait de James Whale, le réalisateur de Frankenstein, un manipulateur qui poursuit de ses assiduités son jeune et séduisant jardinier dans un but qui se précise au fil des pages.

On suit comme un film la vie de ce cinéaste (atteint de troubles neurologiques qui altèrent parfois sa lucidité) dans la monotonie de son quotidien hollywoodien et dans ses flashbacks : enfance anglaise misérable, guerre réelle et fantasmée, gloire et succès de sa créature, Frankenstein.

Une vision intéressante, sous un angle gay tourmenté, du monde du cinéma américain au milieu du XXe siècle qui a servi de base au film de Bil Condon, Gods and Monsters (Ni dieux ni démons) en 1998.

Pour en savoir plus :

Sur l'adaptation de ce roman : http://www.lestoilesroses.net/article-6472416.html



David LEDDICK, The Male Nude, Taschen, 1998, 768 p.

S'il est un recueil de photographies que j'emporterais pour finir ma vie sur une île déserte, c'est bien celui-ci (Vendredi, je ne vais pas te « outer », je parle bouquins : il est jaloux et ici les placards sont rares…).

Peu de textes (en trois langues : anglais, allemand, français) mais assez pertinents au milieu de 768 (sept cents soixante-huit !!!!) pages de photos de nus masculins.

De la fesse, du muscle, du regard ténébreux ou de braise, du poil, de la gonade et du pénis, mis en évidence ou subtilement et perversement voilé, les modèles sont séduisants et mis en valeur par de grands objectifs humanitaires : le plaisir et la jouissance de l'œil.

En noir et blanc ou en couleurs, les clichés reflètent une histoire de la photographie sous un l'angle à la fois technique et culturel. Comment, pourquoi et pour qui le corps de l'homme nu a-t-il été photographié du XIXe siècle aux années 80 ?

Le regard gay exerce ici une large domination, et si Mapplethorpe ou Pierre & Gilles ont largement dépassé la culture homo, leurs prédécesseurs célèbres (Von Gloeden, déjà évoqué précédemment...) et leurs contemporains moins connus ont dans ce recueil à feuilleter à deux mains (l'objet est lourd !!!) ou à admirer avec une seule (...) leur juste place dans le culte de la beauté physique.

Les poses peuvent être qualifiées d'ambiguës mais sont d'une éblouissante clarté... Le photographe a pour son modèle une véritable fascination, qu'il fait partager à celui ou à celle qui pose son regard libéré de clichés et de tabous sur une image nue.

Pour en savoir plus :

Hé, hé, hé…. à vous de voir…

 

Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.

TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

Herculine BARBIN, Mes souvenirs : Histoire d'Alexina/Abel B., La Cause des Livres, 2008, 142 p.

Un manuscrit trouvé en 1868 dans l'appartement où l'on vient de découvrir le corps d'un trentenaire qui s'est suicidé : telle est la « matière première » de cet étonnant témoignage, édité par le médecin ayant assisté à la levée du corps et à l'autopsie d'Herculine Barbin.

Née en 1838, Herculine Barbin est une jeune fille qui réussit, à force de volonté et de travail à s'élever de la modeste condition de sa famille charentaise au rang d'institutrice dans un établissement religieux. Passant dès les premières lignes de son autobiographie du féminin au masculin, l'auteur(e) nous met immédiatement dans la confidence de son drame : la confusion des genres. Durant son enfance et ses études, elle se sent attirée de façon très douce vers certaines de ses amies, sans que cela entraîne plus de conflits intérieurs que d'autres « amitiés particulières » dans des institutions religieuses où les sexes sont rigoureusement séparés.

L'apparition d'un appareil génital masculin va compliquer la situation… ses seuls recours seront des autorités religieuses et médicales qui aboutiront à une conclusion simple : Herculine est un homme, qui attire un instant l'attention des médecins, passionnés par ce cas clinique dont ils examinent attentivement les aspects physiologiques en faisant peu de cas du bouleversement psychologique qui lui est lié.

Radiée de sa profession, devenu Abel Barbin, il part à la dérive, à la recherche d'une existence pour laquelle sa construction sur un autre sexe est un handicap majeur ; qui va le conduire au suicide.

Ce témoignage est d'une incroyable force brute : redécouvert en 1978 par Michel Foucault, il vient d'être réédité par La Cause des Livres avec des annexes enrichissant un texte déjà poignant. Des photographies d'hermaphrodites par Nadar, des fac-similés de documents administratifs et médicaux et une mise au point d'Antoinette Weil sur l'enseignement public religieux avant Jules Ferry précisent le contexte de cette incroyable « transition » du sexe féminin vers le sexe masculin, en 1860.

Pour en savoir plus :

Le regard médical sur divers cas dont celui d' Herculine/Abel Barbin :

http://www.ssd.u-bordeaux2.fr/faf/archives/numero_8/articles/le_mens.htm

 


Axel LÉOTARD, Mauvais genre, Hugo&Cie, 2009, 240 p.

Un siècle et demi après Barbin, Axel Léotard vient d'écrire le récit, largement autobiographique, de sa propre « transition » du sexe féminin vers le sexe masculin. Son livre est une excellente source de réflexion sur les différences entre sexe, orientation sexuelle et genre.

Cette aventure menée en France par un trentenaire au début du XXIe siècle est un repère précieux sur les évolutions mentales, sociales et médicales de notre pays.

Dans un style journalistique, ce jeune photographe qui sent qu'il n'est pas à sa place dans un corps de fille, relate sa démarche, ses engagements personnels, son combat pour obtenir une reconnaissance officielle de sa masculinité. Une telle transition ne pouvant s'effectuer sans aide, il s'adresse à une association plus habituée à accompagner des hommes vers le genre féminin que des filles vers le masculin. Il va devenir l'un des éléments les plus actifs de ce groupe transgenre qui apporte un soutien souvent vital à des êtres qui n'ont parfois d'autre moyen de survie que la prostitution. On trouvera ici, à côté de ce « minoritaire dans la minorité », des éléments du vécu par ceux que l'on appelle les « trans » et dont on ignore souvent beaucoup des conditions de vie ou de survie.

Gabriel (puisque tel est le « prénom d'accueil » choisi par le narrateur) veut avoir un corps plus proche de son genre : à la différence d'Herculine Barbin, c'est son identité intérieure, son genre qui ne coïncide pas avec son physique féminin.

Pour cela, la loi lui impose de passer par la psychiatrie et la case « Sainte-Anne » avant de pouvoir soumettre son cas à la Justice qui ne sera pas plus compréhensive que la médecine, la France étant la lanterne rouge de l'Europe en ce domaine avec trente ans de retard.

La chirurgie ? Comme sexe et genre sont des notions distinctes, Gabriel se fera seulement refaire la poitrine : du côté des gonades, rien n'est au point (les deux phalloplasties françaises ayant abouti à deux chaises roulantes) et cela ne semble pas être d'une importance capitale pour lui. Un changement d'état civil femme vers homme est en revanche obligatoirement lié à une stérilisation qu'il va subir.

Bien plus vital est le regard des autres : fuyant, insistant, inquisiteur, apitoyé, incrédule... il blesse. On perçoit avec ce passage du sexe dit faible à celui qui ose se prétendre fort le machisme inconscient lié à toute forme de contact humain : avec des collègues de travail, au rayon jouets ou parfumerie d'un grand magasin rien n'est exactement pareil si la personne qui s'adresse à vous est un homme ou une femme.

Axel ou Gabriel (peu importe : il lui faut simplement un prénom qui s'envole… et il est curieux de constater qu'Herculine était devenu Abel, même s'il a brisé volontairement ses ailes) a écrit le livre qu'il aurait aimé lire lorsqu'il avait seize ans. Il touchera très certainement un public beaucoup plus large par la richesse et la force de son vécu.

Pour en savoir plus :

Le site de photos d'Axel Léotard : http://web.mac.com/axelphotos/iWeb/axelphotos/HOME.html

avec les images de sa transition, intitulée « Born Again » :

http://web.mac.com/axelphotos/iWeb/axelphotos/BORN%20AGAIN.html



Philippe GIMET, Le Sceau de Kropotkine : Les mémoires d'un bardache – 1, Béziers, H&O, 2008, 216 p. - 21 x 13,5 cm.

Ce roman historique nous est présenté comme « obscène » par son éditeur et cet adjectif est ici vivifiant, joyeux et lubrique ...

Le Roi Soleil brille de ses derniers feux quand le héros de ce récit, le bel Henry, au fondement si accueillant, entre en scène dans les milieux les plus dévergondés du Béarn, puis de la capitale, avant d'aller parcourir l'Europe en guerre (de Succession d'Espagne) pour y faire... l'amour dans les positions et les circonstances les plus salaces !

Écrit dans une langue patinée à l'ancienne, très savoureuse et accessible (oncques n'eûmes de difficulté à entendre le sens des scènes les plus licencieuses bien que nous ne sussions point l'ancien françois) ce roman est plus destiné à ravir l'esprit qu'à être lu d'une seule main. Petit travail intellectuel savoureux, il sera cependant prudent, si le lecteur veut rester bienséant, de le lire, soit seul, soit – surtout si c'est une lecture de plage, cela ne devrait pas tarder – allongé sur le ventre...

Une intrigue historique documentée de façon cohérente conduit dans différents lieux de débauche virile où la sueur se mêle à l'huile et le sperme à la salive... dans des temps où le sexe n'était pas vraiment sans risques mais où l'on pouvait, sans passer pour un barebacker fou furieux, s'amuser en toute bonne conscience !

Si l'on jette un regard d'historien des mentalités (ce livre, sans être braudélien, se rattache à l'école historique des Anales... dont il pourrait être le fondement !!!), on constatera que la mentalité du narrateur est celle d'un homme du Siècle des Lumières. Son regard sur la condition féminine, l'esclavage et le handicap (il va épouser une jeune fille sourde-muette) est celui d'un « honnête homme » en avance sur son temps. Est-ce son statut de "bardache" qui lui donne ce recul, cette ouverture d'esprit dans un siècle où Louis XIV et vingt millions de Français (Pierre Goubert, Fayard,1965) avaient d'autres sujets... de préoccupation ???

Le deuxième tome est déjà paru et un troisième en préparation : il en sera certainement question ici bientôt !

Pour en savoir plus :

Sur l'École des Annales (avec deux « n » !!) http://fr.wikipedia.org/wiki/École_des_Annales, mais Henry est plus gai et plus… ouvert !

 

Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.

TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

Yes We Can ??? Yes He Did It !!!

 

Randy SHILTS, Harvey Milk : Sa vie, son époque (traduction d'Aurélien Tremblay), 2009, M6 Editions, 445 p. - 18 €



Qui connaissait Harvey Milk en dehors des U.S.A. avant le film de Gust Van Sant ?

Les affrontements de Stonewall ou la passionaria homophobe Anita Bryant évoquent sans doute plus de choses que le nom du personnage qui a valu à Sean Penn l'Oscar 2009. L'identification est telle que c'est l'acteur qui figure en couverture de la biographie de Milk écrite par Randy Shilts, éditée en 1982 et enfin publiée en français par M6 éditions avec le parrainage de France Info qui lui accorde un « coup de cœur » amplement mérité.

Ce pavé de 445 pages est une mine, un passionnant voyage dans les États-Unis des années 1970 et 1980. Les savoureuses et inoubliables Chroniques de San Francisco d'Armistead Maupin ont pu donner une idée romanesque de la fin de cette époque : cette biographie en donne une vision beaucoup plus complète dans sa dureté. Les combats qui ont permis à Mouse et à Madame Madrigal, à des milliers de gays opprimés d'avoir droit au respect, les luttes qui nous paraissent tellement cruelles et inattendues dans le contexte américain sont ici décrites par un journaliste du San Francisco Chronicles, ami de Milk, engagé à ses côtés et décédé du sida en 1994.

Shilts a interviewé plus de 140 personnes pour réaliser son travail. Son admiration pour Harvey ne lui ôte aucune lucidité : jamais idolâtre, il est le journaliste professionnel qui sait utiliser ses techniques, confronter les points de vue. Gay militant, il n'a pas peur d'épouser, en les commentant judicieusement, les points de vue défendus par une communauté dont il ne cache pas l'âpreté des divisions et l'importance des ambitions personnelles face à des détracteurs dont il analyse les arguments. Le récit de la vie privée de Milk, dont il explique clairement les enjeux et les limites que le journaliste s'est imposés dédramatise également une biographie où les sujets tabous sont absents, même lorsqu'ils sont, à l'époque de la première publication, provocateurs.

Avec un style tout à fait particulier, il donne un tempo à son récit. Le déroulement est chronologique, divisé en quatre chapitres qui ont la particularité d'être rythmés par des intertitres (en italiques) qui charpentent la narration comme dans un article de presse. Tirant le meilleur de chacun des deux styles, journalistique et romanesque, il soutient son propos avec la rigueur de l'historien du présent, sans toutefois se risquer à des analyses inspirées des mouvements historiques classiques.

C'est la personne de Harvey Milk qui structure l'ensemble du récit. Que l'on ait ou non vu le film éponyme ne change pas grand chose à l'intérêt de ce livre. On va y découvrir beaucoup plus d'éléments que sur l'écran : d'abord les quarante premières années de Milk, avant la rencontre de Scott et surtout le récit du procès de White, son assassin. Si l'on a vu le film, qui a déjà été largement évoqué ici, on retrouvera les éléments qui ont structuré la mise en scène : l'enregistrement de son testament en cas de meurtre, les amants, les rivaux, les alliés et cette incroyable énergie qui a su jouer son rôle dans un jeu politique et humain extraordinaire. Le cinéaste a écarté des éléments exposés par le journaliste comme la gestion par Milk de ses origines juives ou l'affaire du Temple du Peuple de Jim Jones (suicide collectif au Guyana le 18 novembre1978 ).

Le texte est long et détaillé : les modalités des enjeux électoraux américains, les analyses politiques et sociologiques permettent à un lecteur qui ne connaît pas les U.S.A. de comprendre les tenants et les aboutissants de l'engagement politique de celui qui a voulu donner une visibilité et des droits aux gays de San Francisco pour pouvoir, par capillarité, les étendre à tout un pays. Certains de ces affrontements sont d'une complexité telle que l'on en viendrait parfois à souhaiter un récit moins fouillé.

En plus de neuf photos, des appendices offrent des textes de Milk : un discours, le texte de son enregistrement-testament et un discours-profession de foi-analyse démographique bizarrement intitulée (canadianisme ?) Regards d'un populiste sur la ville que l'on aimerait entendre de la bouche d'un élu contemporain briguant le poste de maire de l'une de nos grandes cités.

On ressort de ce livre, comme de la salle de cinéma, un peu abasourdi. Une amie m'écrit :

« Je viens de voir Harvey Milk. J'en ressors assez sonnée : actions rapides, montage serré ; mais surtout accumulation d'infos sur le traitement des gays aux States que j'ignorais. J'étais pourtant une grande fille à cette époque mais pas suffisamment impliquée dans la vie sociale et politique. Mon petit frère (gay) devait affronter cette situation et je n'étais pas près de lui à ce moment-là ».

Un exemple de ce harcèlement des homosexuels ? De séduisants policiers en civil qui se laissaient faire de petites gâteries dans un cinéma de San Francisco fréquenté par les gays : à la sortie de le salle, leurs collègues des « Brigades du vice » (p.75) n'avaient aucun mal à arrêter les « coupables » : les appâts ayant enduit leur pénis de mercurochrome, les « suceurs » étaient faciles à appréhender ... les amateurs de Toiles Roses avaient la bouche rouge sang !

Que l'on ait ou non apprécié la mise en scène ou le style, c'est une incroyable page d'histoire, de notre histoire, que nous venons de parcourir et qui nous force, sans jamais tenter de nous culpabiliser à réfléchir sur notre engagement personnel.

Selon son âge et son expérience, on va faire des parallèles avec son vécu, sa culture : mai 68 et le FHAR, les combats pour le CUS (contrat d'union civile) devenu Pacs, les luttes des années sida, les enjeux actuels face aux obscurantismes religieux et politiques, le mariage et l'homoparentalité, sans oublier nos lecteurs francophones de pays où gays et lesbiennes sont encore considérés comme des parias.

Dans son « Discours de l'espoir » du 10 mars 1978, Harvey Milk disait (p. 428) :

« Sans espoir, non seulement les gays, mais aussi les Noirs, les seniors, les handicapés abdiqueront »

Il est réconfortant de se souvenir que, trente ans plus tard, ces groupes, et d'autres, ont été explicitement cités par Barack Obama le 5 novembre 2008, dans son premier discours de président élu (1)

«Je m'appelle Harvey Milk et je veux vous recruter »

Son ami Randy continue brillamment le combat et la lutte : une preuve supplémentaire que l'art de filmer et d'écrire occupe une place capitale pour faire évoluer les mentalités.

Les moments où un film et un livre atteignent ensemble et à un tel niveau, chacun avec ses moyens, de tels objectifs ne sont pas si fréquents.


(1) cf http://www.youtube.com/watch?v=DOyYjnj9dTc entre les 3mn10s et 3mn 15 s du discours


Pour en savoir plus :

M6 Editions n'a pas (encore ?) de site internet, même sur le lien TV http://www.m6.fr/

Attaché de presse : Sylvain Courpron. Merci à lui pour son professionnalisme et son intérêt pour cette chronique et notre blog.

Bibliographie complète de Randy Shilts :

The Mayor of Castro Street: The Life and Times of Harvey Milk (1982), And the Band Played On: Politics, People and the AIDS Epidemic (1987), and Conduct Unbecoming: Lesbians and Gays in the U.S. Military (1993)

http://us.macmillan.com/author/randyshilts

Fiche biographique Wikipedia :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Harvey_Milk

Armistead Maupin parle (in english, of course) de Harvey Milk :

http://www.towleroad.com/2009/02/exclusive-armistead-maupin-on-harvey-milks-last-love-1.html

Sur Stonewall :

http://www.lestoilesroses.net/article-6757494.html

Sur le film de Gus Van Sant, les analyses des Toiles Roses :

http://www.lestoilesroses.net/article-29736896.html

http://www.lestoilesroses.net/article-29733145.html

et Matière Focale :

http://www.matierefocale.com/article-28857616.html

Critique du précieux Philippe-Jean Catinchi dans Le Monde du 19 mars 2009 :

http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/03/19/harvey-milk-sa-vie-son-epoque-de-randy-shilts_1170144_3260.html

Extraits du documentaire The Times of Harvey Milk, réalisé par Rob Epstein, Warner Home Video, 1984, disponible en version sous-titrée en français depuis mars 2009 :

La jeunesse d'Harvey Milk et ses premières candidatures

http://www.lestoilesroses.net/article-25614120.html

Harvey Milk élu : the first gay supervisor et l'élection de Dan White

http://www.lestoilesroses.net/article-25614163.html

Le rejet de la proposition n°6 et la démission de Dan White

http://www.lestoilesroses.net/article-25614229.html

Le double assassinat et l'hommage populaire

http://www.lestoilesroses.net/article-25614287.html

 

TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

Perreau Bruno, Homosexualité : Dix clés pour comprendre, Vingt textes à découvrir, J'ai lu – Librio, 96 p.

Pour deux euros à investir gaiement, un Libriomo en dix chapitres et vingt textes fait le tour d'une question aussi vaste… ou en aborde les principaux aspects.

Pari réussi par Bruno Perreau qui réalise un balayage assez étonnant de ce que Ménie Grégoire avait dans une mémorable émission de radio baptisé « le douloureux problème de l'homosexualité » !!! (1)

Sans prétendre à l'exhaustivité, ce livret lance des idées sur les pistes de l'identité, de l'histoire, de la santé, de la famille, de l'école, de l'homophobie, des droits...

Chaque chapitre est illustré de textes d'auteurs aussi variés que Sartre, Genet, Foucault, Freud ou... Himmler.

L'ensemble est complété par une bibliographie de base et des sites internet de référence.

Une somme claire, accessible, vivante : INCONTOURNABLE.

(1) RTL, 10 mars 1971 version ciné dans http://www.lestoilesroses.net/article-13567665.htm



Delorme Olivier, Le Château du silence, H&O, 2003, 256 p.

En mars 2009, au moment où cette recension est écrite, qui a conscience qu'un mur comparable à celui de Berlin s'élève encore en Europe, divisant en deux l'île de Chypre ? Un article du quotidien Le Monde vient de rappeler cette situation (1).

Histoire, actualité et littérature se télescopent dans un roman d'un historien qui mêle avec force ses connaissances, son engagement et un style qui tient en haleine le lecteur de la première à la dernière ligne.

C'est un silence étourdissant qu'Olivier Delorme rompt ici : celui qui entoure la disparition de centaines de Chypriotes grecs lors des divers combats qui ont marqué la scission de l'île.

Silence et cris de désespoir alternent au long d'un récit exceptionnel par ses angles d'attaque et la force de cette plume qui entraîne le lecteur dans les profondeurs avant de le hisser sur des sommets.

Le journaliste-narrateur est tellement imprégné de la cause de l'un de ces disparus qu'il va voir se fondre deux personnalités en lui. Cette fusion, qui n'est pas un dédoublement de personnalité, va ouvrir la porte à des révélations humaines et philosophiques : orientation sexuelle, interrogations gnostiques, expériences artistiques.

Il est impossible de ne pas se fabriquer des images de ce château tirées de Midnight Express, mais là, dans cette « gare » on n'entend que des hurlements et aucun train ne s'arrête.

Contrairement à ses autres romans, Delorme offre ici peu de clins d'œil au lecteur, très peu de connivence intellectuelle sous forme de clés en lien avec l'actualité, c'est une TOTALE EMPATHIE à la mesure de la fusion journaliste/disparu qui est possible dans cet incroyable Château...

On est ici en présence d'une œuvre inclassable par sa force et sa singularité.

(1) Le Monde, 6 mars 2009 : http://www.lemonde.fr/europe/article/2009/03/06/la-recherche-des-disparus-de-1974-rapproche-les-chypriotes-turcs-et-grecs_1164452_3214.html



Peyrefitte Roger, Wilhelm von Gloeden, Éditions Textes Gais, 2008, 93 p. plus un cahier de 55 pages de photographies.

Dans la mémoire visuelle de certains d'entre nous sont enfouis des clichés en noir et blanc où des éphèbes posent nus dans des poses inspirées de l'antiquité, alanguis sur des rochers ou langoureusement appuyés sur les colonnes de temples.

Roger Peyrefitte, cinq ans après la publication des Amitiés particulières, a rédigé une biographie de l'auteur de ces photographies, le peintre allemand Wilhelm von Gloeden. Les Éditions Textes Gais les rééditent aujourd'hui dans une belle présentation complétée par une intéressante préface d'Alexandre de Villliers, exécuteur testamentaire de R. Peyrefitte, et surtout par un cahier de 55 photos sur un papier mat convenant parfaitement à ces chairs adolescentes.

Le sauveteur des plaques photographiques s'est fait le narrateur d'une « autobiographie » du baron von Gloeden (1856-1931). Le peintre allemand a débarqué en Sicile où il a eu un véritable coup de foudre pour la région de Taormine où il s'installe. Abandonnant les pinceaux pour une technique nouvelle, il obtient sans peine de jeunes Taor-minets qu'ils posent pour lui nus dans des poses qui ne sont jamais pornographiques. Ses clichés sont vendus par correspondance mais de vrais amateurs de « raisins verts » de l'élite européenne politique, culturelle ou… religieuse font le voyage de Taormine pour choisir les images… ou les modèles. On perçoit depuis Taormine les échos d'une Europe où Magnus Hirchfeld et Marc-André Raffalovitch essaient de donner un cadre intellectuel et une reconnaissance juridique à ce que l'on commence à peine à nommer « homosexualité ».

Avec malice et à mots à peine plus couverts que ses modèles, Peyrefitte se glisse dans la peau de von Gloeden pour nous faire partager les jours heureux et les tracas d'un esthète précurseur, ses certitudes personnelles et son combat contre les clichés d'une morale dont il essaie de repousser les frontières comme on élargit l'angle d'une photo.

Pour en savoir plus :

Superbe album-photos de Von Gloeden :

http://vongloedengayhistory.free.fr/index.html

Von Gloeden : http://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_von_Gloeden

Liens sur Roger Peyreffitte : http://www.rogerpeyrefitte.com/liens.html



Cardon Patrick, Discours littéraires et scientifiques fin-de-siècle : La discussion sur les homosexualités dans la revue Archives d'anthropologie criminelle du Dr Lacassagne (1886-1914) autour de Marc-André Raffalovitch, Orizons, coll. Homosexualités, 316 p.

Têtu devrait vous en parler en avril… Les Toiles Roses le font en mars !!!

Imaginons qu'un penseur contemporain mette au même rang la littérature, les revues médicales et les rapports de police pour élaborer une pensée cohérente sur un fait de société. C'est ce que fit Marc André Raffalovitch (1864-1934) avec Emile Zola, Oscar Wilde et d'autres pour construire des modèles de sexualités dans la « Revue d'anthropologie criminelle » du Docteur Lacassagne.

Dans un ouvrage au style à la fois universitaire et militant, Patrick Cardon dresse le tableau passionnant d'une réflexion « fin de siècle » où le vocabulaire manque encore pour qualifier l' « innommable », l'attirance pour des personnes de son propre sexe. Cette étude minutieuse, fruit de plus de vingt ans de travail, reflète les débats et le vécu d'une Europe où entre Londres, Paris et Berlin, tandis que des espaces de libertés s'ouvrent aux « invertis », philosophes, médecins et criminologues s'affrontent par revues interposées pour définir l'unisexualité qui deviendra bientôt homosexualité. Alors que le Dr Freud et sa « psychoanalyse » n'ont pas encore envahi le champ de la réflexion sur les comportements sexuels, Magnus Hirschfeld, Marc-André Raffalovitch et d'autres intellectuels dont des écrivains ouvrent un débat aux résonances assez étonnement contemporaines pour ceux qui ont été entendu parler du pacs, du mariage gay ou d'homoparentalité.

On va ainsi croiser Emile Zola et même... Dorian Gray, dont l'inspirateur, John Gray fut le compagnon de Raffalovich : les amateurs de "romanesque" apprendront ainsi que quand John Gray fut nommé prêtre à Édimbourg, Raffalovitch qui finit par entrer dans l'ordre des Dominicains sous le nom de Sébastien participa non seulement aux frais de construction de la nouvelle église dont le bien-aimé Gray devait être le curé, mais il habitait à côté de celle-ci pour rester dans son voisinage. Ils restèrent ensemble jusqu'à leur mort, qui survint pour tous deux en 1934, et ils furent enterrés l'un à côté de l'autre.

Un étonnant voyage intellectuel où la littérature revêt une place inhabituelle.

Pour en savoir plus :

Article de Patrick Cardon sur M.-A. Raffalovitch dans Gai Pied du 12 octobre 1989 :

http://semgai.free.fr/contenu/textes/cardon_Raffalovitch.html

Fiches biographiques de

http://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_André_Raffalovich

http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Lacassagne

http://fr.wikipedia.org/wiki/Magnus_Hirschfeld

Le site Gay Kitsch Camp :

http://www.gaykitschcamp.com/



Tin Louis-Georges, L'Invention de la culture hétérosexuelle, Éditions Autrement coll. Mutations, 2008, 201 p.

Tout simplement révolutionnaire... Un homme, une femme : quoi de plus naturel ?

Pas partout, pas tout le temps, et sous des formes ô combien diverses !

Un universitaire brillant et audacieux pose une question qui devrait ouvrir de vastes débats : quand et comment la notion d'"hétérosexualité" est-elle apparue, comment s'est-elle imposée au point de devenir un modèle incontesté, incontestable, le socle de la "normalité" pour tant de sociétés ?

Louis-Georges Tin analyse sous cet angle des textes médiévaux dont il ressort que l'époque charnière est le passage de la féodalité à l'esprit chevaleresque au XIIe siècle en Europe.

Il dissèque les résistances sociales, religieuses et médicales à la naissance de l'hétérosexualité et avec le même brio qui lui a permis de tracer un portait vivant et contrasté de l'homosexualité aux débuts du XIXe siècle dans son Dictionnaire de l'homophobie, il trace les contours de l'émergence d'un modèle totalitaire. 

Ce modèle a réussi à aveugler les historiens et historiens de la littérature qui ont, en toute bonne foi, écarté les thèmes de l'"homosociabilité" de leurs présentations des textes médiévaux. Lagarde et Michard leur ont emboîté le pas et ont formé des générations de lecteurs à ce moule dominant.

Les lecteurs de ces commentaires qui auront, en une lecture assez époustouflante, acquis (ou contesté !) les schémas proposés par L-G Tin auront du mal à ne pas confronter leurs livres aux grilles proposées ici.

Décapant, érudit, accessible et très excitant : on aimerait que des bibiophiles amoureux et connaisseurs de la littérature "ancienne" confrontent leurs repères aux nouveaux outils ébauchés dans cette étude.

Les instruments d'analyse proposés peuvent évidemment, avec la même force, s'imposer au lecteur de tous les romans contemporains !

Pour en savoir plus :

Interview télé de L-G Tin : pourquoi l'hétérosexualité ?

http://www.dailymotion.com/mychannel/telerama/video/x738o0_linvention-de-la-culture-heterosexu_news

Interview radio :

http://cdn3.libsyn.com/studio6/homomicro_podcast_114.m4a?nvb=20090313132342&nva=20090314133342&t=054c3d68b2b819f4b6e8e



Stabenrath Bruno de, Cavalcade, Pocket, Paris, 2003 – 404 p.

Poisson-Chat est le narrateur à qui la vie sourit : son métier d'artiste, son physique « avantageux » (ce fut l'un des bogoss de … L'Hôtel de la plage !), son charme et son assurance lui donnent des joies infinies qu'il savoure avec délectation. En tête de ses occupations se trouvent les femmes dont il est un grand consommateur et les plaisirs du sexe sont ceux qui le font le plus vibrer, avec des partenaires multiples et variées.

Un accident de voiture le rend tétraplégique... Et c'est une nouvelle vie qui va se construire. La famille et les amis sont là, les copines aussi : tout un réseau de soutien se crée, dans la douleur, la fraternité et l'espérance, autour de cet aquarium bizarre qu'est la chambre d'hôpital de Poisson-Chat.

Tout va très vite : cette autobiographie prend des allures de roman d'aventures et pourtant le lecteur qui a fréquenté les hôpitaux et centres de rééducation fonctionnelle, tous ceux qui ont confié leur vie aux médecins, leurs membres aux kinésithérapeutes, passé des heures et des heures sur les tables de Bobath, reconnaîtront l'authenticité du vécu ici rapporté.

Quel est le principal sujet de préoccupation des patients ? Leur sexualité, qui alimente tant de conversations et de blagues plus ou moins douteuses en salle de rééducation. Poisson-Chat aime le sexe et ne s'en cache pas : il fait partager au lecteur ses angoisses, ses doutes, ses espoirs, ses exploits aussi... Quitte à passer pour un « obsédé » auprès d'un public non averti !

C'est l'un de charmes de ce livre : un hétérosexuel fin, drôle et qui assume sans machisme son goût pour les plaisirs du sexe avec les femmes… qu'un gay aurait certainement traité différemment… ou alors son livre, s'il avait trouvé un éditeur, n'aurait jamais connu un tel succès (dont une adaptation au cinéma !).

En fait, c'est un témoignage d'une pudeur qui pourra paraître excessive : Poisson-Chat fait pipi mais jamais caca, Poisson-Chat fait son deuil très (trop ?) rapidement ou de façon très évasive : est-ce pour ne pas faire fuir le lecteur valide qu'il est si discret sur les blessures de l'âme, celles qui sont les plus longues et les plus difficiles à cicatriser ?

Cavalcade est un objet littéraire inclassable, à la fois roman et témoignage, impossible à refermer une fois ouvert, source de réflexions d'une infinie sagesse, d'un optimisme... désespérant !

Pour en savoir plus :

Interview de Bruno de Stabenrath : http://www.psychologies.com/article.cfm/article/1537/Bruno-de-Stabenrath-Meme-paralyse-je-peux-les-aimer.htm

 

Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.

TO BE CONTINUED…



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Ces critiques ont déjà été publiées ça et là. Elles sont ici rassemblées, parfois réaménagées en fonction d'un public spécifique mais le mot d'ordre reste identique, L'ART DE FAIRE ÉVOLUER LES MENTALITÉS. Les critiques seront donc « militantes », honnêtes, jamais objectives. Les livres sont lus, souvent relus et on ne trouvera pas ici de communiqué de presse ni de quatrième de couverture. Puisque nous utilisons un média ouvert, des liens seront souvent proposés pour élargir le sujet ou enrichir la présentation : avant d'investir de l'argent en librairie ou du temps en bibliothèque, ce « matériel » devrait fournir un maximum d'informations à celui ou celle qui est tenté(e) par la lecture, et guider vers des auteurs qui nous ont touchés (au sens figuré, esprits coquins !). Les livres présentés seront de divers genres : fiction, essais, érotisme, histoire, biographies, littérature jeunesse… On essaiera de faire partager des joies, c'est plus difficile que de tirer tout seul sur un auteur dont la prose ne nous a pas séduit. S'il est trop opposé au principe d'évolution sus-indiqué, il sera traité sans concessions… toute AAH (attitude anti homo) sera poursuivie !!!

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue.

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

Fernandez Dominique, L'Étoile rose, Grasset, 1978, 430 p. (réédité au Livre de Poche)

Était-il possible d'éviter ce livre pour commencer cette rubrique sur ce blog ?

Trente ans après sa publication, ce roman de Fernandez, devenu membre de l'Académie Française, a-t-il toujours un intérêt ?

David, le narrateur, est adolescent au moment de la Libération et ne sait comment gérer son attraction pour les hommes. Devenu enseignant, muté en Lorraine, il tente de « survivre » au fil de ses rencontres furtives avec des amants et/ou des « militants », croit trouver une solution grâce à la psychanalyse… avant de rencontrer le bel Alain, de quinze ans son cadet avec qui il vit mai 1968.

Ainsi résumée, l'histoire paraît banale, insipide.

Pourtant, sous la plume de Fernandez, avec sa culture et sa fougue, c'est dans une traversée de l'histoire de l'homosexualité et de l'homophobie que l'on est emporté. Les plus anciens verront passer des mouvements ou des figures connues : Arcadie, le FHAR (1), le pasteur Doucé, avec des références essentielles – sans être pesantes – à l'antiquité grecque ou à… Sigmund Freud. Les pseudo-solutions de la psychanalyse sont l'un des intérêts de ce livre : on doit bien constater que les dégâts de ces théories sont encore présents dans de bons esprits qui ont trouvé là matière à une « tolérance » envers ces pauvres hères attardés sur la deuxième marche de leur évolution sexuelle. Mêlées à un esprit « lutte des classes », ces idées offrent un cocktail à la saveur assez dépassée mais qui aide à comprendre une époque et à situer le débat actuel dans un contexte historique finement décrit.

Ce livre a bouleversé ma vie, orienté mon coming out. Le reprendre en mains trente ans plus tard ne m'a donné ni nostalgie, ni ennui, ni émotions insurmontables. Le seul constat est que je n'ai encore rien lu de meilleur pour comprendre « notre » histoire, « notre » culture. J'y ai retrouvé références à des faits culturels, des arguments que j'utilise depuis trente ans sans connaître leur source : c'était donc dans L'Étoile rose que j'avais appris tout cela !!!!

« Un gay, mon cher, c'est quelqu'un qui s'amuse là où les autres s'emmerdent » (p. 329)

(1) dont Ma saison Super 8 avait donné une vision

http://www.lestoilesroses.net/article-13567665.html

 

Sulzer Alain-Claude Un Garçon parfait, Jacqueline Chambon, 2008, 235 p. (PRIX MÉDICIS ÉTRANGER 2008)

Ernest est l'employé modèle d'un palace suisse d'altitude, îlot de calme et de luxe face à un lac alpin. La transparence de sa vie n'est qu'une apparence. Avec une maîtrise parfaite de ses effets stylistiques et romanesques, une remarquable économie de moyens, Alain Claude Sulzer parcourt près de soixante ans d'histoire d'un monde dont les convulsions ont, depuis ce point de vue helvétique "neutre", une dimension différente et singulière. En dehors des amours d'Ernest et Jacob, décrits avec simplicité et crudité, apparaît un troisième personnage, Julius Klinger, écrivain allemand en exil vers les États-Unis : il y a du Thomas Mann dans cet homme à qui Sulzer offre une vraie relation sentimentale et sexuelle avec le beau Jacob, en s'inspirant de celles que l'auteur de Mort à Venise (1) n'a pu réaliser malgré toutes les attentes qu'il a confiées à son journal intime, publié après sa disparition.

Justement distingué par le prix Médicis étranger 2008, ce roman est un vrai moment de plaisir littéraire et de réflexion, une construction narrative originale avec une étonnante tension dramatique.

C'est un moyen de s'introduire dans l'intimité de personnages célèbres et anonymes, de confronter leurs vécus dans un cadre géographique et sociologique singulier au travers d'un contexte historique connu auquel l'auteur donne un relief étonnant.

(1) cf : http://www.lestoilesroses.net/article-1090955.html

 

Tammet Daniel, Je suis né un jour bleu, J'ai lu « Témoignage », 2009, 283 p.

S'il est un thème tabou, c'est bien celui de la sexualité des handicapés mentaux. Après une publication très médiatisée en 2007, l'autobiographie sans tabous d'un autiste gay surdoué sort enfin en poche.

Daniel Tammet nous ouvre les portes de ce monde étrange : un esprit d'autiste avec une époustouflante capacité à manier et mémoriser chiffres, langues auxquels il associe couleurs et formes.

Il nous fait aussi partager ses doutes et ses difficultés à entrer en relation avec les autres. Son écriture est limpide et claire, "mathématique", ce qui peut la rendre étonnante mais jamais froide et on suit avec émotion ses efforts, entouré de précieux soutiens familiaux, pour sortir de sa carapace. La description de ses premiers émois amoureux, la découverte absolument limpide de son évidente attirance pour les garçons, sa rencontre avec Neil et l'apparente simplicité de leur vie de couple ajoutent une note plus "sentimentale" au récit de ce parcours si étonnant... qui ne fait sans doute que commencer. Même si l'on est réfractaire aux mathématiques et étranger au monde du handicap mental, on ne peut être insensible à ce témoignage direct, pudique et optimiste, à cette description sans fioritures d'un univers dans lequel sont enfermées tant d'autres personnes, sans possibilité de communication.

Ce livre "brut" est un OVNI dans la littérature : pas si difficile à lire pour peu que l'on veuille se mettre en empathie avec son auteur qui nous offre la possibilité rarissime de nous mettre en phase avec un handicap : on ne peut pas, même en montant sur un fauteuil roulant savoir ce que vivent les paras ou tétraplégiques : Daniel Tammet nous offre la possibilité d'entrouvrir la porte d'un esprit autiste, sans fausse pudeur ni voyeurisme.

Pour en savoir plus :

Sur l'auteur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Tammet

Interview de D. Tammet par Laurent Ruquier

1e partie : http://www.youtube.com/watch?v=hKZoDHTTvmg

2e partie : http://www.youtube.com/watch?v=6NKZcQClsxE&NR=1

 

Tapie Jean-Paul, Le Goûter d'anniversaire, Stanké, 2000, 208 p.

« Il y a deux catégories de racistes : ceux qui se consolent d'être des hommes ordinaires en croyant à une race de sous-hommes ; et ceux qui déplorent de n'être pas des dieux en se considérant comme des surhommes. » (p. 74).

Jérôme Peyral est un élève de seconde qui se sait différent des autres lycéens qui l'appellent « Peyral la pédale ». Le professeur de français dont il était amoureux a été remplacé par un homophobe frustré qui va jouer des stratagèmes les plus pernicieux pour tenter de remettre son élève dans le "droit" chemin en utilisant comme levier de sa cruauté l'hostilité ambiante de la classe. Dans un contexte familial plus que pesant (parents au bord de la rupture, sœur anorexique), Jérôme traverse des moments de joies, d'espoir et de détresse décrits avec une finesse d'anthropologue par un narrateur dont la psychologie est à a hauteur de la puissance romanesque.

Cette plongée au cœur d'un individu en formation dans un monde hostile est d'une force telle que l'on souhaiterait la faire partager à ceux qui ont un pouvoir sur les adolescents, que ce soit à titre familial ou professionnel (enseignants).

Au moment où l'homosexualité semble ne plus être un critère de discrimination ou de racisme, au lendemain du coming out d'un ministre de droite du gouvernement Sarkozy, alors que les nouvelles technologies de la communication permettent de réduire l'isolement de ceux qui se sentent différents du modèle dominant, il est plus que pertinent de s'immerger dans le vécu d'un ado qui doit, même en 2009 en Europe occidentale, assumer une vie de paria.

On saura, une fois de plus, gré à Jean-Paul Tapie d'avoir su si bien emporter ses lecteurs dans des mondes où la littérature peut encore jouer le rôle de point de repère quand la pensée dominante est régie par un ostracisme toujours vivant ou une classification dans des cases formatées où gay rime seulement avec bling-bling, sexe facile et jet-set urbaine.

Pour en savoir plus :

Le blog de l'auteur : http://jeanpaul-tapie.com/

 

Duffy Léa , Féminin féminin, Fixot, 1996, 193 p.

Avec ses talents d'éclairagiste, Léa Duffy braque ses projecteurs sur son amour évident des femmes, la bêtise de ceux qui l'ont violée, ses errances et des joies dans le monde de la nuit, son épanouissement aux côtés de malades du sida.

Dans un récit mené avec l'enthousiasme d'une ado qui doit se battre pour affirmer sa différence intervient la bêtise de deux hommes, deux mâles qui la violent pour lui faire découvrir la véritable supériorité du sexe masculin. Ces abrutis vont la toucher sans la détruire : de cette épreuve elle tirera la force de devenir une porte-parole de celles qui refusent les voies tracées d'avance par les parents, la société, les religions.

Après diverses expériences parisiennes et romaines dans divers milieux nocturnes et fêtards, après un bref passage par la drogue, Léa se met au service de ceux que la maladie frappe et devient auxiliaire de vie. Avec la force et l'audace de la Malika Cherfi du roman d'Olivier Delorme, L'Or d'Alexandre (H&O, 2008) elle soutient ceux qui ont perdu une partie de leur autonomie mais pas la rage de vivre.

Ce récit contient aussi ses zones d'ombres : la virtuose de la lumière sait les insérer avec talent.

Quand on a trente ans et que l'on veut publier un livre de témoignage d'une telle force, il est normal d'avoir recours à un co-auteur. Gageons à la lecture des textes publiés postérieurement par Léa Duffy que ce travail a dû être assez reposant et plutôt lucratif puisque le livre est épuisé. Quand on choisit (ou que l'éditeur impose ?) une personne branchée sur les thèmes religieux (recueils de neuvaines, les saints qui soulagent), le traitement de certains sujets doit être le fruit d'âpres négociations : que vient faire le bon Dieu à « l'heure du bilan »(pp.185-194) ? Dans des propos assez hasardeux sur la fidélité et le mariage on reconnaît quand même l'esprit qui a conduit le récit, un esprit d'ouverture, d'amour et de respect. C'est cet esprit qui conduit Léa à la rédaction d'un superbe billet-message à l'attention des familles qui découvrent l'orientation sexuelle d'un enfant (p.154).

Il suffit de lire les lettres des femmes de tous âges impressionnées par le passage de Léa Duffy à l'émission de télévision de Mireille Dumas, Bas les masques, pour se rendre compte que son témoignage, oral ou écrit est, même plus de dix années après sa publication d'un intérêt et d'une force incroyables face à la bêtise, à la violence et aux préjugés.

 

 

Steelcock Andrew-Stephen, Larry Poppers et le secret de l'arôme interdit, H&O, 2008, 224 p.

Votre fils, votre nièce a « kiffé grave » Harry Potter et vous, père, mère ou tante inquiet(e), n'avez pas eu le temps ni l'envie de vous plonger dans les aventures du petit sorcier ? Voici LA solution !

Si vous êtes vous-même fan du petit binoclard, vous savez depuis la parution du tome 7 (Harry Potter et les reliques de la mort), que Dumbledore, le directeur du collège Poudlard, est gay. Même si vous ne lisez pas le journal de l'établissement (La Gazette du sorcier) et que vous ignorez que l'instrument qui a « marqué » le héros mesure 33,75 cm (tome 1, p.87 de l'édition Folio junior), vous allez entrer dans un autre monde... beaucoup plus dévergondé.

Aucun risque d'ennui ni de gamineries : Larry est un grand garçon, majeur, déluré et vacciné et vous allez en voir de toutes les couleurs. L'éditeur a même précisé « Réservé aux adultes » !

Le père de cet ouvrage est un Gallois savant qui a confié son manuscrit à un érudit traducteur doué pour tous les jeux de langues (Patrick Denfer, lui même auteur d'œuvres moins scientifiques : Plaisirs en mer et Les Dieux du vestiaire).

Vivant traité de vulgarisation sur les effets cli-niques des philtres d'amour, aphrodisiaques et autres piments de la vie sexuelle masculine, ce roman est aussi l'œuvre d'un sujet de Sa Gracieuse Majesté très au fait de la politique française : Miss Thanatcher et le Président Krapozy sont au générique, sans oublier le dangereux ministre transfuge Bertrand Couchtard !

Une intrigue à rebondissements tour à tour musclés, politiques, juteux, drôles et lubriques provoquant autant d'intérêt que de turgescences emmène le lecteur depuis un couple princier (William & Harry) pour s'achever (cela peut se signaler sans déflorer la curiosité !) sur le yacht du souverain de Monte Braco.

Bourré d'humour et de gaieté, avec effet immédiat sur les corps spongieux et caverneux des lecteurs sensibles aux charmes de la virilité, ce livre sollicite également leurs cellules grises. Après le très mauvais Harry Peloteur et la braguette magique, voici un bon vrai pastiche bien frais que je bois (bandé) sans modération et fais partager à tous mes amis, tant que cet arôme-là n'est pas encore interdit par Edvige !!!!

Pour en savoir plus :

Savoureuse interview de l'auteur par « Le concombre godifié »… :

http://www.polychromes.fr/spip.php?article242

 

Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.

TO BE CONTINUED…

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