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Blog LGBT du rédac' chef :
Daniel Conrad

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Un grand merci à Francis Moury,
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Mardi 1 mars 2 01 /03 /Mars 17:40

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« Tant que nous gouvernerons le pays, le mariage homosexuel ne sera jamais sur un pied d'égalité avec les familles traditionnelles. (…) Tant que nous sommes en charge des affaires, il n'y aura jamais de possibilité pour les célibataires homosexuels, ni pour les couples homosexuels d'adopter. » Silvio Berlusconi, premier ministre italien, lors d'une conférence avec des chrétiens réformistes, 28 février 2011.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Lundi 28 février 1 28 /02 /Fév 17:31

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« J'avais une question malicieuse, mais je la poserai plus tard. C'était de savoir où commençait et où s'arrêtait l'homophobie. Mais enfin, bon, ça c'est un autre sujet.(…) Certes, c'est extrêmement réjouissant de savoir que l'on promeut en effet des formes nouvelles de sexualité dans l'école. Et qu'on combat en même temps la pédophilie. Il y a quand même un moment où il faut savoir sur quelles valeurs on s'arrête, mais enfin… (…) [À propos du suicide des jeunes homos] Je ne suis pas certain que la gay pride ne concoure à faciliter les choses. » Gérard Longuet, nouveau ministre UMP de la Défense, audition parlementaire (voir la vidéo), 3 juillet 2008.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Lundi 28 février 1 28 /02 /Fév 17:06

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« Je supporte pas qu’un pédé soit Maire de Paris. »

Puis face aux réactions indignées des associations LGBT son « excuse » reproduite comme prononcée ( !!!) :

« Donc là aujourd’hui je viens répondre, je suis pas homophobe du tout t’as vu, c’est juste, quand je dis cette phrase là dans mon album c’est, heuuuuuuuuu, c’est parce que, après je suis un artiste, je suis un rappeur, c’est parce que le contexte qui fait que déjà on a un président il est tout petit en taille, tu vois, donc on est pas respecté, après si c’est la gay pride et tout ça, le maire de Paris, alors on sera encore moins respecté, c’est dans ce sens-là que j’ai dit, j’ai rien contre Bertrand Delanoë, j’ai rien contre toutes ces associations, contre tous les gays, tout ça... (…) Bertrand Delanoë, j’ai rien contre toi ! »

Cortex 91, rappeur, dans son dernier album, Instinct meurtrier, paru en décembre 2010.

 

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Dimanche 27 février 7 27 /02 /Fév 16:43

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La bannière et la vidéo sont (c)
Syred Pictures
Les vidéos présentes et futures sont diffusées avec l'autorisation de Maykel himself.
Un grand merci à l'équipe de Rien de 9 !
Par Maykel - Publié dans : WEBSERIE : RIEN DE 9
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Mardi 22 février 2 22 /02 /Fév 16:29

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RCN Nancy 90.7 FM (Radio Caraïb Nancy)


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Émission n°5 du 15 février 2011

"Spéciale Filles, Femmes et Lesbiennes"

Produite et animée par Daniel Conrad 

  214.JPGPour écouter l'émission, vous pouvez cliquer sur la photo ci-dessus...


Le troisième mardi de chaque mois EN DIRECT sur les ondes et sur internet, rediffusion le dimanche suivant de 14 à 15 heures, podcastable sur le site de RCN.

En fonction des aléas du Net, des serveurs et de la pleine lune, voici une page qui vous explique comment nous écouter par tous les moyens.

 

Vous êtes homos, hétéros, parents d’enfant homo, parents homos, enseignant(e)s, militant(e)s, artistes (peintres, réalisateurs, écrivains, etc.) sur Nancy et son département. Vous voulez nous écrire pour nous complimenter, nous critiquer, nous poser des questions, participer et témoigner en studio anonymement ou non, proposer des idées de sujets, intégrer l’équipe de chroniqueurs(ses), une seule adresse :

 

Par email : amour.rcn@gmail.com 

 

Par courrier :

Radio Caraïb Nancy

Émission « Ce n’est que de l’amour »

1249 avenue Raymond Pinchard

54 000 NANCY

 

Les invité(e)s :


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* Caroline Mécary, l'avocate qui se bat depuis plus de 15 ans pour les droits des LGBT, une très grande dame... 


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* Hélène Assekour, responsable de la délégation 54 de Osez le féminisme ! 

 

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* Christine Vilhelm, animatrice de l'émission L'Antre Goth'Art sur RCN, peintre et goth.


Chroniques des petits gremlins de Ce n’est que de l’amour :


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*  Sylvain Asselot : Exclusité mondiale : reportage sur la machine qui va faire changer la face du monde !

 

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* Donia Bentrad (Virages) : Les lesbiennes parlent d'elles au monde entier...

 

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* Hély Dana : Les lesbiennes parlent d'elles au monde entier...

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* Julien Gelly (Equinoxe Nancy Lorraine) : L’Histoire de Monsieur Julien : Les droits des femmes et la lesbophobie.

 

Programmation musicale de l’émission :

 

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Générique : « On ne choisit pas », Les White Niggaz (merci à Jean et Cyrille). Sortie de leur album : janvier 2011.


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« Sex Appeal », Sexy Sushi.


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Ils sont formidables, soutenez-les, achetez leur album, aidez-les…

 

Prochain rendez-vous : le mardi 15 mars 2011,  de 17 à 18 heures en direct sur RCN pour une spéciale "HOMOPHOBIE ET HOMOPHOBES"…

Par Daniel C. Hall - Publié dans : CE N'EST QUE DE L'AMOUR
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Lundi 21 février 1 21 /02 /Fév 12:44

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MARC ENDEWELD

RENCONTRE

ABDELLAH TAÏA 

(2/2)

 

Lire la première partie

 

Journaliste, Marc réalise des enquêtes et des reportages pour de nombreux journaux sur des sujets aussi divers que la vie politique, l’économie, l’actualité sociale, les nouvelles technologies, les médias et leur économie, la lutte contre les discriminations et la question des minorités...


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Ces mots, il les a sortis d’un coup, comme une évidence. Immédiatement. Une vraie claque : « Je me sens terroriste », dit simplement Abdellah. Dans une époque où ce vocable – « terroriste » – est devenu l’expression du mal le plus absolu, l’employer détonne. Abdellah est écrivain et connaît le poids des mots.

Pas de provocation là-dedans pourtant. Au contraire, le début d’une réflexion dense, irréprochable de mon point de vue, car évacuant pensée binaire, caricatures, et volonté de croisades. Si Abdellah est « moderne », c’est d’abord parce qu’il s’inscrit dans une histoire, celle du Maroc. Où affirmation nationale aurait dû avoir partie liée avec débat politique. Ce rêve de Mehdi Ben Barka. Questionnant son héritage, Abdellah n’hésite pas à relever le défi de la référence, de la hauteur, de l’ambition. Dans son refus de se placer entre le bien et le mal, de se poser en « victime », l’écrivain refuse d’être réduit à un symbole, d’être réduit à un faire valoir idéal à toute récupération. « L’homosexualité n’est pas une vitrine », dit-il. Ça nous rappelle que dans notre monde englué dans le « choc des civilisations », un piège, s’extraire des facilités est plus qu’une nécessité. Une survie. Si l’on veut éviter la peur. Échapper à la guerre civile. Étrange écho d’ailleurs avec la dernière référence de cette interview : Albert Camus. Car l’ambition du « premier homme » est devenu un combat dans notre époque de morts vivants. 

Dans l’introduction de son ouvrage collectif, Lettres à un jeune marocain, Abdellah lâche : « Aujourd’hui je sais que tout dans nos vies est politique ». N’oubliant pas son histoire, sa pauvreté originelle, il sait que le refus des dominations n’est pas quelque chose qui va de soi. Qu’il est d’abord question de résistance aux puissants et de combat. La colère d’Abdellah est politique, mais au sens noble du terme. L’inverse de la manipulation d’egos et des manœuvres d’appareils (et de leur préservation à tout prix). L’inverse du politiquement correct et de la bonne conscience si chère aujourd’hui à l’homosexualité parisienne. Pas d’effet de posture chez Abdellah. Au contraire, une cohérence rugueuse. Le contraire du fake. Le contraire des imposteurs qui ont envahi nos écrans « modernes ».


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Abdellah Taïa me fait penser à un autre grand résistant et écrivain. Jack London. Tous deux viennent des va-nu pieds. Tous deux ont approché l’aristocratie de notre société. Mais leur idéal de responsabilité est plus fort que toutes les compromissions. Dans un texte autobiographique intitulé Ce que signifie la vie pour moi (Disponible aux Éditions du Sonneur), London, en colère lui aussi, parle justement des morts-vivants qu’il a rencontré en politique, à l’Université, dans les sphères culturelles et intellectuelles : « Dans cette catégorie des morts-vivants, je fais une place d’honneur aux professeurs que j’ai rencontrés, des hommes qui s’en remettaient à cet idéal universitaire décadent qu’est la poursuite sans passion de l’intelligence sans passion ». Ces professeurs, experts, avocats, juristes, journalistes, psychologues qui pullulent aujourd’hui dans toutes les boutiques « militantes »… et si éloignés de leur vérités personnelles, protégés à la fois par leur statut social, et leurs compétences « techniques ».

Justement, un ami m’a écrit un mail suite à la publication de l’interview d’Abdellah dans Têtu du mois de Novembre : « Ce que dit Abdellah me semble très fort, puissant et essentiel, et je suis très touché par son engagement qui me semble aller au-delà de l’engagement intellectuel classique car il touche à tous les aspects de sa vie (…) Pour moi cet interview me semblait aussi importante que celle qu’avait donné Guy Hocquenghem dans le Nouvel Obs en 1972 car il en ressort un discours vraiment nouveau et  révolutionnaire ». Alors Abdellah Taïa, mauvaise conscience des pédés parisiens en désespérance politique ? Il y a sûrement un peu de ça, même si on ne peut, bien évidemment, le réduire à ce miroir qui nous ramène à tous nos renoncements.


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Pour finir, je citerai les derniers mots d’Abdellah, dans Têtu : « Je me sens libre, mais je ne me reconnais pas dans la manière dont les homosexuels vivent ici. L’homosexualité est liée pour moi à un combat de vie, ce n’est pas quelque chose de léger… L’homosexualité a un sens de résistance, même si je ne limite pas mon identité à celle-ci. En France, on m’a fait passer pour le gentil petit Marocain qui fait le couscous et le tajine, le petit Maghrébin qu’on a envie de mettre dans son lit, ou alors le pauvre musulman qui ne peut pas boire ni manger de porc. Toutes ces réductions de mon identité, ça m’a fait mal. J’ai appris à redevenir malin comme dans mon quartier de Hay Salam, au Maroc, à résister à cette autre banalisation de mon être. J’ai continué à écrire, à être superstitieux, secret, à être quelque part religieux, mais à partir d’une religion réinventée ». Oui continuons à « écouter » Abdellah, car même à l’écrit, ses paroles, ont la force de raisonner en chacun de nous. En tout cas, à 28 ans, je l’espère.


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Marc Endeweld : Tu dis une chose extrêmement forte : « ces jeunes Marocains, terroristes, c’est moi ». Tu dis aussi : « L’homosexuel, c’est pas fashion ». En fait, tu fais de ton combat homosexuel un véritable combat politique. Dans l’introduction de ton ouvrage collectif Lettres à un jeune Marocain, tu en appelles à revenir à la lumière de Mehdi Ben Barka, et tu soulignes la trahison de la génération de tes parents sous Hassan II, des intellectuels. Tu soulignes qu’on a vendu le Maroc plutôt que d’être à la hauteur de ce rêve… Là aussi, tu t’inscris totalement dans l’histoire marocaine… Tu ne te places pas du côté du bien contre le mal…

Abdellah Taïa : Je me sens terroriste, oui, comme ces deux jeunes frères qui se sont fait exploser à Casablanca. Je me sens comme eux. D’ailleurs quand j’ai commencé à écrire cet article, « Il faut sauver la jeunesse marocaine », j’ai eu aussi une autre idée : écrire le roman d’un kamikaze marocain à la première personne. Je voulais aller jusqu’au bout de cette identification et révéler en même temps la réalité intérieure, et le double rejet dans lequel a vécu ce kamikaze. Il était hors de question pour moi de l’éloigner, de me dissocier de lui, de le rejeter même dans sa mort. Rejeter le kamikaze, ne pas chercher à le comprendre, c’est le tuer une deuxième fois.

 

Comme les autres rejettent l’homosexuel…

Oui. Absolument. Je me sentais terroriste en écrivant cette histoire, cet article. Je ne me suis jamais, jamais, considéré comme une victime. Je ne suis pas une victime, ni de la société marocaine, ni de ma famille. La victime se tait, pleure, donne malgré elle raison à la société et ses diktats. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas de compassion pour les victimes, bien au contraire… Mais ce n’est pas parce que je suis homosexuel que je suis une victime. Ce point-là est très, très important. Je me sens fort comme ma mère. J’ai appris d’elle comment me défendre, me battre. Il a fallu, bien sûr, attendre le bon moment pour s’engager dans le combat, être suffisamment armé… Aujourd’hui, j’ai la possibilité de le faire, et aller par la même occasion au plus profond des choses. Il ne suffit pas de dire : « Je suis contre tel ou tel islamiste ». En tant qu’écrivain, ça serait presque un crime de ma part que de condamner des gens aussi facilement, il faut bien au contraire entrer dans leur peau. Je peux le faire. Être homosexuel ne m’empêche pas de comprendre les autres, un hétérosexuel marocain, par exemple, engagé, poussé vers le pire. Moi-même j’ai été contacté par des islamistes quand j’étais adolescent, ils m’ont invité, je suis allé les voir, manger avec eux… J’aurai pu m’enfoncer davantage dans cet extrémisme… Le rêve du cinéma et le rêve d’aller à Paris m’ont sauvé. Je ne suis pas en train de prendre la pose ici. Je comprends de l’intérieur ces deux frères terroristes qui se sont fait exploser à Casablanca. Écrire, c’est aller loin dans l’histoire, dans le passé historique et chercher une figure qui incarne quelque chose de fort, « de haut », de noble, quelque chose à la hauteur du Maroc, et plus grand que le Maroc, pour le replacer dans le monde. Cette figure a existé, il s’agit de Mehdi Ben Barka qui a été assassiné dans les années 1960. Il avait un rêve pour les Marocains, il avait un idéal, il venait d’un milieu très pauvre, il s’est battu pour l’indépendance du Maroc, il voulait faire quelque chose avec ce pays, apporter quelque chose, donner quelque chose aux Marocains, à lire, à voir, les porter haut, plutôt que de les écraser. Il se trouve que ce grand rêve a été tué, et avec lui toute une génération d’intellectuels marocains, et cela dure jusqu’à aujourd’hui. Quand je pense à l’histoire moderne du Maroc, je ne vois pas une autre figure comparable à celle de Mehdi Ben Barka. Il était donc important pour moi de rattacher cet ouvrage collectif, Lettres à un jeune marocain, à cette figure. Faire un lien entre le combat de ce grand homme et celui de ma génération.


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Tu dis toi-même : « Je ne savais pas qui c’était »…

Car moi-même, longtemps, j’ai été complètement dépolitisé. Je ne me rendais pas compte de la valeur réelle de ces gens-là, ces véritables combattants. On patauge depuis plusieurs décennies déjà dans un discours officiel qui réécrit l’histoire et la vide de son sens… Ben Barka a été assassiné à Paris par le pouvoir, avec la contribution des services secrets français. Son rêve ne doit pas mourir. C’est ce que je dis dans l’introduction de ce livre. C’est un message pour les générations qui arrivent aujourd’hui, celles d’Internet, qui ne se rendent pas compte de l’importance historique de Ben Barka.

 

Cette obligation de compréhension en tant qu’écrivain fait que tu acceptes dialoguer avec les islamistes… Ça t’a amené à défendre la liberté d’expression en Espagne.

Porter des idées comme je le fais nécessite une certaine vigilance, par rapport à l’instrumentalisation dont je peux être l’objet par des institutions ou des personnes qui veulent faire de moi une figure opprimée, victime, et se servir de ce que j’écris, de ce que je suis devenu, pour justifier leur côté politiquement correct. J’en ai eu l’illustration au mois de mars dernier quand un grand festival espagnol, celui de Cartagena, a censuré Nadia Yacine en annulant sa participation après l’avoir annoncée dans la presse. Nadia Yacine est la fille de l’islamiste marocain le plus connu, Cheikh Yacine… J’ai grandi pas loin de chez lui, il vient aussi de Hay Salam. Ils ont également déprogrammé Ali Lamrabet, un journaliste qui a fait des caricatures par rapport au roi et au budget du palais royal, et qui est maintenant exilé en Espagne. Le festival a reçu des pressions, et a décidé de supprimer ces deux personnes du programme. Le directeur du festival n’a rien a dit dans le quotidien espagnol El Pais : « Mais il n’y a pas de censure, puisque Abdellah Taïa va venir, et il sera libre de parler de ce qu’il veut, même de l’homosexualité ». Bref, une récupération de ce que je suis pour justifier la censure.

Ce que je n’accepte pas au Maroc, on me demandait de l’accepter en Espagne, pays démocratique. Il fallait que je m’estime heureux, moi petit Marocain qu’on invite, et qu’en plus je souscrive à la censure d’autres Marocains. Qu’est-ce que cela veut-il bien dire ? Que le Maroc a besoin de gens qui pensent tous la même chose, tous du même côté ? Je ne crois pas. Ce qui nous manque c’est l’installation sérieuse d’un débat contradictoire. Moi, je n’ai rien contre Nadia Yacine comme personne, ce sont ses idées que je n’accepte pas. Elle est quand même marocaine, et le Maroc est pluriel. Il fallait que je dise tout cela et que je me retire du festival, car j’estimais que c’était un manque de respect vis-à-vis de moi et vis-à-vis du Maroc. C’est ce que j’ai fait dans une tribune publiée en avril 2009 dans El Pais. J’ai dit ma solidarité pour ces gens, pour ces deux personnes censurées, et j’ai replacé l’homosexualité, et la prise de parole par rapport à l’homosexualité. Redire le sens profond de cela. Parler de l’homosexualité n’était pas destiné à l’Occident. Ce n’était pas une vitrine.


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Peux-tu revenir sur la génération Internet ?

Je me suis construit seul. Quand j’ai pris conscience de mon homosexualité, j’ai compris qu’il n’y avait personne autour de moi avec qui parler, chez qui je pouvais trouver de la tendresse ou bien un interlocuteur. Jusqu’à ce que je quitte le Maroc, j’avais pris l’habitude de ne consulter personne, de ne me référer qu’à moi-même, et de prendre seul toutes les décisions importantes, ou moins importantes, qui concernent ma vie, mes lectures, mon temps libre, etc. Ce fonctionnement solitaire, malgré la douleur, et malgré les incertitudes, et des fois, les larmes et l’errance, ce fonctionnement m’a sauvé, car j’ai su très vite qu’il ne fallait surtout pas demander l’autorisation aux autres, ni à ma mère, ni à mon grand frère, ni à mes amis, ni à mes professeurs, car intuitivement j’avais conscience que ces gens-là, même s’ils étaient intellectuels, même s’ils m’aimaient, allaient me ramener à des sentiments de protection et de peur, et donc à un autre enfermement dont ils n’avaient même pas conscience eux-mêmes. Donc finalement cette solitude en tant qu’homosexuel, en tant qu’individu qui se destine par les rêves à quelque chose de grand, m’a sauvé. Il faut dire qu’à l’époque, il n’y avait pas Internet, il n’y avait pas ce monde virtuel de l’informatique dans lequel on est en train de refaire aujourd’hui le monde d’une certaine façon, et dans lequel on est en train de redéfinir les règles et les lois, et la morale, malgré toute la sauvagerie que cela implique.

C’est la différence entre moi, 36 ans aujourd’hui, qui pensais parfois la nuit que j’étais le seul homosexuel au Maroc, et les jeunes homosexuels marocains d’aujourd’hui. Ils ont pu, grâce à Internet, je ne vais pas dire sauver leur peau, mais au moins se sentir un peu moins seuls. Entamer déjà quelque chose, accéder à un monde sans surveillance, celui de l’Internet, où pendant un moment, chaque jour, ils peuvent être eux-mêmes à la fois dans leur sexualité et dans leur pensée. Et même si Internet ne tient pas toutes ses promesses, et même si cette liberté peut être dangereuse car accentuant la solitude, et l’isolement et la folie, il y a quand même une différence entre nous. Et le meilleur exemple de ce que je dis, c’est ce jeune Marocain qui s’appelle Samir Bargachi, qui a créé sur Internet un site pour défendre les homosexuels marocains, pour leur donner un espace où ils peuvent s’exprimer, et à partir duquel ils peuvent réclamer des changements de loi, et petit à petit, constituer un réseau d’influence, d’amis qui pèseront un jour, j’espère sur le gouvernement marocain. Je trouve que ce garçon est beaucoup plus courageux que moi, il a à peine 22 ans, a déjà créé ce site et fait parler de lui. Il est allé au Maroc pour annoncer la création de ce site, il a donné une conférence de presse à Casablanca en avril dernier, il a accordé des interviews dans plusieurs journaux importants au Maroc, en arabe comme en français. Ce garçon porte en lui un espoir énorme.


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Tu dis : « Je me suis construit dans la solitude ». Comment es-tu passé du « nous » au « je » ?

J’ai grandi à Salé, une ville juste à côté de Rabat. C’est une ville connue dans l’histoire du Maroc pour ses pirates, ses corsaires, dont on trouve les traces dans Candide de Voltaire, et aussi les livres de William Defoe et de Dickens. J’ai grandi dans cet imaginaire, celui de gens un peu en dehors des lois, loin du centre-ville, à la périphérie, dans un quartier qui s’appelle Hay Salam (« quartier de la paix ») et qu’on appelait Hay Dalam (« quartier des ténèbres »). On était oubliés, marginalisés. Mais, en même temps, ce quartier se trouve juste à côté de la route vers l’aéroport de Rabat Salé, à 1 ou 2 km de la base militaire la plus importante du Maroc et à seulement 1 km d’un terrain où je me jouais au football et sur lequel a construit aujourd’hui une prison, la prison Zaki, la plus importante au Maroc. J’ai grandi donc à côté de cette prison qui montait, qui s’élevait… J’ai passé mon enfance libre en regardant cette prison vide, bientôt pleine. J’étais un pauvre va-nu-pieds, je hantais les rues, je me bagarrais, je faisais partie d’un clan, avec les copains on tuait les chats, on finissait les bouteilles de vin en plastique des ivrognes du quartier : une enfance où tous les jeux interdits étaient simples et naturels. Autant cette enfance était quelque chose de beau, de fort, et de très pauvre en même temps, autant tout le reste de ma vie dans ce quartier a été marqué par un isolement progressif, dans le sens où j’ai compris qu’on me demandait d’être une figure masculine conforme aux diktats de la société. J’en étais incapable.

Je n’avais pas d’autre choix que de… non pas me retirer du monde, mais de trouver une place ailleurs, un point de vue autre, dans le noir si je peux dire, et à partir duquel j’essayerai d’envisager une possibilité d’exister… C’est ce que j’ai fait, j’ai cessé de fréquenter ces garçons de l’enfance. Je suis devenu un solitaire. Évidemment, tout cela n’a pas été simple car il a fallu gommer des choses de ma personnalité qui choquaient les gens autour de moi. Je crois que j’étais assez efféminé quand j’étais enfant et le quartier me renvoyait cette image, celle d’un petit garçon efféminé. Même dans ma famille. Tant que j’étais enfant, cela n’avait pas beaucoup d’importance, mais quand que je suis devenu adolescent, c’était une autre histoire. Soit on devient un homme, un actif, ou bien on est cette petite chose sexuelle sur laquelle tout le quartier va passer, pour que la libido des hommes dans cette ville, dans ce quartier, soit canalisée. Certains ont été sacrifiés, tués, et je ne voulais pas devenir ça, je ne voulais pas mourir tout simplement. Il fallait donc résister. J’ai fait tout cela d’une manière très intuitive. J’ai cessé de fréquenter ces garçons de l’enfance, je me suis tu. Je n’avais pas de chambre pour moi. Je dormais avec mes six sœurs, ma mère et mon petit frère. Je savais qu’il fallait attendre plusieurs années avant d’en avoir une à moi, dans laquelle réinventer tout, redécouvrir tout. Voilà. C’est dans ce quartier que le passage du « nous » au « je » s’est produit, mais ce n’était ni un passage intellectuel, ni un passage dans le but d’écrire un jour… C’était une nécessité intérieure, une manière de sauver ma peau.


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Que s’est-il passé ensuite ? Le cinéma est arrivé dans ta vie…

À partir du moment où je me suis retiré, en quittant la rue, l’espace privilégié de l’enfance, l’obsession des films a commencé. Je devais avoir 13 ans. Je ne voyais plus les films de la même façon. Avant, j’allais au cinéma. Maintenant, j’allais voir des films, je choisissais. J’ai découvert un autre plaisir cinématographique à partir duquel j’ai pu construire, petit à petit, mon regard sur le monde. Un regard nouveau qui m’a permis de découvrir ce qui se passait autour de moi autrement.  Je voyais les films, je les enregistrais en moi et, en même temps, j’observais ce qui se passait de troublant, d’interdit, à l’intérieur des salles de cinéma populaires où je me rendais. Il y avait autant de spectacle sur l’écran que dans la salle. C’était des salles où allaient les gens pas bien, les « mauvaises gens », les garçons qui buvaient, les drogués, les mauvaises filles, les prostituées. Un lieu de la marginalité. À l’époque, je me méfiais de ces gens-là, ces « hors la loi », je pensais que, eux aussi, allaient découvrir mon secret. J’étais avec eux, dans les mêmes images qu’eux et je me cachais d’eux.

J’avais tort : je ne l’ai compris que plus tard…  Oui, les films, au sens propre, m’ont aidé à traverser toutes sortes d’épreuves, à survivre dans la solitude, à ne pas trop rejeter le monde malgré la colère qui montait, qui montait, en moi. Les films m’ont permis de rencontrer un autre rêve, celui d’aller un jour à Paris. Une star de cinéma français a toujours été pour moi liée à ce rêve : c’est Isabelle Adjani. J’avais trouvé dans la chambre de mon grand frère des vieux numéros du magazine Première : elle était sur la couverture d’un des numéros qui datait des années 1970. Sur cette couverture, elle avait des cheveux un peu crépus, un regard halluciné, une peau incroyablement blanche, très blanche, trop blanche. Elle était belle, plus que belle, irréelle tellement elle dépassait les canons de la beauté. Et, en même temps, elle semblait ailleurs, habitée, hantée, possédée. On aurait dit « une folle ». Elle avait l’air très française, et pas très française. J’ai volé ce numéro de Première et j’ai appris à aimer de loin Paris en regardant les yeux et le visage d’Isabelle Adjani.

Plus tard, beaucoup plus tard, j’ai tout appris sur elle, sur ses origines, son père algérien kabyle, sa mère allemande. J’ai appris, grâce à cette grande actrice, que l’on pouvait être français en venant d’ailleurs. Être français, c’était une idée, Isabelle Adjani l’incarnait superbement. Elle l’incarne toujours. J’admire Isabelle Adjani. Naïvement, imbécile heureux, je me dis certains jours pour me remonter le moral : « Tu n’as pas le droit de déprimer ; après tout, tu vis sous le même ciel qu’Adjani… » C’est idiot, je sais. Je suis aussi comme ça, complètement idiot...


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Tu as fait des études au Maroc…

Oui, j’ai fait presque toutes mes études au Maroc. Je voulais aller à Paris après le Bac pour entrer à la FEMIS. Je voulais devenir réalisateur. J’ai donc écrit à la FEMIS. Ils m’ont répondu. Il fallait avoir le DEUG pour pouvoir passer le concours d’entrée. Je me suis alors inscrit au département de littérature française à l’université Mohammed V, à Rabat. Dès le premier jour à la Faculté, je me suis rendu compte que mon niveau en français était vraiment très faible. Cette langue n’a jamais été la mienne, et ne le sera jamais peut-être.

À côté des étudiants qui venaient de la mission française, j’étais vraiment nul. Mon complexe d’infériorité est devenu énorme. Il fallait faire quelque chose… Arriver au même niveau que ces autres étudiants, les combattre dans cette langue étrangère, les dépasser. Et pour mener cette bataille en langue française, j’ai tenu un journal intime, qui n’en était pas un vraiment : des cahiers bleus dans lesquels j’écrivais des phrases en français, fausses, correctes, des phrases pour apprivoiser cette autre langue, la séduire, la « baiser », lui donner des coups, la mélanger à l’Arabe. Un journal intime pour tout réapprendre, tout redécouvrir dans un monde où les mots en français étaient vrais, bien dits. Maîtriser cette langue au sens propre, se familiariser avec sa grammaire, sa syntaxe. J’avais en moi, à ce moment-là, un désir fort d’aller vers cette langue pour la prendre, la « maltraiter », la posséder, la rendre mienne. Malgré sa supériorité et son snobisme. Ce sont ces batailles avec (et dans) la langue française qui m’ont amené à la littérature.

Un jour, j’ai découvert que ce que j’écrivais pouvait être transformé en quelque chose d’autre, une histoire, un texte, un petit poème, une autre forme. Et quelque chose d’autre est arrivé aussi, ce qu’on appelle le style. C’est-à-dire une autre manifestation de moi-même, une autre réalisation… J’ai compris que je pouvais faire quelque chose avec ça, intervenir dans mon monde avec un autre point de vue… C’est ce que j’ai fait… Entre temps j’avais obtenu le DEUG, mais mes parents étaient toujours pauvres : je ne pouvais pas aller à Paris passer le concours de la FEMIS. Pour aller à Paris, il fallait de l’argent, connaître des gens, avoir des liens... J’ai donc continué à étudier la littérature française, Maîtrise sur Guy de Maupassant, DEA sur Marcel Proust. Et la chance est arrivée : on me donne une bourse pour aller étudier à l’étranger. On trouve ce rêve, « monter à Paris », dans beaucoup de romans et de films français. Moi, du Maroc, je me suis senti aussi  concerné par ce rêve. Il y a une légitimité à posséder ce rêve, à le réaliser, même quand on n’habite pas en France. Il doit y avoir quelque chose de fort, d’indestructible  dans ce rêve parisien...

Quand j’ai débarqué à Paris fin 1998, je n’avais aucune connaissance de la réalité des classes sociales françaises, je n’avais pas du tout conscience que j’étais un Maghrébin dans une société française qui n’accueillait pas si bien que ça un Maghrébin et en plus homosexuel. Je ne voyais pas les difficultés et, les deux premières années, je me sentais fort. Plus que fort.

Je peux tout, je ferai tout : c’est ce que je me disais. Je sentais une audace en moi, une rage, une envie folle de faire, entreprendre, contacter des gens… Je pouvais écrire, j’ai continué à le faire. J’étais dans mon rêve : Paris. Le cinéma pas loin. À portée de mains. Le rêve possible, fort... Après, bien sûr, les difficultés sont arrivées. Émigré à Paris : qu’est-ce que cela veut-il bien dire ? Seul à Paris : comment à partir de cette nouvelle réalité se réinventer ? Et le Maroc : où le mettre, comment l’écrire ? Le renier ? Lui tourner le dos ? J’ai acquis à Paris une conscience politique, une vision politique du monde et de moi-même, ce que je suis, ce que j’étais au Maroc, ce que j’allais devenir en France… Ecrire. Publier. Crier. Faire bientôt un film, d’autres films. Me rapprocher de la vérité, ma vérité, tenter de la dire, de la partager. Être nu. Homosexuel et nu. C’est cela que je veux faire, à Paris, au Maroc, dans le monde. Être, comme Albert Camus, « le premier homme ».

 

 

Première publication : Minorités

Interview reproduite avec l'aimable autorisation de Marc Endeweld.

Tous droits réservés. Merci de ne pas reproduire sans l'autorisation de l'auteur.

Toutes les photographies sont © les auteurs. Avec l'autorisation d'Abdellah Taïa.

Par Marc Endeweld - Publié dans : SPÉCIAL ABDELLAH TAÏA
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Lundi 21 février 1 21 /02 /Fév 11:21

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MARC ENDEWELD

RENCONTRE

ABDELLAH TAÏA 

(1/2)

 

Journaliste, Marc réalise des enquêtes et des reportages pour de nombreux journaux sur des sujets aussi divers que la vie politique, l’économie, l’actualité sociale, les nouvelles technologies, les médias et leur économie, la lutte contre les discriminations et la question des minorités...


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Abdellah est écrivain. Et sûrement plus que cela depuis qu’il a affirmé publiquement, et à de multiples reprises, son homosexualité, « réfléchie et installée au cœur des débats marocains ». À 36 ans, il est donc aujourd’hui un Marocain convaincu que « tout dans nos vies est politique », et qu’un « autre rêve pour le Maroc est possible », comme il le souligne dans un ouvrage collectif, Lettres à un jeune Marocain, publié en octobre en France, dans lequel il a rassemblé de grands auteurs marocains comme Tahar Ben Jelloun, Rachid O., Mohammed Hmoudane…

Dans l’introduction de cet ouvrage, le jeune écrivain  se réfère à la grande figure de Mehdi Ben Barka. Une évidence pour Abdellah, le « serviteur de dieu », Taïa, « l’obéissant », qui a désormais choisi la résistance, « parce que j’ai toujours en moi cette colère du pauvre », confie-t-il au détour d’une phrase. L’homme cherche le regard de son interlocuteur, cherche à convaincre, à établir un dialogue, à ouvrir un débat. Soucieux de choisir le bon mot, d’un coup, ses mains s’animent et lâchent un flot de paroles, précises, denses, à la hauteur de sa colère intérieure.


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Notre rencontre date de l’été dernier. J’avais lu deux de ses ouvrages, L’armée du Salut, et Mélancolie Arabe. Quelques semaines auparavant, j’avais consacré un petit article sur tetu.com à sa tribune, « L’homosexualité expliquée à ma mère », publiée au printemps dernier dans l’hebdomadaire marocain Tel Quel. Il m’avait alors envoyé un mail pour me remercier, conclu par un « Salam chaleureux ».

Une rencontre forte, avec déjà le partage de ses doutes, espoirs, et combats. Pour Têtu, je l’ai revu par la suite, il m’a accordé deux longs entretiens, de deux heures chacun. Un véritable cadeau. Je devais être à la hauteur de celui-ci. Ne pas déformer notre rencontre, conserver la tension de ses propos, leur complexité et leur dureté à la fois. Au final, 20 000 signes ont été publiés, soit six pages, dans le n°149 de novembre 2009 (vous pouvez, encore pour deux jours, l’acheter en kiosques).

Si je n’avais qu’une chose à retenir de ce flot de paroles, je retiendrai les mots suivants, car ils ne vont plus de soi dans notre monde bousculé et incertain : « Je suis peut-être homosexuel, mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas comprendre ce qui peut amener un jeune Marocain à ce pire-là, à devenir islamiste, à choisir la mort plutôt que la vie. Je veux dire qu’être homosexuel n’est pas pour moi quelque chose de fashion, ou quelque chose qui fait de moi un traître à mon pays ou à ma famille. Être homosexuel, c’est aussi quelque chose qui est dans la vie, ce n’est pas dans un ghetto. On dialogue avec la réalité, aussi intolérante soit-elle ».

Des paroles qui se conjuguent si bien à l’obsession d’Abdellah, cette responsabilité politique dont il espère toujours être à la hauteur. Responsabilité : la sienne, la nôtre. Un mot qui a fini par devenir désuet dans notre démocratie médiatisée jusqu’à l’absurde. Mais un mot que personne ne devrait oublier. Car se sentir responsable, c’est tenter de se tenir debout, fier, déterminé. Comme Abdellah. Même si ce n’est pas confortable.

Alors, pour Minorités, Abdellah a accepté de nous en livrer un peu plus. Pour aboutir à l’interview de Têtu, j’avais en effet retranscris près de 80 000 signes. Un flot de paroles de cette teneur se tient de bout en bout. Voilà aujourd’hui de nouveaux passages de notre rencontre de cette fin d’été 2009. Il ne vous reste plus qu’à imaginer son regard troublant, mêlant une certaine pudeur et l’espièglerie de son enfance. Mais aussi sa voix douce qui sait se faire grave, tranchée. Et moi, je songe à cet autre cadeau : la naissance de notre amitié. Merci à toi Abdellah. Salam chaleureux.


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Marc Endeweld : À travers tes dernières déclarations publiques, tu as toujours refusé le rôle de victime que la société aimerait t’imposer…

Abdellah Taïa : Le fait d’écrire amène loin en soi, à l’intérieur, ou aux origines, ou aux images d’avant. Je ne peux pas être vrai avec moi-même quand j’écris mes livres, et après faire comme si, prendre la pose de l’intellectuel qui n’est pas concerné par les réalités du monde, les complexités et les contradictions de la société. En revanche, je faisais très attention de les dépasser, de ne pas tomber dans leur point de vue très étroit sur l’homosexualité et l’homosexuel : efféminé, prostitué, passif… Je précisais que chacun avait une liberté de pratiquer ça, mais je n’étais ni l’efféminé, ni le prostitué, ni le passif, et c’est peut-être ça qui a perturbé le plus. Ils ne s’attendaient pas à ce que l’homosexualité soit réfléchie et installée au cœur des débats marocains. Ceux qui me critiquaient disaient : est-ce qu’on a réglé tous les problèmes du Maroc pour traiter la question des homosexuels ? Ce à quoi je répondais : mais les homosexuels payent des impôts et ils sont aussi bien dans la société que vous, et ils ont aussi droit à la liberté de s’appartenir comme n’importe quel autre sujet marocain.


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Pourquoi être revenu sur le sujet alors que tu avais déjà affirmé publiquement ton homosexualité ? Pourquoi impliquer cette fois-ci ta famille ?

Ce que je suis aujourd’hui intellectuellement, les goûts artistiques, ma façon d’être, de voir… je le dois beaucoup à mon grand frère Abdelkébir. Quand j’étais enfant, lui il était déjà très grand. Il y a 20 ans de différence entre nous. C’est lui qui avait les livres, qui avait les disques de Dire Straits, de David Bowie, de la diva égyptienne Oum Kalsoum… Heureusement pour moi, il était là, dans la maison. Mon autre mon rêve était d’aller à Paris. Aujourd’hui il s’est marié, il a des enfants, il a abandonné ses vieux rêves. Il n’y a plus de modèle dans ma famille pour mes neveux et nièces.  Écrire, publier des livres, parler de moi, évoquer mon intimité, réinventer tout ça dans la littérature, c’est aussi une responsabilité vis-à-vis de ces neveux et nièces. Je voudrais, c’est même mon ambition ultime, devenir l’Abdelkébir pour mes neveux et nièces. Il fallait donc leur parler directement, leur expliquer les choses. Au Maroc, aujourd’hui encore, on ne nous explique rien, le pouvoir fait ce qu’il veut... Au Maroc, dès qu’on affirme une chose, elle est niée. Tout est nié, en permanence.

Depuis 2006, je parle de mon homosexualité dans la presse marocaine, ouvertement. Mais jamais je ne l’avais fait avec mes parents. Je n’éprouvais pas le besoin d’avoir une reconnaissance de leur part. Mais, en même temps, j’éprouvais une responsabilité envers eux, une fidélité. J’ai partagé avec eux des années de pauvreté. J’ai avec eux la solidarité du ventre vide, et ça on ne l’oublie pas. Quoi qu’il arrive, même s’ils me trouvent bizarre, fou, pas comme eux, un monstre, moi je sais qu’il y a ce lien du ventre vide entre nous. Je voulais un jour leur dire ça, leur dire cette continuité dans notre histoire familiale. Je suis parti de la maison, j’ai quitté ma mère, mais ce n’est pas pour autant une trahison. La transgression, elle était déjà vécue avec eux, parmi eux. J’ai voulu leur dire : être homosexuel, écrire, parler d’eux et de moi… je ne le faisais pas dans le but de les déshonorer, ou de leur faire du mal, bien au contraire… Je voudrais les faire entrer dans la littérature, ce sont eux qui m’inspirent.


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Dans le cadre d’une fidélité familiale…

Une fidélité familiale, marocaine. Je ne voulais pas qu’on dise que je m’inspire de Gus Van Sant, de Visconti, de Michel Foucault, de Pasolini… Échapper à ce reproche : « Tu t’es vendu à l’Occident en voulant être libre ».  Je voulais, au contraire, montrer que ces valeurs existent chez nous, a l’intérieur de chez nous, c’est juste qu’il y a une sorte d’omerta… Un silence infernal qui sclérose à la fois les vies, les âmes, le quotidien, les traditions, le pouvoir… En avril dernier, trois mois avant les élections législatives, le ministre de l’Intérieur déclare, pour couper l’herbe sous les pieds des islamistes, que « la morale de la société marocaine nous préoccupe », « la religion, c’est aussi un sujet pour nous ». Il n’a rien trouvé de mieux que de publier un communiqué pour dire que désormais l’État marocain allait protéger le citoyen marocain de tous ceux qui attaquent sa morale, sa religion, ses valeurs, etc.

Et surtout ceux qui parlent d’homosexualité. J’ai estimé que ce communiqué m’était adressé personnellement, pour me ramener à l’ordre, pour arrêter quelque chose qui a commencé au Maroc. Encore une fois, voilà comme le pouvoir réagit dans un pays qui essaye de s’en sortir, de se regarder en face. Le pouvoir, au lieu d’accompagner le changement, fait plaisir aux islamistes. Aujourd’hui le citoyen arabe et musulman est malheureusement pris entre deux étaux, le pouvoir et les islamistes. Le ministre a voulu également intimider les journalistes qui parlent d’homosexualité d’une manière plus sérieuse et qui essayent d’interroger la société par le prisme de l’homosexualité. Je savais que les intellectuels marocains n’allaient jamais défendre l’homosexualité, parce que pour certains d’entre eux, évoquer ce sujet, parler d’Abdellah Taïa, c’est un déshonneur. J’en ai conscience… Depuis toujours, je ne ressens pas le besoin d’avoir des soutiens pour lancer les choses… Je peux commencer seul… Je peux écrire, j’ai appris seul à le faire, et je vais continuer à le faire. Je réponds au ministre. Et, presque malgré moi, je vais donc prolonger ce coming out qui n’en finit pas.

Mais, au lieu de m’adresser à un ministre directement qui n’aura aucune considération pour ce que j’écris, j’ai préféré m’adresser à ma famille, à ma mère, ramener cette parole libre à l’origine, à ce cercle où le changement doit être initié, le cercle familial. Le pouvoir nous abandonne, la religion est en train d’être vidée de son sens, qu’est-ce qui nous reste ? Il nous reste nous-mêmes. Je vais parler.


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Mais comment l’homosexualité est devenue en quelques années un thème national au Maroc ?

Depuis dix ans à peu près, l’homosexualité est devenue une obsession marocaine. Cela se voit à travers différents incidents et scandales… Comme l’outing d’un ministre en 2002, sans le nommer, mais tout le monde avait compris de qui il s’agissait… L’homosexualité est presque devenue un point de rencontre entre plusieurs partis, entre plusieurs mouvements opposés. Il y a eu aussi cette affaire de Tétouan, ces jeunes homosexuels qui célébraient un anniversaire dans la vieille ville. Un jeune homme hétérosexuel a voulu se joindre à eux, ils ont refusé de le laisser entrer. Il a alors a alerté la police qui a emmené tout le monde en prison. Cela a provoqué un scandale dans la presse marocaine, mais, deux jours après, tout le monde a été libéré. Ces jeunes homosexuels ont eu beaucoup de problèmes car on a su qui ils étaient, et certains d’entre eux ont été obligés de quitter le Maroc…

En 2006, il y a eu le fameux procès de l’étudiant homosexuel à l’Université de Fès. Des étudiants islamistes l’ont convoqué en pleine nuit. Au cœur même de la cité universitaire, 200 étudiants islamistes ont jugé cet étudiant homosexuel et, une semaine des examens, ils l’ont exclu de l’université. Pire, ils sont allés voir sa famille pour le dénoncer. Du jour au lendemain, ce jeune étudiant était interdit des examens, abandonné par les autorités marocaines, par l’université, et rejeté par sa famille… Je vais peut-être écrire un jour une pièce de théâtre sur cet incident dramatique… On dirait presque « Le procès » de Kafka…  Un procès qui montre comment la figure de l’homosexuel est devenue importante ces dernières années au Maroc. Une figure a la fois reconnue et, en même temps à éliminer.  

L’événement majeur autour de l’homosexualité au Maroc s’est produit en novembre 2007. Il s’agit du faux « mariage homosexuel » à Ksar El-Kébir, une petite ville au nord du Maroc dont on n’entend jamais parler. Pendant la saison de pèlerinage d’un saint, des fidèles ont organisé un faux mariage entre deux hommes. Tout le monde le sait, ce genre de traditions existe au Maroc depuis longtemps, cela fait partie d’une culture populaire que, moi personnellement, j’aime beaucoup… Sauf que Ksar El-Kebir, comme d’autres villes marocaines, est devenue encore plus conservatrice qu’avant. Quelqu’un du parti islamiste est venu à la fête, ce faux mariage homosexuel,  l’a filmé a l’aide de son téléphone portable, et il a téléchargé ces images sur YouTube. La presse marocaine s’en est emparé, tout le monde est allé visionner ces images sur YouTube… Et le scandale a éclaté dans tout le pays : « Les homosexuels se marient au Maroc ».

Pour moi, ce qui s’est passé à Ksar El-Kebir est l’équivalent marocain de Stonewall. Un scandale tellement retentissant, couvert par toute la presse marocaine, sujet de toutes les discussions des Marocains pendant plus de deux semaines, même la télévision 2M lui a consacré une émission de trois heures et en direct. Quelque chose d’historique s’est passé là, à l’intérieur du Maroc, entre Marocains et l’Occident n’y était pour rien. Une réflexion a commencé. Une existence de l’homosexualité qu’on ne peut plus renier.

À partir d’un mal, le lynchage des participants à ce faux mariage homosexuel, quelque chose de positif va venir… Et en effet, quelques jours après, le magazine Tel Quel  a publié en couverture un manifeste pour plus de libertés individuelles et sexuelles, y compris pour les homosexuels. Il a été signé par tout ce que le Maroc compte de vedettes de télé, de stars, d’écrivains, de journalistes importants…

En un temps record, un peu moins de dix ans, je constate que l’homosexualité est passée de « zamel » (pédé passif) à « mathali » (mot neutre inventé, il y a trois ans pour designer en arabe un homosexuel), de l’anonymat à l’incarnation. On est passé de la honte, le sujet tabou qui n’existe pas, à une émission télé qui ne parle que de ça pendant trois heures. C’est déjà en soi quelque chose de très important à relever, à dire et à redire.


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Dans ce contexte-là, la visibilité est à la hauteur du silence du pouvoir marocain…

Cette absence et ce silence interpellent, poussent à se poser mille questions… Cela révèle le grand conservatisme des mouvements politiques marocains. Il n’y a pas de laïcité au Maroc, le pays est gouverné au nom de l’Islam, et il ne faut pas trop s’attendre à ce qu’il y ait une réaction moderne pour soutenir ce combat. Je pense que beaucoup de gens le savent, et ils foncent, malgré tout. Le pouvoir ne nous soutient pas, la religion nous abandonne, la famille continue de nous écraser, qu’est-ce qu’il nous reste ? Il nous reste nous-mêmes, hétérosexuels ou homosexuels.

L’homosexualité est entrée presque dans le programme politique des gens, pour se situer contre, pour établir ce qu’ils ne veulent pas au Maroc. Mais, en même temps, l’existence même de ce débat contradictoire est quelque chose d’unique dans le monde arabe. Quelles que soient les motivations des adversaires de cette cause, quel que soit le degré d’instrumentalisation de l’homosexualité, le simple fait que ça se passe aujourd’hui, dans un pays comme le Maroc, c’est un signe positif, encourageant pour l’avenir.

 

Il y a eu des réactions extrêmement violentes après ton coming out, mais en même temps…

Je vais au Maroc régulièrement, pour voir ma famille, des amis, participer à des colloques, donner des conférences….

 

Donc ça participe d’un mouvement de démocratisation de la société marocaine…

Oui. Mais ce mouvement est initié par la société civile… Malheureusement, il ne concerne pas tout le monde. Il faut rappeler cette vérité : ce sont les valeurs islamistes qui gagnent du terrain aujourd’hui. Mais aussi rajouter que très souvent, dans l’histoire, des choses qu’on imagine impossible finissent par arriver… L’histoire peut avancer à  travers des coups inattendus.


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Finalement, à travers ton affirmation homosexuelle, tu poses la question plus large des libertés individuelles. Mais tu rappelles bien que ce combat des libertés individuelles est indissociable d’un combat pour plus de justice sociale…

Je n’ai jamais rêvé de devenir écrivain. L’écriture est arrivée comme une surprise heureuse. Et aussi comme une évidence inattendue. Quand je pense aux livres qui m’ont marqué quand j’étais enfant et adolescent, deux s’imposent, ils viennent de mon grand frère : « Le Christ recrucifié » de Nikos Kazantzaki, et « Le pain nu » de Mohamed Choukri. Ce qui réunit ces deux livres, c’est leur côté sulfureux. S’opposer par rapport à une tradition religieuse. Chrétienne dans le cas de Kazantzaki. Et à toute une société marocaine qui jette ses enfants dans la rue dans les années 1940, à travers le livre de Mohamed Choukri, qui a introduit dans la littérature marocaine arabe la langue de la rue, cette langue arabe impure, celle des putes qu’on ne reconnaissait pas. Lui, cet écrivain analphabète jusqu’à l’âge de 20 ans, il l’a fait, il a mélangé la langue de la honte avec l’autre, cette langue sacrée, celle du Coran, l’arabe. Cela a produit un tel scandale, et le livre a été interdit immédiatement, jusqu’en 2002…

Cela ne l’a pas empêché de continuer à circuler sous le manteau. Je me rends compte que ces deux livres m’ont nourri d’une façon inconsciente. Ils m’ont préparé à l’écriture, et donc à la résistance, et, à partir de là, à l’affirmation d’une individualité. Ce combat personnel a fini par rejoindre les revendications d’une grande partie de la jeunesse marocaine d’aujourd’hui qui, même dans le silence, se reconnaît dans ce que je dis… Au Maroc, on en revient toujours à ça, à la fin : la négation, le silence. La soumission.

 

Dans les familles notamment…

Il n’y a pas longtemps, je disais à ma sœur au téléphone que je préparais un livre sur la jeunesse Marocaine abandonnée. Elle m’a répondu : « Mais de quoi tu parles ? La jeunesse n’est pas abandonnée chez nous… Tu exagères… ». C’est typique… Je sais que tous les Marocains ne se reconnaissent pas dans ce combat…


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Tu te places toujours dans une continuité, par exemple, en invoquant l’écrivain Mohamed Choukri, ou la figure de ton grand frère Abdelkébir. Celle d’une responsabilité de liberté, d’insoumission, à l’égard des plus jeunes. Entre ton texte de 2007 intitulé « Il faut sauver la jeunesse marocaine », ou le livre collectif « Lettres à un jeune Marocain », tu as toujours eu ce souci d’une jeunesse libérée…

J’ai toujours été scandalisé par l’égoïsme de mes professeurs, dans le sens où ils se contentaient de faire leur leçon et de partir, et à aucun moment de mettre un lien entre ce qui nous était enseigné et la vie. Ils ne souciaient pas de ça, il y avait une sorte d’abandon, de la part de ceux qui avaient une responsabilité de nous accompagner au-delà des cours. Et j’ai construit mon identité à la fois dans ce manque et dans cette colère. Aujourd’hui, je peux écrire et m’affirmer à travers notamment l’homosexualité et investir des champs laissés vides par ces gens, les professeurs.

Les pères n’ont pas joué leur rôle, nous initier, nous aider, nous parler, mettre un lien. Or ce lien n’existe pas… J’ai toujours eu l’impression que les intellectuels parlent souvent dans le vide et préfèrent plutôt parler de Platon, de Descartes, ou de Michel Foucault, plutôt que de parler des tensions de la société marocaine, comme si ce qui se passait dans la réalité marocaine n’était pas digne d’intérêt. Comme si, nous, notre réalité, c’était le folklore. Je trouve que c’est une trahison historique énorme. Non seulement on a été abandonnés par le pouvoir, mais on a été abandonnés par les intellectuels et, pire que cela, empêchés de porter un regard positif par rapport à notre réalité qu’ils ont folklorisés. Ils nous ont folklorisés, ils nous ont vendu comme un produit touristique et ça c’est quelque chose qui me fait « bouillir » de colère encore aujourd’hui.

En mai 2007, deux frères islamistes marocains à Casablanca voulaient se faire exploser dans des cybercafés. Ils n’ont pas pu le faire. Tout le Maroc l’a su, la police les a poursuivis dans les rues de Casablanca, et le lendemain, comme ils ne savaient pas où se faire exploser, ils se sont juste explosés eux-mêmes. Ils n’ont tué personne d’autre. On a un peu parlé de cet événement tragique au Maroc, en France à peine. Pour moi, c’était le comble de l’horreur, le comble de l’abandon, et l’illustration que même dans la radicalité la plus absolue, la jeunesse marocaine est vouée a l’échec. Même quand il est dans le pire, le Marocain extrémiste n’arrive pas à atteindre son but. Quand j’ai découvert cette histoire, j’ai été plus que bouleversé.

J’ai pleuré pendant des heures. Je me suis dit, ces gens, ces deux frères, c’est moi. Je suis peut-être homosexuel, mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas comprendre ce qui peut amener un jeune Marocain à ce pire-là, à devenir islamiste, à choisir la mort plutôt que la vie. Je veux dire qu’être homosexuel n’est pas pour moi quelque chose de fashion, ou quelque chose qui fait de moi un traître à mon pays ou à ma famille. Être homosexuel, c’est aussi quelque chose qui est dans la vie, c’est pas dans un ghetto. On dialogue avec la réalité, aussi intolérante soit elle. Quand j’ai appris cette histoire, je me suis dit : « Il faut faire quelque chose ». J’ai donc écrit cette tribune intitulée « Il faut sauver la jeunesse marocaine ». Une version courte a été publiée dans Le Monde en mai 2007 et une version longue a été publiée dans le magazine marocain Tel Quel.

En finissant cet article, j’ai compris qu’il fallait aller plus loin que ça, faire un document qui reste, qui dépasse le temps et qui dépasse la mort de ces deux jeunes. Un livre. J’ai pensé au livre de Rainer Maria Rilke, « Lettres à un jeune poète ». Au départ, je voulais faire ce livre tout seul, j’avais suffisamment d’éléments, d’histoires et de colère en moi pour écrire un livre qui s’adresse à toute la jeunesse marocaine. Puis, je me suis rendu compte ensuite qu’il y avait d’autres voix très intéressantes au Maroc à qui on ne donne pas la possibilité de s’exprimer.

Au lieu de le faire tout seul, j’ai réuni autour de moi toutes ces voix qui, à leur manière, sont aussi dans un combat et dans une résistance. Ce qui m’a amené à faire ce livre collectif, « Lettres à jeune marocain », qui a été distribué avec le magazine Tel Quel, grâce à l’aide apportée par Pierre Bergé. 50 000 exemplaires ont été distribués gratuitement. Bientôt ce livre va être traduit en arabe… C’est ce dont je parlais tout à l’heure, aller jusqu’au bout de ma liberté, au bout de ce que je peux faire, quand je sens que j’ai la possibilité de le faire. Je le fais parce que j’ai au fond de moi cette colère du pauvre, face aux riches, cet empêchement d’advenir, d’être révélé, et cet écrasement perpétuel venant d’une classe dirigeante, d’une élite dirigeante qui ne s’intéresse qu’à son propre enrichissement et qui ne se rend pas compte qu’elle est en train d’appauvrir doublement le Maroc.

Cette colère, je l’ai encore en moi, et plus j’écris, plus je me rends compte à quel point cette colère est grande.

 

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Interview reproduite avec l'aimable autorisation de Marc Endeweld.

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À SUIVRE...

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Dimanche 20 février 7 20 /02 /Fév 16:20

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Mercredi 9 février 3 09 /02 /Fév 17:36

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« France-Soir.fr : Autre sujet qui fait l'actualité : le PACS, qui a séduit un million de personnes en dix ans. Vous étiez farouchement opposée à sa mise en place. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur le pacte de solidarité ? 

Christine Boutin : C'est extraordinaire. Au moment des discussions, tous les députés ont été manipulés puisqu'on nous a présenté le PACS comme une revendication homosexuelle. J'y étais personnellement opposée car j'y voyais un prélude au mariage homosexuel. Mais les Français nous ont renvoyés à nos chères études : 94 % des PACS ont été contractés par des couples hétérosexuels. 

F.-S.fr. : Vous restez donc, malgré tout, opposée au mariage entre deux personnes du même sexe ?

C. B. : Oui, même si le mariage en tant que tel ne me pose pas de problème. Je m'oppose à l'adoption par des couples homosexuels car je pense à l'intérêt de l'enfant : un enfant doit avoir un papa et une maman. Bien sûr, il peut y avoir des accidents de la vie... Mais si l'on autorise le mariage homosexuel, rien légalement ne s'opposera à l'adoption par des couples homosexuels. »

Extrait de l’interview de Christine Boutin sur France-Soir.fr, 8 février 2011. Lire l’article complet.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Mardi 8 février 2 08 /02 /Fév 16:38

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Histoire de l’homosexualité :

02. Le statut des homosexuel(le)s

dans le monde

 

JULIEN GELLY

 Émission Ce n’est que de l’amour n°3 (21/12/10)

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Julien Gelly n’a que 22 ans et brille (autant que son désormais fameux sourire ravageur) en Master d’Histoire Contemporaine à Nancy. Si jeune et pourtant très engagé, il est conseiller municipal de Le-Bouchon-sur-Saulx dans la Meuse, vice-président et secrétaire de l’association Équinoxe 54 et chroniqueur de l’émission Ce n’est que de l’amour sur RCN. Ce sont ses chroniques que nous publions dans leur intégralité dans cette nouvelle rubrique.

 

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Daniel Conrad : Peux-tu nous dresser un état des lieux concis de la situation et des droits des homosexuel(le)s dans le monde ?

Julien Gelly :D’abord, deux cas de figures catégorisent les droits des homosexuels dans le monde du point de vue du droit des différents pays.

* Soit le droit des pays n’aborde pas l’homosexualité ou bien ils la pénalisent.

* Soit le droit reconnaît les homosexuels.

Dans le premier cas, l’homosexualité est considérée comme une maladie mentale ou un crime religieux (par exemple pour les pays d’islam aujourd’hui ou par le passé, en France avant la Révolution française). C’est acte sexuel entre deux hommes qui est condamné et par extension, les homosexuels.

Dans le second cas, les homosexuels sont donc reconnus légalement en tant qu’ayant une orientation sexuelle portée vers les individus de même sexe qu’eux à la différence des hétérosexuels, mais ce n’est pas pour autant qu’ils bénéficient de droits équivalents (tel que la reconnaissance officielle de leurs couples, le droit au mariage, le droit à l’adoption, à la procréation médicalement assistée etc.) ou bien que les propos ou les actes homophobes sont condamnés (les propos homophobes ne sont par exemple condamnés en France que depuis 2004).


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De nos jours, certains pays condamnent encore les homosexuels à la peine de mort. Quels sont-ils ?

En 2010, les homosexuels sont officiellement passibles de la peine capitale dans une dizaine de pays (peine qui est appliquée ou non, mais qui est spécifiée comme telle dans la loi). Ils sont principalement situés en Afrique et au Moyen-Orient et pour beaucoup fortement influencés par la charia, la loi islamique : Afghanistan, Arabie Saoudite, Bahreïn, Djibouti, Émirats arabes unis, Iran, Irak, Mauritanie, Nigeria (États musulmans du nord), Pakistan, partie méridionale de la Somalie (contrôlée par les rebelles islamistes), Soudan, Tchétchénie et Yémen. Récemment, des hommes ont été condamnés à mort en Iran et au Nigéria pour homosexualité.

 

De nombreux pays jugent-ils l’homosexualité comme illégale ?

Ce nombre est passé de 77 l’an dernier, à 76 puisque l’Inde a quitté cette liste. Pour mémoire, l’ONU reconnaît 200 pays dans le monde, ce qui signifie qu’environ 40 % des États condamnent l’homosexualité. Je le répète, c’est l’acte sexuel qui est condamné par la loi, ce qui explique que dans certains pays, on puisse observer des hommes se promener main dans la main dans la rue, ou trouver des lieux ouvertement gays ou lesbiens (encore que les relations sexuelles entre femmes aient toujours été considérées différemment et tant en droit qu’en fait, moins pénalisées que les relations entre hommes). Cela n’empêche pas que ces États soient ouvertement homophobes (rejettent les homosexuels). La plupart des condamnations sont des peines de prison et des amendes, encore que les prisonniers, notamment les hommes soient souvent humiliés et maltraités physiquement. Pour ne citer que quelques États jugeant l’homosexualité illégale, citons les pays du Maghreb, nombre d’États africains, le Bangladesh, la Malaisie ou Singapour en Asie, et un seul territoire en Europe (cependant non reconnu par la communauté internationale : la partie turque de l’île de Chypre).

 

Cela signifie donc qu’une courte majorité des États reconnaissent les gays et les lesbiennes d’un point de vue légal ?

En effet. Nous pouvons les estimer à 120 environ, mais ce n’est pas pour autant et c’est important de le préciser, que la société ne reste pas homophobe dans ces pays. Les personnes homosexuelles peuvent y subir divers actes de discrimination dans la rue comme des insultes, voire des agressions. Elles peuvent être aussi discriminées à l’emploi. En effet, un certain nombre d’États encore à ce jour ne pénalise pas l’homophobie. Parmi les pays qui reconnaissent les homosexuels, il y a l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire ou la République démocratique du Congo en Afrique, le Canada, les États-Unis et les pays d’Amérique latine, les États européens, la Chine et l’Australie par exemple.


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Parmi ces pays, une poignée autorise le mariage des gays et des lesbiennes…

Il y a deux choses :

* Dans certains pays existent des partenariats entre personnes de mêmes sexes offrent des droits du mariage plus ou moins importants et nombreux, sans pour autant que leur union soit appelée « mariage ».

* Dans d’autres pays, et ils sont rares pour l’instant mais la plupart situés en Europe et proches de la France, les couples homosexuels peuvent se marier au même titre que les couples hétérosexuels et jouir des droits traditionnels du mariage tels que nous les entendons.

Les pays offrants des partenariats aux couples de même sexe sont par pour en citer quelques-uns : Israël, la France (depuis 1999 grâce au Pacte civil de solidarité, le Pacs), l’Allemagne et l’Australie.

Actuellement, seuls 10 pays autorisent les couples de même sexe à se marier. Je les classe dans l’ordre chronologique : les Pays-Bas d’abord, depuis 2001, puis la Belgique, le Canada, l’Espagne, l’Afrique du sud, la Norvège, la Suède, et enfin depuis cette année, l’Argentine, l’Islande, le district fédéral de Mexico et le Portugal. Certains États américains permettent aussi le mariage homosexuel comme le Massachusetts.


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Et quelques pays avancés permettent aussi l’adoption par les couples de même sexe…

La question de l’adoption est complexe car un certain nombre de pays autorise l’adoption par des célibataires, hétérosexuels comme homosexuels en théorie. C’est le cas de la France par exemple. En pratique, il est presque impossible à un célibataire gay ou à une lesbienne d’adopter un enfant s’il est révélé comme tel car on soupçonne souvent que c’est une tentative cachée d’adoption par un couple.

Dans le monde, 10 pays permettent aux gays et aux lesbiennes d’adopter des enfants et de se voir reconnaître de façon égale les droits parentaux sur leurs enfants. C’est le cas de l’Afrique du sud, de la plupart des provinces canadiennes et quelques parties des Etats-Unis, de la ville de Mexico depuis cette année et de certains endroits du Brésil, d’Israël, de l’Andorre, de la Belgique, du Danemark depuis quelques mois là aussi, de l’Espagne, de l’Islande, des Pays-Bas, de la Norvège, du Royaume-Uni, de la Suède et d’une partie de l’Australie.


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Bien que le droit ne suive pas toujours les aspirations des couples à se marier comme n’importe quel citoyen ou à adopter des enfants, ces questions sont souvent le sujet de vives polémiques. Les États-Unis et la France par exemple, n’en sont pas épargnés. Souhaitons que les choses changent pour la nouvelle année et que dans le climat de préparation de l’élection présidentielle de 2012, les candidats des différents partis apportent des droits pour les gays et les lesbiennes dans leurs hottes… Ou dans leurs programmes ! 

Par Julien Gelly - Publié dans : CE N'EST QUE DE L'AMOUR
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Dimanche 6 février 7 06 /02 /Fév 16:10

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Par Maykel - Publié dans : WEBSERIE : RIEN DE 9
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Jeudi 3 février 4 03 /02 /Fév 18:56

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« J’ai été élevé par une génération de guerre. Une génération qui a grandi quand des homosexuels étaient mis en prison. Être homosexuel était tellement inconcevable que vous n’auriez pas voulu être gay. Je ne savais rien sur rien, je me suis juste enfermé. (…) Mes parents ont accepté, cela a été, pour eux, un long voyage. Cela a été difficile, il y a eu beaucoup de larmes (…). Notre relation s’est ensuite améliorée, nous avons beaucoup parlé et discuté et nous sommes beaucoup plus heureux. » Graeme Obree, alias « l’Écossais volant », celui qui avait battu en 1993 le record de l’heure de Francesco Moser (51,596 km contre 51,151 km), interview pour  The Sun, pour plus d’infos lire l’article de nos amis de  Yagg.com.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Mercredi 2 février 3 02 /02 /Fév 17:44

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« La loi n'a pas à ériger en norme le comportement homosexuel. » Jean-Marc Nesme, député UMP, émission "Ça vous regarde" sur La Chaîne Parlementaire, 31/01/2011.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Mercredi 2 février 3 02 /02 /Fév 16:59

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« J’ai toujours vécu ma vie de façon très libre et je n’ai jamais caché mon homosexualité. Il semble que de nos jours, pour être une personnalité publique ouvertement gay, il faut apparaître à la une des magazines avec le titre “Je suis homosexuel”. Désolé de ne pas l’avoir fait si c’était ce qu’on attendait de moi. » Jonathan Knight, un membre des New Kids on the Block, qu’une amie a accidentellement outé la semaine dernière... en plein plateau de télévision, janvier 2011.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Mercredi 2 février 3 02 /02 /Fév 16:56

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« Elle [sa compagne] est très épanouie, j'ai rencontré quelqu'un il y a deux ans, pour la première fois j'envisage une histoire longue, après avoir été coureuse, là j'ai envie de construire quelques chose. Ma compagne actuelle aime bien ce que je fais, elle respecte beaucoup mon travail, mais elle m'aime moi, pour ce que je suis. Son métier à elle n'a rien à voir, elle m'en parle aussi. Parfois je suis un peu vexée quand même, et je lui dis : 'Tu sais à qui tu parles ?' (…) On s'en fout avec qui je couche. » Juliette Nourredine, chanteuse, édition février/mars 2011 du magazine Serge.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Mardi 1 février 2 01 /02 /Fév 11:54
Derrière les masques :


JE SUIS LE FILM HARVEY MILK (2009) DE GUS VAN SANT

ET JE SUIS LÀ POUR VOUS MOBILISER

 

Un film analysé et décrypté par
Marc-Jean Filaire

Enseignant en Lettres modernes à l’université de Nîmes

 



Harvey Milk était encore il y a quelques mois une célébrité locale à San Francisco, une figure mythique pour le seul public gay californien. Le film de Gus Van Sant est en train de donner une envergure mondiale à celui qui fut le premier élu politique américain ouvertement gay. La reconnaissance par des récompenses très enviées comme l’oscar du meilleur acteur attribué à Sean Penn pour interpréter le personnage a aidé à rendre célèbre le film avant même sa sortie en salle. Certes, le film n’est pas décevant et mérite les louanges et les prix reçus mais, s’il a conquis dès les premiers jours de sa diffusion en salles un véritable succès, c’est aussi par les qualités esthétiques d’une composition intelligente et simple, d’un discours engagé et accessible au grand public. L’image de l’homme politique, que propose Gus Van Sant, est séduisante parce qu’elle s’inscrit dans une historicité mais aussi dans une actualité militante sans pour autant donner le sentiment d’être agressive, alors même qu’elle s’affiche comme partisane. La réussite de la réalisation repose principalement sur la pensée même de l’homme qu’elle donne à voir : être audible et visible par tous et pour tous.


 

 

La composition du récit

Commençons par observer ce qui semble être un des éléments les plus artificiels de la fiction : Harvey Milk assume le rôle du narrateur de sa propre existence. Le film débute par la vision du personnage en train d’enregistrer le récit de son histoire en exprimant l’hypothèse que cet acte pourrait être utile au cas où lui-même viendrait à mourir. Même s’il est vrai que des tels enregistrements ont été faits par un homme qui craignait, à juste titre, d’être assassiné, peut-on faire plus artificiel pour introduire un récit biographique que de donner la parole au mort ? L’acte parle de lui-même et se refuse toute légitimité réelle : cet épisode ne se raccorde à aucun moment de la narration générale et la cuisine où se fait l’enregistrement n’est qu’une transposition pied-de-nez d’une incertaine antichambre de la mort. Tout cela n’est que comédie, mise en spectacle, à la manière pseudo-antique : Harvey est le prologue de sa propre histoire, de ce qui pourrait être une tragédie contemporaine, si l’on voulait faire de cet homme un héros moderne. Pourtant, Gus Van Sant se refuse cette facilité un peu trop drama-queen, et propose d’inscrire l’histoire à raconter dans l’énergie de la vie et non dans l’inertie de la mort – nous sommes loin de la tragédie moderne et pathétique de Brokeback Mountain (1) –, afin de respecter l’image d’un homme qui s’est consacré à rendre l’existence de ses semblables plus vivable, dépassant les épreuves politiques et personnelles qui auraient pu le briser. C’est Harvey Milk, revivifié par un Sean Penn tout en nuances, qui se raconte, un Harvey Milk qui se rit de la mort.

Ainsi, le personnage devient lui-même le grand imagier, le marionnettiste ordonnateur du récit : c’est en écoutant ses paroles que l’on entre dans son histoire, que l’on accède aux images. Le film est presque entièrement composé de flash-back, scandés par quelques retours à ce moment de l’énonciation verbale située dans le hors-temps énigmatique d’une mort refusée et les images du film jaillissent de la simple expression du souvenir réduit à des bribes : le passé remonte à la surface d’un temps qui n’est pas celui d’Harvey mais celui de notre présent de spectateurs. L’histoire des gays, dont Harvey Milk semble tracer le sillon dans la terre de l’Histoire des hommes, échappe à tout effet de mode – temps limité et soluble – pour accéder à une humanité que les sociétés tardent à lui reconnaître. Les gays existent depuis plusieurs décennies – nous ne parlons pas ici de pratiques érotiques mais du concept ethno-urbain – mais le film de Gus Van Sant est certainement le premier à faire état de leur existence politique de manière aussi explicite. On peut se demander cependant pourquoi Gus Van Sant a préféré se retirer dans l’espace le plus secret de la création et tenté de réduire l’idée de son implication. Assurément, l’engagement militant de Harvey Milk suscite une modestie de la part du cinéaste qui rend un hommage humble mais sincère. Son film est une œuvre qui accorde à l’homme évoqué toute sa place sans chercher à se faire le reflet d’un réalisateur qui se montre en creux dans une esthétique affichée. Film pour grand public – ce qui influe sur l’esthétique d’ensemble (2) –, le travail de Gus Van Sant n’interpose pas la figure de l’artiste entre le personnage et les spectateurs.

C’est donc l’homme dans sa totalité qu’il s’agit de donner à voir, dans son action politique et dans sa vie privée. Le film n’estompe pas la part intime de celui qui s’est consacré aux minorités, et pas seulement aux minorités gay. La part privée de son existence apparaît dans le film, les deux amants Scott Smith (James Franco) et Jacques Lira (Diego Luna) sont présents et parfois dans des scènes intimes qui permettent au grand public de ne pas appréhender uniquement Harvey Milk comme un être désincarné. Cet aspect de sa vie, même si elle n’occupe pas la plus grande partie du film, révèle la dimension humaine de celui qu’il aurait été si simple de faire passer pour une icône. On appréciera les proportions de la composition d’ensemble qui accorde aux engagements politiques une place prépondérante sans qu’elle soit absolue et qui représente avec une certaine exactitude le temps qu’occupait la politique dans le quotidien d’un homme qui a fait passer avant son confort personnel les intérêts populaires.

Dès lors, la composition du film et son alternance entre récit et flash-bash permet de comprendre l’image du personnage que dessine Gus Van Sant : à la fois il rend toute son humanité à quelqu’un qui sera assurément plus connu à titre posthume que de son vivant et à la fois il lui assure une dimension d’archétype gay, de modèle de la lutte contre les discriminations. Le Harvey du film est un pur personnage fictionnel avec tout ce que cela peut supposer de projection psychologique tout en étant en même temps un reflet si fascinant de l’homme réel, que certains de ses amis ont été profondément émus par l’interprétation de Sean Penn, qui n’avait jamais eu l’occasion de le rencontrer avant son assassinat en 1978. Le classicisme est ici à son comble, l’artifice fictionnel est si complet qu’il se fait passer pour naturel.



 

 

La prise de parole

Revenons aux scènes où le personnage enregistre le récit de son passé. Si le Harvey fictionnel spectacularise ainsi l’existence du véritable Milk, il met surtout en scène sa parole. Le cinéma, héritier du théâtre, préfère le dialogue : un échange de répliques donne davantage de crédibilité à la parole filmée, elle semble être plus naturelle, mais ici l’histoire du personnage jaillit non de l’illusion cinématographique mais d’une voix qui raconte devant un micro une vie passée, et c’est ce récit qui se fait image. Il y a là un niveau narratif supplémentaire à ce que nous avons l’habitude de voir au cinéma : habituellement nous nous contentons de saisir le récit en actes et de découvrir les événements en regardant ceux qui les accomplissent mais, dans le cas présent, s’ajoute la médiation, en apparence inutile, du personnage narrateur de sa propre vie. Le public reçoit le spectacle d’une histoire qui se dit historique mais qui dévoile le fonctionnement créatif de la fiction ; pour devenir un récit filmique, la vie de l’homme a été triée, synthétisée, ordonnée pour devenir celle du personnage, et c’est ce que rappelle la présence du Harvey-narrateur. Quel est le sens de ce fonctionnement narratif qui fait que le récit en images est préalablement annoncé par des mots ? Très certainement, faut-il voir dans ce procédé le moyen de mettre en scène la parole et surtout la prise de parole. Celle-ci n’est pas un acte anodin et Gus Van Sant montre que prendre la parole n’est jamais un acte gratuit : sur le plan humain, l’enfant qui prend peu à peu la parole dans un monde de mots refonde la singularité humaine et sociale ; sur le plan politique, le représentant qui harangue la collectivité ne peut pas se permettre d’être inconséquent ; sur le plan artistique, le créateur sait qu’il repense une parcelle du monde et participe à sa connaissance. Donner la parole à Harvey Milk pour qu’il raconte sa vie, c’est lui rendre, par delà la mort, la parole qu’il a su prendre, alors qu’il était de ceux à qui ont ne la donne pas.

Ainsi, le film donne à revoir de façon répétée les moments où Milk débute ses discours. Il commence par donner son nom et ajoute qu’il est là pour mobiliser ceux qui l’écoutent. En tant que représentant d’une minorité culturelle, il prend la parole et donne alors à voir une image auparavant inexistante : qu’un homosexuel parle en public n’est pas une nouveauté dans les années 70 mais c’en est une lorsqu’il parle en tant qu’homosexuel militant et l’acte qui est donné à voir fonde une réalité révolutionnaire. Le film multiplie cette image au sein de sa narration comme pour en assurer la possible reproduction, tout comme il la duplique à chacune de ses diffusions en salles. L’acte de Milk acquiert une portée exemplaire au même titre que son discours engagé. Ainsi, l’impact de celui-ci se redouble dans l’acte de son accomplissement. Comme le personnage le dit au cours du film, il a vécu trop longtemps dans le placard, il lui faut en sortir d’abord en son nom propre mais aussi au nom de tous ceux qui souffrent de ne pas pouvoir le faire. Il est nécessaire de créer un précédent pour rendre possible sa réitération. La prise de parole individuelle devient prise de parole collective mais elle rend possible la transformation de l’acte singulier en acte pluriel : chaque personne peut s’inscrire dans la voie ouverte et devenir à son tour l’origine d’un mouvement reproductible par d’autres. Il ne s’agit plus alors d’un acte égoïste pour s’assumer individuellement mais d’un acte altruiste qui ouvre la voie à tous ceux qui ne veulent plus d’un modèle préétabli et uniformisateur : si une personne qui appartient à une minorité contrainte au silence prend la parole une première fois, c’est chaque membre de cette communauté qui prend possession d’un devoir de parole.

Le film de Gus Van Sant est d’une indéniable portée politique et pas seulement parce qu’il y est question d’élections ; il se pose comme porte-voix de ceux que la classe politique n’écoute pas. À travers l’expérience particulière de Harvey, le film responsabilise l’acte de prise de parole politique et rappelle son implication dans la vie des citoyens. En opposant à l’écran les images d’archives d’Anita Bryant et les vues fictionnelles du personnage joué par Sean Penn, c’est la parole politique qui s’expose dans toute sa violence. En effet, en politique, prendre la parole peut être un acte violent et destructeur. Les propos des opposants ne font pas que refuser aux minorités un droit à la parole, ils tentent de les renvoyer au néant du silence ou, pour le dire autrement, de leur imposer une mort symbolique, puisqu’elles sont niées dans leur existence. Au-delà de la seule revendication de quelque droit pour les gays, c’est le droit à la reconnaissance de chacun des membres d’une société qui s’affirme dans ce film.

En outre, l’acte artistique qu’est la création d’un film, voire de toute œuvre, s’expose comme un acte politique. Il est impossible de créer hors de tout contexte socioculturel et tout sujet d’art se raccorde à un temps et une histoire dont ne peut pas faire totalement fi l’artiste. Peindre un couple d’homme, à l’heure actuelle et dans nos sociétés, est un acte à portée politique mais il peut rester relativement discret ; filmer la vie d’un militant homosexuel pour un film à large diffusion est un acte revendicatif de la part d’un réalisateur qui ne cache pas son homosexualité. Après plus de trente années, les gays ont suivi le chemin ouvert par les premiers militants et ont fait que leur existence ne soit plus tenue sous silence ; ce que donne à voir Gus Van Sant correspond au message politique de son personnage : désormais, il est impossible de nier l’existence des gays et des lesbiennes, leurs revendications sont des réalités au même titre que les autres, que l’on veuille ou non leur accorder l’égalité sociale qu’ils demandent en prenant la parole.



 

 

La valeur des images

Néanmoins, la prise de parole est insuffisante dans une société de l’image, il faut être vu pour être reconnu ; n’a-t-on pas fait de la formule « vu à la TV » un label de pseudo-qualité ? Et pour être vu, il faut se montrer ; évidence apparente et pourtant loin d’être acquise pour les minorités sociales. Si Milk monte sur une table ou sur des marches pour haranguer la foule, c’est pour être entendu mais aussi pour être vu. Un gay qui montre son visage dans les années 70 n’est pas une action courante. Un tel geste public dans la société américaine, où paraître gay est aussi mal vu que de l’être, doit être compris comme un acte politique dangereux, et Harvey en a fait les frais. L’acte d’exposer son visage peut se comprendre symboliquement comme la mise en lumière d’un miroir pour les gays et les lesbiennes qui sont désormais en mesure de se reconnaître dans une personne singulière qui parle pour eux, qui se montre pour eux. Aux yeux de la majorité, il existe désormais un visage de référence qui garantit une humanité à l’homosexualité, laquelle peut échapper désormais à l’aveuglement des uns et le non-dit des autres. Ainsi, il fait partie du travail collectif de se dire et de se montrer en tant qu’homosexuel pour faire savoir au plus grand nombre que la vie sociale est une constante proximité de l’homosexualité. Un membre de l’équipe politique de Milk est incité à révéler à son père qu’il est gay, car si les plus militants ne sont pas les premiers à assumer leur différence, il n’est pas possible d’engager ceux qui se cachent à se dévoiler.

La question se pose de savoir quelle image donner des homosexuels ? La rumeur et la diffamation se sont chargés d’en fournir de particulièrement dégradantes (3), la caricature et l’avilissement ont souvent été les moteurs de ces clichés collectifs, qui ne reposaient que sur l’ignorance et la crainte irraisonnée. Avec Harvey Milk, l’homosexualité s’est trouvé un visage qui n’a positivement rien d’exceptionnel, c’est le visage de monsieur Tout-le-monde, et encore plus après le relooking personnel, qui marque l’abandon du style hippie pour se fondre encore mieux dans l’apparence d’un Américain moyen. On peut penser à l’épisode politique des crottes de chien : comme n’importe qui, Harvey risque de marcher dedans. Ainsi, avec sa nouvelle image, chacun peut se voir en le voyant ou, plutôt, voir son représentant, l’homme susceptible de se montrer et de parler au nom de ceux qui aimeraient mais n’osent pas le faire. C’est déjà l’affirmation d’un droit à l’indifférence plus qu’un droit à la différence. Certes, on peut discuter le choix d’un tel parti pris pour la conformité, qui estompe les différences que certains gays revendiquent encore aujourd’hui. Cependant, pour les années 70, alors même que la « révolution sexuelle » est passée sur les USA, le choix de ne pas choquer par une allure originale était certainement le plus tactique. À l’inverse de sa véhémente adversaire Anita Bryant, Harvey refuse d’être dans l’agression, il est dans la défense des opprimés et la revendication de l’égalité. Les propos discriminants de la très médiatique starlette ne créent qu’une colère croissante et, dans une certaine mesure, renforce les partisans de Milk. La crédibilité politique du candidat est garantie par la respectabilité de son image.

Décider de faire un film sur Harvey Milk consiste à étendre cette image de respectabilité et de non-différence. Dans la continuité du succès de Brokeback Mountain, le film pour grand public de Gus Van Sant s’affirme en tant qu’œuvre délibérément partisane de la reconnaissance des gays. L’amour dans le film d’Ang Lee, la politique dans celui de Gus Van Sant sont des supports tout aussi valides pour créer des représentations cinématographiques de l’homosexualité mais d’un côté la fiction se faisait reflet idéalisé de l’amour entre deux hommes, de l’autre la  fiction est le reflet d’une réalité politique ; d’une part un personnage fictionnel est mort peut-être assassiné pour des raisons homophobes, d’autre part un homme réel est mort pour des raisons peut-être d’homosexualité refoulée. Fiction et réalité se font face de manière d’autant plus troublante que le film de Gus Van Sant est lui-même une fiction de la réalité. La réussite commerciale d’un film à thème gay repose-t-elle sur le seul fait que la mort de l’homosexuel garantit la préservation des valeurs anciennes (c’est-à-dire hétérosexuelles) ? Adapter les combats de Harvey Milk qui mènent à son assassinat assure-t-il le succès d’un film moralement visible parce que le gay, nécessairement pervers, meurt à la fin ? L’analogie entre les deux films seraient hâtive et l’esprit transgressif de Gus Van Sant réduit à néant si l’on concluait ainsi. L’affirmation de la volonté de vivre oppose très nettement Harvey à Ennis (Heath Ledger) : ce dernier est figé dans une névrose autodestructrice et la mort de Jack (Jake Gyllenhaal) est la conséquence fatale de son impossibilité à assumer son homosexualité ; par opposition, le meurtre de Milk est la conséquence de sa volonté d’assumer la sienne. Ainsi, la dynamique des deux films est inverse : la mort dans Brokeback Mountain enfonce le survivant dans la solitude, alors qu’elle unit tous les partisans de Milk dans un cortège de plusieurs milliers de personnes. Le – possible – meurtre de Jack est une image fugitive et fantasmée, elle ne pèse pas dans l’économie du film ; le meurtre de Harvey est une scène plus longue, ralentie et signifiante : Harvey, amateur d’opéra, meurt en regardant par la fenêtre la façade de l’édifice consacré au spectacle, il ne meurt pas dans les cris, dans la peur, dans le repli du corps sur lui-même mais dans l’ouverture au monde – tel est ici le symbole de la fenêtre – et à l’art – l’opéra. C’est par le spectacle que son combat peut perdurer et c’est par le cinéma, équivalent filmique de l’opéra, que le discours de Milk est relayé. Gus Van Sant, avec une indéniable modestie, prend le relais du politicien et rend toute sa dimension politique à l’art visuel, jamais réductible – quand l’œuvre est bonne – au simple divertissement.

 

Le film donne donc à voir et à entendre, telle pourrait être notre conclusion ; n’est-ce pas une évidence au cinéma, depuis que celui-ci est parlant ? Disons que l’œuvre de Gus Van Sant affirme une évidence de façade : le film sur Harvey Milk donne à voir et à entendre Harvey Milk, tautologie simplette. Toutefois, pour celui qui s’attarde sur le film, l’évidence ne l’est pas et Harvey Milk, déjà sublimé par l’interprétation de Sean Penn, est lui-même transcendé par le travail de Gus Van Sant. A travers le personnage – et non pas l’homme assassiné en 1978 – c’est le rôle artistique du cinéma que le réalisateur donne à observer, peut-être à comprendre. Créer une œuvre qui sera vue et entendue de par le monde n’est pas un acte innocent, tout comme prononcer un discours politique : le cinéma est un outil de son temps et participe de l’édification des masses. La vacuité, l’inconséquence, les préjugés n’y sont pas acceptables, parce qu’ils imposent sur le public des images et des paroles qui le façonnent ou le blessent, alors que, choisies avec audace et intelligence, elles pourraient le grandir. Harvey Milk est un film conscient de ce qu’il montre, de ce qu’il fait entendre, de l’impact idéologique qu’il peut produire. Et Sean Penn lui-même a dit que le référendum américain pour la proposition 8 aurait eu un autre résultat si ce film était sorti quelques mois plus tôt.

 

(1) Voir mon article sur le site Les Toiles Roses.
(2) On lira avec profit un commentaire des procédés formels utilisés par Gus Van Sant sur le site Matière focale.
(3) Voir mon ouvrage L’Ado, la folle et le pervers – Images et subversion gay au cinéma, chapitre II notamment (p. 63-100).
Par Marc-Jean Filaire - Publié dans : ANALYSES : HOMOLLYWOOD
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Lundi 31 janvier 1 31 /01 /Jan 01:15
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Fiche technique :

Avec Marcia Cross, Teri Hatcher, Felicity Huffman, Eva Longoria, James Denton, Steven Culp, Ricardo Chavira, Mark Moses, Nicolette Sheridan, Andrea Bowen. Réalisation : Larry Shoaw, Arlene Sanford... Scénaristes : Marc Cherry, tom Specialy...
Saison : 24 épisodes.
Durée des épisodes : 42 mn. Toujours en production (4 saisons). Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :

Wisteria Lane est un lieu paisible où les habitants semblent mener une vie heureuse... en apparence seulement ! Car en y regardant de plus près, on découvre bien vite, dans l'intimité de chacun, que le bonheur n'est pas toujours au rendez-vous. Et peu à peu, les secrets remontent inévitablement à la surface, risquant de faire voler en éclat le vernis lisse de leur tranquille existence...


L’avis de Mérovingien02 :
Tous les doutes étaient permis concernant l'avenir de Desperate Housewives au terme d'une deuxième année montrant d'évidents signes d'essoufflement de la part de Marc Cherry et de son staff de scénaristes. Intrigues faisant du surplace, transformation de Susan en boulet de compétition, manque d'interactions entre les héroïnes de Wisteria Lane, mystère ridicule des Applewhite en guise de fil rouge... Pas forcément de quoi enterrer un show toujours aussi hilarant et incisif mais largement de quoi relativiser les louanges chantées lors de la découverte de la saison 1. Qu'on se rasure : le créateur de la série a entendu les critiques du public et s'est bien décidé à redresser la barre au niveau où elle aurait toujours dû être.

Le premier épisode de la saison 3 affiche clairement les intentions louables puisque après une introduction fortement marquée par celle du pilote où Mary Alice se suicidait (scène choc + ménagère désespérée + humour noir + mystère), nous retrouvons Bree, Susan, Gabrielle et Lynette six mois après qu'on les ait quitté. Il pleut sur les maisons de banlieue et la voix off nous indique que l'eau va venir purifier ce qui était sale. Comprendre par là que les auteurs vont nettoyer la série de ses erreurs passées sans pour autant les renier, l'idée étant de transformer les situations énervantes mises en place précédemment pour les rendre intéressantes. On aurait alors pu craindre que le saut dans le temps soit utilisé pour zapper les boulettes récentes (voir la saison 4 de Nip/Tuck qui n'évoque pas une seule fois le Carver de la saison 3) mais il n'en sera rien. Mike est toujours plongé dans le coma, Bree a noué une vraie relation avec Orson, Lynette ne s'est pas débarrassée de Keyla et Gaby ne s'est pas rabibochée avec Carlos. Installés dans leur nouvelle situation, les personnage acceptent d'aller de l'avant, ce qui permet de les faire considérablement évoluer et d'apporter le vent de fraîcheur et de nouveauté indispensable à toute série après trois années d'existence.

Première satisfaction : Susan n'est plus une grosse crétine qu'on rêve de voir mourir dans d'atroces souffrances mais est redevenue l'adorable petite maladroite des débuts, apportant un vrai souffle romantique via sa liaison avec Ian, un riche homme d'affaires anglais qu'elle a rencontré à l'hôpital au chevet de Mike. Émouvant, tendre, déchiré par la perte de leur moitié respective, le couple est incroyablement attachant et on en viendrait presque à regretter le réveil du plombier sexy précipitant l'intrigue vers un triangle amoureux plus convenu, même si remarquablement bien géré puisque étroitement lié au mystère de la saison. Certes, on en est un peu toujours au même point avec Susan mais la fin de saison marquant une avancée considérable dans sa liaison avec Mike, on se dit que des perspectives inédites s'ouvrent enfin pour elle et que cela valait bien le coup d'attendre.

Plus ancrée dans la réalité, Lynette voit sa vie subir de violentes secousses avec le rêve de Tom qui souhaite ouvrir une pizzeria. Alors que la saison 1 tournait exclusivement autour de sa difficulté à assumer son rôle de mère au foyer et après que la saison 2 la présentait comme une femme active accomplie, la saison 3 tente de concilier les deux bouts puisque famille et travail se retrouvent plus que jamais étroitement mêlés. Gagnant en profondeur en laissant apparaître des failles jusqu'alors dissimulées (la tentation de l'adultère), le personnage mène des luttes ordinaires (soutenir son époux, éduquer une gamine qui n'est pas d'elle et qui ne veut pas d'elle) et s'impose plus que jamais comme une héroïne du quotidien, rôle admirablement revendiqué dans le tétanisant épisode « Bang » (de loin le meilleur épisode de la série et qui relate une prise d'otage dans une supérette transformée en spectacle par les médias) ainsi que dans le face à face malsain avec un nouveau voisin soupçonné de pédophilie. Avec Lynette, c'est toute la verve critique de la série qui revient en force, quand les jolies barrières blanches du rêve américain dissimulent un profond mal de vivre.


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Un mal de vivre qu'on retrouve également chez Gabrielle qui tente difficilement d'exister sans Carlos. Si l'on pouvait légitimement craindre de se lasser des minauderies d'une Eva Longoria déconnectée de l'excellent Ricardo Chavira qui l'avait toujours mise en valeur, les errements scénaristiques de mi-saison (un club de mannequinat pour gamine et le retour de Zach Youn) permettront surtout de critiquer la superficialité du mode de vie basé sur le luxe, l'argent et la beauté. Plus que jamais, Desperate Housewives fustige les ploucs tentant de passer pour des canons d'élégance, condamne un monde où l'argent permet d'acheter l'amour ou l'amitié et rappelle que la beauté est un sésame qui ne dure pas. L'argent et la beauté sont d'ailleurs deux sources d'un pouvoir largement remis en cause dans le dernier tiers de saison s'aventurant dans les affres politiques de Fairvew. Un pouvoir corrompu qui casse le mythe de la success story, laissant une Gabrielle plus désespérée que jamais dans sa robe de mariée. Arrachée à son conte de fée, il va bien falloir qu'elle grandisse.
Comment clôturer ce tour d'horizon de Desperate Housewives saison 3 sans évoquer le cas Bree Van de Kamp devenue, dès le second épisode, Bree Hodge ? Pilier phare de la série qu'elle a toujours tiré vers le haut par sa simple présence, elle est au centre du grand suspens annuel impliquant son nouveau mari ainsi que Mike Delfino. Une manière impeccable de faciliter les interactions entre les personnages et de renforcer l'intensité dramatique puisque, contrairement à l'intrigue des Applewhite, tout le monde est directement concerné par les faits. On pourra évidemment tiquer sur la remarquable coïncidence qui veut que Orson et Mike se retrouvent liés par un passé commun et débarquent tous deux à Wisteria Lane, tout comme on pourra s'agacer de la facilité scénaristique qui veut que beaucoup de monde ait côtoyé la mystérieuse Monique. Heureusement, tout cela est vite éclipsé par des séquences d'une remarquable perversité impliquant la mère d'Orson et son ex-femme, incarnation virulente d'une Amérique conservatrice totalement monstrueuse. De quoi tempérer les critiques adressées à Marc Cherry, souvent accusé de véhiculer ses idées républicaines à travers sa création.
Si les deux premiers tiers de la saison parviennent à se hisser sans peine au niveau d'excellence de la saison 1 en retrouvant le parfait équilibre entre l'humour, l'émotion et le suspens, c'était sans compter sur un évènement de taille dans les coulisses du tournage qui allait sensiblement influer sur les derniers épisodes : la grossesse de Marcia Cross. Attendant un nouvel enfant, la comédienne s'est mise à enfler aux alentours de l'épisode 10, contraignant les réalisateurs à user de subterfuges grossiers pour dissimuler son ventre énorme (on ne compte plus les plans où Bree apparaît derrière une télé ou un ustensile de cuisine) avant d'employer d'affreuses doublures cadrées de dos. Congé maternité oblige, Marcia Cross finit par disparaître de la série dès l'épisode 16 et ne reviendra que pour le grand final, entraînant une sensible baisse d'intérêt du spectateur baladé entre des intrigues plus ou moins sympathiques mais auxquelles il manque ce petit supplément de folie psychorigide et de suspens (ce n'est pas la mini intrigue McCluskey qui y changera quoi ce soit) qui fait toute la différence.
En dépit de toute la bonne volonté des auteurs (dont un amusant épisode centré sur les hommes et narré par la voix off du défunt Rex Van de Kamp) Desperate Housewives sans Bree, ce n'est plus tout à fait Desperate Housewives et il est regrettable que cette absence prolongée soit venue freiner une saison qui avait tout pour s'imposer comme la meilleure du show. Il faudra donc se contenter d'apprécier cette troisième fournée d'épisodes comme un savoureux retour aux sources permettant de boucler un cycle (Mike et Susan enfin ensemble, le suicide d'Eddie en écho à celui de Mary-Alice) tout en ouvrant des portes sur une suite qui, on l'espère, confirmera le regain de qualité amorcé ici.

Pour plus d’informations :

Par Mérovingien02 - Publié dans : TV : La Lucarne Rose
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Samedi 29 janvier 6 29 /01 /Jan 12:41

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« L'institution familiale n'est pas faite pour les personnes de même sexe qui choisissent de vivre ensemble. Les préoccupations saugrenues de cette petite minorité d'activistes homosexuels sont, à l'égard des Français, insultantes, je trouve (…) N'acceptons plus que ces bobos nous imposent leurs préoccupations ni actuelles ni nécessaires. Elles ne méritent pas notre attention !

Depuis longtemps, je dis que la présence de Gaylib au sein de l’UMP est une anomalie à laquelle il faudrait mettre un terme. Qu’il y ait des libéraux à l’UMP ne me pose pas de problème mais le libéralisme ne consiste pas à faire n’importe quoi. La liberté ne doit pas aller contre l’intérêt général et je peux vous assurer que cette minorité qui s’exprime au travers de ce groupuscule ne correspond pas à l’intérêt général (…)

Dans « Gaylib », il y a « lib » et je trouve scandaleux qu’un mouvement qui se prétend favorable aux libertés soit si hostile à la liberté d’expression. Gaylib passe son temps à réclamer l’exclusion de ceux qui ne pensent pas comme ses membres. Je crois pour ma part que la liberté d’expression est un fondement de la liberté. Qu’un groupuscule à ce point intolérant puisse faire partie de l’UMP est révoltant. Ça n’est pas parce qu’ils défendent l’homosexualité que je demande leur exclusion mais à cause de leurs demandes répétées d’exclure du parti toutes les personnes qui ne pensent pas comme eux. Même si je pense que leurs idées ne sont pas celles de nos électeurs… » Christian Vanneste, souhaitant que Gaylib, mouvement militant pour les "droits" des homosexuels, quitte l'UMP, interview pour Nouvelles de France, (droite dure, extrémiste et catho) pour soutenir Jacques Myard, fin janvier 2011.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Vendredi 28 janvier 5 28 /01 /Jan 11:45

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« C'est fort bonheur que d'être attaqué par GayLib [groupe d'homosexuels au sein de l'UMP]. En réalité, j'ai eu une phrase peut-être un peu maladroite mais j'assume. (…) Je ne m’occupe pas des homos mais ce que je leur reproche c’est d’être devenus un lobby, une secte, de pratiquer le terrorisme intellectuel... Alors moi je leur dis : 'Messieurs les homos des deux sexes, foutez-nous la paix' » Jacques Myard, député UMP, ayant déjà assimilé l’homosexualité à la zoophilie, interview pour le site "de droite, libéral et conservateur"  Nouvelles de France, 27/01/2011. 

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Jeudi 27 janvier 4 27 /01 /Jan 18:30

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« Moi, j'ai deux enfants qui arrivent dans ma vie. Comment je fais pour que leurs deux papas soient reconnus ? Je vais bientôt être papa, mais je ne peux pas être papa dans mon pays. Je vais être papa en Amérique du Sud. Et c'est bien triste. Parce que j'estime que j'aurais pu être un bon papa dans ce pays [la France]. Ça veut dire que les homosexuels ne peuvent pas être de bons parents ? On ne peut pas avoir nos enfants tout simplement parce que la loi ne nous reconnaît pas. Ces gamins-là, je veux qu'ils aient une vraie vie. Mais j'aurai honte de leur parler de la France. » D'Geyrald, ancien membre du boys band G-Squad, va bientôt adopter deux enfants au côté de son compagnon gay dans une vidéo postée sur le net, janvier 2011.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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