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Blog LGBT du rédac' chef :
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Daniel Hall


secondé par :

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L'équipe des "piliers" en exclusivité
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, Henry Victoire, Didier Roth-Bettoni
et
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Mais aussi, depuis, Cyril Legann,
Gérard Coudougnan (Livres), Voisin Blogueur,
Nicolas Maille, Sullivan Le Postec, Vincy Thomas,
Jann Halexander, Tom Peeping
, Lucian Durden,
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Sir Francisco, Laurent Fialaix
et Hugo Rozenberg.

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Un grand merci à Francis Moury,
Olivier Nicklaus et à
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Lundi 18 octobre 1 18 /10 /Oct 11:56

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Devant la révélation de plusieurs suicides d'adolescents homosexuels, ou « suspectés » de l'être, en peu de semaines aux États-Unis, un projet de vidéos s'est formé sur YouTube. Autour du mot d'ordre « It Gets Better », des adultes s'adressent aux ados LGBT pour les encourager à tenir bon face aux brimades.

L'une de ces vidéos (en anglais et présentée ici sur Les Toiles Roses) nous montre Joel Burns, conseiller municipal à Fort Worth au Texas (l'un des états les plus tristement connus pour son homophobie) faire une déclaration bouleversante en plein conseil municipal (relayée et saluée par les plus grandes chaînes américaines comme CNN...).

Après avoir présenté les photos des adolescents dont le suicide a été médiatisé, et les circonstances dans lesquelles ils en ont fini avec la vie, il raconte sa propre jeunesse d'enfant sensible et différent.

 

« Je sais que la vie peut être insupportable, je sais que des personnes dans votre famille ou dans votre école peuvent ne pas vous comprendre, et peuvent même vous agresser physiquement. Mais je veux que vous sachiez que ça ira mieux. (…) Dès l'adolescence, j'ai senti que je ne correspondais pas à l'image de ce que j'étais censé être. (…) Un jour, des jeunes plus âgés m'ont coincé. Ils m'ont dit que j'étais un pédé, que je devrais mourir, et aller en enfer où était ma place. (…) Il doit y avoir quelque chose de mal en moi, ai-je pensé, quelque chose qu'il fallait que ni ma famille, ni personne, ne découvre jamais. (…) Cette histoire n'est pas finie... Il y a tant, tant, tant de choses encore. Oui, le lycée a été difficile, révéler mon homosexualité a été douloureux, mais la vie s'est tellement améliorée pour moi. Et je veux dire à tout adolescent qui verrait ceci : donne-toi une chance de voir combien la vie peut s'améliorer. »

 

Samuel Minne

 

 

Lire l'excellent témoignage de notre Pédésident préféré, et ami, Matoo.
Par Samuel Minne - Publié dans : VIDEOS : Lutte contre l'homophobie
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Dimanche 17 octobre 7 17 /10 /Oct 11:56


La bannière et la vidéo sont (c)
Syred Pictures
Les vidéos présentes et futures sont diffusées avec l'autorisation de Maykel himself.
Un grand merci à l'équipe de Rien de 9 !
Par Maykel - Publié dans : WEBSERIE : RIEN DE 9
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Dimanche 17 octobre 7 17 /10 /Oct 11:51

http://4.bp.blogspot.com/_SNWhINHHc3Q/SqBFx2GWzEI/AAAAAAAABC4/ex5p-8SlUSY/s400/LOGOPYSCAP.jpg


Les vidéos sont (c) Univers-L.com
Les vidéos présentes et futures sont diffusées avec l'autorisation de
Isabelle B. Price et son équipe.
Par Isabelle B. Price - Publié dans : SERIE : LOS HOMBRES DE PACO
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Samedi 16 octobre 6 16 /10 /Oct 11:39

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« L'épidémie de Sida est une forme de justice immanente. ( …) Quand on malmène l'amour humain, peut-être finit-il par se venger ? (…) Doit-on se montrer prudent pour envoyer des homosexuels dans des missions éducatives ? » Archevêque André-Joseph Leonard, primat de l'Eglise catholique belge, dans son nouveau livre intitulé Monseigneur Leonard – Conversations, 2010.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Samedi 16 octobre 6 16 /10 /Oct 11:32

Jeannette-Bougrab.jpg

 

« Parfois, hélas, le football n'est pas exemplaire en matière de lutte contre les discriminations. Après celles de caractères raciales puis les débordements dans les stades comme au Parc des Princes, voici maintenant venus les propos homophobes. C'est proprement scandaleux (…) À un moment ou un autre, il faudra bien se poser la question de l'éthique dans le monde du foot tant au niveau des supporters que des joueurs. Les propos homophobes sont inacceptables, ils seront d'ailleurs sanctionnés juridiquement. (…) Le sport doit être un facteur d'intégration et une sorte de divertissement. Et là, il devient une concentration de toutes les haines possibles et imaginables. » Jeannette Bougrab, présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), revenant sur les propos de Marvin Martin, joueur pro du FC Sochaux, le 15 octobre 2010 dans les Ardennes. 

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Vendredi 15 octobre 5 15 /10 /Oct 10:13

http://www.ecoloinfo.com/media/images/Urgent-Clipart.jpg

 

MOBILISATION POUR ABDOU !

 

La Lesbian and Gay Pride de Lyon dénonce le risque d’expulsion imminente d’un homosexuel originaire du Sénégal, en France depuis juin 2009. Retenu au Centre de rétention administrative de Saint Exupéry, Abdou peut être expulsé à tout moment.

En cas de retour au Sénégal, les menaces sur sa vie sont réelles. La législation sénégalaise réprime sévèrement tous comportements homosexuels. Abdou risque donc cinq ans de prison et une amende de 100 000 à 1 500 000 francs CFA (entre 150 et 2 300 euros). Au Sénégal, l’homophobie est importante : les gays affirmés, comme les garçons un peu trop « efféminés » sont victimes d’insultes, de brimades, de coups et de viols punitifs. La stigmatisation sociale et le chantage sont des attaques courantes que subissent les homosexuels dans ce pays.

Pour le chef du Gouvernement Sénégalais, Souleymane Ndéné Ndiaye : « l’homosexualité est un signe de crise des valeurs et d’insécurité ». Dans de nombreuses déclarations, il exhorte les chefs religieux et les croyants à combattre cette orientation sexuelle. Il a d’ailleurs exigé de son Gouvernement de réprimer plus sévèrement les relations entre personnes de même sexe. Les associations de défense des Droits humains ne cessent de dénoncer la vague croissante d'arrestations d'homosexuels au Sénégal. A tout moment, au Sénégal, Abdou peut-être lla cible du Front islamique pour la défense des valeurs éthiques dont la mission principale est d'éradiquer l'homosexualité au Sénégal.

Conscient de cette situation, le gouvernement français a fait voter en 2008 par 66 pays un appel à la dépénalisation de l’homosexualité et de l’identité de genre à l’O.NU. Au regard de cette initiative, relevant de la lutte contre l’homophobie à un niveau international, nous attendons que ce même gouvernement accorde le droit d’asile en France à des LGBT persécutés dans leur pays d’origine. La Lesbian and Gay Pride de Lyon dénonce ce double langage du gouvernement qui d’un côté milite pour la dépénalisation mondiale de l’homosexualité et qui, dans le même temps, reconduit Abdou, un jeune sénégalais vers un pays homophobe.

Nous demandons également à Nicolas SARKOZY de tenir enfin ses promesses de campagne de 2007 : « si vous êtes persécutés pour votre orientation sexuelle, vous devez pouvoir bénéficier du droit d’asile. ».

Abdou doit donc rester en France et obtenir une protection subsidiaire.

La Lesbian and Gay Pride de Lyon appele donc à la mobilisation et invite les citoyen-ne-s, les associations, les partis politiques et les élu-e-s à signer la pétition :


http://www.mesopinions.com/Contre-l-expulsion-d-un-homosexuel-vers-le-Senegal--pays-aux-lois-homophobes--petition-petitions-92308b201a76f490f03496f47bbf06e3.html

Par Daniel C. Hall - Publié dans : URGENT : Gays, militants et résistants !
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Jeudi 14 octobre 4 14 /10 /Oct 19:03
Par Daniel C. Hall - Publié dans : VIDEOS : Lutte contre l'homophobie
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Jeudi 14 octobre 4 14 /10 /Oct 12:37

marvin-martin-sochaux-bordeaux.jpg

Photo © D. R.

 

Le FC Sochaux-Montbéliard propose régulièrement, sur son site internet officiel, des entretiens avec ses joueurs se voulant en décalage avec les habituelles thématiques évoquant la seule actualité sportive et comportant cent questions.

Le 29 septembre a été publié le premier volet d’une interview de Marvin Martin. Une réponse a entraîné la réaction d’un club [Le Paris Foot Gay et de nombreux médias LGBT dont Les Toiles Roses (note de Daniel Conrad Hall)] pour lequel il affirmait ne pas vouloir évoluer.

Marvin Martin a tenu à réagir face aux accusations livrées sur sa personne tout en ne souhaitant plus désormais s’exprimer sur ce sujet :

« Je n’ai jamais eu l’intention de blesser ni d’insulter quelconque communauté à travers mes propos. La tolérance et le respect comptent beaucoup dans le sport de haut niveau. Ce sont des valeurs qui m’ont été inculquées au centre de formation du club et auxquelles je suis attaché. Si j’ai blessé ou offusqué qui que ce soit par mes paroles, je tiens à leur présenter mes sincères excuses ».

Communiqué de presse officiel du FC Sochaux, 14/10/2010.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Mercredi 13 octobre 3 13 /10 /Oct 17:14

martin_france2.jpg

Photo © D. R.

 

« Quel est le club dans lequel tu n'accepteras jamais de jouer ?

Le Paris Foot Gay.

Quelle couleur ou combinaison de couleurs sur un maillot ne pourrais-tu pas supporter ? 

Le rose, c'est naze. »

Marvin Martin, interview du joueur professionnel sur le site officiel du Football Club Sochaux-Montbéliard (club non signataire de la Charte contre l'homophobie).


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Réaction du Paris Foot Gay :

 

DE L’HOMOPHOBIE ORDINAIRE…

 

« Il est vrai que le Paris Foot Gay ne joue pas en rose, ce n'est donc pas pour cette raison que Marvin Martin n'acceptera jamais de jouer chez nous... A-t-il peur de croiser des joueurs de football déterminés à lutter contre les préjugés ? Des joueurs qui prônent la tolérance et le respect ?

Nous nous attendons à ce que l'ensemble des professionnels soutiennent notre combat, mais être rejeté de la sorte par un joueur, quel qu'il soit, montre bien l'étendue du travail qu'il nous reste à faire dans le monde du football.

En diffusant l'interview réalisée, auprès de son joueur, sur son site web officiel, le F.C. Sochaux parait se montrer complaisant envers ses propos insultants à l'encontre de notre association. Nous demandons au club employeur d'exprimer sa position par rapport à l'interview publié et de signer la Charte contre l'homophobie soutenue par la Ligue de Football Professionnel et le Ministère des sports. »

Par Daniel C. Hall - Publié dans : MOTS : Citations philes et phobes
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Mercredi 13 octobre 3 13 /10 /Oct 10:59

 



05.

Se donner un genre

 

Philippe Ariño



Philippe Ariño, né en 1980 à Cholet, est professeur d’espagnol en région parisienne, écrivain (il a publié aux éditions L’Harmattan un essai en quatre tomes sur les liens entre viol et désir homosexuel : www.araigneedudesert.fr), chroniqueur radio sur Fréquence Paris Plurielle (106.3 FM) à l’émission HomoMicro, et comédien (il a 10 ans de théâtre derrière lui et s'est lancé dans le one-man-show). Il offre un œil nouveau et étonnamment complet sur la culture homosexuelle.

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Critique de Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (Éd. Payot, Paris, en librairie le 6 novembre 2010) de Natacha Chetcuti – par Philippe Ariño. 

 

Petite phrase de résumé : L’ouvrage de Natacha Chetcuti rentre dans le désormais classique sillon des Gender & Gay Studies, où la réalité du sexe est remplacée par le notion plus subjective, poétisante, et floue, de « genre »… Peu convaincant.

 

Quand quelqu’un nie sa sexuation, son incarnation et le sens universel de la sexualité, il a tendance à s’inventer un genre, de préférence indéfini et éclaté, pour se définir lui-même. Oui. En quelque sorte, il se « donne un genre », dans le sens propre du terme. Pas féminin, pas masculin, pas butch, pas fem… : juste lesbien et antisocial. Du coup, on n’y croit pas (Qui peut croire celui qui se donne un genre comme il se donne un style ?). C’est l’impression qui se dégage de la lecture de Se dire lesbienne de Natacha Chetcuti. Pourtant, l’auteure semble avoir tout mis en place pour soigner la forme et donner à son ouvrage une légitimité et une crédibilité scientifique. « L’érudition de Natacha Chetcuti sur les théories du lesbianisme est sans faille » avance Michel Bozon dans la préface[1]. Certes, son travail universitaire semble très propret, scolaire, et bien documenté. Chetcuti explique clairement les différentes théories féministes, lesbiennes, et queer, du lesbianisme. Elle recadre bien son discours dans un contexte historique connu, et se garde de porter un regard moralisant sur les différentes interviews qu’elle nous expose. Elle semble connaître parfaitement sa partition. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit que tout cela n’est qu’esbroufe. On la voit s’inscrire sagement dans une tradition idéologique queerisante qui sent le réchauffé. On retrouve par exemple les mêmes pirouettes lexicales à rallonge bien intentionnées (ex : « les personnes LGBTQI »[2]), les formulations queer fonctionnant comme des slogans publicitaires (ex : le lexique de la « construction » et de la destruction identitaire[3] ; la haine des clichés ; l’emphase sur le « devenir » plus que sur l’« être » – c. f. le titre du chapitre « Devenir lesbienne » p. 51 –  : elle prend modèle sur le « On ne naît pas femme : on le devient » de Simone de Beauvoir), les sempiternelles références à Pierre Bourdieu et à Eve Sedgwick (alors que des intellectuels plus solides comme Alain Finkielkraut sont jetés aux lions[4]), toutes ces précautions verbales ronflantes pour prouver une objectivité universitaire du constat (on a l’impression de lire le jargon intellectualisant d’un Louis-Georges Tin ! : « On constate que… », « étiologie », « épistémologique », etc.), les nombreuses tournures passives où le « je » n’est jamais risqué, etc. On reste dans le monde des réactions. Ce livre est presque réductible à un recueil de témoignages. On nous laisse croire que le vécu va supplanter l’analyse. Au final, nous nous retrouvons uniquement face à une exposition de points de vue, de perceptions de soi, sans apparente prise de position. Natacha Chetcuti ne dit pas ouvertement et courageusement si elle est d’accord ou non avec ce qu’elle rapporte : elle affiche juste une neutralité sociologique distancée qui passe pour de la prudence intellectuelle alors qu’elle est un refus de se positionner, une lâcheté. Elle nous fait écouter les rengaines du militantisme homosexuel actuel (la défense de la – pourtant mythique – « égalité entre femmes et hommes »[5] ; le champ lexical relativiste du « déplacement » et de la « pluralité »[6] ; la traditionnelle confusion entre sexe anatomique et « genre », qui cantonne la sexualité uniquement sur le terrain de l’apparence ou du comportement).

Au final, avec Se dire lesbienne, on nous enjoint tacitement à applaudir à la désincarnation de la sexualité, au nom de la lutte contre un « destin anatomique » fantôme, ou bien de la sacrosainte science sociologique : « L’ouvrage de Natacha Chetcuti est avant tout une contribution remarquable à la sociologie de la sexualité. En sociologue, l’auteure envisage l’ensemble des pratiques et des enjeux matériels de la sexualité : les relations, les représentations, les actes et les corps, inscrits dans les rapports de genre. Entendue en ce sens, la sexualité apparaît comme un des meilleurs indicateurs de ce qui distingue les lesbiennes des autres femmes. »[7] Derrière un discours planant sur l’amour, la diversité, et la force des sentiments, se cache une réalité beaucoup moins rose : une désexualisation généralisée des êtres humains (« les » lesbiennes ne seraient même plus des femmes…) sous couvert d’identité lesbienne (identité qui reste à prouver). C’est la sexualité – en tant que sexuation, puis ensuite identité et amour – qui est attaquée et gommée (« Sortir de l’hétérosexualité, est-ce sortir de la catégorie de femme et en quoi ? Natacha Chetcuti donne chair à la fameuse proposition de Monique Wittig. »[8]). On nous présente avec un beau sourire l’absence de prétention politique, intellectuelle, ou didactique de l’ouvrage (« Il s’agit moins pour l’auteure d’élaborer une théorie politique du lesbianisme que de faire comprendre comment des femmes se mettent en mouvement et entrent dans un processus de déshétérosexualisation»[9] L’hétérophobie est affichée sans détour. Le pire, c’est que cette déshétérosexualisation, dans l’idée, est une très bonne chose (s’identifier à l’homme-objet et à la femme-objet cinématographiques ou de la médecine légale constitue, je le crois, un réel danger et une caricature des relations femme-homme réels, un véritable enjeu politique) ; mais cet élan de remise en cause du modèle hétérosexuel peut être corrompu si d’une part on confond ensuite ces êtres mythiques hétérosexuels avec l’ensemble des couples femme-homme réels, et si d’autre part on cherche ensuite à prouver l’authenticité très discutable de l’identité homosexuelle (en l’occurrence lesbienne ici) et de l’amour homosexuel en général sur la base de l’artificialité de l’hétérosexualité. La déshétérosexualisation est à penser en des termes beaucoup moins particularistes, identitaristes, minoritaires, victimisants, et poétisants. Ce qui est très gênant dans le cas de Se dire lesbienne, c’est qu’il ne s’agit pas de réfléchir sur l’existence de l’identité lesbienne, mais de nous la faire aimer et de nous faire croire en son existence sans même la remettre en question. Chetcuti s’attache à nous décrire l’intimité des femmes lesbiennes en s’appuyant sur des « histoires de vie »[10], et à illustrer dans la relation amoureuse lesbienne « la place donnée à l’autre ». Cuculand vous propose donc comme d’habitude de jolies « tranches de vie » pour noyer la réflexion sur le désir homosexuel dans le témoignage « je » et l’émotionnel victimisant, tout cela en appliquant un vernis historique et « sociologique » de surface. Natacha Chetcuti nous parle au cœur : pas à notre cerveau (« La grande richesse du livre est de prendre pour objet de parcours et des pratiques plutôt que de reprendre des discours généraux et des professions de foi. »[11]). Le « faire », le particulier, et les bons sentiments, l’emportent sur l’« être », le désir, et une pensée plus universelle sur le sens de la sexualité.

 

C’est pourquoi, au niveau du contenu, Se dire lesbienne ne traite pas concrètement des vrais problèmes. Par exemple, la question du viol en lien avec l’homosexualité est gentiment balayée après avoir été accidentellement esquissée. Natacha Chetcuti s’attache à aborder de fausses problématiques (on apprend notamment que les catégories butch et fem ne sont pas immuables et intangibles : super novateur comme idée… personne ne l’avait dit avant elle…) pour mettre de côté des questions plus pertinentes telles que l’identité homosexuelle, le sens et la nature du désir homosexuel, la réflexion et l’articulation entre les sexes femme ou homme, etc.. Elle insiste sans cesse sur la prétendue « invisibilité du lesbianisme »[12] mais n’explique pas, mis à part dans une dialectique de victimisation, pourquoi il est invisible (peut-être, finalement, par peur de s’avouer son inconsistance…). Çà et là, on relève beaucoup de raccourcis et d’éléments de misandrie (haine des hommes), que ce soit à l’encontre des hommes dits « hétéros » que des hommes homos : par exemple, le couple lesbien serait bien plus mâture et solide que le couple gay (« Parmi les femmes en couple, domine un discours de ferme refus de l’extraconjugalité. Le scénario d’une sexualité récréative, très présent chez les gais, est absent parmi les lesbiennes interrogées par Natacha Chetcuti. »[13])… On ne doit pas avoir les mêmes références de couples lesbiens, alors… Par ailleurs, Natacha Chetcuti focalise sur la « masculinité » et la « féminité »[14], sur ce qui « fait en apparences homme » ou « en apparences femme », bref, sur le paraître, pour s’éloigner des sexes anatomiques et de leur sens. Le sexe devient, à ses yeux, mauvais parce que « social », « culturel » (ne perdons pas de vue que selon la théorie queer, le sexe ne serait qu’une construction sociale, non une réalité objectivable ni bien sûr positive). Dans le domaine de la sexualité, tout serait social, donc relatif, mouvant, à construire, déconstruire, transgresser, transcender, inventer. Derrière ce système de pensée apparemment « ouvert » mais éjectant concrètement le symbolisme du Réel, on lit une haine des corps, des traditions, des héritages, de la société. Natacha Chetcuti ne défend rien (à part la « diversité ») : elle ne fait qu’observer. Par exemple, elle ne se positionne pas moralement à propos du phénomène de l’infidélité dans les couples lesbiens. Elle se contente de parler des différentes manières de concevoir la fidélité. Elle ne se risque pas trop : elle reste sur le terrain mouvant, confortable, et fade, de la potentialité : « L’application de la norme dans le couple et la place donnée à la sexualité peuvent être aussi vécues différemment selon le degré de relations qu’entretiennent les protagonistes avec les instances institutionnelles (famille, maternité, etc.). Sous l’impact de toutes ces variables, la durée du couple peut s’en trouver modifiée. »[15] Elle balaye scolairement l’éventail des possibles, nous présente ce qu’il y a en magasin, sans orienter plus vers un choix que vers un autre, sans donner le goût de l’engagement. Elle ne s’aventure pas davantage sur le terrain de la réflexion sur l’identité quand elle décide de ne traiter la sexualité que sous l’angle des pratiques sexuelles (c. f. le chapitre VI) et de leurs perceptions « intimes ».

 

Rien que dans le choix du titre – Se dire lesbienne –, on voit que Natacha Chetcuti bascule dans ce qui va être le principal défaut de son livre : le plaisir narcissique de « se raconter » (même si le micro est toujours laissé démagogiquement aux autres), la focalisation sur le paraître plus que sur l’être, la prévalence de la subjectivité et de la conscience individuelle sur l’objectivité et la quête de sens universel, la victoire des témoignages sur l’analyse, la mise en avant de l’imaginaire (« les imaginaires » est le tout dernier mot de son essai[16] : tout un symbole…) au détriment du Réel. Natacha Chetcuti s’attache à « la manière de se percevoir »[17], à la « mise en scène de soi »[18], au « processus d’énonciation »[19]. Elle délaisse la question fondamentale du « Qui suis-je ? » pour lui préférer celle du « Comment je me dis ? (…après m’être caricaturé et inventé une identité originale et inédite) », du « Comment je me vois et me définis ? » : « Le terme d’autonomination est à considérer en tant que processus : il ne désigne ni un état, ni une condition des individus, mais bien au contraire une définition de soi constamment rejouée ou renégociée. »[20] C’est le genre en tant qu’« allure, présentation de soi, manière d’être dans le corps »[21] qui prime. Nous ne sommes plus dans la recherche de Vérité mais dans le plaisir de se raconter. Il s’agit pour Natacha Chetcuti d’« étudier les modes d’autodéfinition qui permet de comprendre comment les lesbiennes se pensent et se construisent pour elles-mêmes. »[22] La question de l’identité est transposée dans le domaine du paraître, de la perception de soi, de la subjectivité… et non de la Nature, du corps, de l’universel, de l’objectivité, du don social positif. Selon l’essayiste, la différence des sexes n’a rien à nous apprendre, par exemple : elle l’envisage uniquement sous l’angle de la victimisation (« Cette différence sexuelle qui émanerait du corps vient justifier une classification arbitraire qui structure et maintient le rapport de pouvoir inégalitaire entre les hommes et les femmes. Elle est la base de la société hétérosexuelle»[23]). L’identité lesbienne serait, aux yeux de Natacha Chetcuti, une « identité marginalisée et dévalorisée »[24], victime du « système hétérosexiste dominant », mais elle ne se demande pas pourquoi ni ne remet en cause ce postulat de base. «  Ignorées socialement, elles le sont théoriquement. (…) Elles subissent une ‘double peine’, comme femmes et comme homosexuelles. »[25] Elle nous met en garde contre les « prescriptions hégémoniques »[26] des normes sur les sexes, sans voir que le « déploiement du genre »[27] tant défendu par les nouveaux prosélytes du « genre sans sexualité » résulte de la même dynamique hégémonique justement, même si s’il se dit en termes minorisants, inconstants, et est toujours conjugué au pluriel.

 

En dépit de l’impression d’étude scientifique et journalistique sérieuse que donne la fidèle retranscription des ressentis, Natacha Chetcuti n’est pas si objective que cela. Elle interprète des propos de manière à prouver toujours un conditionnement, négatif s’il s’oppose à ce qu’elle présente comme LA Vérité des personnes homosexuelles (à savoir l’identité – plurielle – lesbienne et la force de l’amour lesbien), positif s’il La défend. Il s’agit pour la sociologue de démontrer, par l’intermédiaire des témoignages, « l’influence de l’oppression de genre sur les femmes »[28]. C’est cela qui est très peu probant dans son essai. Elle semble, mine de rien, avoir une idée très précise du « comment il faut se dire ». Certes, elle énonce qu’il y a 1001 manières de s’autodéfinir lesbienne, mais l’important pour elle, c’est quand même de se définir lesbienne, de reconnaître son identité « profonde » en fonction de son orientation sexuelle. Peu importe les modalités finalement. La gêne par rapport à la relation lesbienne est interprétée non comme un problème objectif interne au désir homosexuel mais comme un dangereux ennemi social à neutraliser ; elle est systématiquement extériorisée sur une soi-disant « création sociétale et culturelles », sur l’hétérosexisme patriarcal ambiant, sur l’homophobie environnante (qui pourra par la suite s’intérioriser, mais uniquement dans un second mouvement : cette homophobie serait toujours originellement extérieure aux personnes homosexuelles) : par exemple, si une femme lesbienne n’arrive pas à s’identifier positivement aux femmes lesbiennes, cela résulterait forcément pour Chetcuti d’« une crainte du stigmate et d’une intériorisation de la dévalorisation des femmes. »[29] Les interprétations de Natacha Chetcuti semblent constamment aller dans le sens d’une défense aveugle du lesbianisme. Mais que met-elle derrière ce mot ? On ne le saura jamais. C’est embêtant pour un essai qui se propose de creuser à fond le concept…

Dès la préface, on nous vante que « ce livre fera date »[30]. C’est justifié et humble de s’avancer ainsi quand on a les moyens de sa prétention. Mais très tarte à la crème dans le cas où on a si peu à proposer en magasin… Alors on va se rassurer comme on peut : même s’ils ne font malheureusement pas l’objet d’une véritable analyse (ils sont plutôt moralisés derrière une présentation sociologique et paraphrastique « parfaite »), tous ces entretiens réalisés par Natacha Chetcuti, dont la sincérité et l’intensité émotionnelle ne sont pas à remettre en doute, constituent un patrimoine homosexuel très utile et certainement exploitables pour d’autres interprétations plus solides…

 



[1] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 8.

[2] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 40.

[3] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 82.

[4] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 116.

[5] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 9 et p. 39.

[6] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 245.

[7] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 7

[8] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 8.

[9] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 7.

[10] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 35.

[11] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 7.

[12] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 10.

[13] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 10.

[14] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 14.

[15] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 138.

[16] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 251.

[17] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 65.

[18] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 96.

[19] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 14.

[20] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 35.

[21] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 70.

[22] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 19.

[23] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 30. C’est elle qui souligne.

[24] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 17.

[25] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, pp. 7-14.

[26] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 9.

[27] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 11.

[28] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 107

[29] Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 60.

[30] Michel Bozon dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Éd. Payot, Paris, 2010, p. 14.

Par Philippe Arino - Publié dans : LE PHIL DE L'ARAIGNEE
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Mardi 12 octobre 2 12 /10 /Oct 14:39

la-greve.jpg

Par Daniel C. Hall - Publié dans : LES NEWS ROSES
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Lundi 11 octobre 1 11 /10 /Oct 09:54

Article publié par notre ami  Jean Yves

 


G. Macé, ancien chef du service de la Sûreté parisienne, a écrit plusieurs livres de souvenirs : Mon premier crimeUn joli mondeGibier de Saint-Lazare. La présentation au préfet de police, dans la prison de Mazas, d'une bande de prostitués mâles raflés dans les bois de Boulogne et de Vincennes est tirée de Mes lundis en prison. (1)



Une bande d'antiphysiques


Le rapport que vous m'avez demandé sur les formes que revêt de nos jours le monde de la prostitution ne détaille que la débauche féminine. Volontairement, j'ai jeté un voile sur la débauche masculine, partie intégrante de la première, et je vous ai dit au sujet des antiphysiques : « Les Bois de Boulogne et de Vincennes, leurs principaux lieux de rendez-vous sont à peu près propres ; on vient d'y détruire deux nids de pédérastes ; vous verrez les oiseaux en cage, au repos, à Mazas. » Les voici. Permettez-moi de vous présenter cet horrible bouquet de fleurs... vénéneuses, formé de Bec de Gaz, la Turquie, la Petite Anglaise, la Grosse Allemande, Tire-Bijoux et la Vrille. Ce sont les chefs qui avaient pour affiliés la Pépette, Peau de Satin, la Truqueuse, l'Araignée, ainsi appelée à cause de la longueur de ses pieds et de ses mains ; enfin la Chatte, dont vous voyez même ici les manières câlines. L'énumération de pareils sobriquets indique les agissements des individus qui les portent, et tous les pareils de ces êtres immondes circulent le soir au centre de Paris et le jour sur nos promenades publiques. Leurs allures efféminées les font facilement reconnaître car ils imitent la marche des filles soumises. Leurs effets sont taillés de façon à mouler leurs formes, leur cou est découvert, leurs yeux sont agrandis par un coup de crayon, et leur figure, couverte de poudre de riz, attire l'attention des promeneurs et la risée des femmes de débauche. Presque tous, imberbes ou fraîchement rasés, ne fument jamais et se promènent par couple, en riant très fort comme des prostituées.


— Je constate avec regret, dit le Préfet, que Bec de Gaz et ses congénères ont à peine vingt ans.

 

— Et tous sont instruits. L'un d'eux est licencié en droit et surnommé par les pédérastes de profession : « Cordonnier de campagne » parce qu'il travaille pour hommes et pour femmes. Avec sa voix douce, ses manières polies, il s'introduisit, en prenant le titre de vicomte, dans un ménage de rentiers avec l'intention d'y préparer un vol. Devenu l'amant de la femme et la maîtresse du mari, il put facilement indiquer à ses complices les moyens d'enlever les valeurs du coffre-fort. A la suite d'une fausse manœuvre, les malfaiteurs furent surpris et l'indicateur arrêté. On voulut le fouiller, il résista ; les agents le déshabillèrent et l'on trouva sur lui des lettres de la femme et du mari, ne laissant aucun doute sur la nature de ses relations avec eux. En les conservant, il se ménageait un futur chantage.

 

Détail comique, son pied droit avait une chaussette et le gauche un bas, chaussette et bas en soie couleur chair marqués aux initiales (les époux rentiers. L'inspecteur principal Monsin, qui assistait à l'opération, se leva et de sa large main il appliqua une forte claque au bas des reins du Cordonnier de campagne » en lui disant : « A qui ai-je l'honneur de parler, au vicomte ou à madame la vicomtesse ? »

 

L'inculpé fit la révérence et dit : « Côté face au vicomte, côté pile à la vicomtesse. »

 

Je fus obligé de représenter certaines parties des vêtements de ce double personnage à leurs propriétaires.

 

— Tiens, s'écria la femme en fixant son mari, ta chaussette.

 

— C'était pour faire pendant à ton bas, répondit-il.

 

— Les pédérastes comme les souteneurs doivent se diviser en plusieurs catégories ? demanda le Préfet.

 

— On en compte sept, et la plus dangereuse, celle que la police surveille, comprend les malfaiteurs que vous avez devant vous. Dans les autres classes figurent les pédérastes ayant de la fortune et se livrant par passion. Ceux-là deviennent victimes de manœuvres de chantage pratiquées par les sodomites professionnels. Ces derniers savent que les gens aux goûts dépravés ne reculent devant aucun obstacle pour se satisfaire. Il n'est pas rare de rencontrer parmi les riches débauchés des membres les plus influents de l'échelle sociale ; et récemment un financier de haut vol a laissé des papiers intimes au domicile d'un bijou (2) qu'il est obligé d'entretenir.

 


Un curieux bijou


Un autre bijou surnommé « La Folle » a longtemps exploité cet ancien ministre qui avait eu l'imprudence de la recevoir trop passivement. Les sodomites en belle situation ont des appartements luxueux, où ils se livrent à toutes sortes d'orgies, et dans ces débauches-là, le vice de l'homme dépasse de beaucoup celui de la femme. Quelques-uns forment une société distincte, se marient entre eux pour six mois, un an, et malheur à celui qui voudrait s'emparer de la maîtresse de l'autre ; tôt ou tard il devient la victime d'un vol ou d'un guet-apens dont il n'osera jamais se plaindre à la justice. Ces débauchés sont généralement lâches, affaiblis et peu susceptibles d'actes énergiques, ce qui atténue, dans une certaine mesure, leurs moyens de nuire.



Il n'en est pas de même des pédérastes qui n'ont d'autres ressources pour vivre que le trafic de leur vice honteux ; tout leur est bon, le banquier, l'écrivain, l'artiste, le soldat, pourvu que leur victime ait de l'argent et occupe une position l'empêchant de se plaindre. Ces pédérastes se divisent en « petits ménages » et les horribles couples s'entendent, forment des bandes et opèrent dans un rayon déterminé ; ils organisent une police de renseignements et dès qu'ils ont réussi à trouver l'homme à passions ayant de la fortune, on peut dire qu'il est complètement perdu et que son existence même ne tient plus qu'à un fil. Celui qui s'est laissé prendre ne tarde pas à voir disparaître de son domicile ce qui peut s'emporter facilement : bijoux, argenterie, effets, linge, sont distribués aux complices du favori.


Lorsque les fonds commencent à manquer, les lettres anonymes sont lancées contre lui, et le chantage commence.

 

J'ai plusieurs fois mis à la disposition du Parquet des individus ayant poussé l'audace jusqu'à prendre la qualité de commissaire de police. Ceints de l'écharpe tricolore, ils avaient osé venir au domicile des sodomites, les avaient menacés d'arrestation pour avoir entretenu des rapports contre nature avec un de leurs complices et avaient obtenu ainsi d'assez fortes sommes.

 

Du chantage au crime, il n'y a qu'un pas, d'autant plus que le véritable sodomite est toujours dissimulé. Il étudie à l'avance le caractère, les habitudes et les relations de celui qu'il veut frapper. On a vu des pédérastes vivre pendant des années avec la même personne, être entretenus par elle et ne pas se départir une minute de la plus stricte réserve, au point qu'on ne pouvait établir à leur charge le moindre acte délictueux.

 

Puis, un jour, la famille apprend la disparition, la ruine ou la mort d'un de ses membres. L'enquête ordonnée établit alors que le coupable n'était autre que le pédéraste ayant vécu dans l'intimité de la victime.

 

Tout sodomite est intelligent, mais son esprit se porte au mal. A son actif, on ne trouve aucune bonne action.

 

— On peut, dit le Préfet, remettre dans leur cellule ces gens-là qui, tout en ne procréant pas, ont une tendance à se multiplier. Le vice se popularise, la lèpre s'étend, il y a lieu de prendre de vigoureuses mesures pour en arrêter les progrès.

 


Les hommes-modistes


Dès que la cellule fut vidée, je dis au Préfet : A côté de ces vulgaires sodomites et à côté de ceux qu'ils exploitent, existent des associations de dépravés. Ces individus curieux à connaître, sur lesquels on ne fournit que de favorables renseignements, sont enclins à la débauche la plus honteuse. Connus sous la désignation d'hommes-modistes, ils se recrutent dans le haut commerce spécial à tout ce qui a rapport à l'arsenal de la coquetterie féminine : robes, lingerie, coiffure, chignons, tresses, fleurs, plumes, rubans. Il n'y a pas de femmes capables de leur faire concurrence ou de lutter avec eux pour donner le cachet et l'élégance aux variétés de garnitures de tête que les mondaines et les demi-mondaines recherchent tant à Paris.


Quelques-uns ont acquis une véritable renommée : ils se considèrent comme des artistes dans leurs magasins et ateliers, installés avec luxe, où les parfums dominent ; sans être galants avec les dames ils conservent une attitude réservée qui prédispose en leur faveur.


Les mains ordinairement belles, soignées mettent tant de légèreté à essayer les modèles sur la tête des coquettes clientes que celles-ci, enthousiasmées, leur font tout de suite une notoriété d'adresse et de haut chic incomparable. Leur situation est d'autant plus enviée dans le commerce que la vie privée paraît régulière.

Toutes leurs précautions sont prises pour ne pas laisser deviner leurs mœurs.

 

Les hommes-modistes échappent aux surveillances ; ils se réunissent trois ou quatre dans leur appartement ou au domicile des fournisseurs célibataires partageant leurs goûts antiphysiques.

 

Une enquête faite récemment a confirmé cette règle adoptée par eux.

 

Pour le commerce comme pour la débauche, ils s'entendent à merveille ; ne sont-ils pas unis d'une manière étroite par l'intérêt et par le vice ?

 

Contrairement aux habitudes des autres pédérastes, ils ne se trahissent jamais. Expérimentés dans l'art de feindre, tous sont instruits, distingués, et leur importance commerciale, leur manière de vivre empêchent qu'on remarque les rendez-vous nocturnes.

 

Il est donc matériellement impossible aux personnes honnêtes de s'imaginer qu'elles se trouvent en présence de pédérastes. Il faut à la police des circonstances exceptionnelles pour les démasquer, et si elle arrive à constater des excitations de mineurs à la débauche, elle doit compter avec les hautes protections que les coupables ont su se créer parmi leurs clientes, qui n'admettent jamais que ces hommes, les habillant, les coiffant mieux que des couturières et modistes, soient les pires ennemis du sexe féminin.

 



Les bains de vapeur


Ce matin, dit le Préfet, j'ai entendu chez le Ministre un bijoutier de la rue de la Paix se plaindre d'actes contraires aux mœurs, dont il aurait été témoin dans divers bains de vapeur. Ces établissements, comme tous ceux qui sont publics ou payants, sont l'objet de votre surveillance ?


— Les coupables sont difficiles à prendre, et pour vous en expliquer la raison, permettez-moi d'entrer dans quelques détails.

 

Au bord de la mer, les bains mixtes permettent aux amateurs de détailler à loisir les charmes physiques des filles galantes, et l'air salin, les senteurs du varech ont sur certains tempéraments une influence directe qui... porte au mariage. Les pédérastes fréquentent peu les plages adoptées, à la mode, où règnent les jolies femmes ; ils préfèrent les bains de vapeur ; là, les hommes se promènent dans une nudité complète, et le petit tablier réglementaire a même le don de les gêner.

 

Heureusement que les établissements de cette nature ne sont pas tous le théâtre de scènes ordurières. Les propriétaires soucieux de la bonne tenue de leurs maisons choisissent des employés à l'abri de reproches ; mais lorsque les garçons de bains pratiquent et favorisent la débauche, c'est par séries que des actes ignobles se commettent dans les salles affectées aux douches et aux fumigations. L'épaisse vapeur remplace l'air salin, et les plantes aromatiques l'odeur du varech. La situation est particulièrement délicate pour les agents chargés des surveillances ; mêlés aux baigneurs, ils deviennent l'objet de provocations, et si les flagrants délits d'outrage à la pudeur ne manquent pas autour d'eux, quelle valeur pourrait avoir en justice leur constatation officielle en costume de bain ?

 

A la police correctionnelle les avocats auraient le beau rôle en faisant, sans grands efforts d'imagination, de l'esprit à la vapeur sur le nouveau costume des défenseurs de la morale outragée, et le sourire des juges sauverait leurs clients. On se borne à suivre les débauchés ayant la plupart d'importantes maisons commerciales et industrielles.

 

En dehors des gens qui se rendent aux bains de vapeur pour satisfaire leurs passions, il y a la clientèle courante que l'hygiène amène seule et où figurent des individus connus sous le nom de « curieux ». Ils n'aiment pas les femmes, n'ont aucun goût pour les plaisirs contre nature, et cependant ils séjournent des journées entières dans ces établissements ; ils mangent, boivent, fument, circulent dans les salles et semblent heureux d'entendre des paroles obscènes, de coudoyer les sodomites et d'assister à leurs actes répugnants. C'est là une curiosité maladive, assez commune, qui charme leurs oreilles et satisfait leur vue.

 

Parmi les établissements de bains plus modestes, beaucoup laissent encore à désirer. La séparation sévère des sexes n'empêche pas deux hommes ou deux femmes, à n'importe quel âge, de se baigner dans le même cabinet. Lesbos et Sodome s'y donnent rendez-vous.

 

Le dernier procès retentissant remonte au 17 Juin 1786, il concerne l'une des maisons de bains du IXe arrondissement ; six personnes ont été poursuivies et condamnées pour excitation habituelle de mineurs à la débauche : le propriétaire à deux ans de prison, les garçons de bains à six mois, et les amateurs des deux sexes, à trois mois.

 

On m'a signalé récemment une maison du nouveau Paris qui possède des salles pourvues de baignoires réservées aux dames aimant la compagnie. Les cloisons séparatives, au lieu d'être en briques, sont garnies de « trous révélateurs » habilement dissimulés. Les cabinets contigus à ces salles sont loués à la semaine ou au mois à des amateurs qui plongent des regards indiscrets sur les baigneuses.

 

Vous recevrez demain le rapport contenant les noms de ces débauchés. Il y a notamment deux anciens officiers ministériels et un juge de paix.

 

— Parmi les exhibitionnistes, trouvez-vous des gens adonnés à la sodomie ? demanda le Préfet.

 

— Quelques-uns, mais nous les classons dans la catégorie des aberrés professionnels. L'arrestation d'un petit nombre de détenus en ce moment à Mazas n'a pas eu lieu sans difficulté.

 


Le grand frisé se défend


Avant d'étaler sa pourriture au soleil, l'homme aux cheveux longs, frisés, était un type parmi les pédérastes à passions. On suppose que sa cervelle est dérangée et des personnes influentes cherchent à en faire un cas pathologique. Son juge l'a soumis à un examen médical et on le croit jusqu'ici responsable de ses actes. Il appartient à une famille riche et honorable de province, qui n'a rien négligé pour lui inculquer les meilleurs principes. Objet des vues ambitieuses de son père, il commença ses études au lycée de sa ville natale, et à leur achèvement il fut envoyé dans diverses contrées de l'Europe. Son intelligence, sa facilité à retenir ce qu'il apprenait, flattant la vanité paternelle, firent oublier son caractère tantôt rêveur, tantôt emporté. Il possédait une de ces natures qui passent indifféremment, et avec une extrême rapidité, du bien au mal. Ayant visité en détail l'Italie et l'Orient, il rapporta de ces deux pays des goûts de dissipation et de plaisir qui affaiblirent en lui le sentiment de la vie réelle.


Son père en mourut de chagrin.

 

Il hérita et vint à Paris pour échapper aux indiscrétions que soulève dans les villes de provinces secondaires une existence licencieuse. Il voulut jouir en repos des plaisirs infâmes qu'il se promettait, car depuis longtemps il portait dans son sein les germes du fléau qui devait anéantir ses ressources, détruire sa santé et le livrer enfin à la justice.

 

A Paris, comme dans les grands centres, la débauche est ingénieuse à trouver des aliments pour les fantaisies les plus folles. En la cultivant, notre pédéraste provincial ne tarda guère à faire partie d'un cercle, dont les membres appartenant aux différentes classes de la société se pliaient à la dégradante égalité du vice. Ces gens forment des réunions à part, et le local loué à cet effet ne s'entr'ouvre qu'aux affiliés munis du mot de passe. Des adolescents que l'appât du gain, l'aversion du travail ont menés dans ces cavernes y sont entretenus avec un certain luxe jusqu'au moment où une rumeur inquiétante donne l'éveil à la bande.

 

L'enquête exigée par le Procureur de la République sur le compte de ce détenu reconnaît sa probité rigoureuse. « Il rougirait, mentionne le rapport, de commettre la moindre indélicatesse d'argent. Serviable, causeur élégant, il avoue sans honte les pernicieuses habitudes contractées dans ses voyages d'Italie et d'Orient. »

 

— Conduisez-nous à sa cellule, dit le Préfet, au sous-brigadier des surveillants.

 

Ce fonctionnaire nous fit monter au premier étage de la deuxième division et ouvrit la porte quatre-vingt-onze.

 

L'homme aux cheveux longs frisés, au pantalon gris clair, la terreur des jeunes filles au bois de Boulogne, où il circulait tenant à la main un journal déplié, se leva à notre entrée, inclina la tête et attendit.

 

Dans sa figure pâle, ridée, anémiée, sans barbe, le regard seul possède une ardente vivacité. Ses mouvements sont efféminés.

 

Le Préfet déclina sa qualité.

 

L'inculpé salua de nouveau et répondit à ses questions d'une voix faible, mais soutenue.

 

— Reconnaissez-vous les actes qui vous sont reprochés ?

 

— Nier serait mentir et je laisse le mensonge à mes domestiques.

 

— Les médecins concluent à votre responsabilité.

 

— Ils font preuve, cette fois, de réelles connaissances. Les juges doivent me frapper pour les délits d'outrage public à la pudeur ; mais je leur interdis d'accoler à mon nom des épithètes injurieuses en me reprochant de socratiser ou d'alcibiadiser mes semblables.

 

La pédérastie est aussi vieille que le monde ; on la trouve au début des sociétés comme au déclin de la nôtre.

 

— Grâce à vous et à vos pareils.

 

— C'est possible. Je continue : Gomorrhe et Sodome, aux premières époques de la civilisation, laissèrent des souvenirs qui nous sont parvenus avec les traditions léguées par le monde romain à sa décadence. Des empereurs affichèrent publiquement leur intimité avec des affranchis qu'ils élevèrent aux plus hauts emplois ; Henri III eut ses mignons ; le duc d'Orléans, frère de Louis le Grand, connut une vive passion pour le chevalier de Lorraine et la pédérastie n'a jamais été considérée comme un crime. En Orient, elle est acceptée sans murmure ; c'est même la seule prostitution. Citez-moi donc une loi qui la condamne.

 

L'adultère est prévu, justement réprimé, puisqu'il trouble l'unité de la famille. Mais, lorsqu'il n'y a pas de préjudice, où trouver le délit ? Les législateurs l'ont compris, en n'atteignant que les individus accomplissant comme moi en public des actes lascifs.

 

Parmi les nombreuses personnes que vous connaissez, les unes ont semé la désunion dans un paisible ménage, et les conséquences en retombent sur d'innocentes victimes, les autres ont ravi l'honneur d'une jeune fille, l'ont enlevée du foyer paternel, compromettant son avenir pour l'abandonner ensuite. Quelle peine ces gens subissent-ils ? Les séducteurs, aux yeux de bien du monde, deviennent des hommes à bonnes fortunes et l'on accorde de l'indulgence pour leurs exploits galants.

 

Par une étrange contradiction, on vilipende les pédérastes qui ne s'adressent cependant qu'à des êtres tourmentés par des habitudes sans conséquence et semblables aux leurs. Des individus majeurs aussi dissolus que moi, répondant à mes désirs, où existe la corruption ? Il y a, j'en conviens, un préjudice causé à l'accroissement du pays, la nature ayant destiné l'homme et la femme à faire œuvre commune ; le motif est sérieux, il a sa force, mais je puis répondre que la société n'a pas le droit de m'imposer cette contrainte. Je suis maître de ma personne et je lui imprime la direction qui convient à mes goûts. Que l'on supprime la liberté individuelle achetée au prix de tant de sang versé, et je me soumets. Si le célibat est un crime de lèse-humanité, il faut obliger les célibataires au mariage. Je me résume par cet axiome de droit : « Ce qui n'est pas défendu est permis ».

 


La mort d'une tante


A quel nombre estimez-vous à Paris les sodomites de toutes les catégories ?


— Quatre mille, dont les deux tiers sont connus. Depuis 1872, une brigade composée de huit agents des mœurs était chargée de les surveiller ; mais j'ai dû dissoudre ce service dirigé par un brigadier qui cherchait à s'imposer. Pour montrer l'importance de sa mission, la nécessité de l'étendre, il s'oubliait jusqu'à commettre des abus. Les véritables pédérastes de profession ne suffisant plus à alimenter ses archives ; il formait des dossiers à l'aide de renseignements officieux sur des personnages politiques, objets de rancunes ou de vengeances particulières. La destruction de ces fiches, de ces dossiers, n'ayant au-cuir caractère officiel, m'a paru indispensable (surtout avec les changements successifs de fonctionnaires) ; elles auraient pu tomber entre les mains de gens ayant intérêt à les considérer comme sérieuses. Aujourd'hui, le personnel en général participe à la répression des outrages publics à la pudeur, et ce nouveau fonctionnement m'a permis d'entendre des indicateurs, parmi lesquels trônait un comte authentique, rejeté par sa famille, et qui affichait volontiers sa passion pour la sodomie. Je l'ai vu deux fois : vivant et mort. A son domicile, rue de Grenelle, il me reçut dans sa chambre à coucher garnie d'étoffes et de tapisseries noires. Assis sur un épais et large matelas recouvert d'un drap de soie blanche, il eut le cynisme de présenter à son ami, le brigadier, que j'accompagnais, deux individus partageant sa couche et qui n'étaient autres que des porteurs aux pompes funèbres. Mort, il était étendu sur le sol de la salle mortuaire de la Morgue ; la cervelle manquant sous son crâne brisé était restée dans les latrines de la berge du quai Malaquais.

 

— Quelle horrible mort !

 

— Pas nouvelle, et qui se reproduira.

 


in Le Crapouillot n°30, « Les Homosexuels », août 1955, pp. 23 à 26



(1) Gustave Macé, La police parisienne. Mes lundis en prison, Paris, Editeur G. Charpentier, 1888, 415 p.

(2) Jeune homme débauché tenant la place entre le petit jésus et le maître chanteur.

Par Jean Yves - Publié dans : HISTOIRE DE L'HOMOSEXUALITÉ
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Dimanche 10 octobre 7 10 /10 /Oct 12:16


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Dimanche 10 octobre 7 10 /10 /Oct 12:09

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Par Isabelle B. Price - Publié dans : SERIE : LOS HOMBRES DE PACO
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Vendredi 8 octobre 5 08 /10 /Oct 09:50


Fiche technique :

Avec Alevino Di Silvio (Franco), Francesco Gnerre (Renato), Franco Mazzieri (Vampir), Vinicio Dimanti (Tunte), Ciro Cascina, Rosa Di Brigida, Renato Faillaci. Réalisation : Simon Bischoff. Scénario : Simon Bischoff. Image : Raffaele Mertes. Musique : Alberto Antinori. Montage : Annerose Koop.

Durée : 85 mn. Disponible en VOSTfr.



Résumé :

L’évocation de la prostitution masculine à Rome au début des années 80, à travers le cas de Franco, surnommé « Er Moretto », qui a commencé à se prostituer dès l’âge de treize ans... À travers une interview du garçon réalisée par le cinéaste, on reconstruit (difficilement) le chemin de Franco. Après deux ans d’une vie d'expédients, il rencontre dans une discothèque gay un homme d’une cinquantaine d’années, Renato (interprété par Francesco Gnerre), ce qui lui change la vie. Les deux entament une relation qui va évoluer avec le temps. Franco cesse de se prostituer et trouve un travail...



L’avis de Bernard Alapetite :

Un des films les plus hallucinants que j’ai pu voir (un grand merci à Alain M. qui m’a procuré cette curiosité dont je n’avais jamais entendu parler avant la semaine dernière). Er Moretto oscille constamment entre le documentaire et la fiction. Le film peut être vu comme un plaidoyer, à peine déguisé, pour la prostitution des adolescents pauvres et en difficulté familiale, puisque le jeune Franco, rejeton d'une famille nombreuse, battu par son père et vivant dans une banlieue si sinistre qu’elle ferait passer notre 9-3 pour un lieu de villégiature paradisiaque, se retrouve cinq ans après avoir commencé à faire le commerce de son corps, cravaté, muni d’un travail et vivant dans un appartement d’un quartier résidentiel de Rome (l’E.U.R.). On ne saura que peu de choses de ce qui amené notre tapin à cette aisance petite bourgeoise.



Nous apprenons des brides de vie du dit Franco lors d’une interview, fort lacunaire, réalisée par Bischoff alors que le garçon a 18 ans et dit avoir arrêté la prostitution. Cette confession est filmée frontalement sur un fond neutre. Elle est entrecoupée de longues séquences sensées évoquer la vie du garçon et son contexte dans le milieu de la prostitution romaine.



Franco, qui visiblement n’a pas inventé la pelle à charbon pas plus que le fil à couper le beurre (à sa décharge, Bischoff semble un piètre interviewer mais néanmoins roublard et conscient de sa faiblesse puisqu’il prend soin de faire dire à Franco, dès le début de l'entretien qu’il ne voulait pas jouer dans le film), nous sert un discours petit bourgeois assez antipathique propre en effet aux gigolos que j’ai pus fréquenter dans les mêmes années du côté du drugstore de Saint-Germain-des-Prés (je me demande combien aujourd'hui survivent de ces stakhanovistes du sexe que l'on voyait tourner, parfois des heures durant, moulés dans leurs jeans, l'œil éteint mais néanmoins vigilants, autour du pâté de maisons du drugstore). Bien sûr Franco se veut hétérosexuel et n’admet que du bout des lèvres qu’il lui est arrivé de s’attacher à certains de ses clients.



Franco nie avec force être un “frocio”. Il dit ne pas apprécier le sexe avec les hommes et avoir eu pour Renato, son mentor et bienfaiteur, seulement un rapport d'affection comme celui que l’on a pour des amis ou celui qui existe entre un père et son fils, mais jamais de l’amour. La relation entre Franco et Renato est une histoire qui ressemble à celle que l’on a pu apercevoir ici ou là dans les chroniques mondaines, particulièrement en Italie où nous voyons quelques personnages connus, qui adoptent leur petit ami aimé, et ensuite lorsque ce dernier se marie, « le père » devient le parrain des enfants nés du mariage. C’est un peu l’histoire de Pasolini avec Ninetto...

Le réalisateur, Simon Bischoff, a rencontré le garçon à 13 et 17 ans. Mais malheureusement, il n’y a que des images fixes de leur première rencontre. Le film constate les tristes changements physiques intervenus chez ce garçon durant ces années...



L’extravagance complète du film vient des séquences dans lesquelles Bischoff tente de faire jouer par des acteurs (probablement des amateurs d'ailleurs, aucun n'a tourné d'autres films) et Franco lui-même, des pans significatifs de la vie du garçon. Le cinéaste s’y révèle un exécrable directeur d’acteurs. Mais le plus bizarre sont les séquences où il évoque la prostitution masculine à travers les âges. Ce qui nous vaut des plans fixes qui sont tantôt dans le style de Von Gloeden, tantôt dans celui de Tony Patrioli… et des sketches qui sont des hommages à Fellini. Voir en particulier l’ahurissant pastiche de la célèbre scène de la fontaine de Trevi dans La Dolce Vita, quand d’autres images font référence à Roma Roma ou au Satiricon. Le plus étrange, c’est que de ces machins nait une poésie tout à fait inédite. Si Bischoff n’est pas doué du tout avec les acteurs, il a en revanche un grand sens de l’image, quelques unes dont celles de garçons dans les ruines romaines (j’ai cru reconnaître outre le cirque Maximus, le forum et les thermes de Caracalla) sont très belles.



Je suppute que ce monsieur doit être un bien meilleur photographe que cinéaste (connaît-on ses photographies ? Il semble que oui, car voici ce que j’ai pu lire, sur le net, sur une page culturelle venant du Maroc : « La galerie Lawrence-Arnott à Tanger abrite du 12 au 30 septembre les œuvres photographiques de l’artiste suisse Simon Bischoff. Cette exposition a pour thème : Obsession Morocco. Artiste aux activités diverses, il semble surtout préoccupé par tout ce qui est image puisqu’il est également metteur en scène et écrivain. Né à Berne, il vit actuellement entre Rome et Tanger. Son travail photographique a déjà été exposé aux quatre coins du territoire européen (Suisse, Allemagne, Hollande, Italie) et aux États-unis. »)



L’étrangeté du film doit beaucoup du choc que crée le naturalisme des images de l’interview et le surréalisme des séquences illustratives.

Un des aspects les plus curieux de Er Moretto est son côté nostalgique pour ces endroits de drague qui n’existent plus aujourd’hui à Rome, en particulier celui du circus Maximus, et à un moindre degré ceux du Colisée et de la gare Termini. Je dois confesser que plusieurs soirs, à la fin de l’été 1978, j’ai rodé autour du Colisée et n’y ai vu, comme seule bestiole, que des chats efflanqués à demi sauvages. C’est un peu comme si un vieux micheton parisien faisait un film pour déplorer la fermeture du drugstore Saint-Germain.



Du circus Maximus, un des lieux principaux du tournage de Er Moretto, il ne reste plus aujourd’hui qu’une vallée que domine le palais impérial, long de 640 mètres. Il demeure le plus grand monument jamais construit dans le monde pour accueillir un spectacle...

Malgré sa singularité, le film peut être rapproché des opus passablement crapoteux du polonais Wiktor Grodecki ou du film suisse Garçon stupide qui possède le même mélange de fiction et de cinéma vérité. Mais ces films sont beaucoup plus crus que Er Moretto. À la vision de ce dernier, on ne peut s’empêcher de penser à tout un cinéma underground gay des année 70, comme Race d’ep dont l’œuvre de Bischoff semble être un surgeon tardif.



Simon Bischoff est né en 1951 à Berne. Après une formation de photographie, il a étudié la philosophie, l'art et la musique au conservatoire de Zurich. Pour le théâtre et le cinéma, il a travaillé comme assistant-réalisateur. Aujourd'hui, il vit au Maroc et y travaille comme metteur en scène, cinéaste, photographe et écrivain. Bischoff a édité un livre illustré où il rend compte des conversations qu’il a eu avec Paul Bowles. Bischoff a tourné en 1998, un documentaire dont le titre est Mon beau petit cul... Ce dernier film, que je n’ai pas vu, serait la chronique de la vie intime de Jean Neuenschwander, un sexagénaire, heureux et extravagant qui a choisit de vivre sa retraite à Tanger pour y vivre pleinement sa sexualité gay auprès des jeunes marocains...

Er Moretto est un film qui doit être vu par tous les amateurs de curiosités cinématographiques et les amoureux de Rome.



Le DVD :

Le DVD suisse du film, facilement trouvable sur Amazon et autres sites de ce genre, comporte des sous-titres français et comme bonus, on trouvera une interview du cinéaste, réalisée en 2004 à Tanger. Celle-ci est en allemand et ne bénéficie pas de traduction.

Par Bernard Alapetite - Publié dans : FILMS : Les Toiles Roses
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Jeudi 7 octobre 4 07 /10 /Oct 18:04


INTERVIEW DE MARC-JEAN FILAIRE
par Daniel C. Hall



Daniel C. Hall : Marc-Jean, pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs et nous dire ce qui t’a conduit à écrire L’ado, la folle et le pervers, un essai publié par les éditions H&O ?

Marc-Jean Filaire : Si le cinéma n’est pas, chronologiquement, ma première passion, il s’est mis à occuper une place de plus en plus importante dans mon existence, notamment grâce à la multiplication des DVD, que je consomme en grande quantité. À côté de la littérature, que j’enseigne depuis plus de dix ans, les arts visuels sont une source de réflexion et de travail certes mais de plaisir avant tout. Comme auparavant la peinture, l’architecture, la danse contemporaine et plus récemment les réalisations plastiques contemporaines, le cinéma est devenu une nécessité dont il fallait que je parle. C’est donc à partir de travaux scolaires que j’ai commencé à développer mes premiers articles et même à partir d’une question d’élève la toute première fois (« Final Fantasy : The Spirits within – Rêve intime et rêve collectif », www.fffans-fr.com), à laquelle je voulais fournir une réponse complète. Par la suite, d’autres exercices pédagogiques m’ont amené à développer plus particulièrement une réflexion sur la question des genres (« Pour une approche féministe de Sleepy Hollow de Tim Burton » et « Les enfants de la pluie (2002) de Philippe Leclerc ou les rapports entre hommes et femmes »).

De plus, j’apprécie le cinéma pour grand public avec des effets visuels ou spéciaux ; j’aime l’idée baroque du spectacle total avec texte, image et musique, dans lequel nous pouvons échapper à nous-mêmes et aux contingences de notre réalité. Cependant, cette attitude n’exclut pas d’aimer revenir à un film (ou un livre) et prendre le temps d’en comprendre les motivations et les enjeux. Le cinéma de divertissement me plaît par son apparente facilité et donc sa capacité à véhiculer des idées accessibles au plus grand nombre mais il me fascine aussi par son danger à donner des images, à singer la réalité, à créer des clichés, qui sont tout à la fois les reflets d’une vérité changeante et les fondements d’une iconographie moralisatrice en perpétuelle élaboration. Le projet de mon livre s’ancre à la fois dans ma joie de spectateur naïf et mon inquiétude de commentateur perplexe : il m’apparaissait essentiel – n’est-ce pas une déformation professionnelle ? – d’expliquer à l’aide d’exemples précis combien il est nécessaire de demeurer critique face aux images si nombreuses de notre environnement sans perdre le plaisir premier de la découverte.

D’un point de vue plus pratique, j’ai eu la chance, lorsque mon projet s’est imposé comme incontournable et alors même qu’il n’en existait pas encore une ligne, de recevoir le soutien d’Henri Dhellemmes et d’Olivier Tourtois des éditions H&O, qui ont approuvé l’idée d’un livre sur la représentation cinématographique des homosexuels avec un entrain très encourageant.

 

Explique-nous la manière dont tu as conçu cet ouvrage et quel objectif tu recherchais ?

Au risque de me répéter, il fallait que l’ouvrage soit pédagogique, donc facile d’accès : le choix de présenter des analyses de quelques films induit assurément un resserrement de la perspective générale et le passage sous silence d’œuvres que d’aucuns auraient voulu voir traiter, je le conçois. Pourtant, pour le pratiquer avec mes étudiants, seul le discours ancré dans des exemples concrets permet de bien percevoir la subtilité d’une approche artistique et de comprendre des notions abstraites, lesquelles peuvent ensuite être réutilisées pour interroger d’autres œuvres. L’ado, la folle et le pervers, comme son titre l’annonce, pose des schémas, inévitablement réducteurs, dont il s’agit de négocier les frontières, toujours floues, toujours à redéfinir. Je ne dis pas qu’il faut combattre les clichés avant qu’ils n’apparaissent – désir donquichottien – car on ne peut remettre en cause que ce qui est établi ; quant aux images, même caricaturales, elles sont utiles à notre propre construction, néanmoins ils doivent être repensés et souvent combattus. Aucun bon sentiment ne suffit à cette tâche, qui demande du temps et des mots, qui exige aussi de remettre en cause des certitudes et, plus solides encore, des habitudes.

 

Quel public penses-tu viser ? Qu’écrirais-tu afin de donner envie à notre lectorat de te lire ?

De fait, le public gay et tout particulièrement les hommes seront certainement plus intéressés a priori par le sujet. Toutefois, le livre n’a pas été conçu comme un manifeste et cible peut-être d’abord un public qui n’a paradoxalement aucun lien avec la culture gay. Mon espérance – certainement vouée à ne demeurer qu’une espérance – serait d’amener ceux qui ne perçoivent pas la violence des clichés homophobes à s’interroger sur leur représentation personnelle des gays. La postface de Zoé Carle est structurée autour de ce regard extérieur : une femme hétérosexuelle accepte de suspendre la logique prémâchée de notre société hétéronormée pour repenser ce que sont les homosexuels dans leur infinie variété et hors de tout cadre moralisateur. Certes, cette réflexion exige une relecture des schémas sociétaux et donc un effort sur soi pour se défaire d’une norme prétendument ancestrale, et si de rares personnes – j’en connais déjà quelques uns – s’attellent à cet exercice alors ce livre a une raison d’être.

Quant au public gay, je ne l’exclus évidemment pas, je le considère comme déjà convaincu – ce qui est encore une espérance. Cependant, je sais que certaines approches de films que je propose pourront paraître quelque peu décalées par rapport à l’estime qu’il est convenu d’avoir en tant que gay à l’égard de certains films connus. Sans prétendre imposer une vérité nouvelle sur des œuvres traditionnellement appréciées (Philadelphia) ou détestées (Cruising), je propose de les relire avec le recul des années pour montrer qu’une lecture trop affective fausse la valeur que la foule a pu leur attribuer lors de la sortie en salles : un film mythique comme La Cage aux folles a connu plusieurs relectures au fil des dernières décennies et Les Nuits fauves n’ont pas encore épuisé les interprétations. Se méfier des clichés homophobes est un préalable qui ne doit pas s’essouffler dans une catégorisation aveugle des films distingués en bons et mauvais parce qu’ils proposent un regard compatissant ou critique sur les homosexuels. Avec une œuvre cinématographique, on n’en a jamais complètement fini ; j’apprécie souvent de revoir un film et de constater combien j’ai eu tendance à être influencé par l’état d’esprit du moment, passant à côté d’aspects plus complexes. Combattre les préjugés d’une société à l’égard d’une de ses minorités devrait induire une certaine autocritique au sein même de cette minorité et cela n’empêche pas de soutenir un discours militant.

 

À ton avis, faut-il être gay pour pouvoir décrypter les films à thématique explicite ou implicite ?

Heureusement non. Les gays sont ni bien ni mal placés pour comprendre les films qui les prennent pour sujet, ils sont simplement partisans. La complexité du sujet est déjà de définir les frontières de l’homosexualité et il me semble toujours naïf d’entendre des propos qui posent des vérités sur les limites d’une sexualité, sur ces préférences, sur ces comportements ; ces dernières années ont vu fleurir un nouveau discours tout aussi sclérosant sur l’hétérosexualité, comme si elle n’était pas aussi diverse et insaisissable. Les gays ne me semblent pas plus à même de comprendre les films sur l’homosexualité, ils sont simplement plus renseignés sur les codes culturels que véhiculent les multiples sous-groupes en relation avec l’homosexualité mais comprendre n’est le monopole d’aucune sexualité. En revanche, on peut espérer que les gays par leur expérience (jamais facile) d’acceptation d’eux-mêmes et de confrontation aux codes hétérosexués sauront mieux s’inscrire dans un travail de lecture distanciée et critique ; peut-être est-ce là encore une simple espérance.

 

À la lecture de ton essai (qui m’a passionné), j’ai été surpris par la différence entre une analyse très clinique et un peu distanciée (universitaire ?) des films et de nombreux propos fortement militants pour lutter contre l’homophobie. Est-ce volontaire ?

La question est complexe. J’ai du mal à estimer dans quelle mesure j’ai pu être conscient d’une écriture qui se voulait à la fois objective dans sa forme et subjective par le traitement d’un sujet si intime. Assurément, l’enseignement de l’analyse littéraire, mâtinée d’un goût certain pour l’approche stylistique, m’a appris à me tenir à distance de l’objet d’étude mais je sais aussi que les impressions les plus affectives peuvent également être les clefs d’une lecture subtile qui ressent avant de comprendre. Le tour de force serait de ne jamais se laisser entraîner d’un côté ou de l’autre : l’exercice est périlleux, il est donc profondément jouissif. Je ne doute pas que l’on me trouvera souvent partisan, le préfacier lui-même, Didier Roth-Bettoni, pose ce point de vue comme préalable à la lecture de L’ado, la folle et le pervers mais il sait lui aussi, pour avoir écrit un livre essentiel sur le sujet, que l’on ne peut pas être absolument objectif, ce qui est d’ailleurs le propre de l’écriture. Nous sommes trop impliqués dans le thème pour nous défaire totalement de notre individualité. Néanmoins, j’ai essayé de retenir mes emportements parfois, mon enthousiasme à d’autres moments et j’ai cherché au maximum à être conscient des moments où je laissais parler en moi la voix intime, le plus brièvement possible.

Et, il faut l’avouer, le projet est en soi partisan : on ne peut pas analyser des images sans avoir déjà établi une catégorisation et donc une interprétation. Donner le nom de folle ou de pervers à un certain nombre de personnages filmiques, souvent très différents, constitue une typification qui porte un jugement : le cinéma a constitué un catalogue d’images homosexuelles plus ou moins négatives, rarement positives, et les commenter en tant que figements visuels d’une morale induit un parti pris. Je ne refuse pas d’admettre que je défends la cause gay dans mon ouvrage mais je refuse d’être catégorisé comme quelqu’un qui n’aurait pas réfléchi aux répercussions sociales et politiques des clichés cinématographiques. Le cinéma ne propose que des images, il ne peut faire que cela, c’est sa nature, néanmoins il doit être conscient de celles qu’il choisit, comme le spectateur doit l’être dans sa réception : ce dernier n’a pas à être passif devant l’image, sa réflexion doit l’entretenir dans une activité, sans renier son plaisir.



En tant que gay, penses-tu que la transmission de notre histoire, de notre souffrance et de notre culture est importante ? Ne sens-tu pas un vrai désintérêt de la part des jeunes gays d’aujourd’hui ?

Le paradoxe du désintérêt probable des jeunes gays pour ce que les générations précédentes appellent la « culture gaie » est certainement dû en partie à une amélioration relative de la représentativité des homosexuels dans notre société. Soyons prudents, je ne fais pas l’apologie d’une société où être homosexuel(le) serait aussi aisé qu’être hétérosexuel(le) mais, dans l’espace complexe des référents collectifs, on peut reconnaître que la présence des gays et des lesbiennes n’est plus niable, voire, comme l’explique Éric Fassin, suscite une redéfinition des normes pour l’ensemble du groupe social.

En revanche, on peut être désappointé devant la dilution des références fondatrices d’un groupe qui s’est cherché une unité en établissant un réseau de connexions entre des artistes et des œuvres, qui étaient élevés au statut d'icônes gaies. J’ai été interloqué lorsque sur le site « Cultures et questions qui font débats » de Jean-Yves Alt, un commentateur se disait étonné de voir apparaître la tête de James Dean sur la couverture de mon ouvrage, alors que depuis longtemps son ambiguïté sexuelle a été révélée. Cette remarque me semble révéler une dissolution culturelle par manque de curiosité. La recherche de modèles gais n’a plus la nécessité d’autrefois. C’est en soi le signe d’une évolution sociale relativement positive mais aussi celui d’une uniformisation culturelle par des médias complaisants que tous les efforts éducatifs, quand ils existent, ne peuvent que difficilement combattre. En travaillant sur des films anciens comme sur des films récents dans L’ado, la folle et le pervers, j’ai cherché à croiser les supports de reconnaissance gaie et à donner le goût de voir et de revoir certains films qui pourraient tomber dans l’oubli et d’autres qui tendraient à se figer dans leur propre légende.

 

Quel est ton film « gay » préféré et pourquoi ? Quel film « gay » conseillerais-tu aux hétérosexuels afin de mieux nous comprendre et sans les choquer et pourquoi ?

Je n’ai pas véritablement de film gay préféré, même si plusieurs films ont su retenir mon attention au fil des années. Je pourrais essayer de trancher et dire qu’il s’agit de Mort à Venise mais il me semble échapper à toute catégorisation et surtout celle trop restrictive de « gay ». C’est certainement un des films dont aucune analyse n’épuise les qualités esthétiques. À côté de ce film, bien d’autres constituent une nuée dont l’attrait varie au gré du scénario, de la composition, du discours. Le choix de plusieurs films analysés dans mon livre est motivé en partie par un goût personnel : Cabaret de Bob Fosse est une œuvre exceptionnelle, tout comme La Corde d’Alfred Hitchcock, pourtant il y a plus gay que le premier et moins homophobe que le second. Malgré un travail de deux ans sur les images des gays dans le cinéma, ce n’est pas la thématique gay qui retient mon attention pour juger un film ; d’ailleurs, il n’est pas rare que ce thème soit développé dans des films médiocres.

Par conséquent, je ne me vois pas conseiller un film particulier, susceptible de faire tomber les écailles des yeux hétérosexuels car aucun film n’est porteur d’une vérité indiscutable : tout film est toujours une stylisation, une réduction de l’immense variété des réalités homosexuelles. En revanche, je conseillerai de voir beaucoup de films où apparaissent des gays et des lesbiennes, mais aussi des transgenres, des bis, des incertains pour prendre conscience de l’ampleur de la violence sociale qui est imposée aux personnes d’orientation non exclusivement hétérosexuelle. Seule la rencontre de la différence peut ouvrir à une redéfinition de son propre cadre de pensée. Écrire L’ado, la folle et le pervers m’a aidé à refuser les frontières préétablies sur les sexualités et à ne pas étiqueter une personne sans prendre le temps d’écouter son histoire individuelle. Ainsi, aujourd’hui, contrairement à ce que je faisais dans les années 90, je ne me pose plus guère la question de la sexualité des gens que je rencontre, je ne crois plus au fantasmé gaydar et je suis heureux de découvrir que je me trompe de plus en plus souvent lorsque malgré moi j’essaie de deviner si je suis face à un gay, un ou une hétéro, une lesbienne, et cette erreur me réjouit : je constate que je n’ai aucun intérêt particulier à connaître les secrets d’alcôves de mes interlocuteurs. Si nos pratiques sexuelles nous définissent en partie, elles ne nous définissent pas complètement et l’ensemble de nos expériences est plus riche que nos seules expériences sexuelles, aussi variées soient telles.

 

Tu fais partie de l’équipe de Les Toiles Roses. Qu’est-ce que cela t’apporte et pourquoi te fais-tu si rare ?

Pouvoir publier sur un site comme Les Toiles Roses est une aubaine qui correspond à la manière dont je conçois la transmission des savoirs. Le savoir est gratuit. Faire don au plus grand nombre de son savoir, le mettre à disposition sans en attendre une contrepartie me semble correspondre à ce que peut faire de plus humaniste l’espace d’Internet. Lorsque je propose l’analyse d’un film, j’espère évidemment qu’elle sera lue et commentée, mais je pense aussi à la possibilité qu’elle soit réutilisée, notamment par des collègues enseignants – je sais que certains ont exploité mon étude de Sleepy Hollow, par exemple – ou par des étudiants : j’ai eu des discussions très riches avec certains des miens qui n’étaient pas d’accord avec mon approche de Spiderman 2 ou qui trouvaient enfin quelqu’un de « vieux » à qui parler de leurs impressions sur Shortbus.

En revanche, je ne produis pas de l’analyse au poids ou au fil d’une plume légère et mon temps de rédaction, de correction et de relecture est toujours long. De plus, je ne peux absolument pas travailler sur un film qui ne me fait pas réagir personnellement ; un temps certain d’assimilation et d’imprégnation m’est nécessaire avant que s’impose à moi le besoin de mettre en forme une réflexion. Tant que je n’ai pas trouvé exactement pourquoi mes pensées reviennent dans les jours qui suivent la visualisation à ce film, qui est d’abord – heureusement ! – un divertissement, je ne peux rien mettre en mots. Ensuite, viens l’étape de la prise de notes, étape de décantation, où il faut que j’ai à tout moment et n’importe où de quoi écrire les premiers mots, qui seront l’ébauche de l’analyse. Alors seulement, il me semble que je me libère d’une charge personnelle tout en offrant à d’autres un regard attentif sur un point de détail, une infime parcelle de sens sur une œuvre immensément plus complexe : il y a une véritable joie intime à s’effacer derrière les mots. Si je me fais rare sur Les Toiles Roses, c’est donc d’abord parce qu’arriver à la formulation me prend beaucoup de temps, et d’énergie. Certes, cette année est aussi extrêmement lourde en travail de préparation de cours mais cela est de peu d’intérêt ici. J’espère l’an prochain pouvoir être plus présent.

 

Si tu devais réécrire ton essai, le referais-tu à l’identique ou changerais/ajouterais-tu des catégories et des films ?

En m’appuyant sur un commentaire judicieux de Didier Roth-Bettoni, je crois qu’il faudrait s’interroger sur l’image du vieil homosexuel, figure récurrente et discrète depuis longtemps, mais aussi prendre le temps d’observer l’image naissante du beur, qui est apparue au cours des années 90. Le travail reste à faire, comme il reste à élaborer une étude similaire sur les lesbiennes. Il me plaît de croire que ces projets seront bientôt proposés en librairie par d’autres amateurs de cinéma, afin que la discussion sur la représentation des sexualités continue de progresser et d’aider à faire mieux connaître la minorité si diverse à laquelle nous appartenons.

Par Daniel C. Hall - Publié dans : ANALYSES : HOMOLLYWOOD
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Mardi 5 octobre 2 05 /10 /Oct 16:57
Par Daniel C. Hall - Publié dans : VIDEOS : Lutte contre l'homophobie
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Mardi 5 octobre 2 05 /10 /Oct 10:47

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LES MOTS DES HOMOS ARABES

par Yves Gonzalez-Quijano

 

 

La langue arabe s’est enrichie ces dernières années d’un substantif inédit : mithli (مثلي). Forgé sur la racine M-TH-L, qui évoque l’idée de ressemblance ou encore de similarité, mithli – terme “politiquement correct” pour désigner l’homosexualité – remplace avantageusement l’injurieux lûti (لوطي : “pédé”, par référence au Loth biblique).


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Mais il faudra encore un peu de temps pour que ce nouveau mot soit intégré par les dictionnaires, et même par l’ensemble des locuteurs. Ainsi, pour la récente traduction arabe d’un guide anglosaxon pour voyageurs gays, le traducteur, pas vraiment très bien inspiré, a choisi l’expression jusqu’alors courante de “déviance sexuelle” (shudhudh jinsî : الشذوذ الجنسي). Traduit littéralement, Gay travels in the Muslim World est ainsi devenu, pour la librairie arabophone, “Le pervers voyage dans le monde musulman” !…

Dans l’article (en anglais) où elle s’amuse de cette maladresse, Alexandra Sandels signale que le mot, au féminin, est également utilisé par les femmes, mithliyya remplaçant alors le très classique – en terme de vocabulaire s’entend – “lesbienne” (sihâqiyya سحاقية). L’auteure renvoie en lien à un très utile tableau – qui intéressera (au moins) les traducteurs et traductrices – de toutes les équivalences de termes entre l’anglais et l’arabe pour désigner les multiples choix possibles dans les relations sexuelles.

Si le vocabulaire arabe évolue, c’est que les mœurs le font aussi ! Certes, on trouve encore en Egypte une association des “Avocats sans entraves” (محامون بلا قيود) pour réclamer l’interdiction des très immorales Mille et Une Nuits (brève en arabe : cette histoire est d’ailleurs un plat réchauffé, car il avait déjà été servi au temps de Sadate). Mais, dans les faits, les avocats des différentes formes de sexualité homosexuelle trouvent de plus en plus un espace où s’exprimer publiquement.

C’est sur la Toile que l’allosexualité (ou l’altersexualité) arabe a trouvé le plus rapidement un lieu pour s’exprimer. Au Liban plus rapidement qu’ailleurs où après les sites de rencontre (voir cet article de Chirine Abou Chakra) et celui du mouvement Helem ouvert en 2004 (voir aussi cet article dans Al-Akhbar) a été créé Beksoos, le premier Queer Arab Magazine émanant de l’association Meem (voir cet article en français).


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Toujours au Liban, et dans un registre bien moins militant et nettement plus glamour, il faut mentionner également la parution récente de Jasad (Corps), un trimestriel dédié aux arts, sciences et littératures du corps, dirigé par la poétesse Joumana Haddad (entretien portrait dans The Age).

Mais il ne faudrait pas croire que les “mots des homos arabes” ne s’impriment qu’au Liban. En Egypte, le journaliste Mustafa Fathi a fait scandale en publiant il y a un peu moins d’un an Balad al-walad, un livre qui décrit la vie des homosexuels dans son pays. Et le Maroc n’est pas en reste avec la publication, le 1er avril dernier, de Mithly. Tirage à 200 exemplaires, distribués très discrètement, mais tout de même une première pour ce qui est de la presse arabe.

 

Illustration du haut : أنا مش شاذ، أمّك شاذّة. أنا مثلي (J’suis pas bizarre. Ta mère ! J’suis homo).

Bombage sur les murs de l’AUB à Beyrouth en mars 2008. Voir cet article dans Al-Akhbar).

 

Article reproduit avec l'aimable autorisation de Yves Gonzalez-Quijano.

Première publication : Culture et politique arabes.

Par Yves Gonzalez-Quijano - Publié dans : SPÉCIAL ABDELLAH TAÏA
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Dimanche 3 octobre 7 03 /10 /Oct 10:53


La bannière et la vidéo sont (c)
Syred Pictures
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Un grand merci à l'équipe de Rien de 9 !
Par Maykel - Publié dans : WEBSERIE : RIEN DE 9
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Dimanche 3 octobre 7 03 /10 /Oct 10:47

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