Accueil

Ensembles-copie-1.jpg
pedeblog_kek_logo2.png
Blog LGBT du rédac' chef :
Daniel Conrad

twitter_logo_header.png

Daniel Hall


secondé par :

Gérard Coudougnan


L'équipe des "piliers" en exclusivité
ou en reprise autorisée :

Jean Yves
, Bernard Alapetite, Zanzi, Neil, Kim,
Matoo, Mérovingien02, Juju, Chori,
Shangols, Boris Bastide, Stéphane Riethauser,
 
Niklas,
Robert Wagner,
 Jag1366, Hari3669, Maykel Stone,
Marc-Jean Filaire,
Isabelle B. Price, Psykokwak,
Rémi Lange
, Henry Victoire, Didier Roth-Bettoni
et
BBJane Hudson...

Mais aussi, depuis, Cyril Legann,
Gérard Coudougnan (Livres), Voisin Blogueur,
Nicolas Maille, Sullivan Le Postec, Vincy Thomas,
Jann Halexander, Tom Peeping
, Lucian Durden,
Papy Potter, Nico Bally, Marie Fritsch,
Sir Francisco, Laurent Fialaix
et Hugo Rozenberg.

Special Guest Star : Philippe Arino.

Un grand merci à Francis Moury,
Olivier Nicklaus et à
Yann Gonzalez.
Et en special guest star gay-friendly... Dr Orlof !


et bien d'autres depuis le début et d'autres à venir...

Ce blog est partenaire de

Dreampress.com

Avec l'aide graphique de

Calendrier

Avril 2024
L M M J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30          
<< < > >>

Recherche

W3C

  • Flux RSS des articles

POUR SURFER SUR CE BLOG...

Les Toiles Roses  est un blog collaboratif, indépendant et bénévole optimisé pour Mozilla Firefox (cliquer ici pour le télécharger)

TOUTES LES CRITIQUES DE FILMS : ICI
LES CRITIQUES DE LIVRES (Gérard Coudougnan) : ICI
Nos chroniques vedettes : Zanzi and the City (Zanzi), Et les filles alors ? (Isabelle B. Price),
Derrière les masques : Homollywood (Marc-Jean Filaire),
Merci Bernard (Bernard Alapetite),
Le Bazar de l'Homo Vincy (Vincy Thomas),
L'Histoire de l'homosexualité,
Dans l'ombre de Jann Halexander (Jann Halexander), Spécial Abdellah Taïa (Daniel C. Hall),
La Crypte aux gays (BBJane Hudson), Certains l'aiment camp (Tom Peeping),
 
Le Chaudron rose (Papy Potter), Petits Contes Dark-en-ciel (Nico Bally),
Marie de traverse (Marie Fritsch), Spécial Salim Kechiouche, Si j'étais homo ou hétéro...,
Spécial Stonewall, 40 ans, La gâterie du chef (Daniel Conrad Hall), La Garac'Ademy (Jean-Louis Garac)
A tort ou à travers (Laurent Fialaix), Rencontres de tous les types (Hugo Rozenberg),
 
Le Phil de l'araignée (Special Guest Star : Philippe Ariño),
Dossier et chronique-soutien
à l'association "Le Refuge" (Daniel C. Hall).

Venez rejoindre la rédaction, les lectrices et lecteurs sur le groupe Facebook :
http://www.facebook.com/group.php?gid=61890249500#/group.php?gid=61890249500

ET LES FILLES, ALORS ?




ET SI...
 L'UN DE MES FRÈRES ÉTAIT GAY ?


Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

Visuel (c) GayClic.com


Le chef propose parfois des idées un peu tordues et celle-là en est une. Il l’a baptisée « billet d’humour d’anticipation ». Et je vous le demande, comment sait-il que ce sera drôle alors que moi-même j’ignore si au final ça le sera ? Le côté anticipation, je me demande encore si c’était pour me faire comprendre quelque chose ?

Après cette introduction des plus intéressantes, je ne me suis pas dit : ô grand Dieu non, si l’un de mes frères était gay, je serais hétéro et le monde serait différent ! Non, je ne me suis même pas dit ça. Incroyable. Je me suis posée la question différemment.

Et si un jour l’un de mes frères me présentait un garçon comme un petit ami ?

Alors déjà pour ceux qui ne le savent pas, j’ai deux petits frères. Vincent a 23 ans et Thierry 19 ans.

Vincent est un beau gosse qui, avec son sourire ravageur, arrive à avoir toutes les filles du monde. C’est bien simple, Vince c’est le mec idéal. Les filles l’ont très bien compris et il n’a jamais été célibataire plus de 6 mois depuis le lycée. C’est même mieux, c’est le gendre idéal. Les pères de ses copines l’adorent tout le temps et limite ils engueulent leur fille lors des ruptures. Vincent il vous séduit d’un sourire, il vous offre des fleurs et des nounours, il vous fait des gâteaux au chocolat ou des crêpes. En clair, ce mec est un ange. Sa force, mais aussi sa faiblesse, c’est qu’il l’ignore. Il se prend pour Clark Kent alors qu’il a tout de Superman.

Imaginer Vincent gay alors qu’il a eu plus de copines que moi c’était mission impossible et c’est pour ça que je me suis forcée pour essayer d’écrire quelque chose d’intéressant.

Mais avant, parlons de Thierry. Thierry c’est mon Titou, c’est mon petit frère. Alors que je faisais des bêtises avec la complicité de Vincent quand on était enfant, je garde gravé en moi un sentiment de protection vis-à-vis de Thierry que je ne peux expliquer. Peut-être parce qu’il avait peur de ce poster de clown dans la salle de jeux et que j’avais été le dire à mes parents, peut-être parce qu’à l’époque où il est né j’étais plus grande. Je l’ignore. Thierry c’est le mec cool par excellence. Il a tout du jeune actuel, classe, libre, sûr de lui. Thierry il arriverait au bras de son amie Marie ou de son ami Guillaume et me dirait « Je sors avec elle ou lui », ça me ferait le même effet : « Mais, il est où mon petit frère ? » Thierry, il a tout du bisexuel d’aujourd’hui. La coupe de cheveux qui s’adapte à l’époque (long ou court, au choix), le sourire à tomber, l’assurance tranquille. En plus ma mère est fan de Guillaume. Elle trouve ce garçon « trop adorable et gentil ». En bref, Thierry pourrait être gay ou bi, je ne serais même pas choquée.

La question est donc : pourquoi serais-je choquée si Vincent était gay ou bi ?

Ben oui, c’est une bonne question. Pourquoi mon esprit accepterait sans le moindre problème que l’un de mes frères me présente un mec et n’accepterait pas cela de l’autre ?

Déjà d’un point de vue visuel dans mon esprit, Thierry avec un mec, visuellement, ça passe mieux. Isa ! On ne parle pas déco là, on est sérieux !

Alors j’ai essayé d’imaginer sérieusement ma réaction si Vincent arrivait au bras d’un homme… Ben c’était pas gagné… Alors là pour le coup, j’ai honte de dire que je suis une très mauvaise grande sœur et que je souhaite à Vincent de ne jamais vivre ça.

1°/ Réaction humoristique à défaut de mieux, tellement le choc est rude : « Cool, maman aura au moins la chance d’avoir un gendre. Elle va être ravie. »

2°/ « Ne les imagine pas au lit, ne les imagine pas au lit, Isa, retiens-toi… Trop tard… » Et pourtant l’idée ne m’a jamais effleurée quand il était hétéro, même chose avec Thierry. Je sais, j’ai honte, vraiment j’ai honte, mais j’ai pas pu m’en empêcher.

3°/ « Enchantée, Isabelle, la frangine lesbienne. Ça va faire beaucoup d’homos pour une seule famille, non ? Vous en pensez quoi ? » Ben oui, faut savoir si on veut que je devienne hétéro pour contrebalancer.

4°/ « J’ai le droit de poser une question indiscrète ? Qui a dragué qui ? » Là c’est juste pour essayer de comprendre ! C’est pas du mauvais esprit.

Je reconnais que je ne sais pas expliquer pourquoi je n’imagine pas Vincent gay alors que je peux tout à fait imaginer Thierry bisexuel. Une attitude peut-être, une méconnaissance de ce qu’il est, un refus de le voir tel qu’il pourrait être et une envie qu’il continue à ressembler à cette image que j’ai de lui ?

Je n’ai pas vraiment de réponse ou alors ce sont des morceaux de réponses. Le fait est que même si l’on veut aimer ses deux frères de la même manière, on ne le peut pas. Je partage des choses avec Vincent que je ne partage pas avec Thierry et je partage des choses avec Thierry que je ne partage pas avec Vincent. L’image que j’ai de mes frères est en fait très personnelle. J’ai une image rêvée peut-être, faussée certainement et idéalisée assurément.

Vincent, je l’ai toujours imaginé comme le plus stable et le plus fort de nous trois. Un roc un peu comme mon père mais en plus feignant. Vincent, c’est le genre de garçon qui a une patience d’ange et que je n’ai que très rarement vu en colère. C’est un homme qui prend beaucoup sur lui, peut-être trop. Quand je m’imagine nos vies dans 10 ans, je vois Vince avec une femme, trois enfants, un congé paternité à chaque fois, un boulot à son compte qui lui permet d’avoir un emploi du temps assoupli et je le vois en papa poule. Quand je vois Thierry, je vois un voyageur dans l’âme, un curieux de tout qui pourrait parcourir le monde en long en large et en travers. Je le vois plus instable, plus avide de découverte.

Mais ceci n’est qu’une création de mon imagination. Mes frères sont avant tout des hommes et contrairement à ce que ce pronom possessif laisse supposer, ils ne m’appartiennent pas. En tant que grande sœur, la seule chose que je sais avoir le droit de faire, c’est de les soutenir quel que soit leur parcours et leurs choix de vie.

Alors si un jour l’un de mes frères venait en me présentant un homme, ma première réaction serait certainement d’embrasser cet homme en lui souhaitant la bienvenue. Puis je me tournerais vers mon frère avec un grand sourire en lui donnant un petit coup derrière la tête, comme Gibbs a l’habitude de le faire à Dinozzo, l’air de rien, simplement pour le traiter de cachottier et pour lui montrer que ce n’est pas ce qui m’importe.

Ce qui m’importe par-dessus tout c’est qu’ils soient heureux, mes frères…

 

Isabelle B. Price (01 Février 2009)




Note de Daniel C. Hall (alias Le Boss) : Quelle belle déclaration d'amour que celle-ci ! Et je précise que Vincent et Thierry, les frères en question, ont tous les deux lu ce billet et donné leur accord pour publication. Merci à eux et je me permets de les embrasser (ainsi que notre sœur que l'on se partage).





LES LESBIENNES NE REGARDENT-ELLES
QUE DES FILMS LESBIENS ?


Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

http://14.img.v4.skyrock.net/146/filmlesb/pics/80371363_small.jpg


Le chef m’envoie de temps en temps des idées pour mes billets. Des fois c’est très débile et ça donne lieu à des délires de Lachida Pati, et des fois c’est plus intéressant et ça nécessite un minimum de réflexion de ma part. Oui, je l’avoue, parfois, je réfléchis. Je savais qu’après ce genre de révélation, j’allais baisser dans votre estime mais à ce point-là ! Revenez ! Revenez !

Dernièrement il m’a donc écrit, je reprends texto et je lui laisse tout le mérite de l’article qui va suivre : « Pourquoi les lesbiennes ne regardent que des films lesbiens et les pédés des films de pédés ? Y a-t-il deux mondes différents ? »

Je lui donne tout le bénéfice de cet article pour la simple et bonne raison que je ne connais pas la réponse à cette fichue question ! Et pourtant je vous assure que j’y ai réfléchi, j’ai vraiment réfléchi pendant longtemps, très longtemps.

Le problème, c’est que je pense que je ne suis pas la personne la plus qualifiée pour répondre à cette question parce que j’ai des goûts en matière de cinéma et de séries télévisées très éclectiques. C'est-à-dire que je peux regarder Le Seigneur des Anneaux un jour, Augustin Roi du Kung-Fu le lendemain et Monster le jour suivant. Côté séries télévisées je suis pire encore, Dr House peut succéder à X-Files, qui vient juste derrière Friends. Je n’ai pas vraiment de ligne de conduite que je suis sans en démordre quand il est question de films ou de séries. Enfin si, ma principale règle est : « Méfie-toi des séries françaises, c’est de la daube ! » Je n’ai pas encore trouvé l’exception qui confirme la règle et pourtant je m’oblige à regarder, parfois, Plus belle la vie et dernièrement ma torture du samedi après-midi La Vie devant nous. Pardon, je suis méchante, en séries françaises on a eu des petits bijoux quand même : PJ, Police District (tellement géniale cette série, je ne comprends pas que M6 ne la rediffuse pas), Avocats et Associés, Les Bleus. Si je le reconnais, quelques fois, on fait des choses pas mal.

Tout ça pour en revenir à mon idée de départ, je regarde un peu de tout et ce que je regarde dépend en grande partie de mon état d’esprit. Si je suis de bonne humeur, je peux m’attaquer à un manga déprimant comme Le Tombeau des lucioles (que je ne regarderai plus jamais de ma vie) ou un documentaire comme Freeheld qui vous fait pleurer toutes les larmes de votre corps. Si je suis d’humeur triste, je préférerais une comédie comme It’s in the Water, ou pire des femmes sexy et une absence totale de scénario comme dans Coyote Ugly. J’ai mes jours, bon sang il faut te motiver Isa ! Travaille un peu !, et donc là c’est entraînement de Mulan et Rocky au top de sa forme… La liste est encore très longue mais je pense que vous avez compris.

Le fait est que des films gays, j’avoue, j’en regarde. Je dirais même plus, au risque de passer pour une folle et d’être incomprise, j’aime bien. Afin de nuancer quelque peu mon propos, je tiens tout de même à dire que quand mon équipe a appris que j’écrivais mes articles avec comme musique d’ambiance les Worlds Apart, les Backstreet Boys et East 17, certaines se sont persuadées que j’étais une hétéro refoulée. Mais je n’y peux rien si à 14 ans, j’adorais ces groupes. Vous imaginez, s’ils avaient eu une seule et unique fille au sein de leur groupe, le public qu’ils auraient pu toucher ?  Moi, en chemise rouge ouverte sur un super soutien-gorge de sport noir en contraste avec ma peau claire chantant « Baila », mes amis, on aurait été riches et célèbres en un claquement de doigts. Oui bon, d’accord. Avant il m’aurait fallu apprendre à chanter juste… et à danser aussi accessoirement. Mais quand même, zut, on aurait tout déchiré. Je nous voyais déjà…

Je n’ai donc absolument rien contre les hommes. Je le précise, au cas où. Enfin, c’est juste que je ne les veux pas dans mon lit quoi.


http://multimedia.fnac.com/multimedia/images_produits/ZoomPE/9/0/3/3760080040309.jpg

Au vu du très grand nombre de sites lesbiens en français, j’avoue que tous les jours je ne regarde systématiquement que Afterellen, Les Toiles Roses, GayClic et Univers-L (le dernier, c’est pour être certaine de ne rien avoir oublié). Même pas un Top 5, juste un Top 4. Je sais, c’est lamentable. Mais bon vous remarquerez, lecteur au regard aiguisé, que 2 sont lesbiens et 2 sont gays.

Les Toiles Roses, parce que j’ai une passion pour les articles que met le chef en ligne. J’ai adoré la série « Si j’étais homo ou hétéro », je découvre de nombreuses choses et puis il y a les articles de Zanzi. J’aime beaucoup également le ton de GayClic, leurs traductions et leur « Sexy Sunday » (je voulais faire la même chose avec des femmes sur mon site, mais personne n’a vu le potentiel novateur de ce copiage). Afterellen, car vous savez que c’est la Bible en matière de représentation lesbienne, c’est tout. Et enfin Univers-L parce que des fois je fais plusieurs choses en même temps et que j’oublie d’envoyer les nouvelles images sur le site.

Mais revenons-en aux films et séries. Rien que pour vous embêter, je vais commencer par les séries télévisées. Questions séries, j’avoue, pour moi la présence d’un personnage homosexuel n’est pas forcément une raison de visionnage. Quoi que maintenant que je passe la moitié de mon temps libre à retaper mon appartement et l’autre moitié à travailler sur le site, j’ai élagué pas mal les à-côtés marrants et sympas. Donc question séries télévisées, j’ai vu Queer as Folk (UK), j’ai regardé le pilote US mais je n’ai pas encore pris le temps voir le reste de la série. J’ai totalement adoré Six Feet Under et Alan Ball est devenu mon héros. Savez-vous d’ailleurs que cet homme est gay dans la réalité ? J’ai ri devant Metrosexuality et suivi avec passion la mini-série Les Chroniques de San Francisco. Plus récemment, je me suis découverte une passion pour Ollie et Christian de Verbotene Liebe qui m’ont tenue éveillée jusqu’à 3 heures du matin quand j’ai dévoré leurs aventures sous-titrées anglais. Les gentils Luke et Noah m’amusent parce qu’ils ont mis des plombes à consommer et parce que l’acteur qui joue Noah ne sourit presque jamais. Il est toujours triste comme les pierres.

Question série donc, je crois que j’en ai vu pas mal qui sont centrées sur des couples d’hommes. Certaines m’ont plu, d’autres m’ont déplu, mais comme la plupart des choses que je regarde. Mon rêve serait de trouver le temps de voir en entier Brothers & Sisters qui sonne comme une chronique familiale superbe et très actuelle. Ben quoi ?

Côté films maintenant. J’avoue que c’est encore pire. Déjà, je suis fan du réalisateur Bryan Singer. Ça commence mal. X-Men 1 et 2, Superman Returns, le pilote de Dr House. Cet homme est un génie, un modèle, le genre de mec que je veux bien interviewer demain et pour lequel j’accepterais tout à fait de partir à l’autre bout du monde pour le rencontrer. Il y a peu d’hommes pour qui je ferais une chose pareille… Joss Whedon fait partie du lot, Brad Pitt aussi (au cas où sa femme Angie passerait par là accidentellement…) et il y en a quelques autres mais chut, c’est un secret.

Côté films donc. Je me suis marrée devant Almost Normal, j’ai apprécié de voir mon Superman par excellence, Dean Cain, en gay dans Le Club des Cœurs Brisés et je suis restée en admiration devant Le Secret de Brokeback Mountain comme un grand nombre de personnes. Et puis il y a ces petits bijoux qui marquent une cinématographie et qui vous laisse un souvenir très agréable. Ces pépites que vous ne pouvez pas partager avec grand monde parce qu’elles sont étiquetées gays !

En premierlieu, Summer Storm qui m’a laissé un excellent souvenir, même s’il ne s’agit pas du film du siècle. Ce que j’ai aimé, c’est la manière dont l’adolescence a été dépeinte par le réalisateur et co-scénariste, Marco Kreuzpaintner. Il n’y a pas de pathos, il n’y a pas de larmes pour attendrir le public et l’amener à apprécier les héros. Non, il montre une tranche de vie adolescente avec toute l’universalité et l’individualisme de cette période de la vie. Bref, j’en garde un bon souvenir.

Plus marquant encore, le film Young Soul Rebels fait partie de ces longs-métrages gays que j’aimerais voir plus souvent. Vous parler de l’image, de la bande son, de l’histoire serait beaucoup trop long pour ce petit billet qui commence à s’éterniser. Par contre je suis restée en adoration devant ce film.

Dernièrement, j’ai d’ailleurs vu Shelter dont j’avais trouvé la bande annonce très alléchante. J’ai également adoré (ben quoi, je ne vais pas non plus vous parler des films gays que j’ai détesté !). J’ai beaucoup apprécié la psychologie des personnages et ce poids des responsabilités et de la famille. J’ai aussi eu une petite passion pour cette scène d’amour quand le héros s’agite dans son atelier avant de prendre sa décision et de rejoindre le mec qui l’obsède...


http://www.commeaucinema.com/images/news/208_56260.jpg

Par contre je le reconnais, des films comme Young Soul Rebels ou Shelter, ce n’est pas bon du tout pour mon site Internet. Pas du tout. Parce que je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi on n’a pas de films lesbiens de ce genre et ensuite parce que je ne peux que désespérer que la cinématographie lesbienne soit si pauvre, peu connue et reconnue par rapport à la cinématographie gay. En clair, je veux un Shelter lesbien. Je peux l’écrire si vous voulez. Je veux bien faire un effort. Le problème, c’est que je suis persuadée qu’on ne trouvera jamais les fonds…

Je regarde donc des films gays comme des films lesbiens comme des films hétéros. C’est la même chose pour les séries télévisées et les livres. Je ne pense pas être la seule et unique homosexuelle à faire cela. Je pense que c’est significatif d’une certaine ouverture sur le monde et d’un désir d’identification. Parce que je peux m’identifier à la fois à des hommes et à des femmes, à la fois à des homos et à des hétéros. Je suis persuadée que ce n’est pas en se contentant d’un seul et unique point de vue que l’on peut réellement se construire. Je connais des hommes hétéros qui regardent des films lesbiens parce qu’ils apprécient les histoires d’amour et la manière dont la relation est dépeinte avec douceur et sans position de force. Par contre je me demande si, avec la qualité du cinéma gay et la richesse des représentations qu’il possède, beaucoup d’homosexuels peuvent dire qu’ils regardent des films lesbiens ? Il y a différentes notions qui entrent en ligne de compte. Les notions de quantité et de qualité, d’identification, d’éducation, d’ouverture d’esprit….

Ma conclusion pourrait donc être que finalement les gays ne regardent pas que des films gays comme les lesbiennes ne se contentent pas que de films lesbiens et que certains hétéros apprécient des films homos. Elle est utile cette conclusion ? Il sert à quelque chose cet article ?

Voilà chef, je voulais donc te dire que si tu veux une réponse à ta question, il faudrait la poser à une autre personne. Un homme peut-être. Non parce que le film culte de Céline Avnet qui s’occupe des vidéos sur Univers-L c’est Torch Song Trilogy, parce que c’est Michelle Paris qui m’a prêté Shelter et que j’ai regardé Un Amour à taire avec mes parents…

Je sais, je sais, je suis irrécupérable.

 

PS : si un riche gay ne sait comment dépenser son argent de manière utile et apprécie mes chroniques, je serais ravie de découvrir les aventures du détective Donald Strachey. Optimale a fait un très joli lot rien que pour moi parce que j’adorais Chad Allen dans Docteur Quinn, Femme Médecin… Bref, ce n’est pas parce que Noël est déjà passé que… http://www.optimale.fr/osc/pack-d%C3%83%C2%A9tective-p-296.html

 

Isabelle B. Price (25 Janvier 2009)




CHANGER DE REGARD


Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 




« La vraie découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à changer de regard. »

Marcel Proust

 

Parfois on dit d’une personne qu’« elle a de l’imagination ». S’ils devaient me définir, je pense que c’est ce que ma famille et mes amis diraient de moi. Elle a de l’imagination. Déjà quand je n’avais que quelques années, entre 5 et 6 ans, notre médecin de famille avait fait la remarque à ma mère, alors que je jouais toute seule dans un coin du cabinet pendant qu’il auscultait mon petit frère, que je devais avoir une vie interne très riche. Il ne se doutait pas à l’époque de la justesse de son propos. Je crois d’ailleurs que c’est un peu mon problème. Pourquoi donc vivre dans la réalité ? Dans cette réalité ?

J’ai été élevée dans un monde où les Princes réveillaient les Princesses endormies d’un chaste baiser, où les vaillants petits tailleurs terrassaient les géants et où les méchantes et cruelles marâtres ne pouvaient rien contre la pureté et la gentillesse de leurs belles-filles. Ma mère adorait les contes, elle nous en racontait tous les soirs sur le canapé du salon. C’était notre moment privilégié. Depuis, j’ai toujours gardé cette habitude de me raconter une histoire avant de m’endormir.

Quand j’étais enfant, j’adorais tout particulièrement quand on prenait la voiture pour aller voir mes grands-mères. Une heure de route pour l’une, deux heures pour l’autre. L’occasion de rêver, bercée par le ronronnement du moteur, et de m’évader dans un autre monde avant de sombrer dans un profond sommeil. Même si je m’endormais souvent un quart d’heure à peine après le départ, j’avais tout de même le temps de voir ce panneau de signalisation.

 

 

J’étais petite… J’étais rêveuse… Je ne savais pas lire.

Je ne voyais pas sur ce panneau une voiture qui dérape. Non. Il m’aura fallu attendre d’avoir 18 ans et le permis pour la voir enfin cette voiture qui dérape.

Sur ce panneau j’ai vu et je vois encore, parfois, un homme de profil avec un très gros nez, un cou gracile et un chapeau sur la tête. Ce chapeau si étrange qu’il me rappelait les Russes que l’on voyait à la télévision. Je n’ai jamais demandé la signification de ce panneau. Je n’ai jamais demandé non plus ce qu’il représentait. Mes petits frères se sont chargés de le faire à ma place. Mais ce dont j’étais certaine, c’est que je ne voyais pas la voiture qui dérape. Non. J’avais beau la chercher du regard, scruter et fouiller au plus profond du dessin, je ne la voyais pas. Même en me concentrant longtemps, cela me paraissait impossible.

 

 

Quelques années plus tard, j’ai su lire mais ce panneau est resté un Russe, de profil, avec un gros nez.

Je savais que j’aurais dû voir une voiture. Je savais que je ne voyais pas « normalement », pas comme il fallait. Peu m’importait, ce panneau était le mien, il restait à moi. Il restait mon secret. Je connaissais sa signification réelle et je la comprenais, mais mon regard s’obstinait à me montrer autre chose.

J’ai fait la conduite accompagnée. J’ai eu le code à 16 ans toujours sans voir cette fameuse voiture qui dérape. J’avais mon bonhomme de profil à qui je souriais parfois. Il était là. C’était juste lui et moi.

À 18 ans, j’ignore ce qui s’est passé, j’ignore d’où c’est venu… Le permis, le bac, l’entrée dans la vie adulte, je ne sais pas. Toujours est-il qu’un jour je conduisais seule et mon Russe a disparu. À sa place j’ai vu la voiture qui dérape. J’ai été surprise parce qu’en fait elle avait toujours été là finalement, même si je ne la voyais pas vraiment. Mais mon Russe, mon Russe au gros nez, moi je l’aimais. Je voulais le retrouver. Pendant deux ans, j’ai alterné entre les deux visions que j’avais de ce panneau.

Aujourd’hui, je vois la voiture qui dérape. Mais quand je me concentre, mon bonhomme de profil au gros nez et au cou gracile réapparaît. Et je lui souris alors, comme le faisait l’enfant que j’étais il y a quelques années…

 

Isabelle B. Price (03 Janvier 2009)





SUIS-JE LA MÈRE DE L'ENFANT
DE LACHIDA PATI ?


Un délire d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 



Hier, au travail, une anesthésiste qui rentrait de vacances a déclaré qu’elle venait d’apprendre que notre bien-aimée Ministre de la Justice venait d’accoucher. J’ai ri en répliquant qu’elle avait quand même un peu de retard. Ben oui, notre vénérable Garde des Sceaux a tout même donné naissance à une petite Zohra vendredi 2 janvier. Pour ceux qui auraient manqué cet incroyable événement, tout s’est très bien passé. Rachida Dati a subi une césarienne mais s’est très bien remise. Trop au goût des féministes qui s’insurgent du retour à l’Élysée, cinq jours seulement après ce splendide saut dans la maternité à l’âge de 43 ans, de notre ministre adorée.

Alors que de nombreuses rumeurs et spéculations n’ont cessé de courir tout au long de la grossesse de Rachida Dati quant à l’identité du père, le secret est aujourd’hui encore très bien gardé. Tout le monde continue de s’interroger, sans succès. « Mais qui est donc le papa ? » reprennent en chœur les plus grands quotidiens. Une question qui permet à notre superbe déesse au sourire éblouissant de rester en très bonne place dans les magazines people.

Et si je faisais comme certains ? Et si je vous racontais une histoire ? Une histoire de Princesse ?

 

Je précise que le récit qui suit est une œuvre de pure fiction. Par conséquent toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que purement fortuite.

 

Il était une fois, une petite fille venue au monde dans un grand et beau pays qui adore se vanter d’avoir inventé les Droits de l’Homme. Appelons ce pays Trance et cette petite fille Lachida. Lachida naît donc dans une famille unie. Un père maçon d’origine marocaine, une mère algérienne élevant ses douze enfants avec optimisme et foi. Elle grandit en rêvant de côtoyer ces héros qu’elle voit à la télévision et dans les magazines. Obligée de travailler très jeune, elle commence à 14 ans par faire du porte-à-porte pour vendre des produits cosmétiques. Elle anime également un centre aéré et travaille même dans une grande surface. Puis, alors qu’elle a 16 ans, elle devient aide-soignante dans une clinique privée pour financer ses études. Finalement, à l’âge de 21 ans, se présente l’occasion pour Lachida de réaliser ses rêves. Alors en faculté d’économie à Pijon, elle apprend que l’ambassade d’Algérie donne une réception à la capitale de Trance, Varis.

Lachida s’y rend donc et, grâce à son sourire étourdissant, sa force de caractère et sa volonté, elle parvient à convaincre de ses capacités. Elle obtient un poste de comptable dans une grande entreprise tout en continuant, en parallèle, ses études.

Et la voilà, à seulement 41 ans, devenue Ministre de la Justice de Trance. Une sacrée performance, une sacrée revanche.

Une carrière professionnelle qui décolle mais une vie privée qui reste secrète. Travailleuse acharnée, Lachida a tout sacrifié pour atteindre cette place, tout, même l’amour. Elle se dit que sa vie est comblée maintenant qu’elle apparaît en première page des journaux. Dans le jacuzzi de son petit appartement de fonction, alors qu’elle sirote un verre de vin blanc, elle regrette juste de n’avoir personne avec qui partager sa réussite.

Mais un jour, dans les couloirs de l’Élysée, Lachida, qui va être en retard pour les vœux du Président, le grand Ricolas Zarkosy, percute de plein fouet la belle-sœur de ce dernier. Alors que Lachida tente de s’excuser tout en rechaussant son escarpin qu’elle vient de perdre (il n’est pas aisé de courir dans les couloirs de l’Élysée en talons), Lachida lève soudain les yeux sur l’obstacle vivant qu’elle vient de heurter. Son regard est à cet instant captivé par la beauté de cette blonde aux yeux bleus rieurs qui n’avait aucune envie de se soumettre à cette obligation annuelle. Le sourire qu’ébauche la jeune femme subjugue la Garde des Sceaux qui, l’espace d’un instant, oublie qu’elle est très en retard.

Heureusement, Valérie la rappelle gentiment à l’ordre en déclarant : « Nous ne pouvons pas arriver toutes les deux en retard, ce serait du plus mauvais effet. Courrez encore un peu, j’ai l’habitude d’être le vilain petit canard. » Des paroles qui touchent Lachida plus qu’elle ne veut bien le reconnaître. Elle, née et élevée en Trance, mais que l’on dit malgré tout étrangère alors qu’elle n’a connu que ce pays. Elle qui se sent trançaise quand tout le monde voudrait qu’elle se sente algérienne ou marocaine. Elle qui s’est toujours battue pour ne plus être écartelée entre ces trois cultures qui se côtoient difficilement en elle. Bref, elle est touchée notre Ministre de la Justice.

Le discours présidentiel semble interminable à Lachida. Elle passe vingt minutes à chercher Valérie du regard tout en ayant l’air de ne pas s’ennuyer. Mais la foule étant on ne peut plus dense et la bienséance lui interdisant de bouger, notre Garde des Sceaux se voit dans l’obligation d’attendre le cocktail donné quelques heures plus tard pour enfin retrouver l’éblouissante blonde qui a touché son cœur.

Toutes les deux se retrouvent devant le plat de petits-fours au saumon fumé et échangent une blague lamentable sur les fruits de mer. Elles comprennent alors, à ce premier fou rire et à ce second échange, qu’elles sont en train de tomber amoureuses. Évidemment, il leur faut quelques mois pour se l’avouer. Jusqu’à présent, elles n’ont connu que des hommes et n’ont entendu parler du coup de foudre que dans les romans à l’eau de rose qu’elles nient avoir jamais lu. La peur, la famille, la presse, sont autant de freins qui les effrayent encore plus, mais une entrevue dans un ascenseur va tout bouleverser…

En ce mercredi pluvieux de mai, le Président de la République de Trance a décidé d’annoncer la grossesse de sa jeune épouse. Le mercredi a été choisi car c’est le jour de la famille et tout le monde a été convié à la conférence de presse. Bien entendu, Valérie se doit d’être présente en arrière-plan, le sourire aux lèvres, la joie irradiant sur son visage. Le fait qu’elle puisse avoir un tournage au fin fond de l’Auvergne pour son nouveau film ne dérange personne.

Comme à son habitude, Valérie arrive en retard. Elle descend de sa voiture juste devant les marches de l’Élysée et est surprise par une pluie battante qui la laisse trempée en quelques secondes. Seulement elle s’en moque. Elle a d’autres soucis. Elle a des problèmes avec son chef-monteur et les derniers rushes qu’elle a pu visionner de son film ne la satisfont pas. C’est donc l’esprit ailleurs qu’elle s’engouffre en courant dans l’ascenseur de l’Élysée pour rejoindre les toilettes où elle a prévu de se changer en moins de dix minutes avant de rejoindre la salle de conférence. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’était de se retrouver face à Lachida dans ce même ascenseur. Lachida, superbe dans son tailleur Yves-Saint-Faurent, et visiblement très absorbée par un imposant dossier.

Lachida lève les yeux de ses papiers à l’entrée de Valérie dans l’ascenseur. Elle a le souffle coupé en découvrant la jeune femme les cheveux humides, en bataille, certaines mèches collées au visage. Valérie appuie sur le bouton du troisième étage tout en laissant échapper un timide bonjour. Lachida, elle, est tellement surprise qu’elle en laisse tomber son dossier qui s’éparpille à leurs pieds. Les deux jeunes femmes se baissent alors pour ramasser les documents quand leurs mains se frôlent en tentant d’attraper la même feuille. Elles lèvent simultanément les yeux et se regardent avec une intensité qui fait vibrer l’air dans la cage d’acier. Lachida ne peut se retenir et approche doucement sa main pour s’emparer d’une mèche blonde collée sur le visage de Valérie. Elle la dépose lentement derrière son oreille tout en lui caressant la joue.

La tension sexuelle est à son paroxysme. Perdue et bouleversée par toutes les sensations qui naissent dans son corps, Valérie déclare d’une voix enrouée et chargée de désir :

« Il ne faut pas. J’ai regardé Hospital Central et Terapia d'Urgenza et à chaque fois, au moment où elles s’embrassent, les portes de l’ascenseur s’ouvrent et quelqu’un les découvre dans cette position compromettante.

— Qui te dit que j’allais t’embrasser ? » rétorque Lachida qui a laissé échapper cette question pour se protéger de ce qu’elle ressent.

Valérie sourit. Elle vient de trouver aussi fort qu’elle, question répartie et sang froid. Heureuse de pouvoir jouer, elle laisse échapper un simple : « Si tu ne l’avais pas fait dans les trois secondes ayant suivi ton geste, c’est moi qui l’aurait fait. » Impressionnée par autant d’assurance et ce flirt flagrant, Lachida se relève, se tourne vers le bouton d’arrêt d’urgence, appuie dessus et invite Valérie à se relever en lui tendant la main…

L’arrêt de l’ascenseur ne dure que quelques minutes, le réseau de dépannage de l’Élysée étant des plus efficaces, mais si vous cherchez bien sur les photographies officielles, vous découvrirez que ni Lachida ni Valérie n’apparaissent au discours d’annonce de la grossesse présidentielle. Elles étaient bien trop occupées dans le bureau de la Garde des Sceaux…

En cliché de lesbiennes, elles s’installeront ensemble un mois après leur premier baiser et voudront un enfant quelques six mois plus tard. Consciente que le temps joue contre elle, Lachida décide de porter le premier. Pour ce qui est de la quête du géniteur, c’est une autre histoire.

Là il se fait tard, il est l’heure d’aller se coucher maintenant. Maman ne va pas tarder à rentrer du boulot. Elle travaille sur un nouveau projet de loi et sera très fatiguée. Mais oui, elle viendra te faire un bisou en arrivant, ma grande, comme d’habitude …

 

Isabelle B. Price (09 Janvier 2009)

 

Dans le prochain épisode : la quête du géniteur !

 

Note de Daniel C. Hall alias « The Big Boss » de Les Toiles Roses : 1) Ce titre m’appartient ! Je l’avais proposé à Isa dans un email privé et résultat, elle le pique et même pas un merci à son esclavagiste préféré ! Franchement, les lesbiennes ne sont pas reconnaissantes pour un rond ! 2) Nicolas, c’est elle la responsable ! Je suis innocent, mon Président ! Bon, j’ai pas voté pour toi car ce jour-là j’avais une très capitale compét’ de dominos avec Cécilia, ton ex, mais je suis prêt à te filer ses coordonnées pour que tu la fasses arrêter par les services secrets. Mais tu sais, les lesbiennes c’est pas des gens comme nous. Demande à Christine Boutin. 3) Je m’excuse pour le délire d’Isabelle auprès de tous les lecteurs, mais je crois qu’elle est en période de chaleur. Vous savez bien, les femelles c’est des choses pas normales, hein ! C'est pour ça qu'on ne s'en sert pas, hein les mecs ??? 4) Gros bisous Isa, je me suis bien marré ! Et pis j’aime les lesbiennes, tu le sais. La preuve, j’ai tous les disques de Julio Iglesias, le plus célèbre lesbien du monde.




MON 11 OCTOBRE
OU LA JOURNÉE DU COMING-OUT


Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 



Depuis que je m’implique un peu plus dans la vie LGBT (excusez mais je ne savais comment expliquer cela), j’ai découvert que le 11 octobre était une journée particulière pour tout homosexuel qui se respecte. Vous ne connaissez pas ? Non, ce n’est pas que vous ne vous respectez pas, c’est simplement que ce n’est pas la date la plus connue qui soit. Eh bien pour vous faire partager ma culture homosexuelle, sachez que le 11 Octobre est la « Journée du Coming-Out ».

Oui, parfaitement, depuis 1988 date à laquelle 500 000 manifestants se sont réunis pour une marche à Washington, cette journée est devenue particulière. Bien évidemment ce sont les Américains qui sont une nouvelle fois à l’origine de ce fait historique et il aura fallu attendre 1991 pour que le tout traverse l’Atlantique et arrive en Europe, en Suisse pour être plus précise.

Peu importe en fait. L’important c’est que cette date existe, point barre.

Et je me suis donc interrogée sur le pourquoi de l’importance d’une telle date.

Ben oui, c’est légitime. Autant je comprends parfaitement que nous ayons une journée contre l’homophobie, une journée contre le racisme, une journée pour la paix dans la monde… Mais je me suis demandée en quoi le coming-out était suffisamment important pour avoir droit à une journée rien que pour lui.

Sortir cette question du coming-out de son contexte pour essayer de comprendre en quoi ça n’était pas important m’a semblé une excellente idée. Non, c’est vrai, est-ce que les noirs ont une journée spéciale où ils annoncent au monde entier et aux personnes qui les entourent qu’ils sont noirs ? Non. Et puis ensuite je me suis rappelée de cette journée de la Femme et du pourquoi elle existe, à savoir une revendication de l’égalité, des droits, des chances et de tout le reste.

Voir la journée du coming-out de ce point de vue-là aurait donc un sens. Revendiquer une égalité dans le droit d’être différent mais pareil.Et en même temps parler du coming-out en niant toute la peur qu’il entraîne de la part de celui qui s’apprête à le faire est la pire des idioties. La plupart des écrits que j’ai lus, la plupart des témoignages que j’ai récoltés parlent de coming-out difficiles, de rejets, de cris, d’ignorance et d’incompréhension. Quand le moment est donc arrivé pour moi de faire le mien, il y a quelques années, tout m’est apparu dur et insurmontable.

Et pourtant, rien ne s’est passé comme dans les livres ou les émissions télé. Peut-être parce que j’ignorais qu’il existait une journée spéciale pour ça ou peut-être parce que je ne m’étais pas préparée ou peut-être parce que ma famille, elle, l’était.

J’ai dit à ma mère que j’étais homosexuelle un beau jour d’été, alors que j’habitais encore chez mes parents et que je n’avais pas terminé mes études d’infirmières. Je ne l’avais pas prévu. Je m’étais promis d’attendre d’être diplômée au cas où, comme je l’avais si souvent découvert grâce à mes lectures secrètes sur Internet on « me jette dehors ». Et puis je sais pas, le bronzage aidant, l’eau du ruisseau me berçant, les oiseaux chantonnant, mes barrières se sont petit à petit abaissées. Alors que la conversation glissait calmement sur tous les secrets qui étouffent ma très grande famille, ma mère m’a expliqué que mon père et elle ne nous avaient jamais menti ou caché des choses. Effectivement, ils nous ont toujours parlé, avec des termes simples, adaptés à notre âge, mais ils ne nous ont pas caché la mort de mes grands-pères ni la maladie de ma tante ni les raisons de la brouille avec le frère aîné… J’avais donc toutes les raisons du monde de croire ma mère. Et là ça devient moins précis, je ne sais plus comment elle a posé la question mais je me rappelle que ça ressemblait à quelque chose du genre « Et toi, tu as des secrets ? Tu as peur de nous parler de certaines choses ? » Un truc comme ça.

J’ai senti d’un coup revenir cette énorme boule dans mon ventre, la même qui encore aujourd’hui m’empêche de rembarrer gentiment mes collègues de travail qui ne cessent de me dire que je suis Catherinette. J’ai flippé et comme je ne sais pas mentir, j’ai tenté de le faire sans grand succès. Ma mère avait beau être enduite de crème solaire, en maillot de bain, affublée de ses lunettes et les yeux fermés sur sa chaise longue je pense que mon malaise était tellement perceptible que la ville voisine à dû le ressentir.

Enfin bref, d’un coup je me suis jetée à l’eau et je lui ai dit que j’étais homosexuelle. J’ai pas dit lesbienne ni gay, je lui ai dit « Je suis homosexuelle. » Elle m’a demandé depuis quand je le savais et j’ai dit deux ans environ et là j’ai senti la blessure d’une mère. La vraie blessure. Pas celle dont parlent les documentaires de Jean-Luc Delarue, non, celle réelle d’une mère qui vous a donné la vie, qui vous a choyée et aimée et qui réalise que vous avez eu peur d’elle pendant deux ans.

Elle s’est redressée sur sa chaise longue et elle m’a regardé droit dans les yeux en me disant « Mais pourquoi tu ne l’as pas dit avant ? » Ben… heu… c'est-à-dire… t’as vu le dernier Ça se discute ?... enfin tu comprends… J’ai pensé tout ça, j’ai pensé à tous ces fichus témoignages et j’ai dû murmurer un petit « Je sais pas. » Et la réponse s’est faite sentencieuse et reste elle, gravée dans ma mémoire parce que la plupart de mes insécurités ont disparu avec elle ce jour-là « Si tu penses que ta sexualité va changer quoi que ce soit à ce que tu es ! Tu es ma fille, tu es une fille exceptionnelle et je ne dis pas ça parce que je suis ta mère. Je t’aime telle que tu es ! » Je crois qu’il y a eu des compliments au milieu sur le combien je suis exceptionnelle mais ils ne sont pas restés.

On a parlé ensuite un long moment, c’est la seule fois où on a parlé ouvertement de ce que je ressentais. Pas qu’aujourd’hui je ne le puisse plus, non, simplement qu’aujourd’hui je n’en ressens pas le besoin. Et puis ma mère a dit « Bon maintenant faut que tu le dises à ton père parce que je n’ai aucun secret pour lui. » Put*** de secrets de famille, quand vous vous y mettez !

Pour un coming-out improvisé, ça s’annonçait bien. Je l’ai dit à mon père dans l’après-midi, après le repas, pendant qu’il tentait de faire sa sieste dans le jardin. Je me suis approchée discrètement et j’ai demandé « Papa, tu dors, je peux te parler ? » Il a grogné un truc inaudible et j’ai pris ça pour un oui. J’ai tenté un demi-milliard d’approches pendant environ dix minutes. Enfin ce qui m’a semblé dix minutes. À chaque fois que j’essayais d’aborder le sujet de manière détournée visant à ce qu’il rebondisse dessus pour que je lui dise, mon père ne répondait pas. De guerre lasse, j’ai été directe comme je peux parfois l’être. « Papa, j’ai dit un truc à maman et elle m’a dit de le dire parce qu’elle a pas de secret pour toi. » réponse de mon père « Hum hum. » « Je suis homosexuelle. » Il n’a même pas ouvert un œil. Il n’a même pas tressailli et pourtant je peux vous dire qu’à ce moment-là mon cerveau enregistrait tout. Il n’a pas eu un mouvement et laconique il a dit « Je m’en doutais. » J’ai attend une suite, vainement. Quand il s’est mis à ronfler, je suis partie. Pas de rejet, pas de cris, pas de jugement. Partie dans ma lancée je l’ai dit à mes frangins.

Alors je sais que ce genre de coming-out n’est pas représentatif mais j’aime à dire en rigolant que quand je l’ai dit à ma mère, j’ai cru qu’elle allait me coller une gifle pour avoir ne serait-ce qu’imaginé que ça allait changer quoi que ce soit à l’amour qu’elle me portait. Ça n’a rien changé non plus à ma relation avec mon père. Il est toujours aussi peu causant mais c’est quand même lui qui a récupéré au travail dans un magazine qui traînait un dossier complet sur le Dinah Shore Week-End et me l’a offert pour m’aider dans mes recherches pour mon site. C’est également mon père qui m’a dit quelles couleurs choisir pour le même site et qui m’a suggéré de mettre des images parce que « les gens ils aiment les images ».

C’est mes frères qui m’ont dit que je devais mettre ce petit site en ligne. C’est eux qui m’ont parlé de cette idée de forum. C’est encore eux qui me réparent les bugs qui ne manquent pas.

Je l’ai dit à quelques membres de ma famille, ceux qui l’ignorent c’est parce que je ne les vois pas ou que je ne leur parle pas ou que l’occasion ne s’est pas présentée. Je ne cache pas les livres ou les dvds chez moi et pourtant, techniquement, je ne suis pas « out ».

Je ne suis pas « out » parce que je n’ai rien dit à mon travail où je veux être considérée avant tout comme une infirmière dont on se souvient parce qu’elle a fait les gestes qu’il faut au moment où il le faut et non pas parce qu’elle est lesbienne. Je veux être reconnue pour mes compétences et non pas pour mes préférences sexuelles. Je veux que mon travail reste le milieu professionnel où j’évolue et que ma vie privée reste le lieu où je suis vraiment moi. Et pourtant, on ne peut pas vraiment dissocier les deux. Je ne suis qu’une seule et même personne à chaque fois.

En clair rien n’est jamais aussi simple et facile que ce que l’on voit ou écrit. Une seule journée ne pourra jamais résoudre l’importance et la complexité du fait de parler à une personne que vous connaissez ou non de ce que vous faites dans votre chambre à coucher et accessoirement dans le reste des pièces si vous avez un grand appartement. Donc, une journée en l’honneur du coming-out, ça sert à quoi en fait ?

Petite liste non exhaustive du pourquoi il est intéressant de faire son coming-out au moins en famille :

— Parce que vous pouvez ainsi débattre pendant des heures sur le pourquoi du comment Charlize Theron est plus votre genre qu’Angelina Jolie, même si vous ne diriez pas non à cette dernière.

— Parce que vous aurez le droit de montrer à votre petit frère le dernier clip des Pussycat Dolls en vous offusquant de l’image hyper sexualisée de la femme, tout en matant à mort.

— Parce que vous pourrez enfin répondre à la question : « Et toujours pas de fiancé ? » Réponse : « Non, de toute manière ça sert à rien de se fiancer tant qu’on n’a pas le droit de se marier. »

— Pour pouvoir balancer enfin à ceux qui vous diront : « Je m’en serais jamais douté ! » un : « Ah bon, pourtant j’ai tout du stéréotype, les cheveux courts, les pantalons, le tatouage, je jouais aux voitures et je détestais les Barbies™ étant enfant. Et tu t’es jamais posé de questions ? »

— Parce qu’à la question : « Qu’est-ce que tu as contre les hommes ? » vous répondrez en toute gentillesse et discrétion : « Rien mais je n’en veux aucun dans mon lit. »

— Parce que comme ça votre frangin n’arrêtera pas de vous demander quand vous comptez enfin lui présenter une fille et que vous pourrez lui fermer son caquet en lui répondant : « Quand toi tu auras décidé d’en changer moins vite que l’éclair pour j’arrive enfin à retenir leur prénom avant qu’elles disparaissent. »

— Parce que vous pourrez mater avec vos deux frères, l’air de rien, les fesses de la même nana en moto et apprécier comme jamais les deux roues.

— Pour pouvoir étaler votre culture gay et expliquer à votre petit frère de 18 ans que Freddy Mercury était gay et que « We Are The Champions » s’adresse aux homos. Rien que la tête qu’il fera à ce moment-là vous amènera à apprécier cette sous-culture à un point phénoménal.

— Pour pouvoir faire comme Amélie Mauresmo et remercier la personne qui vous offre le calendrier des Dieux du Stade et rétorquer que vous allez enfin pouvoir faire un cadeau à votre boss sur Les Toiles Roses.


Isabelle B. Price (2008)




MÈRE NATURE


Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 




De la fenêtre de mon bureau, j’ai une vue imprenable sur le petit parc à côté de chez moi. Je peux même dire que je le surplombe. Bon, ce n’est pas réellement un parc mais c’est tellement vert que je trouve que ça y ressemble. De grandes étendues d’herbe fraîche s’étalent sous mes fenêtres. C’est l’une des raisons qui m’ont fait acheter cette ruine que j’habite : la vue et le calme.

Aujourd’hui, entre deux travaux informatiques et littéraires, j’ai fait une petite pause. Je me suis tournée vers mon poste, ce vieux poste que j’ai acheté à l’âge de 15 ans avec l’enveloppe offerte par ma grand-mère et qui me suit partout depuis. Ensemble, on a vécu des fêtes d’école, des déménagements, des emménagements, des travaux, un paquet de travaux. Il ne bronche même pas quand je lui donne accidentellement des coups de pieds, il se contente juste de me faire comprendre son désaccord en redémarrant la chanson qu’il jouait. J’ai donc augmenté le volume de mon poste et Linkin Park a craché un peu plus fort son :

« I've become so numb I can't feel you there

Become so tired so much more aware

I'm becoming this all I want to do

Is be more like me and be less like you »

Je me suis approchée de la fenêtre et j’ai laissé les paroles m’envahir, tout en assouplissant cette raideur de la nuque que je dois à des heures passées collée devant mon ordinateur de bureau. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu l’herbe. Elle a été coupée il n’y a pas si longtemps. Elle est courte, comme les cheveux de mon frère Vincent. Elle n’est pas trop courte au point qu’elle aurait l’air d’un skinhead, non, elle a la coupe d’un jeune homme actif qui n’a rien de négligé.

Je devais aller faire des courses mais le ciel d’un gris étouffant et bas m’a retenue de bouger de chez moi. L’attente d’une visite aussi, remarquez. En guettant la présence de flaques sur le parking, j’ai cru qu’il pleuvait, mais aucune trace d’auréoles au centre de celles-ci. Aucune goutte ne s’écrasait sur leur surface lisse. Je n’avais pas l’excuse de la pluie. Dommage.

Et puis mes yeux se sont perdus sur l’herbe verte à mes pieds. Ses petites touffes et sa couleur si attirante. Et là, un fort coup de vent comme il en retentit depuis quelques heures déjà est passé. Un coup de vent si fort que les touffes d’herbes se sont couchées avant de se relever. Ça a commencé d’un côté pour finir de l’autre, c’est passé rapidement. C’est beau de voir les brins se coucher et se redresser puis se recoucher et les côtés plus clairs s’exposer.

Et là, d’un coup, je me suis aperçue que la terre avait la chair de poule. Vous savez, comme quand un courant d’air vous fait grimper ce frisson du bas des reins jusqu’au cou et que vous ne pouvez pas contrôler cette chair de poule. Vos poils se hérissent sur vos bras sans aucun contrôle. Eh bien la terre, elle a fait pareil sous ma fenêtre. Elle a frissonné. Elle a eu froid, très froid. Et il ne pleuvait même pas encore.

J’ai regardé la terre avoir plusieurs fois la chair de poule et je me suis réinstallée devant mon ordinateur pour vous le dire. Je viens de comprendre pourquoi la nature est une mère. Et je peux vous assurer d’une chose, c’est une mère qui a au moins les bras aussi poilus que moi.

 

Isabelle B. Price (Décembre 2008)

 




CROIRE EN L'ÊTRE HUMAIN


Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

http://spondylarthrite-alimentation.info/blog/images/espoir17ou.jpg

Je rentre de l’hôpital et se faisant, j’ai eu envie de vous parler. Rentrer de l’hôpital, je le reconnais, c’est assez naturel quand on est infirmière en CHU, ça n’a rien d’exceptionnel. Sauf qu’aujourd’hui je n’ai pas porté de blanc comme d’habitude, aujourd’hui j’y étais en simple visite.

Il y a trois jours j’ai accueilli un ancien patient, que nous baptiserons juste Monsieur. Je vais vous épargner les détails techniques et déprimants. Il faut juste savoir que cet homme a été opéré d’un cancer colique il y a cinq ans de cela et qu’il est aujourd’hui en parfaite forme pour ses 76 ans. Ses scanners ne montrent aucune récidive et il est simplement revenu pour une cure d’éventration, parce que comme l’explique tout naturellement sa femme : « quand il est rentré, il n’a rien écouté et il a jardiné et porté toutes les affaires, comme avant ». Il y a des gens, comme ça, ni la maladie ni les consignes des blouses blanches n’en viennent à bout.

Quand je l’ai accueilli il y a trois jours, j’ai dû l’installer dans le service voisin par manque de place dans le notre. Je l’ai écouté parler plus que je n’ai mené l’entretien. De toute manière mon dossier n’avait pas besoin de plus de renseignements, à quoi bon, je savais tout. Et puis il avait tellement besoin de parler que je me suis contentée de l’écouter. Avant de l’installer dans cet autre service, je lui ai promis de repasser le voir. J’avais pensé au vendredi, avant mes vacances, mais voilà le vendredi est arrivé, avec sa charge de travail, sa réunion, ses courses à faire, bref je n’ai pas trouvé le temps. Donc ce samedi, je me suis levée avec l’assurance que j’irai le voir, sur mon repos, le premier jour de mes vacances. Je suis ainsi allée là où je passe plus de la moitié de ma vie, un bâtiment ancien, décrépi, délavé et difficile d’accès qui est coincé entre plusieurs constructions récentes.

J’ai frappé à la porte de la chambre, pas tellement sûre que ce soit la bonne ; j’ai une mémoire sélective, principalement en ce qui concerne les chiffres. Je pensais qu’il s’agissait de la 26 mais une fois devant la porte, la 26 ne correspondant pas à la notion d’espace que j’avais, j’ai donc opté pour la 36, qui s’est avérée être la bonne.

J’ai passé discrètement la tête par l’entrebâillement de la porte car je refusais de le déranger en présence de sa famille. Parce que, que suis-je, moi ? Une infirmière qui l’a accueilli, une étrangère, une de ces autres, rien de plus. Et le fait que nous habitions la même ville, que j’ai récupéré le cactus qu’il nous avait offert de peur qu’il ne meure durant la réfection du service, le fait qu’il pense me connaître ne font pas de moi quelqu’un de différent. Je ne suis qu’une femme qui porte une blouse blanche dans un immense hôpital. Et quand je ne la porte pas, je ne suis qu’une visite de plus, sans même le lien familial.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, il m’a tout de suite reconnue. J’ignore si c’est mon sourire ou ma coiffure en bataille, si c’est mon silence ou mon hésitation, si c’est ma gêne ou bien mon malaise. Quoi qu’il en soit il m’a souri et m’a fait signe de m’approcher. Je crois qu’il ne se rappelle pas de mon prénom, il ne connaît même pas mon nom ; je ne dis jamais mon nom de famille, il ne signifie rien. Mais j’ai lu dans ses yeux le plaisir. Il m’a demandé ce que je faisais là, habillée comme ça. Je lui ai répondu que je lui avais fait une promesse et que j’essaie de toujours tenir mes promesses. Je lui ai expliqué en toute simplicité que je ne travaillais pas et que j’en avais profité pour venir le voir.

Dire qu’il a été touché est un euphémisme je pense. Seulement je ne pense pas qu’il ait été touché autant que je l’aie été moi-même. Si la vie m’avait donné l’occasion de connaître mes deux grands-pères, j’aurai souhaité, rêvé, qu’ils lui ressemblent. Si j’avais eu la chance de connaître mes deux grands-pères, ça aurait sans doute été leurs histoires que je serais en train d’écrire en ce moment. Oui mais voilà ils ne sont plus là, c’est donc l’histoire de cet homme que je vais vous conter.

Un morceau choisi, parce qu’en une heure de conversation, je n’ai que peu parlé. Mais cela ne m’a pas dérangée, j’aime écouter, j’ai toujours aimé les histoires. Je crois que ça a commencé très jeune, avec les contes que me lisait ma mère. En grandissant j’ai continué à découvrir des histoires grâce à la lecture et à la télévision. Pas la peine de demander, non, je n’ai jamais aimé l’Histoire, la matière comme on nous l’enseigne à l’école ; il fallait apprendre toutes ces dates par cœur et ça, je n’aime pas.

Vous pouvez penser que ce qui va suivre est faux. Vous pouvez penser qu’il l’a inventé ou que je l’ai inventé. Peu m’importe. C’est sa vérité et c’est maintenant devenu ma vérité.

Avant de commencer, il faut savoir que cet homme, « fils de fermiers » comme il dit, a réussi dans la vie parce qu’il était ouvrier qualifié ; il traitait le cuir à une époque où cela voulait encore dire quelque chose et d’après ce que j’ai cru comprendre, il a très bien réussi. Il possède plusieurs maisons, il vit aisément mais simplement.

L’histoire débute à l’époque de la création du barrage. (Ne me demandez pas de quel barrage il s’agit. Je ne suis pas de la région mais quand les gens me parlent, ils sont persuadés que je sais de quel événement local datant de plus de 30 ans ils me causent). Le fils Machin avait un café qui marchait très bien avant qu’on ne construise le barrage. Mais une fois ce fameux barrage achevé, les affaires sont allées de mal en pis. Il s’est retrouvé avec des dettes, beaucoup de dettes et a demandé à son père de se porter garant pour lui.

Un jour, le père en question est passé devant le magasin de mon Monsieur et lui a dit « tu es un honnête travailleur ». Il lui a ensuite demandé s’il ne voulait pas acheter sa maison. Mon Monsieur lui a répliqué que s’il était passé pour se moquer de lui, il n’avait qu’à repartir. Là, le vieil homme a fondu en larmes et lui a expliqué que sa maison allait être vendue aux enchères et qu’il allait de ce fait se retrouver à la rue. Il a tout raconté, les dettes de son fils, les difficultés, tout. Mon Monsieur l’a écouté puis a fini par rentrer chez lui pour aller voir sa femme. Il lui a dit qu’il allait racheter cette maison. Sa femme lui a soufflé dans les oreilles « comme avec ces trompettes, tu sais, ces grosses trompettes » (j’ai vu les trompettes, vous voyez les trompettes). Elle lui a dit qu’ils ne pouvaient pas se le permettre, d’autant qu’ils n’avaient pas pu faire de crédit pour leur maison.

Mon Monsieur n’a rien voulu entendre. Il s’est rendu à la banque, qui a refusé de lui prêter l’argent. Il est reparti et s’est rendu chez le voisin, monsieur Bidule, un fils célibataire riche. Il lui a expliqué que la maison de Machin allait être vendue aux enchères et qu’il voulait la racheter. Mais la banque refusait de lui prêter l’argent. Le fils Bidule a ri aux éclats « Ils refusent de te prêter l’argent ?! Avec ton magasin et tes deux maisons ? Alors je me porterai garant pour toi ». Ils sont ainsi retournés à la banque qui a allongé l’argent. Mon Monsieur est rentré chez lui pour parler à sa femme qui avait compris qu’il ne changerait pas d’avis et avait donc décidé de le soutenir.

Ils sont allés chez le notaire. Il a acheté la maison. Et quand le notaire lui a demandé ce qu’il comptait en faire, il a tout simplement déclaré qu’il laissait le précédent propriétaire, le vieil homme et son épouse l’habiter. Sans loyer, ni contrepartie. Ils devaient juste payer l’eau et l’électricité. Ils y sont restés jusqu’à leur mort m’a dit mon Monsieur en souriant, « Jusqu’à leur mort. Et après tu sais ce que m’a demandé leur fils ? À rester lui aussi. »

Je me suis dit quel toupet ce petit con (bien plus âgé que moi, certes, mais quand même). Ruiner ses parents, les foutre à la rue et ensuite demander à bénéficier de la générosité du voisin. Mon Monsieur m’a dit qu’il avait refusé et qu’il avait offert la maison à sa fille aînée.

J’en avais les larmes aux yeux. Je crois que vous n’imaginez pas à quel point cette histoire m’a redonné confiance en l’être humain. Ça a eu le même effet sur moi que la fois où cet homme d’un âge presque similaire m’avait montré une photo de lui en noir et blanc en m’expliquant que c’était à l’époque où il avait fui dans le maquis parce que les Allemands voulaient le tuer.

Cette histoire m’a donné l’impression que nous ne savons plus, aujourd’hui, ce qu’est la vie, ou que nous l’avons oublié. Je suis désormais garante de cette histoire car je l’ai écoutée et je viens de vous la faire partager. Mais qui, aujourd’hui ou dans 20 ans, croira encore qu’une telle chose est possible ?

Je fais un métier qui me fait voir le pire des hommes. Je vois leur lâcheté, leurs peurs, leurs craintes, leurs souffrances, leurs désirs, leurs rêves inachevés, leurs capacités de manipulation. Et parfois, au milieu de tout cela, parfois ressortent des instants aussi magiques qu’un samedi pluvieux et gris, passé assise sur l’accoudoir d’un fauteuil délavé et déchiré, à écouter un vieil homme allongé et perfusé vous raconter qu’il a fait cela parce qu’il fallait le faire, simplement parce qu’il fallait le faire.

Alors je dis merci. Merci Monsieur de m’avoir raconté votre histoire, de m’avoir rappelé pourquoi j’ai choisi ce métier, de m’avoir redonné confiance en moi, en nous. Merci. Parce que grâce à vous je n’ai pas seulement retrouvé le courage qui me manque depuis quelques semaines pour continuer dans cette voie, mais aussi car j’ai également pris conscience que le jour où je ne verrai plus cette beauté qui irradie de certaines personnes que je croise et que je côtoie, il sera temps pour moi de changer de voie.

Merci d’avoir croisé ma modeste route, Monsieur…

Merci…

 

Isabelle B. Price (30 Novembre 2008)






GREY'S ANATOMY  ET LA QUESTION
DE L'HOMOSEXUALITÉ

Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 



Nombreux sont celles et ceux qui ont entendu parler ou connaissent la série médicale américaine Grey’s Anatomy. Créée en 2005 par Shonda Rhimes, diffusée aux USA sur la chaîne ABC et en France sur TF1, elle a permis la consécration de l’actrice Katherine Heigl aux Emmy Awards en 2007 et a remporté un Golden Globe la même année dans la catégorie « Meilleure Série Dramatique ».

Pour celles et ceux qui ne connaîtraient tout de même pas, replaçons rapidement l’histoire. Le Seattle Grace Hospital est un hôpital universitaire où se côtoient médecins, internes, externes et infirmières. Meredith Grey (Ellen Pompeo), une jeune interne en médecine, fait ses premiers jours et découvre ses supérieurs et ses collègues. Elle se lie d’amitié avec plusieurs internes comme elle, Cristina Yang (Sandra Oh), Izzie Stevens (Katherine Heigl), George O’Malley (T.R. Knight) et Alex Karev (Justin Chambers) tout en entretenant en même temps une relation amoureuse complexe avec le chirurgien spécialisé en neurochirurgie, le Docteur Derek Shepherd (Patrick Dempsey). Pour information totalement inutile, le titre de la série, qui reprend le nom de famille de l’héroïne, est un jeu de mot avec le titre d’un traité d'anatomie très populaire chez les étudiants en médecine américains intitulé Gray's Anatomy.

Dès ses débuts sur la chaîne ABC, Grey’s Anatomy a fait d’excellentes audiences. La première saison obtient une moyenne de 18,8 millions de téléspectateurs qui croît lors de la saison 2 à 21 millions et lors de la saison 3 à 22,35 millions de téléspectateurs. Malheureusement c’est également cette troisième saison qui est entachée par une mauvaise publicité faite par l’acteur Isaiah Washington, l’interprète du chirurgien cardiaque Preston Burke. En octobre 2006, les journaux révèlent que l’acteur aurait empoigné son collègue Patrick Dempsey à la gorge lors d’une dispute. L’origine de l’altercation est l’utilisation du terme « faggot » (« pédé ») par le comédien pour désigner son collègue, T.R. Knight. N’ayant pas supporté cette attitude, Patrick Dempsey se serait interposé pour donner son opinion à Isaiah Washington et défendre T.R. Knight. Malgré des excuses publiques, la controverse enfle et T.R. Knight est rapidement contraint de faire son coming-out et de donner sa version des faits. Les journalistes continuent de demander des explications et Isaiah Washington renouvelle à plusieurs reprises des excuses publiques allant jusqu’à nier avoir utilisé le terme « faggot ». T.R. Knight déclare le contraire lors d’une émission télévisée et après cette mauvaise publicité, ABC annonce le 07 juin 2007 qu’elle ne renouvelle pas le contrat de Isaiah Washington.


 

Une mauvaise publicité qui a peut-être un rapport avec une rumeur qui se met à courir sur l’Internet quelques mois plus tard. En octobre 2007, différents sites annoncent que le Docteur Preston Burke sera remplacé par le Docteur Erica Hahn, interprétée par l’actrice Brooke Smith. Une rumeur associée, relayée par le site Afterellen.com et Univers-L.com, révèle que ce personnage serait lesbien et troublerait le Docteur Cristina Yang, qui devait au départ être bisexuelle. L’idée avait ensuite vite été abandonnée ou oubliée, à vous de juger.

Le public homosexuel et surtout lesbien est donc sensibilisé par ces déclarations et attend une histoire entre ces deux personnages principaux. Histoire qui tardera à arriver et qui n’arrivera finalement jamais. Par contre, une amitié très forte unit rapidement Erica Hahn au Docteur Callie Torres (Sara Ramirez). Certaines y voient plus que de l’amitié et les scénaristes décident d’explorer rapidement ce côté de leur relation.

Callie et Erica commencent par s’apprécier. Elles sortent alors plusieurs fois ensemble pour aller boire un verre dans le bar voisin de l’hôpital, rient de Mark Sloan et de son attitude et deviennent amies. Callie l’explique d’ailleurs très clairement à Cristina durant cette saison 4. Oui, elle est amie avec Erica. Cristina l’accepte mal puisqu’elle n’arrive pas à entrer dans les grâces de celle qu’elle considère comme son mentor. Cristina s’enfonce, Erica et Callie se rapprochent et le Docteur Addison Forbes-Montgomery-Shepherd (Kate Walsh) revient au Seattle Grace Hospital à ce moment-là.

Ancienne meilleure amie de Callie Torres, Addison réapparaît dans ce treizième épisode de la saison 4 « Piece of My Heart ». Elle découvre Callie et Erica en train de rire et très proches l’une de l’autre. Puis elle surprend Callie défendant Erica auprès de Cristina qui refuse de voir cette dernière revenir chez elle. Addison fait alors une tête géniale et lui dit qu’elle est très contente de voir Callie heureuse et qu’elle ne pensait pas qu’elle changerait d’équipe. Callie déclare alors en riant : « Tu veux savoir si Erica et moi… sommes… un couple ? » Callie rit de plus en plus embarrassée et Addison rétorque qu’elles forment un très beau couple. Seulement il ne se passe rien et Callie rétorque en bégayant que c’est « dément » et elle se justifie en déclarant : « J’aime… j’aime… les pénis… Je veux dire… je suis une très très grande fan des pénis… ».

À la fin de la journée, Callie offre un verre à Addison et Erica et toutes les trois rient autour de la table. Alors que Callie rit aux éclats, Erica enlève un cheveu collé sur ses lèvres. Addison s’amuse du geste, Callie boit son verre d’alcool cul sec et Mark Sloan arrive pour inviter l’une des trois à danser. Erica et Addison refusent mais Callie qui vient de descendre un second verre, se précipite pour le suivre sur la piste. Addison et Erica les observent. Addison déclare : « Elle est jolie », ce à quoi Erica surenchérit par un « Elle est magnifique » sans la quitter des yeux.

C’est un regard extérieur qui permet de mettre des mots sur le début d’une relation qu’un grand nombre de personnes souhaitent voir se réaliser sans oser l’avouer. C’est ce regard extérieur qui lui donne tout son sens et permet de laisser supposer que cela va évoluer plus loin qu’une simple amitié platonique.

Erica et Callie n’ont pas vraiment d’intimité ou de moments à elles. Elles évoluent dans un milieu fermé mais où elles sont constamment visibles. Elles ne sont jamais montrées réellement seules en tête à tête et ce sont les autres, leurs attitudes et leurs regards qui laissent penser qu’il y a plus.

Pourtant, comme pour nous prouver qu’il n’y a rien entre elles, l’épisode suivant, le 15 « Losing my Mind », permet de comprendre que Callie couche avec Mark. Erica est blessée de l’apprendre parce qu’elle ne se fait pas facilement des amis et qu’elle est déçue que Callie ne lui ait pas parlé. Elle sait que son amie va la laisser tomber pour s’occuper de sa nouvelle relation. Mais, depuis son divorce, Callie semble refuser de s’investir dans une relation amoureuse et donne le sentiment de n’utiliser Mark que pour le sexe. En effet, lorsque ce dernier réfléchit, dans la salle de repos, elle vient le trouver en courant et annonce : « Sexe ! Allons-y ! » Mark refuse et Callie quitte donc le travail pour retrouver Erica au bar de Joe. Là, elle fait part à Erica, profondément gênée, de ce que son amie Addison a pensé d’elles. En découvrant qu’Addison s’est imaginée qu’elles étaient en couple, Erica se met à rire, à rire et l’épisode se clôture ainsi.

Et puis l’histoire qui semblait satisfaire de nombreuses lesbiennes, accros aux subtexts depuis Xena, apparaît comme un pur fantasme d’hétéro masculin. Durant l’épisode suivant, Erica qui s’assoie à côté de Callie et Mark pour manger s’amuse du fait qu’on les prenne pour un couple. Elle propose une partie à trois à Mark qui fait croire qu’il n’est absolument pas intéressé. Seulement juste après, quand Callie lui dit qu’elle a envie de s’envoyer en l’air, il lui reparle de cette proposition à trois et se met à raconter ce qu’il ferait à Erica. Callie devient très mal à l’aise et part en le laissant seul.

Et un peu plus tard, quand Mark prend l’ascenseur dans lequel se trouvent déjà Callie et Erica, ces dernières s’amusent du fait qu’il n’a pensé qu’à cette idée toute la journée. Mark nie et, pour le provoquer, Erica embrasse Callie. Mark n’en revient pas, savoure le baiser et quand les portes de l’ascenseur s’ouvrent, Erica déclare en partant : « Tu vois, trop pour toi. » Mark est aux anges et demande à Callie de le rejoindre en salle de garde. Callie semble rêveuse. Elle est perturbée par ce baiser et donne le sentiment d’être sur une autre planète. Pas blessée du tout d’avoir excité Mark avec ce baiser lesbien, elle le rejoint en salle de garde.

Et enfin, dans le double épisode final « Freedom », Erica, Mark et Callie libèrent un jeune homme d’un bloc de béton. Ils font équipe pour lui sauver la vie et Callie est en admiration devant le travail de sa  collègue. Mark lui fait remarquer qu’elle devrait s’allonger vu qu’elle est debout depuis plus de 9 heures mais elle refuse. Elle observe travailler Erica tandis que Mark l’aide à prendre conscience de ses sentiments. Callie déclare à la petite amie de son jeune patient d’être honnête sur leur relation même si ce n’est pas la voie la plus facile. Ces propres mots l’amènent à réfléchir et en quittant l’hôpital aux côtés de Mark, Callie aperçoit Erica fouillant dans son sac.

Mark déclare alors à Callie d’aller terminer ce qu’elle a commencé. Devant son regard interrogateur, il réplique qu’il grandit et Callie s’approche de sa collègue. Erica lui parle de ses problèmes avec le chef et Cristina mais Callie se moque de tout cela. Elle explique : « Il y a quelque chose que je voudrais te dire… […] Erica, je dis quelque chose… Je voulais juste te dire… Je veux juste te dire… » Et Callie s’approche d’Erica, pose ses deux mains de chaque côté de son visage et l’embrasse. Mark les observe avant de partir.

Beaucoup de personnes ont trouvé que là encore, ce baiser semblait fait pour les hommes. J’ai voulu penser que non tant le moment était magnifique, la chanson de Bryn Christopher sublime et le tout superbement joué et tourné. La suite a donné raison aux sceptiques.



À la fin de cette quatrième saison et en attendant la cinquième, la presse s’est énormément intéressée à cette relation homosexuelle possible entre Callie et Erica. La créatrice de la série, Shonda Rhimes, a déclaré qu’ils allaient continuer dans cette voie et explorer les tenants et les aboutissants de cette histoire. Les scénaristes ont rencontré le GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation) afin d’éviter les clichés. Ils ont discuté longuement avec des auteurs pour savoir comment développer cette relation de manière crédible et réaliste. Ils ont même déclaré : « Vous serez vraiment surpris quand vous découvrirez où cette histoire ira la saison prochaine. Parce que nous ne choisissons pas la voie facile. Et rien de cela ne sera facile. Pas pour Callie. Pas pour Erica. Et pas pour Mark Sloan… »

L’idée de l’amitié qui devient amour, l’idée de l’hétéro qui tombe amoureuse d’une possible autre hétéro ou d’une lesbienne dans le placard, l’idée d’un homme au milieu de l’équation, tout ça était assez complexe pour que tout le monde s’interroge et attende avec impatience la reprise.

 

Dans le premier épisode de la cinquième saison « Dream a Little Dream of Me », Erica et Callie commencent par s’ignorer dans les couloirs du Seattle Grace. La première fait semblant de lire le journal pendant que l’autre dégaine son biper comme une protection sûre. Elles sont toutes les deux gênées par ce qui s’est passé. Le temps passent et nos deux médecins sont obligées de se recroiser. N’ayant aucun endroit où se cacher, elles font quelques pas côte à côte et chacune explique pourquoi elle n’a pas téléphoné à l’autre.

Et puis un cas médical se présente. Seule Callie a étudié une nouvelle procédure pouvant sauver la vie de ce patient. Tout le monde la regarde et elle panique. Elle a uniquement fait des recherches ! Erica se tourne alors vers elle et lui déclare : « Très bien. Regarde-moi. Regarde-moi. Concentre-toi. Tu essaies quelque chose de nouveau. Il n’y a rien de mal à la nouveauté. Découvrir de nouvelles terres, repousser les limites – ça fait partie de ce métier. Alors Dr Torres, prenez votre respiration. Arrêtez de paniquez et dites-nous simplement. Que disaient vos recherches ?  »

Ces quelques mots permettent à Callie de revenir parmi les médecins et de se focaliser sur leur but commun, sauver la vie de ce patient. La procédure fonctionne. Un peu plus tard, Callie et Erica ont terminé leur journée et s’apprêtent à rentrer chez elles. Callie repère soudain Erica remplissant des dossiers, accoudée à la réception. Elle s’avance vers elle et explique très tranquillement :

CALLIE : Je ne suis pas une expérimentatrice. Je n’aime pas expérimenter.

ERICA : Oh.

CALLIE : Mais ensuite, tu t’es pointée et nous l’avons fait ensemble. Et l’expérimentation a été un succès !

ERICA : Oh [réalisant ce que cela signifie] Oh. (Elles rient. Callie parle de la procédure…)

CALLIE : Écoute, je n’ai jamais fait ça avant. Je n’ai jamais embrassé de fille. Je ne suis même pas sûre que j’aime embrasser les filles. Je n’aime pas, en fait… embrasser les filles. J’aime juste embrasser une fille. Toi.

ERICA : (en souriant) Je n’ai pas de point de comparaison. Je… tu es la seule femme que j’ai jamais embrassée.

CALLIE : Alors tu es flippée aussi ?

ERICA : Beaucoup de temps de thérapie.

CALLIE : Je ne fais pas de thérapie. Je fais juste tout ce ahhh et ensuite je persiste et… c’est ok. Tu n’as pas à savoir ça maintenant. Est-ce que… ça nous rend vierges, n’est-ce pas ?

ERICA : Je suppose dans un sens.

CALLIE : Vier – ges. Hé, on pourra être effrayées toutes les deux.

ERICA : Comme vierges. Et ouais, on pourra être effrayées ensemble.

Un premier épisode très prometteur. Pas de Mark Sloan, une crainte de chaque côté mais finalement un reste de communication. Du drame médical mêlé à une relation amoureuse naissante. Un excellent dosage qui présage une suite des plus intéressantes.

 

Mark Sloan n’est pourtant pas loin et réapparaît dans le troisième épisode « Here Comes the Flood ». Alors qu’Erica parle des nouvelles règles imposées par le chef, Mark pense qu’elle mentionne sa relation avec Callie. Erica est choquée qu’il soit au courant et discute de cela avec Callie.

ERICA : Nous avons un problème. Mark Sloan a appris pour nous.

CALLIE : Mark Sloan est au courant depuis le début. Je lui ai dit.

ERICA : C’est MARK SLOAN !

CALLIE : Quoi, tu n’as pas une personne à qui tu dis les choses ?

ERICA : Tu es la personne à qui je dis les choses. Et j’aime garder ma vie privée, privée. De tout le monde mais plus particulièrement de Mark Sloan.

Il faut dire que dans le genre coureur de jupons invétéré, imbu de sa personne, enquiquineur patenté, Mark Sloan est le maître incontesté. Il interrompt peu après une discussion entre Callie et Erica où cette dernière essaie de savoir ce que sa collègue a dit à Mark. Mark fait une réflexion stupide provoquant la fuite d’Erica. Callie lui demande d’arrêter mais il rétorque qu’il ne peut pas. Callie ajoute qu’Erica déteste ça et Mark répond que c’est justement la raison pour laquelle il ne peut pas arrêter. Pour le faire cesser de rire, Callie lui jette son os de poulet dessus et on sent une réelle camaraderie entre eux. Il n’est plus question de sexe mais d’intimité.

Peu après, Callie et Cristina trouvent un nouvel appartement plus grand à partager et Callie discute quelques instants avec Erica. Elle lui dit qu’elle comprend ses réserves mais qu’elle a besoin de pouvoir discuter et que Mark est son ami. Erica répond alors : « Je suis peut-être simplement jalouse qu’il t’ait vue nue. »

 

Tout s’accélère dans l’épisode suivant « Brave New World ». Erica aide Callie à déménager et caresse son dos l’espace d’un instant. Callie se recule, visiblement gênée. Erica semble mal à l’aise également mais prend son courage à deux mains et invite Callie à sortir.

ERICA : Est-ce que tu voudrais sortir avec moi ?

CALLIE : Comme un rendez-vous rendez-vous ?

ERICA : Oui, tu sais. Restaurant, bougies, bouteille de vin. À la fin de la soirée je tente de t’enlever tes vêtements.

CALLIE : Ah heu… ça serait un rendez-vous.

Erica semble très contente d’avoir fait le premier pas et heureuse de l’avancée de leur relation. Callie par contre est beaucoup plus mal à l’aise. Elle est complètement perdue, perturbée, gênée. Elle panique tellement qu’elle en parle à Bailey qui n’en revient pas. Bailey qui regarde ensuite Erica observer Callie avec un grand sourire. Bailey qui lui dit que comme pour tout territoire inexploré, elle doit être préparée à cette exploration. Elle lui dit de parler des règles, des attentes et de tout le reste avec Erica. Un discours très embrouillé mais profondément émouvant qui a le mérite de remettre les idées en place de Callie. Elle arrive donc au restaurant en déclarant : « Nous avons besoin de nos propres règles. »

CALLIE : Nous avons besoin de nos propres règles !

ERICA : Quoi ?

CALLIE : Des règles.

Callie explique alors qu’elle ne se sent pas prête à découvrir le « territoire en dessous de la ceinture » tout de suite. Comprenant ses craintes, Erica la rassure en lui disant qu’elles peuvent se contenter d’aller doucement. Elle lui tend son verre de vin en lui proposant de le finir et commence à regarder la carte des menus. Callie est soulagée d’avoir pu parler et observe Erica, heureuse.

Et à partir de là, tout devient incompréhensible.

 

Dans le cinquième épisode, Erica et Callie se retrouvent après leur rendez-vous chez Callie. Elles discutent de combien c’est rassurant de prendre son temps et de ce que cela enlève la pression, puis finissent par se jeter l’une sur l’autre. Tout pourrait aller pour le mieux si le lendemain matin Callie ne se précipitait pas auprès de Mark pour lui demander conseil et lui dire qu’elle n’a pas pu… Elle demande son aide à Mark d’autant plus qu’Erica semble avoir apprécié la soirée.

Peu après, Erica recroise Callie et met la main dans son dos. Là, Callie lui explique qu’elle ne peut pas la revoir après ce qui s’est passé. Erica pense que c’est parce qu’elle n’a pas aimé et Callie ne la détrompe pas. Elle se précipite auprès de Mark et lui dit qu’elle a besoin d’exceller dans ce qu’elle fait. Elle demande donc à Mark de lui montrer. Ce dernier ne se le fait pas prier et lui dit de quitter son pantalon. Callie est excitée à l’idée de découvrir « la méthode de Sloan » et le remercie à plusieurs reprises. Une fois ce moment passé, elle retrouve Erica et lui dit d’enlever son pantalon pendant qu’elle quitte son haut parce qu’elles vont recommencer.

Ok. Donc qu’une femme ne sache pas comment s’y prendre avec une autre femme pour sa première fois, à la rigueur, ça peut se concevoir. Je dirais même plus, ça se conçoit, c’est une première fois. Qu’un homme sache comment s’y prendre avec une femme, ça se conçoit, je dirais même plus, ça s’entend. Par contre qu’une femme aille demander à son meilleur ami de lui montrer de manière purement clinique et pratique, là j’avoue, ça me choque un peu plus. Un peu beaucoup plus. On occulte complètement les aspects sentiments, communication, communion, échange…

 

Et tout s’arrange dans l’épisode 6 « Life During Wartime », Erica et Callie se réveillent ensemble. Elles viennent visiblement juste de faire l’amour vu leur bonne humeur et leurs éclats de rire. Bon d’accord, elles sont habillées jusqu’au cou mais on suppose. Erica regarde Callie s’habiller et lui dit qu’elle est comme ses lunettes. Elle lui fait une superbe déclaration :

ERICA : C’est comme d’avoir des lunettes.

CALLIE : (en riant) Je t’ai rendue aveugle ?

ERICA : Non. Quand j’étais enfant, j’avais ce mal de tête. Et je suis allée chez un médecin et ils ont dit que j’avais besoin de lunettes. Je ne comprenais pas ça. Cela n’avait pas de sens pour moi parce que je pouvais voir clairement. Et ensuite, j’ai eu les lunettes et je les ai mises. Et je suis dans la voiture sur le chemin de la maison, et tout à coup, je hurle. Parce que les grosses tâches vertes que je voyais depuis toujours. Ce n’était pas des grosses tâches vertes, c’était des feuilles… sur les arbres. Je pouvais voir ces feuilles. Je pouvais voir les feuilles. Et je ne savais même pas que je manquais les feuilles. Je ne savais même pas que les feuilles existaient. Et… les feuilles ! Tu es les lunettes. Je suis tellement gay ! Je suis tellement tellement tellement gay. Je suis extrêmement gay.

Callie est choquée d’entendre cette révélation et ne sait pas quoi répondre. Elle est plus que surprise et part… se précipiter auprès de Sloan et coucher avec lui. Elle lui dit de ne pas parler, qu’elle est seulement là pour le sexe. Après avoir couché avec Callie, Mark lui demande ce qui lui prend. Callie lui explique alors qu’Erica a eu une révélation qu’elle n’a pas eue, elle. Elle aime autant coucher avec Mark qu’avec Erica. Mark lui dit de parler à Erica et Callie le fait. Elle confie à son amante qu’elle continue de coucher avec Mark puis explique à celui-ci que c’est la dernière fois avant de partir prendre un verre avec lui chez Joe.

Cet épisode est des plus frustrants parce qu’il nie totalement la question des sentiments. On a l’impression que le sexe n’est que du sexe. Que c’est simplement de la mécanique.

 

Et l’épisode suivant est le dernier de la relation Callie-Erica. Apprenant que Izzie a volé le cœur qui a été greffé à l’homme qu’elle aimait, Erica demande au chef de faire une enquête. Elle apparaît comme une méchante bornée et sans cœur qui ne comprend pas que l’on puisse agir par amour. Cruelle fin et déception quand Callie et Erica se quittent sur le parking après s’être disputées.

Pourquoi Erica quitte-t-elle la série me demanderez-vous ? Eh bien, là est la question à dire vrai. Le 03 novembre dernier, le journaliste Michael Ausiello travaillant pour Entertainment Weekly a déclaré que le personnage quitterait la série le 06 novembre, dans ce septième épisode « Rise Up ».

Évidemment, Shonda Rhimes, la créatrice, s’est empressée d’expliquer que : « Brooke Smith n’a certainement pas été virée parce qu’elle interprétait un personnage lesbien. Ce n’est clairement pas un problème que nous ayons un personnage lesbien dans la série, Calliope Torres. Sara Ramirez est une actrice et comédienne incroyable et nous voulons être capable de jouer avec sa magie. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé que cette magie et cette alchimie avec le personnage de Brooke auraient pu être soutenues longtemps. »



Alors déjà, il ne faut pas me prendre pour une imbécile. Parce que qualifier de lesbienne, Callie Torres, c’est me prendre pour une imbécile. J’ai regardé les épisodes ! Callie est celle qui a dit que c’était aussi génial que de coucher avec Mark ou Erica. C’est elle qui s’est envoyée deux fois en l’air avec Mark alors qu’elle venait de faire l’amour avec Erica le matin-même. C’est elle qui n’a pas de lunettes. Et vous la qualifiez de lesbienne ! Revoyez votre dictionnaire madame !

Ensuite, le coup de l’alchimie faut pas non plus me le faire à moi. Non parce que sérieusement, l’alchimie entre Callie et Erica était bien plus importante que l’alchimie entre Erica et Cristina ! Vous savez, la première rumeur ! Et puis vous aviez le temps, tout le temps que vous vouliez !

Là où ça se complique un peu pour les publicitaires, c’est que Kristin Dos Santos de E! Online a expliqué que le renvoi de Brooke Smith avait un rapport avec la nouvelle ligne de conduite de la chaîne ABC concernant la série Grey’s Anatomy. Cette dernière serait en cours de « dégayisation ». On vire la lesbienne, on rend la bisexuelle lesbienne par la pensée, on supprime la notion de bisexualité chez la nouvelle venue interprétée par l’actrice Melissa George (qui devait au départ être une possibilité pour Callie qui aurait ainsi semé le trouble dans le couple Callie-Erica).

Pourquoi une telle « dégayisation » me demandez-vous ? Je n’en ai pas la moindre idée et je pourrais me perdre pendant des pages en théories les plus folles. Il semble que la décision provienne de la chaîne de diffusion, ABC (American Broadcasting Company) qui, si vous l’ignorez, fait partie depuis 1996 de la Walt Disney Company. Je dis ça, je dis rien.

Ce qui est le plus exaspérant c’est qu’avec la disparition du couple Callie-Erica, on sent que tout a été marketé au plus au point. L’arrivée de la lesbienne supposée. Sa relation amicale avec un personnage. La possibilité d’une histoire validée par Addison. La mise en place de ladite histoire et la disparition de celle-ci. Une manière d’augmenter l’audience sans aucun respect du public.

 

Je suis énervée par le fait qu’aujourd’hui, on accepte de faire de nombreux épisodes isolés sur des gays et lesbiennes sans qu’ils n’aient le droit d’apparaître au générique en tant que personnage régulier. Savez-vous qu’en 2007, l’épisode 7 de la saison 3 « Where the Boys Are » a remporté un GLAAD Media Award pour sa représentation d’un couple gay. Saviez-vous également qu’il y a eu d’autres épisodes isolés ? Un mettant en scène un couple âgé de lesbiennes, l’autre mettant en scène un couple gay de militaires ? N’avons-nous plus le droit de cité que nous devons nous contenter de passages éclairs ?

Je regrette également cet emballement américain actuel qui veut que l’on ne montre plus de lesbiennes mais des bisexuelles. House a commencé avec le personnage de Thirteen, Bones a continué avec celui d’Angela Montenegro et Grey’s Anatomy aurait dû suivre avec Sadie qui est finalement redevenue hétéro.

Permettez-moi d’ôter mes lunettes. Je n’ai plus envie de voir clairement…

 

Isabelle B. Price (16 novembre 2008)




JE SUIS MALADE...


Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 



Comme certains d’entre vous le savent, je suis infirmière. Vous êtes déçus d’apprendre que je ne vis pas de ma plume, malgré ce réel talent qui m’habite… désolée de vous décevoir. C’est ça la vie, on ne fait pas toujours tout ce que l’on veut et ce que l’on aime.

Bref, je suis infirmière et aujourd’hui, je suis malade. Oui, je suis infirmière et du coup, je n’ai pas le banal rhume qui vous touche tous plus ou moins. Non, moi, je ne suis pas enrhumée. Moi je suis malade, vraiment malade. J’ai mal à la gorge, le nez qui coule et une toux sèche. Parfaitement !

Et j’ai de la température. Pas besoin de la prendre pour le savoir. J’ai chaud, j’ai froid, j’ai des frissons. En service, si j’avais été une patiente, on m’aurait piqué des hémocultures depuis belle lurette et on m’aurait collé sous antibiotiques. Oui mais non ! Justement parce que je suis infirmière, je ne veux pas de médicaments. Non ! Mon immunité naturelle va venir à bout de cette énorme maladie et je serais sur pied dans quelques jours. Alterner l’aspirine et le paracétamol sert seulement à accélérer un processus de guérison que je sais déjà en marche.

Je suis donc malade et, alors que tant de choses me rapprochent de ma mère, là je dois avouer que je ressemble plus à mon père. Déjà il ne faut pas me parler, bon, le gros avantage d’être célibataire et de vivre seule c’est que ça facilite les choses de ce point de vue là. Ensuite, il faut me laisser faire la gueule autant que je veux et me murer dans le silence si j’ai envie. Enfin, il faut me laisser me plaindre. Ben oui, je suis stoïque, j’affronte l’insurmontable, personne ne le voit, il faut bien que je prévienne quand même.

Alors que je me mouche pour la millième fois de la journée, je dois reconnaître que je viens de découvrir l’avantage d’avoir une poubelle de bureau. Elle ne sert peut-être à rien en temps normal mais là, elle rend le jeter de mouchoirs presque agréable.

J’ai pensé à demander une hospitalisation à domicile. Oui, on ne se rend pas compte mais quand on est épuisée et malade et qu’on doit faire les courses, faire la cuisine, se laver, c’est horrible, c’est presque insurmontable. Heureusement que je suis une femme forte, vous savez.

Je vais donc de ce pas regagner mon lit afin de laisser mes petits globules blancs se réunir en véritable armée pour combattre l’envahisseur et lui apprendre à vouloir venir conquérir nos terres. Il ne sera pas dit que nous ne vaincrons pas.

Ah et si jamais ce terrible rhume venait à triompher, j’aimerai que sur ma tombe soit inscrit : « A combattu avec courage mais l’adversaire était trop fort. »

Bien à vous.

Isabelle B. Price






MA SÉRIE LESBIENNE IDÉALE

Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 


Dernièrement, le chef (C’est moi, le chef ! Ouais ! [Note de Daniel C. Hall]) m’a proposé plusieurs sujets pour ma désormais célèbre rubrique (oui, elle commence à être connue à travers le monde entier… Ah non ? Dommage…), à savoir quelle serait ma série lesbienne idéale. Il voulait que j’en parle avec humour mais c’est un sujet des plus sérieux. Si, c’est sérieux ! Je me suis donc posée la question ainsi : « Quelle serait ma série lesbienne idéale ? » Ben oui, je suis la première à critiquer (de manière constructive, évidemment) telle ou telle représentation alors qu’est-ce que j’aimerais voir, au final. Excellente question, je vous l’accorde. Commençons donc.

Premièrement, ma série lesbienne idéale ne serait pas une série lesbienne. Déjà ça commence mal, vous ne trouvez pas ? Ma série lesbienne idéale ne serait pas uniquement et seulement centrée sur un groupe d’homosexuelles comme The L-Word. Désolée de dire qu’on ne fait pas une histoire intéressante à partir de si peu. Ma série lesbienne idéale serait donc une série avec un réel propos beaucoup plus large. Je m’explique. Je préfère voir une série posséder un personnage lesbien à multiples facettes et interagissant avec des personnes très différentes comme dans la réalité. J’aime ces microcosmes miroirs de la société permettant de dénoncer les dérives actuelles. En conséquence, ma série lesbienne idéale serait une série policière dont le commissariat serait l’un des lieux principaux d’action, une série médicale où les héros vivraient régulièrement à l’hôpital, une série centrée sur un lycée avec les professeurs, les élèves et les conseillers d’orientation ou même une série se déroulant dans un tribunal ou une prison. Parce que les différences sociales, familiales, culturelles et sexuelles ne seraient pas au cœur de l’histoire et qu’elles n’empêcheraient en rien les héros d’avoir un but commun à atteindre malgré leurs divergences d’opinions et leurs diverses manières de travailler.

Deuxièmement, ma série lesbienne idéale ne planterait pas une lesbienne dans le décor pour assouvir les quotas actuels. Je vais peut-être choquer en disant que je n’attends pas que l’homosexuelle de service dévoile ses préférences sexuelles en se présentant du genre : « Bonjour, moi c’est Isabelle, je suis lesbienne. » Non, ce qu’il y a de propre au fait d’être gay c’est que cela ne se voit pas sur le visage. Il y a des codes, des comportements qui tentent à laisser supposer que telle ou telle personne pourrait être homo mais il n’y a pas de garantie à 100 %. Contrairement au fait d’être noir ou blond ou grand ou petit, cette particularité n’est pas visible. Donc j’aimerais que de ce point de vue là, notre héroïne ne l’ « avoue » pas (je n’aime pas ce mot alors je le mets entre guillemets, parce que « avouer » donne le sentiment d’un crime accompli) dans le pilote. Elle attendrait, comme dans la réalité, de connaître les gens avant d’en parler ou même d’en avoir tout simplement l’occasion.

Troisièmement, je me refuse absolument à toute différence de traitement vis-à-vis des autres personnages parce que mon héroïne serait lesbienne et représenterait (holala le gros mot) une communauté. Un personnage ne représente jamais une communauté dans son ensemble ou sa totalité (pourquoi avoir créé un site comme le mien alors me direz-vous… Je vous en pose, moi, des questions ?). Non, un personnage doit être ramené à ce qu’il est réellement : un personnage ; et s’il est vraiment bien interprété et écrit : un individu. Mais un individu unique ne parviendra jamais à représenter une quelconque communauté dans toute sa diversité et sa complexité. Donc il ne faut pas perdre cela de vue et ne pas insister sur le fantastique de l’homosexualité (je pense à la fin de South Of Nowhere, à vomir avec cette mise à l’écran du couple Spashley par l’auteur). On n’est pas là pour faire plaisir aux téléspectateurs, on est là pour raconter une histoire. Pareil, on n’est pas là pour plaire aux censeurs, on est là pour traiter de tous les problèmes et avec une égalité de paroles et de scènes d’amour. Donc on n’évite pas les scènes de sexe lesbiennes si les hétéros passent leur temps à baiser dans les quatre coins du commissariat, de l’hôpital ou du lycée… et si les hétéros ne le font pas, il n’y a pas de raison que les homos le fassent. Compris ?



Quatrièmement (qui reprend un peu le troisièmement à propos de l’histoire), mon héroïne homosexuelle (j’aime bien ces mots-là, je trouve que ça sonne très léger) a droit aux mêmes histoires que les autres. C'est-à-dire que si Paula, qui est mariée et a deux enfants, trompe son mari avec son patron et tombe enceinte avant d’avorter mais que ça ne marche pas et qu’elle accouche alors que l’avion vient de se crasher et que son mari a tué l’amant qui avait un frère jumeau qui va l’aider à mettre au monde son neveu avant de s’avérer être un tueur en série... et bien, ma lesbienne ne va pas rester gentiment avec la même femme durant toute la série et faire du tricot entre deux opérations à cœur ouvert. Compris ? Dans ce cas-là, elle tombe amoureuse de la sœur de Paula qui n’avait jamais envisagé de sortir avec une femme mais qui est troublée par mon héroïne homosexuelle. Elle plaque donc son petit ami du moment, qui décide de lui faire un chantage au suicide mais se trompe dans les doses et se suicide vraiment, Paula le découvre et parvient à le réanimer à la dernière minute, le faisant sombrer dans un coma profond. Son ex regrette alors de l’avoir plaqué et le veille jour et nuit, tentant de s’éloigner de la femme de ses rêves, qui en parallèle se jette à corps perdu dans le travail et sauve la totalité des passagers du crash d’avion précédemment cité, avant d’être gravement brûlée au visage par l’explosion de celui-ci et d’être défigurée. La sœur de Paula réalise alors qu’elle l’aime et la greffe (ayant échouée à deux reprises) finit par prendre avant qu’elles ne passent leur première nuit ensemble. Mais pendant ce temps, l’ex dans le coma se réveille, bien décidé à tuer sa rivale en s’associant à son beau-frère psychopathe par alliance. De l’égalité de traitement dans les histoires donc.

Cinquièmement, le temps d’antenne et la place de mon héroïne lesbienne. Je prône une série avec plusieurs héros comme Grey’s Anatomy ou NYPD Blues et non pas un héros ou un couple de héros avec des personnages secondaires comme Alias ou Bones. En conséquence, mon héroïne a droit au même temps d’antenne que les autres et sera considérée comme égale à ses collègues, cela va de soi, et ça reprend les deux précédents points mais c’est à préciser. On est plus près de Kerry Weaver (Urgences) que de Willow (Buffy contre les Vampires), même si je préfère Willow à Kerry. Parce que Willow est considérée comme un personnage secondaire par rapport à Buffy alors que Kerry a, parait-il, été traitée à égalité avec Mark ou Carter.

Sixième et dernier point, pitié, pitié, pitié, concernant l’histoire il ne faut pas qu’une semaine après avoir rencontré sa future petite amie, mon héroïne lesbienne emménage avec elle (même pas pour l’aider si l’autre est à la rue et surtout pas avant) ni qu’elles pensent à avoir des enfants en fêtant leurs trois mois ensemble et qu’elles partent en Belgique pour l’insémination artificielle à leurs six mois et se battent pour la garde de leur enfant lors de leur divorce (Quoi elles ont oublié de se marier ? Non, vous avez juste raté un épisode.). Il faut comprendre et entendre que les femmes peuvent être des femmes en dehors de la maternité (même si je n’ai rien contre les lesbiennes qui ont des enfants, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit). Être une femme à l’heure actuelle c’est avoir un métier, se battre pour être considérée comme l’égale des hommes, se battre pour être écoutée. C’est affronter sa famille qui demande quand est-ce que les enfants vont arriver, quand la personne idéale va se présenter, quand le mariage gay va être légalisé. C’est acheter un appartement, s’endetter sur 30 ans, apprendre à changer les roues de sa voiture et savoir vérifier les niveaux. C’est réconforter les amis, se pointer à l’improviste chez eux quand ça va mal, faire cramer le repas… C’est tout ça et encore plus et je peux vous assurer qu’il y a matière à écrire quelque chose de bon ! Pareil pour l’histoire du coming-out, ça n’est pas obligatoire. Juré craché !

Je pense avoir fait approximativement le tour même si j’en ai certainement oublié. Par contre, pour vous donner une idée de que cela donnerait, je vous offre quelques petits exemples afin que si un aspirant scénariste passe par là il n’hésite pas à me contacter…



Version Soap Opera : Samantha est la fille aînée de la famille Rat d’Egoût qui dirige la maison de parfum Puanteur. Alors que ses parents viennent de se remarier pour la troisième fois (ensemble, je ne compte pas les autres mariages entre leurs remariages successifs), elle doit rentrer d’Europe après l’accident qui a laissé son jeune frère paralysé. Elle doit prendre la relève et diriger l’entreprise. C’est ainsi qu’elle rencontre Dana, le nez de l’entreprise, qui n’a pas qu’un nez de magnifique. Elle est troublée par cette femme et rompt avec sa petite amie, Lexie, abandonnée à Londres. Dana met 378 épisodes avant de succomber aux attentions de Samantha… mais c’est alors que Lexie arrive avec leur fils. La lune de miel de Samantha et Dana ne dure pas, cette dernière ignorant que Sam était mère. Blessée, Sam recouche avec son ex pendant que Dana est empoisonnée par Lexie qui est une tueuse en série prête à tout pour retrouver celle qu’elle aime. Dana commence à devenir folle alors que Sam explique à Lexie que tout est bel est bien fini entre elles. Mais Lexie refuse de perdre Sam et empoisonne son propre fils. Sous l’effet du poison, Dana menace de tuer Samantha avant de réaliser qu’elle se trompait de personne et assassine Lexie. Elle est condamnée à la prison à vie, endroit où elle retrouve tous ses esprits et sombre dans la dépression pendant que Sam se bat pour lui envoyer de quoi continuer à travailler sur leur nouveau parfum dans sa cellule…

Version Drame Médical : Samantha est médecin. Elle se dévoue corps et âme à ses patients pour devenir la meilleure et ainsi ne pas trahir la confiance que ses parents ont placé en elle. Elle a toujours été la première parce qu’elle a toujours beaucoup travaillé et tout sacrifié à son art. Arrivée dans ce nouvel hôpital, elle rencontre Dana, fille d’un éminent chirurgien cardiaque au QI impressionnant et dont la passion est de retaper de vieux bateaux mais qui a fait médecine par tradition familiale. Ça l’ennuie mais elle est première de sa promotion, tradition oblige. Les deux vont s’affronter, le ton monte, elles commencent à se battre avant d’apprendre à se respecter. Lors de la fin de la première saison, un patient qui a fumé près de la bouteille d’oxygène déclenche une explosion qui entraîne l’écroulement d’un étage et de nombreux blessés. Samantha et Dana mettent leurs forces en commun et réalisent qu’elles sont plus efficaces ainsi. Elles deviennent amies. Le père de Dana, qui sait qu’elle est lesbienne et qu’elle collectionne les conquêtes, décide de la forcer à se marier, déclenchant la fureur de sa fille qui se sent incomprise et donc quitte le château familial pour habiter dans un de ses bateaux. Elle se rapproche de Sam ; toutes deux tombent amoureuses avant que Sam ne soit poursuivie à la fin de la saison pour faute professionnelle suite au décès d’un patient en fin de saison 3 (Oui, je sais, j’ai oublié la saison 2).



Version Drame Policier : Samantha vient de terminer ses classes et arrive dans un nouveau hôtel de police en tant que commandant. Tout le monde ne l’accueille pas avec amabilité. Après tout, c’est une femme, qui plus est extrêmement séduisante. Elle ne s’encombre pas de diplomatie et fait le ménage dès son arrivée. Elle braque toute son équipe qui refuse de travailler avec elle. Pourtant, elle est plus que compétente ; Dana est bien obligée de le reconnaître. Alors que Dana a toujours pensé qu’il fallait faire changer les choses en douceur, elle est surprise de voir que les méthodes radicales de Sam sont plus efficaces qu’elle ne le pensait. Elle décide de s’allier à sa patronne, elle la lesbienne de service qui a tout fait pour que ses qualités de flics marquent plus les esprits que sa sexualité. Rapidement l’attirance entre les deux femmes s’imposent sur les planques, les soirées au poste et les enquêtes. Dana fait le premier pas (fin de saison 1) et réalise (après une lune de miel qui dure toute la saison 2) que sa patronne n’est pas prête à accepter de vivre au grand jour son homosexualité. Débute une relation cachée (toute la saison 3) qui étouffe Dana jusqu’à ce qu’elle rompe (fin de saison 3). Lorsqu’elle est blessée et perd la mémoire au début de la saison 4, Samantha est obligée de reconnaître ses sentiments et de les vivre au grand jour.

Version Drame au Lycée : Lorsque ses parents meurent dans un accident de la route, Samantha (étudiante en dernière année de psychologie) se retrouve seule pour veiller sur ses deux jeunes frères. Alors que l’un rate ses études au lycée, le second peine au collège. Elle trouve un travail comme psy dans le lycée de son frère et commence à gérer les problèmes que ses deux frangins occasionnent. Débordée, elle ne trouve un peu d’air que dans le bar lesbien de sa meilleure amie. Un soir, alors que ses amies l’ont fait boire (contre son gré, évidemment), elle rencontre une belle rousse incendiaire du nom de Dana, avec laquelle elle passe une nuit passionnée. Le lendemain, elle découvre que cette Dana est la nouvelle professeure de biologie et qu’elle va la côtoyer tous les jours. Un jeu du chat et de la souris s’instaure entre elles, compliqué par l’arrestation du frère qui a fumé du cannabis et les problèmes avec les mensualités du crédit de la maison…

De l’imagination, du respect et de l’égalité, je ne demande pas plus.

 

Isabelle B. Price (14 Septembre 2008)




LA FRANGINE DE LA HONTE

 

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

L'objet du délit...


Je suis l’aînée d’une fratrie de trois. En tant que telle, je pense avoir droit à un minimum de respect. Ce n’est pas parce que mes deux petits frères me dépassent tous les deux d’au moins dix bons centimètres qu’ils ont le droit de se moquer de moi devant tout le monde ou de me ridiculiser, non mais quand même… Hé bien figurez-vous que Titou l’a fait !

Titou, c’est mon plus jeune frère. On a six ans d’écart et je suis la seule qui continue à l’appeler Titou. Après un certain âge, il y a des surnoms qui ne vous vont plus du tout. Les autres ont cessé de le baptiser ainsi mais moi, je continue. Peut-être parce qu’il restera toujours mon tout petit frère à qui je faisais des misères et que je réconfortais dans mes bras quand il pleurait. Je ne sais pas.

Le fait est que ce soir là, on devait sortir, Titou, Vince et moi au restaurant. On devait rencontrer des amies et je m’étais quand même un minimum pomponnée. Je suis une fille nom de Dieu ! Donc j’avais pris une bonne et longue douche chaude, je m’étais parfumée, coiffée, maquillée etc. etc.

Seulement, avant de me lancer dans tous ces préparatifs artificiels mais tellement nécessaires pour ne pas ressembler à Quasimodo, j’avais du choisir ma tenue. Comme je vous l’ai précédemment expliqué, je suis une femme ! Et en tant que telle, j’ai le droit de faire des essais de tenues, de m’interroger sur le choix le plus judicieux, d’hésiter, de déballer mes vêtements, de les comparer... Je n’abuse pas de ce droit. Comme toute personne réfléchie, je sais qu’il a ses limites et je reste donc très vigilante dans la manière dont je l’utilise.

Cet après-midi-là, j’avais donc sélectionné mon plus beau pantalon, celui qui me fait de magnifiques fesses (on ne sait jamais qui peut les regarder après tout), je savais très bien ce que j’allais mettre comme sous-vêtements (il faut se sentir bien dans sa peau, c’est le principal), il ne me manquait donc que le haut.

Le problème des hauts, quand on a trouvé le bas, c’est qu’ils doivent s’accorder. Donc je choisis une première chemise noire, avec des épaulettes sympas et je la montre à mon petit frère. Malheur, ce dernier a du mettre son manga en pause pour me donner son avis ! Déjà, ça commençait mal.

En même temps, comme je sais que sa patience a des limites, je n’essaye pas ladite chemise et je me contente de la coller contre moi pour lui demander ce qu’il en pense. « Ouais pas mal… » fut sa première réponse. C’est trop nul comme réponse, je vous jure, c’est trop horrible comme réponse. Du coup, pas certaine du tout que le choix soit si judicieux, je remonte quatre à quatre les marches pour aller chercher dans ma chambre la seconde chemise que j’avais entrepris de lui décrire sans y parvenir.

Je redescends avec cette chemise et je fais de même côté visualisation. Verdict : « Je préfère la première. » D’accord, ça c’est très bien, ça m’oriente sur mon choix. Alors que je penche pour cette première chemise et que je m’apprête à m’arrêter sur ma tenue, je lui fais soudain remarquer que nous sommes chez papa et maman et qu’il risque de faire froid le soir venu. Pas bête et la main sur la souris pour relancer son manga, mon frangin me fait gentiment remarquer que j’ai raison. Je suggère alors de mettre la veste noire suspendue à la porte et qui attend impatiemment que je recouse les boutons des manches.

Titou note qu’avec une veste noire, je ne peux pas mettre une chemise noire (merci, mais ça je l’avais compris toute seule il y a déjà fort longtemps). Je lui parle donc de ce t-shirt gris avec la boucle d’oreille qui est génial sous ma veste noire. Il me dit qu’il ne connaît pas (ah celui-là… quand il veut pas vous aider, il ne veut vraiment pas vous aider !). Je remonte donc au premier, récupère le t-shirt et le descend.

Je le lui montre, passe la veste sur mon t-shirt rouge en collant le gris devant moi et lui explique l’ensemble. « Ça, c’est bien. » Parfait, c’est ce que je voulais entendre. Merci Titou. Je demande quand même si les paillettes sur le t-shirt ne font pas trop avec les paillettes sur le jean mais il me rassure, c’est parfait.

Impeccable. Une fois préparée, je passe donc cette tenue idéale, prête à partir.

Je me sens forte, sexy, intouchable. J’ai trop la classe mes amis. J’enfile mes chaussures, récupère mon sac à main après avoir fait un rapide check-up pour vérifier que rien ne manque et me décide à rejoindre mon père et ma mère qui discutent dehors. Ils sont assis sur les chaises de jardin, au milieu de la pelouse. Je leur explique que j’attends Titou qui se rase (il faut toujours qu’il se réveille au dernier moment, celui-là !).

Je m’assois négligemment sur le bord de la table (on a la classe ou on ne l’a pas !) Ma mère note ma tenue parfaite et je fais la fille qui réussit toujours à s’habiller aussi bien. De temps en temps, les compliments de ce genre, ça vous fait un bien fou à l’ego. Il ne faut donc pas hésiter à les accepter.

Ma mère, d’un œil aiguisé, note donc que je suis magnifique, puis s’arrête soudain sur les chaussures. Ça, de toute manière, c’est systématique mais vous l’aviez déjà compris. Elle m’explique donc : « Tu es superbe mais tes chaussures sont vraiment horribles. Elles sont moches mais… je dis ça, je dis rien. » En fille avisée et habituée, je ne prête pas attention à ses déclarations. Mon père pouffe de son côté mais se tait, et je regarde mes pompes l’air de rien en répondant que moi je les adore.

Titou arrive soudain, rasé de près et fait celui qui m’attend. Il faut toujours que ce soit la faute des filles, c’est bien connu. Je me lève pour aller à sa rencontre et partir, lorsque soudain il balance : « T’es trop belle mais c’est quoi ces chaussures ??? Elles ressemblent à rien ! »


Mes chaussures de la honte de la mort qui tue ? Vraiment ?


Je regarde mon père qui rit ouvertement maintenant, ma mère qui fait sa tête du genre « je-te-l’avais-bien-dit » et je reviens à mon petit frère. Un complot ? Je suis d’humeur à pouvoir affronter n’importe quel complot. J’ai trop la classe, rien ne me fait peur, rien ne m’atteint.

La suite a donné à peu près ça :

« Titou, ce sont mes plus belles chaussures, je les ai choisis exprès avant de venir en vacances chez papa et maman.

― Ces trucs horribles ? Dis-moi que tu vas pas mettre ça !

― Heu… si.

― Non, tu ne pars pas avec ça… Tu vas me foutre la honte.

― Je les ai choisies exprès dans ma penderie…

― Tu fais du combien ?

― Quoi ?

― Tu fais du combien ?

― 40, 41…

― Je te donne mes baskets noires, c’est du 42. Le noir, ça va avec tout. Tu mets mes baskets et je mettrai mes chaussures de ville. »

Là j’avoue, je n’avais pas vu le vent tourner. Je le regarde comme si c’était un alien, attendant la chute, le grand éclat de rire… Rien, ce petit crétin est sérieux. Je tente de me défendre, de me justifier mais il est déjà reparti vers la maison.

Je me tourne vers ma mère qui lève les mains au ciel en signe d’innocence, alors que mon père a depuis longtemps refusé de me venir en aide tellement il est plié de rire. Ma mère ajoute tout de même un petit « Il a raison, le noir ça va avec tout » qui m’oblige à rejoindre Titou dans la maison. Il a quitté ses godasses, a chaussé son autre paire, et soudain il me tend ses baskets noires avec désinvolture. On va être en retard à ce rythme, je vous le dis !

Pleine de bonne volonté et pour lui montrer qu’il se trompe et que mes baskets beige sont parfaites, j’accepte de mettre ses chaussures. Il observe le résultat, très fier de lui, et balance négligemment un « C’est déjà mieux. » Ah ben, merci. Ces chaussures ne me vont pas du tout ; moi, je préfère les autres. Je tente de le lui expliquer mais il n’écoute pas, et comme de par hasard mes parents arrivent à ce moment-là et ma mère ajoute : « C’est bien mieux. »

J’hésite à tous les tuer. Ils vont quand même réaliser que mes autres chaussures sont plus adaptées. Ils sont aveugles ou quoi ? Ils n’ont aucun goût, c’est pas possible… Mais qui m’a donné une famille pareille ?

Malheureusement, après plus de dix minutes d’explications ; je dois me rendre à l’évidence. Ils sont persuadés que c’est moi qui a mauvais goût. Comme nous ne pouvons pas perdre plus de temps, j’accepte finalement de mettre les baskets de mon frère et nous partons pour le restaurant.

Ma super confiance en moi a basculé, est-ce vraiment moi qui a mauvais goût ? Quand même, ce sont mes plus belles baskets ! Je préfère ignorer cette question existentielle et me concentrer sur la conversation et le repas.

Évidemment, Titou aborde le sujet de mon incapacité à choisir une paire de chaussures et je me prends la honte devant mes amis. Ça, c’est fait. Au moins, il y en a que ça fait rire. Et, alors que je cherche un moyen de me venger et de bien m’en tirer (il est dur maintenant de me battre contre lui, il a une masse musculaire légèrement plus importante… bon d’accord, beaucoup plus importante), je le vois soudain se pencher vers ses pieds.

Je regarde Titou sans comprendre. Il bricole quelque chose au niveau de ses pieds, et c’est étrange vu qu’il n’a rien fait tomber par terre. Il se retourne soudain vers moi et me chuchote à l’oreille : « Putain de godasses, je les ai pas mises assez, elles me serrent… et elles me font mal… »

On a finit de manger à 23 heures et il n’a pas pu quitter ses chaussures…

Il a gesticulé toute la soirée sur sa chaise, tellement il se sentait mal à l’aise…

Autant vous dire que ça m’a largement suffit comme vengeance….

 

Isabelle B. Price (01 Septembre 2008)

 





VERSION ORIGINALE SOUS-TITRÉE
CONTRE VERSION FRAN Ç AISE

Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 


Un exemple de sous-titres anglais bien meilleurs que la version française :-)



Dernièrement, j'ai regardé un épisode de la série Esprits Criminels (Criminal Minds) avec ma famille. Il était en version originale sous-titrée français (VOSTF) et mon père a commencé à se plaindre qu'il ne pourrait pas dormir en suivant (comme il le fait souvent). Avec mon petit frère, nous avons répondu que ça n'enlèverait rien à la série, et que ça nous ferait du bien de réviser notre anglais (il nous arrive d'être plutôt convaincants). Une fois l'épisode lancé, mon papa a rouspété que les sous-titres défilaient trop vite et qu'il n'avait pas le temps de tout lire. Mon frère et moi avons vraiment apprécié et comme à chaque fois, on a finit par se moquer de la version française. L'idée d'écrire cet article découle de cette soirée, mémorable et instructive.

Donc, voici les raisons pour lesquelles je suis persuadée que la version originale sous-titrée est plus intéressante que toutes les versions françaises possibles et imaginables, aussi réussies soient-elles.



Avant de commencer, je vous épargne l'argument des profs et de tout pédagogue qui vous fera remarquer que c'est très bon pour votre culture linguistique. Même si c'est un excellent argument, je ne vous mentirez pas en vous affirmant que vous allez parler anglais du jour au lendemain, seulement parce que vous adorez South Of Nowhere. Par contre, ça risque fort d'élargir votre répertoire de gros mots. Ce sont les premières choses que l'on retient en général et il faut dire que les « fuck » et « shit », répétés à tour de bras, ont tendance à très bien se retenir. Avec l'accent je vous pris.

Premier argument et non des moindres. La fidélité des dialogues et du contenu. Exemple Tara dans Buffy contre les Vampires qui dit à Willow. « I am, you know. Yours », traduit en version française par « Je le suis, des vôtres. » alors que le sous-titre tient compte du contexte et de la signification première en écrivant « Je le suis. À toi ». Ça a l'air de rien ? Mais ça dénature tout le texte et l'histoire !!! Argument simple mais qui a tout son poids. Combien de dialogues ont été dénaturés par la version française ? Des déclarations trop osées ou politiquement incorrectes atténuées et enjolivées ou complètement transformées. Xena, à ce titre, reste la série ayant le plus souffert d'une politique de censure extrême ayant permis de faire disparaître la plupart des sous textes (subtexts) de la version française. Parce que oui, je le dis et je le maintiens, la version française reste un très bon moyen de censurer ce que le PAF (Paysage Audiovisuel Français) ne trouve pas politiquement correct.



Deuxième argument qui rejoint le premier, la synchronisation. C'est sympa de voir que les mouvements des lèvres des acteurs correspondent aux dialogues. Pour faire coller ces dits mouvements, la version française tend à rajouter des mots ou a en enlever. C'est dommage. Et puis ça a quelque chose de très gratifiant de regarder un acteur bouger les lèvres sans prononcer de son et de savoir quel gros mot il vient de dire…

Troisième argument. Les voix et les personnages. Un acteur a sa propre voix. Je sais que cette phrase semble nulle mais elle est réellement cruciale. Vous assimilez très rapidement un personnage à une voix. Un exemple courant, Bruce Willis et sa doublure voix française. Une voix, un visage. Quand le doubleur a changé pour le film Incassable, ce n'était plus le Bruce Willis que l'on connaît. Ça ne collait plus.

J'ai découvert Six Feet Under en version originale sous-titrée. Je n'ai jamais pu regarder la série en version française tant les voix me semblaient mal choisies. Elles ne correspondaient pas aux acteurs et aux personnages. L'erreur flagrante de The L-Word, que je ne pourrai jamais suivre en version française, est d'avoir repris des voix que nous connaissons tous. Virginie Ledieu, qui est la voix française officielle d'Alyson Hannigan, double Tina Kennard. Vous y croyez ? Pareil pour Danièle Douet, qui doublait Helen Hunt dans le rôle d'Amie Buckman pour la série Dingue de Toi, et se retrouve à faire la voix de Bette (Jennifer Beals). Et Erin Daniels, doublée par Laurence Dourlens, qui est déjà la voix française de Sara Sidle dans Les Experts, de Billie dans Fastlane et Sidney dans Sidney Fox. Vous suivez ? Des voix trop connues qui nuisent à la crédibilité des personnages…



Quatrième argument ou réponse à ceux qui disent que ça fatigue de lire. On n'est pas des larves ou pour reprendre la superbe métaphore de l'un de mes profs lorsque j'étais en terminale, des méduses échouées sur une plage, flasques, visqueuses, inutiles et mortes. Quand on regarde la télévision, on peut être acteur, réceptif et critique. On peut tout simplement être attentif (sauf devant Derrick).

Et si ça va trop vite, ben on s'entraîne en regardant plusieurs épisodes. L'entraînement est nécessaire dans tous les domaines et l'entraînement vient de la pratique régulière. Verdict : un à deux épisodes par semaine, concentré sur le texte et ça vient tout seul.

En conclusion, si vous voulez vraiment découvrir une série ou un film dans sa réalité et son intégralité, il n'y a rien de mieux que la version originale sous-titrée. Pas de censure, pas de dénaturation, pas de déclarations ou de dialogues supprimés, juste ce que vous voulez voir. C'est tout.

 

Isabelle B. Price




LA CUISINE ET MOI...

 

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 



Dire que j’ai un problème avec la cuisine est un doux euphémisme. Je pense que je fais une réaction allergique au fait de devoir cuisiner mais que cela n’a malheureusement encore jamais pu être prouvé par aucun test ou éruption cutanée. Seulement prévoyante comme je suis, je préfère jouer la prudence et limiter mon temps de stationnement dans ma cuisine.

En même temps, ne pensez pas que je réagis ainsi parce que je ne sais pas cuisiner. Je sais cuisiner… suffisamment pour survivre en tout cas. Non, trêve de plaisanterie, quand je dois faire à manger pour la famille ou les amis, je parviens tout de même à faire des recettes demandant plus de 5 minutes de préparation. J’ai déjà fait un civet de lapin, je peux faire de vraies pizzas, des tartes, des quiches, des gâteaux au chocolat, des gratins… Seulement, je pense qu’enfant, j’ai réagi de manière très radicale à certaines obligations sociales et familiales.

En fait, comme pour de nombreuses petites filles, on a voulu me formater en me faisant jouer avec des poupées et en me mettant des robes. Ma mère s’amuse à dire qu’elle a dû arrêter les petites robes à fleurs et les chapeaux à l’instant où j’ai su dire non ; je ne suis pas loin de la croire. L’avantage d’avoir été élevée avec deux frères, c’est que je pouvais leur jeter à la tête les poupées que l’on m’offrait ou leur taper dessus avec afin de m’emparer de la caisse de Lego™ ou de leurs petites voitures. C’était une arme comme une autre, parfois réellement redoutable. Et comme de nombreuses petites filles donc, il était sous entendu qu’à l’âge adulte, pour être bonne à marier, il faudrait que je sache cuisiner et coudre.

Mes grands-mères n’auraient jamais du ne serait-ce que penser une chose pareille. Rien que par esprit de contradiction et par désir d’affirmer ma personnalité et mon autonomie, j’ai volontairement refusé d’écouter les conseils de mes parents en matière de cuisine et de couture. Même les essais répétés de mon père pour m’apprendre quelques rudiments de base dans ces deux matières ont échouées. Vous vous dites que mon père est un homme et que ses énormes compétences auraient dû m’impressionner et me faire reconsidérer ces rôles imposés. Il n’en a rien été. Et pourtant, je vous assure que mon papa travaille toujours, encore aujourd’hui, à me faire changer d’avis sur le sujet, l’air de rien.

Non, moi rien que pour enquiquiner mes grands-mères et aussi parce que franchement c’était tellement plus utile et rigolo, j’ai appris à changer les pneus de ma voiture, j’ai appris à poncer le bois, à restaurer les vieux meubles, à tapisser, à me servir d’un marteau et d’un burin, etc… etc. C’était tellement plus intéressant.

Et puis le partage des tâches, mes frères et moi avions tout de suite très vite compris comment ça fonctionnait. On a rapidement joué sur notre complémentarité. À trois, même les pires corvées peuvent devenir gérables. L’un mettait le couvert, tous les trois débarrassions, un autre essuyait la nappe pendant que le dernier passait le balai. Pareil pour les crêpes. Mon frère faisait la pâte, je faisais cuire les crêpes (le saut périlleux étant une chose attirante, c’était évident que ce travail me revenait) et le petit dernier attendait de voir s’écraser les crêpes dans l’assiette, tout prêt à les tartiner de Nutella™.

Tout cela pour dire que je cuisine parce que j’y suis obligée. On doit manger pour vivre. Et même si récemment j’ai décidé d’élargir mon régime alimentaire et de le diversifier, je continue à adorer me nourrir de pizzas congelées, de frites au four et de hamburgers surgelés. Mais comme je vous l’ai signalé, en ce moment je fais des efforts et je cuisine. J’alterne pâtes et riz, les premières avec de la sauce bolognaise (en boîte) et le second avec de la sauce aigre-douce (en boîte également). Leurs accompagnements de prédilection étant pour les premières les steaks hachés surgelés et pour le second les nuggets de poulet. Si ça, ce n’est pas cuisiner, je ne sais pas ce que c’est mes amis…

Mais ce jour-là, revenant d’un séjour d’une semaine chez mes parents, j’avais décidé de me lancer dans un plat plus conséquent. C’est le problème des séjours chez mes parents, mon estomac se réhabitue très rapidement à de l’excellente nourriture et se met donc à en réclamer quand il revient chez moi. Plutôt désagréable au départ, il faut juste qu’il comprenne qu’il vient de changer de département…

Donc bref, ce jour-là, je travaillais de soir. C’est-à-dire que je débute le boulot à 13h45, donc que je pars de chez moi à 13h15. Ces horaires décalés me laissent tout le temps de dormir, entre autre, mais surtout de cuisiner. J’avais pris une très bonne résolution et avait décidé d’utiliser les pommes de terre récupérées chez ma grand-mère pour me faire un excellent petit repas.

À 10h00, j’avais mis à décongeler mon steak haché, oui, il ne faut pas pousser trop loin non plus les excellentes résolutions. Enfin, j’ai découvert que quand on fait décongeler les steaks comme ça à l’avance, ils ont le cœur tendre après quand on les fait cuire. Oui, messieurs dames, j’ai découvert ça toute seule ! Mais revenons-en à nos moutons. Mon steak se décongèle et à 11h50, pas trop tôt non plus, sinon ça gâche ensuite le sentiment d’urgence avant d’aller bosser, je m’installe dans ma cuisine pour éplucher mes patates.

La musique à tue-tête, je m’assoie très calmement et l’épluchage se passe sans accroche. Ça commence bien. Ensuite je me mets en tête de les râper. Oui, parce que la superbe recette que je souhaitais faire est une recette familiale transmise de génération en génération par toutes les familles de France et de Navarre. On épluche des patates, on les râpe, on ajoute des œufs, on fait cuire le tout dans une poêle et on déguste. Facile en pratique mais long question cuisson.

Bien évidemment, vous vous doutez qu’il y a eu un problème. Enfin plusieurs même sinon ce ne serait pas marrant. Le premier a été le dérapage accidentel de mon doigt sur la râpe. J’en ai laissé un petit bout avec les patates. C’est super douloureux et forcément très handicapant pour une infirmière. Le pire c’est qu’en plus de la douleur, ça saigne abondamment sinon ce n’est pas drôle. Donc le but consiste à abandonner sans rajouter de casse ce que l’on faisait, de ne pas coller de sang bien rouge partout sur les patates râpées bien jaunes et de se précipiter sous l’eau. Là, ça cuit, vous vous maudissez en alignant les gros mots et vous ne faites pas comme moi, vous ne donnez pas un coup de pied dans le placard pour avoir mal ailleurs, c’est là qu’en général le placard n’aime pas. Bref. Ensuite vous vous mettez en quête d’un mouchoir en papier pour palier l’urgence. Une fois que l’hémorragie est régulée, vous partez à la recherche d’un pansement. Cette dernière partie, je ne l’ai pas faite puisque que comme tout le monde le sait si bien, c’est le cordonnier le plus mal chaussé. Donc, en tant qu’infirmière, je ne dispose d’aucun pansement chez moi. Limite déjà si j’ai du spasfon™ quand j’ai ces fichues douleurs mensuelles. Donc des pansements, holà malheureux ! Faut pas rêver non plus.

Une fois l’hémorragie jugulée avec un pansement ou un mouchoir en papier scotché autour du doigt (oui, il faut quand même qu’il tienne), vous pouvez reprendre votre activité. Là, le but est de ne pas perdre plus de temps parce que vous n’étiez déjà pas en avance (« Time time time is running out » comme le dit si bien la chanson). Donc vous reprenez en faisant attention aux autres doigts.

Une fois toutes mes patates râpées, j’ai fait chauffer mon huile dans ma poêle. Ah oui, j’ai simplifié la recette, je ne rajoute pas d’œufs. Non, depuis que j’habite seule je n’ai pas acheté d’œufs parce qu’ils ne les vendent que par 6 et que je n’arriverais jamais à les manger tous. Je me connais, j’en oublierais forcément un qui va pourrir dans le fond de mon frigo et ce n’est pas une bonne idée.

Ma poêle chauffe, je fais délicatement glisser les patates râpées en faisant gicler de l’huile partout. Manque d’habitude et de pratique, ça gicle toujours, je n’ai pas encore trouvé le truc de ce côté-là. Pendant que ça commence à crépiter, j’étale tout, je monte un peu le volume de la musique pour pouvoir danser derrière ma poêle et je jette un coup d’œil sur l’horloge. Je suis parfaitement dans les temps.

Mais c’est là que tout a foiré. Tout à coup, pffff. Oui, pffff. Moi aussi, je me suis dit c’est quoi ce pffff. Je me suis baissée pour regarder sous la poêle et là, je n’avais plus de feu. L’espace d’un instant, je me suis rappelée de ce que mon père m’avait dit une semaine plus tôt à savoir : « Elle est pas mal finalement cette petite bouteille de gaz, ça fait plus d’un an et tu ne l’as pas encore changée. » Ben oui mais non ! Je me suis dit : « Pas ça maintenant. Tout sauf ça maintenant. Pas aujourd’hui. » En femme intelligente et avisée, je suis donc allée secouer la bouteille pour voir. Elle s’est très bien laissée secouer. J’ai remis le feu… et j’ai eu une flammette. Force était de reconnaître que la bouteille était vide. Saleté de punaise ! Que faire ? Plus de midi déjà, et aller acheter une bouteille là maintenant tout de suite n’était pas concevable. Je n’aurais jamais le temps de revenir, de faire à manger, de manger, de me préparer et d’aller bosser.

Dans ces cas-là, il est primordial de ne pas paniquer. Donc je n’ai pas paniqué. J’ai ouvert mes placards. Hummmm. Mon seul repas possible consistait en des tartines de beurre et de confiture et du cacao. Oui, sans gaz on est si peu de choses. Pas de pâte ni de riz parce que ça doit cuire. Comme de hasard, c’était le début de mes bonnes résolutions et je n’avais plus ni pizzas surgelées ni frites au four ni hamburgers. J’avoue que je n’avais pas non plus fait les courses. En clair, c’était la m***.

J’ai regardé ce qui devait être mon repas, désespérée de voir se gâcher de la si bonne nourriture. En plus mon steak était pour le coup totalement décongelé. Une seule et unique solution m’est alors apparue. Le four ! Je l’ai mis en marche, j’ai pris une feuille de papier d’alu et j’ai collé le steak dessus et la râpée de patates bien étalée pour qu’elle cuise. J’ai enfourné le tout en me disant que ça allait être dégueulasse.

J’avais raison. 25 minutes plus tard, j’ai sorti un steak aussi dur que le pneu de mon vélo et une plaque de patates râpées qui refusait de lâcher ce fichu papier d’alu. Mauvaise idée le papier d’alu, me suis-je alors dit. Après une lutte sévère, j’ai quand même réussi à avoir quelques restes, le papier d’aluminium ayant, je l’avoue, gagné le gros de la partie. Évidemment, vous vous doutez bien que ce n’était pas cuit.

Les seules choses mangeables à la fin de ce repas furent le fromage et le fruit. L’avantage de ne pas avoir eu à y toucher.

Et le pire, loin de se limiter à ce repas raté, reste la réflexion de mon père quand je lui ai raconté ma mésaventure : « Pourquoi t’as pas utilisé la plaque électrique ? »

Est-ce que moi je vous pose des questions de ce genre ? Non ! Ben lui n’a pas le droit de le faire non plus ! Pourquoi ? Parce que je n’y avais pas pensé ! On était en pleine crise et en situation d’urgence ! Comment j’aurais pu me rappeler que ce que je considère comme un second plan de travail est en fait une fichue plaque pour cuire les aliments mais avec de l’électricité !

Je déteste quand mon père a le dernier mot, je déteste vraiment ça.

 

Isabelle B. Price (17 Août 2008)

 




PREMIER BAISER

 

Une nouvelle d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 



La première s’appelait Marion. La seconde Alexandra.

La première était infirmière en service de chirurgie digestive. La seconde était infirmière sur le pool général.

La première était blonde aux cheveux mi-longs toujours rebelles. La seconde était brune aux cheveux courts toujours coiffés en bataille.

La première était grande. La seconde plus petite.

La première avait 25 ans. La seconde 23.

La première était lesbienne. La seconde un mystère.


Elles s’étaient rencontrées un an et demi plus tôt. La seconde terminait ses études d’infirmières et réalisait son stage pré professionnel dans le service de la première. Marion l’avait immédiatement bien accueillie mais elle accueillait tout le monde du mieux qu’elle le pouvait, se rappelant régulièrement de ses propres premières heures dans des lieux inconnus. Elle avait fait une blague sur cette odeur particulière des services de digestif mêlant sueur et selles, loin de ce picotement des antiseptiques qui l’avaient autrefois fait aimer l’hôpital.


Alexandra avait apprécié cette rencontre, cet accueil. Ce lieu, violent, difficile, inhospitalier et dur prenait un visage plus humain. Et ses huit semaines allaient la confronter pour la dernière fois aux réalités du statut d’élève avant de la voir assumer pleinement les responsabilités de professionnel. Elle aima donc immédiatement l’humour teinté de réassurance de la jeune femme.

 

Les heures et les jours passèrent, Alexandra apprit à se faire confiance encadrée par une équipe jeune et motivée. Elle apprit à suivre son instinct, à se fier aux signes, à écouter, à analyser. Elle apprit au contact de Marion, de Vincent, de Stéphanie, de Chantal, des infirmières et des aides soignantes de ce service. Elle trouva pour la première fois sa place sur un lieu de stage et vécu comme une déchirure le fait d’avoir à le quitter. Elle avait intégré une équipe et on lui avait fait confiance. Pleinement.

 

Mais la formation était ainsi faite. Alexandra quitta le service à la fin de son stage sans un regard en arrière, avec simplement ce pincement au cœur qui rappelle qu’on a vécu d’excellents moments et qu’on aspire à en vivre d’autres encore mieux. Seulement ce n’était pas possible. Ce n’était ni son équipe ni ses amis. Elle n’était qu’une étrange en terrain dur et glacé.

 

Lorsqu’elle obtint son diplôme, son premier réflexe fut de venir avec une bouteille de champagne pour fêter la nouvelle là où elle était enfin devenue compétente à ses yeux. Là où elle avait enfin volé de ses propres ailes. Le sourire de Marion lui réchauffa le cœur plus qu’elle ne s’y attendait. Ses yeux disaient sa confiance et sa fierté. C’était bon, doux, agréable et terriblement rassurant à l’heure où il fallait intégrer le monde du travail, pour de vrai.

 

C’est ainsi qu’Alexandra intégra le grand hôpital universitaire qui l’avait formé. Elle devint un rouage de cette machine à la mâchoire d’acier et au cœur d’or, elle devint une partie de cette humanité en prise avec la réalité matérielle. Elle se retrouva dans le service affecté aux remplacements dans les unités de soins. Un jour par ci, un jour par là. Pas de suivi des patients sur le long terme mais la possibilité d’être formée à un grand nombre de spécialité.

 

La peur la tenait au corps, l’empêchait régulièrement de dormir. Elle était en proie à des démons puissants et surtout à une crainte de ne pas bien faire, à une crainte de mal faire. Elle savait écouter, réconforter, soulager mais si elle ne savait pas suffisamment faire, pas si bien faire. Les angoisses étaient là, présentes, tapies dans l’ombre. Le seul moyen qu’elle avait trouvé pour les éloigner quelques instants était le sport, ce besoin viscéral de se dépenser et de ne plus réfléchir à la somme colossale de responsabilités qui pesait sur ses épaules.

 

Le jour où elle remit les pieds dans le service qui l’avait formé, elle était encore plus angoissée que d’habitude. Elle savait la pression, la charge de travail, ces huit heures qui filaient comme des grains de sable entre les doigts. Elle savait la réputation méritée de service difficile et épuisant. Elle savait qu’elle allait devoir travailler d’arrache pied et sans filets cette fois. Elle avait donc peur. Peur comme rarement.

 

Mais c’est avec le sourire qu’Alexandra arriva dans le service. Rien n’avait changé. Ni cette odeur tenace, ni ces chariots qui s’alignaient dans les couloirs pour cause d’absence de rangement. Une bouffée de nostalgie l’envahie. Elle pénétra dans l’office pour ranger son sac et découvrit l’équipe du matin en train de manger rapidement avant une relève pour le moins imminente. Alexandra fut accueillie aussi bien que la première fois. On se souvenait d’elle. De son prénom, de son passage, de son retour. Une conversation légère s’engagea jusqu’à l’arrivée de Marion.

 

Lorsque la jeune femme pénétra dans l’office quelques minutes après elle, les railleries commencèrent à fuser. Ils aimaient s’asticoter entre eux pour resserrer les liens et se prouver que malgré les difficultés ils seraient toujours là les uns pour les autres. Alors Vincent fit un nouveau commentaire sur son absence de casque alors qu’elle venait en vélo. Elle surenchérit sur le fait qu’il était absolument évident qu’elle donnerait tous ses organes et on finit par lui jeter dessus les quignons de pain. Tout le monde riait et s’esclaffait. L’ambiance était légère.

 

Marion l’avait reconnue. Le magnifique sourire qu’elle lui adressa et le fait qu’elle se souvienne de son prénom rassurèrent Alexandra. Elle lui confia qu’elle s’occupait du secteur rouge, comme le chef des Bioman s’amusait-elle souvent à dire à l’époque de son stage. Elle travaillait déjà depuis deux jours et commençait à connaître les patients. Ce qui toucha le plus Alexandra, ce ne fut pas cette brève explication mais le fait qu’avant de commencer, Marion la rassura en lui disant qu’elle était là, qu’elle ne devait pas hésiter à lui poser des questions et à la déranger. Des paroles simples mais tellement peu de fois entendues. Un sourire léger sans plus.

 

La journée se passa fort bien. Comme les suivantes d’ailleurs. Alexandra était intégrée à l’équipe à chaque fois qu’elle était amenée à venir. On lui faisait confiance, on l’écoutait et elle se sentait à l’aise. Bien sûr, à chaque fois, elle se maudissait de sa lenteur et se confondait en remerciement quand Marion ou les autres lui avançait son travail. Mais personne ne lui en tenait rigueur. Marion s’amusait même en lui disant qu’elle avait été pire à son arrivée. Elle lui proposait des courses de vitesse en préparation de médicament pour la détendre et n’hésitait pas à s’amuser d’un rien et à tourner ce qu’elle jugeait insignifiant en dérision.

 

Parfois, quand la tension devenait trop importante ou que chacun avait besoin de se détendre, ils s’amusaient à s’arroser. Avec les pipettes de sérum physiologique, les seringues remplies d’eau. Ils aimaient s’amuser, se faire des blagues entre eux. C’est connu, c’est le propre des services lourds et difficiles, ce besoin de créer des liens ailleurs que dans l’adversité. Marion, de par son âge très proche de celui des autres infirmiers avait tout de suite été intégrée à ces batailles. Et puis elle appréciait beaucoup cela et n’hésitait pas, parfois, à commencer.

 

Tout dérapa ce jour de mai. Alexandra ignorait tout de la vie privée de Marion qui ne s’étendait pas sur le sujet. Elle savait qu’elle aimait lire, aller au cinéma et qu’elle venait d’acheter un appartement dans lequel elle faisait d’importants travaux. Elle se sentait proche de la jeune femme mais il n’y avait jamais rien eu de plus. Il n’y avait jamais rien eu d’ambigu. Jusqu’à ce jour de mai…

 

Ce jour là la chaleur était insoutenable. Le cadre de santé était en vacances tout comme le principal chirurgien et l’activité du service avait sensiblement diminué. Tellement diminué qu’ils avaient eu le temps de manger et que le dernier tour, celui de 20h00 venait de s’achever une demi heure avant l’arrivée de la relève.

 

C’est donc tout naturellement qu’une bataille d’eau s’engagea. Marion avait une longueur d’avance puisqu’elle avait prévu des munitions qu’elle avait dissimulées un peu partout dans le service. Après avoir reçu une seringue de cinquante millilitres d’eau glacée en provenance directe de la bassine à glaçon, Alexandra comprit que sa survie ne résidait que dans la fuite. Elle se mit donc à piquer un sprint dans le couloir, poursuivie par Marion, armée d’une nouvelle seringue. Elle prit un virage très serré pour arriver dans la salle de soin au moment où Marion vidait le contenu de sa seringue. Ce que la jeune femme n’avait pas calculé c’était qu’elle allait devoir prendre un virage tout aussi serré pour poursuivre Alexandra mais elle, sur un linoléum mouillé.

 

Alex se retourna au moment où Marion passait la porte. Elle la vit déraper et perdre l’équipe en direction du bureau. Avec sa vitesse, elle risquait fort de se blesser sur le coin du meuble le plus proche. Au lieu de reculer d’un pas pour se mettre en sécurité et s’éloigner de Marion, Alexandra avança d’une longue enjambée pour se positionner entre sa collègue et le bureau. Et c’est ainsi qu’en un quart de millième de seconde, elle réceptionna Marion qui lui tomba dans les bras. Ne pouvant maîtriser sa vitesse et le mouvement cette dernière s’aplatit de tout son corps contre Alexandra. La jeune femme passa alors instinctivement ses bras dans le dos de sa collègue pour la retenir.

 

Lorsqu’elle se recula de quelques centimètres en prenant appui sur le bureau de chaque côté du corps d’Alexandra, Marion révéla à la jeune femme qu’elle avait les joues légèrement rouges, la respiration courte et le pouls rapide. Elle avait senti qu’elle risquait de se faire vraiment mal et appréciait de s’être heurtée à quelque chose d’aussi agréable.

 

Une mèche blonde tomba devant les yeux de Marion et, sans réaliser la signification de son geste, Alexandra s’en empara et la replaça en douceur derrière l’oreille de sa collègue. Ce qu’elle ne s’attendait pas à découvrir derrière les cheveux de la jeune femme fut ce regard bleu électrique et captivant. Ce regard océan rivé à ses lèvres. L’atmosphère changea alors complètement. Il n’était plus question d’amusement mais de désir. Consciente qu’elle avait été trop loin, Marion se recula alors rapidement en se mordant la lèvre inférieure sans oser lever les yeux vers Alex. Qu’aurait-elle vu alors ? Le même désir, si soudain, si violent, si dévastateur.

 

Elle se recula de ces jeunes bras chauds, rassurants et sécurisants pour reprendre son équilibre et remettre une distance de sécurité entre elles. Même si son corps n’aspirait qu’à plus de contact, son cerveau lui rappela que ce n’était ni le moment, ni le lieu, ni la personne. Et elle eut raison car le reste de l’équipe arriva alors pour s’assurer que tout allait bien. Ils avaient vu de loin arriver l’accident et se félicitèrent des réflexes d’Alexandra. Personne ne remarqua la gêne, le silence, les regards en coin. Personne ne nota la soudaine retenue, le refus de continuer à jouer.

 

Les armes furent rangées, le service nettoyé sans que Marion ni Alexandra ne s’adressent la parole. Marion se maudissait de n’avoir pas pu contrôler ses réactions physiques. Bien que le fait ne pas l’avoir embrassé pouvait s’avérer un exploit. Alexandra de son côté chercha à confirmer ce qu’elle venait de découvrir. Elle tenta d’accoler bout à bout ce qu’elle savait de sa collègue, ses rires, ses silences, ces sujets qui la mettaient mal à l’aise, ces impasses volontaires qu’elle faisait sur sa vie… Autant de questions, d’absence de réponses qui se bousculèrent pour finalement la perdre encore plus.

 

La relève se déroula dans un calme rare. Chacune parlait de son côté et les coups d’œil échangés à la dérobée n’aidaient pas les deux jeunes femmes. Finalement il fut l’heure de regagner le vestiaire pour se changer. Une fois le trajet avec les collègues terminé, Alexandra et Marion entrèrent dans le vestiaire qu’elles partageaient avec d’autres infirmières et aides soignantes mais pas avec celles du service. Il était vide. Elles étaient seules.

 

Toutes les deux étaient conscientes qu’elles ne s’étaient pas adressées la parole depuis l’incident. Seulement elles en étaient incapables. Elles ouvrirent chacune leur placard en silence. Marion était dans un coin, loin d’Alexandra qui était à l’entrée. De ce fait elles ne se voyaient pas et cela semblait les soulager l’une et l’autre. A défaut d’avoir rassasié les désirs de leurs corps, elles avaient au moins déclenché une tempête dans leurs esprits.

 

Apanage de la jeunesse peut être, ce fut Alexandra qui franchit la ligne et botta en touche. Ce fut elle qui après avoir quitté ses baskets et secoué la tête en se disant que de toute manière si elle ne tentait rien, elle allait le regretter toute sa vie, s’approcha en direction de Marion. Cette dernière ne la vit pas arriver tant elle était préoccupée par ce qu’elle voulait faire et qui ne correspondait en rien à ce qu’elle devait faire. Deux questions totalement antinomiques quand il s’agissait d’Alexandra.

 

Elle avait quitté ses baskets et enlevé le haut de sa tunique tant et si bien qu’elle était en soutien-gorge lorsque Alexandra arriva à sa hauteur. Un soutien-gorge blanc et simple pour ne pas apparaître sous la blouse. La vue de la jeune femme à moitié dévêtue failli faire renoncer Alex. Qu’est-ce qu’elle était belle ! Elle posa pourtant sa main gauche contre le casier, à hauteur de la tête de Marion et murmura à son oreille : « Pourquoi est-ce que tu n’as pas été jusqu’au bout ? »

 

Marion se retourna brusquement comme prise en faute mais avant qu’elle ne se sauve à nouveau, Alexandra colla son corps au sien et appuya sa main droit comme l’autre casier. Cette fois c’était elle qui décidait en toute connaissance de cause. Elle n’était plus prisonnière du grand corps de la blonde, coincée contre un bureau, attendant un signe en vain. Cette fois c’était elle qui avait le contrôle. Et pourtant, aussi incroyable que cela paraisse, c’est à cet instant précis qu’elle paniqua et qu’elle se dit qu’elle était complètement folle. Elle songea à faire marche arrière et à disparaître à l’autre bout du monde lorsqu’elle vit Marion se pencher dans sa direction et poser délicatement ses lèvres sur les siennes.

 

Ce fut comme lorsqu’elle avait vu pour la première fois des centaines de nuées d’oiseaux s’envoler en même temps, comme lorsqu’elle avait vu pour la première fois le soleil se coucher et teinter d’orange et de rouge sang le ciel bleu, comme lorsqu’elle avait vu pour la première fois les feux d’artifices du 14 Juillet… Ce fut l’un de ces souvenirs inoubliables qu’il est si difficile de décrire parce qu’aucun mot n’arrive à sa hauteur. Ce fut l’un de ces souvenirs qui rend tous les moments de la vie ordinaire tellement terne qu’on se demande pourquoi on a attendu si longtemps avant d’avoir le droit d’y goûter.

 

Les lèvres de Marion étaient douces et tendres. Elles étaient sensuelles et chaudes. Elles étaient exigeantes et respectueuses. Elles étaient exceptionnelles et inoubliables. Et, alors qu’elle prolongeait le baiser en ouvrant légèrement les siennes, Alexandra su qu’elle avait eu raison. Mais, par-dessus tout, elle sut ce jour-là qu’elle ne voudrait jamais plus que ses propres lèvres se posent sur d’autres lèvres que celles-là.

 

Isabelle B. Price (02 Juillet 2008)





LA DIFFICILE POSITION DES ACTEURS ET ACTRICES

INTERPRÉTANT DES RÔLES GAYS & LESBIENS



Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 


Queer as folk


Il n’a pas toujours été facile pour les acteurs d’interpréter des personnages homosexuels. Aujourd’hui encore, certains montrent de profondes craintes quant à leur carrière. En 2000, lorsque Ron Cowan et Daniel Lipman décident d’adapter la série britannique Queer as Folk pour la télévision américaine, ils n’imaginent pas que certains seront aussi réticents à venir aux castings.

Et au tout début de la diffusion de Queer As Folk US, fin 2000 et début 2001, les acteurs principaux restent très évasifs quant à leur orientation sexuelle. Pour ne pas trahir les personnages ? Peut-être. Par peur pour leur carrière ? Peut-être. Par pudeur ? Peut-être également. Nul ne le saura vraiment. Il faudra attendre quelques années pour que Randy Harrison, l’interprète de Justin Taylor, Peter Paige, l’interprète d’Emmett Honeycutt, Robert Gant arrivé au cours de la saison 2 dans le rôle de Ben Bruckner et Jack Weatherall qui tient celui de Vic Grassi depuis le début déclarent ouvertement qu’ils sont gays. Gale Harold, le séduisant Brian Kinney, laisse lui planer le doute pour le plus grand bonheur des hétéros et des gays.

Au début de la série, les acteurs de Queer As Folk US vont d’ailleurs rivaliser de déclarations plus douteuses les unes que les autres entraînant une certaine polémique outre-atlantique. Chris Potter, qui interprète le rôle du Docteur David durant la première saison de la série, déclare : « Juste après qu’ils aient dit ‘Couper’ vous crachez. Vous voulez vous rendre dans un bar de strip-tease ou toucher une maquilleuse. Vous vous sentez sale. C’est un dur métier. » L’acteur s’excuse ensuite disant que ses propos ont été sortis de leur contexte mais le mal est fait et l’on se demande pourquoi et comment il est parvenu à obtenir ce rôle.

Hal Sparks, qui joue le rôle de Michael Novotny de la première à la dernière saison, compare le fait d’embrasser un homme au fait d’embrasser un chien « parce que vous n’avez pas d’émotion, ces sensations internes que vous avez quand vous voulez être avec quelqu’un. Donc pour un acteur c’est un challenge unique parce que vous devez rendre cela convaincant ».


Kerr Smith


Dans une autre série mais toujours dans le même genre, l’acteur Kerr Smith, quelques jours après avoir été cité par le GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation = Alliance Gay & Lesbienne Contre la Diffamation) pour son interprétation du personnage adolescent ‘out & proud’ (out et fier) de Jack McPhee dans la série Dawson, déclare lors d’une interview avec Entertainment Weekly qu’il ne fera pas plus d’un baiser par an : « C’est le plus loin que j’irai. Je ne pense pas que des adolescents ont besoin de voir deux mecs s’embrasser sur une base hebdomadaire. »

Désolée de vous décevoir Monsieur Kerr Smith mais c’est exactement ce dont ont besoin les jeunes adolescents homosexuels. Voir qu’ils ne sont pas seuls, réaliser qu’ils n’ont rien fait de mal et que leur attirance pour le même sexe est naturelle. Parce que quand Kerr Smith et Adam Kaufman s’embrassent en 1998 dans l’épisode 323 « True Love » de la série Dawson, il s’agit du premier baiser entre deux hommes sur le network américain. Une grande évolution contrebalancée par ces propos.

De ce point de vue là, interpréter un homosexuel semble être beaucoup plus difficile pour un homme que pour une femme. Peur d’être catalogué de « pédé » par les autres, peur d’être moins viril, peur des implications ? On peut essayer d’envisager plusieurs raisons mais cette crainte persistante chez les hommes est extrêmement moins flagrante chez les femmes.


Alyson Hannigan


Devant les questions insistantes des journalistes sur sa vie privée, Alyson Hannigan, l’interprète de Willow Rosenberg dans la série Buffy contre les Vampires, s’amuse à dire qu’elle a déjà couché avec une femme pour essayer quand elle était étudiante. Amber Benson qui joue sa petite amie, Tara, déclare en 2001 : « Je trouve qu'il n'y a pas assez de rôles gays dans les séries. À la télévision, les homosexuels et les lesbiennes ont rarement la possibilité de voir des personnages qui leur ressemblent et auxquels ils peuvent s'identifier. J'espère que ma petite contribution permettra de faire avancer les mentalités. » Et le plus intéressant reste à mon avis qu’elle ne cherche pas à tout prix à justifier le fait que dans la réalité, elle est bien hétéro !

Moins agréable et plus français, les déclarations (la même année) d’Isabelle Renauld qui interprète le personnage de la profileur Lauren Valmont dans la série Brigade Spéciale sur TF1. Alors que son personnage est sorti tout naturellement du placard en expliquant à sa coéquipière que quand elle ne conduit pas, elle s’endort toujours en voiture et que c’était pareil avec Barbara, son ex, Isabelle Renauld s’empresse de préciser que si son personnage est homosexuel elle ne l’est en aucun cas même si elle ajoute pour rester politiquement correct : « Je n’ai aucun tabou à ce sujet. »


Rebecca Hampton


Cette année, en 2008, le personnage de Céline Frémont dans le feuilleton Plus Belle La Vie rencontre une lesbienne fière et forte en la personne de Virginie Mirbeau. Toutes les deux tombent amoureuses pour le plus grand plaisir d’une forte base de fans. Rebecca Hampton explique pourtant dans Télé 7 Jours : « Elle n'est pas homosexuelle, elle tombe amoureuse. Les scènes me gêneraient si ça m'était arrivé dans la vie. Mais là, je joue, et je m'amuse beaucoup. »

On se demande parfois si les acteurs considèrent les spectateurs stupides au point de faire un amalgame entre le personnage et celui qui l’interprète. Pensent-ils sincèrement que l’on va toujours les assimiler à un seul et unique rôle ? Pensent-ils sincèrement que le plus grand défi pour un acteur est d’embrasser une personne du même sexe ?

Mais le pire n’est pas là. Le pire réside à mon avis dans la capacité qu’ont les acteurs à adapter leurs propos en fonction des personnes qui les interviewent et à passer sous silence ce qu’ils pensent réellement. Kerr Smith déclare ainsi à PlanetOut : « Je pense que si interprétez certains rôles, vous êtes un modèle. Mais je ne vais pas donner de conseil. Je suis juste un acteur. Je dis simplement les mots que Kevin écrit sur les pages. Je veux dire, chapeau aux gens qui traversent cela. Il faut être résistant. »

Mais ce n’est pas précisément ce qu’il a fait, donner des conseils sur le fait que les adolescents n’ont pas besoin de voir deux hommes s’embrasser de manière régulière à la télévision ? D’un côté il n’est qu’un simple acteur, d’un autre il se permet de juger ce qui est bon ou pas pour les jeunes. Je ne comprends plus.

 

Boys don't cry


Et puis petit à petit les choses semblent changer. En fait, il est indéniable qu’elles ont changé. Le tournant survient en 2000 lorsque Hilary Swank remporte l’Oscar et le Golden Globe de la Meilleure Actrice pour son interprétation du transgenre Brandon Teena dans Boys Don't Cry. En 2004 Charlize Theron gagne l’Oscar, le Golden Globe et l’Ours d’Argent de la Meilleure Actrice pour son rôle de la tueuse en série Aileen Wuornos dans Monster. Deux Oscars pour deux grandes actrices qui changent la donne. Et plus récemment encore, le film Le Secret de Brokeback Mountain de Ang Lee remporte le Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2005 ainsi que quatre Golden Globes dont celui du Meilleur Film, du Meilleur Réalisateur et du Meilleur Scénario. Les deux interprètes principaux (Heath Ledger et Jake Gyllenhaal) seront également nominés aux Oscars mais repartiront bredouilles.

La critique américaine B. Ruby Rich  spécialisée dans le cinéma gay le résume très bien : « Donna Deitch a eu du mal à trouver des actrices pour Desert Hearts. Ce qui a changé ? Hilary Swank a eu un oscar. Ça a tout changé. »


Le Secret de Brokeback Mountain


À partir de là, incarner un personnage gay ou lesbien devient moins rédhibitoire. Ça devient même tendance et chic. Ça devient une preuve de courage. Oui mais tous les personnages homosexuels ne débouchant pas forcément sur ce genre de récompenses, il faut éviter, pour la plupart d’entre eux, de froisser la grande majorité des spectateurs. C’est une des raisons pour lesquels ces personnages sont si lisses. Les acteurs les interprétant devant, eux, être hétérosexuels et bien sous tous rapports. L’actrice Nina Landey l’explique très bien : « Tous ces rôles vont à des acteurs hétéros. Et ils vont à des acteurs hétéros parce que le public préfère voir Hilary Swank ou Charlize Theron. C’est plus facile de regarder ces personnages et de leur trouver du courage. »

Et c’est ainsi que dans les programmes télé et autres magazines grand public, les acteurs séduisent tout le monde. Les gays et les lesbiennes s’accordent sur leur ouverture d’esprit et leurs prises de position alors que la ménagère de plus de cinquante ans est rassurée d’apprendre l’amour qu’ils portent à leur époux ou épouse.

Force est donc de reconnaître qu’aujourd’hui l’objectif affiché est de gagner sur tous les tableaux. Alors qu’incarner un personnage homosexuel semble plus aisé pour les femmes que les hommes, j’aurai tendance à adorer les déclarations de John Waters : « On devrait récompenser les homos qui jouent des homos. Ça, c’est courageux. Les hétéros veulent jouer les homos pour avoir un oscar. « Je suis pro, j’embrasse un homme. » J’aimerais voir des hommes gays qui auraient peur d’être enfermés dans ce rôle. »


Rupert Everett


Après tout, c’est vrai, ça n’a pas vraiment réussi à Rupert Everett de jouer un gay dans Another Country avant de faire ouvertement son coming-out en 1989. Parce que son plus grand rôle ensuite était en 1995 aux côtés de Julia Roberts dans Le Mariage de Ma Meilleure Amie où il interprétait… un homosexuel.

Le mot de la fin pour Chris Goutman, producteur exécutif et réalisateur du soap opera As The World Turns. Lorsque l’un des apprentis comédiens de l’émission In Turn lui déclare : « Je pense qu’on s’en est bien sortis, malgré les obstacles. Un baiser entre deux hommes… », Chris Goutman rétorque : « Tu te trompes d’obstacle. » Et si la réponse était aussi simple que cela ?

 

Isabelle B. Price (03 Août 2008)

Catégories

Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés