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FILMS : Les Toiles Roses

  

Fiche technique :
Avec Virginie Ledoyen, Mathieu Demy, Jacques Bonnaffé, Valérie Bonneton, Frédéric Gorny, Michel Raskine, Denis Podalydès, Nelly Borgeaud, Axelle Laffont, Philippe Mangeot et brigitte Tijou. Réalisé par Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Scénario : Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Directeur de la photographie : Matthieu Poirot-Delpech. Compositeur : Philippe Miller.
Durée : 98 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Jeanne, réceptionniste dans une agence de voyage, est à la recherche de l'homme de sa vie. Elle pense l'avoir enfin trouvé en la personne d'Olivier. Mais ce dernier disparaît de sa vie dès qu'il apprend qu'il est atteint du sida. Jeanne tente alors de retrouver sa trace.


L’avis de Shangols :
Il y a comme ça des films dont on reconnaît parfaitement qu'ils sont maladroits, qui sont très loin de la perfection, et qui pourtant bouleversent. J'ai dû voir Jeanne et le Garçon formidable une dizaine de fois, et j'y trouve toujours cette fraîcheur enfantine, cette douceur mélancolique qui me font hurler d'amour, sortir dans la rue et regarder le ciel. Comme les films de Jacques Demy. Et on a beau dire, ce film-là n'est pas loin d'approcher le talent de son modèle.
Oui, je sais : c'est souvent trop fleur bleue, c'est un romantisme à la Jeune et Jolie qui pourrait gaver. Ledoyen, dans le genre, est une parfaite gamine irresponsable et non concernée, énervante de nombrilisme et d'incompréhension du monde. Mais c'est ça qui rend le film attachant, cette puérilité totalement assumée, ces émerveillements ridicules devant une couleur, un bouquet de fleur ou un battement de vie. D'autant que ces moments mièvres sont contrebalancés à maintes reprises par un contexte social et sombre assez culotté. Comme dans les Demy, qui raconte des histoires de sirop dans un monde fermé et désespéré, Jeanne... nous place dans un « teen-movie » à l'époque du SIDA. Quelques chansons sont très dures (la bouleversante vision de la mort de Bonnaffé, le coming-out de Mathieu Demy, la scène d'adieu à l'hôpital...), et on entend même les noms de Pasqua ou de Cresson cités comme responsables du SIDA. Si les chansons « positives » sont souvent drôles (la chanson titre, celles sur les achats à crédit, sur les livres), les « négatives » renvoient doucement à un contexte social contemporain très aride. Tout ça très simplement, avec des petites chorégraphies minables, maladroites, amateures, et touchantes par là même, avec une très bonne sensibilité du cadre, des décors, des situations, des couleurs. Les voix ne sont pas posées, les corps sont maladroits, c'est la vie qui bat là, loin de toute maîtrise technique, qui aurait bousillé ces instants de grâce (Remember dans le même genre, Everyone says I love you, la merveille de Woody).
C'est beau comme tout, très émouvant, finalement assez engagé, et c'est une esthétique et une vision du cinéma très culottées : Martineau et Ducastel ne font aucune concession sur leurs goûts, vont au bout du bout de leur logique formelle. Total respect donc pour ce film beaucoup plus rebelle qu'il n'y paraît, en-dehors des modes et des chemins tracés. Et ça m'émeut aux larmes. Vivement ma 11e vision.

    

L'avis de Philippe Serve :
« Nous avons voulu faire un film à la fois triste et joyeux sur le plaisir de vivre, un film qui chante la beauté de la vie et l'horreur du sida, un film qui murmure avec insistance : ça vaut la peine de vivre, alors faites attention à vous... » Olivier Ducastel et Jacques Martineau
On l'a dit et redit, le film est un hommage explicite aux films musicaux passés de Jacques Demy, évident dès la première séquence: couleurs bleue et jaune dominantes (le rouge et le vert viendront plus tard), figurants passant à l'arrière plan en esquissant des pas de danse. Et puis très vite le premier numéro musical: des employés d'une entreprise de nettoyage se mettent à chanter et danser sur le thème de l'immigration. Au milieu se trouve Virginie Ledoyen, toujours aussi séduisante.
Le principe du film n'est pas compliqué: mélange de légèreté et de gravité, un peu de dialogue parlé (et sonnant trop souvent « branché jeune »), un peu de sexe et beaucoup de chansons aux textes relevant tantôt du sentimental, tantôt du social-réalisme. Avec ce « truc » en plus: associer la comédie musicale (synonyme de gaieté) au sujet de société fétiche du jeune cinéma français, le sida (synonyme évident de drame).
Malgré la bonne intention de départ, on pouvait craindre le pire lorsqu'on est soi-même absolument rétif aux Parapluies de Cherbourg ou aux Demoiselles de Rochefort (mais pas au très joli Peau d'âne). D'autant que le début aligne cliché sur cliché. On se dit alors que la fatigue va vite venir devant cette Jeanne libertine et son garçon formidable où le comble de la modernité semble de faire rimer sur les jolies lèvres de Virginie Ledoyen « baisable » et « aimable ». Les premiers textes de chansons apparaissent vraiment aussi fades et plats que ceux des modèles avoués précités, avec parfois une lourdeur d'éléphant, le message anti-sida ne faisant pas dans la finesse (a-t-on fait le tour des choses en chantant: « C'est la faute à Pasqua, la faute à Cresson, la faute à la société » ?).
Et puis, contrairement aux pires craintes, le film va en s'améliorant malgré un scénario aussi épais qu'une feuille de papier cigarette et des dialogues proches du degré zéro. Les numéros musicaux se succèdent sur des musiques plaisantes (les réalisateurs ayant eu l'excellente idée de ne pas pousser leur hommage à Jacques Demy jusqu'à lui « emprunter » son compositeur, le soporifique Michel Legrand, lui préférant Philippe Miller...) et avec de meilleurs textes. L'humour marque le film de sa présence donnant la légèreté dont je parlais précédemment. Globalement, le film devient assez plaisant même si quelques moments ici ou là sont encore un peu irritants (les « colères » justifiées et le discours militant anti-sida et pro Act Up dont Jacques Martineau fut militant tapent trop à côté de la plaque par leur simplisme ou leur caricature, du style: « Il est mort du sida, de quoi veux-tu qu'on meure aujourd'hui ? », les cardiaques et cancéreux apprécieront, ou bien encore dans la même chanson « Quand un pédé crève, c'est simple, tout le monde s'en fout »).
Si les harmonies de couleurs sont vraiment très réussies, l'interprétation reste correcte, sans plus, car manquant pas mal de relief. Outre Virginie Ledoyen déjà évoquée (Meilleure Actrice au Festival de Paris pour ce rôle, ce qui paraît tout de même très excessif), Mathieu Demy, fils du réalisateur décédé et autre symbole de l'hommage qui lui est porté avec ce film, se montre assez fade.
On pourra aussi regretter que les différents acteurs ne soient pas un (tout petit) peu meilleurs chanteurs (Virginie Ledoyen étant la seule doublée, en l'occurrence par Elise Caron)...
En conclusion, un film certes mieux réussi que des drames du même genre, style Les Nuits fauves, Love Story ou Philadelphia, ou les comédies musicales de Jacques Demy (Peau d'âne excepté) mais qui ne mérite tout de même pas les éloges tressés par des critiques dont on se demande toujours quelle part de « copinage » entre en ligne de compte dans ce genre de dithyrambe. On l'aura compris, le film n'échappe à la qualification de « surcôté » que de très, très peu...
Note : Jacques Martineau et Olivier Ducastel continuèrent de parler de choses graves (le sida encore) avec légèreté dans leur excellent second film Drôle de Félix (sorte de road-movie entre Dieppe et Marseille d'un jeune beur gay).

Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Valeria Bruni-Tedeschi, Gilbert Melki, Jean-Marc Barr, Jacques Bonnaffé, Edouard Collin, Romain Torres, Sabrina Seyvecou, Julien Weber et Yannick Baudin. Réalisé par Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Scénario de Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Directeur de la photographie : Matthieu Poirot-Delpech. Compositeur : Philippe Miller.
Durée : 93 mn. Disponible en VF.

Résumé :
C’est l’été. Pour la première fois, Marc emmène sa femme Béatrix et leurs deux enfants au bord de la Méditerranée, dans la maison où il passait ses vacances quand il était adolescent. Le Mistral a soufflé, la mer est froide, mais la chaleur de l’été réveille les désirs. Leur fille Laura, 19 ans, attend avec impatience l’arrivée de son petit copain motard qui l’emmènera vers d’autres rivages. Charly, leur fils de 17 ans, qui ne peut en faire autant, attend Martin, son meilleur ami qui est amoureux de lui. Mais Charly n’est pas attiré par les garçons. Béatrix, sensible au non-dit qui règne entre les deux adolescents, s'imagine que son fils est homosexuel. Sans s'en émouvoir plus que cela, elle en parle à Marc qui semble, lui, plus perturbé par la nouvelle. Et quand débarque Mathieu, l’amant de Béatrix, bien décidé à la convaincre de quitter son mari, tout se complique et se trouble davantage. Les vacances se révèlent plus mouvementées que prévues, et de portes qui claquent en chassés-croisés nocturnes, le destin amoureux de chacun se trouve transformé. Vivement l’été prochain !
L’avis de Shan (
Shangols) :
Voilà un petit peu de vent frais dans le cinéma français et ça fait ben plaisir car il faut bien avouer que ce film est emballant... Très joli couple que celui formé par Valéria Bruni Tedeschi et Gilbert Melki, deux acteurs qui sont la perfection même (Gilbert c'est quand tu veux. Pour une partie de ping-pong ou un apéro, s'entend. Valéria, toi, c'est quand tu veux...) Couple certes assez olé olé : Valéria a un amant déclaré qui la suit même en vacances (via un téléphone portable chaud bouillant); il s'immisce jusqu'à chez elle la nuit – dans les fourrés du jardin, nu, ou dans la douche – ; quant à Gilbert, il refoule assez mal son homosexualité qu'il finira par consommer dans les bras de son ex-amour de jeunesse : en guest star, Jean-Marc Barr beaucoup plus couillu qu'en Jacques Maillol (lol).

Un ton de liberté dans les dialogues (enfin du français oral...), dans les thèmes (Ducastel est bien l'un des seuls capables de parler de la sexualité, de l'homosexualité, du Sida avec une telle facilité et un tel naturel... ça soulage, il n'y a pas que des Mireille Dumas en France....), dans la mise en scène – de jolis travellings bien coulés, une grande aisance dans les scènes de couple et les scènes d'intérieur... Bref, bien content dans l'ensemble. You were right Jeremie guy.

L’avis de Gols (
Shangols) :
Alors là ! Je dois reconnaître que, malgré qu'on se dise le contraire, on est souvent bien d'accord avec mon collègue Shang. C'est juste qu'on n'aime pas les mêmes choses dans un film. En général, on trouve un terrain d'entente. Mais là...

Pour moi, Crustacés et Coquillages est un navet total. Je suis pourtant un fan inconditionnel de Jeanne et le Garçon formidable, que j'aime pour sa maladresse même. Ici, ce n'est plus de la maladresse, c'est du bâclage pur et dur. Aucune technique chez ce pauvre Ducastel, qui semble avoir pour référence les soirées vidéo du retour d'Irlande de papa. Le montage est fait à la hache (je vous jure qu'il reste des bouts de plans de montages précédents, j'ai fait des arrêts sur image), le filmage à la va-comme-je-te-pousse, et la direction d'acteurs est inique. Passons sur les ombres des techniciens qui passent sur les murs, ça n'est pas si grave, c'est même presque mignon. Mais je regrette : il y a des foutages de gueule de débutant. Le film est fait visiblement sans répétitions, ce qui donne des choses du genre : Melki articule silencieusement le texte de Bruni-Tedeschi en même temps qu'elle le dit (erreur fréquente chez mes élèves de théâtre en CE2) ; les figurants ont des regards caméra ridicules (observez bien le type aux cheveux gris pendant la scène sur la terrasse du café) ; la musique, digne d'un film porno, est improvisée à l'orgue Bontempi de mon neveu de 5 ans... Jamais je n'ai vu la mer aussi mal filmée, je n'exagère pas, et Jean-Marc Barr doit effectivement regretter le misérable Grand Bleu. D'ailleurs, les acteurs, pourtant sympas d'habitude, sont totalement perdus, pas dirigés une seule seconde, ils ont l'air malheureux comme tout, et mon Dieu comme je les comprends : être lâché dans une production d'un tel flou artistique doit être terriblement difficile.

Alors, oui, je reconnais une certaine audace, voire une liberté de ton, dans le scénario. Mais à ne pas savoir s'il est en train de faire du Bunuel (pour le côté sulfureux), du Chabrol (pour la critique de la moyenne bourgeoisie) ou du Rohmer (pour les dialogues à rallonges), Ducastel finit par faire du Christian Gion. Une horreur, un massacre !

L'avis de Jean Yves :
C’est l’été. Pour la première fois, Marc emmène sa femme Béatrix et leurs deux enfants au bord de la Méditerranée, dans la maison où il passait ses vacances quand il était adolescent. Le Mistral a soufflé, la mer est froide, mais la chaleur de l’été réveille les désirs. Leur fille Laura, 19 ans, attend avec impatience l’arrivée de son petit copain motard qui l’emmènera vers d’autres rivages. Charly, leur fils de 17 ans, qui ne peut en faire autant, attend Martin, son meilleur ami qui est amoureux de lui. Mais Charly n’est pas attiré par les garçons. Béatrix, sensible au non-dit qui règne entre les deux adolescents, s'imagine que son fils est homosexuel. Sans s'en émouvoir plus que cela, elle en parle à Marc qui semble, lui, plus perturbé par la nouvelle. Et quand débarque Mathieu, l’amant de Béatrix, bien décidé à la convaincre de quitter son mari, tout se complique et se trouble davantage. Les vacances se révèlent plus mouvementées que prévues, et de portes qui claquent en chassés-croisés nocturnes, le destin amoureux de chacun se trouve transformé. Vivement l’été prochain ! Crustacés et coquillages m’a fait un peu penser au départ à l’image d’une certaine publicité familiale pour du café « l’ami du petit déjeuner » sauf que bien vite les apparences de sérénité volent vite en éclats mais sans jamais tomber dans des drames interminables. Donc pas mal de légèreté, un peu de morale - juste ce qu’il faut, plus particulièrement de la tolérance égrenée tout au long du film par une Valeria Bruni-Tedeschi dépassée par les événements entre un mari finalement gay mais qu’elle aime, un amant idiot mais qui la comble sexuellement, et surtout un fils - elle regrette presque qu’il ne soit pas homo - qui refuse avec véhémence le désordre amoureux des adultes : « On fait ce qu'on peut ! » lui hurle-t-elle, à la fin. « Attends d'avoir notre âge et d'avoir vécu avant de donner des leçons ! »
Une comédie apparemment futile mais qui pose un regard juste sur les relations dans une famille.

L'avis de Matoo :
C’est drôle, ce film m’a fait le même effet que Pourquoi pas moi ? dans le genre de film, à la thématique homo, plutôt léger et branque. Et pourtant le scénario est plus fin et un peu plus épicé, mais il a aussi de sérieux relents de téléfilm produit par TF1 qui le relègue à un niveau moindre.
Je reste donc partagé… D’un côté, j’ai adoré les différentes intrigues, les personnages et surtout le couple formé par Bruni-Tedeschi et Melki. D’un autre côté, les adolescents ne jouent pas très bien et on se demande bien où l’on veut nous emmener. Quand on a compris (rapidement), on sait exactement comment ça va finir, et ça finit en effet exactement comme ça. Ah… c’est tout ? Eh bien oui.
Un des mérites du film est aussi à double tranchant : le traitement de l’homosexualité. J’ai d’abord été franchement enchanté car l’intrigue repose sur une série de quiproquos vraiment drôles et originaux pour une production française. Gilbert Melki et Valéria Bruni-Tedeschi sont mariés et ont un fils, Charly, qui reçoit un ami sur leur lieu de vacances (qui est aussi celui de l’enfance de Gilbert Melki). Cet ami est homo et, est plus ou moins amoureux de Charly qui est parfaitement hétéro. Valéria Bruni-Tedeschi a une intuition soudaine que son fils est homo, elle le prend avec une décontraction un peu surprenante, tandis que Melki ne la prend pas vraiment au sérieux. Au final, c’est Melki qui redécouvre son homosexualité latente dans les bras d’un de ses amants d’adolescence (Jean-Marc Barr).
Valéria Bruni-Tedeschi et Gilbert Melki s’en sortent plutôt bien et sont très attachants dans leurs rôles de parents tolérants et complètement à l’ouest pour la femme, un peu plus « inquiet » pour le père. J’ai un peu plus de mal avec le jeu du fils et de son copain… même si le copain a un physique tout à fait correct. Jusque là l’homosexualité est évoquée avec une rare justesse, émotion et clairvoyance. Ensuite, quand on voit les lieux de drague et tutti quanti, pourquoi pas… c’est un cliché, mais on ne peut pas le renier dans des lieux pareils (pinèdes, calanques et rochers en tout genre…).
Par contre, j’ai vraiment été dérangé par le jeu affecté que Gilbert Melki et Jean-Marc Barr adoptent dès qu’ils sont ensemble. Juste avant, ce sont deux hommes tout à fait « straight-acting », mais dès qu’ils sont en couple, ils prennent un air pincé, prennent des manières pour s’exprimer et bouger. Ce n’est pas énorme mais c’est palpable, et c’est un peu bizarre. D’autant plus que leur scène d’amour et de « retrouvailles » se résume par quelques images d’une fin de nuit agitée où Gilbert Melki ôte ses menottes d’un haut de lit en ferraille. Sans spécialement vouloir donner une bonne ou mauvaise image des pratiques sexuelles homos, j’ai trouvé que cela sonnait faux, en décalage avec la rencontre romanesque et tellement cliché sur le coup.
Donc mon opinion est mi-figue mi-raisin, c’est une chouette comédie de vacances bien déjantée, mais qui n’a pas vraiment relevé le défi d’aller plus loin malgré quelques petites touches d’irrévérence et d’anti-conformisme bien sympathiques.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Vincent Dieutre, Andrzej Burzynski, Hubert Geiger, Léo Bersani et Antonino Ivorio. Réalisé par Vincent Dieutre. Scénario de Vincent Dieutre. Directeur de la photographie : Jean-Marie Boulet, Benoît Chamaillard et Gilles Marchand.
Durée : 77 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Leçons de ténèbres reconstitue par fragments un voyage fatal placé à l'ombre de l'oeuvre sensuelle du peintre italien le Caravage.
A Utrecht, Naples et Rome, deux histoires d'amour guident l'itinéraire nocturne d'un homosexuel en mal de beauté.
A la fois journal intime et documentaire baroque, Leçons de ténèbres de Vincent Dieutre (Rome désolée) est un film esthétique sur l'amour et l'amour de l'art.

L'avis de Jean Yves :
Leçons de Ténèbres est un film rare, difficile, exigeant. À la limite de la vidéo d’art contemporain et du cinéma expérimental, le second long-métrage de Vincent Dieutre sollicite du spectateur un regard décalé et nouveau… nouveau quant au fond (donner une autre image de l'homosexualité) et nouveau quant à la forme (plans sombres, « bougés » et subjectifs, utilisation du super-huit et de la DV).
Leçons de Ténèbres (titre tiré de certaines compositions musicales du XVIIe Siècle) suit les déambulations nocturnes d'un quadragénaire (Vincent Dieutre dans son propre rôle) à travers trois villes : Utrecht, Naples et Rome. En ces trois cités, Vincent Dieutre nous fait part de sa passion pour la peinture du Caravage et de ses rencontres amoureuses. Sans scénario, sans acteur ni véritable mise en scène, le film est une sorte de journal intime accompagné d'une voix off qui crée une distance avec les évènements vécus. Les ténèbres, ici, s'avèrent le chemin indispensable vers la lumière et la vie. Vincent Dieutre tend à montrer qu’à la source de celle-ci se trouvent la mort et l’obscur (maladie, drogue, rupture, etc..).
Malgré une grande part d'improvisation et de hasard, le film est extrêmement structuré : divisé en trois blocs ou leçons qui correspondent aux trois villes, il utilise encore trois formats (Super-huit, DV, 35 mm) et fonctionne (grâce à la voix off utilisant le « tu ») selon une triangulation cinéaste-film-spectateur ayant pour but de faire circuler, entre ces entités, affects, formes et sensations.
La bande-son, toujours en décalage avec l’action, intervient à la manière d'un contre-point ou d'un élément parasitant toute tendance vers la fiction ou la narration. Plus généralement le film est rythmé par des coupures (plans « cut ») et des ruptures abruptes : Dieutre intercale notamment de nombreux plans sur les tableaux du Caravage et de ses disciples, ou encore des plans fixes sur un mur lépreux, une ruelle aveugle. Il offre au spectateur une véritable expérience de cinéma et de vision, à l'instar du Caravage qui, en son temps, faisait table rase du maniérisme en vogue pour aborder la réalité et la trivialité des corps. Si Vincent Dieutre s’essaye à de nouvelles formes et à de nouveaux dispositifs, c’est en effet pour capter le réel épars et fuyant des hommes et des villes, trop étouffé aujourd'hui par un regard dominant esthétique et uniforme. Rien n’empêche de voir ce film comme un journal imaginaire, une échappée fictive qui viendrait combler un manque profond.

Pour plus d’informations :

Voir Mon voyage d’hiver, de Vincent Dieutre


Fiche technique :
Avec Vincent Dieutre, Itvan Kebadian, Jorg Neitzert, Andreas Staier, Christoph Pregardien, Hubert Geiger, Walter Muller et Patric Chiha. Réalisé et écrit par Vincent Dieutre. Directeurs de la photographie : Jean-Marie Boulet et Benoît Chamaillard.
Durée : 104 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Vincent a quarante ans. Hanté par la figure de Schubert, cet homosexuel cultivé et fragile s'embarque avec son filleul Itvan pour un ultime et beau voyage : son Voyage d'Hiver. L'homme et l'adolescent traversent une Allemagne enneigée, battue par les vents et peuplée de fantômes. Entre blessures du passé et vastes chantiers de la réunification, l'homme tente de changer le regard d'Itvan sur ces villes, ces paysages, invoquant tour à tour l'histoire, la poésie, et la musique... Au fil de ce parcours initiatique, fragmentaire et glacé, porté par les mélodies romantiques allemandes, l'homme voyage aussi à travers sa propre histoire. Nuremberg, Bamberg, Dresde... de retrouvailles avec d'anciens amants en rencontres de hasard, il laisse entrevoir à Itvan les traces de sa vie passée. Berlin, la fin d'une histoire, ils doivent se séparer. Mais désormais un lien indéfectible les unit en secret. Itvan ne sera plus le même. La musique peut cesser...
L'avis de Jean Yves :
« Pourquoi inventer des fictions quand elles existent déjà en nous et autour de nous ? » semble nous dire le cinéaste. Le film nous plonge dans une réflexion intime, introspective, des strates de vécu où s’entremêlent la vie et la mort, le passé et le présent, le culturel et l’émotionnel, l’amour et la perte.
C’est donc le journal d’un voyage mais aussi un roman d’éducation puisque le narrateur quadragénaire (que Vincent Dieutre incarne lui-même) est accompagné de son filleul, adolescent à qui il voudrait apprendre le monde. Histoire de passage de relais d’un quadragénaire homosexuel à un adolescent. Ainsi se croisent, sur les mêmes routes, deux regards : l’homme cherche l’Allemagne qui enchanta sa jeunesse, musique, littérature, forêts et intérieurs chauds, les Allemands qu’il y aima, le filleul apprend à mieux connaître celui qu’il accompagne. L’homme voudrait que son filleul le voit comme il est : respectueux des autres, aimant la musique, la vie. La musique et la poésie en effet portent le film, d’étape en étape, de rencontre en rencontre, lieder de Schubert essentiellement, du Roi de Thulé, sur un poème de Goethe, aux Voyages d’hiver. Tout cela se termine pour le quadragénaire et l’adolescent, à Euskirchen, avec les musiciens qui jouent Gute Nacht (bonne nuit), de Schubert : le narrateur peut s’endormir, Itvan, son filleul, écoutant la musique.
Les amants que Vincent Dieutre retrouve ont vieilli, leurs corps sont marqués, le désir éteint, mais ils se retrouvent dans ce qu’ils avaient autrefois partagé, l’amour, la musique, la poésie, la conversation... Toute la beauté du film est là, dans la pudeur avec laquelle celui qui a entrepris cette remontée dans le temps de sa jeunesse se met à nu, lui pour qui, aussi, la jeunesse est passée.
Pudeur jusque dans la rencontre avec un prostitué dans une chambre minable : après l’étreinte des corps que la caméra n’a pas montrée mais dont on aura eu seulement l’écho sonore, le narrateur demande à son compagnon d’un moment de lire une page qu’il lui tend, un poème. L’autre refuse : pour l’argent, on a les gestes de l’amour, mais quant au partage d’un poème, d’une émotion autre que mécanique, il n’en est pas question. « Notre époque a ceci de passionnant qu’elle est faite de citations, de recyclages, d’allers-retours ou d’interpénétrations des disciplines. » Vincent Dieutre n’aurait su mieux le dire que par la musique grave de ce film confidence.

Pour plus d’informations :
Site du film

Fiche technique :
Avec Wendy Crewson, Peter Outerbridge, Karyn Dwyer, Christina Fox et Ann-Marie MacDonald. Réalisé par Anne Wheeler. Scénario : Peggy Thompson.
Durée : 101 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Maggie, dix-neuf ans, vient de lâcher la fac et travaille dans une librairie. Elle rencontre Kim, une artiste peintre, dans un night-club. Elles tombent aussitôt amoureuses l'une de l'autre. Mais un jour, Maggie reçoit un coup de fil de sa mère, Lila, qui lui annonce qu'elle divorce et qu'elle vient s'installer chez elle avec son frère cadet Paul. Maggie est paniquée par leur arrivée imminente, d'autant plus que Lila n'a aucune idée de sa vie privée ! C'est le début des surprises et des sorties de placards...
L'avis de Samuel Minne :
On entre in medias res : un spectacle avec un drag king, un travesti et une jeune fille déguisée en angelot recoupe en montage alterné le trajet de cette dernière après le spectacle. Dans les rues sombres, des skin heads importunent la jeune lesbienne surmontée d’une auréole. Par chance, un fourgon bariolé, tous phares allumés, les disperse. En sort une jeune fille blonde aux cheveux courts, indéniablement butch. Maggie, l’angélique apparition, peut rentrer à la librairie « Ten Percent Books » où elle travaille. C’est parmi les rayonnages de godemichés et les portfolios gays, que loge la jeune fille. Mais sa mère, qui ignore tout de sa vie, lui téléphone pour lui apprendre qu’elle divorce, et qu’elle compte bien s’installer chez elle en attendant, avec le frère de Maggie. Cette dernière n’a donc plus qu’à trouver très vite un appartement… Dans la rue, Maggie croise à nouveau sa salvatrice, Kim, peintre itinérante. Le courant passe tout de suite, et comme le fourgon de Kim est retenu à la fourrière, Maggie l’invite à rester chez elle.
Le film repose surtout sur le duo de deux actrices à la présence forte. Les épaules musclées et l’air déterminé, Christina Cox (Kim) sait jouer de nuances sobres, tandis que Karyn Dwyer (Maggie), le visage mutin encadré par des boucles rousses, impose un charme craquant. L’histoire d’amour entre les héroïnes permet de mettre en scène toute une galerie de seconds rôles savoureux. Les personnages sont stéréotypés, mais pas trop : Frances, la libraire lesbienne intello (Ann-Marie MacDonald) a les cheveux courts, des lunettes et des vêtements austères ; Judy, la transsexuelle au grand cœur (Peter Outerbridge), est fragile et touchante ; la mère, Lila (Wendy Crewson), se montre d’abord intolérante puis compréhensive…
« Résolument hors ghetto », affirme la jaquette : entre le bar lesbien et la librairie LGBT, le moins qu’on puisse dire c’est qu’une telle affirmation est gratuite, d’autant que le film offre une vision positive du milieu, soulignant en particulier sa solidarité, sans occulter l’intolérance qui peut surgir entre les minorités. La réalisation est simple, détendue, chaleureuse, à l’image de personnages attachants sans être forcément extraordinaires, qui n’accordent pas plus d’attention à l’homophobie qu’elle ne le mérite, et cherchent d’abord à se sentir bien.
Sensuel et consensuel, appelant à la tolérance aussi bien pour les transsexuels MtF que pour la culture porno saisie par la douane canadienne, ce film éminemment sympathique tient pleinement son pari.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Steve John Shepherd, John Simm, Laura Fraser, Maurice Roeves, Ger Ryan et Meera Syal. Réalisé par Aisling Walsh. Scénario de
Mark Burt.
Durée : 90 mn. Disponible en VOST et VO.


Résumé (dos du dvd) :
David travaille à la construction de bêtiments dans le sud de Londres. Il évolue dans un milieu professionnel très macho. Parfois, il erre dans le quartier de Soho et fait quelques rencontres furtives, mais il est incapable d’avouer à quiconque qu’il est gay. Même son meilleur ami, Theo, dont il est secrètement amoureux, n’en sait rien. Pour en finir avec cette situation douloureuse, David décide de faire son coming-out dans le show télé Forgive and Forget.
L'avis de Daniel C. Hall :
Voilà un film profondément bouleversant, déchirant et si réaliste ! Bouleversant grâce à la magistrale interprétation de son acteur principal, Steve John Sheperd, tour à tour sombre, torturé, sensuel et suicidaire. Forgive and forget est un drame implacable qui, non seulement, évite tous les poncifs du genre, mais à force de justesse et d’intelligence parle à chaque spectateur gay. Il est impossible, je souligne impossible, que l’un de nous ne trouve pas une scène qui fasse écho à sa propre histoire. Cette amitié amoureuse avec le meilleur ami, cette incompréhension d’un milieu scolaire ou professionnel macho voire homophobe, cette douleur des aventures d’un coup et d’un soir, cette peur de la famille, cette étrange perversité conduisant à tenter de détruire la vie sentimentale de l’être aimé mais hétéro, cette déchirure profonde lorsque le sexe ne suffit plus, cette envie irraisonnée de dire son moi profond à la face du monde en se foutant des conséquences, cette spirale destructrice lorsqu’il est impossible de s’affirmer, de s’aimer, de vivre. Lequel d’entre nous n’a pas connu ça ? Sans compromis, ce film va jusqu’au bout de la logique de son personnage et, sous couvert d’une fausse tranquillité, assène des coups de massue de manière pernicieuse. Et l’on se prend à se sentir gêné lorsque David, le personnage, et nous, le spectateur, tendent à se ressembler ou à réveiller des souvenirs peu glorieux. On espère que le réalisateur va déraper du drame à la comédie (notamment lors de la scène pénible de l’émission de télé-réalité), on souhaite (même si cela nous irrite d’habitude) un happy end ou encore une once d’espoir au final, mais rien. On ressort de ce film sonné et grandi. Sonné par la force du scénario, de l’interprétation, de la réalisation. Grandi par le message, les leçons et l’envie de faire mieux, de vivre tout simplement. Le cinéma anglais est très fort lorsqu’il s’agit de parler d’homosexualité avec une vision fort éloignée des tendances actuelles et conformistes, et Forgive and forget en est la preuve magistrale !

L’avis de Gui (DVDRAMA) :
On va être honnête avec vous, après avoir lu le résumé au verso du DVD, on avait vraiment envie de tout sauf de voir le film. Les films glauques qui se déroulent en Angleterre, c’est bon pour vous filer le cafard pendant une semaine, alors autant s’en passer ! Et puis, courageux comme nous le sommes à DVDRAMA, nous avons pris le risque de voir ce que valait ce dernier opus de cette vague de la collection Rainbow de Studio Canal. Et là, ça a été la claque ! C’est simple, Forgive and forget possède absolument tous les éléments requis pour faire un bon film : un scénario qu’on n'a pas l’impression d’avoir vu cent mille fois, des personnages attachants et humains, un style dramatique ponctué de touches de comédies quand il le faut, et une mise en scène réaliste.
Forgive and forget séduit rapidement le spectateur grâce à un style très simple qui fait davantage penser à celui d’un téléfilm qu’à un long métrage destiné au cinéma. Le montage et la photographie n’ont rien d’ambitieux mais le jeu des jeunes acteurs (inconnus) à une telle force qu’on ne peut que céder à leur charme. Face aux déboires que connaissent ces jeunes gens, on ne peut également que prendre parti en leur faveur, et espérer que tout rentrera dans l’ordre à la fin.
Le dernier quart d’heure est à ce propos le passage du film qui nous a motivé à le noter aussi bien. Ces derniers instants sont pourvus d’une émotion très forte, et on a du mal à retenir les larmes aux coins de nos yeux. Mais avant d’en dire trop, nous vous laissons découvrir les surprises que réserve ce magnifique film.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec John-Michael Lander, David Vincent, Jay Corcoran, Paul Outlaw, Merle Perkins et Peter Bubriski. Réalisation : Roland Tec. Scénario : Roland Tec d'après sa pièce A Better Boy. Images : Gretchen Widmer. Montage : Jon Altshuler. Musique: Paul Outlaw & Roland Tec.
Durée : 104 mn. Disponible en VO et VOST.

Résumé :
À Boston où tous les hommes semblent gays, un couple de gays riches Dave (Paul Outlaw) et Tom (Peter Bubriski) inquiets de voir leur ami Christopher (John-Michael Lander), un avocat d’affaires, papillonner de mec en mec, organise un dîner pour le caser auprès de leur voisin du dessous, Stewart un éditeur... gay. Cela fonctionne, le prétendant, plutôt moche, plaît à Christopher alors qu’il ne tripe habituellement que sur les mâles aux corps parfaits. Mais au moment de conclure, Stewart ne fait pas entrer Christopher chez lui. Ce dernier va aussitôt lever un mec dans une boîte pour l’ajouter à la longue liste de ses amants de passage.
Quelques temps plus tard, Stewart retente une approche auprès Christopher ; s’ébauche alors une idylle romantique contraire aux habitudes de notre Casanova des pectoraux. Les deux tourtereaux finissent par se mettre en ménage mais le donjuanisme de Christopher reprend vite le dessus…


L’avis de Bernard Alapetite :
Une telle insignifiance ectoplasmique nous fait nous poser la question du bien fondé d’un cinéma gay (américain). En effet, une telle médiocrité ne peut voir le jour que dans un cinéma de niche (de genre) économique. Il faut y voir surtout l’effet pervers des innombrables festivals de cinéma gay sur le territoire nord américain qui offrent une visibilité inespérée à de nombreux films qui, sinon, ne seraient vus que par les familles des participants à la chose. Cette pléthore de manifestations, parfois dans des lieux improbables, mais parfois aussi au sein de prestigieuses universités, renforce le formatage des films américains gays : prédominance de la comédie, pas de scènes de sexe explicites, format assez court, esthétique de sitcom... Ce formatage n’est que l’un de ceux qui menace gravement le cinéma.
All the rage est le type même de ce genre de produit, il est seulement navrant que des éditeurs et (ou) des distributeurs européens cautionnent cette politique éditoriale aussi calamiteuse que suicidaire à moyen terme et qui n’a comme résultat que de déconsidérer, auprès du public et donc des acheteurs de billets et de DVD, le cinéma gay car il faut convenir que s’il s’agissait d’une histoire hétérosexuelle, personne n’aurait l’idée de perdre son temps devant une pareille nullité.


Les acteurs au physique assez quelconque, si l’on excepte John-Michael Lander jouant Christopher, font assaut de cabotinage et de minauderies insupportables. On ne s’étonnera pas qu’ils aient tous une filmographie étique. La réalisation ne dépasse pas celle d’une sitcom très médiocre à laquelle le film fait constamment penser par ses tunnels de conversations inintéressantes, accusant lourdement ses origines théâtrales. On ne voit rien de Boston, à part quelques plans de rues de nuit et une vue prise de la terrasse de l’appartement où la quasi totalité du film est tourné. L’incapacité de profiter du décor, pourtant il y a de quoi faire à Boston, est l’une des marques de ce cinéma
« vite fait, mal fait » pour les festivals gays.
Dans un sursaut de lucidité, le réalisateur (ou son producteur) a du avoir conscience du naufrage, c’est sans doute pour cela qu’il a entrelardé sa sitcom d’inter-scènes dans lesquelles Christopher commente l’action. Celles-ci sont tournées en noir et blanc avec un éclairage « Harcourt » mais elles pâtissent de cadrages lamentables et d’un bruit de moteur caméra d’un autre temps (peut-être rajouté pour faire « arty » ?!). La morale de ces interventions, comme de la dernière scène en complet décalage avec le reste du film, est qu’il est mal lorsque l’on a un amoureux, même s’il est moche, de succomber à la tentation d’un beau cul.
Roland Tec, avant All the rage, n’avait tourné qu’un court-métrage. Depuis il a réalisé We Pedal Uphill en 2007 : espérons que ces dix ans de réflexion entre ses deux films auront amélioré son cinéma.

All the rage se voudrait une comédie romantique mais ce n’est ni drôle ni romantique, c’est seulement indigent. Dans le genre, mieux vaut voir et revoir Culture boy.
Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Jane Birkin, Maruschka Detmers, Philippe Léotard, Laure Marsac et Andrew Birkin. Réalisation : Jacques Doillon. Scénario : Jacques Doillon. Directeur de la photographie : Bruno Nuytten. Monteuse : Noëlle Boisson. Compositeur : Philippe Sarde.
Durée : 90 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Alma est incapable de choisir entre l'amour qu'elle porte à son mari Andrew et la passion qu'elle nourrit envers Carol, son amie. Elle décide de partir loin d'eux afin de faire le point.
Mais cette fuite ne résout en rien ses problèmes de cœur car un autre homme est amoureux d'elle. Cet homme est dénommé "numéro 5" par une jeune fille qui accompagne toujours Carol – puisque, effectivement, cet homme est le cinquième personnage de l'histoire.
"Numéro 5" est aussi une sorte de gardien engagé par Andrew pour surveiller sa femme. Et il s'ensuit un véritable ballet tragique, par lequel Andrew rattrape un moment Alma et la reprend en mains, avant de la perdre au profit de Carol, qui la perd à son tour... Mais "numéro 5" et la jeune fille tirent aussi les ficelles, dans la coulisse, chacun de son côté...
Tout va se jouer et se dénouer lors d'un voyage vers le Nord. Alma et Andrew prennent le bateau à Dunkerque, vers l'Angleterre. Carol, "numéro 5" et la jeune fille suivent de très près et embarquent eux aussi in extremis.
Sur ce navire froid et désert, l'affreux ballet va reprendre. Les cinq protagonistes continuent à se déchirer. Et Alma est toujours l'enjeu de cette sombre fête. À tel point qu'elle finit par ne plus avoir la volonté de vivre. Mais elle n'a pas non plus le courage de mourir, ou tout au moins de se donner la mort... Ce qu'elle ignore, c'est que la jeune fille qui accompagne Carol porte sur elle un pistolet. Et, à un moment où Alma est encore écartelée entre Andrew, Carol et "numéro 5", la jeune fille va lui tirer une balle en plein cœur, la délivrant ainsi à jamais de ses tourments. C'est peut-être elle, cette adolescente irréelle, surgie on ne sait d'où, qui a le mieux compris Alma...
Résumé tiré du site du Ciné-club de Caen
L’avis de Jean Yves :
Malgré parfois un certain ridicule dans les dialogues, sinon une certaine prétention,
La Pirate est un peu la réponse féminine, un an après, à L'Homme blessé, film qui lui avait aussi provoqué un certain nombre de remous.

L'histoire que nous raconte Jacques Doillon n'a, à la limite, aucune importance : on pourrait se passer de tout fil conducteur ; le canevas n'est que prétexte. La haute tension psychologique et passionnelle que le réalisateur impose pendant quatre-vingt-dix minutes prend aux tripes et bouleverse, pour peu qu'on soit encore capable d'être bouleversé.
Je ne crois pas que la relation entre Alma [Jane Birkin] et Carol [Maruschka Detmers] soit représentative de l'amour entre femmes, pas plus que celle entre Henri [Jean-Hugues Anglade] et Vittorio Mezzogiorno [Jean] ne prétendait donner le reflet de l'homosexualité masculine, dans le film de Patrice Chereau.
Il faut simplement dépasser les apparences pour partager l'intensité des luttes et des névroses dont sont porteurs les protagonistes.
Si l'on s'en tient au premier degré, des phrases comme « je ne suis pas venue pour t'embrasser, je suis venue pour te cogner les dents » (Alma) ou encore « on finira bien par se débarrasser des hommes » (la jeune fille qui tire les ficelles du drame), on peut effectivement ricaner. Et il faut être bien prude, hypocrite ou les deux à la fois pour ne voir dans les ébats d'Alma et Carol qu'une provocation pornographique, car franchement, il n'y a pas de quoi fouetter un chat !
Philippe Léotard ("numéro 5") nous fait un pathétique numéro de poivrot déchiré, et Jane Birkin a un rôle à la mesure de sa sensibilité.
Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Nathalie Press, Emily Blunt, Paddy Considine et Dean Andrews. Réalisé par Pawel Pawlikovsky. Scénario de Pawel Pawlikovsky. Directeur de la photographie : Ryszard Lenczewski. Compositeurs : Alison Goldfrapp et Will Gregory.
Durée : 86 mn. Disponible prochainement en dvd.


Résumé :
Mona, 16 ans, vit seule avec son frère aîné Phil dans un village du Yorkshire. Entre ses aventures sans lendemain et ce frère en pleine crise mystique, elle s'ennuie ferme. Les choses changent le jour où elle rencontre Tamsin, une jolie jeune fille de bonne famille, un peu sombre et rebelle. Celle-ci fascine aussitôt Mona qui, troublée, entrevoit immédiatement de nouvelles perspectives d'avenir.
L'avis de Matoo :
Voilà une excellente surprise, certainement vue juste avant sa déprogrammation, que ce petit film de la BBC qui raconte une banale histoire d’ados. On est dans le Yorkshire, ou bien dans le trou du cul du monde, c’est l’été, les vacances, il y a Mona, une jeune fille de 16 ans à l’existence un peu précaire et prolo. Elle vit avec son frangin qui tenait un pub, mais qui vient juste de le convertir en temple à la gloire de Jésus après que ce dernier l’ait convaincu de racheter son passé de voyou. Le frère est donc bien gentil mais complètement enlisé dans sa nouvelle vocation et foncièrement impliqué dans son groupe de grenouilles de bénitiers du coin.
Elle croise un jour, par hasard, Tamsin, un peu son opposée puisqu’elle est une magnifique et bourgeoise jeune fille qui passe ses vacances dans la propriété de ses parents à faire du cheval. Etrangement, Tamsin s’entiche de Mona, et les deux jeunes filles, aux antipodes sociales, se rapprochent de plus en plus.
Le film montre bien les affres de l’adolescence et expose en particulier ces rencontres et aventures de vacances qui bouleversent une existence, ou du moins en donnent l’impression à l’adolescent. J’ai beaucoup aimé la manière dont le scénario met en valeur les souffrances des deux filles selon des schémas bien distincts et liés à leur niveau social : Mona a perdu ses deux parents et est larguée dans ce coin de péquenots, elle se fait trombinée dans une bagnole par un looser et n’a pas vraiment de perspectives, tandis que Tamsin, malgré son aisance financière, ne se remet pas vraiment de la lente agonie de sa sœur morte d’anorexie.
Elles ne tardent pas à succomber l’une à l’autre, et à la Beautiful Thing version goudou, le film montre avec beaucoup de sensibilité et de fraîcheur cette relation amoureuse qui s’instaure entre les deux adolescentes. Relation en forme de bulle de vacances, un moment comme suspendu dans le temps où la jeunesse expérimente et idéalise à tour de bras sans réaliser qu’il y aura une fin à cela. On rentre avec facilité dans l’univers amoureux où elles se réfugient, et même le frère cul béni ne peut lutter contre.
Si ce n’était que cela, un film qui ne fait qu’exhiber une aventure entre deux filles ados qui découvrent l’amour et leur orientation sexuelle, ce ne serait pas très original ni percutant. Mais justement ce film recèle plus que cela, notamment grâce à un retournement de situation habile et judicieux. La fin de l’été, la fin des vacances, le retour à la réalité et l’éclatement brutal de cette bulle révèlent le fin mot de l’histoire et donnent tout son intérêt au film. Et La Foule d’Edith Piaf pour curieusement traduire ces émois avec une rare justesse !

Pour plus d’informations :
Le site officiel du film
Bande annonce


Fiche technique :
Avec James Stewart, John Dall, Farley Granger, Cedric Hardwi
cke, Constance Collier, Douglas Dick et Joan Chandler. Réalisé par Alfred Hitchcock. Scénario : Hume Cronyn, Arthur Laurents et Ben hecht. Directeur de la photographie : William V. Skall et Joseph A. Valentine. Compositeur : David Buttolph.
Durée : 80 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
Deux étudiants en suppriment un troisième, pour la seule beauté du geste. Défi suprême, le meurtre précède de peu une soirée où ils reçoivent les parents de la victime et leur ancien professeur.
L'avis de Jean Yves :
L'homosexualité est loin d'être absente du cinéma d'Alfred Hitchcock, bien que ce dernier ait toujours joué les étonnés quand on le lui faisait remarquer. La Corde, en est le meilleur exemple.
Dans ce film, Brandon (John Dall) et Philip (Farley Granger) partagent un bel appartement où ils donnent une fête, et qui sert de décor au film tout entier : dans le coffre sur lequel sont rassemblées les victuailles, gît le cadavre de leur ami David, dont le père est cyniquement convié à cette soirée funèbre. C'est en Brandon surtout qu'est incrusté le mal, c'est lui qui manigance tout, c'est lui qui mène la danse.
Son beau Philip est terrorisé par son assurance et en même temps fasciné : « Tu m'as toujours fait peur, dit-il à Brandon, cela fait partie de ton charme ».
Il faut donc considérer que le véritable criminel est Brandon ; il veut que ce crime soit un chef-d'œuvre pour maintenir sur Philip, en l'épatant au maximum, son pouvoir de séduction ; quant à Philip, il a suivi son ami jusque dans cet acte abominable pour mériter son attachement.
Pour pousser le vice et le goût du risque jusqu'au raffinement, Brandon a invité un de leurs anciens professeurs, Rupert (James Stewart) qui se plaisait à enseigner l'apologie du crime comme un art réservé à une élite supérieure. Cette présence affole Philip, qui sait bien que Rupert est capable de découvrir le pot aux roses. Autres invités : le père de la victime donc, la fiancée de la victime, le rival de la victime auprès de la jeune fille, la fofolle Madame Atwater (tante de la victime) et la gouvernante Madame Wilson.
Tout le film est construit sur le contraste croissant entre l'attitude toujours flegmatique de Brandon et celle, de plus en plus paniquée au fur et à mesure que le regard de Rupert pressent la vérité, de Philip.
Même si Brandon a eu une liaison avec la fiancée de la victime (étant donné l'époque et le milieu, on peut supposer qu'il ne s'agit que d'un flirt), son intimité avec Philip est évidente : souvenirs de week-ends à la campagne (où Rupert eut d'ailleurs l'occasion de se rendre), projet de vacances ensemble après cette soirée, référence dans le dialogue à la chambre, dans cet appartement qu'ils partagent au vu et au su de tout le monde, la gouvernante parlant du lit en déclarant qu'aujourd'hui les deux jeunes gens se sont levés du mauvais côté (c'est-à-dire paraissent un peu nerveux).
Il y a aussi la musique choisie par Hitchco
ck et que le beau Farley Granger (Philip) interprète au piano, tandis qu'il est prêt à craquer, le visage craintif et les sens en alarme. Rien n'étant laissé au hasard dans un film d'Alfred Hitchcock, cette musique, le Premier Mouvement perpétuel de Francis Poulenc, prend une signification symbolique. Outre que Poulenc n'a jamais fait mystère de son goût pour les garçons, cette mélodie prend l'allure d'une sorte de code entre les deux amants, d'une sorte de mot de passe qui d'ailleurs intrigue Rupert, curieux du moindre détail.
La Corde est un authentique petit bijou de mise en scène, de dialogues et de perversité. L'air de bête traquée de Farley Granger donne un charme étrange qui participe aussi de la beauté du film.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Coluche, Michel Serrault, Jean Yanne, Mimi Coutelier, José Arthur, Michel Auclair, Darry Cowl... Réalisé par Jean Yanne. Scénario de Jean Yanne. Compositeur : Jean Yanne. Directeur de la photographie : Mario Vulpiani.
Durée : 197 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Rahatlocum est une colonie romaine nord-africaine où Jules César est venu passer des vacances dispendieuses. La révolte gronde parmi le petit peuple qui se trouve un leader en la personne du garagiste de Ben-Hur Marcel.
L'avis de Jean Yves :
La révolte gronde à Rahatlocum, colonie romaine d'Afrique du Nord. Les folies de César coûtent en effet très cher à la cité, où l'empereur passe, comme chaque année, ses vacances. Le consul Demetrius fait arrêter le meneur de la contestation, le garagiste Ben-Hur Marcel, président de « l'Union des commerçants ». Puis, pour justifier une répression de grande envergure, il n'hésite pas à fomenter un faux complot contre l'empereur et décide de se servir de son prisonnier afin d'infiltrer les mystérieuses Brigades pourpres...
ou Deux heures moins le quart avant l'homophobie…
Ce film qualifié de « rigolo » par les médias m'interroge par l'humour suranné qu'il traîne avec lui. Que donne-t-on en pâture à notre envie de rire dans ce film ? La différence homosexuelle, avec ce remake de La Cage aux folles : César/Michel Serrault s'employant à nous en proposer un panégyrique complet, professionnel, sans bavures. Autour de lui, on en rajoute également pour jouer résolument la folle : Léon Zitrone avec sa toge coquine, Yves Mourousi une bague à chaque doigt ou José Arthur en folle tenancière de boîte cuir.
Etrange que ces trois journalistes français d'entre les plus célèbres et professionnels de l'époque aient accepté de tourner dans cette mascarade bâclée.
Plus grave est mon interrogation quant aux motivations de Jean Yanne. L'imagerie qui se déploie sur les mœurs de cette Rome de toc, ce rire usé et fatigué sur la folle, tout cela n'est pas très frais.
Qu'est-ce qui peut donc faire écrire et vendre un scénario pareil ?
« Le rire sur les pédés est raciste et facile », disait Coluche, pourtant impliqué dans ce film.
Je ne peux croire qu'on fabrique un tel script sans arrière-pensées, sans malaise initial. Je vous laisse deviner lequel.

Pour plus d’informations :
Secrets de tournage


Fiche technique :
Avec Laurent Lucas, Clara Choveaux, Thiago Teles, Célia Catalifo, Lou Castel, Alex Descas, Marcelo Novais Teles, Olivier Torres et Fred Ulysse. Réalisé par Bertrand Bonello. Scénario de Bertrand Bonello. Directeur de la photographie : Josée Deshaies.
Durée : 115 mn. Disponible en VF.


L'avis de Jean Yves :
Mal accueilli lors du festival de Cannes 2003 où il était, pour les plumes assassines, le film français sélectionné de trop, Tiresia est pourtant un long métrage fascinant, le plus réussi à ce jour du talentueux Bertrand Bonello. Cet auteur ambitieux ose à chaque film confronter son art à de lourds sujets rhétoriques.
Tiresia, un transsexuel brésilien d'une grande beauté, vit clandestinement avec son frère dans la périphérie parisienne. Terranova, un esthète à la pensée poétique (qui se révèlera être prêtre), l'assimile à la rose parfaite et la séquestre pour qu'elle soit sienne. Peu à peu, privée d'hormones, Tiresia va devant ses yeux se transformer : la barbe qui pousse, la voix qui change... Dégoûté de ce qu'est devenue sa Tiresia, Terranova va l'aveugler et la jeter à l'orée d'une banlieue voisine. Tiresia est recueillie dans un piètre état par Anna, une jeune fille un peu simple, qui prend soin d'elle. C'est alors qu'apparaissent chez le transsexuel des dons de prédiction...
Ce film s’efforce de restituer la sphère insaisissable de la mythologie, son irrationalité, sa violence et sa beauté. Il s’attaque à des thèmes comme la permanence des désirs les plus sombres et inavouables des hommes, la confrontation entre les croyances et la foi, l’identité sexuelle mais aussi la dualité de l’être humain. Il en reste quelque chose d’ambitieux et de foisonnant.

Tiresia (parlant en brésilien) : – Tu es attiré par les transsexuelles mais tu ne peux pas les toucher ; c’est vrai qu’on a quelque chose de plus et qu’il y a une grande joie mais c’est une chose désespérée, et ça tu ne peux pas le voir.
Terranova : – Je ne comprends pas ce que tu dis.
Tiresia : – Je ne sais pas le dire en français.
Plus tard, chez Anna, Tiresia écrit une lettre à son frère Eduardo :

Mon cher Edu,
Je n’ai pas pu te donner des nouvelles et je ne peux pas t’en dire plus aujourd’hui. Je ne sais pas où je suis mais ici je suis en sécurité. Je vis avec une jeune fille, Anna qui s’occupe de moi. Je ne sais pas pourquoi mais c’est un cadeau. Ayant perdu l’usage de mes yeux, je ne peux la voir. La seule chose que je sais, c’est que nous ne pourrons probablement plus jamais nous revoir, mais en aucun cas tu ne dois penser que c’est un drame. D’ailleurs je ne verrai plus personne et je voudrais que plus personne ne me voie. Qu’est ce que c’était ma vie ? Là, elle a violemment changé. Mais, je suis heureuse parfois. Il y a de belles choses qui viennent et je les dis. Toi aussi, je me souviens que tu étais très beau, mon frère. Ne t’inquiète pas pour moi, plus rien ne nous appartient.
Tiresia.

Peu après, Terranova, le prêtre, viendra voir Tiresia (avec la peur et peut-être même le désir qu'elle le reconnaisse). Elle lui redira seulement les mêmes choses qu'elle a écrites à son frère.



L’avis de Boris Bastide :
Troisième long-métrage de Bertrand Bonello après Quelque chose d’organique et Le pornographe, Tiresia est l’adaptation moderne du mythe grec de Tirésias. Le cinéaste, libéré des contraintes d’un cinéma traditionnel, fait de cette antique histoire un pur poème. Il y capte le trouble de l’incarnation et y interroge le mystère de notre condition. Beau et ambitieux.
« Des choses apparemment éloignées me paraissent liées. » Le projet de Tiresia pourrait tenir dans cette simple phrase prononcée par Laurent Lucas dans le film. Lui-même y joue deux rôles très différents. Il est dans un premier temps le ravisseur de Tiresia, Terranova, avant d’être dans une deuxième partie un prêtre, le Père François. Tiresia est un film plein de mystères, qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Si Laurent Lucas joue deux rôles différents, le personnage de Tiresia est quant à lui interprété par deux acteurs (de sexes) différents : Clara Choveaux et Thiago Telès. Le film nous propose par un savant jeu d’échos d’apprendre à voir la permanence dans des choses très différentes et l’éclatement derrière l’unité apparente.



Tiresia est d’abord l’adaptation, dans un contexte contemporain, d’un mythe. Dans la version antique, plusieurs récits coexistent. Le mythe raconte que Tirésias, parti à la chasse, aperçoit par mégarde Athéna, nue, en train de se baigner. La déesse l’aveugle en passant sa main sur ses yeux. Seules les lamentations de la mère de Tirésias, la nymphe Chariclô, poussent ensuite Athéna à purifier les oreilles du jeune homme. Il peut alors comprendre le langage des oiseaux prophétiques et prédire l’avenir. Un autre récit autour de Tirésias avance que celui-ci aurait rencontré un couple de serpents entrelacés au cours d’une ballade. Après avoir tué la femelle, le jeune homme se serait transformé en femme. Il n’aurait retrouvé son état initial que sept ans plus tard, après avoir tué le mâle d’un autre couple de serpents pris dans la même position.
Avec Tiresia, Bertrand Bonello a modernisé le mythe pour en questionner la pertinence et éventuellement élargir le propos. Tiresia est devenu ici un transsexuel du Brésil qui vit de la prostitution au Bois de Boulogne. Un jour, il (ou bien elle ?) est kidnappé par le taciturne Terranova, qui décide de l’enfermer. Ne pouvant satisfaire pleinement la volonté de celui-ci, Tiresia se voit crever les yeux par son ravisseur qui craint d’être identifié. Recueilli et soigné par une jeune fille de dix-sept ans, il se rétablit progressivement et se découvre un don. Tiresia a désormais des visions oraculaires. En choisissant de faire du personnage principal un transsexuel, le cinéaste réintroduit le thème de l’offense aux dieux tout en plaçant son film dans un questionnement sur l’identité. Comme le prêtre l’explique à Tiresia dans la deuxième partie, la transformation de son corps est un renoncement au rôle qui lui a été assigné à sa naissance par le Créateur. À un autre moment du film, une veuve qui s’apprête à se remarier s’inquiète auprès de l’oracle de savoir au côté de qui elle sera après sa mort. Déjà troublante, la confusion des corps, omniprésente comme dans les très beaux travellings du bois de Boulogne, devient problématique.

Parallèlement, Tiresia se veut une réflexion sur la part de déterminisme et de liberté qui entoure chaque individu. La transsexualité du personnage n’est jamais présentée comme une volonté personnelle. De la bouche de Tiresia lui-même, celle-ci s’est imposée très tôt. Kidnappé par un client ou récipiendaire d’un don, le personnage est toujours obligé par la force des choses à se soumettre à de fortes contraintes extérieures. Tiresia explique ainsi son parcours : « Un petit garçon qui souhaite devenir une fille ne peut être qu’une pute ». Un des points forts du film est de montrer comment chaque personnage se retrouve prisonnier dans son quotidien. L’enfermement vaut aussi bien pour Tiresia que pour son ravisseur ou encore Anna, la jeune fille qui le recueille après le premier drame qui le frappe. Ils vivent tous à l’écart du monde. Ils se confinent dans un rôle, une image, une quête dont ils peinent à se dégager.
À travers le destin de ce transsexuel,
Tiresia peut se lire comme une représentation de la condition humaine. Comme tout mythe, cette histoire se veut révélatrice de vérités plus générales. Le questionnement sur l’identité trouve ici une place fondamentale. « Qui sommes-nous ? » et « Où allons-nous ? » sont sans doute les deux interrogations essentielles qui se posent à tout individu. Tiresia présente des personnages en quête de quelque chose qu’ils ne peuvent atteindre. Ils errent dans la nuit sans pouvoir voir la lumière. Les seuls moments où Tiresia est associé avec le jour sont ainsi ceux où il est aveugle. Si les personnages sont doués de vision au sens propre ou figuré, ils n’ont aucune maîtrise sur les choses qui les entourent. Le film est travaillé par de multiples ruptures aussi bien narratives que musicales. Il est ouvert au désordre, à l’accident. Cette impuissance à contrôler les choses peut déboucher sur la violence si elle n’est pas acceptée.

Dégradation des corps, désir physique, violence, tendresse... le film met e
n jeu une variété de sentiments et de problématiques associés au couple. Bien qu’en apparence radicalement différents, les deux moments de Tiresia sont en réalité assez proches. Anna comme le ravisseur passent l’essentiel de leur temps à prendre soin de leur hôte prisonnier contre son gré ou par la force des choses. Amours impossibles, aucun des deux ne se concrétise physiquement. La double sexualité de Tiresia le met au-dessus des autres, comme si le transsexuel contenant les deux sexes était autant à tout le monde qu’à personne.
Face à cette condition d’impuissant, seule la foi peut amener à une élévation. Tiresia, lucide quant au fait que la vie n’est qu’une fête désespérée marquée par le vieillissement et la mort des belles choses, finit par accepter la trajectoire de son destin sans se rebeller. Porteur d’un don, il refuse de se changer une nouvelle fois et accomplit sa tâche même s’il ne peut sauver personne et doit s’attirer l’incompréhension des autres. Face au prêtre, il avoue ne pas se poser trop de questions et se satisfaire de sa condition, certain que c’est la meilleure chose à faire. Engagement du personnage mais aussi, ici, du cinéaste.


Tiresia peut se lire comme un acte de foi cinématographique. Bertrand Bonello croit avec raison en la puissance poétique des images, des objets, des sons qu’il fusionne. Le film s’ouvre d’ailleurs sur de magnifiques plans de lave qui s’écoule doucement, venue des entrailles de la terre. Fonctionnant comme une spirale qui avance, un chemin en trois temps, certains plans de Tiresia en appellent d’autres, plus tard. Il en est ainsi de celui de la statue du transsexuel, que l’on peut rapprocher du plan nu de Tiresia, ou des ces images de sexualité à plusieurs qui associent un moment le personnage principal puis ensuite Anna. La question de l’original et de la copie et du passage de l’un à l’autre est ici centrale.
Chant de joie et de douleur, Tiresia est un film brillamment mis en musique, tantôt grandiloquente, tantôt plus douce. La seule chose que le film ne se refuse jamais, c’est la beauté. Car comme le dit le prêtre joué par Laurent Lucas dans les dernières minutes : « La vie est plus agréable depuis que l’homme a inventé les roses ». Cette beauté et cette force de vie sont aussi celles d’un enfant qui joue tranquillement dehors. Une image qui clôt avec justesse un Tiresia aussi ambitieux que réussi.
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Bande annonce
Secrets de tournage



Fiche technique :
Avec Aaron Webber, Robert Joy, Rebecca Jenkins, Daniel Maclvor, Kathryn MacLellen, Drew O’Hara, Ryan Hartingan, Georgie brown, Callum Keith Rennie, Jackie Torrens, Lisa lelliott et Leah Fassett. Réalisateur : Amnon Buchbinder. Scénariste : Amnon Buchbinder et Daniel MacIvor. Directeur de la photographie : Christopher Ball. Montage : Angela Baker. Musique : David Buchbinder.
Durée : 92 mn. Disponible en VO.


Résumé :
Emerson Thorsen (Aaron Webber), joli garçon androgyne et surdoué de 13 ans, vit chez ses parents au Canada dans une maison perdue au milieu de la forêt de la Nouvelle Écosse. Il vient d'illustrer son premier livre, 1 000 pages consacrées à sa première pollution nocturne. Ce qui étonne à peine ses parents qui jusque là pourvoient à son éducation sans le secours de l’école. Il faut préciser que le père est un célèbre auteur d’ouvrages pédagogiques, par ailleurs impuissant et mari trompé par sa femme légèrement nymphomane. Mais il convient qu’il serait peut-être bon pour son fils d’abandonner les leçons à la maison pour l'école locale. Voilà qu’Emerson se retrouve bientôt avec des filles et des garçons de son âge. Il éprouve le choc des cultures, d'un esprit libre forcé de se confronter avec ses camarades de classe non préparés pour accepter sa différence. Ils ne comprennent pas bien ce garçon qui aime Shakespeare et écrit ses propres romans. La grande préoccupation d’Emerson est de savoir s’il est vraiment gay comme lui suggèrent fortement ses condisciples. Pour vérifier, il embrasse sur la bouche une fille puis un garçon : ce qui n’aide pas à son intégration. La personne dont il se sent le plus proche est son professeur d’anglais (Daniel MacIvor). Comme celui-ci est gay, Emerson en déduit que lui aussi doit être gay. Il n'en éprouve aucune honte et est déterminé à poursuivre son professeur de ses assiduités. Il apprendra les dures leçons de ce que signifie aimer...


L’avis de Bernard Alapetite :
Tout d’abord, ne vous fiez pas à la très laide affiche. Ce film est une très jolie surprise et Aaron Webber bien mignon. On comprend bien que pour désamorcer le scandale que pourrait provoquer le film, il ne fallait pas que le garçon paraisse beau. D’ailleurs un garçon de 13 ans qui poursuit de ses assiduités son professeur, cela ne peut pas exister et cela n’a jamais existé. Je vous rappelle que dire le contraire vous voue aux gémonies éternelles. Nous ne sommes plus dans les années 70. Vous vous souvenez, une époque où l’on donnait le prix Médicis à Tony Duvert, un auteur de livres ouvertement pédophiles. Non, nous sommes en 207. Vous êtes rassurés maintenant et puis si vous l’aviez oublié vous devez me lire en prison, mais je crois qu’Internet y est interdit ! De toutes façons, depuis que vous vous gavez de films américains, iraniens, chinois et même français, vous savez comme moi qu’un garçon de 13 ans, ça n’a pas de sexualité. Au regard de ce que veut nous faire croire la production internationale, Whole New Thing est bien une fiction extravagante. Il faut dire que le film aggrave son cas. Il présente comme héros un garçon surdoué et joli et non un bas du front avec des cuisses d’haltérophile comme les apprécient bon nombre de cinéastes de ma connaissance que je ne dénoncerai pas (c’est encore un peu tôt pour la délation, je me réserve). Un professeur profondément dans le placard qui drague les mecs dans les pissotières des parkings, encore de la pure fiction, ce n’est pas le syndicat des enseignants qui me dirait le contraire (pourtant il me semble connaître...). Et enfin un célèbre auteur de livres de pédagogie incapable d’élever son fils, impossible vous dis-je (néanmoins je crois savoir...).


Les péripéties ne manquent pas et l’on ne s’ennuie jamais. Le réalisateur ne se dépare jamais de la tendresse qu’il éprouve pour tous ses personnages qui, pourtant, souvent ne brillent ni par leur bon sens, ni par leur courage. Le filmage sans être exceptionnel est très honnête et surtout les acteurs sont épatants. Le jeune Aaron Webber est tout simplement extraordinaire. Daniel McIvor, le prof gay et timoré, est aussi le co-scénariste du film. Il n’en est pas à son premier film gay puisqu’il jouait le premier rôle dans Beefcake, celui de Bob Mizer, et qu’on l’a vu dans Uncut de John Greyson.

Whole New Thing est aussi drôle qu’intelligent. On peut bien sûr regretter la fin très politiquement correcte mais je suis certain que comme moi, vous ne voudrez pas admettre qu’un garçon aussi sensible et intelligent puisse être hétérosexuel.


Lors du 1er Festival du Cinéma Indépendant Américain, à Paris en 2006, sous la présidence d’Elsa Zylberstein (actrice), le jury du long-métrage, composé de Fabienne Bichet (directrice de casting), Philippe Lioret (réalisateur), Jean-Marie Vauclin (distributeur) et de Didier Flamand (comédien et réalisateur), a décerné le « Prix de la meilleure fiction » au film. Titra Film doit en favoriser la distribution en offrant le sous-titrage au distributeur qui le prendra en charge. Jusqu’à ce jour les distributeurs, n’écoutant que leur courage et leur cinéphilie bien connus, ne se sont toujours pas manifestés. Susurrons-leur qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et que Whole New Thing est beaucoup mieux réalisé que C.R.A.Z.Y., autre film gay canadien qui fit un tabac, pour ne rien dire de Mambo Italiano.
Un DVD est édité aux États Unis.

Pour plus d’informations :
Site officiel
du film


Fiche technique :
Avec Michel Serrault, Ugo Tognazzi, Michel Galabru, Claire Maurier, Rémi Laurent (voir casting). Réalisation : Édouard Molinaro. Scénario : Francis Veber, Édouard Molinaro, Marcello Danon et Jean Poiret. Musique : Ennio Morricone. Images : Armando Nannuzzi. Montage : Monique Isnardon et Robert Isnardon.
Durée : 108 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Le fils (Rémi Laurent) du patron homo d’une boîte de nuit de Saint Tropez veut épouser la fille du secrétaire général (Michel Galabru) d’un parti politique ultra conservateur et puritain. Le garçon a invité ses futurs beaux-parents chez son père (Ugo Tognazzi) pour qu’ils fassent connaissance. Le problème est que son père vit avec Zaza (Michel Serrault), une folle perdue… Il ne lui reste plus qu’à le faire passer pour une femme...


L’avis de Bernard Alapetite :
Il est presque indécent d’attribuer ce film à Édouard Molinaro qui n’a fait que mettre platement en images la pièce de Jean Poiret dont on regrettera éternellement qu’il n’ait pas repris son rôle, dans lequel il a triomphé sur scène, pour de sombres questions de coproduction franco-italienne. Malgré son grand talent, Ugo Tognazzi ne parvient pas à se hisser au niveau de Jean Poiret, c’est dire. Il faut louer aussi l’efficace adaptation par Poiret lui-même, bien aidé par ce grand professionnel qu’est Francis Veber. Le succès est surtout dû à l’extraordinaire numéro de Michel Serrault qui s’abandonne avec délice, avec délire, à son personnage de Zaza Napoli, outrant la caricature jusqu’à une ambiguïté et une étrangeté qui, par instant, entraînent le film au-delà de la gaudriole. L’acteur sera récompensé par le César d’interprétation masculine ! Rémi Laurent, qui joue le fils d’Ugo Tognazzi, débuta dans À nous les petites anglaise et est décédé du sida en 1989.
Cette Cage aux folles vient de loin, de 1935 exactement, année où Jean Poiret, âgé de neuf ans, voit Fanfare d’amour dans lequel Carette et Fernand Gravey se travestissent en femmes. L’enfant est fasciné par le déguisement et la grosse farce. Plus tard, dans les années 50, le duo Poiret et Serrault campe dans les cabarets un couple d’antiquaires précieux. Le déclic qui marque véritablement la naissance de La Cage vient à la fin des années soixante lorsque Poiret voit L’Escalier de Charles Dyer (il existe une adaptation cinématographique de cette pièce due à Stanley Donen et jouée par Richard Burton et Rex Harrison) dans laquelle Paul Meurisse et Daniel Ivernel jouent un vieux couple d’homosexuels qui se déchire constamment. Poiret décide alors que sa prochaine pièce aura pour personnages principaux deux folles d’un âge certain, pas des folles aigries mais des folles flamboyantes. C’est ainsi que le public parisien découvre en janvier 1973, au Théâtre du Palais Royal, La Cage aux folles dans une mise en scène de Pierre Mondy. C’est un immense triomphe. L’adaptation cinématographique draina 5,3 millions de spectateurs en France, connu un prodigieux succès international et obtint l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood.
On peut penser à propos de Poiret que s’il est venu qu’assez tardivement à l’écriture théâtrale entièrement soumise aux codes du boulevard, c’est seulement lorsqu’il a compris et accepté qu’il ne serait jamais un nouveau Sacha Guitry, son maître qui lui avait donné son meilleur rôle dans Assassins et voleurs, ce dont s’est souvenu Claude Chabrol pour son inspecteur Lavardin.


Au début, la communauté gay reprocha à la pièce de n’être qu’une caricature grossière. Pourtant aujourd’hui, Zaza trône dans l’olympe de la culture gay (pour constater cette évolution, il suffit de comparer le passage que consacrait au film en 1984 Bertrand Philbert dans son livre L’homosexualité à l’écran : « Le talent de Michel Serrault emportait à l’arraché bien des passages de cette concrétisation cinématographique d’un imaginaire bien français ; là où les américains font une fixation sur l’homosexuel à l’aspect viril, même hyper viril (qu’il s’agisse des cuirs SM de Friedkin ou des routiers des frères Cage), une peur intériorisée, les gaulois évacuent tout ça grâce à l’image de la folle et du travesti, renvoyant l’homosexualité à une caricature asexuée de l’éternel féminin. Ce qu’opère La Cage aux folles, c’est une immobilisation de ce qui peut menacer, grâce à l’exorcisme du rire. La folle, malgré les affirmations contraires des militants du Fhar ou des G.L.H., dérange moins l’hétérocratie qu’elle ne la conforte dans ses certitudes par rapport à ce qu’elle pense de l’homosexualité. Que le film de Molinaro soit monté haut dans le box-office ne peut que le confirmer » au long article laudateur de Didier Roth-Bettoni, intitulé « La Cage aux folles, histoire d’un succès », dans le Idol d’octobre 1999. Sept ans plus tard dans son remarquable L’Homosexualité au cinéma (éditions La Musardine), il n’a pas changé d’avis comme le démontre cette sentence : « Ce qu’incarne la Zaza de Serrault, c’est le droit absolu à la différence, et la sympathie que ses cris perçants et sa folie douce inspirent immanquablement aux spectateurs ne peut que plaider en ce sens. »
Pour en savoir plus sur la genèse de La Cage aux folles, il faut lire la biographie que Dominique Chabrol a consacré en 1999 à Jean Poiret : Jean Poiret l’art d’en rire aux éditions Belfond. Le film eut deux suites peu recommandables. Dans La Cage aux folles II (1983), réalisé également par Édouard Molinaro, Zaza est aux prises avec une affaire d’espionnage. On y retrouve avec plaisir pour un de ses derniers rôles Marcel Bozzuffi. Pour le dernier avatar, La Cage aux folles III (1985), dans lequel on cherche à marier Zaza, Molinaro a laissé les commande à Georges Lautner.
Mais l’histoire de La Cage aux folles n’est pas qu’européenne. En 1982, voyant le film dans un cinéma de Los Angeles, Jerry Herman, gay et surtout auteur et compositeur d’Hello Dolly et de Mame décide d’en faire une comédie musicale. Il fait appel à deux autres gays : Arthur Laurents, librettiste de West Side Story et de Gypsy qui fera la mise en scène, et Harvey Fierstein, auteur-comédien de l’inoubliable Torch Song Trilogy qui travaillera sur le livret. La Cage aux folles ainsi reliftée connaîtra un succès phénoménal à Broadway, jouée des années et remportant six Tony Awards.
Hollywood aussi s’en emparera en 1995 pour un remake poussif: The Birdcage.

Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec: Nouraddin Orahhou (Kamel Raoui), Lubna Azabal (Touria), Hicham Moussoune (Pipo), Noor (Yasmine), Mohamed Majd (Le commissaire), Hammadi Tounsi (Driss Tahiri), Faycal Boughrine (Bougemza), Leila Allouch (Ramses), Anouar Mohammed Alami (Hakim Tahiri), Abdeslam Akaaboune (Damoussi). Réalisation : Nabil Ayouch. Scénario : Malika Al Houbach et Nabil Ayouch. Adaptation & dialogues en arabe : Zoubeir Benbouchta. Images : Joël David. Montage : Vanessa Zambernardi. Musique : Natacha Atlas, Hamid El Shari, Madioko et Bassim Yazbek.
Durée : 98 mn. Difficilement trouvable en DVD.

  

Résumé :
Kamel Raoui, un jeune inspecteur de police, est chargé d'enquêter sur la mort d'Hakim Tahiri, un important trafiquant de drogue, assassiné dans sa villa tangéroise. La première suspecte est son employée et maîtresse : Touria, une jeune femme qui vit sur les lieux du crime avec son petit frère, Pipo. Alors que Touria est placée en garde à vue, Kamel recueille chez lui Pipo avec qui se tisse une complicité très forte.
Par la force des choses, la jeune femme est amenée à les rejoindre. En observant Touria, Kamel comprend peu à peu l'amour qu'elle porte à son jeune frère, gravement malade, et ce qu'elle a fait pour lui permettre de vivre. Touria est aussi un témoin capital, suspectée de meurtre, dans l'enquête que Kamel mène sur la mort de Tahiri.
Il démêle pourtant, grâce à elle, tous les noeuds de l'enquête, ce qui le mènera à démanteler un important réseau de trafic de drogue. Au-delà des circonstances qui ont réuni Kamel et Touria, c'est aussi une histoire d'amour qui les surprend, révélatrice et tragique.

  

L’avis d’Olivier Barlet :
Puisant dans les ficelles des films d'action américains, Nabil Ayouch fait un cinéma efficace. Son troisième long métrage en use et en abuse, avec systématisme : musique à coups de poing pour soutenir un montage serré de flashs, décomposition des mouvements en arrêts sur image, steadycam mouvant pour filmer les déplacements, incrustations d'images pour illustrer les idées qui s'imposent, effets de flou sur les paysages dans les scènes d'intérieur-voiture, cadrages coca-cola, traits de lumière dans la pénombre… Kamel est un vrai flic, on le reconnaît : on l'a vu déjà mille fois, ce flic sombre et renfermé, qui ne montre pas ses sentiments, qui habite une chambre austère et n'a pour toute relation qu'un travesti au grand cœur… Au hasard d'une enquête débarquera dans sa vie une jolie femme et un enfant malade– et son cœur s'ouvrira.
Pourtant, c'est bien là que ce film aux effets si agaçants trouve un nouveau rythme. Au point que même lorsque sa voiture se met à flotter dans le ciel comme dans Mary Popins, la poétique fonctionne. Sans doute parce que le gamin est interprété par Hicham Moussoune, un des enfants du précédent film d'Ayouch, Ali Zaoua, qui conserve tout son naturel. Sans doute aussi parce que les scènes qui renoncent aux appâts faciles trouvent une juste épaisseur, picturales sans esthétisme, où gestes, regards et positions suffisent à suggérer sans lourdeur. Sans doute surtout parce que la connivence qui s'installe entre tous ces paumés renforce l'ubiquité du film, cette ambiguïté sans cesse attisée entre le sentiment et l'intérêt, la générosité et la manipulation. Le double jeu du flic fait écho aux ambivalences de cette femme qu'il peine à reconnaître coupable de meurtre, à la nature des relations sexuelles évoquées ou montrées, à la présence du travesti, aux suspicions de tous styles. Personne n'est vraiment clair et on ne sait à quel saint se vouer. Comment ne pas y voir un écho du Maroc de Mohammed VI où chacun se demande ce qu'on peut croire et pour combien de temps ?

  

L’avis de Bladi :
Avec ce polar qui ose s'interroger sur l'identité sexuelle, le Marocain Nabil Ayouch transgresse plusieurs tabous – au point d'avoir été diabolisé par ses compatriotes. Il faut dire que l'image du policier que renvoie le cinéaste n'est guère conforme aux normes de la société marocaine : Kamel a pour « meilleur ami » un travesti, tombe amoureux d'une femme – Touria – qui se comporte comme un homme... Le film met en lumière quelques questionnements essentiels sur la sexualité, qui bousculent l'hypocrisie d'une société muselée. D'une beauté étrange, Une minute de soleil en moins a bénéficié d'un travail exceptionnel sur la photo et d'une bande son magnifique. Quant à l'actrice Lubna Azabal, elle est inoubliable.
Nabil Ayouche a préféré retirer son film Une minute de soleil en moins du festival international du film de Marakech, pour « échapper » aux foudres de la censure qui visait une scène « osée ». C’est en effet la commission de contrôle marocaine qui a suggéré au cinéaste de couper dix à quinze secondes du film. Le réalisateur avoue sa surprise quant à la demande alors qu’une grande majorité des films sont étrangers. Le nombre de films marocains étant déjà réduit, faut-il encore les censurer ? Malgré tout, Nabil Ayouche qui définit son scénario comme un mélange, histoire d’amour et policier, est prêt à entendre les remarques de la commission et à discuter d’un possible découpage de quelques secondes.


Nabil Ayouch :
Né le 1er avril 1969 à Paris, Nabil Ayouch passe une partie de sa jeunesse à Sarcelles dans un milieu qu'il définit comme « plutôt modeste ». Très tôt, son père marocain laisse périodiquement sa mère, enseignante française, pour créer à Casablanca, d'une part, une agence de publicité qui deviendra l’une des plus prospères du Royaume et, d'autre part, la Fondation Zakoura, une banque sur le modèle de la Grameen Bank du Bangladesh qui prête aux plus démunis à des taux d'intérêt très bas.
Après trois années de cours de théâtre à Paris (1987-1990), en compagnie de Sarah Boréo et Michel Granvale, il effectue ses débuts comme auteur-metteur en scène, et se lance dans la publicité au poste de concepteur-rédacteur chez Euro-RSCG, expérience qu'il considère aujourd'hui comme « une bonne plate-forme d'observation pour comprendre comment marche un tournage ». Parallèlement à cela, le jeune Nabil Ayouch entre en cinéma, non par les écoles, mais par la voie des stages « à peu près à tous les postes » (les citations sont extraites d’une interview publiée dans le journal Le Monde, du 21 mars 2001).
Saisi par la passion, il décide de s'orienter vers la réalisation, ce qui lui permet d'amorcer une réconciliation avec sa seconde culture marocaine. Il navigue alors d'un bord à l'autre de la Méditerranée, plongeant « d'une culture, d'un monde à l'autre, d'un milieu social à l'autre » pour les besoins de multiples projets. En 1992, il réalise Les Pierres bleues du désert, un premier court métrage avec Jamel Debbouze qui raconte l'histoire d'un jeune homme convaincu qu'il existe de grandes pierres bleues dans le désert. Hommage émouvant aux esprits en quête de vérité, ce petit film simple et poétique annonce déjà Ali Zaoua. Puis, il tourne deux autres courts métrages, Hertzienne Connexion (1993) et Vendeur de silence (1994) pour lesquels il reçoit de nombreux prix internationaux très prometteurs.
Toutefois, la relation avec ses pairs marocains n'aura pas toujours été aisée. « Nous récoltons les fruits de leur courage et de leur labeur. Évidemment, ils ont été un peu surpris, même agacés, quand ils ont vu débarquer au 4e Festival national du film marocain à Tanger, en 1995, une bande de jeunes cinéastes de la diaspora. Ce fut comme un raz-de-marée, la pierre angulaire du jeune cinéma marocain bénéficiant de ses contacts dans les pays développés et des facilités accordées par le Maroc ».
Néanmoins, pour éviter l'enfermement, Nabil Ayouch s'oppose à l'idée de créer une association de réalisateurs quand les cinéastes de la diaspora le lui proposent : « Nous avons la chance d'être dans un pays où le cinéma commence à naître après celui de nos voisins africains. Nous devons donc nous solidariser avec les cinéastes installés au Maroc et fonder une association nous réunissant tous. » Estimant que les défis à relever se situent au Maroc et non en Europe, Nabil Ayouch crée alors sa propre maison de production à Casablanca (Ali N'Productions) afin de découvrir de nouveaux talents locaux.
C'est avec une certaine liberté de ton, probablement due à sa double culture qu'en 1997, il met en scène Mektoub, un premier long métrage en forme de “road-movie” policier qui évoque sans complaisance certains sujets tabous de la société marocaine comme la corruption, l'abus de pouvoir, les inégalités, le cannabis... Le film fait exploser le box-office marocain avec plus de 350 000 spectateurs et remporte un succès d'estime en France. L'histoire s'inspire du scandale de l'affaire Tabet, un fait divers retentissant qui a mis à jour un trafic de cassettes pornographiques organisé par le commissaire de police Tabet et impliquant de nombreux hauts fonctionnaires.
En 2002, Nabil Ayouch tourne Une minute de soleil en moins, un téléfilm sur le thème de la parité, qui se déroule à Tanger, pour le compte de la collection “Masculin/Féminin” d'Arte.
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