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FILMS : Les Toiles Roses



Fiche technique :
Avec Josh Barclay Caras, Donald Eric Cumming, Billy Price, David Tennent, Alex Tourmayan et Eleonore Hendricks. Réalisation : Carter Smith. Scénario : Carter Smith, d’après la nouvelle de Scott Treleaven. Directeur de la photographie : Darren Lew. Son : Eric Nagy.
Durée : 34 mn. Disponible en VO (USA) et VOST (VOD Arte).




Résumé :
Grand prix du jury à Sundance 2006

Dans une cité provinciale américaine désincarnée, Ben, adolescent solitaire au visage d'ange, tente de se construire une identité, entre persistantes tâches de rousseur et premières cigarettes. Lorsque Grant, nouvel élève aux sombres secrets, arrive dans son lycée, Ben force sa timidité pour l'approcher. Une amitié naissante qui bascule bientôt dans une aventure initiatique terrifiante.


Josh Barclay Caras (Ben)


L’avis de Kim :
L’année dernière, j’étais allé, comme quasiment chaque année, au festival du film gay et lesbien de Paris. Malheureusement, comme de plus en plus, je suis sorti relativement déçu par la production que j’ai pu voir à ce festival.


Donald Eric Cumming (Grant)


La production de films gays et lesbiens est en effet de plus en plus formatée pour correspondre aux attentes d’un public gay et lesbien, ce qui fait que désormais les scénarios se répètent et perdent leur valeur d’œuvres « universelles » ou « novatrices ». La création d’une niche cinématographique ciblée sur les thèmes LGBT a eu son heure de gloire, mais désormais, cette niche est en pleine crise, faute de renouvellement des idées et thèmes gays et lesbiens. Fini donc le temps de l’extase devant Maurice, Torch song trilogy, Les Roseaux sauvages, Beautiful thing, Priscillia folle du désert


Eleonore Hendricks (Amber) & Billy Price (Tim)


Si la fin des années 1980 et les années 1990 nous ont laissé quelques chefs-d’œuvre impérissables, les années 2000 nous ont laissé surtout des clones pratiquement destinés à n’être rentabilisé qu’au marché du DVD, ce qui explique la segmentation/formatage de ces films qui ne seront achetés quasiment que par des gays et des lesbiennes. Nous avons eu donc droit à des films clones sur le « coming of age » (sur l’adolescence donc), sur les bandes de potes, sur les histoires d’amour romantique, sur le sida, sur l’homophobie, etc. Oh, certes, parmi ces clones, nous avons eu droit à quelques très bons films, mais aucun n’a percé comme leurs prédécesseurs dans l’inconscient collectif. Bref, le genre peine à se renouveler. Seuls quelques rares films ont su renouveler le genre, comme Brokeback mountain, Tu marcheras sur l’eau ou Mysterious skin, qui ont chacun su traverser le sentier du formatage en explorant des sentiers inconnus.


David Tennent (Shannon) & Alex Tourmayan (Keith)


Et bien justement, lors de ce festival, un court métrage a marqué les esprits. On peut même dire que cela était la seule œuvre vraiment importante du festival qui l’a sauvé d’un ennui mortel. Certains diront qu’il surfe sur la vague des nouveaux films d’horreur/fantastique gays. Sauf que, pour l’instant, excusez-moi l’expression, nous n’avons eu que des œuvres bas de gamme qui ne risquaient de bousculer le podium des meilleurs films du genre. Et puis, enfin, Bugcrush est arrivé…


Cela commence comme une bleuette adolescente : on se dit « Tiens, encore une histoire où un jeune gay tombe sous le charme d'un autre mec dont il va falloir savoir justement s'il est gay ou pas ». Une sorte de film « coming of age », du déjà vu donc. Et bien pas du tout. Car lentement le film glisse vers l'angoisse. Une angoisse oppressante où on se demande dans quelle galère Ben a bien pu se fourrer. Car on ne peut pas franchement dire que Grant soit toujours très rassurant, malgré la séduction qu’il opère auprès de Ben. Puis s’opère un basculement encore plus rapide car on tombe dans le fantastique/horreur. Heureusement que l'on ne nous montre pas tout d'ailleurs. Sans vous révéler l'histoire (cela serait gâcher le plaisir), voici une intrigue rondement menée par une réalisation intelligente : particulièrement innovante ! On comprend le titre en voyant les dernières minutes du court-métrage. Woaw ! Si seulement on pouvait espérer que cette histoire continue, car on aimerait connaître la suite !

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Ce court métrage est l’exemple même d’œuvre qui échappe à toute classification simpliste. C’est ce qui fait sa force et son originalité, d’autant plus qu’il pénètre dans des sphères jamais véritablement explorées auparavant de cette façon.
Alors, vous allez me dire : « Où voir ce court-métrage ? »
Guettez la télévision. Il a été diffusé sur Arte le 29 août 2007 à 2h15 du matin (donc quasiment personne ne l’a vu). Qui sait ? Il pourrait il y avoir une rediffusion ? Il y a quand même intérêt à guetter la grille des programmes de manière minutieuse, vu les horaires de la précédente diffusion.

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Sinon, il y a la VOD, sur le site d'ArteVOD. C’est un peu cher, mais honnêtement cela vaut le coup. D’autant que là vous pourrez le voir en VOST en un seul morceau, tandis que sur les sites de partage de vidéos (quand on le trouve), c’est en VO non sous-titrée et découpé en plusieurs parties, ce qui gâche franchement la montée crescendo de l’angoisse (à éviter donc).
Enfin, espérons qu’Antiprod, l’éditeur qui propose sur le marché DVD la collection « Courts mais gay », ait la bonne idée et la possibilité d’en obtenir les droits pour une diffusion en France. Le court métrage a en tout cas déjà été édité dans la collection dvd US « Boys life 6 » (zone 1).

Aaaaaargh… !!!!!
Mais que peut-il bien se passer ensuite ? Ben !?! Réponds-nous !

Pour plus d’informations :

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Fiche technique :

Avec Khadija Abaoub, Sarra Abdelhadi, Mustapha Asouani, Khaled Akrout, Yacoub Bchiri, Habib Belhadi, Mahmoud Belhassen, Noureddine Ben Ayed, Souad Ben Sliman, Fathia Chaabane, Wassila Chaouki, Hamadi Dekhil, Jamila Dhrif, Mohamed Dhrif, Habiba Gargouri, Khaled Ksouri, Imed Maalal et Lamine Nahdi. Réalisation : Nouri Bouzid. Scénario : Nouri Bouzid. Image : Youssef Ben Youssef. Son : Faouzi & Riadh Thabet. Montage : Mika Ben Miled. Musique : Salah El Mahdi.

Durée : 109 mn. Disponible en arabe sous-titré français ou anglais.


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Nouri Bouzid


Résumé :

Une dénonciation implacable du poids des traditions dans la société arabe contemporaine...
Hachemi, jeune sculpteur sur bois d'une vingtaine d'années, doit se marier sous peu. Ses parents, habitant comme lui dans la petite ville de Sfax, lui ont choisi son épouse, mais le garçon ne parvient pas à s'intéresser aux préparatifs de la noce. Enfant, lui et son meilleur ami, Farfat, ont été violés par leur patron et le souvenir de ce douloureux moment les obsède encore tous deux. Hachemi, totalement désorienté, s'oppose pour la première fois ouvertement à ses proches...
Avec L’Homme de cendres, Nouri Bouzid est devenu une véritable vedette dans le monde arabe. Ce film qui traite de la jeunesse arabe, des relations possibles entre juif et musulman et le viol d’un garçonnet musulman marque cette œuvre comme un des films phares du cinéma arabe.

L’avis de
Jean Yves :
Ce film décrit le poids écrasant de la figure du père dans les pays arabes. Deux jeunes hommes, originaires de Sfax, Hachemi et Farfat, ont été violés pendant leur adolescence par leur employeur libidineux.
Le premier le vit comme un lourd secret pesant sur son futur mariage et remettant en cause sa virilité ; le second, devenu homosexuel, devient la risée de toute la ville.
Le film aborde le désarroi vécu par Hachemi, un jeune sculpteur sur bois dans la vieille ville de Sfax, au moment où commencent les préparatifs de son mariage. Le renvoi de son ami Farfat par son père et le scandale qui s'ensuit remuent le passé dans la tête de Hachemi. Ce passé révèle des moments tragiques : Hachemi et Farfat ont été violés pendant leur enfance par leur maître d'apprentissage, Ameur.
Hachemi se soustrait à l'évènement capital qui est son mariage et part à la quête de son passé. Sans le vouloir, il communique sa tension à la famille et, pour la première fois, le ton monte avec son père, Mustafa, gardien de la respectabilité et de l'autorité suprême. Hachemi quitte la maison au moment où un vent de sable souffle sur la tente qui va abriter la cérémonie et l'abat. Le seul refuge de Hachemi reste l'amitié qui regroupe Touil le forgeron, Azaiez le boulanger et Farfat le rebelle qui n'a jamais rien pris au sérieux et qui garde comme Hachemi un regard d'enfant.

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Partagé entre son attachement à Farfat et la peur des mauvais souvenirs que ce dernier lui rappelle, Hachemi n'arrive pas à s'en extraire, à se soulager et à en parler. La simple évocation d'Ameur l'irrite.
Derrière les velléités de Hachemi, se dessine un portrait de la famille, cette valeur sacrée de la famille tunisienne. Les parents sont peinés de voir leur fils « refuser le bonheur ». La mère recourt aux rituels magico-religieux pour calmer les éléments qui se déchaînent contre ce mariage. Même sa sœur Emna, qui est pourtant sa « complice » n'y comprend rien.
Dans sa fugue, Hachemi revient à l'immeuble de son enfance. Il y retrouve le vieux Levy resté seul après le départ de toute sa famille. Autour d'une bouteille de boukha, ils évoquent le passé et comment Lévy lui a appris la sculpture. Le vieux prend le luth et chante à Hachemi une ancienne chanson qu'il reconnaît. Hachemi se sent prêt à « parler » mais le vieux, épuisé, est gagné par le sommeil.
De retour à son atelier, Hachemi, seul, entrevoit enfin la possibilité d'assumer son passé mais l'irruption de Farfat, saoul en pleine nuit, interrompt ses réflexions. La voix de sa mère l'appelle. Il court au Borj de ses parents où une séance d'exorcisme l'attend.
Pris au piège de la famille comme un animal traqué qui cache mal sa blessure, Hachemi n'a pas la force de se soumettre. Le père, excédé et désespéré, recourt au châtiment corporel.
Les issues se ferment, même le vieux Levy meurt dans l'indifférence. C'est alors que Touil le forgeron, déterminé à aider ses deux amis, croit trouver la solution dans leur initiation et organise une sorte de répétition de nuit de noces chez la vieille Sejra (arbre, en arabe) une rescapée du « bon vieux temps », solitaire et oubliée. Hachemi finit par rencontrer la Femme (Amina).
Provoqué par Azaiez qui met en cause sa virilité et lui rappelle les mauvais souvenirs, Farfat se ressaisit, retrouve sa force et part en pleine nuit accomplir l'acte qui va le libérer. Sous les yeux de Hachemi, il abat Ameur d'un coup de couteau dans le bas ventre. Pourchassé par la police, Farfat, le seul à rester fidèle à sa marginalité, échappe aux policiers qui le poursuivent.

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La cassure entre l'univers de l'enfance et le monde des adultes fascine visiblement le réalisateur ; plus exactement, la rupture vécue au moment du mariage. Il s'agit de se séparer de l'enfant qui vit en soi, abandonner cette partie de soi-même, cette part la plus intime.
Nouri Bouzid montre que la société n'accepte pas qu'un adulte soit fragile et faible : il dévoile que le mariage est le plus important rite de transition dans la vie d'un homme (partagé sans doute avec la circoncision). Dans son film, il présente et dramatise ce moment vécu d'une manière traumatisante… mettant à nu la vacuité que dissimulent l'arrogance et la domination du père. L'attitude de ce dernier ne montre-t-elle pas qu'il est – en réalité – miné par l'angoisse et la frustration ?
Nouri Bouzid parle aussi du corps dans tout le film. Lorsque chez l'entremetteuse, les personnages se déshabillent, ce n'est qu'une scène du corps de plus. Tout le film est un dialogue de (avec les) corps. Hachemi et Farfat sont filmés comme s'ils étaient interrogés dans leur chair. La caméra est si proche d'eux qu'on la dirait collée à leur peau. Les veines même sont visibles. Lorsque Hachemi essaie de remonter le temps jusqu'à la scène traumatisante, on n'entend plus que les battements de son cœur…
Là, est, pour moi, l'originalité de ce film tourné dans cette perception du corps. Au point de me sentir, si proche des personnages que j'ai l'impression de les toucher, de les caresser. Les douceurs dans les mouvements de la caméra semblent chercher à soigner les corps de leur blessure.
Par sa caméra, Nouri Bouzid touche plus qu'il ne regarde. C'est pour cela que son film m'a tant touché.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Pascal Greggory, Valeria Bruni-Tedeschi, Charles Berling, Jean Louis Trintignant, Bruno Todeschini, Vincent Pérez, Dominique Blanc, Sylvain Jacques, Roschdy Zem, Delphine Schiltz, Nathan Cogan, Marie Daems, Chantal Neuwirth, Thierry de Peretti, Olivier Gourmet, Didier Brice, Geneviève Brunet, Guillaume Canet. Réalisé par Patrice Chéreau. Scénario de Patrice Chéreau, Danièle Thompson et Pierre Trividic. Directeur de la photographie : Eric Gautier. Musiques additionnelles (interprète) : Jeff Buckley.
Durée : 123 mn. Disponible en VF.

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Résumé :
Un peintre homosexuel et tyrannique meurt. Il a demandé à être enterré à Limoges, qui se trouve être à la fois le berceau de sa famille bourgeoise et le plus grand cimetière d’Europe. Tout son entourage, on peut parler de cour, prend le train Paris-Limoges, pour le conduire à sa dernière demeure.

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L'avis de Bernard Alapetite :
Patrice Chéreau partage avec Claude Lelouche le rare talent en France, de savoir faire vivre une douzaine de personnages sur la toile même si cela ne va pas sans une faiblesse évidente pour ce film dénoncé par l’excellente Claire Vassé dans Positif  qui a osé rompre l’omerta : « Le couple homosexuel et le jeune garçon sont le pivot du film dont la faiblesse réside dans les figures féminines et les relations hétérosexuelles. Si Chéreau n’avait embarqué que des hommes, son histoire aurait été incontestablement plus intense. » (Claire Vassé (Positif, juin 1998, n°448)

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Néanmoins dans Ceux qui m’aiment... la caméra de Chéreau tente d’aimer chaque protagoniste et les acteurs le lui rendent bien. On n’a jamais vu Jean-Louis Trintignant aussi présent depuis... Le Fanfaron ! Pascal Gregory acquiert une épaisseur qu’il ne retrouvera qu’avec La Fidélité de Zulawski. Vincent Pérez est stupéfiant en travesti. Mais la véritable découverte s’appelle Sylvain Jacques. Pour sa première apparition sur un écran, il s’impose d’emblée comme l’un des garçons les plus sensuels du cinéma français. Jamais depuis Mort à Venise le regard séducteur d’un garçon pour un homme n’avait été aussi bien filmé. Aucun gay ne pourra plus oublier l’étreinte amoureuse, à la fois brutale et tendre entre Bruno (Sylvain Jacques) et Louis (Bruno Todeschini) dans les toilettes d’un wagon du Paris-Limoges. Bruno implorant Louis par cette phrase dite d’un ton à la fois suppliant et autoritaire : « Touche-moi les fesses. » Cette scène, une des plus belles scènes d’amour gay du cinéma, prend toute sa charge émotionnelle à postériori, lorsque l’on apprend la séropositivité de Bruno. On comprend alors que le refus de jouir dans la bouche de Louis n’est pas un geste de refus mais au contraire le premier geste d’amour de Bruno envers Louis.

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Malheureusement Sylvain Jacques n’aura été qu’un météore. On ne l’a aperçu que dans quelques séries françaises et quelques téléfilms dont l’émouvant Tania Borelis. Chéreau, fidèle, lui a donné le petit rôle de Vincent dans Son frère. Et puis comment ne pas penser en le voyant à Paul-Marie Koltes...
La performance des comédiens est d’autant plus remarquable qu’ils nous font entrer en empathie avec des individus qui d’emblée nous paraissent être tous plus ou moins des enfants gâtés hystériques et pas très sympathiques. C’est ainsi en tout cas que Pascal Greggory voyait son personnage : « Je trouve mon personnage antipathique. Vieux, dur, solitaire. La plupart des gens qui ont vu le film l’adorent, mais même si je comprends un peu pourquoi, je ne partage pas ce sentiment. Ce qu’il a de bien, c’est qu’il laisse vivre les autres. Et qu’il reste digne. Mais si je le rencontrais, je crois que je ne l’aimerais pas. Heureusement, Chéreau, qui avait écrit le rôle en pensant à lui, n’a pas cédé. Il avait raison, il avait encore vu plus loin que moi. »

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Sur un canevas, somme toute convenu, Chéreau ne nous inflige pas le énième film sur « Famille je vous hais » mais nous offre un merveilleux famille je vous aime. Car c’est de sa famille dont parle Chéreau. La famille de l’homme de théâtre, celle constituée au sein de sa troupe du Théâtre des Amandiers : Pascal Gregory, Bruno Todeschini, Valeria Bruni-Tedeschi. Les fidèles déjà présents dans l’aventure de La Reine Margot : Danièle Thompson, Vincent Pérez ou bien encore la famille empruntée à des amis proches : le jeune Sylvain Jacques, sur lequel se cristallisent les désirs, est le fils d’un de ses vieux amis. Si ce film est aussi beau, c’est que pour la première fois son auteur se met en danger, s’offre... C’est d’autant plus remarquable que l’idée de départ n’est pas de Patrice Chéreau mais de Danièle Thompson. Il travaillait avec elle à l’écriture de La Reine Margot quand François Reichenbach, avec qui Danièle Thompson était très liée, meurt le 2 février 1993, à l’age de 71 ans. François Reichenbach avait émis le voeu, alors qu’il était malade, d’être enterré à Limoges. Elle, pour plaisanter, comme on doit le faire dans ces cas-là, avait répondu : « Tu n’as pas plus loin ? » Et lui avait ajouté : « Ceux qui m’aiment prendront le train… » Plusieurs années plus tard, la phrase est revenue dans la conversation et le film est parti de cette anecdote réelle.

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Chéreau et Danièle Thompson ont écrit une première mouture, puis Chéreau a tout retravaillé avec Pierre Trividic. Des situations ont été inversées, des personnages réinventés, le scénario a été complètement restructuré pour parvenir à cette histoire en quatre actes : la gare, puis le train Paris-Limoges dans lequel nous découvrons les protagonistes. Ensuite l’enterrement dans l’immense cimetière de Limoges. Enfin, les retrouvailles de chacun dans la maison du frère du défunt. Mais la force de Chéreau est d’avoir dissout cette histoire dans son propre univers pour la faire sienne comme il l’expliquait à Toubiana : « Les gens que j’ai connus était entourés exactement de gens comme je les montre dans le film. Le personnage de Rochdy Zem, un jeune voyou très défoncé, c’était un proche de François Reichenbach, son amant à 20 ans, il se marie, a une petite fille, et Reichenbach l’installe juste à coté de chez lui pour pouvoir le garder ; déteste sa femme mais adore la petite fille... Ce sont des choses que j’ai connu vingt fois dans le milieu dans lequel je suis... Les problèmes montrés dans le film sont les problèmes de beaucoup de jeunes de Nanterre que j’ai eus comme élèves... Dans le film, je suis partout. Dans le couple formé par Charles Berling et Valeria Bruni-Tadeschi, dans le trio infernal formé par Pascal Greggory, Bruno Todeschini et Sylvain Jacques. L’homme qu’on enterre a eu des élèves, moi aussi. Je suis partout. »

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Le peintre Jean-Baptiste Emerich n’est plus François Reichenbach, ou du moins pas seulement, il est aussi le père du réalisateur dont le prénom est Jean-Baptiste et qui est peintre, mais c’est aussi le critique, fidèle du Masque et la plume, Gilles Sandier, auteur de cette phrase qui figure dans le script : « Se faire enculer, faut le faire, mais ça fait très mal. » (le critique théâtral fit une apparition cinématographique dans Race d’Ep’), mais encore Richard Avedon et aussi Michel Foucault et peut-être encore Edouard Mac Avoy. C’est un passage du livre d’Hervé Guibert À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (Gallimard, 1990) sur les obsèques du philosophe Michel Foucault qui a donné l’idée à Patrice Chéreau de faire jouer le peintre et son frère par un seul et même acteur... Mais le personnage du mort n’est pas le centre du film, il apparaît, parfois, sorte d’images subliminales, dans son atelier, qui évoque beaucoup celui de Bacon, muet, fragile, prostré. Trintignant s’est fait une tête entre Godard et Warhol, en train, dirait-on, de s’estomper à coté d’une de ses toiles retournées contre le mur, toiles que l’on ne verra jamais. Et c’est heureux, il est important que la personnalité et l’œuvre du peintre reste dans l’ombre. Le film fonctionne sur le non-dit, surtout dans sa première partie où le spectateur est captivé par le puzzle qu’il doit assembler. On peut regretter seulement que le nom de Bacon soit cité, ce soulignage est superfétatoire.

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Avec ce très beau film, Patrice Chéreau nous montre qu’il est un cinéaste perfectible, par le talent qu’il a eu de convoquer ces multiples expériences et de les faire fructifier. Son expérience de directeur de troupe de théâtre, pour cette qualité qu’il possède de faire jouer tous ses acteurs dans le même ton, tout en préservant l’unicité de chacun, les utilisant comme un virtuose sort un son parfait de son instrument. Chéreau sert les comédiens comme Paganini servait le violon. Son expérience de cinéaste, réalisant un casting parfait, effaçant ainsi celui désastreux de L’Homme blessé. On peut rêver de ce qu’aurait pu faire le Chéreau de 1998 du texte de Guibert, avec Sylvain Jacques dans le rôle qu’interprétait Anglade... Et enfin de son expérience de cinéphile, c’est toute une cinémathèque qui nourrit le film : les films de Lelouche, les film de groupe du cinéma gay américain, mais aussi l’expressionnisme allemand, Orson Welles, John Huston, Lars von Trier...
Il ne faudrait pas oublier que si ce film existe, c’est en grande partie grâce à son producteur : Charles Gassot. La réunion de Chéreau et de Gassot a étonné plus d’un professionnel, pourtant l’indépendance d’esprit de Charles Gassot, son goût pour les projets originaux et les fortes personnalités créatrices expliquent parfaitement cette alliance. Il faut aussi se souvenir que Gassot est le réalisateur d’un très beau film d’angoisse : Méchant garçon.

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Si l’on peut regretter que certains films gays soient calibrés pour les festivals gays, ne serait-ce pas la conséquence du machisme et même de l’homophobie dont font preuve les jurys des festivals « normaux » ? L’absence scandaleuse de Ceux qui m’aiment... au palmarès du Festival de Cannes 1998 est une bonne illustration de l’ostracisme dont sont victimes les films gays.
Le scénario du film, accompagné par un éclairant entretien de Patrice Chéreau avec Serge Toubiana, a été publié dans la collection Petite bibliothèque des cahiers du cinéma.
Le film est édité en DVD par Studio Canal, avec comme unique bonus la bande-annonce et quelques filmographies. Ce qui pour un tel film est proprement scandaleux.
Pour terminer laissons la parole à un cinéaste, Christophe Honoré qui lors de la sortie du film écrivait dans Têtu : « Si vous n’êtes pas encore allé voir Ceux qui m’aiment... vous avez bien de la chance, que ce film est pour vous comme un bonheur promis au fond de votre poche, un truc à avaler quand vous l’aurez décidé et qui forcément vous rendra plus grand. »

Pour plus d’informations :

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Fiche technique :

Avec Berbard Giraudeau, Christophe Malavoy, Angela Molina, Mathieu Carrière, Pierre-Loup Rajot, François Lalande et Thierry Ravel. Réalisation : Gérard Vergez. Scénario : Gérard Vergez. Directeur de la photographie : André Diot. 1er assistant réalisateur : Gabriel Aghion. Compositeur : Michel Portal.
Durée : 105 mn. Disponible en VF.
Résumé :

En 1943, le debarquement en Normandie s'organise. Les Services Secrets Anglais proposent a Pierre Wagnies une mission secrète qui lui fait prendre contact avec son chef et ami d'enfance Delancourt. C'est à Paris, sous les yeux des Allemands, fleuret en main que les deux hommes se retrouvent. Tous les rapproche et les sépare...

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L’avis de Jean Yves :
Trahisons, passions, jalousies, amitiés, chantage à l'homosexualité... Le vice et la vertu ont la part belle dans
Bras de Fer, au cœur de la Résistance.
Bras de Fer, c'est un duo comme dans Les Cavaliers de l'orage du même réalisateur.
Un duo dramatique, un duo de frères d'armes, Pierre Wagnies dit Augustin (Christophe Malavoy) et Delancourt dit Condor (Bernard Giraudeau), un duo de sportifs, d'escrimeurs de haut niveau habitués à croiser le fer pour la gloire. Un duo d'amis lancés dans un réseau de Résistance dans le Paris de l'Occupation.

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Entre eux, une femme blafarde, sensuelle et camée (Camille jouée par Angela Molina), à qui chacun voue une passion sans bornes : si la Résistance et l'action patriotique rapprochent Augustin et Condor, la femme les sépare et influence leurs décisions au plus profond d'eux-mêmes.
Rien n'est simple dans cet affrontement où la raison d'État (le devoir) se mêle intimement aux bouillonnements impulsifs de l'amour : l'amitié se montre telle qu'elle est souvent, incertaine, parfois fidèle, parfois perverse.
Ce film regorge d'hésitations, de revirements, de réactions imprévues. Aussi, jusqu'à la fin, le spectateur reste dans un flou artistique de ses propres suppositions : où commence la trahison ? où finit-elle ? Condor est-il vraiment un salaud ? Augustin, jaloux jusqu'à la moelle, d'une jalousie qu'il refoule totalement, mérite-t-il un brevet de sainteté ? Condor trahit-il Augustin ?
Mais, alors que l'opération Judas prévoyait l'élimination d'Augustin une fois accomplie la mission de ce dernier, Condor lui sauve la vie. Une vie qu'il n'hésite pourtant pas à livrer en pâture aux nazis durant tout le film.

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Rien n'est évident dans ce film. D'emblée, Bras de Fer plonge le spectateur en eaux troubles : le décor de cet hôtel parisien luxueux, avec sa piscine et sa salle d'escrime où naviguent les requins de tous bords, participe pleinement de l'ambiance générale. C'est le lieu où se croisent officiers nazis et espions de la Résistance, putes de haut vol et hommes d'affaires, tout le gratin interlope et sournois d'une époque aux enjeux capitaux (les nazis veulent extorquer à Condor des renseignements sur le débarquement allié).
Rivalités au sein de la Résistance donc, mais partie d'échecs aussi entre Condor et les Allemands : il sait profiter du petit défaut de l'officier Von Bleicher incarné par Mathieu Carrière pour marquer des points en le compromettant dans les bras d'un gymnaste dénudé. Il tient Von Bleicher par son homosexualité, comme les nazis le tiennent, lui, par Angela Molina interposée : Angela en chanteuse de cabaret, accrochée à la cocaïne pour être mieux tenue en laisse par ses geôliers.
Gérard Vergez a vraiment réussi une mixture savante d'étude des comportements, en un moment dramatique sans oublier l'action. Du sens et du suspense : magnifique !

Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Bruno Todeschini, Eric Caravaca, Maurice Garrel, Antoinette Moya, Robin son Stévenin, Catherine Ferran et Nathalie Boutefeu. Réalisé par Patrice Chéreau. Scénario de Patrice Chéreau, Philippe Besson et Anne-Louise Trividic, d’après le roman de Philippe Besson. Directeur de la photographie : Eric Gautier. Musiques de Marianne Faithfull.
Durée : 95 mn. Disponible en VF.



Résumé :
À Paris, Thomas est atteint d'une maladie incurable qui détruit ses plaquettes sanguines. Celle-ci astreint le patient à un régime sévère. Un soir, il passe affolé chez son frère Luc, qu'il a perdu de vue, pour lui confier la gravité des symptômes. Poussés à bout par la progression de la maladie, les deux hommes vont enfin se livrer à eux-mêmes. Pour la première fois, Thomas semble éprouver de l'intérêt pour la vie privée de Luc, homosexuel. Claire, la petite amie de Thomas, prend progressivement ses distances vis-à-vis de ce dernier. Les deux frères finissent par passer l'essentiel de leur temps ensemble et se remémorent des souvenirs de leur enfance, alors que la maladie ronge.

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L’avis de
Boris Bastide :

Deux acteurs formidables (Bruno Todeschini et Eric Caravaca), un réalisateur de très grand talent (Patrice Chéreau) et un scénario d’une incroyable justesse sur un sujet difficile, deux frères confrontés à la maladie. Voilà les éléments qui font de Son Frère, Ours d’argent au Festival du Film de Berlin, un très grand film. Produit pour le petit écran (Arte), ce long-métrage mérite très largement de jouer dans la cour des grands.

Couché sur un lit d’hôpital, un corps est pris en charge par deux infirmières. Celles-ci s’activent autour de lui, le rasent pour le préparer à l’opération du lendemain. Les gestes sont minutieux. Les deux infirmières prennent soin de ne rien brusquer. Il fait nuit. Sur le lit, Thomas ne bouge pas. Depuis sa rechute et son retour à l’hôpital trois mois plus tôt, son corps n’est plus tout à fait à lui. Le problème de Thomas, c’est les plaquettes. Elles ont décidé de le quitter un jour, on ne sait pas trop pourquoi. On ne sait jamais vraiment pourquoi. Les médecins cherchent. Les maladies ont beau avoir un nom, elles n’en restent pas moins mystérieuses. Du coup, Thomas est en danger. Le moindre coup, le moindre petit accroc et c’est l’hémorragie. La vie vous quitte comme ça, pour rien. Sur son lit d’hôpital, Thomas ne bouge donc pas. Son regard se perd dans le vide. Que peut-il bien se passer dans sa tête ?

Cette question-là, Luc n’en finit pas de se la poser. Luc, c’est le petit frère de Thomas. Il est présent lui aussi ce soir là dans cette chambre d’hôpital. Assis dans un coin de la pièce, il ne dit rien. Il regarde. Un soir de février, Thomas a décidé de lui faire une demande qu’il est difficile de refuser surtout entre frères. Alors qu’ils ne s’étaient pas vus depuis des mois, sûrement des années, l’aîné débarque chez son cadet pour tout lui raconter, la maladie, ce corps qui se détraque sous ses yeux sans qu’il ne puisse rien y faire. Thomas demande ensuite à Luc de l’accompagner à l’hôpital, de vivre les mois à venir auprès de lui. Sent-il que ce sont peut-être les derniers ?

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Luc est donc là à ses côtés. Son Frère existe d’abord par et autour de ce regard. Luc, homosexuel en pleine santé, qui avait construit sa vie loin de sa famille, se voit offrir d’assister à la déchéance du corps de son frère. Autour de ce premier regard d’autres viennent se mêler, ceux des parents maladroits et désemparés, ne sachant plus que dire sinon des banalités ou des mots qui blessent, ceux du personnel médical plein d’attention mais aussi du détachement de ceux qui se sont résignés, habitués à côtoyer la maladie, celui enfin des compagnons des deux frères compréhensifs et déboussolés. Le regard c’est aussi celui de Chéreau qui a décidé de regarder cette souffrance en face. On suit avec précision toutes les étapes du traitement de Thomas. Comme pour Luc, rien ne doit nous être épargné. Chéreau montre des êtres entiers pris dans leurs contradictions, leurs faiblesses qui surpassent par moment leur capacité à aimer. Pour Luc, cette épreuve est à la fois un cadeau et un fardeau. Qu’est-ce qu’un homme peut offrir de plus important à un autre que de partager ses derniers instants ? Qu’y a t’il de plus dur que de voir souffrir ou de devoir se séparer de ceux qui nous sont le plus cher ? Ce regard en tout cas est là. Il permet à Thomas de traverser cette bataille contre le mal qui le travaille de l’intérieur en étant autre chose qu’un simple malade parmi d’autre. Face à Luc, il est beaucoup plus que ça. Un frère.

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À côté, les autres malades semblent terriblement seuls. Une femme appelle sans relâche un nom dans la nuit. Un adolescent de dix-neuf ans se promène dans les couloirs de l’hôpital une grande cicatrice remontant du bas de son ventre à sa poitrine. Lui souffre de l’intestin. Les ablations se multiplient sans apporter de solution. Luc écoute sa plainte désespérée, lui offre un peu de réconfort puis continue son chemin. Plus tôt, plus tard, c’est Camille, l’amie à bout de Thomas que Luc tente de réconforter. Ne supportant pas de contempler la lente détérioration de l’état de celui qu’elle a aimé, elle décide d’abandonner, complètement vidée. Ne lui reste plus que la colère.
On ne côtoie pas la déchéance sans s’abîmer. Luc aussi est affecté. Sans qu’il s’en rende forcément compte, l’état de son frère le contamine. La colère, la culpabilité commence à l’habiter. Il ne sait plus bien où il en est. Comment continuer à désirer, à aimer, à vivre quand son frère lui ne peut plus rien espérer ? Plus le film avance, plus les deux frères se rapprochent jusqu’à ce que Luc se rêve lui-même malade à la place de Thomas dans une des plus belles séquences du film. Cette vision vient comme un rappel à l’ordre. Elle souligne tout le mystère de la relation fraternelle. Le même sang coule dans leurs veines mais ils n’en restent pas moins deux êtres singuliers. L’un est homo, l’autre hétéro. L’un est malade, l’autre pas. Leur lien si singulier n’en garde pas moins quelque chose de secret même si Luc doit se résigner peu à peu à voir Thomas partir. Seules quelques très belles scènes où les deux frères se confient sur leur enfance nous font entrevoir la force de ce qui les unit. Même en présence de tiers, ils n’existent plus que l’un pour l’autre comme dans ses très belles scènes au bord de mer comme toute droit sortie de la chanson "Sleep" de Marianne Faithfull dont l’univers contamine peu à peu celui du film au point d’inspirer littéralement les dernières moments. Sans que les mots soient dits, Luc voit tout, il comprend.

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À quoi ça tient la vie ? Sans doute à pas grand chose. C’est pourtant ce pas grand chose qui fait tout le sel de la vie. La narration nous ballade en aller-retour entre février et l’été. Ce lien tenu, d’abord improbable se construit peu à peu sous nos yeux. Au-delà de la relation fraternelle et de la maladie, le film touche à l’essentiel. L’amour, la fraternité, le désir. La mise en scène de Chéreau ne fait que mettre cela en valeur, que célébrer la vie, le mouvement. Le cadre n’arrête jamais de bouger, les personnages ne cessent de se regarder, de se serrer les uns contre les autres. Il faut montrer aux gens qu’on les aime pendant qu’il est encore temps. Et si cette histoire d’un homme pouvant mourir à tout moment qui décide de dire à son prochain qui l’aime n’était qu’une simple métaphore de la voie que devrait emprunter chacun de nous ? Au final, Thomas et Luc ont réglé leurs différends et partagé un instant de belle et douloureuse fraternité. Tout le reste n’est que mystère.

It is safe to sleep alone In a place no one knows And to seek life under stones In a place water flows.
It is best to find in sleep The missing pieces that you lost Best that you refuse to weep Ash to ash, dust to dust.
It is strange to sleep alone In a place no one knows Strange to shelter under stones In a place water flows.
It is safe to walk with me Where you can read the sky and stars, Safe to walk upon the sea In my sleep we can go far.
It is safe to sleep alone In a place no one knows And to shelter under stones In a place water flows.
It is strange to sleep alone In a place no one goes, Strange to seek life under stones. In my sleep no one knows.
Sleep, Marianne Faithfull

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L'avis de
Jean Yves :
Dense, bouleversant, mais aussi apaisant, ce sont les mots qui me viennent à propos de ce film déjà diffusé sur ARTE. Cette chronique d'une mort annoncée, où deux frères tentent de se retrouver, creuse encore les thèmes chers à Patrice Chéreau : le corps, l'intime, et les liens... Certains critiques ont qualifié ce film de difficilement soutenable ou tout au moins de dur. Pour ma part, je ne partage pas ce sentiment : je suis sorti de ce film calme et apaisé. Sans doute que la dureté vue par certains dans ce film est due au sujet (la maladie) et aussi parce que cette maladie occupe une grande place dans le film. Il y a pourtant une douceur, une sérénité que j’ai ressenti dans cette histoire : j’ai été touché par la relation entre les deux frères. Un « programme » est donné au début du film : Thomas demande tout simplement de l’aide à son frère Luc et ce dernier accepte. À la fin du film, ce programme est réalisé. Luc permet à son frère de continuer à vivre... même si Thomas disparaît en choisissant de mourir. Le film parle certes de maladie mais aussi de fraternité. Chacun s’est acquitté de son programme. Personne ne s’est dédit. Chaque personne est allée jusqu’au bout, de son propre gré, comme cela avait été décidé. Dans la réalité, ce n’est pas toujours le cas, et c’est cela qui fait de ce film une histoire apaisée au sens où il y a une belle « transmission » entre les personnages.

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Il y une scène particulièrement violente et émouvante dans la chambre d’hôpital quand le père demande pourquoi ce n’est pas Luc, qui est tombé malade. Dans cette scène, on voit toute la réalité d’une famille : le père a sans doute un peu raison, même si l’expression est maladroite car il sent que le frère cadet aurait été plus fort face à cette maladie. Cela n’a rien à voir, pour moi, avec le fait que Luc soit homosexuel. Il y a aussi les histoires du vieil homme (Maurice Garrel) sur le banc… comme l'appel d'une conscience. « Parler peu mais parler bien », dit-on. Une expression qui convient à Son frère, dont le narrateur dans le roman de Philippe Besson affirme : « Je raconte la vérité pour la première fois, je suis dans le réel. J’ignorais que les mots pouvaient dire le réel. »

Pour plus d’informations :

 



Fiche technique :

Avec Michael Legge, Allen Leech, Amy Shiels, David Murray et Frank Kelly. Réalisation : David Gleeson. Scénario : David Gleeson. Image : Volker Tittel. Montage : Andrew Bird. Décors : Jim Furlong. Costumes : Grania Preston. Musique : Stephen McKeon.
Durée : 89 mn. Disponible en VO et VOST.

 

Résumé :
Shane (Michael Legge), 20 ans, trop sage, cherche un appartement au centre de Limerick, Irlande, pour sortir des jupons de sa mère et ne plus arriver en retard à son travail. Il ne se doute pas que d’accepter de cohabiter avec Vincent (Allen Leech), un gay extraverti, va radicalement changer sa vie. Shane, hétéro, timide et passionné de dessin, travaille dans la fonction publique pour vivre. Il va se trouver confronter à un nouvel environnement détonnant. Vincent, son nouveau colocataire, veut à tout prix le faire sortir de sa carapace, le décoincer. Et puis il y a Keith (David Murray), le voisin dealer qui s'attache étrangement au jeune homme qu’il rencontre lorsque Shane découvre accidentellement sa cache où il entrepose la drogue qu’il vend. Keith recrute habilement le naïf Shane pour récupérer de l’héroïne à Dublin. Shane se laisse entraîner dans toute une série de problèmes, mais Vince est toujours là pour lui donner un coup de main et le sortir des difficultés…

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L’avis de Bernard Alapetite (
Eklipse) :
Une comédie romantique gay qui se déroule à Limerik, Irlande, où je ne soupçonnais pas qu’il y eût une vie gay, ni une école de mode. Voilà un long métrage qui, au moins, vous l’apprendra et vous fera sortir des clichés habituels sur l’Irlande. Cela fait plaisir, un cinéaste d’une telle fraîcheur qui filme avec élégance cette histoire tellement simple et claire (mais pas si rose que cela) que l’on pourrait aimer quelle soit la notre, de ce garçon qui sort des jupes de sa mère et qui se « dessale » au contact de ses voisins... Mais comme dans toute vie ordinaire, dans celle de Shane il se passe plein de choses extraordinaires, certaines pas jolies, qu’il voudrait oublier et d’autres formidables, qu’il espère que ceux qu’il aime n’oublieront pas. Il n’est pas difficile de s’identifier à Shane ; on tremblera pour lui tout le long du film, tellement il est attendrissant.

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Ils sont vraiment mimi ces deux colocataires, peut-être un tout petit peu trop caricaturaux, mais des caricatures comme cela nous en connaissons tous, mais malheureusement en moins mignons... Ce n’est pas un film pour les malins et les cyniques, mais il y a peut-être un peu trop de malins. C’est une histoire pour ceux qui croient encore en l’Homme, que la vie n’est pas écrite, qu’il faut un peu de chance, pas mal d’opiniâtreté et beaucoup de générosité, et que peut-être alors… les rêves peuvent devenir réalité…

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Le film sonne toujours juste. Les scènes entre les deux garçons sont remarquablement justes et souvent émouvantes, elles sentent le vécu. En écrivant ce mot « vécu », je pense que c’est ce qui manque à bon nombre de jeunes cinéastes-scénaristes de nos contrées qui se veulent cinéastes qui tournent avant d’avoir eu une quelconque expérience de la vie. Cowboys and Angels est le premier long métrage, largement autobiographique de David Gleeson, âgé d’une quarantaine d’années. « J’ai basé l’histoire sur mon expérience personnelle et le personnage principal travaille dans le département où moi aussi je travaille. Il partage l’appartement avec un jeune étudiant d’Art comme je l’ai fait. »
Il a été difficile à monter. Il a fallu dix ans à Gleeson pour réaliser son rêve, d’autant qu’il souhaitait que le film soit tourné entièrement à Limerick, ce qui n’avait jamais été fait. Grâce entre autre à une coproduction allemande qui a vu l’universalisme de cette histoire, pourtant fortement ancrée en Irlande, le cinéaste a eu les moyens de sa modeste ambition. Il a soigné sa réalisation, la dotant d’une charte esthétique forte et précise : « Les couleurs de Cowboys & Angels sont le bleu acier des clubs branchés, le noir velouté des nuits obscures et le rouge écarlate d’un premier baiser. La lumière, les décors et les costumes sont le reflet de cet univers à la séduction venimeuse. Un monde où les personnages essaient de s’infiltrer et d’exister sans perdre leur intégrité. »

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C’est au cinéma de Mike Leight que ce film fait penser : même fluidité du montage, même évidence des acteurs, tous remarquables, même justesse des dialogues.
Au début de leur cohabitation, Shane dit à Vincent : « Tu as de la chance d’être gay, vous avez un milieu... » Cette remarque m’a remis en mémoire certains garçons, moins rares qu’on pourrait croire, qui affichent leur homosexualité avec ostentation et qui finalement, pratiquent assez peu. Comme si être gay leur permettait surtout d’avoir un milieu, une famille de substitution, une appartenance et aussi de vivre plus facilement en « adulescent », de fuir les responsabilités familiales ; un peu comme certains cadets de famille au XVIIIe siècle qui rentraient dans les ordres non par foi, mais pour trouver un refuge et une raison sociale.
Ce qui nous surprend surtout pour un film irlandais, c’est son  optimisme et sa confiance dans les possibilités humaines. On a peur que Shane soit trop timoré pour saisir cette chance qu’est sa rencontre avec Vincent. On ne voudrait surtout pas qu’il termine comme Jerry, le vieux collègue qui est passé à côté de sa vie...

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Si nous sommes surpris qu’un tel film nous vienne d’Irlande, c’est d’abord à cause de la profonde méconnaissance que la plupart des français ont de l’Europe, les récents développements politiques sur le sujet n’arrangeant pas les choses, et en particulier de son cinéma. Pour la quasi totalité des spectateurs, un film ne peut être que français ou américain. Il suffit de consulter les chiffres des entrées dans la revue Le film français pour constater que la part du « reste du monde » ne fait que diminuer. Et pourtant, les grands festivals couronnent presque exclusivement ces films du « reste du monde ». Cannes 2006 n’a-t-il pas décerné sa palme d’or au film britannique Le Vent se lève, qui comme Cowboys & Angels, est interprété par des acteurs irlandais, tout comme le beau et gay Breakfast on pluto, autant de films où ils montrent leur excellence. Le grand combat cinéphilique d’ici et maintenant est de promouvoir les films d’ailleurs pour ne pas se laisser phagocyté par les manières de voir américaine et française. Le plaisir du cinéma est au bout de ce combat qu’il ne faudrait pas considérer comme superfétatoire.
Il y a beaucoup de tendresse et d’émotion dans Cowboys & Angels, une histoire d’aujourd’hui, dans une Europe d’aujourd’hui. On ne vous en voudra pas, si vous verser une larme, à la fin, dans votre pinte de guiness.

Pour plus d’informations :

***

 


 


Fiche technique :

Avec Colin Farrell, Robin Wright Penn, Dallas Roberts, Sissy Spacek et Andrew Chalmers.. Réalisé par Michael Mayer. Scénario de Michel Cunningham, d’après son roman. Directeur de la photographie : Enrique Chediak.
Durée : 95 mn. À voir en salles en VO, VOST et VF.



Résumé :

Depuis leur plus tendre enfance, Bobby et Jonathan sont inséparables. Chacun trouve chez l'autre ce qui lui manque. Pour Jonathan, Bobby et son goût de la liberté sont une ouverture sur le monde. Pour Bobby, la famille de Jonathan, et surtout sa mère, Alice, lui apportent la stabilité qu'il n'a jamais connue.
Après quelques années de séparation, les deux garçons se retrouvent à New York. Avec Claire, une jeune femme libre d'esprit, ils vont s'inventer une famille comme ils en ont toujours rêvé.

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L'avis de Mérovingien02 :
Spectateurs neurasthéniques et suicidaires, passez votre chemin : La Maison du Bout du Monde n'est pas fait pour vous redonner du baume au cœur ! Si vous avez vu The Hours, vous savez à peu prêt à quoi vous attendre.

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C'est en effet le même auteur qui est à l'origine des deux romans adaptés pour le cinéma, à savoir Michael Cunningham, passé maître dans l'art de traduire le spleen de nos existences. Après l'adaptation prestigieuse de The Hours par Stephen Daldry, c'est au tour de Michael Mayer de s'essayer à la transposition cinématographique du malaise indicible.

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Si le rapprochement avec The Hours peut sembler facile, c'est avant tout parce que les deux œuvres ont de nombreux points communs. Ainsi, on retrouve un découpage en trois temps différents véhiculant chaque fois une évolution chez l'individu. La seule nuance concerne les personnages qui ne sont plus différents selon l'époque mais tout bonnement fusionnés en un seul être, à savoir Bobby, figure centrale de l'œuvre passant de l'enfance à l'âge adulte.

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Premier acte du film : nous sommes en 1967, et le jeune garçon fait sa première rencontre avec la mort, lorsqu'il cause accidentellement celle de son frère. Les germes de la Peur de la Solitude s'immiscent dans son âme. Deuxième partie : Bobby est adolescent. Il tente de retrouver les liens fusionnels qu'il avait avec son frère via une amitié grandissante avec Jonathan. Lorsque les restes de sa famille disparaissent, il va chercher désespérément une famille de substitution, qu'il trouvera surtout avec la mère de Jonathan. Dernier acte, Bobby est adulte et se confronte enfin à la réalité du monde.

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Si ce canevas, on en peut plus simple, peut paraître assez simpliste, il trouve tout son intérêt dans ses racines clairement littéraires (il faut dire que Michael Cunningham a lui-même rédigé l'adaptation de son propre livre). La construction est relativement elliptique, les relations entre les personnages sont peu communes et il y a beaucoup de non-dits qui évitent justement de souligner le sous texte de l'œuvre. Totalement en phase avec l'esprit du récit, Michael Mayer soigne sa réalisation en revendiquant un statut d'auteur indépendant tout en demeurant sobre. La mort du frère de Bobby frappe par sa simplicité sans effet dramatique, le dénouement déprimant est filmé en anti-climax qui ne fait que suggérer l'absence totale d'Espoir, un moment de paix laisse planer une douce tristesse lorsqu'un travelling latéral relie les trois personnages principaux silencieux face au Grand Canyon...

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Sans jamais chercher à émouvoir le spectateur par des facilités dramatiques, le réalisateur saisit l'air du temps, joue sur les pauses et colle au plus près de la réalité, telle cette séquence de masturbation entre deux adolescents où la caméra reste fixe, laissant les deux jeunes allongés dans un lit hésitant à se rapprocher l’un de l'autre, s'effleurant avant de passer enfin à l'acte. Pas de provocation, juste un instant de découverte sexuelle intime maladroite et innocente comme n'importe qui a pu en vivre. On saluera l'interprétation des comédiens qui dévoilent une sensibilité à fleur de peau, particulièrement Sissy Spacek, en mère baba cool fragile et aimante et Robin Wright Penn, en femme tiraillée entre ses deux amours. Seul Colin Farrell, dans un rôle de bisexuel à contre-emploi, peine à trouver ses marques, se contentant souvent de jouer la fragilité et l'innocence par des battements de cils.

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On ne pourra que saluer la pudeur de l'ensemble qui ne tente jamais de faire le moindre couplet moralisateur. Car les personnages du récit ne sont jamais jugés et leurs forces comme leurs faiblesses semblent aller de soi. Les relations qui lient les trois protagonistes du (non) drame n'ont rien de choquantes. Elles sont à la fois complexes et sincères. Car en somme, la quête de chacun d'entre eux est d'accéder à un bonheur simple qui passe bien entendu par la nécessité de fonder une famille bien à soi. Jonathan aime Bobby mais celui-ci découvre naturellement l'amour dans les bras de Claire, la colocataire de Jonathan secrètement amoureuse de celui-ci. Ce qui n'empêche pas Bobby de finir par comprendre qu'il aime aussi son ami. Pas de ménage à trois voyeuriste pour autant. Tous ont conscience de la situation et ils finissent par fonder un foyer unique où la mère élève son enfant avec deux papas. L'Amour, l'homosexualité et même la bisexualité sont évoqués le plus naturellement du monde avec tendresse, ce qui ne peut que nous toucher.

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Mais ce qui finira par nous affecter dans cette Maison du Bout du Monde, c'est cette sorte de résignation qui anime chacun. Car si chaque membre du triangle aime les deux autres et qu'une sorte d'équilibre s'installe, la situation ne peut durer éternellement car elle est autodestructrice. La Paix Intérieure tant recherchée est-elle franchement accessible ? En tout cas, il se dégage une émotion sidérante à travers les différents décors du récit. Si tout commence dans un cocon pour le moins rassurant avec une petite ville tranquille et encadrée par la famille, la suite déménage à New York pour mieux traduire l'âge adulte et la prise de responsabilité, faite de rencontres où chacun semble avoir trouvé sa place. Quelle sensation indéfinissable nous prend alors aux tripes lorsque le triangle quitte la magie de New York pour s'isoler à la campagne.

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À la question de Claire « Comment fais-tu pour t'adapter aussi bien à la ville qu'à la campagne ? », Bobby répondra que seul importe les gens avec qui nous sommes. C'est alors là que se niche la grande déprime du récit : même si l'on est avec ceux qu'on aime, cela ne signifie pas que cela durera toujours. Aussi, la peur de l'abandon est clairement véhiculée par Bobby, de loin le personnage le plus attachant de tout le métrage. S'il a réussi à se trouver une famille de substitution avec les parents de Jonathan, ces mêmes parents vont mourir tôt ou tard (voir la mort du père justement). Et même si Bobby a enfin trouvé sa place dans sa propre famille avec Jonathan et Claire, le fantôme du SIDA et la vie à trois aussi idéale qu'utopique ne pourra finalement que laisser qu'un arrière-goût de mort qu'on ne peut qu'accepter. Le départ de Claire est d'ailleurs une des séquences les plus marquantes du film tant elle est d'une simplicité effarante et de sous-entendus dérangeants. Que restera-t-il pour Bobby dans l'avenir ? La réponse semble hélas être encore une fois la Solitude qu'il a tant cherché à fuir.

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Un constat amer qui nous laisse totalement lessivé une fois le générique de fin enclenché. A Home at the End of the World fait mal parce qu'il offre à voir des personnages ayant les mêmes rêves que nous (être heureux, avoir une famille et des amis) et qui n'idéalisent plus le bonheur qui n’est finalement que trop utopique. À l'image du parfum hippie qui débute le film, les idéaux naïfs à la Woodsto
ck sont destinés à n'être plus que de la boue. Fataliste ? Oui. Émouvant et vrai ? Peut-être. Grand film ? Sans aucun doute.
Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Lazaro Ramos, Marcelia Cartaxo, Flavio Bauraqui, Felippe Marques, Emiliano Queiroz et Renata Sorrah. Réalisé par Karim Aïnouz. Scénario de Karim Aïnouz. Directeur de la photographie : Walter Carvalho. Compositeurs : Marcos Suzano et Sacha Amba
ck.
Durée : 105 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :

Madame Sata s'inspire librement du personnage de Joao Francisco dos Santos (1900-1976), plus connu sous le nom de "Madame Sata", un homme noir d'1m78 et 88 kilos de muscle. Tour à tour malandrin, travesti, bagarreur, cuisinier, héros, taulard, père adoptif de sept enfants, Sata a passé la plupart de sa vie dans les rues chaudes de Lapa, le Montmartre des Tropiques, le Rio bohémien.

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Madame Sata
est le portrait de ce personnage explosif et complexe, à la fois maître généreux, traître cruel et amant dévoué. Ce film retrace également l'émergence de la culture afro-brésilienne urbaine et vibrante du Rio de Janeiro des années qui suivirent l'abolition de l'esclavage au Brésil (1888).

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L'avis de Matoo :
Ce film est une sacrée curiosité et un OVNI dont je n’ai entendu parlé qu’au cinéma, en voyant par hasard une bande annonce. Je ne pense par qu’il excèdera la semaine vu le nombre de personnes dans la salle hier (premier jour de sortie), et pourtant c’est un très bon film.

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Il s’agit d’un film brésilien et l’action se passe à Rio, en particulier dans le Lapa, un quartier chaud, malfamé et populaire. Le protagoniste principal, Joao Francisco dos Santos (1900-1976), est un homme bla
ck qui a vécu là-bas et qui est connu en tant que « Madame Sata », son nom de scène en tant que travesti et qui a gagné à plusieurs reprises le concours carnaval de Rio.

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Ce bla
ck immense et baraqué oscille allègrement entre la baston à la capoeira (et il est plutôt balaise, il envoie valdinguer comme ça pas mal de flics notamment) et l’envie de se produire sur une scène en diva chantant des chansons romantiques et tendres dans son lamé doré.

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Le film explore toute la complexité de ce personnage qui aspire à jouer les prima donna, qui s’adapte à son modeste milieu (ce n’est pas non plus une lumière). Il est aussi un petit voyou qui escroque, vole et passe pas mal de temps en taule. Il n’est pas toujours très tendre envers ses congénères et surprend par des sautes d’humeur inconsidérées.

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Du coup, on peut abandonner complètement l’idée du stéréotype pédé. Ce mec est aux antipodes de tout ce qu’on peut imaginer. Et c’est bien ainsi parce que c’est ce qui fait de lui une personnalité riche et singulière.

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J’ai beaucoup aimé la manière dont c’est filmé, avec des plans très serrés et des visages qui mettent en exergue une multitude d’expressions.

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Les couleurs aussi sont très particulières et montrent le paradoxe entre une palette riche (très Brésil) et une misère omniprésente dans le quartier, tout en nous plongeant dans l’atmosphère bouillonnante des années 30.

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Le film dépeint une misère intellectuelle et sociale, mais dans ce quartier bohème et chaud, où on danse, on crie, comme pour conjurer son malheur. Aussi Madame Sata est à l’image de cette situation. Elle/Il essaie de survivre avec ses armes et son honneur, tout en assumant sa position de bla
ck, d’homo et son désir d’être une artiste accomplie.

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Original donc de suivre le cheminement de ce personnage qui n’est pas particulièrement gentil ou sympathique, qui galère, qui se bat, qui baise et qui essaie de survivre dans cet environnement malfamé.

Pour plus d’informations :
  

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Fiche technique :

Avec Damir Badmaeu, Lubov Tolkalina, Evgeny Koryakovsky, Victor Shevidov, Valentina Mankhadykova, Anatoly Mankhadykov, Yuri Askarov et Irina Grineva. Réalisé par Olga Stolpovskaya et Dmitry Troitsky. Scénario de Olga Stolpovskaya. Directeur de la photographie : Alexandr Simonov. Compositeur : Richardas Norvila.
Durée : 83 mn. Disponible en VO et VOST.

 


Résumé :
Comédie d’amour sur la vie des jeunes gens à Moscou aujourd’hui. Vera, qui travaille comme speakerine à la télévision, fait la connaissance de Timofey, un jeune homme séduisant, employé dans une agence publicitaire. Elle tombe amoureuse de lui et par chance, ses sentiments sont payés de retour. Timofey est lui aussi amoureux de Vera. Ils ont beaucoup de points communs : ils touchent tous deux un salaire de misère, ils travaillent comme des bêtes et ils sont stressés.

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En ce qui concerne le stress, leur liaison a un effet optimal sur Vera et Timofey. Rien d’étonnant à ce que leur amour réciproque devienne de jour en jour plus fort. Et puis vient le jour où ils fêtent le premier anniversaire de leur rencontre. Heureuse et de bonne humeur, Vera rentre à la maison pour y trouver Timofey au lit avec Uloomji, un jeune Kalmouk. À partir de là, le contrôle de la suite des événements semble totalement échapper à nos deux héros …

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L'avis de Jean Yves :
Il ne faut surtout pas s’attendre, en découvrant Je t’aime toi, à voir un film militant. Le premier film gay russe est tout sauf cela puisque ses réalisateurs ont voulu avant tout signer une comédie mode et moderne, rapide et un peu clinquante, propre à séduire le grand public hétéro comme les homos, bref les spectateurs les plus occidentalisés des villes à qui elle tend un miroir très aimable : son petit succès dans la quinzaine de villes où le film est sorti prouve qu’ils ont d’ailleurs touché leur cible.

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Deux des héros de ce triangle amoureux inédit, la très jolie Vera et le fringant Timofey, font partie de cette élite de nouveaux riches sans complexe vivant des médias et habitant de beaux appartements dans de beaux quartiers d’un Moscou qui pourrait être New York ou Paris (avec ses fêtes pédés, sa tolérance chic, ses fringues élégantes…). Ils tombent vite amoureux l’un de l’autre, bien qu’il lui ait parlé de son homosexualité.

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Et voilà que surgit la troisième pointe du trio, la plus originale, la plus intrigante, la plus novatrice : Uloomji, jeune Kalmouk (la seule peuplade bouddhiste de la fédération russe) débarqué de sa province lointaine pour travailler au zoo. Uloomji est un naïf qui a toujours vécu à l’écart de la modernité : son effarement face aux distributeurs de billets dit assez à quel point Moscou n’est pas la Russie profonde ! Sûr, dès leur première rencontre (un accident…), de ce qu’il éprouve pour Timofey, Uloomji ne va jamais hésiter dans son amour : et même les manœuvres de sa famille qui le fait interner n’y changeront rien.

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Toute la force du film tient dans l’obstination têtue et lumineuse de ce personnage sans complexes, sans freins moraux, sans préjugés, pour qui l’amour ne se discute pas. Il est la lueur d’espoir de ce conte de fées qui se termine, comme de bien entendu, autour d’un berceau sur lequel sont penchés les trois parents du nouveau né.
Oui, il y a une scène gay en Russie. Enfin, à Moscou plutôt, et dans quelques grands centres urbains. Car pour ce qui est de l’immensité de l’ex-empire soviétique, c’est peu dire que l’homosexualité n’y est pas à la mode et que l’homophobie primaire y a pignon sur rue. Le cas de la capitale est donc à part…

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L’héritage communiste pèse lourdement sur la société russe et la répression dont furent victimes les homosexuels a laissé des traces : stigmatisés par la propagande, passibles de lourdes peines de prison, considérés comme des malades mentaux ou comme des symptômes de la décadence occidentale, il leur a fallu attendre la fin des années 80 avec la "perestroïka" puis la fin du régime soviétique pour voir le carcan législatif se desserrer. Mais la loi n’est pas tout, loin de là, et ce sont surtout les mentalités qu’il s’agit désormais de faire évoluer… C’est un des buts que ce sont fixés Olga Stolpovskaya et Dimitry Troitsky, les réalisateurs de Je t’aime toi dont le prochain projet porte sur un couple de femmes dans l’URSS des années 70. « Bien sûr, Je t’aime toi est le premier film gay russe mais, au-delà de ça, c’est d’abord le portrait d’une société complexe, celui d’une nouvelle société en pleine transformation où, avec de nombreuses contradictions, tout est en évolution : le travail, la consommation, les mœurs, le désir. »

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Ils n’ont pas tort, en tout cas si on en croit des sondages qui montrent, à propos des homosexuels, des progrès notables quant à leur acceptation : là où, en 1989, 33 % des Russes disaient qu’il fallait « les liquider », 30 % « les isoler » et 6 % « les soigner » (seuls 10 % proposant de « les laisser vivre en paix »), ils sont désormais 41 % à considérer les homos comme « plus ou moins normaux » et le total de ceux qui préconisent de les isoler ou de les soigner est tombé à 48 % ! On est certes toujours très loin du compte mais il semble qu’il ne faille plus totalement désespérer du pays de Vladimir Poutine.

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Les multiples embûches rencontrées par les auteurs de Je t’aime toi viennent rappeler cette situation. « Pour le financement, nous avons cherché des fonds pendant quatre ans, discuté avec un nombre inimaginable de producteurs et avons été beaucoup critiqués. Finalement, cela nous a aidés. Nous voulions absolument tourner ce film alors nous en sommes devenus les producteurs. Nous voulons d’ailleurs remercier les distributeurs venus de partout — et notamment tout le personnel de Media Luna entrecroisement et Antiprod en France — qui nous ont aidé à mener à bien ce projet. Le film n’aurait pas vu le jour sans l’aide et le soutien de nos amis. » Mais l’argent n’est pas tout, et une fois les 300 000 dollars réunis, les difficultés étaient loin d’être terminées. « Quel cauchemar de trouver un jeune acteur russe prêt à jouer un rôle bisexuel ! Et ce fut encore plus dur de trouver une personne d’origine asiatique pour interpréter un personnage gay. »

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La vraie spécificité de Je t’aime toi est en effet de ne pas se cantonner aux nouveaux riches occidentalisés des grandes villes pour qui la sexualité n’est pas vraiment un problème mais bien d’introduire un personnage homo venu d’une province reculée de la Russie et de le confronter tant à son désir qu’à l’homophobie ambiante, celle de sa famille notamment. En cela, cette comédie de mœurs est un sacré pas en avant.

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L’avis de Francis Lamberg :
Uloomji, un jeune péquenot Kalmouk, débarque à Moscou. Pour lui, tout droit venu de sa Russie profonde, la capitale est pleine d'exotisme et d'embûches. En explorant la grande ville et en découvrant ses us, il a la révélation de son homosexualité. Timofei, un yuppie moscovite aux dents longues qui travaille dans la publicité, rencontre Vera, une célèbre présentatrice du JT. Ils tombent amoureux l'un de l'autre… Timofei est complètement intégré au nouveau système russe post-communiste et néo-libéral, dont le but premier est de faire de l'argent.
Vera est très absorbée et prise par son travail. Elle souffre d'une boulimie alimentaire très sexuellement orientée.
Un jour, Uloomji entre accidentellement (au sens premier) dans la vie de Timofei. Le Kalmouk mal dégrossi et sans manières (au propre et au figuré) va bouleverser les certitudes et les sentiments du golden boy. Cette rencontre va provoquer maints questionnements des uns et des autres sur leurs vies et leurs envies. Un triangle amoureux va se former tant bien que mal, et finira par se consolider. Je t'aime toi est le premier film russe à parler ouvertement d'homosexualité.

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Les réalisateurs admettent avoir procédé à une certaine auto-censure afin que le film puisse toucher un large public. La plupart des faits sont réels mais romancés. Ils ont été inspirés d'une histoire semblable qui est advenue à Olga Stolpovskaya, la scénariste et co-metteuse en scène.
Quasiment chaque séquence de ce film est propulsée par une mise en scène parfois surprenante mais toujours à propos. Tous les acteurs sont admirables. Damir Badmaev, le jeune avocat sino-russe qui interprète le Kalmouk est épatant de naturel et de sauvagerie contenue, qui se lâche quand il le faut. La fascination réciproque et connotée sexuellement que se portent Uloomji et Timofei est exploitée avec maestria dans le scénario, et avec inventivité dans la réalisation. Le jeune Kalmouk, avec ses airs et ses actes de jeune chien fou, incarne, l'âme de la vieille Russie, rurale et périphérique… malgré le fait qu'il soit homo. Chose que la vieille Russie n'est pas prête à admettre, nous en avons plus que confirmation par les temps qui courent. L'innocence voire la puérilité de Uloomji, la pureté des sentiments de Timofei, Vera et Uloomji, donnent à voir une homosexualité déculpabilisée et naturelle. Ce film russe qui aborde ouvertement et positivement la bisexualité et l'homosexualité est à mes yeux un film plus courageux, plus essentiel et même plus universel que Brokeback Mountain !

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Extrait :
- J'ai entendu crier !
- C'est mon ami, il a fait un cauchemar.
- Je l'ai entendu crier des mots d'amour.
- Il a fait un cauchemar qui parlait d'amour.
Pour plus d’informations :
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Fiche technique :

Avec Dimitris Katalifos, Vassilis Diamandopoulos, Mayia Lyberopoulou, Giorgos Moskidis, Mirto Alikaki, Alexandros Koukos, Joulia Souglakou, Lakis Lazopoulos et Alexis Damianos. Réalisation : Iannis Smaragdis. Scénario : Iannis Smaragdis, Dimitris Nollas, Dimitris Katalifos & Stelios Rogakos. Images : Nikos Samragdis. Décors : Damianos Zarifis. Montage : Yannis Tsitsopoulos. Musique : Vangelis.
Durée : 85 mn. Disponible en VO et VOST anglais.



Résumé :
Sur son lit de mort, à l’occasion de la visite inopportune d’un jeune écrivain qui prépare un livre sur lui, le poète Constantin Cavafy se souvient. Tandis que son visiteur lui lit des extraits de son ouvrage, le vieil homme se laisse aller à ses souvenirs. Il se rappelle de son cheminement, de son évolution jusqu'à atteindre les plus hautes sphères de l'expression poétique. Ses songes lui font revivre des bribes de sa vie à Alexandrie, sa découverte précoce de son homosexualité, ses voyages en Grèce et à Constantinople qui lui ont permis d'approcher la sensualité des cultures antiques et de mener une vie tout en passions et pulsions érotiques.

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L’avis de Bernard Alapetite :

Cavafy
se veut plus une évocation qu’une biopic du poète grec d’Alexandrie (1863-1933). Lorsque le film commence, Cavafy est sur son lit de mort, en flash-back de belles images évoquent son évolution poétique, ses voyages en Grèce et à Constantinople où il découvre la sensualité du monde antique, mais aussi sa vie médiocre de petit fonctionnaire. Mais c’est surtout l’homosexualité, vécue douloureusement, du poète qui a intéressé le réalisateur. Si bien que sa vie ne semble être qu’un long parcours peuplé d’éphèbes velus, plus sortis des tableaux de Tsarouchis (pour mieux comprendre, faites un tour sur ce superbe site) que des œuvres du poète présentées ici comme les visions fugitives d’un milord dédaigneux et blasé.

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Pour sans doute éviter de faire prononcer à l’écrivain des propos triviaux, Smaragdis en a fait un personnage aphone en raison du cancer de la gorge qui le mine. Il n’existe ainsi que par le regard qu’il pose autour de lui et les désirs qui s’y expriment. Cet artifice de mise en scène contraint Dimitris Katalifos, qui joue le rôle titre, à forcer ses mimiques, jouant comme au temps du muet, le transformant en un hébété silencieux et grimaçant. Ce qui est d’autant plus gênant que l’acteur est très laid, certes le vrai Cavafy n’était pas un adonis (on possède de nombreuses photos de lui) mais il était tout de même moins moche que Dimitris Katalifos. Cette erreur de casting compromet tout le film à l’ambition estimable.

Le film est remarquablement photographié, avec un goût du baroque qui rappelle l’Anglais Derek Jarman ; le réalisateur mélange bribes de mémoire et fantasmes, malheureusement ces belles images aux couleurs chaudes sont nappées de la trop présente musique sirupeuse de Vangelis.

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Le réalisateur rend bien la complexité du personnage de ce petit fonctionnaire qui, comme son homologue portugais Fernando Pessoa, a vécu une vie apparemment rangée. Durant plus de trente ans, il a rempli chaque jour sa tâche d'employé au ministère de l'Irrigation. Cet homme à l'allure de courtier levantin était, par ailleurs, un client assidu des bordels de garçons. Ce dernier aspect de sa personnalité n’est pas oublié par le cinéaste. Vis à vis de son œuvre, son attitude était proche de celle de E. M. Forster qui n’a voulu faire paraître Maurice (magnifiquement adapté au cinéma par James Ivory) qu’après sa mort. E. M. Forster a tracé ce portrait du poète grec : « Un gentleman grec en chapeau de paille, debout, dans une position légèrement oblique par rapport au reste de l’univers. »

Napoléon Lapathiotis, autre poète grec homosexuel, a bénéficié en 1985 d’une biopic, Meteor kai skia, de Takis Spetsiotis.

Le film traduit bien l'expression lyrique de son amour pour les jeunes gens, étrangère à toute fausse pudeur, qui transgresse le puritanisme de son époque mais qui demeure pour Cavafy, tout au long de sa vie, un facteur de désarroi auquel s’ajoute l’amertume de sa sensation d’être déclassé socialement.

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Lors de sa sortie, curieusement le critique de Télérama se demandait pourquoi Cavafy est considéré comme le plus grand poète grec moderne ! Pour s’en convaincre, il suffit pourtant de lire et de relire Présentation critique de Constantin Cavafy suivie d’une traduction de ses poèmes par Marguerite Yourcenar et Constantin Dimaras aux éditions Gallimard (1958).

Voici un court poème extrait de ce livre qui me parait, plus que ma prose, évocateur de l’art du poète et du cinéaste qui a essayé de le ressusciter :


Désirs

« Les désirs qui passèrent sans être accomplis, sans avoir obtenu une des nuits du plaisir ou un de ses lumineux matins, ressemblent à de beaux cadavres qui n’ont pas connu la vieillesse, et qu’on a déposés en pleurant dans un magnifique mausolée, avec au front des roses et aux pieds des jasmins. »

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D’autres traductions des poèmes de Cavafy existent comme celles de George Papoutakis aux Belles Lettres ; parfois, elles offrent quelques poèmes supplémentaires à ceux présentés par Marguerite Yourcenar. L’intégrale de l’œuvre de l’écrivain est difficile à établir car il n’a publié de son vivant ses textes que dans des revues. Dans Poèmes anciens ou retrouvés aux éditions Seghers (1978), traduit par Gilles Ortlieb et Pierre Leyris, on peut lire celui-ci qui pourrait avoir été écrit hier :


Tel

« Sur cette photographie obscène qu’on vendait

à la sauvette dans la rue (pour que la police n’y voie goutte)

sur ce cliché pornographique

comment a pu venir pareil visage de rêve ;

comment, toi, es-tu venu là ?

Qui sait quelle vie abjecte et crapuleuse tu dois mener,
dans quel sordide entourage tu devais être
quand tu as pris la pose pour qu’on te photographie,
qui sait quelle âme de bas étage tu dois avoir.
Mais avec tout cela et pire encore, pour moi tu restes
le visage de rêve, la figure
façonnée en offrande à l’amour grec –
tel tu restes pour moi, tel te dit mon poème.
 »

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Iannis Smaragdis est né en Crète en 1946. Il étudie la mise en scène et les sciences de la communication à Paris. Il enseigne pendant de longues années le cinéma et les sciences de la communication dans des écoles de cinéma et des universités grecques. Auteur d'un essai, il réalise son premier long métrage en 1975 Cellule zéro, suivent Bonne nuit, monsieur Alexandre (1981) , Le Chant du retour (1983) et Cavafy (1996).

Cavafy de Iannis Smaragdis est une évocation lyrique de la vie du grand poète grec. C’est admirablement tourné par la caméra exceptionnelle de Nikos Smaragdis dans les décors superbes de Damianos Zarifis sur un rythme un peu trop indolent.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Gary Oldman, Alfred Molina, Vanessa Redgrave, Frances Barber, Janet Dale, Julie Walters, Bert Parnaby, Margaret Tyza
ck, Lindsay Duncan, Steven Mackintosh et James Grant. Réalisé par Stephen Frears. Scénario de Alan Bennett. Directeur de la photographie : Oliver Stapleton. Compositeur : Stanley Myers.
Durée : 105 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



L'avis de Jean Yves :
Évocation de la vie du célèbre auteur dramatique anglais Joe Orton, assassiné le 9 août 1967 par son ami et amant Kenneth Halliwell, qui à son tour se donna la mort en avalant une forte dose de barbituriques. C'est en venant identifier les cadavres que l'agent littéraire Peggy Ramsay découvre le journal intime de Joe Orton...
Prick Up Your Ears s'ouvre sur l'issue fatale des amours de Joe Orton et de Kenneth. En commençant par la fin, en se débarrassant d'emblée de la mort, Stephen Frears peut ensuite éviter judicieusement une possible tentation de la tragédie permanente, qui aurait été en absolue contradiction avec la nature même du caractère de Joe.

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Prick Up Your Ears apparaît, en réalité, plutôt comme la chronique dédramatisée d'un fait divers tragique dont la longue genèse a beaucoup plus les accents de la tragi-comédie. Avec raison, Stephen Frears n'a jamais surévalué l'intervention d'un inéluctable destin, même si peu à peu on s'aperçoit que ce couple terrible devait craquer un jour ou l'autre, car le succès de Joe renvoie inévitablement Kenneth à sa propre impuissance, interdit tout partage du succès, donc entame son désir de reconnaissance et hypothèque même jusqu'à son identité soudain rejetée dans l'ombre. À ce titre, le film pourrait être une moitié de tragédie : Kenneth seul ressent ce sentiment de tragique.

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Cette dédramatisation du drame se traduit par un ton souvent très drôle, imprégné de la personnalité énergique, enjouée et jouisseuse de Joe. Tout ce qui est pour Joe occasion de jubiler est une souffrance pour son ami, sans qu'il en mesure d'ailleurs réellement la portée. Ces deux pôles de sensibilité ne cessent de se répondre tout au long du film, et trois scènes en particulier suffisent à illustrer cette situation insoluble :
– celle où Joe drague un homme qu'il suit jusque chez lui et à qui il impose la participation de Kenneth,
– celle de la drague dans la pissotière où Kenneth, traîné là par Joe et emperruqué, est frustré de son plaisir d'une aventure furtive par l'arrivée intempestive des flics (notons au passage comment un lieu présenté souvent sous un aspect sordide peut changer de couleur quand Stephen Frears en fait le décor d'un épisode plus allègre),
– la scène enfin de l'évasion dans un Maroc présenté par Frears comme une gâterie de clichés homos, comme une parodie fantasmatique d'un lieu privilégié de la mythologie gay.
Dans les trois cas, ce qui est vécu par Joe avec spontanéité, optimisme et sens du plaisir provoque toujours chez Kenneth un sentiment de malaise, de frustration, voire de désespoir.

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Après My Beautiful Laundrette, qui s'attachait à montrer la construction d'un couple homosexuel dans un contexte hostile, Pri
ck Up Your Ears renverse ici les données en montrant la destruction d'un couple séparé par trop d'incompatibilités fondamentales, dans un milieu pourtant, a priori plus libre, et moins en butte au tabou. Manière pour Stephen Frears de boucler, provisoirement, la boucle.
Pour plus d’informations :
Voir des captures d'écran


Fiche technique :

Avec Jesdaporn Pholdee, Sahaphap Tor et Ekachai Buranapanit. Réalisé par Yongyooth Thongkonthun.
Durée : 104 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé :
Môn et Tjoung sont deux excellents joueurs de volley-ball mais aucune formation ne veut d'eux car ils sont gays. Mademoiselle Bi, le nouvel entraîneur, est chargée de former une équipe. Elle choisit Nong, un adjudant gay, Piya, une vedette transsexuelle, et Wit. L'équipe est forte mais les railleries et les provocations dont sont victimes les joueurs sont difficiles à supporter. Le jour de la finale arrive...
L'avis de Matoo :
Ce film est inspiré d’une histoire vraie. J’avoue que j’avais des doutes jusqu’à ce que je voie le générique de fin montrant les véritables protagonistes. La ressemblance est très forte, autant dans les visages ou les postures, ou bien le tortillage du cul.
Donc c’est bien vrai, dans les années 90, une équipe composée de travelos, d’un trans et d’un hétéro, entraînée par une certaine Melle Bi manifestement lesbienne, a gagné le championnat national de Thaïlande. Hallucinant ! Ce film retrace donc cette histoire qui tient du syncrétisme le plus épique entre Shaolin Soccer et Priscilla, folle du désert (rien que ça). Le film est vraiment aussi drôle que Priscilla dans la caricature des protagonistes qui pousse à l’extrême le personnage de folle hurlante et de « créature » hétéroclite, tandis que l’atmosphère et le scénario du tournoi sportif est tout à fait conforme à Shaolin soccer pour l’équipe de loosers qui finit par remporter la rencontre et acquérir une grande popularité.
Mais on ne peut pas dire que c’est tordant de rire, étant donné qu’au bout d’un moment voir des acteurs surjouer les folles hurlantes est un peu fatigant (et notamment à cause de certaines scènes cacophoniques) et ne suffit pas à nous rendre vraiment hilare. En outre, ce film n’est pas non plus un manifeste politique pour plus de tolérance envers les homos et ce, malgré quelques répliques qui explicitent clairement les problèmes d’homophobie dans ce pays. En effet, on ressent les personnages avant tout comme des caricatures vivantes, ce sont des créatures qui finalement sont tellement extrêmes qu’elles ne sont pas considérées dans leur société « comme tout le monde », mais simplement comme des OVNI qu’on tolère, une sorte de folklore. C’est une différence majeure qui dénote des contrastes culturels forts entre la Thaïlande et notre pays. Je fais un peu le rapprochement avec le phénomène des drag-queens en France. En effet, je me souviens il y a quelques années d’émissions qui traitaient de l’émergence du phénomène et j’avais été vraiment interloqué de constater que jamais l’homosexualité des gens n’étaient ne serait-ce qu’évoquée. Il s’agissait là aussi de caricatures vivantes, de « créatures » asexuées qui ne troublaient pas plus que ça la norme puisqu’ils rentraient en fait dans un modèle totalement disjoint de celui du commun des mortels. Et bien, je me dis que c’est un peu la même chose pour ces travelos joueurs de volley-ball dont on parle au féminin pendant tout le film, et qui sont tellement différents qu’on ne peut même plus leur faire le reproche de déroger à des lois qu’ils transgressent rien qu’en « étant ». Donc la notion de tolérance dans ce film est finalement toute relative, et de toute façon, je pense que l’objectif était tout autre. En outre, les acteurs sont tellement efféminés avec maquillage, cheveux longs et attitudes aguicheuses, qu’ils sont clairement identifiés comme étant quasiment des femmes (dont même un transsexuel hyper féminin et qui a un petit copain) et intéressés par des hommes hétéros et même machos qu’ils draguent éhontément. Aussi, le rapport normatif de la femme qui cherche un homme est quasiment respecté. Le film évoque tout de même l’homophobie latente dans la société thaïlandaise, et la tolérance affichée toute relative lorsqu’il s’agit de sortir de son carcan. L’équipe, lorsqu’elle commence à gagner des matches et à se faire connaître, reçoit aussi les foudres de toute une partie de la population.
Le film est donc plutôt léger et kitsch avec des personnages plus hauts en couleur les uns que les autres. Mais l’équipe remporte ses matches et on finit par vouloir les voir remporter le championnat. Et on ne peut pas non plus se prendre la tête des plombes sur la représentation des joueurs et les connotations, parce que c’est une histoire véridique, et qu’après avoir vu quelques extraits avec les vrais personnages, on se dit que ce n’est pas si mal joué que ça. Donc à prendre un peu comme Priscilla, un film kitsch plein de couleurs et de bruits, qui enchante par sa fraîcheur, son ton désinvolte et son humour potache.

Pour plus d’informations :

Anecdotes de tournage


Fiche technique :

Avec Kazuya Takahashi, Seiichi Tanabe et Reiko Kataoka. Réalisé par Ryosuke Hashiguchi. Scénario de Ryosuke Hashiguchi. Directeur de la photographie : Shogo Ueno. Compositeur : Bobby McFerrin.
Durée : 135 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :
Naoya est un homosexuel replié sur lui-même, accompagné par un sentiment étrange que quelque chose manque à sa vie. Il fait la connaissance de Katsuhiro et succombe immédiatement à son charme.
Tous les deux commencent à se fréquenter quand apparaît Asako, une jeune femme qui propose à Katsuhiro de faire un enfant. Naoya ne peut envisager une telle éventualité et se montre agacé par Katsuhiro, son caractère indécis et la façon dont il dissimule son homosexualité.
Le frère de Katsuhiro et sa belle-soeur choisissent ce moment difficile pour leur rendre visite. Cette dernière est en effet préoccupée par le risque de dispersion des biens familiaux : elle connaît le passé d'Asako et tente de mettre un terme à sa relation avec Katsuhiro.

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L'avis de Bastian Meiresonne :

Le couple gay fraîchement formé par Katsuhiro et Naoya doit affronter leur première épreuve d'amour le jour où la marginale Asako demande à l'un d'entre eux de lui faire un enfant. Sérieusement ébranlés, les deux hommes se posent la question de la paternité, quand une envahissante collègue de travail, puis la famille s'en mêlent.

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Six ans séparent Hush! du précédent film de Ryosuke Hashiguchi, Grains de Sable. Abordant volontairement différentes choses, le réalisateur a voulu laisser un peu de temps pour prendre du recul sur son métier et réfléchir à une nouvelle histoire qui lui tenait vraiment à cœur. L'attente était donc d'autant plus insupportable, que ses deux premiers avaient laissé une forte impression. Petite fièvre des vingt ans avait relancé la mode des petits films indépendants, alors que Grains de sable confirmait l'habile maîtrise du cinéaste à brosser des sensibles portraits doublé d'un sens très juste de la mise en scène.

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Bénéficiant d'un bon marketing, le public se bousculait pour aller voir ce qui semblait une franche comédie sur l'homosexualité. Sujet plus ou moins tabou au pays du Soleil Levant, le sujet n'est que rarement abordé et souvent de manière exagérée et caricaturale ; pourtant une certaine curiosité d'une population intriguée et mal informée peut expliquer l'attente fiévreuse à la sortie du film. Les avis étaient au final très partagés, dû sans doute en grande partie à cause de l'hybridité des genres. Comme si Hashiguchi avait eu hâte de rattraper le temps passé à ne plus tourner, il surcharge son film de moult directions et de thèmes donnés.

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Son point de départ est la rencontre peu spectaculaire de deux gays esseulés. Arrivant à la trentaine, ils se mettent en couple, alors que peu de choses semblent vraiment les lier. Leur fragile relation sera mise à rude épreuve, lorsque l'un d'eux s'éprend de l'idée de plus en plus obsessionnelle à concevoir un enfant pour une autre âme esseulée, mais féminine. Prétexte à des lourdes comédies caricaturales par ailleurs, Hashiguchi exploite moins quelques clichés standardisés par la norme, que de s'attacher plutôt aux interrogations intérieures de ses personnages. En cela, Hashiguchi a bien caché son jeu : comme le titre (ne l'indique pas), Hush! – « Chut ! » en français - parle du non-dit et plus particulièrement au sein de la cellule familiale.

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L'homosexualité cachée au proche entourage (famille et collègues de travail), secrets de famille (une tentative d'empoisonnement, un mariage arrangé), le profond mal-être des personnes (les trois protagonistes principaux, Nagata, la belle-sœur), autant d'ulcères, qui seront crevés au cours d'une intrigue finalement loin d'être comique ; même les expérimentations farfelues de reproduction canine se font dans l'arrière-boutique et personne n'ose dire à la propriétaire du malheureux chien cobaye, que ce n'est qu'un bâtard et non pas un chien de pure race.

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Un scénario donc difficilement prévisible, mais plutôt par son éclatement structurel partant dans tous les sens, que par une intrigue riche en véritables rebondissements. L'aboutissement final est quant à lui trop décousu pour réellement toucher le spectateur. La mise en scène est indigne du réalisateur, qui se contente de tourner en longs et larges plans-séquences paresseux. La musique du célèbre Bobby McFerrin n'est de plus pas du tout adaptée aux images. Reste le portrait des protagonistes principaux et de forts personnages secondaires évoluant autour d'eux ; malheureusement cette disparité de sous-intrigues rend tout attachement impossible. En résulte un film inégal, qui aurait mérité de se concentrer sur les aspects plus approfondis du scénario pour convaincre totalement ; d'autant plus étonnant à l'égard des précédents métrages de Hashiguchi autrement plus maîtrisés.

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L'avis de Cinéasie :
Hush! est un film beau et romantique où l'on comprend que l'amitié est la source de tout. Ce film traite de l'homosexualité affirmée et refoulée avec gaieté parfois et sincérité sûrement.
En imposant un rythme lent et une mise en scène maîtrisée, le cinéaste réussit, sans forcer le trait, à cristalliser, à travers les incertitudes de ses deux héros, les moeurs d'aujourd'hui, où s'entrechoquent traditions puritaines et évolution des mentalités.

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Le scénario affectionne les ellipses radicales et la mise en scène s'étire en de longs plans-séquences aux cadres magnifiquement composés. La sobriété des comédiens achève de donner à Hush! son charme paradoxal : comment un film empreint d'une telle pudeur parvient à émouvoir autant...
Un film sensible, intelligent et drôle sur les problèmes que peuvent rencontrer un couple d’homosexuel dans la vie de tous les jours. De plus il offre une vision très optimiste de la vie en générale. Le tout accompagné par une musique de Bobby Mc Ferrin que certains reconnaîtront puisque ce n'est ni plus ni moins la musique qui fut utilisée pour les premières pubs de la Twingo.

Pour plus d’informations :

Secrets de tournage

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Fiche technique :

Avec Sean Galuszka, Richard Alan Brown, Natalie Avital, Dan Glenn, Linda Pine et Susan Spano. Réalisation : Thomas Jason Lewis. Scénario : Thomas Jason Davis. Musique : Adam Gubman. Image : Jeff Gatesman. Montage : Jeff Gatesman.
Durée : 101 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé
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Ajay (Sean Galuszka) ramène chez lui un body-buildé un peu flapi mais très entreprenant. Les deux hommes commencent à s'embrasser mais rapidement leur étreinte vire à la bagarre. Ajay est assommé et violé par le costaud. Le lendemain, Ajay se réveille et découvre qu'il a été infecté par une maladie sexuellement transmissible qu'il n'aurait pas pu prévoir : le vampirisme.
Persuadés qu'il sou
ffre de dépression, deux amis, Teague (Richard Alan Brown) et Floor (Dan Glenn) l'embarquent pour un week-end à Las Vegas afin de lui changer les idées. Ils trouvent une chambre dans un motel du désert des Mojaves, à proximité de la ville du jeu où Ajay trouvera à se repaître...

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L’avis de Bernard Alapetite :
Premières images : deux mecs, pas terribles, la trentaine fatiguée, sont aux prémices du coït. Le visiteur, genre culturiste avachi, veut baiser son hôte. Ce dernier, déjà en position, n’attend que ça et propose au malabar une capote. Le gros la refuse. Le propriétaire s’énerve, n’a plus envie du mastard et veut le virer. Ce dernier le prend très mal et assomme son partenaire d’un direct. L’écran devient noir, puis vire au rouge, générique. Après l’intermède, on retrouve notre victime très déprimée par son agression. Histoire de se remettre, il passe d’adorables souris blanches au mixer pour en boire le jus en guise de fortifiant... Si vous aimez le cinéma, il est probable que vous n’êtes pas arrivé jusque là. Je vous déconseille d’aller plus loin dans cette daube. Le pire est à venir.

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Après ce départ sur les chapeaux de roue comme on disait du temps de la manivelle et des rosengarts, le scénariste
qui est aussi le cinéaste ne sait pas quoi faire de son vampire ; n’ayant pas les moyens financiers de le faire évoluer en ville, il le parque dans un motel de seconde zone. Il lui autorise tout de même quelques excursions à Las Vegas, que l’on ne verra jamais, mis à part quelques images récurrentes du strip en accéléré, pour... se nourrir. L’action si l’on peut dire se traîne ainsi plus de 90 mn meublées par la ridicule histoire d’amour entre le monstre et Teague, un jeune homme poupin amoureux transi d’Ajay avant sa transformation.

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Cette love story est aussi ratée que le reste. Seule distraction au énième degré
: les vêtements du jeune homme que l’on croirait sortis d’un « chic parisien » d’une sous-préfecture dans les années soixante. Cette série Z glauque est aussi mal jouée qu’elle est mal dirigée. Les scènes de vampirisme sont grotesques. L’image est granuleuse et le point évanescent. Il n’y a guère que le cadrage à sauver de ce premier film dont on espère pour l’amour du cinéma que ce sera le dernier de son réalisateur.

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Mis à part le blond de la quincaillerie, joué par un acteur habitué au porno, pas mal du tout, qui sera le dernière steak humain d’Ajay, les mecs en plus sont assez moches.

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Pour aggraver son cas
, le metteur en scène n’a pas une once de second dégré ni d’humour. C’est glauque, ça ne fait même pas peur, avec pour « agrémenter » le tout un soupçon de scatologie et de cruauté envers les animaux.

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Conseillons à ceux qui aiment mélanger film d’horreu
r et film gay d’aller voir du côté de la pléthorique filmographie de David de Coteau. Les acteurs y jouent aussi mal que dans Scab mais ils sont très mignons et au moins, c’est un cinéaste qui ne se prend pas au sérieux.
Vous avez compris
 : Scab est une horreur de film et pas un film d’horreur.
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Fiche technique :

Avec Michel Piccoli, Pierre Malet, Gilda Von Weitershausen, Heinz Weiss, Andreas von Studnitz, Käte Jaenicke, Emily Reuer et Richard Lauffen. Réalisation : Étienne Périer. Scénario : Dominique Fabre et Étienne Périer, d'après le roman de Stefan Zweig. Directeur de la photographie : Jean Charvein.
Durée : 90 mn. Disponible en VF.



Résumé :
Roland, qui mène à Berlin une vie de débauché, décide à la suite d’une conversation avec son père, de partir pour une petite ville universitaire de province. À peine arrivé, il éprouve une véritable fascination pour son professeur. Celle-ci lui donne une joie intense qu’elle reste cachée, mais, inexorablement, la relation évolue jusqu’au scandale...
La confusion des sentiments naît de la rencontre de ces deux êtres, qui en dépassant la frontière de l’amitié, vont se retrouver sur un terrain inconnu entre l’enfer et le paradis.

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L'avis de Jean Yves :
À la fin du film, Michel Piccoli prend le tendre visage de Pierre Malet dans ses mains et l'embrasse sur la bouche. Si je donne à cette image, une valeur de symbole, l'intérêt profond du film est ailleurs. Étienne Périer a adapté le roman de Stefan Zweig : La confusion des sentiments.
C'est un roman grave, le récit d'une passion. Roland, le jeune étudiant découvre un sentiment exceptionnel pour son professeur de philologie anglaise mais il ne peut pas l'enregistrer comme attirance amoureuse. Admiration, croit-il, que cette totale dépendance où il s'enferme. L'intérêt du film est là, du côté de l'élève qui ne peut envisager – comment intégrer cette perspective dans le cadre conventionnel de l'existence du professeur ? – la vie cachée, homosexuelle, de l'homme qu'il vénère. Robert, le professeur, marié, ne peut que remplacer le père lointain. Pourtant des instants étranges et d'inhabituels comportements déroutent le disciple, qui se croit parfois haï.

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La confusion naît de la distance qui les sépare au niveau de la connaissance du désir (cruelle mais nette chez le professeur, hors du conscient chez l'étudiant) et de l'intimité qui les unit.
La mise en scène oppose parfaitement le monde de la lumière, quand ils se retrouvent pour terminer le livre sur Shakespeare que Robert écrit, et le monde trouble de la nuit quand le professeur est harcelé par le corps de Roland.
La plus grande partie du film est réalisée en décors intérieurs, à la mesure de cette tragédie racinienne. Bureau calfeutré, préservé des agressions sociales par autant de livres et d'œuvres d'art ; le dialogue de la passion y prend les apparences de l'amitié. Chambres du possible plaisir, celle rudimentaire de l'étudiant, celle anonyme de l'hôtel. Dans ces lieux libérés éclate la chair dorée de l'adolescent, moments aigus, comme palpables quand nous convoitons la nudité de Pierre Malet avec les yeux du professeur vieillissant.
Les scènes d'extérieur, rares, viennent en contrepoint, champs et rivière, une échappée où Roland rencontre la femme et jamais le mari ; campagne lumineuse comme une jeunesse stéréotypée, qu'il oublie, pour se perdre dans l'interrogation d'un homme au mystère trop lourd.

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Le désarroi du jeune garçon est admirablement rendu par Étienne Périer : gageure difficile car, à la fin du film, c'est Roland qui devient victime, elle renverse les conventions.
Michel Piccoli est extraordinaire. Raide et élégant dans le bureau où sa séduction s'affermit, il dépérit, humble, courbé, vulnérable, derrière les portes, grattant le mince obstacle qui le sépare de la magnificence charnelle du jeune homme.
La rigueur de la mise en scène, moins vibrante que celle de Visconti dans la Mort à Venise, s'adapte néanmoins minutieusement à cette histoire d'amour. Roland et Robert représentent, dans leur commune fragilité, l'évidence d'un autre amour, absolu, mais tout aussi fatidique.

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