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FILMS : Les Toiles Roses


Fiche technique :
Avec Winston Chao, Dion Birney, May Chin, Ah Lei Gua et Long Sihung. Réalisé par Ang Lee. Scénario de Ang Lee, Neil Peng et James Schamus.
Durée : 106 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


L'avis de Alholg :
Avant de réaliser des blockbusters (décevants mais en couleurs !) pour Hollywood ou des chambara à succès, Ang Lee tournait des films sympathiques et humains (!). A rebours, Sense and Sensibility, son premier film non taïwanais et sans acteur asiatique, Yin shi nan nu (curieux mais que j'apprécie beaucoup) qui reprend une partie du casting de Hsi yen qui l'a précédé. Il a, cette année, remporté le Lion d’or de Venise avec son nouveau film à thématique gay, Brokeback Mountain.
Wai-tung (Winston Chao) est un jeune américain d'origine taïwanaise installé à Manhattan avec son ami Simon (Mitchell Lichtenstein), homosexuel comme lui. Il possède un vieil immeuble dont il loue quelques surfaces, notamment à la jeune peintre chinoise Wei-wei (May Chin), en situation irrégulière dans le pays et qui a le plus grand mal à s'en sortir.

La vie serait belle si les parents de Wai-tung, restés au pays, ne désiraient ardemment voir leur seul enfant se marier avec une compatriote. Ils l'ont, pour cela, inscrit dans la meilleure agence matrimoniale de Taïwan, capable, malgré les critères volontairement insensés fixés par leur adhérent, de trouver l'oiseau rare. Simon a l'idée de faire épouser, en apparences seulement, Wai-tung à Wei-wei, ce qui permettra à cette dernière d'obtenir sa green card tant désirée. Les parents Gao viennent passer quinze jours à New York pour le mariage de leur fils. On se marie discrètement à la mairie, mais les choses se gâtent lorsque les parents, contrariés parce qu'ils souhaitaient organiser une belle réception pour l'honneur de la famille et respecter les traditions, arrivent à convaincre leur fils de leur faire plaisir, surtout au père qui a déjà subi une attaque cardiaque. D'autant que Wei-wei n'est pas insensible au charme de son futur mari.
Les trois-quarts du film sont traités sur le ton de la comédie. Après une phase d'exposition assez brève, on assiste à la « mise en scène » destinée à convaincre les parents du futur marié de sa « normalité ». Le mariage et sa cérémonie sont peut-être un peu longs, même si on peut comprendre la volonté de Ang Lee de jouer sur les chocs multiples de cultures et installer plus finement les psychologies, notamment celles de Wei-wei et des parents. La dernière partie tourne au drame alors que l'on ne s'y attendait pas. L'homosexualité y est traitée de manière plus subtile et une surprise dans le scénario apporte une coloration et une saveur nouvelle à ce final. Winston Chao joue là, et cela se voit, son premier film. Il est un peu maladroit même si sa rigidité sert son personnage. Mitchell Lichtenstein, qui avait débuté avec Altman, est chargé d'apporter la « touche occidentale ». Son jeu est assez conventionnel et n'emballe pas vraiment. C'est surtout May Chin, elle aussi dans son premier film, qui donne un intérêt au film sur le plan de la comédie. Elle alterne, avec brio, force et fragilité pour donner à son rôle une épaisseur convaincante. Elle trouve, notamment, une résonance particulière dans ses rapports avec les parents de son « blanc-mari », Ah Lei Gua et Sihung Lung. A noter, enfin, que l'on aperçoit le réalisateur pendant la scène du banquet.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Ronnie Kerr, Jack Sway et Jason Van Eman. Réalisé par Jeff London. Scénario de Jeff London.
Durée : 80 mn. Disponible en en VO et VOST.


Résumé :
Après le décès accidentel de ses parents, Billy (Ronnie Kerr) revient dans sa ville natale, un petit port de pêche, s’occuper de son jeune frère attardé, Johnny (Jack Sway). Billy retrouve alors son ami d’enfance, Dean, qui revient de la guerre d’Irak blessé et traumatisé. Les sentiments de Billy pour Dean (Jason Van Eman) réapparaissent et avec eux, une attirance qui pourrait bien signifier la fin de leur amitié si Dean s’en apercevait...
L'avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Billy est le troisième long métrage réalisé par Jeff London après Et quand vient l’été (... And then came summer) (2000) et  The last year (2002), tout deux édités en DVD chez Eklipse. Il a également tourné un moyen métrage, Judgement road (1997).
Les deux grandes qualités de Billy sont d’abord d’ancrer une histoire d’amour gay dans l’actualité, en l’occurrence la guerre américaine en Irak, et d’oser endosser sans fausse pudeur l’étiquette de mélo. Malheureusement, Jeff London possède une grammaire cinématographique étique où n’existe guère que le plan fixe sous forme de ”pano” général dans les trops rares scènes d’extérieur et sous forme de champ contre-champ dans les multiples scènes de dialogues et pire encore, quelques zooms saccadés qui ne dépareraient pas dans un film de famille amateur. La pauvreté visuelle du film n’est pas seulement due à la pauvreté des moyens, qui est ici évidente, mais comment expliquer qu’il n’y a à l’écran que les seuls trois acteurs à l’exclusion de tout autre être humain sinon par l’incapacité du cinéaste à inscrire et faire vivre dans son cadre de nombreux protagonistes. Jeff London illustre à merveille la difficulté d’être cinéaste : ce métier qui mêle des talents bien différents et peut-être contradictoires. Celui de directeur d’acteurs et il n’est pas contestable que Jeff London en est un exellent, les trois acteurs sont remarquables, avec toujours une grande générosité envers tous ses personnages, et celui de technicien de l’image et là son savoir me semble bien piètre. London aggrave son cas en étant en plus le scénariste de son film. Que les cinéastes soient plus modestes et le cinéma s’en portera mieux ! Ils ne peuvent pas tous être compétents dans des domaines aussi différents. Il n’en reste pas moins que London est un scénariste honorable et surtout un remarquable dialoguiste. Suggérons-lui pour son prochain opus de s’adjoindre un chef opérateur de talent.
Il est à craindre que bien des spectateurs français auront un sourire narquois devant Billy et son lacrimalisme revendiqué. Et cela serait dommage, le mélo a ses titres de noblesse : hier Douglas Sirk, Vicente Minelli et aujourd’hui. Et puis ce serait imaginer que l’Amérique se résume à New York et aux trottoirs de Castro Street alors que London nous parle de l’Amérique majoritaire, celle qui a élu W. Bush, un pays où il toujours difficile de dire et de vivre un amour gay : ne l’oublions pas. En outre, Billy laisse bien transparaître l’imprégnation de la société par la religion. Là encore, Jeff London nous parle de l’intérieur puisqu’il est fils de prêcheur. À ce sujet, laissons lui la parole: « Il faut savoir que les États-Unis sont un pays très conservateur. Nous sommes perçus comme un pays libéral mais cela ne concerne pas la religion qui est très prégnante. La politique et la religion sont les deux grands sujets. D’ailleurs maintenant nous avons un président à la fois religieux et républicain... »
Malgré les maladresses et les naïvetés, les films de London sont attachants car ils répondent à une véritable nécessité, pour lui, de les tourner : ce qui n’est pas si fréquent.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Nanni Moretti, Margarita Lozano, Ferruccio de Ceresa, Enrica Maria Modugno, Marco Messeri, Roberto Vezzosi, Dario Cantarelli, Vincenzo Salemme et Eugenio Masciari. Réalisation : Nanni Moretti. Scénario : Nanni Moretti et Sandro Petraglia. Directeur de la photographie : Franco Di Giacomo. Compositeur : Nicola Piovani.
Durée : 94 mn. Disponible en VO et VF.
Résumé :
Nommé dans une paroisse de Rome, un jeune prêtre quitte la petite île où il vit depuis dix ans et retourne dans sa ville natale. Là, il trouve une église vide et abandonnée, même de Dieu. Aux prises avec une famille à problèmes et trop intransigeant et moralisateur, il est rejeté de tous et connaît l'échec. Il part comme missionnaire.
L’avis de Jean Yves :
Est-ce que la foi chrétienne battrait de l'aile de l'autre côté des Alpes ? Il suffit de suivre à Rome la soutane de Don Giulio (Nanni Moretti lui-même) pour s'en convaincre.
Le bon prêtre vient de quitter sa paroisse, dans une petite île du Sud où tout se passe encore comme autrefois, pour Rome, sa ville natale où il n'est plus revenu depuis de nombreuses années.
On l'affecte aux destinées d'une église de faubourgs, vide et désertée par les fidèles depuis que le prêtre a pris ses cliques et ses claques pour savourer les joies du concubinage. Choquant !
Don Giulio retrouve aussi sa famille et ses vieux amis : le couple de ses parents est menacé par le démon de midi qui démange son père, Gianni le libraire va draguer les beaux garçons dans les cinémas, Andréa est en prison pour terrorisme. Choquant encore !
Tout allait tellement mieux avant, lorsque Dieu régentait les faits et gestes de ce petit monde. Aujourd'hui, le curé d'autrefois est un homme perdu, déboussolé, c'est un martien dont on refuse l'aide spirituelle.
Don Giulio a beau prêcher, sermonner, faire la morale autour de lui : les oreilles se bouchent, on ne veut plus entendre sa bonne parole.
Car le processus s'est inversé. On le sait bien, de nos jours ce n'est plus en écoutant conseils et paroles de réconfort qu'on affronte la vie avec les meilleures armes, c'est au contraire en parlant, en trouvant un interlocuteur qui vous en dit le moins possible : Don Giulio ne savait pas que le domaine « psy », jusque dans Rome, avait remplacé l'Evangile.

La Messe est finie illustre ce constat, dans un style aigre-doux, cocasse et tragique, au-delà d'un comique au premier degré.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Leslie Cheung, Zhang Fengyi, Gong Li, Qi Lu, Ge You, Ying Da, Li Chun, Lei Han, Mingwei Ma, Yang Fei, Zhi Yin, Dan Li et Jiang Wenli. Réalisé par Chen Kaige. Scénario : Lu Wei et Lilian Lee (d’après son roman).  Directeur de la photographie : Gu Changwei. Compositeur : Zhao Jiping.
Durée : 165 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
Le film ouvre sur le retour de deux anciens et très célèbres chanteurs de l'Opéra de Pékin, en 1977, dans une salle aujourd'hui vide... Retour en arrière...
1924 : le jeune Douzi (prononcer... Toutsi) est conduit par sa mère, une prostituée, à la fameuse Académie d'Opéra de Maître Guan. Celui-ci le refuse en raison de son petit doigt supplémentaire à la
main gauche, qui « ne pourra que faire peur au public ». La mère de Douzi n'hésite pas et tranche le doigt de son fils qui intègre alors l'école. Enfant fin et sensible, il y entame un apprentissage d'une dureté impitoyable où la moindre petite erreur est sanctionnée de châtiments corporels, véritables séances de tortures. Mais même lorsque l'élève a « bien fait », il lui arrive d'être puni afin « de penser à faire aussi bien la prochaine fois ». Douzi se lie d'amitié avec Shitou, dévergondé et rigolard. Après une tentative de fuite auto-avortée et la découverte, émerveillée, d'une représentation d'Opéra, Douzi décide de résister à la douleur et de devenir une vedette. Formé à interpréter les rôles de femmes, il réussit enfin à chanter correctement la phrase « Je suis, par nature, une fille... », qu'il se refusait jusque là, ce qui lui ouvre les portes de la gloire... mais l'amène aussi à se faire violé par un vieil homme.
Dix ans plus tard, à la veille de la guerre avec le Japon, Douzi (devenu Dieyi, prononcer Tieyi, Leslie Cheung) et Shitou (maintenant Xiaolou, prononcer Siaolou, Zhang Fengyi) sont devenus des stars de l'opéra. Ils jouent partout Adieu ma concubine Xiaolou dans le rôle du Roi Chu et Dieyi dans celui de sa concubine, Yu.
Mais un jour, Xiaolou s'éprend et épouse une prostituée, la belle Juxian (prononcer Tiusian, Gong Li). La réaction de Dieyi, fou de jalousie, révèle son amour jusque là caché pour son ami...
Les Japonais occupent Pékin et arrêtent Xiaolou qui a osé les défier. Afin d'obtenir sa libération, Dieyi accepte de chanter pour l'occupant. Il devient aussi le protégé de Maître Yuan... Les deux amis retrouvent ensuite un enfant qu'ils avaient recueilli, bébé abandonné, alors qu'eux-mêmes étaient encore à l'Académie... Les Japonais sont vaincus et, à la suite d'une émeute lors d'une
représentation, Dieyi est arrêté pour collaboration avec l'ennemi. Dans la bagarre qui se produit sur scène, Juxian est blessée et perd l'enfant qu'elle portait, voyant dans ce drame le « châtiment karmique de l'association » des deux amis...
La Chine fait sa révolution communiste et les procès se multiplient. Maître Yuan est condamné à mort, tandis que Dieyi sombre dans les tréfonds de l'opium, se faisant supplanter dans le rôle de Yu par Xiao Si, l'enfant trouvé...

En 1966, survient la Révolution Culturelle. Tout ce qui représente l'ordre ancien doit être détruit, brûlé. Adieu ma Concubine et ses interprètes n'échappent pas à la curie, Xiao Si en étant l'un des premiers accusateurs... Xiaolou et Dieyi sont arrêtés et doivent faire leur auto-critique publique, maquillés et costumés dans leurs rôles. Xiaolou trahit son ami en le chargeant de toutes les traîtrises, avant que Dieyi ne se retourne contre Juxian...
Les deux chanteurs échappent à la mort, mais pas Juxian qui se pend...
La dernière scène revient au temps présent, à la scène initiale du film. Dieyi et Xiaolou chantent à nouveau Adieu ma Concubine, dans le théâtre vide, les visages apparemment inchangés sous les maquillages. Dieyi prend le sabre du Roi Chu-Xiaolou...
Le dernier plan se fait sur le visage de Xiaolou, les yeux fixés sur Dieyi dont on peut penser qu'il vient de partager le sort de la concubine Yu, et sur ce nom, remontant à l'enfance et au début de leur amitié: « Douzi »...


L'avis de Philippe Serve :
Il y a des Palmes d'Or dont on ne se souvient plus ou que l'on a simplement préféré oublier. Adieu ma Concubine n'appartiendra jamais à cette catégorie. Rarement, Palme d'Or aura été aussi méritée qu'en cette année 1993 (où la récompense cannoise suprême fut attribuée conjointement, et justement, au film de Chen Kaige et à La Leçon de Piano de Jane Campion). Oui, Adieu ma Concubine est un pur chef d'œuvre qui vous saisit dans son flot tumultueux et ne vous lâche plus pendant les 2h45 du film.
On peut prendre ce film sous plusieurs angles : une tumultueuse histoire d'amitié (et d'amour) ; la vision d'un demi-siècle d'histoire de la Chine, ballottée de soubresaut en soubresaut ; une réflexion sur l'opposition (irréconciliable) entre la permanence du théâtre, figée dans l'imaginaire, et la fugacité de la vie « réelle »...
L'une des plus sages décisions que le spectateur avisé puisse prendre est sans doute de voir et revoir encore le film ! Mais le génie de Chen Kaige est de fondre ces trois lectures si parfaitement que nulle « couture » n'est plus visible. Les trois personnages principaux sont-ils des jouets de l'Histoire ou SONT-ILS 
eux-mêmes l'Histoire ?
Les événements politiques nous sont montrés comme des représentations théâtrales, mis en scène avec drapeaux et costumes. Et, tel l'Opéra de Pékin traditionnel que la Révolution Culturelle condamne pour appartenance à « l'ancienne société », les idées politiques elles-mêmes se démodent et sont appelés à être foulées aux pieds et remplacées par de nouvelles...
Les quarante premières minutes, d'une beauté et d'une brutalité stupéfiantes, entièrement consacrées (à l'exception d'un bref prologue) à l'apprentissage des enfants futurs chanteurs d'opéra, est une des plus fortes expériences que l'on puisse connaître devant un écran.
La violence, la cruauté, le sadisme infligés à ces enfants ne peut que choquer le spectateur, surtout s'il est occidental et peu habitué à une certaine philosophie. Chacun a un don et il doit le faire fructifier, peu importe le chemin de douleur pour y parvenir...
Puis Chen Kaige nous entraîne dans le grand tourbillon de l'Histoire. Et le moins qu'on puisse dire est que la Chine du XXème siècle n'est pas un long fleuve tranquille ! Ballottés de guerre en révolution, les deux amis que sont Dieyi et Xiaolou évoluent de façon différente. Au contact de son épouse Juxian, Xiaolou garde les yeux ouverts à la réalité qui passe devant sa porte tandis queDieyi, lui, s'obstine à vivre sa vie comme il joue et chante son rôle de concubine sur scène. Il rêve d'un temps suspendu, à l'image de son visage qui, figé sous son maquillage de la concubine Yu, ne prend (apparemment) pas une ride en 50 ans. Il est ici important de savoir que l'Opéra de Pékin est un Art totalement codifié, costumes,
maquillages, gestes, chants, rien, jamais, ne change dans ses représentations.
La manière dont Chen Kaige dirige ses acteurs relève de la perfection, des premiers aux derniers rôles. Profitons-en d'ailleurs pour souligner l'excellence (habituellement oubliée par les critiques) des trois jeunes acteurs interprétant Douzi (Mingwei Ma) et Shitou (Yang Fei puis Zhi Yin) enfants. Le visage fin, fragile et fier de Mingwei Ma est particulièrement inoubliable.
Saluons aussi la performance de Ge You, pleine d'ambiguïté et de tension retenue (l'acteur remportera le Prix d'interprétation masculine à Cannes l'année suivante pour son rôle dans Vivre de Zhang Yimou)...
Fengyi Zhang
(Xiaolou) mérite aussi les suffrages pour avoir su faire évoluer avec grand talent son personnage d'une apparente simplicité à une tragique complexité.
Mais, bien sûr, la distribution est dominée par les deux stars de ce film: Leslie Cheung et Gong Li.
Leslie Cheung est remarquable. Il aurait mérité le Prix d'interprétation (qui ira à l'Anglais David Thewlis pour Naked de Mike Leigh), tant son jeu est subtil.
Lui (enfin, son personnage) qui a appris, par la violence, à chanter « Je suis, par nature, une fille... » montre une personnalité instable, incertaine, à l'homosexualité elle-même assez floue. Sa véritable « nature » est comme dissoute par l'identité de la concubine Yu dont il ne peut se détacher des traits, du costume, des
gestes, de la voix. Douzi-Dieyi est-il vampirisé malgré lui par ce rôle, ou l'endosse-t-il consciemment, à la recherche frénétique d'un refuge intemporel ? Tout l'immense talent de Leslie Cheung est de maintenir cette ambiguïté. Jouer le rôle d'un homosexuel et plus encore d'un travesti au cinéma présente toujours les dangers d'en « faire trop ».
Gloire soit donc rendue à Leslie Cheung pour la finesse et l'intelligence de son interprétation.
Dire que Gong Li est magnifique paraît tout à fait inutile, tant elle est TOUJOURS magnifique !
Non seulement elle est la plus belle star vivante, mais aussi une authentique et merveilleuse actrice.
La manière dont elle maîtrise son rôle dans ce film est tout bonnement sidérante. Elle alterne les manifestations de rage, de séduction, d'inattendue tendresse et de total désespoir avec une maestria sans égal. Rivale de Dieyi, elle va, au contraire de ce dernier, évoluer dans ses sentiments et ses attitudes envers lui. Il faut la voir, dans un des plus beaux moments du film, « materner » celui qui lui voue une haine farouche et n'est plus en cet instant qu'un enfant ravagé par l'opium et pleurant après sa mère...
Juxian, l'ancienne courtisane, est aussi comme un faux reflet de Dieyi, jouant et surjouant sans cesse jusqu'à donner une véritable leçon en la matière au vieux Maître Guan... Mais lorsqu'elle tombe le masque, elle devient alors bouleversante. Qui pourra oublier son visage lors de sa dernière scène, alors que Dieyi la dénonce publiquement comme une ancienne prostituée et que Xiaolou renie son amour pour elle ? Toute son humanité, si souvent refoulée et combattue, toute sa peur et sa totale incompréhension devant cette haine meurtrière, surgissent là, sans fard, sans semblant...
Gong Li, à l'instar du film tout entier, est un immense cadeau dont on serait bien fou de se priver ! 



Fiche technique :
Avec Leonardo DiCaprio, David Thewlis, Dominique Blanc, Nita Klein, Romane Bohringer et Felicie Pasotti Cabarraye. Réalisé par Agnieszka Holland. Scénario de Christopher Hampton. Directeur de la photographie : Yorgos Arvanitis.
Durée : 102 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
1871. Sur le quai d’une petite gare des Ardennes, Arthur Rimbaud, 17 ans, attend le train pour Paris, où il doit retrouver Paul Verlaine. Mais à la gare de l’Est, les deux hommes se ratent et Rimbaud gagne seul le domicile de son hôte. Il y fait la connaissance de l’épouse de Verlaine, enceinte de huit mois, et de sa belle-mère. Son manque de savoir-vivre et sa mise négligée effarouchent les deux femmes, qui s’étonnent que Verlaine, le reçoive avec tant d’égards. Ce dernier voit en effet en Rimbaud un poète de génie et ne tarde pas, malgré les réticences de sa femme, à partager sa vie de bohème.
L'avis de Jean Yves :
La cinéaste d'origine polonaise, pour son film produit par les Américains, a choisi de ne s'intéresser qu'à la relation (sexuelle, physique, fantasmatique, irrationnelle) des deux poètes. C'est de cette quasi absence de hors champ sur la création littéraire, sur la famille de l'un et de l'autre, que naît l'intérêt de son film : montrer à nu un lien qui fut tout sauf purement intellectuel, entre un jeune homme exigeant, rebelle, provocateur, sûr de son pouvoir et de son génie, et son aîné, suicidaire et masochiste.
Et c'est de leur confrontation au sordide partout présent (sexe et manque d'argent mêlés) que naît la force d'une mise en scène par ailleurs assez lourde.

Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Adel Imam, Nour El-Sherif, Youssra, Essad Youniss, Ahmed Bedir, Hend Sabri, Khaled El Sawy, Khaled Saleh, Ahmed Rateb, Somaya El Khashab, Abd Raboh, Mohamed Imam et Youssef Daoud. Réalisation : Marwan Hamed. Scénario : Waheed Hamed, d’après l’œuvre d’Alaa’ Al-Aswany. Directeur de la photographie : Sameh Selim. Compositeur : Khaled Hammad.
Durée : 172 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
L'Immeuble Yacoubian, tiré d'un roman homonyme à succès, raconte l'histoire d'un immeuble mythique du Caire et l'évolution politique de la société égyptienne de ces cinquante dernières années, entre la fin du règne du roi Farouk et l'arrivée des Frères Musulmans au pouvoir. Il fustige certains travers de la société égyptienne. En toile de fond, la question du « comment est-on passé d'une société dite moderne et ouverte d'esprit à une société souvent décrite comme intolérante ? ».
L’avis de Matoo :
Trois heures de film dans un immeuble du Caire, dans les années 50, un immeuble où se croisent des personnalités très différentes, des hommes et des femmes qui figurent une société égyptienne en pleine mutation. Drôles de changements : du règne des pachas au régime de Nasser, d’un simple passage de pouvoir à l’autre ou de réformes en profondeur, des riches nababs aux pauvres gens qui vivent dans des baraques sommaires sur les toits d’immeubles cossus, de la montée de l’islamisme…
J’ai été plus que conquis par ce film, c’est vraiment mon coup de cœur de ces dernières semaines. Je le trouve en tous points parfaitement filmé, joué et avec un dosage extrêmement habile entre faits historiques et sociaux, entre mélodrame et comédie. On voit là dans ce microcosme, tout un univers qui raconte le passé, explique le présent et préfigure les années à venir pour toute une nation. Et puis évidemment il y a cette langue merveilleuse, ce mélange exotique extraordinaire dans un Caire encore imprégné des cultures occidentales qui commence à (re)trouver les marques de sa propre identité. On y trouve les nouveaux leaders, mais aussi les apparatchiks déchus qui vivent difficilement dans leur splendeur passée.
Le tout début du film explique brièvement (ce qui doit être certainement plus long dans le bouquin) l’origine de l’immeuble, et les changements politiques des années 30 à 50. Et nous nous retrouvons à une époque, où Zaki El Dessouki est un vieux Casanova, un rentier fils de pacha mais aussi un francophile aux mœurs bien occidentales, qui vit et se dispute avec sa sœur tout en draguant la moindre minette. Il y a aussi Hatem Rachid, le rédacteur en chef d’un journal francophone, Le Caire, un homosexuel notoire qui fomente de curieux et efficaces stratagèmes pour emmener de jeunes paysans dans son lit. Haj Assam est un homme d’affaires qui veut entrer en politique, alors qu’il a modestement commencé sa vie en tant que cireur de chaussures. Sur le toit, là où habitent des gens modestes qui vivent dans des baraquements, un jeune garçon et une jeune fille sont amoureux. Il est frustré de ne pas pouvoir entrer dans la police à cause de son statut social (il est le fils du concierge), tandis qu’elle vit mal les abus quotidiens des hommes, et aspire à une vie meilleure.
Tous ces gens se croisent et se côtoient, et on les voit évoluer pendant tout le film. Il y a aussi une kyrielle de seconds rôles très attachants, ou au contraire particulièrement repoussants. Le rythme n’est pas très soutenu, mais le charme est absolument continu, et chacune des intrigues se termine « correctement » (on ne reste pas sur sa faim). Je ne critique même pas la partie du rédacteur homosexuel, car je la trouve plutôt bien ficelée, malgré le manifeste poncif. Mais aujourd’hui, on a droit à assez de représentations « polymorphes » de l’homosexualité au cinéma pour voir avec un peu moins de réticence des personnages aussi clichés. J’ai été par contre ému par ce personnage, alors qu’à constater les rires des gens dans la salle, leur réaction était toute autre. Et pourtant je vous garantis que c’était bien triste…
J’ai aimé le fait que le film ne tentait pas non plus de prendre parti. Il est toujours difficile de dire que « c’était mieux avant », car les périodes de transition sont toujours extraordinairement complexes. Mais force est de constater dans le film la nostalgie des uns, les extrémismes qui avancent et un pouvoir politique vérolé qui n’arrange rien. Donc c’était en effet différent avant, mais le futur brillant et équitable tant escompté et fabulé par les utopistes (?) a l’air de moins en moins crédible. Et dans ces cas-là, on ne voit que le positif du passé qui n’est plus, tandis que les conditions de vie des plus pauvres n’ont pas vraiment changé, et que les nantis sont finalement toujours à leur place.
J’ai été étonné de la francophilie permanente qui nourrit l’ensemble du film… On entend du Piaf, on évoque Paris, je ne savais pas ce lien aussi fort entre nos pays à l’époque. Le personnage principal se targue d’avoir fait ses études en France et se demande pourquoi il n’y est pas resté. Mais finalement, il avoue à la jeune fille du toit qu’il avait menti sur ce sujet. Il lui explique qu’il est revenu au Caire et en Égypte, car c’est là qu’on est vraiment le plus heureux malgré tout.

L’avis de Niklas :
Dans un immeuble mythique du Caire vivent des hommes et des femmes en fonction de leurs moyens. Les plus riches occupent de grands appartements tandis que sur le toits, avec les années, se sont installées des familles beaucoup plus modestes. Les habitants se croisent, vivent les uns avec ou contre les autres...
Les derniers Nababs par Marwan Hamed
À part Youssef Chahine et son Destin, le cinéma égyptien reste pour moi une énigme pareille à celle du Masque de fer (encore que là-dessus j'ai une théorie, mais je ne suis pas sûr que les historiens la valide alors je la garde pour moi). De plus, je ne connaissais pas du tout, le bouquin, publié en 2002 et qui est devenu un classique, dont est tiré le film.
L'immeuble Yacoubian porte le nom d'un riche arménien qui l'a fait construire selon son désir et où ont logé de nombreuses personnalités égyptiennes. C'est ce que nous explique le générique constitué d'image d'archives et qui sert à nous présenter un peu les choses (bien pratique quand la culture égyptienne nous est aussi connu que le sens des hiéroglyphes). Ensuite on rentre dans les histoires des différents personnages qui vont être les piliers de cette histoire. On y croise donc Zaki El Dessouki, un vieux rentier en mal d'amour qui vient habiter dans son bureau, qui lui servait jusque là de garçonnière, après s'être fait chasser de l'appartement qu'il partageait avec sa sœur ; Haj Assam est un ancien cireur de chaussures qui a fait fortune et qui peine à satisfaire ses désirs sexuels avec sa femme ; Hatem Rachid, rédacteur en chef d'un journal, est homosexuel et tombe sous le charme d'un militaire ; un jeune couple d'amoureux, un tailleur peu scrupuleux, une chanteuse et quelques seconds rôles en plus, et vous avez tous les personnages d'une histoire riche en évènements.
Les diverses prestations des comédiens provoquent systématiquement l'empathie (moi j'ai quand même une préférence pour Zaki El Dessouki, interprété par Adel Imam), ils sont vraiment remarquables et donnent de l'élan au scénario. Je n'ai vraiment pas senti les 3h00 passer, tant j'ai pris du plaisir à vivre leurs bonheurs et leurs drames. La vision des musulmans est parfois peut être légèrement clichée, mais elle est empreinte d'ironie que ce soit sur leurs coutumes ou sur la religion. Le simple fait de tourner un film, où l'un des personnages est homosexuel, aujourd'hui en Égypte est assez épatant quand on se rappelle qu'il n'y a pas si longtemps une quarantaine de jeunes homos avaient été condamnés à la prison à perpétuité suite à une descente de flics dans une boîte. Bien sûr le film ne fait pas l'impasse sur l'hypocrisie qui règne sur ce sujet comme sur d'autres, mais vraiment sans aucun ressentiment, une légère amertume plutôt.
Ce film est surtout l'occasion de montrer l'évolution ou plutôt la régression du pays après avoir été le berceau du modernisme des pays arabes pour devenir ce qu'il est aujourd'hui.
La petite salle où le film était projeté était pleine, beaucoup de personnes d'origine arabe bien entendu, et les voir rire de leurs travers fustigés par le réalisateur était vraiment signe que ce dernier avait réussi son pari. Et lorsque le personnage homo s'est mis à pleurer parce que son amant venait de le quitter, la majorité des spectateurs s'est esclaffée. Il est vrai que ce personnage est présenté avec beaucoup d'humour dans un premier temps, mais à ce moment-là je ne suis pas sûr que l'intention du réalisateur était de provoquer le rire. En sortant de la séance, Thierry à qui je faisais part de mon dégoût face à ce genre de comportement, m'a judicieusement fait remarquer qu'il y a quelques mois dans la grande salle de l'UGC pleine d'homos, devant Brokeback Mountain trois quarts de la salle ont explosé de rire lorsque la femme d'un des deux cow-boys les surprend l'un dans les bras de l'autre. Et c'est vrai, que finalement les gens quels qu'ils soient, ne sont vraiment pas près à accepter certaines choses et en rient plutôt que de faire l'effort de comprendre, et ainsi de faire évoluer la société. Car finalement les rires d'hier soir et les rires du mois de janvier sont les mêmes, ceux de la connerie et de l'étroitesse d'esprit.
En tout cas, le film vaut vraiment le coup, et même si je n'allais le voir que parce que je n’en avais eu que quelques échos, je ne le regrette en rien.

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Fiche technique :
Avec Melvil Poupaud, Valeria Bruni-Tedeschi, Jeanne Moreau, Daniel Duval, Marie Rivière, Christian Sengewald, Louise-Anne Hippeau, Henri de Lorme, Walter Pagano et Ugo Soussan Trabelsi. Réalisé par François Ozon. Scénario : François Ozon. Directeur de la photographie : Jeanne Lapoirie.
Durée : 85 mn. Disponible en VF.

L'avis d'Alex :
Le deuil est un voyage qui conduit au bord de la mer où l'horizon s'ouvre sur l'oubli, le pardon et la paix intérieure.
Écho explicite de Sous le sable, Le Temps qui reste m' a véritablement marqué et réconcilié avec un François Ozon dont les derniers opus (Swimming Pool, 5x2) m'avaient laissé de marbre. Quelle cloche aura-t-il donc fait retentir en moi cette fois-ci? Je ne saurais le dire, tout autant que je peux affirmer que j'ai fait corps avec le personnage de Romain, magnifiquement interprété par Melvil Poupaud.
Romain est photographe de mode. Détail diront certains, « il pourrait tout aussi bien être maçon ou banquier ! ». Et pourtant ceci est de première importance. Vivant de l'image, vivant par l'image, Romain est, à la base, un être d'apparence, une image de pub, snob et froide, indolente et arrogante. Et puis la Mort s'invite et vient ébranler l'ordre bien établi. À 31 ans, Romain n'a plus que quelques mois à vivre et c'est ce temps qui lui reste qu'Ozon filme sans sentimentalisme, sans effet mélodramatique ni séquence tire-larmes. Cet aspect du film est à double tranchant. D'un côté, il donne une plus grande véracité au propos. De l'autre, il fera dire à certains que le film est désespérément lisse. J'aurais très franchement pu opter pour la seconde attitude mais les ombres que j'ai vues passer dans le regard de Melvil Poupaud m'ont fait choisir la première.
Jamais nous ne pénétrons la détresse intérieure qui s'empare de Romain. La caméra s'éloigne lorsqu'il pleure ou bien nous le montre de dos. Cette douleur-là lui appartient. Entièrement. Ozon nous maintient en marge et s'attache plutôt à nous montrer les effets de cette détresse.
Tout d'abord, la révolte. Par orgueil ou par peur, Romain refuse de se faire soigner et de dire sa maladie à ses proches. Sa seule confidente sera sa grand-mère (Jeanne Moreau) à qui il peut confier son mal vu que « tu es comme moi... tu vas bientôt mourir... » Par orgueil ou par peur, Romain refuse de suivre une chimiothérapie et de jouer la carte de l'espoir, aussi dérisoire soit-elle. Il refuse ce combat contre la mort, à contre-courant d'une société qui tolère déjà difficilement de mourir à 75 ans. Alors à 31... c'est impensable.
Le rejet. Couper les ponts avec tous les êtres qui lui sont chers, brûler tout brûler, ne laisser que des cendres dans les cœurs de ses proches, Romain, par égoïsme ou par désir de tenir les autres à l'écart de sa douleur, décide se retrouver tout seul face à lui-même. Il insulte violemment sa sœur, met à la porte son petit copain non sans murmurer « pardon, pardon... » à l'amour qui le quitte. Lui, qui ne peut vivre sans personne autour de lui, décide, dans les dernières semaines qui lui restent, de se recentrer sur lui-même pour mieux se retrouver.
La quête du sens. Le voyage aussi bien physique qu'intérieur de Romain est la marque de sa recherche d'un sens à l'existence, de la sienne en particulier. L'épisode, certes très peu vraisemblable, de sa rencontre avec Valéria Bruni-Tedeschi a valeur de symbole. À la veille de mourir, Romain se décide à donner la vie. Cela pourrait être affreusement cliché s'il n'y avait la scène finale, la seule où la caméra d'Ozon recherche vraiment l'émotion, Romain croise l'enfant qu'il était sur une plage, où l'enfant qu'il redeviendra viendra probablement lui aussi s'amuser. La vie, la mort, l'inéluctable se joue sur le sable. Une mort ne change rien. Et les vivants doucement quittent la scène, laissant Romain seul sur la plage, dans la lueur d'un soleil couchant qui tendrement laisse place à la nuit.
Pour plus d’informations :
Voir la fiche n°1, l'avis de Jean-Yves, Matoo, Oli et Merovingien02

Fiche technique :
Avec Natasha Lyonne, Clea DuVall, Cathy Moriarty, RuPaul, Michelle Williams, Mink Stole, Bud Cort, Melanie Lynskey et Joel Michaely. Réalisé par Jamie Babbit. Scénario : Jamie Babbit et Brian Wyane Peterson.
Durée : 85 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Une adolescente suspectée par son entourage d'avoir des tendances homosexuelles se voit forcer de rentrer en cure de « desintoxication ». Mais les inhibitions sexuelles sont bien difficiles à changer.
L'avis de Travelling avant :
Film indépendant du cinéaste américain Jamie Babbit, But I'm a Cheerleader est une sympathique comédie kitsch-bonbon qui aborde la question de l'homosexualité sous un angle inédit et singulier : lorsque les parents d'une jeune fille de banlieue bien ordinaire croient déceler dans ses comportements d'inacceptables tentations homosexuelles, ils l'envoient dans une maison spécialisée chargée de ramener les pauvres âmes égarées vers le droit chemin, c'est-à-dire vers l'hétérosexualité et des comportements en accord avec leur sexe (féminité et masculinité bien distingués). « Straight is great, don't be gay », clament ces gourous de "True Directions" qui veillent à ramener un groupe de jeunes garçons et filles vers leurs rôles et valeurs dites « traditionnelles ». Mais ils n'auront pas la tâche facile...
Parti de ce sujet tout à fait original et très prometteur, basé sur une tendance hélas bien réelle et très active encore de nos jours chez nos voisins du Sud (le refus de la différence et la négation de la diversité) et sur des expériences semblables bien réelles, Babbit a concocté une sorte de parodie de cinéma pour adolescent, comme si le teenager film rencontrait le cinéma indépendant américain, Happy Days et Grease revus par Todd Solondz et John Waters en quelque sorte, avec en prime une charge contre l'obscurantisme anti-gay et un évident parti pris pour la diversité sexuelle, traité toutefois sans lourdeur, avec beaucoup de spontanéité, d'énergie et d'humour.
Les principales qualités de ce film résident dans le travail de la dimension kitsch du camp de rééducation (son côté Barbie et Ken dans les décors, costumes, activités et accessoires qui accentuent la puérilité et la stupidité de cette pseudo thérapie sexuelle pour adolescents) et sa dimension ouvertement satirique. Là résident aussi ses limites et défauts, puisque passé un début féroce, le film se cantonne ensuite dans l'expression de stéréotypes gay qui restreignent la portée et la force d'impact du film.
Par son sujet (l'homosexualité) et son traitement (le camp de rééducation pour « déviants »), le film se veut provocateur et irrévérencieux. Dans les faits, l'ensemble reste assez politically-correct et caricatural. On aurait souhaité voir quelque chose de plus... sulfureux, But I'm a Cheerleader reste le plus souvent sagement du côté d'un érotisme soft et convenu. Si le film décoche avec bonheur plusieurs flèches en plein coeur de l'étroitesse d'esprit de l'Amérique profonde, il faut dire que Babbit enfonce des portes ouverte (Waters le fait avec beaucoup plus de verve et de méchanceté depuis trente ans déjà) et le fait avec un bonheur inégal. On aurait aimé que son film soit plus bête et méchant qu'il ne l'est. Or après un début assez incisif, But I'm a Cheerleader s'essouffle un peu et multiplie situations convenues et gags faciles. Lorsque le scénario fait dévier le film du côté d'aspects plus « dramatiques » (comme une histoire d'amour homosexuelle), ce n'est guère mieux, et le film a le vilain défaut d'aborder avec une trop grande nonchalance un sujet propice au scandale et à la polémique. L'un des problèmes du film réside dans l'écriture, la plupart des personnages demeurant au niveau d'esquisses et de types primaires et peu nuancés (la bigote, la folle, le complexé, la nymphomane, etc.).
Pensez au côté rose-bonbon de Ma vie en rose et de Edward Scissorhands, moins l'intelligence et la profondeur des films de Alain Berliner et Tim Burton. On est très très près aussi de Hairspray et de Cry Baby de John Waters, qui est de toute évidence l'influence numéro un de Jamie Babbit, mais les gags sont moins forts et moins axés sur la vulgarité. Le spectre de Todd Solondz et de Welcome to the Dollhouse se manifeste aussi (décidément c'est une référence récurrente dans le cinéma indie américain !). Quelques bonnes idées et un sujet en or ne suffisent pas pour faire de ce But I'm a Cheerleader un bon film, mais on savoure tout de même de cette satire naïve et sans prétention, et le film vaut certainement un visionnement vidéo un soir ou l'on n'a pas trop envie de se casser la tête. On rêve toutefois de ce qu'auraient pu faire un John Waters ou un Pedro Almodovar avec un tel sujet !!!

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Melvil Poupaud, Valeria Bruni-Tedeschi, Jeanne Moreau, Daniel Duval, Marie Rivière, Christian Sengewald, Louise-Anne Hippeau, Henri de Lorme, Walter Pagano et Ugo Soussan Trabelsi. Réalisé par François Ozon. Scénario : François Ozon. Directeur de la photographie : Jeanne Lapoirie.
Durée : 85 mn. Disponible en VF.


L'avis de Jean Yves :
Suite à un malaise, Romain (Melvil Poupaud), un jeune photographe homo, apprend qu'il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Un médecin lui a annoncé la nouvelle : cancer généralisé. « 5 % de survie et encore, en suivant un traitement. » Traitement refusé par Romain. Le temps qui reste se consacre aux dernières semaines d'un homme condamné par la maladie et s'attache à ces moments où la vie s'échappe de manière inexorable.
Romain n'est pas toujours aimable. Avant de connaître sa maladie, il est même méprisant envers les autres. Après, il se débat avec ses contradictions. Durant tout le film, il reste, tour à tour, irritant et attachant. Il n'a que peu de temps : la mort l'a pris en otage.
Comment réagit-on quand on vous annonce votre mort prochaine ?
Peut-on faire le deuil de sa propre vie ? Et si oui, comment ?
François Ozon a su éviter deux écueils :
– le premier aurait été de raconter l'histoire d'un mec qui en profiterait au maximum à l'image des Nuits fauves (1992) de Cyril Collard.
– le second étant la réconciliation avec toute la famille et tous les amis qui seraient là le jour de sa mort, comme le larmoyant Philadelphia (1993) de Jonathan Demme.
Malgré le caractère détestable de Romain, je me suis attaché à ce jeune homme torturé et malheureux qui va vers quelque chose de plus simple : la scène où il photographie son neveu, à l'insu de sa sœur, est une pure merveille d'émotions retenues.
À un moment de son parcours, Romain se rend chez sa grand-mère paternelle incarnée par Jeanne Moreau. Des petits trucs, comme le fait de prendre des vitamines ou de dormir nue, nourrissent son personnage de façon lumineuse alors même qu'elle n'a pas le rôle principal (elle apparaît dans une seule courte séquence). Quand elle demande à son petit-fils pourquoi elle est la seule personne à connaître sa maladie, Romain lui répond :
« Parce que tu es comme moi, tu vas bientôt mourir. »
Elle, de sourire, et d’ajouter :
« Tu sais Romain, cette nuit, j'aimerais partir avec toi. »
Avant de mourir, Romain va transmettre la vie à travers une serveuse de restaurant (fabuleuse Valeria Bruni-Tedeschi) dont le mari est stérile. J'aurais personnellement supprimé la scène chez le notaire où Romain désigne l'enfant à naître comme son héritier. Je ne comprends pas ce qu'elle apporte et aurait pu rester dans le « hors champ ».
Ce n'est pas la première fois que François Ozon « invite » la mort dans ses films. Sous le sable en 2001 et Le temps qui reste sont des films complémentaires qui représentent les deux faces de la même médaille : celle de la disparition de l'autre.
Avec François Ozon, on comprend que le cinéma peut être autre chose que du divertissement. Le temps qui reste n'a pourtant rien de désespérant.
À la fin du film, réconcilié avec lui-même, il ne reste plus à Romain qu'à s'allonger sur une plage. Poignant et superbe plan final où tout se retire progressivement : les vacanciers, la mer, la vie. Au loin, le soleil plonge dans l'océan. Un homme a vécu. Au moment où Romain part, je me suis dit que je venais de voir un très beau film.

L’avis de Matoo :
Autant j’avais aimé Sous le sable qui pourtant était un film plutôt contemplatif et introspectif, autant je n’ai pas été totalement emballé par celui-ci. Malgré une superbe photo et de bons comédiens, je n’ai pas vraiment aimé l’histoire et n’ai pas accroché aux rapports humains et intimes pourtant habilement mis en exergue. J’y vois pourtant beaucoup de qualités, mais manifestement je n’ai pas eu de déclic.
Le magnifique Melvil Poupaud, magnifié par l’œil d’Ozon qui devait le trouver aussi beau que nous, est un photographe de mode homo, assez connard dans le genre, qui apprend soudainement qu’il va mourir d’une tumeur maligne dans les trois mois. On suit le personnage jusqu’au bout de son existence raccourcie par la maladie, dans son rapport avec sa famille, son petit ami et certaines préoccupations existentielles.
J’ai bien aimé le personnage de Poupaud qui n’est pas le petit pédé lisse et convenu auquel on aurait pu s’attendre, mais une bonne pédale hautaine et une connasse de première avec sa famille et ses relations. De même, ses réactions lorsqu’il apprend son agonie prochaine sont finement interprétées par le comédien, et rendues par les plans d’Ozon. Ce dernier qui filme toujours aussi bien, on retrouve un goût esthétique aussi léché et raffiné. Romain (Melvil Poupaud) vit comme il le peut ses dernières semaines, et tente de trouver une manière de se comporter face à son entourage.
Le film a cette qualité de ne pas tomber dans le pathos, de ne pas jouer les tire-larmes ou la mièvrerie, pour mieux nous entraîner dans cette inextricable fin de parcours. Un cheminement rectiligne et inexorable qu’emprunte Romain avec une sobriété dérangeante et digne à la fois.
Mais les attitudes des parents et du personnage à ses parents, la frangine, la grand-mère (Jeanne Moreau ressemble quand même de plus en plus au docteur Zaïus - lifté - dans la planète des singes !) ou la rencontre inopinée et capillotractée avec Valéria Bruni-Tedeschi ne m’ont vraiment pas convaincu. Je ne sais pas… pas vraiment crédible, trop convenu finalement.
Il reste un film à la réalisation impeccable et à l’image d’une saisissante beauté, mais pas plus que ça. Il me semblait que Sous le sable explorait le deuil avec une pertinence hallucinante et un foisonnement de sentiments et sensations. Et tout cela par un battement de cil ou un regard, une manière de filmer, des petits riens qui font beaucoup. Mais là, je n’ai pas perçu autre chose qu’une description prosaïque et un peu stérile, sans relief. Je ne dis pas que le film est mauvais, mais un peu décevant par rapport à ce que j’attends d’Ozon (dont je suis fan depuis longtemps).

L’avis d’Oli :
Après avoir découpé rétrochronologiquement en cinq parties la période allant du mariage à la rupture, François Ozon s'intéresse à un autre moment de la vie, celui qui démarre à l'instant où on vous annonce que vous souffrez d'un cancer généralisé incurable. L'ambiance sera plus lourde, forcément.
Cette fois, Ozon découpera l'expérience de l'individu en deux étapes se succédant tout en douceur : la rupture, puis la réconciliation. Sous le choc, on n'ose pas en parler, on préfère se fâcher avec les autres, histoire de se détacher lâchement plutôt que d'avoir à affronter une vérité due aux intimes. Mais une fois qu'on est en rupture avec tout le monde, il faut bien se ressaisir, et c'est l'étape de la réconciliation, avec ou sans annonce de la vérité d'ailleurs. On peut continuer à cacher les choses, mais on ne peut pas rester seul. Cette jolie analyse, Ozon [je me rends compte à l'instant de la signification de son nom de famille en allemand... = ozone] l'illustre de façon ozonienne : du gay (même du sexe gay, là !), une musique choisie avec soin (mais pas avec son Philippe Rombi habituel), et une histoire assez dense – même si l'intrigue est chétive – pour qu'on ne s'ennuie pas une seconde et qu'on reste là à suivre l'histoire avec plaisir, avec plus ou moins d'empathie, mais jusqu'au bout. J'ai d'ailleurs trouvé la fin particulièrement réussie.
Matoo me dit que Melvil Poupaud est hétérosexuel. C'est donc une belle performance d'acteur de sa part, je ne sais pas si j'aurais pu en faire autant 
J. Un sexe en érection à un moment : le sien, ou un faux ? Valéria Bruni-Tedeschi est par contre un peu trop Valéria Bruni-Tedeschi, un peu trop Emmanuelle Devos, un peu trop inapprochable pour qu'on puisse l'apprécier. Jeanne Moreau, pour sa part, magnifique et chaleureuse : son apparition aux côtés de Melvil Poupaud réussit carrément à la scène.
Bref, c'est bien pensé, bien construit, bien filmé, bien accompagné par la musique, bien joué, et ça m'a bien plu. À voir à deux, calmement.

L’avis de Mérovingien02 :
Qu'on le veuille ou non, il existe aujourd'hui un label François Ozon pour définir le cinéma d'auteur français. Est-ce un label de qualité ? Pas forcément. Après une série de courts et de longs métrages assez trash, le cinéaste a opéré un virage plus ou moins bien négocié vers des œuvres plus bourgeoises aussi émouvantes qu'un rien prétentieuses. On aime ou on n'aime pas. Les nouveaux défenseurs du cinéaste ne sont en tout cas pas les mêmes que ceux qui l'ont soutenu à ses débuts. C'est donc sans trop de surprise qu'avec Le Temps qui Passe, Ozon tente de concilier ses pendants trash et l'intellectualisation parisienne pour réconcilier les deux camps.
Hélas, il risque bien ne pas mettre grand monde d'accord puisque le sujet facile est traité sur un mode difficilement accessible qui touche autant qu'il irrite. Confondant parfois le réalisme avec le glauque (la scène à trois) et l'épuration narrative avec l'abstraction psychologique (la volonté d'avoir un enfant arrive comme un cheveu sur la soupe), Ozon mène sa barque avec des hauts et des bas, convainc autant qu'il laisse dubitatif. Sans doute que la volonté de sortir un film par an a entraîné une baisse de rigueur dans l'écriture du scénario... Le réalisateur défini lui-même son nouveau film comme le deuxième volet d'une trilogie basée sur la Mort. Sous le Sable évoquait le deuil, Le Temps qui Reste traite de sa propre mort (le troisième film devrait évoquer la mort d'un enfant).
Romain est un photographe trentenaire qui découvre qu'il a un cancer généralisé et qu'il ne lui reste que quelques mois à vivre. On aurait pu craindre une série d'effusions lacrymales bateau genre « réconcilions-nous avec nos proches avant la fin » mais l'angle choisi met de côté toute notion de pardon aux autres pour se concentrer sur le pardon envers soi-même. C'est là la principale originalité du récit qui ose aller à contre-courant des facilités du mélodrame, au risque toutefois de laisser une partie de la salle sur le carreau. Première couleuvre difficile à avaler : Romain n'est pas un gentil garçon et il est par conséquent bien difficile de s'y attacher. Superficiel, agressif envers sa sœur, aimant ses parents mais refusant de leur parler de sa maladie, parfois cruel lorsqu'il balance sans détour à sa grand-mère qu'elle aussi va bientôt mourir... On aura de cesse de s'interroger sur les raisons de son attitude désagréable et sur ce point, Ozon joue la carte de la suggestion.
Ce n'est certainement pas un hasard si le héros est un photographe de mode. Son rapport au monde est pour le moins frivole et le milieu dans lequel il évolue le fait vivre à 100 à l'heure. On peut donc supposer que les mondanités, les voyages de luxe et les grands magazines l'ont fait baigner dans un univers décadent sans réelle signification (Romain se drogue régulièrement et affirme lui-même que ses photos sont à chier et qu'il a perdu l'innocence de son enfance). François Ozon va donc volontairement placer la photographie au cœur même du parcours du héros. Celui-ci sera présenté lors d'un shooting de deux pin-up observées dans l'œil d'un énorme objectif, métaphore d'un travail encombrant et vide de sens (tout est calculé : les costumes, les coiffures, le cadre). Après avoir appris la mort future, Romain entretiendra un tout autre rapport à la photographie : débarrassé du lourd matériel, il capture la simplicité de la vie à l'aide d'un simple appareil numérique. Il immortalise le temps, le cristallise comme pour le retenir et profite du peu de temps qui lui reste pour trouver une signification à son travail, et par corollaire, à sa vie. C'est lors d'une visite à sa grand-mère, alors qu'il feuillette un album de photos, qu'il aura alors des flashs précis de son passé et d'une époque où tout était simple et beau. Le montage de ce passage voyant défiler des instantanés en gros plans soulignera à la fois la nécessité de revenir au passé pour comprendre ce qui nous a transformé ainsi qu'une recherche de l'enfance perdue à retrouver d'urgence.
Pour appuyer sa démonstration, Ozon intercalera à intervalles réguliers des flashs sur Romain se remémorant le garçon qu'il était. Si cette opposition entre la naissance et la mort est pour le moins cliché, elle mettra en perspective le rapport qu'entretient le personnage principal aux choses comme la foi (un cierge brûlé contre une blague scato), l'innocence (le sempiternel miroir au reflet déformé) ou la mort (la lapin mort retournant à la nature annonçant le final sur la plage). Pour Romain, il y a un évident cheminement intellectuel couplé aux transformations du corps. Dans la première partie du film (la plus réussie), Romain est encore extrêmement beau et la caméra s'attardera volontairement sur son visage angélique et son corps musclé, allant jusqu'à montrer sans honte l'érection précédant la pénétration lors d'une scène de sexe sans chichi (il est rare de voir une relation physique entre deux homme filmée dans toute sa crudité). L'acte sexuel sera alors interrompu par une pulsion de mort révélatrice de la pulsion destructrice qui anime Romain, celui-ci étranglant son petit ami pour exprimer sa colère de mourir. Il ne fait en vérité que s'en prendre à lui-même, n'acceptant pas son destin. Il commencera alors une descente symbolique vers la mort lors d'une superbe séquence de ba
ckroom avec la possibilité d'abandonner totalement son corps au plaisir charnel un rien extrême mais aussi libérateur (un fist-fucking suggéré sur fond de musique classique, éliminant toute idée de perversion). C'est un choix que finira par rejeter Romain qui commencera alors un cheminement pour accepter sa situation et qui s'exprimera dans la douleur lors d'un long passage où le personnage errera en slip dans son appartement, vomissant dans les toilettes et se cognant la tête contre un mur.
C'est là que le film s'égare un peu dans une sous intrigue maladroite, avec une histoire de bébé mal introduite car reposant sur une thématique clichée (la vie, c'est mieux que la mort) et une rabâchement accessoire de la volonté de Romain d'être totalement seul (le plan où, après l'amour à 3, le couple s'embrasse en laissant le troisième larron seul). On préfèrera largement la conclusion du film, et plus spécifiquement l'avant-dernier plan qui marque nettement l'anonymat dans lequel a sombré (mais qu'à choisi) Romain, lorsqu'une plage se vide autour d'un corps qui jamais plus ne se relèvera (avec une acceptation du corps malade exposé au grand jour). Une jolie conclusion qui entre en résonance avec celles de Sous le Sable et 5 Fois 2 puisque encore une fois, la plage et la mer acquièrent le statut symbolique de passage vers un ailleurs intemporel.
On pourra reprocher à Ozon de se répéter un peu, ce qui ne serait pas tout à fait faux, Le Temps qui Reste évoquant souvent le court-métrage La Petite Mort dans lequel un jeune homo prenait des photos d'hommes se masturbant ainsi que les dénouements des deux œuvres précitées. De même, l'utilisation du format Scope (une première pour Ozon) ne change pas énormément de choses et le côté téléfilm est toujours prégnant. Pourtant, en dépit d'un léger manque d'inspiration flagrant, le nouveau métrage du réalisateur finit par se révéler attachant, essentiellement grâce à un casting sans fausse note où le méconnu Melvil Poupaud impose un charisme impressionnant en se livrant sans complexe face à l'objectif de la caméra, portant solidement le film sur ses épaules et nous rassurant sur la capacité d'Ozon à filmer des hommes (son cinéma était jusque là essentiellement féminin). Les seconds rôles parviennent quand à eux à s'imposer dans des scènes pas évidentes puisqu'anti-dramatiques et au temps de présence limité, mention spéciale à une Jeanne Moreau se montrant bouleversante en moins de dix minutes et nourrissant son personnage d'elle-même (l'actrice dors vraiment nue et l'idée des médicaments vient également de son goût pour les produits pharmaceutiques).
En dépit d'une approche réaliste du sujet, d'une réalisation sobre et d'un montage sec, Le Temps qui Reste marque à la fois une redite dans la filmographie de François Ozon ainsi qu'une impression de tournant. Le style dépouillé mêle audaces réjouissantes (choix dramatique, sexe brut) et maladresses (les flash-ba
ck) mais parvient finalement à créer une œuvre captivante qui regarde la mort en face.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Olivier Sitruk, Arnaud Giovanetti et Julie Gayet.. Réalisé par Stéphane Clavier.
Durée : 84 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Laurent, un jeune masseur gay, partage sa vie, son appartement et ses soirées avec Dan, son meilleur ami hétéro, dont il est secrètement amoureux. Dan est un coureur de jupons invétéré, jusqu'au jour où il rencontre Camille par Internet. Contre toutes attentes, c'est le coup de foudre mutuel. Laurent, qui jusque là craignait d'avouer ses sentiments par peur d'essuyer un refus, se transforme alors en guerrier du cassage de couple, allant même jusqu'à presque violer Dan lors de la soirée d'enterrement de vie de garçon, qu'il a concoctée pour lui avec l'aide de ses amis du groupe militant pour le mariage homosexuel. Mais, malgré tout ses efforts, le couple tient bon.
L'avis de Eloah Moon (La lucarne) :
Voici un film français à relativement gros budget qui est la preuve que le cinéma « bateau » a malheureusement encore de beaux jours devant lui. Non seulement le scénario est bourré de clichés, mais en plus il est passablement mal joué. Le message est clair : on veut les mêmes droits que les autres même si on se fout royalement du mariage en soi, valeur qui, de nos jours, est totalement dépassée. Bien sûr le meilleur ami gay est amoureux de son pote hétéro, bien sûr il se transforme en hystérique lorsque cet ami rencontre l'âme sœur en la personne d'une femme, bien sûr il va essayer de le faire changer de bord dans la foulée et lui prouver ainsi qu'il est bien homo quelque part. Et bien sûr, il va se reporter sur son bon vieux pote gay, qui milite avec lui et l'aime depuis toujours en secret lui aussi, pour soigner son chagrin et sa peine de cœur : bien sûr ! Ce film se veut une comédie sociale et ne s'en approche pas d'une once en oubliant que les clichés pris à froid, tels quels, ne font rire personne d'intelligent et encore moins les intéressés, mais ont la fâcheuse tendance cependant de divertir et faire ricaner les mauvaises langues ou les mauvais esprits. Si c'est la seule manière qu'a trouvé Stéphane Clavier pour faire avancer les débats sur le mariage homosexuel en France, il ferait mieux de s'abstenir, car il ne fait que donner raison à l'adversité (à moins qu'ici soit son but) et nous fait passer, de surcroît, pour des débiles profonds névrosés. À noter que le seul personnage auquel on a attribué quelques répliques intelligentes, c'est Sam, la lesbienne de service, qui semble la seule à s'assumer vraiment. Pour une fois qu'on nous donnait le premier rôle (même s'il n'a pas l'air d'être vraiment voulu), je n'allais manquer l'occasion de vous la souligner, mesdames, vous pensez bien ! Bref, un film pour hétéro, les anti-mariages ou les débiles ?
Pour plus d’informations :



Fiche technique :
Avec Monica Cervera, Pablo Puyol, Geli Albaladejo, Pilar Bardem, Fany de castro, Lola Duenas, Concha Galan, Najwa Nimri, Rossy de Palma et Miguel O’Dogherty. Réalisé par Ramon Salazar. Scénario de Ramon Salazar.
Durée : 109 mn. À voir en salles en VO, VOST et VF.

Résumé :
Dans ses rêves, Marietta est une star en technicolor dont la vie ressemble à une comédie musicale. Dans la réalité, Marietta est un travesti qui adorerait se débarrasser des 20 cm qui la sépare de la femme glamour qu'elle désire devenir. Mais peut-on mesurer le bonheur ?
L'avis de Jean Yves :
Un Madrilène – joué par la jeune Monica Cervera – est doté d'un sexe de 20 cm. Problème, il veut devenir une femme... Pour certains hommes, longueur ne rime pas forcément avec bonheur. Entre rire et détresse
Alfredo a hérité de son paternel un appendice sexuel d'étalon. Mais voilà, ce qui ferait la fierté d'un Madrilène lambda lui est source de douleur. Il se travestit, se fait appeler Marieta et se rêve transsexuel. Pour comble de malheur, il s'éprend d'un livreur à l'allure tout ce qu'il y a de plus virile. Mais, problème encore, découvrant le potentiel d'Alfredo/Marieta, le beau fort des halles a vite fait de l'utiliser à son propre usage, destinant à l'infortuné, dans leurs relations, une part beaucoup plus active qu'il ne l'aurait souhaité.
20 centimètres est cru, enlevé, chatoyant. Il donne dans l'outrance pour mieux titiller les sentiments. Mais derrière la farce, le propos reste délicat. J'ai ri des aventures de Marieta mais pas d'elle, ou alors avec tendresse. Monica Cervera, l'actrice, s'est glissée dans la peau de Marieta avec beaucoup de talent.
Autour de Marieta gravite tout un petit monde. Un nain tout droit sorti d'une toile de Goya, avec lequel elle vit et qui se livre à de foireuses escroqueries ; une voleuse qui joue à cache-cache avec les huissiers, et dont elle garde souvent le rejeton ; enfin ses copines de tapin.
Marieta a deux personnalités, elle a aussi deux vies. La narcolepsie dont elle souffre, cette affection qui la fait s'endormir n'importe où et n'importe quand, lui ouvre la porte de ses fantasmes, que le cinéaste met en scène sur le mode des comédies musicales. Le résultat est kitsch à souhait. L'actrice interprète plusieurs chansons, danse. À un "Parole, parole" succède une "Tombola chantée" et chorégraphiée, où il est question du gros lot, l'amour, bien sûr. Le film prend, avec ce va-et-vient entre rêve et réalité, beaucoup de légèreté.
Pour plus d’informations :
Site officiel
Voir la fiche n°1, l'avis de Matoo

Fiche technique :
Avec Hilary Swan
ck, Chloé Sevigny, Alison Folland, Alicia Goranson, Brendan Sexton III et Peter Sargaard. Réalisé par Kimberly Peirce. Scénario : Kimberly Peirce.
Durée : 114 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
Teena Brandon, une jeune adolescente du Nebraska, assume mal sa condition de fille. Elle déménage à Falls City et devient Brandon, un garçon aux cheveux courts, très vite adopté par une bande de désoeuvrés. Teena-Brandon s'intègre au groupe mais reste toujours prisonnière de cette crise d'identité sexuelle qui l'a hantée sa vie entière. Elle tombe amoureuse de Lana, la petite amie de John. En découvrant la vérité sur Teena, ce dernier entre dans une rage meurtrière. D'après un fait divers authentique.
L'avis de Ron Small :
L'histoire de Teena Brandon, c'est plus que la sienne, c'est l'histoire de Mathew Shepard, peut-être aussi l'histoire d'Howard Beach. Shepard a été tué parce qu'il était gay et Beach a été tuée parce qu'elle était black. Les deux ont été tués par intolérance, et aussi bien par peur. Teena a été tuée parce qu'elle était une fille qui voulait être un garçon. Elle a changé son apparence (bandé ses seins, coupé ses cheveux, trouvé une démarche), et son nom (mis Brandon devant Teena), tout ça pour devenir mâle. Choquant ? Pas vraiment. Quand vous avez jeté dehors toute la propagande religieuse et la moralisation dont on vous a bourré le crâne depuis tout petit, vous trouvez que cette histoire est en réalité un conte de fées moderne. Comme le mendiant qui voulait être prince, c'est la fille qui voulait être garçon. Mais contrairement aux contes de fées reconditionnés dont on nous gave, celui-là ne finit pas bien.
Je me rappelle la première fois que j'ai entendu parler de l'histoire de Brandon. C'était le soir avant les examens de fin d'année, une soirée noyée dans la pire angoisse d'avant le spectacle (enfin, presque la pire), mais j'étais à l'abri. J'avais étudié avec un tel acharnement que ma tête était pleine de trucs inutiles que j'aurais oubliés dans une semaine. Avant d'aller au lit, j'ai allumé Cinemax en espérant qu'ils passaient un film cochon quelconque, comme ils en mettent à 2 heures du matin. À la place, j'ai trouvé The Brandon Teena Story, un documentaire mal fichu, et pourtant poignant, sur la courte vie et l'horrible mort de Teena Brandon. C'était à rendre fou; voir ça, c'était comme être le témoin impuissant d'une injustice qu'on aurait pu empêcher facilement. À cause de la stupidité et de l'ignorance d'à peu près tous ceux qui y ont pris part. Et parce qu'une innocente a été sauvagement battue, violée et tuée seulement pour son désir d'être ce qu'elle n'était pas. Et qui parmi nous n'a pas eu ce désir, au moins un instant ? Est-ce que son souhait d'être un homme est trop dur à tenir à notre époque éclairée (« éclairé » signifie aujourd’hui qu'on garde les mêmes vieux préjugés, seulement ils sont gardés soigneusement enfouis sous la couverture, prêts à refaire surface dans la chaleur de l'évènement, comme Do The Right Thing de Spike Lee nous a montré). Après tout, nous ne jugeons pas mal ceux qui ont eu le nez retaillé, une liposuccion, des implants mammaires, toute la chirurgie pour vous faire devenir quelqu'un d'autre; le quelqu'un que vous voulez être. Quand Brandon est confrontée à son échange de réalité (pendant l'enquête sur le viol, rien de moins), elle est pratiquement forcée à dire « j'ai un problème d'identité sexuelle », alors que ce n'est pas vrai, elle se sent simplement mieux en homme.
Ce fichu documentaire m'a tenu réveillé jusqu'à 4 heures, mais ça valait la peine. L'histoire de Teena Brandon a bien plus de signification que tout ce que j'avais ramassé dans le gigantesque manuel de Psychologie que j'avais englouti ce même soir.
Dans Boys Don't Cry, Hilary Swank jouant Brandon va bien au delà de la simple pose macho. Avec ses cheveux courts, sa carcasse frêle, son grand sourire, Swank ressemble à un Matt Damon extrêmement gauche. Mais regardez de plus près son sourire, comment elle se moque sincèrement d'elle-même, sa galanterie naturelle, et vous pouvez l'aimer en homme. C'est facile de comprendre pourquoi la pauvre fille des petites villes tombe amoureuse d'elle. Elle a quelque chose qui manque aux autres mâles, un rien de gentillesse. Elle arrive avec des fleurs alors que les autres amènent des bières et des capotes.
Quand le film commence, Teena quitte sa ville natale de Lincoln pour Falls City, une agglomération de mobile homes. Grâce à une bagarre de bistrot, elle fait la connaissance de deux loulous (tous deux extrêmement bien joués par Peter Sarsgaard et Brendan Sexton) et de leurs nanas. Une d'elles retient l'œil de Teena. C'est Lana, la fille de petite ville, qui comme toutes les filles de petite ville rêve de s'échapper des limites de son patelin. Brandon est dans la même situation, elle rêve d'échapper aux limites de sa féminité. Teena la séduit par la douceur, quelque chose que les hommes du coin ne connaissent pas (certes une généralisation, mais étonnamment appropriée à en juger par le documentaire). Leur relation est au cœur du film, et réussit certainement à équilibrer le style presque médical de la conclusion, brutale et sans frémissement. Ce qui rend la violence bien plus difficile à supporter; on nous apprend à veiller sur le personnage et la cruauté envers elle fait mal, comme elle doit.
Kimberly Peirce (coscénariste et réalisateur ; sûrement un talent à surveiller) renforce la nuance lyrique avec des séquences de paysage de la grande plaine américaine, accélérées jusqu'au point où ce qui bouge n'est plus que des traits de lumière qui se hâtent en clignotant.
Graduellement le film devient moins hâtif, et un peu plus difficile à regarder. Peirce ne nous cache presque rien. Nous voyons les meurtres, les coups, le viol, mais ici ils servent un but, alors que dans une production hollywoodienne comme dans Le déshonneur d’Elisabeth Campbell, ça ne sert à rien. Dans ce dernier film le viol est tourné par Simon West, cinéaste commercial, comme un fantasme de « gang bang » masochiste. West emploie des mouvements de caméra voyants, un style glacé, pour faire ce qui finit par ressembler à une spot de pub bien lisse sur le viol. Peirce bouge à peine la caméra; elle nous montre simplement les faits. Boys Don't Cry ne prêche pas, ne donne pas d'explication morale des personnages, il fait la chronique d'évènements qui ont eu lieu. Et il leur donne de la vie et du sens en nous emmenant dans un roman d'amour étrangement touchant qui a l'air simple en surface. C'est simple comme le romantisme tragique de Roméo et Juliette, mais complexe à cause d'un grand plus.
Le film de Peirce est sans compromis sur le fond. J'imagine à peine comment on aurait pu en faire un film grand public (il y a eu un projet). Ce film offre l'intensité crue, l'exploration des tabous, et la vérité de l'émotion qui étaient (avant Tarantino) la marque de fabrique du film indépendant. Maintenant, au milieu des cadavres puants des machins sarcastiques et tendance, Boys Don't Cry est à une autre hauteur, et on en sort plus réfléchi.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Hilary Swan
ck, Chloé Sevigny, Alison Folland, Alicia Goranson, Brendan Sexton III et Peter Sargaard. Réalisé par Kimberly Peirce. Scénario : Kimberly Peirce.
Durée : 114 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
1993, Lincoln, Nebraska (USA). Teena Brandon (Hillary Swank) une jeune fille allant sur ses 21 ans, souffre d'une « crise d'identité sexuelle ». En fait, elle se voit comme un garçon. Suivant un traitement hormonal et attendant une opération qui viendra résoudre (?) le problème, elle se coupe les cheveux, enserre sa poitrine dans une bande très serrée et s'habille en garçon. Afin de fuir la police qui la recherche pour vols multiples de voitures, elle part à 100 km de là, dans la petite ville de Falls City (Amérique très profonde, 100 % blanche) et y devient Brandon Teena.
Un garçon.
Brandon y fait la connaissance de la jeune Candace(Alicia Goranson), puis de ses amis : Lana (Chloe Sevigny), John (Peter Sarsgaard) et Tom (Brendan Saxton III). Ces derniers passent leur temps à boire, se défoncer, jouer au billard et à toutes sortes de conneries...
Brandon, avec son air de « petit garçon » est vite adopté par le groupe et tombe amoureux de Lana qui ne résiste pas longtemps à son charme. Tout se passe bien au début, Lana est si amoureuse qu'elle ne s'aperçoit même pas lors de leur premier ébat sexuel qu'il est une fille... Mais le vent va tourner...
Prisonnier(e) de la toile de mensonges qu'il/elle ne peut s'empêcher de tisser, Brandon se retrouve peu à peu suspect(e) puis carrément découvert(e)... La haine et la rage de John et de Brendan, humiliés d'avoir été ainsi « trompés » par leur bon copain, se déchaînent, attisées par la mère de Lana. Cette dernière, refusant dans un premier temps la vérité, conserve toute sa tendresse à Brandon. Mais le drame est inévitable...

L'avis de Philippe Serve :
Histoire tordue et glauque ? Histoire terrible et vraie ! Teena Brandon a réellement existé et vécu comme Brandon Teena. Tout ce qui précède dans ce résumé correspond à la vérité, Kimberly Peirce (et son co-scénariste Andy Bienen) n'a rien inventé, tout juste a-t-elle changé le nom de Candace (en réalité Lisa Lambert)...
S'appuyant directement sur un documentaire, The Brandon Teena Story (Susan Muska and Greta Olafsdottir, 1998), la réalisatrice a respecté à la lettre la terrible histoire de Teena Brandon. À tel point que Lana Tisdel (la vraie Lana) a renoncé à la plainte qu'elle avait déposé contre le film (poussée par sa famille et après avoir commencé à collaborer à l'écriture du scénario). À la vue du film, elle n'a pu que constater sa fidélité aux faits...

Boys don’t cry est un film choc. Certains le détestent peut-être. Ceux que l'histoire de Teena Brandon dérange au plus haut point, ceux, peut-être, qui s'identifient à ses lamentables persécuteurs et assassins.
Un film qui heurte, laisse pantois et force à la réflexion. Nous sommes confrontés à l'un des plus terribles exemples d'intolérance et de bêtise, à la sauvagerie brute dont l'homme est, hélas, trop souvent capable.
La certitude qu'il n'y aura pas de happy end crée une tension qui s'empare très vite du spectateur et ne le lâche plus. La dernière demi-heure nous explose à la figure, la violence ne nous est pas épargnée par la réalisatrice. On peut se demander si la scène du viol de Brandon par John et Brendan, montrée à l'écran dans tous ses détails, était bien nécessaire. Peut-être une ellipse renvoyant l'image de Brandon dans le bureau de l'ignoble sheriff, tuméfié(e) et forcé(e) de raconter son viol aurait eu autant de force. Peut-être, on peut en discuter...
Par contre, la scène où les deux déjantés forcent (avec violence là encore) Brandon à exposer sa véritable identité sexuelle s'impose, bien que provoquant un dégoût physique difficilement supportable...
La mise en scène de Kimberly Peirce (jeune femme de 31 ans) est diablement efficace, elle alterne présent et flash-ba
cks, et monte sa spirale infernale séquence après séquence. La noirceur de l'histoire se retrouve dans les tons du film (beaucoup d'intérieurs et d'extérieurs nuit) et la réalisatrice a essayé (avec succès) d'éviter toute emphase sur-dramatique. La vérité objective est la seule chose qui l'intéresse. Et elle est assez terrible comme ça !
Il est intéressant de noter que le personnage même de Teena Brandon, menteuse invétérée et voleuse, ne nous apparaît pas spécialement sympathique au début du film. Elle le devient peu à peu, plus nous sentons le danger monter, plus les autres personnages montrent leurs vrais visages.

Elle n'est pas une « héroïne », juste une terrible victime.
Et là, bien sûr, il faut parler de la performance de son interprète, Hillary Swank.
25 ans au moment du tournage, à peine remarquée dans des films aussi stupides que Buffy, tueuse de vampires ou Miss Karaté Kid (!), elle réussit un prodige et a mérité l'Oscar de la Meilleure Actrice qu'elle remporta pour ce Boys don’t cry. Son interprétation expose à la perfection tout à la fois l'enthousiasme de Teena/Brandon pour une nouvelle vie, sa naïveté à croire que tout se passera bien, son charme naturel dévastateur, mais aussi sa fragilité, la confusion de son esprit et l'incertitude de sa propre identité. Elle devient très émouvante dans la dernière demi-heure, notamment dans ses rapports avec Lana.
Chloe Sevigny
, qui interprète cette dernière, a aussi rassemblé l'unanimité des critiques et y a gagné un Golden Globe. Elle incarne avec excellence l'aspect grunge de Lana, effacée et peu sûre d'elle au début du film, physiquement quelque part entre Courtney Love et Madonna. Mais la rencontre de Brandon, l'amour qu'elle reçoit de celle qu'elle croit être un garçon, la transforme peu à peu. Et c'est tout le talent de Chloe Sevigny de savoir nous rendre perceptible cette lente évolution et attachant ce personnage.
Les autres rôles sont aussi très bien assurés.
Teena Brandon
, 21 ans, fut assassinée le 30 décembre 1993, ainsi que ses deux amis Lisa Lambert (Candace dans le film) et Philip Devine (et non pas le bébé de Candace). Ses deux meurtriers furent condamnés l'un à la peine de mort (par injection), l'autre à la prison à perpétuité...
Un film à ne pas rater, malgré sa dureté.

Note 1: Le scénario, refusé par les grands studios US, fut finalement tourné par une réalisatrice « indépendante », Kimberly Peirce. 
Note 2: Boys don’t cry (littér: « Les garçons ne pleurent pas », dicton anglais courant), doit aussi son titre à une chanson du groupe anglais The Cure, chanson que l'on entend brièvement dans le film.
Pour plus d’informations :



Fiche technique :
Avec Jesse Bradford, Jordan Brower, Daryl Hannah, Jonathan Taylor Thomas, Patsy Kensit et Tiffani-Amber Thiessen. Réalisé par Ni
ckolas Perry. Scénario : Nickolas Perry.
Durée : 94 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


L'avis de ACTE :
Passionné de bolides, Johnny rêve de participer au fameux rallye de Caroline du Nord. Sur la route, il fait la connaissance à Las Vegas de jeunes marginaux comme Eric et Steven dont le seul but est de gagner facilement de l'argent, aussi vite dépensé en fêtes mémorables. Fasciné, Johnny va se laisser entraîner dans un monde de sexe, de drogue et de violence dont il ne soupçonnait pas l'existence...
Archétype même du film de marginaux, Speedway Junky, film indépendant de Las Vegas, est une sorte de long trip sur la décadence d'une adolescence en péril.
Mélange de Drugstore Cowboys et de Requiem for a Dream, ce film produit par Gus Van Sant est une remarquable étude de la jeunesse américaine.
Mais derrière ce simple film sur la drogue, se cache bien plus de subtilité et de recherche, que cela n'y paraît. Van Sant, le peintre des marginaux, a fait des petits, et Ni
ckolas Perry, jeune cinéaste indépendant, suit la trace de son maître grâce à une mise en scène propre, discrète et dont le sens de l'esthétique fascine. En effet, la photographie est soignée, les couleurs s'assemblent, entre froides et chaudes, comme pour définir les différentes étapes de la descente aux enfers.
Le message principal qui se cache derrière ce film, est que pour atteindre un objectif, l'être humain est prêt à tout, au péril de sa vie. Johnny dans le film est quelqu'un de déterminé, il sait qu'il veut devenir pilote, et fera un long voyage initiatique, dans le Vegas de l'argent et du sexe pour parvenir à ses fins.
Le métrage parle également de l'amitié, de l'amour, de l'homosexualité. Eric, recueille Johnny chez lui, l'aide à s'installer dans cette ville inconnue mais au détour d'une simple amitié, ses sentiments évoluent, il aime Johnny, mais cela n'est pas réciproque. On devine la souffrance d'un adolescent homo d'un côté, et la volonté de réussir de l'autre. Cette amitié sincère se transforme en un lien fraternel, en une longue symphonie sur la différence sociale. Dans l'univers enchanteur de la ville du jeu, ce petit groupe d'ados déchus, va trouver une motivation à la vie. Chacun rêve du pouvoir, de la puissance, de l'évasion. Tous rêvent d'une vie meilleure, autre part... Pourtant seul Johnny est assez déterminé pour réussir, et n'hésite pas à se prostituer pour gagner de l'argent, cet argent du bonheur, signe d'une vie nouvelle.
Au départ, il ne prête pas trop attention à l'amitié d'Eric. Mais lors d'une ultime quête vers l'inconnu, une fusillade éclate. Eric est touché, trop tard pour faire marche arrière, les portes vers l'au-delà s'ouvrent, et laissent passer le jeune homosexuel, qui dans un dernier souffle, remet son porte bonheur à Johnny.
C'est cette même pièce d'un dollar, objet porte-bonheur de son meilleur ami Eric, qui aidera Johnny à gagner de l'argent dans une machine à sous. Finalement, tout est résumé dans ces deux dernières lignes.
L'argent, le sexe, la drogue, rien n'a suffit à offrir à cet adolescent plein d'espoir, son rêve de devenir pilote. Et en définitive c'est une pièce d'un dollar, donnée par un ami soudain, qui changera sa vie.
Qu'est-ce que cela signifie ? Sans doute que l'amitié est le sentiment le plus pur, celui qui dans le doute, dans la déchéance et dans la tristesse, saura changer l'avis et la vie d'un homme empli de rêves...
Un film fort, poignant, plus axé sur les relations humaines, que sur l'univers de la drogue, qui bien que moins percutant qu'un Trainspotting ou un Requiem, saura vous faire réfléchir sur les actes, et les conséquences...

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Fiche technique :
Avec Monica Cervera, Pablo Puyol, Geli Albaladejo, Pilar Bardem, Fany de castro, Lola Duenas, Concha Galan, Najwa Nimri, Rossy de Palma et Miguel O’Dogherty. Réalisé par Ramon Salazar. Scénario de Ramon Salazar.
Durée : 109 mn. À voir en salles en VO, VOST et VF.


Résumé :
Dans ses rêves, Marietta est une star en technicolor dont la vie ressemble à une comédie musicale. Dans la réalité, Marietta est un travesti qui adorerait se débarrasser des 20 cm qui la sépare de la femme glamour qu'elle désire devenir. Mais peut-on mesurer le bonheur ?
L'avis de Matoo :
Lorsqu’on vend un film dont la filiation à un réalisateur ou à un style est aussi forte et évidente, on peut facilement tomber dans une impasse. Soit on trouve que le film est un pâle succédané de son illustre modèle et on est déçu, soit on peut même être choqué d’avoir été berné par un tel rapprochement, ou bien on peut être conquis par une œuvre qui prend le meilleur de ses prédécesseurs tout en y ajoutant sa propre originalité.
J’avais entendu et lu le rapprochement manifeste entre ce film et les anciennes œuvres d’Almodovar, ce qui n’est pas une mince assertion. Et quand on parle des premières œuvres, il s’agit donc des plus choquantes et jubilatoires, celles sous le signe de la movida et des ambiguïtés sexuelles hautes en couleurs. En effet, j’ai retrouvé dans 20 centimètres une partie des qualités d’Almodovar, avec une énergie passionnée, le mélange et la confusion des genres et des rôles sexuels, un humour aussi décapant que potache, une tendresse absolue envers ses personnages et des dialogues incisifs. Mais Ramon Salazar n’a pas non plus la maîtrise d’Almodovar, son film distille quelques maladresses qui finissent un peu par grever le récit, et même si la forme est sympathique, le fond manque un peu de substance. L’épaisseur psychologique des personnages n’est pas autant travaillée et révélée par la mise en scène.
Mais il faut avouer que c’est un joli coup. Le film est résolument drôle et ses comédiens ont l’air de s’en donner à cœur joie. Et puis l’idée de base est parfaite. Marieta est une transsexuelle (narcoleptique !) qui se prostitue afin de payer l’opération qui la privera enfin de son sexe d’homme. Or le titre du film qui est aussi la taille de son sexe est un des facteurs qui la rendent particulièrement attractive auprès de ses clients, mais qui, elle, la traumatise encore plus. On suit quelques étapes de la vie de Marieta avant qu’elle ne subisse son opération : ses derniers doutes, quelques rencontres et picaresques aventures au « pays des trans madrilènes ».
Le film s’attaque aux difficiles et complexes conditions de vie des trans, mais en profite aussi pour évoquer d’autres différences telles que celle du colocataire de Marieta qui est un nain (charmant !) qu’elle a pris sous son aile, et avec qui elle a une relation assez passionnelle. Il y a les autres trans du coin, celles du trottoir, celles de son immeuble, et c’est l’occasion de joutes verbales dont les insultes sont toujours très imagées. Il y a aussi la grosse voisine qui est une amie, et dont Marieta garde souvent le fils. L’auteur insiste beaucoup sur la fascination qu’exerce la transsexualité, et encore plus le gigantesque engin de Marieta. D’ailleurs, la rencontre amoureuse d’un livreur de fruits et légumes du marché, à côté le livreur de la pub Coca est un petit joueur, donne lieu à quelques retournements de situation ironiques.
L’ennui est qu’une fois que les bases de l’histoire sont posées, on n’est pas surpris de ce qui arrive du début à la fin. Et du coup, cela donne une narration assez convenue. Agréable mais pas aussi ébouriffante que le sujet pouvait le laisser présager. Le réalisateur a pourtant rajouté à son film un élément original : les nombreuses crises de narcolepsie de Marieta sont l’occasion de rentrer dans son subconscient. On a alors droit à des mini-clips de comédie musicale où elle chante des tubes tout en jouant à West Side Story avec les autres comédien(ne)s. Ces moments sont plutôt réussis et entraînants, mais un peu longs ou alors trop nombreux (5 ou 6 fois, je crois). Le film s’étire alors en longueur assez inutilement et s’essouffle malgré toute sa bonne volonté.
À noter : une Rossi de Palma toujours aussi fabuleuse. Je suis totalement fan de cette actrice à la gueule extraordinaire, à la classe unique et dont le jeu me convainc toujours.
Il s’agit clairement d’un film queer, et qui plaira donc à un public pédé. Il y manque un truc pour moi, un truc qui aurait pu l’élever un peu et lui donner plus de teneur et de consistance. Mais j’ai tout de même passé un très bon moment, j’ai retrouvé avec bonheur des vues familières de Madrid et j’ai aimé l’histoire de cette femme en devenir avec son problème tragi-comique de taille de bite démesurée, ainsi que ces personnages truculents et l’univers almodovarien.

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