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FILMS : Les Toiles Roses


Fiche technique :
Avec Tony Yang, Duncan, King Chin, Dada Jl et Jimmy Yang. Réalisation : Dj Chen. Scénario : Rady Fu. Images : Chen Huei-Sheng. Son : Augustus Chen. Montage : Chen Hsiao-Dong. Musique : George Chen & Hung Tze-Li. Production : Alleen Li & Michelle Yeh.
Durée : 92 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Tien (Tony Yang), 17 ans, lycéen sage et encore vierge, vient passer ses vacances d’été à Taipé, bien décidé à y trouver l’homme de sa vie. Il commence par rencontrer les garçons dont il a fait connaissance sur Internet. Ils lui font découvrir la vie gay de la capitale taïwanaise. Ils essayent aussi de lui éviter qu’un homme lui brise le cœur. Malheureusement, le naïf Tien tombe amoureux de Bai (Duncan), le pire bourreau des cœurs du pays...
L’avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
À la place de ce beau titre, qui invite à la rêverie et aux coupables nostalgies, ce film aurait du s’appeler : « Candide chez les tassepés de Taipé ». Si un jour de grippe, cloué au lit, vous avez la nostalgie des conversations intellectuelles que l’on peut entendre dans les bars du marais, ce DVD est pour vous. Ce qui malheureusement pour l’éditeur, qui pourtant a réalisé un bel habillage et une superbe sérigraphie sur la galette, devrait réduire quelque peu le potentiel de ventes. Car je ne vois pas bien ce qui pousserait quelqu’un d’autre à s’infliger cette niaiserie sucrée, jouée à la truelle. Une mention particulière pour le jeu de l’horripilante crevette, la folle de service, qui me fait penser quant à la finesse de son jeu à celui de Jacques Balutin si ce dernier était gay et asiatique ; heureusement pour ces communautés, ce n’est pas le cas, elles sont ainsi épargnées par cette honte.
Curieusement ce presque rien est bien filmé, beaux travellings (je recommande un long travelling parallèle à un canapé – où comment dynamiser une conversation statique –, un modèle !), longues focales isolant les visages dans le décor, souci de la composition du cadre... Mais même bien cadré, le pas grand-chose demeure une petite bricole.
Même pas question de se rincer l’œil, car si les garçons (mis à part l’insupportable crevette déjà citée) ne sont pas mal, le film est d’une pudibonderie toute vaticane ; d’ailleurs les protagonistes arborent presque tous une croix en pendentif.

L’Été de mes 17 ans ne met en scène que des hommes, tous homosexuels. À aucun moment, on ne parle de femme (on n’en voit pas une même en figuration) ni d'hétérosexualité, comme si cela n'existait pas ! Ce qui est assez surprenant, le film étant réalisé par une femme. Depuis, elle a tourné avec le même acteur principal Catch, un film policier.
Au dos de la jaquette, cette insignifiance est qualifiée de « fantaisie fellinienne » ! Là je lance un appel, pour éclairer ma cinéphilie : il faut que le rédacteur de ce texte improbable m’explique où il a bien pu dégotter Fellini là-dedans… On y apprend également que L’Été de mes 17 ans a connu un succès enthousiaste à Taiwan, en Inde, au Japon, à Toronto, Stockholm, Pusan et Palm Spring. On sait maintenant que l’internationale des pétasses existe.
La vision du film est pourtant riche d’enseignements, tellement il est représentatif dans sa forme des productions cinématographiques populaires (dans tous les sens du terme) actuelles, tant à Taiwan qu’au Japon. Il en a toutes les caractéristiques : un scénario étique, mêlant fleur bleue et humour lourdingue, joué par de jeunes acteurs mignons, issus de soap télévisés ou de la chanson, mis en images par des réalisateurs et leurs équipes ayant une parfaite maîtrise de leurs techniques. Ce sont de tels films qui font les entrées à Taiwan et non les opus de Tsai Ming-Liang ou ceux de Hou Hsiao-Hsien. On peut le regretter mais c’est ainsi.
Si vous aimez les garçons taïwanais, oubliez L’Été de mes 17 ans et jetez-vous sur les films de Tsai Ming-Liang et lisez ce merveilleux livre qu’est Garçon de cristal, dont il existe une adaptation télévisée dans laquelle joue… Tony Yang.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Lee Williams, Marc Warren, Mikela J Mikael, Salvatore Antonio, Beverley Breuer, Rob Bruner, Liam Mc Guigan et Philip Granger. Réalisateur : Tom Shankland. Scénario : Kevin Elyot et Ruth Rendell, d’après le roman de Ruth Rendell signé de son pseudonyme Barbara Vine. Images : Paul Sarossy. Montage : Allan Lee. Musique : Christopher Dedrick. Direction artistique : Peter Andriga.
Durée : 120 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Tim (Lee Williams) est un brillant étudiant d’une petite université d’Angleterre non loin de son domicile familial, une station balnéaire du Suffolk. Il ne répugne pas à se faire faire une petite gâterie par sa copine, sur la plage, au clair de lune. Ce qui ne l’empêche pas, au détour d’un couloir de sa fac, de tomber en arrêt – tel le setter moyen face à un col vert égaré – devant Ivo (Marc Warren), un jeune professeur mâle de paléontologie dont bientôt le visage l’obsède. Bravant sa timidité toute relative, il le drague. Au début l’objet de ses désirs est froid comme ses chers fossiles, mais il n’est pas à long à tiédir. Il s’ensuit une torride passion sexuelle. Mais plus Ivo devient incandescent, plus notre inconséquent étudiant se refroidit. Et quand Ivo invite son jeune amant à l’accompagner en Alaska, où il anime des croisières scientifiques, Tim le suit à contrecœur. Arrivé dans un port de ce « bout du monde », suite à un imprévu (?), Ivo doit abandonner son amoureux dix jours dans ce lieu inhospitalier, avant leur embarquement. Le jeune homme nous avait déjà prévenu « que l’ambivalence ne l’effraie pas », même distrait, et c’est difficile devant ce film passionnant, dont je ne vous dévoile qu’une couche de l’intrigue, et encore partiellement. Or donc, ne supportant pas la solitude, il jette son dévolu sur une jeune femme, Isabel (Mikla J. Mikael). Je cite : « idéale pour passer le temps. » Ce qui ne devait être pour Tim qu’une alternative à ses nombreuses visites au bar de l’hôtel se transforme en une passion fusionnelle. Mais au bout de ces dix jours, Isabel prend la fuite et Ivo revient. La croisière qui promettait d’être idyllique se transforme en enfer. L’amour a fait place à la haine. Tim ne rêve que de rejoindre Isabel à Vancouver, mais comment se débarrasser d’Ivo ? En le tuant ?
L’avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Quand on se met devant sa télévision, même devant un programme de PinkTv, on s’attend rarement à être mis en présence de ce qui devrait être un modèle pour les auteurs de films gays. Voilà, enfin, une production qui ne considère pas l’homosexualité comme une fin en soi et l’unique sujet possible du film, mais comme une chose tout à fait banale et qui, pourtant, la place au cœur de l’intrigue de ce thriller haletant ; en fait le moteur des événements qui précipiteront les amoureux vers l’inéluctable, sans que leur sexualité ne soit jamais culpabilisée. Ruth Rendell a créé le personnage du garçon fatal.
Comme dans toutes les histoires de ces dames anglo-saxonnes qui améliorent leur thé ou leur whisky, au choix, d’une dose de strychnine, les rebondissements sont un peu abracadabrantesques (sic), mais c’est la loi du genre pour que l’on reste, comme ici, scotché à l’écran durant deux heures. Dans No night is too long, nous sommes plus près de Patricia Highsmith que d’Agatha Christie.
L’intrigue, comme dans tous les livres de Ruth Rendell – experte en thriller psychologique depuis quarante ans – pose ces questions : « pourquoi devient-on meurtrier ? » ou «  comment devient-on victime ? » Parce qu’un jour, sans le savoir, on prend une route... ou un couloir au bout duquel se trouve la mort violente. Le cinéma devrait être bien reconnaissant à la romancière. Son roman, L’Homme à la tortue, est devenu devant la caméra de Pedro Almodovar En chair et en os (dvd TF1 vidéo) et L’Analphabète, devant celle de Claude Chabrol, La Cérémonie. Il a aussi adapté La Demoiselle d’honneur, cette fois sans en changer le titre. Claude Miller a fait de même avec Betty Fisher.Toute l’histoire est racontée en voix off par Tim. La plus grande partie du film est constituée d’un flash-back qui nous ramène quelques mois en arrière. Nous assistons à la rencontre de Tim et d’ Ivo, et aux événements qu’elle va générer. Cette narration est entrecoupée par des retours au présent, qui n’en sont pas moins angoissants que les péripéties du passé, mais aussi par des incursions à une époque plus lointaine, dans laquelle Tim vivait dans son collège une amitié particulière avec un aîné. On peut regretter que cette partie n’aie pas été plus explorée, ce qui aurait rajouté un peu d’épaisseur à cet aîné un peu trop falot. En revanche, le film aurait gagné à ce que la durée de certains plans soit raccourcie. Tom Shankland a tendance à les faire traîner un peu trop longtemps. Puisque cette production était d’emblée destinée à la télévision, on peut penser qu’un format de 2 fois 1h30, constituant une mini série, n’aurait pas été de trop au vu de la complexité de l’intrigue et de la richesse des personnages et aurait été mieux adaptée que les 120 minutes du film…
L’un des atouts du film est l’originalité des lieux de tournage. L’Alaska n’est pas l’État des USA le plus filmé et bien peu de réalisateurs ont planté leurs caméras sur les plages du Suffolk, malgré leur indéniable charme. La réalisation ne se dépare jamais d’une belle maîtrise du cadre qui bénéficie d’un éclairage froid et soigné. Elle utilise avec habileté le décor qui n’est pas seulement une toile de fond pittoresque pour l’intrigue mais un véritable acteur du drame. Elle aurait toutefois pu nous éviter des effets spéciaux numériques un peu trop présents, telle cette profusion d’éclairs pour rendre les ciels dramatiques et signifiants ou ce maquillage de l’île fatale en Île des morts de Bocklind. Le directeur de la photographie qui signe de si belles images est Paul Sarossy. Il est entre autre le collaborateur habituel d’Atom Egoyan. On lui doit la photographie des remarquables Voyage de Felicia et La Vérité nue.
Comme presque toujours dans un film anglais, la distribution est parfaite. En particulier Lee Williams qui compose un Tim complexe et changeant qui fait parfois penser au jeune Ripley et à qui on met longtemps à accorder notre sympathie. Il porte le film de bout en bout. Il tient le premier rôle dans un autre film gay, l’extravagant Les Loups de Kromer (dvd BQHL). Il participe à de nombreuses productions télévisées anglaises. On peut le voir en particulier dans le rôle de Jon Forsyte, dans la somptueuse nouvelle version de la saga des Forsyte. Il apparaît également dans Billy Elliot et Mauvaise passe. Marc Warren (Ivo) a une présence étonnante ; son inquiétant magnétisme rappelle celui de Malcom Mc Dowell à ses débuts.
Si les scènes de sexe, aussi bien hétérosexuelles que gays, ne sont pas particulièrement bien filmées, le réalisateur se rattrape en nous offrant de beaux plans tendres et sexy après l’amour. No night is too long est co-produit par la télévision britannique d’État, la BBC. Le film a été diffusé à une heure de grande écoute, la deuxième partie en soirée. Combien de chaînes françaises, hors celles du câble, diffuseraient et produiraient un film comme celui-ci qui met, et montre, l’attirance sexuelle de deux hommes au centre de son intrigue ?

No night is too long peut se traduire par « Les Nuit ne sont jamais trop longues », phrase que dit Ivo à Tim au plus fort de leur amour. Jamais le film ne vous paraîtra trop long. Espérons qu’il fasse école, tant sur le fond, que dans la forme.
Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Jérémie Lippmann (Luc), Max Boublil (Manuel), Marie Dubois. Réalisation : Irène Jouannet.
Durée : 90 mn. Disponible en VF.
Résumé :
Luc, 17 ans, vit avec un secret qui l'étouffe : sa mère, Liliane, se prostitue. Abandonné à lui-même, il élève son demi-frère de 6 ans. Un jour, Liliane emmène les deux garçons chez leur grand-mère sur la Côte d'Opale. Là, Luc se lie d'amitié avec Manuel qui tombe amoureux de lui...


L’avis de Jean Yves :
Luc, un adolescent remplace sa mère, prostituée, dans les tâches de la maison. Il s’occupe aussi de son demi-frère de 6 ans tendrement. Il a évacué toute la dimension sexuelle de sa propre vie. Pendant l'été, tous les trois partent sur la côte Atlantique chez la grand-mère maternelle qui n'a vu aucun d'eux depuis une dizaine d'années. En se promenant, Luc y fait la connaissance d'un jeune vagabond solitaire, Manuel, amateur de belles filles. Ce dernier veut l'initier aux plaisirs de la vie. Mais Luc n'est pas intéressé par les rencontres faciles que lui organise son ami auquel il a confié qu'il était encore vierge. Ce sera avec une vacancière bien plus âgée que lui, qu'il a vue au bord de l'océan, qu'il va connaître sa première expérience sexuelle. Un soir comme à l'habitude quand il retrouve Manuel sur la plage, ce dernier lui confiera son trouble à son égard.


Luc, à 17 ans, pourrait sembler le fils idéal pour de nombreux parents : il est sérieux, il ne sort jamais, il ne participe pas aux soirées festives de ses copains. Il s'occupe idéalement de la maison (cuisine, ménage, éducation de son frère…) Pourtant la révolte gronde dans sa tête et on s'attend à un moment ou à un autre qu'elle sorte de son enveloppe corporelle. Il est difficile de dire – tant l'adolescent est peu disert sur lui-même – si cette révolte à pour origine le métier de sa mère (elle est prostituée) ou si c'est plutôt les exigences temporelles de son métier (la mère est absente le soir et une partie de la nuit et dort la journée). Regrette-t-il de ne pouvoir vivre sa vie d'adolescent comme ses copains ? Souhaite-t-il pouvoir exprimer ses sentiments ? Difficile de répondre. Tout ce que l'on voit, c'est un adolescent devant une impasse.


La fiction a cela de bon qu'elle permet d'amener au moment voulu le personnage-clef qui va permettre à Luc de se révéler face à une société particulièrement conventionnelle. Ce sera Manuel un jeune bisexuel complètement assumé qui a choisi de vivre en marge du monde. Il symbolise, tant dans sa vie que dans sa sexualité, toutes les libertés dont Luc ne jouit pas. L'amour qu'il porte à Luc arrivera à libérer ce dernier de sa vie terne et pleine de révolte gardée.
Certains spectateurs ont regretté la faible dimension homosexuelle de ce film, ce qui pour moi est hors sujet. Ce film délicat et sensible m'a touché par son humanisme en cassant les clichés qui circulent encore sur, ce que la société bien pensante appelle, les marginaux. La réalisatrice a eu la bonne idée de ne pas enfermer son film dans la seule relation mère-fils. Elle aurait eu du mal à dénouer l'écheveau des sentiments.
Très belle idée que la confrontation de la mère avec la grand-mère, qui se doute des activités de sa fille, aidée involontairement en cela par le petit frère de Luc. Les retrouvailles après dix années sont bien vues, tout comme la réserve de chacun, la peur respective d'entendre ce que chacun a « fui », et tout en même temps cette part d'amour toujours là qui tente à plusieurs reprises de refaire surface, maladroitement certes mais pouvait-il en être autrement ?
Très belle idée aussi que l'arrivée de cette vacancière : on sait très peu de choses sur elle mais assez pour deviner des béances dans sa vie. Sa relation avec Luc est là encore bien vue et pleine de sensibilité : « disponible » affectivement cette femme se montre à l'écoute de Luc. La nuit qu'elle lui offre oui, je la vois comme un cadeau si elle n'est heureusement pas totalement désintéressée est l'aide qu'elle sent devoir lui apporter à ce moment là.
Magnifique idée que cette rencontre avec Manuel. Relation sans aucune perversité. Manuel est libre et souhaite seulement que son ami en profite autant que lui.
Un très beau film sur la complexité des relations et le partage de tout ce qui fait l'humain.

Pour plus d’informations :
***

Merci à Eklipse pour les photos.


Fiche technique :
Avec Chad Allen, Sean Carey, Moneca Delain, Woody Jeffreys, Jack Wetherall, Kirsten Williamson et Matthew Rush. Réalisation : Ron Oliver. Scénario : Mark Saltzman, d’après le livre éponyme de Donald Stevenson. Directeur de la photographie : C. Kim Miles. Montage : Tony Dean Smith. Musique : Bill Buckingham et Ronnie Way.
Durée : 98 mn. Disponible en VO et VOST.

Résumé :
Don Strachey (Chad Allen), un détective privé gay, est contacté pour enquêter sur la tentative de meurtre commise à l’encontre de John Rutka (Jack Wetherall), un journaliste du Web gay, qui s’est fait une foule d’ennemis en « outant » des personnalités qui auraient bien aimé que leur homosexualité restât secrète. Rutka a été blessé par balle dans son propre salon, puis visé par un cocktail Molotov, mais Strachey, qui n’a jamais approuvé ses méthodes, le soupçonne d’avoir mis en scène lui-même ces agressions avec l’aide de son petit ami. Il commence par refuser l’enquête que voudrait lui confier John Rutka. Toutefois, lorsque Rutka est enlevé, assassiné et brûlé dans une grange de la région, le limier s’en veut d’avoir refusé d’enquêter sur ces menaces. Un peu tard, au prix de sa sécurité et de celle de son compagnon, le détective cherchera le coupable parmi les gens sur lesquels le journaliste quinquagénaire accumulait des dossiers agrémentés de photos compromettantes (notables locaux, prêtres soupçonnés de pédophilie, politiciens de droite...)
L’avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Donald Strachey, détective privé homosexuel, est le héros des sept romans écrits entre 1981 et 1996 par Richard Stevenson. L’enquêteur vit en couple avec l’attaché politique d’une sénatrice, à Albany, État de New York. Albany a été le décor des romans d’un écrivain plus célèbre, William Kennedy.
Le roman adapté ici était le quatrième de la série. La critique évoque le sens de l’humour de cette série policière mais cela se retrouve fort peu à l’écran. Humour très au premier degré, comme le sont les emprunts visuels et musicaux au cinéma noir des années cinquante. La musique est omniprésente et toujours lourdement signifiante.
Toute l’équipe, à commencer par le réalisateur Ron Oliver, est issue du monde de la télévision. À l’exception d’une vraie vedette porno, Matthew Rush, dans une fugitive apparition nous gratifiant de sa nudité pile et face aussi appétissante qu’inutile pour la progression du scénario, tous les autres acteurs sont de vieux routiers des séries. On reconnaîtra dans le rôle de l’ambigu Rutka, Jack Wetherall, qui incarnait l’oncle Vic dans la série culte Queer as Folk – dont Ron Oliver a réalisé un épisode, où il était beaucoup plus convaincant que dans ce film. Chad Allen, ex-interprète de Matthew Cooper, dans Docteur Quinn, femme médecin, est l’un des rares acteurs américains ouvertement gays, l’amusant est qu’il a été victime lui-même, il y a quelques années, d’un outing. En 1995, en plein tournage de la série Docteur Quinn, femme médecin, un tabloïd américain diffuse une photo de l'acteur embrassant un garçon dans une piscine. Il est alors forcé de révéler son homosexualité. Depuis, tout en poursuivant sa carrière d'acteur et de producteur de pièces de théâtre, il est devenu un activiste gay important, récoltant de l'argent pour de nombreuses causes gays. Malheureusement il n’a pas les épaules, au sens propre comme au sens figuré, pour incarner le détective vedette d’une série. Il a au moins le mérite de ne pas surjouer comme la quasi totalité de la distribution…
Une suite, Shock to the System, a déjà été tournée par la même équipe et un troisième épisode est en préparation !
L’intrigue est plutôt convenue mais elle est scénarisée de manière assez efficace, ce qui maintient l’intérêt jusqu’au dernier quart d’heure, où l’histoire s’avère moins superficielle qu’on pouvait le croire.

Third Man Out  est produit par Here!, la première chaîne gay américaine. Elle a déjà produit Dante's Cove et Hellbent ! Il ne dépare pas, malheureusement, le reste du catalogue de cette chaîne qui brille par sa médiocrité. La réalisation est plate et si les images sont propres et lumineuses, on n’y décèle pas une seule idée de mise en scène. Le principal défaut du film réside dans la mollesse du montage qui étire chaque scène, ce qui est un comble pour un film policier.
Peu original est ce volontarisme très marqué d’inscrire l’intrigue dans un groupe emblématique d’une époque et de la faire coller avec un fait de société à la mode, ici l’outing. Dans notre bonne vieille télévision hexagonale, il y a près de cinquante ans, Les Cinq dernières minutes ne faisait pas autre chose.
Je déplorais, dès sa naissance, que PinkTv ne s’engage pas dans la production, se contentant de diffuser des œuvres produites par d’autres, et n’achetant même pas des fictions étrangères si elles n’avaient pas été déjà traduites par ailleurs, en somme faisant presque toujours son marché seulement en France et payant que chichement les producteurs. En voyant les programmes produits par son homologue américaine, on est presque satisfait que la chaîne française se soit montrée, pour l’instant, aussi frileuse en terme de production.
On se demande ce qui domine chez l’éditeur dvd français, Optimale, lorsqu’il appose sur le facing de la jaquette : « PREMIER POLAR GAY » : la malhonnêteté ou l’ignorance ? Par charité chrétienne, choisissons l’ignorance. Rappelons-lui que les estimables River made to drown in (dvd Studio Canal), In the flesh (dvd BQHL), Endgame (dvd Antiprod), Like it is (dvd BQHL)... et que l’exceptionnel No night is too long sont aussi des polars gays, tous antérieurs au film qu’il édite, par ailleurs de manière professionnelle, avec un bon making of….
Si vous aimez les détectives gays, lisez et relisez les romans de Joseph Hansen (édités chez Rivage), plutôt que de voir Third Man Out.

Pour plus d’informations :

***


Fiche technique :
Avec Michel Côté, Marc-André Grondin, Danielle Proulx, Pierre-Luc Brillant, Emilie Vallée, Mariloup Wolfe, Jean-Louis Roux, Francis Ducharme, Sébastien Blouin, Alex Gravel, Hélène Grégoire, Johanne Lebrun, Maxime Tremblay et Jean-Marc Vallée. Réalisé par Jean-Marc Vallée. Scénario : François Boullay et Jean-Marc Vallée.
Durée : 127 mn. Actuellement en salle en VF.

Résumé :
25 décembre 1960 : Zachary Beaulieu vient au monde, quatrième d'une famille de cinq garçons. Famille de banlieue sans histoire avec une mère aimante et un père un peu bourru, mais fier de ses garçons. Le début d'une belle enfance, où se succèdent les Noël et les anniversaires avec l'éternel solo du père Beaulieu chantant Aznavour, Emmène-moi au bout de la terre, les séances de lavage de voiture en plein air et les visites au casse-croûte pour Zac, le chouchou de son père pour une fois.
L'avis de Mérovingien02 :
Ils sont 5 frères : Christian, Raymond, Antoine, Zachary et Yvan. Prenez chacune de leurs initiales et vous obtiendrez le mot CRAZY. Crazy, c'est le nom d'une chanson country de Patsy Cline que vénère le père des garçons. Mais c'est aussi un terme anglais qui signifie la folie. On ne pouvait donc pas rêver mieux comme titre pour un long-métrage qui tourne autour d'une famille bien barrée, dans une époque décadente et délicieusement rock !
Triomphe sans précédent à la dernière cérémonie des Juras (équivalent Québécois de nos Césars) avec pas moins de 13 trophées trustés pour 14 nominations dont ceux de meilleur réalisateur et meilleur film, plus gros succès national au box-office avec plus d'un million de spectateur pour 7 millions d'habitants, CRAZY a tout d'un film phénomène, de ceux qui parlent à l'inconscient collectif et sondant les questionnements les plus intimes. Une œuvre universelle donc, capable de ratisser large sans brader son identité sous de bêtes considérations commerciales. Il faut dire qu'à l'origine, il y a un script personnel et sincère inspiré de la vie de François Boulay (co-auteur) et de Jean-Marc Vallée (réalisateur du film), fourmillant d'anecdotes vécues, de rêves accomplis et de questionnements refoulés. Résultat, tout le film semble juste, vrai, honnête et restitue à merveille les années 60 à 80 avec leur esprit de liberté, de tabous, de valeurs et de drogue. Outre une reconstitution parfaite des différentes époques traversées avec les vêtements synthétiques, les coiffures top moumoutes et une évolution du mobilier en fonction des modes, il y a aussi la bande originale qui apporte un vrai plus à l'ambiance nostalgique de l'ensemble, avec une liste impressionnante de standards incontournables allant de Pink Floyd à David Bowie en passant par les Rolling Stone. Un argument commercial imparable pour vendre des CD et rameuter un public cible désireux de revivre sa jeunesse passée mais qui se révèle bien plus que ça. Les tubes qui saupoudrent le métrage sont en effet employés à bon escient pour refléter l'état d'esprit d'un personnage à un moment donné. Une phase identitaire = un morceau. C'est ainsi que le père chauvin se borne dans ses valeurs réacs au son d' « Hier Encore » d'Aznavour ou bien que Zachary se prend pour David Bowie en rêvant de transcendance dans sa chambre sur fond de « Space Oddity ».
Ambiance immersive donc pour une œuvre qui place la famille au cœur de sa thématique. Sujet populaire, il va s'en dire, mais traité avec une infinie délicatesse. Sur une période de 20 ans, on suit le destin d'un garçon qui va grandir et changer en fonction des tendances, en fonction de ses parents et en fonction de ses expériences. Considéré comme divin par sa mère parce que né un soir de Noël, traité de fife (pédé en québécois) par son paternel, Zachary a un regard grinçant sur le monde qui l'entoure. Il veut plaire à ses parents et tente de s'adapter à leur regard. Refoulement d'une homosexualité de plus en plus évidente, quête spirituelle inlassable, mais aussi volonté de trouver sa place dans un foyer où chacun tient un rôle : le parcours du jeune homme fascine. Le scénario privilégie la chronique familiale corrosive à travers une succession de scénettes mettant en avant les attitudes les plus élémentaires de chacun (la discussion dans la salle de bain entre Monsieur et Madame, chaque frère a son rôle un peu cliché : l'intello, le sportif, le gay, le camé) et sans chercher à délivrer une quelconque morale du style « soyons tolérant, blablabla ». Ce sont les détails qui font sens : les relations tendues entre Zac et son père sont dévoilées par la métaphore d'un vinyle cassé (le père ne voit que l'objet brisé, mais pas les blessures intérieures de son fils), les éléments que bravent le héros (neige glacial, chaleur étouffante) ne sont que les reflets d'une solitude et d'un désert affectif désespérant... Très inspirée, la mise en scène de Jean-Marc Vallée utilise intelligemment le montage pour rappeler que même si les personnages semblent séparés par leurs idées, ils demeurent irrémédiablement liés spirituellement, comme viendra le rappeler la séquence où la mère se réveille pour boire de l'eau alors que Zac agonise, tandis que la scène suivante nous laissera croire qu'elle est morte alors qu'il s'agira du frère junkie.
Subtilement, le réalisateur nous montre que si la famille est une cellule pleine de tensions et d'incompréhension, ce n'est rien face à la dualité qui anime chaque être humain. Si les grands moments d'engueulades (la mariage raté) et de situations amusantes (Zac qui se masturbe en matant son frère s'envoyer en l'air) font immédiatement adhérer l'audience à l'histoire, c'est bien quand le cœur prend le dessus que l'émotion nous submerge et qu'on atteint la sphère de l'intime. Notamment lors des envolées mystiques magnifiquement introduites (l'accident en vélo est un choc vraiment éprouvant, tout comme la chute symbolique du nourrisson au début) qui nous raccrochent à la vie fragile de Zachary. Il est notre port d'attache, celui qui doute, celui qui frôle si souvent la mort qu'il peut mesurer l'importance de la vie, celui qui rêve de devenir quelqu'un d'autre (belle transition entre les années 70 et 80 où le jeune homme disparaît et réapparaît avec un nouveau look pendant que sa copine lui administre une fellation), celui qui part seul pour s'accomplir, celui qui devient indépendant et se détache enfin de l'étiquette qu'on a voulu lui faire porter. Un cheminement passionnant dans lequel n'importe qui peut se projeter.
Alors certes, il y a bien quelques défauts de fabrication dans cette fresque rafraîchissante : les enjeux narratifs deviennent de plus en plus vagues dans la deuxième partie du récit et on peine parfois à saisir où les auteurs veulent nous conduire surtout quand ils n'exploitent pas les 3 autres frères. On pourra aussi pinailler à loisir sur l'escapade dans le désert un rien redondante, peu subtile et légèrement frimeuse (effets visuels un tantinet gratuits). Mais on oublie vite tous ces petits travers une fois le générique achevé pour ne retenir que la mise en scène inspirée de Jean-Marc Vallée ainsi que la qualité exceptionnelle de l'interprétation qui y est pour beaucoup dans le charme de l'ensemble. Dans la peau de Zachary, Marc-André Gondrin est la révélation sensible et séduisante du film. Un comédien criant de vérité promis à un brillant avenir. Dans le rôle des parents aimant leurs enfants chacun à leur manière, on trouve un Michel Côté sidérant en père typique de l'époque, à la fois sévère et attachant et une Daniel Proulx en mère protectrice, véritable ciment féminin dans un foyer où tous les autres membres sont masculins. Quand à Pierre-Luc Brillant, il est un parfait contrepoint à Zachary dans le cœur du père, avec un mélange de virilité animale et de toxicomanie pathétique.
Fable aussi limpide que dense réservant son lot de répliques québécoises cultes (« il trempe son pinceau dans une paire de fesses », « t'es pas parlable ! ») et de fulgurantes montées en puissance émotionnelle, C.R.A.Z.Y. est un grand film populaire comme on les aime. L'homosexualité n'est jamais placée au cœur d'une réflexion bourrée de clichés mais sert de prétexte à une autopsie des relations d'une famille et le regard que portent les membres les uns sur les autres. C'est donc susceptible de toucher tout le monde, c'est fédérateur et c'est foutrement authentique !
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Bande annonce

Fiche technique :
Avec Michel Côté, Marc-André Grondin, Danielle Proulx, Pierre-Luc Brillant, Emilie Vallée, Mariloup Wolfe, Jean-Louis Roux, Francis Ducharme, Sébastien Blouin, Alex Gravel, Hélène Grégoire, Johanne Lebrun, Maxime Tremblay et Jean-Marc Vallée. Réalisé par Jean-Marc Vallée. Scénario : François Boullay et Jean-Marc Vallée.
Durée : 127 mn. Disponible en VF.


Résumé :
25 décembre 1960 : Zachary Beaulieu vient au monde, quatrième d'une famille de cinq garçons. Famille de banlieue sans histoire avec une mère aimante et un père un peu bourru, mais fier de ses garçons. Le début d'une belle enfance, où se succèdent les Noël et les anniversaires avec l'éternel solo du père Beaulieu chantant Aznavour, Emmène-moi au bout de la terre, les séances de lavage de voiture en plein air et les visites au casse-croûte pour Zac, le chouchou de son père pour une fois.
L'avis de Stéphanie Nolin (Lecinema.ca) :
Le film C.R.A.Z.Y. du réalisateur Jean-Marc Vallée (Liste noire) emprunte des sentiers peu fréquentés dans le corpus cinématographique québécois en dressant un portrait authentique et sensible d’une famille ordinaire du Québec. Vallée nous parle d’amour, d’acceptation et de différence avec pour toile de fond un Québec en plein changement, façonné et modernisé par la révolution tranquille et la montée du nationalisme.
Cette chronique familiale, se déroulant de 1960 à nos jours, aborde avec sincérité les bonheurs et les heurts d’une fratrie de cinq garçons tous plus différents les uns des autres. Au cœur de cette mêlée se trouve Zachary (fabuleux Marc-André Grondin), le quatrième de cinq frères. À travers ses yeux d’enfant puis d’adolescent perturbé, en constante recherche de l’assentiment de son père (toujours extraordinaire Michel Côté), nous revivrons plusieurs époques.
La musique omniprésente, véritable protagoniste du film, accompagne le propos, suggère les émotions et marque le passage du temps. Les Pasty Cline, Aznavour, David Bowie vibrent au même rythme que les personnages et nous font vibrer aussi. Les décors, les événements et les gestes posés, tous plus vrais que nature, sauront nous rappeler des souvenirs de notre jeunesse. Une attention particulière semble avoir été portée à chaque petit détail.
Marc-André Grondin incarne avec beaucoup de justesse et de sensibilité cet adolescent qui voudrait tant combler les idéaux de son père et qui refoule pour cette raison sa vraie nature. Michel Côté, dans le rôle du paternel affectueux mais maladroit qui refuse la différence, offre une performance extraordinaire et en émouvra certainement plus d’un. Notons également le jeu superbe de Danielle Proulx en mère de famille compréhensive et celui de Pierre-Luc Brillant dans la peau d’un junkie.
Avant d’être un film sur l’homosexualité, C.R.A.Z.Y. est d'abord un film sur une relation père-fils et sur ce besoin que nous avons tous d’être aimé et compris de nos parents. Sont palpables dans ce film l’attachement familial indéfectible et la filiation invisible qui unit une mère à son enfant. L’humour, utilisé intelligemment, désamorce parfois des situations qui pourraient sembler lourdes.
En fait, regarder C.R.A.Z.Y., c’est comme contempler notre propre portrait de famille. On y voit une famille typique qui vit des joies et des problèmes au quotidien. C.R.A.Z.Y., c’est en fait une célébration de ce lien immuable qui nous unit à quelqu’un, pour la vie. C’est aussi et surtout un hymne à la tolérance. Un film troublant, touchant, qui vous hantera probablement et qui pourrait s’avérer être le succès surprise de la saison estivale. À voir absolument !

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Bande annonce


Fiche technique :
Avec Richard Chamberlain, Michael Imperioli, Ute Lemper, James Duval, Austin Pendleton, Talia Shire et Michael Saucedo. Réalisation : James Merendino. Scénario : Paul Marius. Directeur de la photographie : Tom Callaway. Son : Charlie Kelly. Directeur artistique : Andrea Stanley.
Durée : 98 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
Thaddeus (Richard Chamberlain), un avocat fortuné d'une soixantaine d'années, apprend qu'il va bientôt mourir. Il est atteint du sida. Il plaque tout et rend une visite surprise à son ami Allen (Michael Imperioli), un ancien prostitué qui fut son amant. Allen a changé de vie. C’est maintenant un jeune artiste qui essaie de se faire un nom. Il a une liaison avec Eva (Ute Lemper), une riche propriétaire de galerie qui ignore tout de son passé. Thaddeus est revenu à Santa Monica dans le but de retrouver un autre de ses anciens amants, Jaimie (James Duval), un gigolo qui l’avait profondément ému. Il s'installe chez Allen à qui il demande de l’aider dans sa recherche. Pour cela, bien qu’il y répugne, pour réaliser la dernière volonté de son ancien amant, Allen va se replonger dans les bas-fonds de Los Angeles pour retrouver ce jeune prostitué que Thaddeus voudrait « sauver » avant de quitter ce monde...
L’avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Lorsque l’on a terminé de voir River made to drown in, on ne s’explique pas pourquoi son réalisateur, James Merendino a renié son film et qui est crédité le plus souvent en tant que réalisateur du nom d’Alan Smithee, c’est-à-dire personne. C’est un des patronymes que l’on emploie dans le cinéma américain lorsqu’un cinéaste est en désaccord avec le produit final et ne le reconnaît pas comme étant son œuvre. Je ne sais pas ce qui a poussé le metteur en scène à prendre cette décision mais il n’a aucune honte à avoir pour ce film qui, s’il ne fait pas partie des chefs-d’œuvre du cinéma, ni même du cinéma gay, n’est en rien honteux.
Les deux points forts du film résident dans l’interprétation, sur laquelle je reviendrai, et dans le scénario. Ce dernier explore une relati
on peu vue sur grand écran : celle du gigolo avec son micheton. Ce qui est fort rare, c’est que ce sont surtout les états d’âme du « client » qui sont considérées. Sans avoir mauvais esprit, j’ai tendance à penser qu’il y a plus de cinéastes gays (la remarque qui suit me semble tout aussi pertinente pour leurs collègues hétérosexuels) qui ont endossé le rôle passager de micheton que celui de gigolo, et pourtant la psychologie de « l’acheteur » est quasiment absente du cinéma. En voyant ce énième film qui met en scène la prostitution masculine, je me dis que si un martien cavernicole venait explorer notre planète pour connaître les mœurs de ses habitants, comme le firent jadis le persan de Montesquieux ou le huron de Voltaire, il pourrait croire que la pratique sexuelle des mâles qui aiment les mâles consiste presque exclusivement en des individus entre deux âges assez crapoteux qui achètent les faveurs sexuelles de garçons à la beauté défraîchie.
L'intérêt du scénario est aussi de se centrer sur les relations intimes, sur la tentative de rapprochement et de compréhension mutuelle entre deux écorchés par la vie; très bien transcrite par des dialogues brillants et justes mais malheureusement ceux-ci sont souvent parasité
s par une musique aussi sirupeuse que redondante. River made to drown in apporte un regard clairvoyant sur le rapport qu’entretiennent de jeunes prostitués masculins avec leurs clients  plus âgés.
Ce petit film indépendant non-commercial s'illustre aussi par le talent indéniable de ses comédiens. Alors que Richard Chamberlain dans la plupart de ses films est un acteur assez fade, un peu trop lisse, dans River made to drown in
(son premier film après son coming-out bien tardif) qui est en quelque sorte sa sortie artistique du placard, l’acteur se lâche complètement et cabotine goulûment dans son rôle de précieux gourmé agonisant, tantôt cynique et désespéré, tantôt généreux et désabusé dans lequel il fait beaucoup penser, et c’est un beau compliment, à notre Jean Topart national qui fut dramatiquement sous-employé au cinéma. Ce qui est le plus surprenant et le plus talentueux, c’est que de ce cabotinage naît souvent l’émotion. Mais il n’est pas esseulé dans cette brillante distribution. On y retrouve Michel Imperioli qui depuis a acquis une grande notoriété avec son rôle de Christopher dans Les Soprano et James Duval, acteur fétiche de Greg Araki, que l’on a pu admirer dans Totally fucked’up, Doom Generation et Nowhere.
Si le réalisateur reçoit une bonne aide de son directeur de la photo, Thomas Callaway, dont les angles
de vue, l'utilisation tantôt de la grue, tantôt d’une caméra portée ou le jeu avec les profondeurs de champ, sont souvent inventifs et transcrivent bien par l’image le désordre des vies des personnages, il est en revanche desservi par un montage lourd et sentencieux.
C’est pour finir un film qui nous parle un peu maladroitement, parfois avec emphase de l’inspiration, de la chute des êtres, d’un passage de témoin, d’un relais d’amour...

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Fiche technique :
Avec Jeremy Cooper, Viggo Mortensen, Lindsay Duncan, Sheila Moore, Duncan Fraser, David Longworth et Robert Koons. Réalisation : Philip Ridley. Scénario : Philip Ridley. Directeur de la photographie : Dick Pope. Compositeur : Nick Bicât.
Durée : 95 mn. Disponible en V0, VOST et VF.
Résumé :
Dans l'Amérique rurale des années 50, un enfant rêveur et farceur, élevé par un père violent et une mère abusive, échafaude des hypothèses farfelues à propos des villageois qui l'entourent. Il est ainsi convaincu que la vieille dame qui vit seule sur le bord de la route est un vampire...
L’avis de Jean Yves :
Dans L'enfant miroir tout est vu, d'un bout à l'autre, à travers le regard omniprésent de Seth Dove, sept ans, qui habite le réel à la manière d'une surface réfléchissante.
Le titre anglais – The Reflecting Skin – suggère que la peau figure l'emblème des obsessions sur lesquelles viennent se greffer les péripéties de cette réalisation miroitante comme le soleil dont la course rythme le film.
À la frange du fantastique, du film d'horreur, l'histoire ravive la vérité propre à l'inquiétude enfantine. « L'innocence peut être un enfer », dira un des protagonistes de ce suspense onirique chargé d'angoisse métaphysique.

L'enfer du héros – magistrale interprétation du petit Jeremy Cooper – est nourri de son imagination, fertile autant qu'immature, qui assigne le réel aux fantasmes les plus fous. En retour, la réalité lui renvoie ses images authentiquement cruelles, sa morbidité implacable.
Dans cette campagne américaine de l'Idaho au ciel oppressant, la touffeur des blés est comme une peau épaisse où l'on s'enfonce, où l'on s'échappe, où l'on se dissimule et d'où l'on observe à loisir. Sur ces chemins plats, caillouteux, non encore goudronnés des années 50, qui coupent l'immensité des champs, les gamins s'initient au sadisme sur de monstrueux batraciens (à cet égard, ne rater le prologue à aucun prix).
Ces batraciens sont certes des créatures à la peau plus extensible que celle, transparente et spectrale, de Dolphin Blue (Lindsay Duncan) que le jeune Seth Dove prendra pour un vampire, inconsolable veuve recluse parmi ses reliques dans la mémoire de son amant balayé jadis par le suicide.

Il y a la peau de la mère de l'enfant ravinée, parcourue de tics. La peau du shérif local, criblée d'éclats et cuirassée de prothèses. La peau fragile, érotique, héroïque du frère aîné, Cameron, vétéran épuisé, marqué par la guerre du Japon, et qui lâchera « Dieu, que c'est laid, ici ! », tandis qu'un des enfants court la campagne, enveloppé dans le drapeau américain.
Peau intacte des enfants, à la fois rejetés et convoités, vulnérables et puissants : l'adolescent maléfique en limousine noire promenant son doigt lourdement bagué sur les lèvres muettes de Seth Dove...
Dans ce film où chaque élément entre dans une correspondance secrète, intangible, la peau est la surface irréductible du désir. Elle est le lieu du stigmate, de l'entaille, de l'immolation.
Pompiste de métier par ratage, le père survit à la honte d'une vieille affaire homosexuelle, qu'on s'empresse d'exhumer à la suite de l'assassinat, tour à tour, des compagnons de jeu de son fils.
Il y a aussi cet arrière-plan social : cette Amérique agreste, pudibonde, tassée dans son puritanisme, avec son cortège de préjugés inexpiables, sa violente intolérance, son oppression sociale…

L'enfant miroir est un film d'initiation : à travers ces épreuves horrifiques, Seth conduit tragiquement son propre apprentissage du monde, vivant toutes choses à travers le prisme de son enfance improbable, où pêle-mêle l'angoisse de la mort, la perspective du dépérissement physique, le péril nucléaire (toujours la peau : celle des enfants d'Hiroshima, sur ces clichés que son frère lui montre), la pulsion de meurtre, l'appréhension du sexe... se cristallisent.
Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Joshua Close, Gary Farmer, James Gilpin, Josh Holliday, Mike Lobel, Max McCabe, Stephen McHattie, Andre Noble, Michèle-Barbara Pelletier et Tygh Runyan. Réalisation : Jacob Tierney. Scénario : Jacob Tierney. Images : Gerald Parker. Directeur artistique : Ethan Tobmann.
Durée : 94 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Twist est une réécriture contemporaine et dramatique de l’Oliver Twist de Charles Dickens, transposé dans le milieu des prostitués mâles de Toronto. Le jeune SDF Oliver (Joshua Close), un orphelin homosexuel, fragile et au visage elfique, rencontre Dodge (Nick Stahl) qui lui propose un toit dans l'appartement qu'il partage avec d'autres jeunes. Très vite, il s'aperçoit que tous ces garçons sont des « junkies » qui se prostituent pour le compte du gros Fegin (Gary Farmer). Oliver n'a pas le choix, lui aussi se met à faire le trottoir. Dodge devient le mentor d’Oliver. Il l'instruit sur les plaisirs interdits. Peu à peu, une relation amoureuse entre les deux garçons se dessine... Le film est raconté du point de vue de Dodge.
L’avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Twist, réalisé pour moins de 500 000 $, est la première œuvre de Jacob Tierney. Il a d’abord été acteur, notamment dans le splendide The Neon Bible de Terence Davies en 1997. Comme Scott Silver pour Johns, afin de s'imprégner de cet univers, et de peindre le portrait le plus juste possible de ces garçons perdus, Tierney et Stahl ont séjourné dans le quartier de Toronto où sévit cette prostitution. Nick Stahl déclare : « J'ai observé leurs visages, la manière dont ils se tenaient debout, la manière dont ils se déplaçaient. »  Quand à Tierney, le jeune réalisateur, il explique : « Oliver Twist est un livre incroyablement déprimant et violent. Tous les thèmes abordés par Dickens, l'exploitation de l'enfance, l'abus sexuel, le travail des mineurs, sont des sujets actuels. La prostitution masculine était la transcription la plus directe du milieu décrit par son roman... Presque tous les prostitués que j'ai rencontrés pour documenter cette histoire avaient été victimes d'abus sexuels. Quand on est tombé, c'est difficile de s'en sortir. C'est pourquoi je n'étais pas d'accord pour que l'angélique Oliver de Dickens s'en sorte et pas les autres... Nick joue Dodge parce que j'ai écrit ce rôle pour lui et il a suivi ce projet auquel il était très attaché. C'est mon meilleur ami et nous étions colocataires quand je vivais à Los Angeles... » On a aperçu Nick Stalh, entre autre, dans Bully, Terminator 3, La Ligne rouge, L’Homme sans visage, Sin City... Contrairement à River Phoenix, on ne peut pas s’empêcher de penser à My Own Private Idao (mais aussi à Sugar), dont le corps se féminisait devant la caméra. Stahl assume – lui – sa virilité d’acteur certes sensible mais structuré grâce à son corps massif. Il y a du Brando première période chez lui et c’est tout le film qui s’en trouve influencé.
La principale bonne idée du film est d’avoir centré l’intrigue sur Dodge et non sur Oliver comme dans le roman, ce qui nous évite une version attendue comme celle de Polanski qui paradoxalement est beaucoup moins fidèle à l’esprit de Dickens que Twist. Le cinéaste justifie de manière convaincante cette infidélité dans la forme : « J'ai relu le livre en cherchant ce qui était occulté. Raconter l'histoire du point de vue de Dodge signifiait que je devais lui créer un passé, ce qui donne une autre perspective à l'histoire. Dickens racontait l'histoire à travers les yeux de ce parfait enfant et je la raconte à travers ceux d'un enfant des rues, junkie et prostitué qui rencontre un enfant au visage d'ange. »
Le réalisateur a demandé à son directeur de la photo, Gérald Packer, et à Ethan Tobmann, le directeur artistique, de construire à l'aide de lumières et de décors très froids un univers où l'amour n'a pas sa place. La lumière blafarde et les tons délavés dans des bleus et bruns éteints transcrivent l’état d’esprit des personnages, de même que la propension à laisser vide le centre du cadre évoque la vacuité de leur âme. Les premières images, l'atmosphère glauque et morbide d'une chambre de motel, d'un coin de ruelle à la tombée de la nuit, plantent le décor. C'est dans cette grisaille du quotidien, dans la froidure de la nuit, dans la lumière vacillante des halos, dans l'ombre… que tout se déroule. Les jeux de lumières donnent au récit des teintes maladives et lugubres.
Le café est le rare endroit où Oliver trouve un peu de chaleur humaine que lui procure Nancy, une serveuse enceinte, admirablement interprétée par Michèle-Barbara Pelletier. Sorte de grande sœur improvisée et protectrice, elle est une oasis de bonheur volé à la désespérance des jours. Son destin tragique sonnera le glas de ces vivants en rémission. « C'était un rôle minuscule quand j'ai lu le scénario, relate la comédienne, mais en voyant le film, ce rôle est devenu très important. »
Au fur et à mesure que l’innocence d'Oliver, qui fascinait tant Dodge, se désagrège, les deux garçons se confronteront à leurs propres démons intérieurs. Oliver tentera d'exprimer son désir pour Dodge qui le refusera, traumatisé par les souvenirs trop violents des abus sexuels subis durant son enfance. Mais contrairement à la fin heureuse du roman de Dickens, les deux plans extrêmes du film, l'ouverture et le final, démontrent qu'Oliver n'échappera pas à son destin.
Et l'on se prend à en vouloir à tous ceux qui, avant, les auront abîmés : le père et le frère de Dodge ; la mère d'Oliver, partie trop tôt ; le sénateur, son grand-père en fait, qui le recherche puis le renie. Même Fagin le souteneur – un substitut paternel plus qu'un profiteur, puisqu'il recueille ces jeunes et leur rappelle les règles du jeu – disparaîtra aussi.
Une des grandes forces du film réside dans ses personnages secondaires, en particulier dans celui de Fagin, homme répugnant en apparence qui n’en demeure pas moins touchant dans sa relation empreinte de tendresse et de culpabilité envers les jeunes garçons qu’il met sur le trottoir ; c’est dans ses failles et ses contradictions qu’il révèle le mieux son humanité à l’image de tous les autres protagonistes du film. Ce côté humain est avant tout dû au choix du comédien, l'Indien mystérieux de Dead Man : Gary Farmer.
Tourné dans les ruelles de Toronto, Twist est une œuvre convaincante, qui nous plonge dans le monde de la prostitution masculine. Il est dommage que les références très appuyées à Macadam cow-boy donnent ainsi par moments l’impression d’être devant une version « jeune » du film de Schlesinger.
Le parti pris de ne pas montrer est  omniprésent. Il est parfois très efficace comme pour ce Bill, figure menaçante qu’on ne verra jamais, mais il peut être aussi contre-productif. Comment montrer l’horreur physique de la prostitution, sans jamais montrer une scène de sexe ?
La photographie est très soignée, rendant le film techniquement irréprochable. Cependant un montage plus rapide aurait amélioré le film, surtout dans sa première partie. La très belle chanson originale du film, Pantaloon in Black due à Ron Proulx et Jacob Tierney, a obtenu le prix de la meilleure chanson originale aux Genies, l’équivalent de nos Césars au Canada.
Tierney a su s’approprier l’œuvre de Dickens en la transposant dans un nouveau milieu, mais également en faisant de Dodge le personnage principal ; en nous faisant comprendre son parcours et sa détresse. La scène finale boucle la boucle. Twist se termine là où il a commencé : dans la lumière froide d’une chambre de motel, à la fin d’une passe banale. Seul le garçon a changé. Elle montre l'impasse dans laquelle se trouvent les personnages et l’impossibilité qu’ils puissent être sauvés. Tout ce qui s'est passé avec Dodge, va se reproduire avec Oliver…
Ce film est une parabole sur la perte de l'innocence, et non sur la rédemption.
Le DVD est édité par Antiprod, qui a eu la bonne idée d’ajouter à Twist un court-métrage, « Élève-toi », traitant du même thème et se déroulant aussi à Toronto.

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Fiche technique :
Avec Rodolphe Marconi, Andrea Necci, Echo Danon, Orietta Gianjorio, Hervé Brunon, Tomazo d’Ulisia, Marie Teresa De Belis et Irène d’Agostino. Réalisation : Rodolphe Marconi. Scénario : Rodolphe Marconi. Images : Duccio Cimatti. Montage : Isabelle Devinck. Musique : Bruno Alesiu.
Durée : 96 mn. Disponible en VF.
Résumé :
Bruce (Rodolphe Marconi), jeune cinéaste français, débarque à Rome pour un an comme pensionnaire à la Villa Médicis. Son frère, dont on devine qu’il fut un écrivain connu, est mort ; sa petite amie semble avoir rompu avec lui. À la villa Médicis sont logés de jeunes artistes, sélectionnés sur concours et pris en charge pendant un an, avec pour seule obligation de se consacrer entièrement à leur art. Au fil des jours, coupé du monde et de ses repaires habituels, Bruce apprend à vivre dans ce décor imposant, entre le palais solennel et les jardins mystérieux. Il est rapidement approché par Matteo (Andrea Necci), stagiaire à l’administration de la Villa. Le jeune Italien, qui veut devenir écrivain, lui rappelle étrangement son frère disparu. Matteo fait découvrir Rome à Bruce, le séduit, s'impose en douceur. Mais lorsque Bruce semble prêt pour vivre quelque chose qui ressemblerait à une histoire d'amour, Matteo se dérobe. Bruce se révolte. Finalement, ils couchent ensemble. Mais aussitôt après, Matteo cesse totalement de donner signe de vie. Lassé d'appeler en vain, Bruce commence à suivre et épier son amant...
L’avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
L’amour comme souffrance, comme obsession autodestructrice, avec des relents de perversion dans une pérégrination romaine maniérée et mystico-érotique d'un nostalgique de la nouvelle vague parisienne qui aurait lu Stendhal et Oscar Wilde. Un film qui agace, surtout s’agissant d’une histoire homosexuelle mal assumée. On craint au début une Auberge espagnole intello mais, heureusement, notre cinéaste ne trouve pas les autres pensionnaires sympathiques. Tout ce petit monde s’évite et l’atmosphère reste glaciale…
Défense d’aimer a été réalisé lors du propre séjour du cinéaste à la villa Médicis. C’est en fait le premier long métrage du cinéaste, bien que sorti après Ceci est mon corps ! La figure christique semble tarauder le garçon, elle est récurrente dans le film ainsi que la symbolique de la passion qu’il utilise au premier degré.
Rome, décor théorique du film, est montrée de façon assez inattendue pour ce qui est des monuments les plus connus, mais on ne voit pas la rue, on ne sent pas l’ambiance. Les bars dans lesquels traîne Bruce, qui boit beaucoup, pourraient se trouver n’importe où dans le monde : la musique, le décor, tout semble interchangeable. Ce qui semble avoir fasciné Rodolphe Marconi, c’est la villa Médicis par elle-même et surtout ses jardins remarquablement bien filmés. Il parvient à leur donner un mystère digne de ceux du presbytère de La Chambre jaune. Défense d’aimer acquiert ainsi un intérêt documentaire inattendu car, c’est à ma connaissance, le seul film de fiction jamais tourné à la villa Médicis dont peu d’images sont disponibles.
Le scénario emprunte à la tragédie classique ses grands thèmes : choix cornélien, jalousie, issue fatale, sans les renouveler ni éviter le pathos.
Les personnages secondaires sont souvent touchants, en particulier cette Irène, petit oiseau fragile et ravagé, qu’on aperçoit que de façon fugitive, ou encore Aston, la new-yorkaise fan des serial killer, dont l’interprétation, malgré le côté caricatural et improbable du personnage, parvient à être crédible. Le spectateur espère alors que l'amitié du héros avec la romancière fascinée par les criminels va redonner à l'œuvre un élan. Malheureusement, le film touche à sa fin.
Le cinéaste abandonne trop vite ses personnages secondaires. Le film, visiblement autobiographique, est cannibalisé par le narcissisme de son auteur qui le ramène toujours à son pénible mal de vivre. C’est surtout l’interprétation des deux personnages principaux qui navre. Au lieu de rester sagement derrière la caméra comme il le fera dans son film suivant, le trop méconnu Le Dernier jour (2004), Rodolphe Marconi a eu la très fâcheuse idée d’interpréter Bruce. Son jeu hésite continuellement entre la maladresse et le cabotinage, comme quoi il est bien difficile de jouer son propre rôle. À sa décharge, il a du endosser le rôle en raison de la défection de dernière minute du comédien pressenti. Il manque en particulier au personnage de Bruce, une ou deux scènes dans lesquelles il exprimerait vraiment son mal de vivre. Le drame qu’entend relater Rodolphe Marconi manque d’intensité. Cette mollesse est contredite par une fin aussi brutale que dramatique que rien n’amène vraiment. Il y a toutefois quelques séquences esthétiquement très réussies comme cette belle scène d’amour entre les deux hommes, filmée comme un tableau, sur la musique de… la Passion selon Saint Mathieu.
Le film vaut surtout pour ses qualités de mise en scène. On a le sentiment que l’image prime toujours sur le scénario (étique) dans la mouvance de Claire Denis et de son Beau travail et des films de Tsai Ming-Liang, mais Rodolphe Marconi ne possède pas le subtil érotisme de ce dernier. Le réalisateur a privilégié les scènes de nuit. L’image revendique un esthétisme un peu trop présent avec ses flous fréquents, la dominante ocre des scènes de jour et ses beaux mouvements de caméra.
La beauté des images ne parvient pas à sauver le film, tant le cinéaste s’est désintéressé par nombrilisme de son histoire qui manque autant de consistance que d’originalité.
Mais il ne faut pas en vouloir à Rodolphe Marconi : voilà un monsieur à qui l’on offre aux frais de la princesse (le contribuable) un an de villégiature à Rome dans un palais. En quittant Paris, il s’est fait larguer par son petit ami (l’autobiographie a ses limites !). Mauvaise fille, il trouve ses camarades de trimard infréquentables et de la dernière vulgarité, donc il s’ennuie (s’ennuyer à Rome, à la villa Médicis, m’aurait fait douter de la qualité du personnage si je n’avais pas vu son opus suivant). À la fenêtre de sa geôle romaine, il fantasme sur le jardinier qui taille torse nu les buis, ce qu’il transpose pour notre malheur en un plumitif évanescent… La barbe soit de l’autofiction !
En résumé, on est content que Rodolphe Marconi se soit occupé pendant son séjour romain mais était-il besoin pour cela de nous ennuyer, nous cinéphiles ?

L'avis de Petit Ian :
À l'instar du sujet, le scénario de Défense d'aimer est classique et conforme aux règles communes de la tragédie (choix cornélien, jalousie, issue fatale). Pourtant, on aurait tort de réduire le deuxième film de Rodolphe Marconi au pathos.
Défense d'aimer est une magnifique démonstration des qualités de metteur en scène dont est doué Rodolphe Marconi. Au risque d'offusquer les véritables romanciers (mais ceux-là n'ont pas compris/admis que la beauté de l'image prime désormais sur le verbe et que cette tendance – on la trouve notamment chez Claire Denis, Christophe Honoré, et bien sûr chez nos précurseurs de la « Nouvelle vague asiatique » – est l'avenir du septième art), toute la grandeur du film réside en son esthétisme.
Le cinéma fait des fashion victimes. Le paraître y est aujourd'hui critère de qualité. Le fond de Défense d'aimer est un assomoir. Pour autant, la forme n'est pas trompeuse. (Il serait regrettable de n'avoir que des drames sociaux – dont, ailleurs, je suis friand ! – à la plastique sciemment négligée, au service du réalisme.) Ainsi, les exemples ne manquent pas. Sensuel, avec ce magnifique long plan sur une jeune fille émoustillée par El Desierto de Lhasa, ou l'étreinte charnelle des deux garçons (le réalisateur a choisi de la filmer avec autant de pudeur que d'intensité et celle-ci s'avère particulièrement réussie). Beaucoup de scènes de nuit, évidemment, de flous, de mouvements de caméras, et l'excellent choix de mettre en valeur la couleur ocre.
Quelques axes de narration sont suggérés par la représentation de personnages souffrant, puis délaissés : c'est le cas du malade qui refuse l'aide des « infirmières », de la serveuse que Bruce fait redescendre sur Terre, de la fan de Lhasa... Ce n'est pas la peur de l'éparpillement qui a fait renoncer Rodolphe Marconi au développement des autres protagonistes, mais l'inévitable nombrilisme d'une oeuvre semi-autobiographique où la souffrance passionnelle est reine. D'où, il est vrai, la perte d'intérêt pour la directive narratrice, manquant de consistance et d'originalité. Et les regrets d'un début remarquable.
C'est peut-être l'« amitié » du héros avec la romancière fascinée par les criminels qui redonne à l'œuvre son élan. Malheureusement, le film touche à sa fin (et quelle fin décevante !) et l'on se dit qu'une heure et demi, c'est tout de même bien court : oui, on regoûterait bien à la beauté de l'image.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Dustin Hoffman, Jessica Lange, Teri Garr, Bill Murray, Charles Durning, Dabney Coleman, Sydney Polla
ck, George Gaynes, Geena Davis, Doris Belack, Ellen Foley et Peter Gatto. Réalisé par Sydney Pollack. Scénario : Larry Gelbart, Barry Levinson, Elaine May et Murray Schisgal.  Directeur de la photographie : Owen Roizman. Compositeur : Dave Grusin, Alan Bergman et Marilyn Bergman.
Durée : 117 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
Michael Dorsey, acteur exigeant sur le déclin, désespère de décrocher à nouveau un rôle. Sans trop y croire, il décide alors de se créer une nouvelle personnalité : il sera Dorothy Michaels, une femme dotée d'une forte personnalité. Or son déguisement va non seulement lui permettre de jouer dans une série télévisée, mais même lui attirer un vrai public de fans. Si ce nouveau statut n'est pas pour lui déplaire, il se trouve bientôt confronté à un dilemme difficile : comment avouer à sa collègue Julie Nichols, qui a fait de lui sa confidente, qu'il est en réalité un travesti amoureux d'elle ?
L'avis de Jean Yves :
Tootsie, incursion de Sydney Pollack dans la comédie, repose essentiellement sur l'immense talent de Dustin Hoffman, aussi à l'aise en femme qu'en homme.
Un comédien considéré comme génial (Dustin Hoffman) est mis à l'index de la profession en raison de sa réputation d'empêcheur de tourner en rond, de son intransigeance et de son mauvais caractère : il est condamné à ne plus pouvoir travailler. Il lui vient alors l'astuce de postuler, incognito et parfaitement travesti, un rôle féminin dans un feuilleton médical pour la télévision ; Michaël devient ainsi Dorothy.
Dustin Hoffman aux prises avec le dilemme de la femme, « séduire ou crever », domine la situation avec un aplomb stupéfiant : sa transformation est éclatante, de la pointe du soutien-gorge au vernis à ongles, beaucoup plus trouble que celui de Julie Andrews de Victoria en Victor.
Grâce à son jeu, de nombreuses scènes sont franchement drôles, notamment celles qui couvrent les inévitables mouvements d'ambiguïté provoqués par la métamorphose :
« Es-tu gay ? » lui demande-t-on.
« Dans quel sens ? » répond Dustin, qui doit affronter la double suspicion qui pèse sur lui.
Être pris pour une lesbienne quand il est femme, voir son meilleur ami (le seul dans la confidence) se demander s'il n'est pas devenu pédé pour se complaire ainsi dans le travestissement : « Il y a une femme en moi, je la sens profondément. », ajoute Dustin pour aggraver son cas…

Le problème, dans ce genre de film reposant sur un prétexte plus ou moins crédible, source potentielle de gags, est de ne pas se perdre dans les innombrables possibilités ainsi offertes. Tootsie part un peu dans toutes les directions sans les exploiter vraiment et eût gagné à un peu plus de concision. La manière de « tuer » le personnage de Dorothy qui devient une charge insupportable pour son propre créateur est assez décevante. Tout va bien, tant que l'on en reste au prétexte c'est à dire tant que Michaël berne tout le monde sans en mesurer toutes les conséquences…
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Edward D. Wood Jr, Bela Lugosi, Dolores Fuller, Lyle Talbot, Timothy Farrell, Tommy Haynes et Charles Carfts. Réalisé par Ed Wood. Scénario : Edward D. Wood Jr..
Durée : 67 mn. Disponible en VO et VOST.

Résumé :
La lutte intérieure d'un être pour savoir qui l'emportera en lui, l'homme ou la femme.


L'avis de Philippe Serve :
C'est une affaire entendue, Edward D. Wood Jr est définitivement considéré comme « le plus mauvais réalisateur » de l'Histoire du cinéma et ses films les pires jamais tournés. Et comme la nullité n'attend pas le nombre des années, Glen or Glenda, son premier opus, frappait déjà très fort.
Et pourtant… Malgré une réalisation catastrophique, des dialogues indigents, une interprétation inexistante (Ed Wood, jouant sous le pseudo de Daniel Davis, s'avère de loin l'acteur le plus « naturel ») et des « trouvailles » confondantes, Glen or Glenda mérite mieux que d'être rejeté définitivement dans les poubelles de l'Histoire. Ne serait-ce que par son audace scénaristique.
Nous sommes en 1953, en pleine période de guerre froide et de conservatisme politique mais aussi et peut-être surtout moral. L'homosexualité est tabou et tout ce qui pourrait y faire ouvertement allusion banni d'Hollywood où les cinéastes se retrouvent dans l'obligation de multiplier ellipses et sous-entendus tandis que les acteurs cachent leur « déviance », tel Ro
ck Hudson (voir sur cette période l'excellent documentaire de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, The Celluloid Closet, 1995). Et voilà qu'un total inconnu, un rêveur, un doux dingue qui souhaite juste « raconter des histoires » comme le lui fera dire Tim Burton dans son superbe film-hommage Ed Wood (1994), voilà que ce type sorti de nulle part se lance dans un vibrant plaidoyer en forme de (faux) documentaire sur la noblesse du tavestisme dont il était lui-même adepte. Afin de bien enfoncer le clou de ce film autobiographique, il joue lui-même le « héros » et engage à ses côtés sa petite amie actrice Dolores Fuller,  le vétéran de deuxième zone Lyle Talbot et surtout Be'la Ferenc Dezso Blasko alias Bela Lugosi, l'éternel Dracula (Todd Browning, 1930) devenu un « has been » morphinomane ! Oui, il fallait un certain courage pour oser ainsi affronter l'Amérique bien pensante et puritaine d'Eisenhower. On peut donc se moquer du cinéaste Ed Wood mais plus difficilement de l'homme qui eut le mérite, au moins dans son premier film, de parler d'un sujet plus que tabou. Si Ed Wood avait été un grand réalisateur, son film eût été de toutes manières un échec à l'époque, le public n'étant pas prêt à l'accepter. Le film serait alors devenu culte avec le temps. Ironie suprême : Glen or Glenda et son auteur finirent tout de même par atteindre à la célébrité et au mythe, mais pour des raisons totalement inverses !
Si le discours tenu par Ed Wood dans son film tient à peu près la route avec son hymne à la tolérance et son « cours » délivré par le psy sur le travestisme, l'hermaphrodisme et le pseudo-hermaphrodisme, la forme, elle, empile les catastrophes. À commencer par Bela Lugosi dans le rôle d'un… d'un quoi exactement ? Le générique le qualifie de « scientifique » mais il apparaît ailleurs en tant qu'« esprit ». Certains y ont vu Dieu lui-même. En fait, il représente celui qui tire les ficelles de l'histoire (« Pull the strings ! Pull the strings ! » hurle-t-il sur fond de charge incongrue d'un troupeau de buffles !). Il surjoue tellement que le spectateur ne peut que s'interroger : s'autocaricature-t-il en pleine conscience ? La réponse, hélas, s'avère négative. Mais qui ne se délectera de l'entendre avertir de son inimitable accent hongrois : « Beware ! Beware ! » (prononcez ici « Bivère ! ») avant de l'écouter, subjugué, se lancer dans un discours inoubliable : « Prenez garde au gros dragon vert assis sur votre seuil. Il mange les petits garçons, la queue des petits chiots et les escargots gras ! Bivère ! Take care ! Bivère ! », le tout sur force grondement de tonnerre… Du grand art dans le genre !
Aux séquences Bela Lugosi intercalées tout au long du film, Ed Wood ajoute des inserts tous plus improbables les uns que les autres (éclairs orageux, trafic autoroutier), composés de « sto
ck shots » abandonnés par les studios (images de guerre). On peut d'ailleurs penser qu'il écrivit en partie son scénario à partir de la pellicule qu'on lui avait donné. Ainsi de cette scène où se succède des plans d'une usine de fonderie tandis que deux ouvriers discutent en voix off des problèmes posés par le changement de sexe et la tolérance à y porter. Ed Wood n'hésite pas non plus à réutiliser les mêmes plans à quelques minutes d'intervalle. Comme dans tous ses films, les décors sont d'une pauvreté extraordinaire, le sommet étant sans doute atteint avec son autre « chef d'œuvre » : Plan 9 From Outer Space (1959).
Le plus étonnant reste cette longue séquence de rêve où Ed Wood parvient à faire toujours plus incroyable que le plan précédent. Après une allégorie montrant la fiancée de Glen écrasée par un arbre dans… le salon (!) et que Glenda ne parvient pas à secourir mais que Glen, lui, sauve, le spectateur assiste, médusé, à une scène de mariage avec pasteur secondé par un démon à cornes, une succession de plans présentant des femmes plus ou moins dénudées (mais toujours « décentes ») se faisant fouettées ou se contorsionnant avec sensualité (?) sur un divan (l'une d'elles ressemble à la future Marilyn Monroe), tout ça sur une musique passant allégrement du jazz à la musique russe via le tango. Puis Glen se retrouve chez lui montré du doigt par une foule menaçante de gens qui l'entourent (dont le démon à cornes). Sa métamorphose en Glenda les repousse, scène filmée au ralenti avec musique sirupeuse…
D'une certaine manière, il faut le voir pour le croire.
La solution au problème posé à ceux qui souffrent de « double personnalités » et de travestisme ? L'Amour, nous répond ce rêveur de Ed Wood. Avec sa femme Barbara qui lui offre enfin son pull angora dont il rêvait tant, Glen trouve une « sœur, une mère et Glenda toutes réunies ».


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Fiche technique :
Avec Alex Dimitriades, Paul Gapsis et Julian Garner. Réalisé par Ana Kokkinos. Scénario de Ana Kokkinos, d’après le roman de Christos Tsiolkas.
Durée : 105 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Ari s'ennuie, Ari se rebelle contre ses parents dont l'ambition est de le voir travailler, étudier, se marier. Les conversations de son frère étudiant l'ennuie, ses amis l'ennuient. Bref, il fuit l'hypocrisie. Il sort toute la nuit, toutes les nuits... Head on, à pleins tubes.
L'avis de Francis Lamberg (la lucarne) :
Head On, sélectionné en 1999 pour la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, est le premier long-métrage d'Ana Kokkinos. Cette réalisatrice australienne de courts et moyens métrages (Antamosi, Only the brave…), et de séries pour la télé de son pays (Eugénie Sandler P.I., The secret life of us, Young lions…) n'a donc réalisé son premier long-métrage qu'à 45 ans. D'après Loaded, roman de Christos Tsiolkas , Head On nous plonge de plein fouet, pendant 24 heures, dans la vie d'Ari, 20 ans, fils d'immigré Grec et homosexuel. Ari est un jeune homme plein de vie qui revendique une homosexualité virile. Il va sans but mais avec ambition. Cet être complexe et explosif est superbement interprété par Alex Dimitriades (vu dans Hartley cœur à vif). Funambule sur le fil du rasoir aiguisé par ses identités, il se lance à pleins tubes dans la vie. Il cloisonne les inconciliables mais les cloisons qu'il dresse sont fines et perméables… Amoureux et révolté, pédé pervers pour les Grecs et métèque barbare pour les Australiens bon teint, Ari transforme la drogue, le sexe et la provocation en exutoires de sa colère : « La liberté, certains en parlent d'autres la vivent. » En conflit avec les autres, il l'est aussi et surtout avec lui-même. Capable que de sexe furtif et violent, Ari ne saura pas se maîtriser quand l'amour se présentera à lui…
Instantané du mal de vivre d'une génération sacrifiée, perdue entre les valeurs des parents et le racisme de la société, Head On est également une illustration brillamment moderne du conflit des générations. Ce film bien de son temps pose sans onanisme intellectuel des questions d'actualité : Comment se situer par rapport à ses origines ? Que faire de l'héritage culturel qui en découle ? Comment envisager le futur quand on réfute les modèles de son entourage ? Les « deuxièmes générations » sont-elles toujours des générations sacrifiées, sous toutes les latitudes ? Tantôt envoûtant, tantôt frénétique, ce film au budget modeste et tourné presque entièrement caméra à la main, a le rythme de son unité de temps et le tempo de son antihéros. Quelques plans sont esthétiquement intéressants, certaines scènes sont de vrais moments de grâce (la danse traditionnelle en famille, dans la cuisine) et le ralenti est utilisé modérément et avec beaucoup d'à propos. La beauté fragile et polymorphe, et la sensuelle voix fêlée de l'acteur principal ne sont pas pour rien dans la justesse et l'émotion du film. Alex Dimitriades possède un jeu subtil, sur le fil comme l'exige le rôle, qui nous fait oublier la légère mais perceptible dissonance entre l'âge du personnage et celui de l'interprète. Tous les acteurs donnent le ton juste à leur interprétation. Le rôle du travesti (le seul vrai révolté « jusqu'au boutiste ») est également remarquable. La situation et le personnage passionnants sont filmés et interprétés avec passion.
« Je suis contente du film. Je voulais réaliser un film qui s'inscrit dans un contexte socioculturel bien spécifique mais qui, en même temps, aborde des thèmes universels et accessibles. Le film traite de la famille, du fait d'être jeune, sans repère, en conflit avec son environnement, d'essayer de donner un sens à ce que l'on est, de vouloir vivre des expériences et prendre des risques. La plupart d'entre nous est passé par-là à un moment de son existence. Je voulais aussi donner au public une expérience vécue de "plein fouet" et je pense que nous avons réussi. » Ana Kokkinos, réalisatrice.
« Je suis un marin et une pute. » Ari, personnage.

BONUS
CONTACT (un film de Kieran Calvin – Australie – 17 min) : Après la mort accidentelle de son amant, Paul passe quelques jours dans sa famille. En allant à la plage, il découvre que les toilettes servent de lieu de rencontres entre garçons…
Pour plus d’informations :



Fiche technique :
Avec Tom Cruise, Bard Pitt, Stephen Rea, Kirsten Dunst, Christian Slater, Antonio Banderas, Thandie Newton et Laure Marsac. Réalisé par Neil Jordan. Scénario : Anne Rice, d’après son roman. Directeur de la photographie : Philippe Rousselot. Compositeur : Elliot Goldenthal.
Durée : 123 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
San Francisco dans les années 90. Un jeune journaliste, Malloy, s'entretient dans une chambre avec un homme élégant, à l'allure aristocratique et au visage blafard, Louis, qui lui fait de bien étranges confidences. Malloy, subjugué par la séduction de son interlocuteur lui demande, à l'aube, de le faire pénétrer dans son monde, celui des vampires.
L'avis de Philippe Serve :
Un film étrange. Réussi, que j'ai même revu non sans un certain plaisir et qui, pourtant, m'a laissé à chaque fois étrangement « froid », distant. Sans doute la faute à un esthétisme trop léché et à une sophistication qui « gèle » les sentiments du spectateur que je suis, et surtout empêche tout sentiment de peur, d'angoisse, voire de dégoût habituellement associé au genre…
Dommage. Car le scénario, dû à la romancière Anne Rice d'après son livre culte, est brillant et les personnages très intéressants. Beaucoup plus que celui de Lestat (finalement sans grande surprise), ceux de Louis et de la jeune Claudia (Kirsten Dunst) ont retenu toute mon attention…
Louis a ceci de passionnant qu'il ne peut se débarrasser d'un reste d'humanité en lui. Celle-ci s'exprime dans son horreur de toute souffrance, beaucoup plus celle des autres que la sienne propre. Évidemment, pour un vampire, une telle attitude ne peut que générer un certain conflit existentiel… À la fois fasciné et terrifié par le caractère « sans foi ni loi » de Lestat, Louis ne se sent à sa place ni dans le monde des vivants auquel il n'appartient plus, ni dans le « demi-monde ». D'où une constante hésitation sur les choix à faire et les ruptures à consommer (entre autres consommations…..). Sous l'emprise de Lestat, il se fait protecteur de la jeune Claudia à son tour vampirisée avant de tomber sous son charme et ses manigances. De même, il cèdera « mollement » à la séduction d'Armand (Antonio Banderas), le Vampire français du 19e siècle… On est loin du vampire triomphant et sûr de lui…
Claudia est assez fascinante. Sa transformation psychologique, une fois « vampirisée », est spectaculaire. C'est elle qui, souvent de sa propre initiative, va « rabattre » les futures victimes de Lestat et Louis. Les années et les siècles passant, elle garde son enveloppe de petite fille et de jolie poupée aux boucles blondes, tel que l'a voulue Lestat. Sa tentative de rébellion aboutit à une belle scène de cruauté où elle « tue » Lestat (plus symboliquement que pour de vrai) ce qui ressemble à un parricide… Mais là encore (tout comme sa fin tragique) ce qui aurait dû constituer un moment fort du film, voire de terreur, m'a laissé certes attentif mais « froid ». Si je compare Entretien avec un vampire avec les autres grands films du genre, la différence est vraiment très nette. Sans parler de l'extraordinaire Nosferatu, le Vampire de F.W. Murnau ou de son excellent remake Nosferatu, Vampire de la nuit de Werner Herzog, ou bien encore du captivant Vampyr de C.T.Dreyer, je pense surtout au Dracula de F.F. Coppola. Ce dernier film aussi force beaucoup sur l'esthétisme, la sophistication extrême et le dandysme du vampire. Mais l'œuvre de Coppola, à l'inverse de celui de Neil Jordan, envoûte et fait peur… L'aspect sexuel du film (donnée fondamentale des histoires de vampires) y est aussi beaucoup plus fort et exacerbé. Ici, les rapports des personnages, qu'ils soient hétérosexuels (à tendance pédophile) entre Louis et Claudia, ou homosexuels (Louis et Lestat, puis Louis et Armand) ne sont guère empreints de sensualité et, finalement, tapent à côté de la plaque…
Reste donc encore une fois la force du scénario, de certains personnages et une indéniable qualité picturale. L'interprétation est très bonne sans être exceptionnelle.
Un film à voir tout de même !

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Fiche technique :
Avec Peter Weller, Ian Holm, Judy Davis, Julian Sands, Roy Scheider, Monique Mercure, Nicholas Campbell, Joseph Scoren et Robert Silverman. Réalisé par David Cronenberg. Scénario : David Cronenberg, d’après l’œuvre de William S. Burroughs. Directeur de la photographie : Peter Suschitzky. Compositeur : Ornette Coleman et Howard Shore.
Durée : 115 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
Un junkie repenti, recycle dans l'extermination des cafards et autres cancrelats, tue sa femme accidentellement après l'avoir surprise faisant l'amour avec leurs deux meilleurs amis.
L'avis de Jean Yves :
1953, New York. Intellectuel et drogué, Bill Lee gagne sa vie en tuant des cafards. Il voudrait abandonner la drogue dont Joan, sa femme, ne peut plus se passer puisqu'elle se défonce même à l'insecticide. Ses amis Hank et Martin le poussent à écrire mais il est victime d'hallucinations : un être étrange, le mugwump, le tient en son pouvoir. Il découvre que Joan couche avec leurs deux meilleurs amis et la tue accidentellement d'une balle dans la tête.
David Cronenberg a parfaitement compris que William Burroughs n'a jamais écrit qu'un seul livre : épars, fragmentaire, disséminé sous la multiplicité des titres, et dans l'éclectisme formel proprement vertigineux qui est le sien.

L'adaptation du Festin nu est délibérément infidèle à ce roman que l'écrivain américain a rédigé en 1956, plus ou moins en collaboration avec Kerouac et Ginsberg.
David Cronenberg oppose sa version métaphorique d'un univers où homosexualité, complot planétaire et drogues dures assurent la trinité fondatrice.
Le film Le festin nu est bien, accessoirement, l'adaptation du livre du même nom : mais c'est surtout, transposée dans la luxuriance de l'image, la restitution scrupuleuse de ce flot jaculatoire de la langue. Celle des Garçons sauvages mais aussi bien celle d'Exterminateur, de Queer, où Cronenberg puise sans compter.
D'ailleurs, David Cronenberg n'a pas attendu Naked Lunch (titre original du film) pour piller allègrement Burroughs : fascination pour la violence sexuelle, les mutations génétiques, les insectes... Même goût pour un fantastique cauchemardesque, érotisé.
Bref, le film, à la fois hors du livre et dans le livre, appartient surtout à la même constellation mythologique, dans un espace d'écriture à géométrie variable. D'où, également, ces emprunts d'un certain nombre d'éléments à la biographie de l'écrivain. En particulier le drame de la mort accidentelle de Joan, sa femme, en septembre 1951 : au jeu de Guillaume Tell, un verre sur la tête, en plein Mexique : William releva le défi, mais en pointant le colt 45 un peu trop bas... Homicide involontaire. Burroughs, aussitôt, replongeait dans la morphine.

Cet épisode, chez Cronenberg, revient aux deux bouts du film, à la façon dont un cauchemar se répète.
Le héros, Bill Lee, gagnera la frontière de l' « Annexie » au volant d'un étrange véhicule, à la fois futuriste et archaïque : des sentinelles en chapka exigent alors de lui la preuve qu'il est bien écrivain – l'auteur de ce rapport improbable baptisé Le festin nu. Bill Lee exhibe son stylo : l'arme parfaite pour shooter son épouse. La vocation trempée dans le sang de la Femme ? Ou bien l'écriture pour exorciser son meurtre ?
William Burroughs se définit comme un écrivain homosexuel (il ira même jusqu'à rêver d'un État utopique de nature exclusivement homo, régi et défendu par des lois anti-hétéros, une police et des tribunaux gays). On peut même dire que la fantasmatique de l'acte homosexuel (à travers la torture, la sodomie, la décharge de sperme, assimilée à l'infection de drogue, etc.) atteint chez lui à une dimension poétique absolue. Visionnaire tragique, toute l'œuvre de William Burroughs peut être lue comme une prémonition apocalyptique du sida. C'est là que se situe la fracture : Lee, dans le film, cerné par les gigolos, les michetons, les transsexuels, est comme étranger à sa propre homosexualité. Elle ne le concerne pas.
Il la vit comme une conduite passive, opportuniste. « L'homosexualité est la meilleure des couvertures qu'un agent puisse avoir », lui assure-t-on. Stratégie d'espion, donc, les pulsions du héros font partie de son contrat. Dans le film, toute l'intrigue est recentrée autour de lui, la narration s'aligne sur son périple, de manière beaucoup plus classique que dans le livre.
Lee, l'exterminateur de parasites assassins en cavale dans « l'Interzone » de Tanger, se croira (réalité, hallucination ?) investi à ses dépens d'une mission de noyautage, commanditée par une puissance étrangère : ses amis écrivains en feront les frais. Il reçoit ses ordres par l'entremise de sa machine à écrire, transformée au gré de ses visions en cafard-anus ou en mille-pattes érectile, créatures microphonées dans la voix desquels on reconnaît sans peine le timbre fameux de Burroughs en personne : pis, bites, étrons, tétons, ces muqueuses mobiles sécrètent paroles ou semence – c'est tout comme.
Le coup de génie de David Cronenberg : avoir identifié la loghorrée à l'éjaculation, l'insecticide à la poudre hallucinogène. Avoir transposé le porno dans le fantasme, substitué aux lieux emblématiques une topologie onirique : irréalité de New York, Tanger autarcique et nocturne. Cronenberg a joué à fond la carte métaphorique.
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