Dimanche dernier, dans le château qui accueille mon exil nantais, trois autres exilés (représentant le Tiers-État, je suis la seule Altesse de ce lieu) squattaient paisiblement la petite pièce que l’on appelle bibliothèque et dans laquelle trône, magistralement, un gros téléviseur. Exilés, mais pas coupés du monde. C’était le soir. Calés sur leurs fauteuils respectifs, ils ne regardaient pas un film mais Les Experts, série américaine diffusée par TF1.
Quand j’étais môme, et que le téléviseur était branché le dimanche soir sur TF1, je me souviens qu’il y avait, invariablement, un film. C’était la grande époque du « Cinéma du Dimanche Soir » dans les années 80, avec un super générique bien rythmé et une grosse étoile d’or qui laissait des traces dans son sillage. Le générique a changé avec les années 90 mais le dimanche soir il y avait toujours du cinéma sur TF1. Jusqu’à ce dimanche funeste de septembre 2006. Le « Cinéma du Dimanche Soir » est mort. La première chaîne commerciale de France l’a remplacé par une série, obligatoirement américaine, pour concurrencer sur un pied d’égalité la première chaîne de service public, France 2, qui diffuse elle aussi une série américaine le dimanche soir.
J’ouvre ici une parenthèse pour affirmer que je n’ai rien contre les séries américaines. Au contraire. La petite maison dans la prairie, Les mystères de l’ouest, Drôles de dames, L’homme qui valait trois milliards, La croisière s’amuse, etc., ont scandé les heures magiques que j’ai passées devant le petit écran au cours de mes tendres années de garnement en culotte courte. Je n’hésite pas non plus à déclarer que je les trouve meilleures que les séries franchouillardes, à quelques exceptions notables dont Les brigades du tigre font, par exemple, partie. Peut-être pour des raisons de pure nostalgie qui me ramène au paradis perdu de l’enfance. Je referme la parenthèse.
Donc, TF1 ici au banc des accusées a, tout récemment, exécuté le film du dimanche soir sur l’autel de l’audience et des parts de marché. Avec dix ans de retard, tout de même, sur sa concurrente numéro 1. Il faut rendre à France 2 ce qui lui appartient et se souvenir que c’est elle, chaîne du service public qui, lors de la rentrée de 1996, a révolutionné sa grille et diffusé pour la première fois, en prime time, une série dominicale. Il s’agit de la moribonde Urgences. Dorénavant, le cocktail gagnant de la Une se compose du triptyque séries-football-téléréalité. Je parle des programmes du soir, il y a bien longtemps que ceux de la journée ont glissé sur la pente savonneuse avec téléshopping, jeux débiles, séries, téléfilms, séries, jeux débiles… Au milieu de tout ça, le JT pourrait apparaître comme un programme « normal », mais il ne fait que parler de guerres, de meurtres, d’accidents, de catastrophes et de politique : comment voulez-vous digérer tout ça au moment même où vous prenez votre repas ? Conclusion : il ne reste que la Météo, petit programme au demeurant fort utile mais très regardé, et de fait, tout le monde a au moins vu une fois la silhouette de Catherine Laborde, la tignasse de Sébastien Follin, les gesticulations de Patrice Drevet ou le sourire formaté de Laurent Romejko (ces deux derniers sur F2).
La télévision de notre enfance a vécu. Comme l’enfance à laquelle elle se rattache, elle appartient au mythe du Paradis Perdu, un paradis dans lequel il y avait un manège enchanté, une île aux enfants et des visiteurs du mercredi. Mais revenons aux séries. Pour les regarder, il y a non seulement les chaînes dites « généralistes », mais aussi les chaînes câblées et je le reconnais, il m’arrive (c’est de plus en plus rare car je n’ai plus le temps de regarder la télévision depuis que Daniel C. Hall m’a engagé) de me brancher sur Jimmy, Teva, Série Club… Tout comme j’ai regardé de nombreux épisodes de Charmed le samedi soir sur M6. Encore une série à l’agonie, dont la diffusion de la 8e et dernière saison vient de commencer. Avis aux amateurs. Les sorcières de San Francisco vont bientôt ranger leur balai. C’est inépuisable les séries. Elles peuvent disparaître, d’autres leur succèdent. Et même si elles ont disparu, elles peuvent compter sur les rediffusions et mieux encore, sur le business des DVD ! Vous avez manqué Lost sur TF1 ? Pas de problème, le coffret est déjà disponible. Tout le monde me dit le plus grand bien de Prison Break, nouvelle série déjà qualifiée de « culte ». Je n’ai pas encore eu le temps d’en voir un seul épisode et de fantasmer sur le physique de rêve de Wentworth Miller ? Qu’à cela ne tienne, je pourrais sans doute acheter le coffret pour Noël ! Les chaînes thématiques ont du souci à se faire, encore que si tout le monde achetait tous les coffrets collectors de ses séries préférées, on manquerait de place pour les ranger…
Scoop : Wentworth Miller, le héros de Prison Break, en gay dans la série Time of Your Life !
Tout bien considéré, je ne vois pas pourquoi je râle. Si je veux voir un film récent, je peux aller au cinéma. Si je veux voir un film ancien, je peux acheter ou louer un DVD (et non le télécharger illégalement sur Internet ! À bon entendeur…). Si je veux découvrir une série que j’ai loupée, ou revoir une série que j’ai aimée : DVD, DVD, DVD. Je n’ai qu’à faire mon marché, tendre la main, et sortir la carte qui va bien (j’ai abandonné le carnet de chèque, c’est désuet).
En y réfléchissant, j’ai bien un motif valable de pester contre TF1. Non seulement elle supprime sans état d’âme une institution aussi vieille qu’elle, et perd par la même occasion ce qui lui restait d’âme, mais de surcroît, elle le fait mal ! Qu’on en juge. Alors que les chaînes du service public et M6 s’appliquent à diffuser les séries et leurs épisodes dans l’ordre, la Une fait n’importe quoi et se fout de la gueule du téléspectateur décérébré à qui elle vend du Coca-Cola. Exemple : Dimanche 8 octobre, elle diffuse 3 épisodes de la saison 6 de la série Les Experts. Ces épisodes sont, dans l’ordre de diffusion ce soir-là, les numéros 18, 21 et 2 ! Le trio que j’ai nommé en début de billet s’est bien aperçu que, d’un épisode à l’autre, les coiffures des héros n’étaient pas vraiment les mêmes. Dimanche prochain, soit le 15 octobre, toujours épisodes de la saison 6, selon le programme (Télé Star, si quelqu’un peut vérifier sur Télé 7 Jours, merci), cette fois ce sont les épisodes n° 14, 4 et 17 !!! Gné ??? À quoi joue-t-on dans le bureau des Le Lay-Mougeotte ? Quelqu’un peut-il leur indiquer le service gériatrie de l’hospice le plus proche ? Et cela ne concerne pas que les séries du soir ! Autre cas, Les Frères Scott, daube sentimentale pour ados diffusée du lundi au vendredi avant la quotidienne de la Star Ac’. J’ai compulsé le programme, et voici ce que cela donne, sachant que c’est la saison 2 qui est actuellement diffusée. Lundi 9 : épisode 9 ; mardi 10 : épisode 32 ; mercredi 11 : épisode 33 (wah, deux épisodes qui se suivent !) ; jeudi 12 : épisode 12 (mais où est passé l’épisode 11 ?) ; vendredi 13 : épisode 13 ; lundi 16 : épisode 14 ; mardi 17 : épisode 15 ; mercredi 18 : épisode 16 ; cinq épisodes qui se suivent, on progresse, mais… jeudi 19 : épisode 39 !?! Et vendredi 20 : épisode 18 (à moins que l’erreur ne vienne de Télé Star et qu’il faille lire 17 au lieu de 39…). Au secours !!!…
Moralité : les épisodes étant diffusés dans le désordre, et les histoires n’ayant ni queue ni tête, il n’est pas besoin d’avoir deux neurones pour regarder les séries de TF1. Un seul suffit, celui qui vous dit d’acheter du Coca-Cola.
Moi, en tout cas, j’aime les savons !
Pour lire le précedent épisode de Zanzi and the City, cliquez ici.
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