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HUMEUR : Zanzi and the City

   


(4.25)




À peine rentré de Paris où je venais de redécouvrir l’amour auprès d’Andréa, je dus accueillir avec ma mère une partie de ma famille paternelle que je ne connaissais pas. Prisonnier en Silésie durant le dernier conflit mondial, mon oncle A. y laissa un souvenir dans les entrailles d’une jeune polonaise. De leur amour bref et intense naquit un fils qui ne connut jamais son père, lequel fut à jamais séparé de son héritier par le rideau de fer qui en 1945 coupa l’Europe en deux.

Plus tard, dans les années cinquante, oncle A. épousa l’ancien béguin de l’un de ses jeunes frères, l’oncle L., qui fut, lui aussi, une victime de la Deuxième Guerre mondiale. Il mourut des suites d’un bombardement, vidé de son sang par un éclat d’obus, durant la Bataille de Normandie, alors qu’il rejoignait sa petite amie. Celle-ci fut à jamais blâmée par ma grand-mère qui n’assista jamais au mariage précité. Cette union fut sans postérité. Au même moment, du côté du Pacte de Varsovie, un cousin inconnu était élevé par sa mère, mariée elle aussi à un homme qui ne lui fit pas d’autre enfant. C’est ainsi qu’il demeura fils unique.

L’histoire du fils caché de mon oncle A. fut le secret de famille qui hanta régulièrement les conversations des tantes. Le cousin P. était en quelque sorte notre Mazarine Pingeot. Mais, de lui, nous ne connaissions ni le nom ni le visage. Ce n’est qu’au tournant du millénaire que sa fille aînée, après de nombreuses années de recherches, finit par retrouver la trace de la famille de son grand-père. Le contact fut noué et un pont jeté entre la France et la Pologne, bien avant que ne se pose la question des plombiers sexy toujours prêts à venir réparer nos tuyauteries défectueuses.

Tous mes oncles et tantes paternels étant passés dans un monde meilleur (la dernière douairière de sa génération rendit son dernier soupir il y a un an), mon père, fringant octogénaire, se trouve être l’ultime représentant des enfants de ses parents. L’aînée de mes cousines germaines est plus âgée que ma mère, et trente-sept ans la sépare de mon frère sur la même ligne généalogique. À la ligne suivante, quarante-neuf ans séparent la fille aînée de cette cousine de ma nièce âgée de 21 mois. J’ai donc préparé un Who’s Who de la famille Zanzi pour que chacun puisse se retrouver dans les méandres de la descendance de mes grands-parents paternels. La réunion des branches séparées par les affres de l’Histoire donna lieu à un grand moment d’émotion.

Un autre secret fut révélé à l’occasion de l’anniversaire de mariage de mes parents : le conjoint de mon cousin C. de Montréal faisait ses débuts officiels dans la famille. « Cushion » (car une fois il avait écrit « coussin » au lieu de « cousin ») créa lui aussi l’événement, si l’on peut dire. Non-événement pour une grande partie de la famille qu’il nous fait plaisir de constater moderne et ancrée dans son époque, à l’exception notable d’un cousin par alliance, pas réellement méchant mais exemple typique du beauf attardé que cette « bombe » pétrifia. Il se trouve être le mari de la vieille cousine précitée. Le plus drôle dans cette affaire est que ce vieux hâbleur autrefois expert en rodomontades mais dorénavant usé n’hésitait pas à déclarer à son gendre (un mec adorable et super-friendly) : « Moi, les pédés, je les sens à deux kilomètres ». Aussi pouvons-nous penser que sa propre vanité en a pris un coup lorsqu’il a découvert qu’il s’était trompé sur toute la ligne pendant des années.

Le terrain est désormais pavé pour que je puisse, à mon tour, annoncer un jour une relation stable et épanouissante. Bien qu’officiellement célibataire à la date de cette réunion familiale, tout me laisse penser qu’à l’exception notable de la cousine et de son époux beauf, le secret qui m’entoure n’en est déjà plus un.



Lire le précédent épisode, cliquez ici.

   


(4.24)


Récemment je suis retourné en France, délesté de Jason qui n’appréciait pas que je parle de lui et du squash dans ces pages. Je vous rassure, notre rupture se fit dans la douceur et le professeur de musique disparut de mon paysage comme s’il n’avait jamais existé…

Je suis donc revenu en France pour la troisième fois de l’année (ô mon pays comme tu peux me manquer !), ayant cette fois une bonne raison de le faire puisque j’étais attendu au baptême de ma nièce et à l’anniversaire anticipé du mariage de mes parents (à lire dans le prochain épisode). Jeudi 26 juin, je fus invité à un dîner mondain chez le vicomte Louis Le Fol de La Fresnais, fondateur du cercle littéraire où ce billet fut lu dernièrement et où j’obtins mon premier succès d’auteur. J’étais amusé par la perspective de revoir, après une dizaine d’années, l’un de mes anciens professeurs, l’éminent Frédéric de Teyssieu, comte d’Empire, chevalier de l’ordre de Saint-Nicolas et homme d’une érudition inépuisable.

Je me faisais une joie d’enfant à l’idée de voir la tête que ferait le comte Frédéric en me revoyant après tant d’années. Las ! Le vicomte Louis avait vendu la mèche. J’en fus donc pour mes frais, mais ne boudai pas mon plaisir d’évoquer de vieux souvenirs du siècle dernier (et accessoirement du 19e siècle aussi) et d’écouter à l’envie la glose prodigieuse du maître du gai savoir et de la philosophie aristotélicienne appliquée à l’économie contemporaine (je suis sûr que certains ont déjà décroché mais je rappelle que vous êtes sur un blog de qualité auquel contribue Bernard Alapetite !). Ce faisant, je badinais en même temps avec mon autre voisin de table, un séduisant marseillais au sourire carnassier et à la peau ambrée, étrangement dépourvu de l’accent de la cannebière qui hante les films de Marcel Pagnol et la mémoire collective du cinéma français depuis Raimu et Fernandel. Par respect pour son anonymat, je vais l’appeler Marius.

Champagne, canapés, œufs de caille, vins blanc et rouge aux arômes subtils et aux bouquets raffinés pour accompagner le saumon de l’Atlantique « Palais de l’Ermitage », au riz basmati sur lit d’agrumes et sauce Restauration (époque Charles X), convives armoriés, meubles antiques, tous les ingrédients d’un dîner parfait étaient réunis pour flatter les cinq sens de votre serviteur. Seul mon sixième sens était émoussé car, pas l’ombre d’un instant, je ne vis venir ce qui suivit ces agapes gratinées.

Dès que les invités nés sous l’Ancien Régime et la Belle Époque eurent pris congé du maître de maison, ne demeurèrent que les plus jeunes, tous venus en ce monde après la Deuxième Guerre mondiale et avant l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein. Le dernier carré groupé autour de son amphitryon reprit qui du blanc, qui du champagne, et une dose de chocolat de bon goût pour se parfumer la bouche au cacao. Dopé par l’eau-de-vie, Marius entreprit de séduire le jeune et ténébreux italien Andréa. Ses racines florentines me renvoyait aux portraits d’époque Renaissance des magnifiques Médicis, inoubliables grands-ducs de Toscane dont l’illustre semence donna deux reines à la France.

Peu après que le vicomte Louis se retirât en ses appartements pour laisser la jeunesse donner libre cours à ses désirs printaniers, je quittai à mon tour cette joyeuse assemblée pour goûter, croyais-je naïvement, un repos bien mérité avant que d’entamer le marathon familial du week-end. Aussi fus-je surpris autant que troublé de voir Marius et Andréa débarquer dans mon boudoir. Cependant ils repartirent aussi vite qu’ils étaient entrés, suivis peu après par Lord Louis qui vint me souhaiter la bonne nuit, s’attardant lascivement sur les draps qui, après tout, étaient les siens. Le jeune duo revint et nous fûmes alors quatre sur la couche royale et sous l’œil du jeune maître d’hôtel, attendant que quelque chose de décisif se produise.

Louis de La Fresnais nous abandonna dans l’expectative pour rejoindre Morphée dans son grand lit à baldaquin. Marius se lança à l’abordage d’Andréa avec une audace de pirate barbaresque qu’il paya cher : le beau florentin ne voulut point se laisser conquérir et se tourna alors vers moi. Tel le Rescator secourant la belle Angélique, je le pris dans mes bras protecteurs et le rassurai de mes baisers fondants. Le flibustier de la Bonne Mère capitula et s’en alla la tête basse (et la queue entre les jambes), nous laissant seuls, Andréa et moi, en proie à nous-mêmes, vivant un instant magique que ni l’un ni l’autre n’attendait plus.

L’aube nouvelle nous cueillit au terme d’une nuit sans sommeil dans le calme de ce matin d’été. À peine réalisions-nous alors qu’un miracle venait de se produire dans nos vies : nous étions tombés en amour…


TO BE CONTINUED…


Lire le précédent épisode, cliquez ici.

   


(4.23)





Le crépuscule rougeoyant s’abattait sur la ville-lumière, et le soleil dardait ses ultimes rayons qui transperçaient le store vénitien de la chambre de Florian. Il ouvrit un œil, s’arrachant péniblement aux brumes du sommeil artificiel dans lequel un cocktail de psychotropes l’avait plongé. Les drogues, portes de l’oubli. À part l’héroïne, qu’il ne prenait pas à cause de sa phobie des aiguilles, il avait tout essayé. Tout… pour oublier Jipé. Mais rien n’y faisait. Les narcotiques auxquels il était devenu accro peuplaient ses rêves de cauchemars effroyables. Le visage de son tourmenteur y apparaissait sans cesse, sous diverses formes, le contraignant à une fuite en avant désespérée.
Pourquoi m’as-tu quitté ? Pourquoi suis-je incapable de t’oublier ?

Cela faisait des mois que Florian préférait dormir de jour. La nuit, pensait-il, ses rêves angoissés étaient deux fois plus forts, et la sensation de mort qui les accompagnait plus terrifiante encore.
Il se traîna d’un pas lourd vers la salle de bains pour y prendre une douche. Recroquevillé sur le carrelage, il laissa l’eau chaude, presque brûlante, le débarrasser de ses impuretés. Le mal était dans sa peau, non sur l’épiderme.
Je t’ai dans la peau, Jipé. Je t’en prie, ne pars pas !

Jipé était parti depuis dix mois, mais il était toujours là, tel un serpent ondulant dans le labyrinthe du cerveau de Florian. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il parasitait ses pensées, l’empêchait de vivre. Un garçon amoureux et abandonné, naufragé d’une nuit plus obscure que celle qui enveloppe Paris, une nuit faite des seules ténèbres, sans lumière ni espoir. L’autre nuit lui tendit ses bras, comme la précédente. La nuit parisienne, tourbillon de la fête et de l’insouciance. Depuis qu’il ne vivait plus que la nuit, Florian avait abandonné ses études pour devenir barman. Il avait trouvé un emploi au D-Fonce, sexe-club glauque dont l’éclairage plus que tamisé se fichait pas mal de son teint blafard et des traits tirés qui griffaient son visage.

Le D-Fonce portait bien son nom : au bar comme dans tous les recoins de la backroom, le sexe et la drogue mêlaient leurs effluves immoraux dans une sarabande au parfum de stupre. Odeurs nauséeuses pour les novices, arômes enivrants pour les habitués qui, une fois qu’ils y avaient goûté, ne pouvaient plus s’en passer. Florian n’aurait pu dire quel était le type de musique que passait le DJ ; dans les profondeurs de ce lieu de perdition, les gémissements, les râles orgasmiques et les rugissements rauques des mâles en rut constituaient le vrai fond sonore. En certains endroits, l’obscurité était totale ; en d’autres, des veilleuses bleues ou rouges offraient un spectacle obscène à la concupiscence des rôdeurs en quête de leur damnation.

À l’heure de sa pause, Florian frayait parfois avec la clientèle, les tripes nouées, mais l’envie, plus forte que lui, de flirter avec le danger et de rechercher le baiser de la mort. Cette heure-là était sur le point de sonner lorsque l’arrivée de trois nouveaux consommateurs le fit blêmir.
Jipé. Non, pas toi...

C’était bien lui. L’homme de sa vie, l’amour de sa mort. Jipé, étrangement sanglé dans des vêtements de cuir que Florian ne lui connaissait pas, entouré par deux hommes vêtus de la même façon, dont l’un était le guide. D’emblée, le chef entraîna sa meute réduite dans les entrailles du D-Fonce. Jipé suivit ses compagnons de débauche, l’œil lubrique, la langue pendante, le sexe déjà gonflé par de coupables désirs.

Avec deux minutes d’avance, Florian quitta son service et s’enfonça à son tour dans les cavernes barbares. Il se fraya un chemin parmi ces corps sans tête, en ayant l’impression que des milliers de mains tentaient de l’agripper, et qu’autant de queues cherchaient à toucher son intimité. Il sursauta en croisant un garçon qui lui sembla à peine sorti de l’adolescence, et dont le visage angélique dégoulinait de sperme.
— Si t’en veux toi aussi, c’est par là.

Il tremblait. De peur, de rage, de honte. Il tremblait aussi du manque qu’il commençait à éprouver. Le manque de lui, le manque de stupéfiants. Le manque de vie. Soudain il l’aperçut, là où il l’attendait le moins. Allongé sur un sling, Jipé, son Jipé, celui qui dans leur couple était le plus actif, se faisait labourer les entrailles à grands coups de reins. Un Jipé inconnu, possédé par des hommes qui se succédaient dans son cul à tour de rôle, y plongeant sans répit leurs bites nues tout en beuglant des propos orduriers.
— T’aimes ça, hein ? Salope ! Tiens, prends ça dans ton trou à jus !

Florian sentit le sol crasseux et trempé de foutre de la backroom se dérober sous ses pieds. Il fut saisi d’un vertige, les cris bestiaux tambourinaient dans sa tête. Il se vit alors, dans un effort surhumain, décrocher la croix de Saint-André et l’abattre avec férocité sur ces ombres pornographiques. Frapper, frapper, et frapper encore, éclater ces corps sans âme, briser leurs attributs virils, et répandre un torrent de sang pour laver la chambre sordide. Provoquer des cris et des hurlements, et tuer Jipé, enfin, car son crime mérite un châtiment.
— Non !

Une aurore éclatante réveilla Florian devant la porte du D-Fonce, à cinq heures, ce matin d’été.
— Eh Flo, ça va ?
C’était David, son collègue du bar.
— Je sais pas… qu’est-ce qui m’est arrivé ? murmura Florian, à moitié assommé.
— Tu es parti en courant vers une heure du matin, comme un fou. Tu étais dans un état, fallait voir ça !
— Est-ce que j’ai tué quelqu’un ?
— Quoi ? Tu délires encore, vieux.

La porte s’ouvrit, les derniers clients quittaient les lieux. Florian vit Jipé s’en aller avec ses deux compagnons d’orgie, plus trois autres. Il ne les avait pas massacrés, mais dans son esprit c’était tout comme. Alors, pour la première fois depuis très longtemps, il sourit. Il éprouva un double soulagement. Dorénavant, Jipé n’était plus rien. Ses bacchanales nocturnes l’avaient tué, enfin, et libéré de son obsession Florian qui n’avait tué personne. Comme un aveugle qui recouvre la vue, il se sentit revivre, affranchi du joug de Jipé qui disparaissait à l’horizon, la mort dans les veines.

— Il fait jour…
— Oui, répondit David, ça va être une belle journée.


[Petite précision : il s'agit d'une nouvelle qui sera lue ce vendredi 20 juin dans le cadre d'une soirée autour de la thématique du "thriller gay", organisée par l'association littéraire "La Rive Opposée" (Paris).]



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(4.22)


Vidéo (c) Zanzi


Dans la foulée de la disparition brutale de Luc Bourdon, que j’ai évoquée dans mon précédent billet, les médias locaux se sont exprimés sur le sujet et certains chroniqueurs ont livré à leur lectorat des propos fort intéressants. Celui qui m’a le plus interpellé vient de Martin Latulippe, chroniqueur à L’Acadie Nouvelle, dans l’édition de samedi 31 mai 2008, le jour où j’appris la tragédie qui s’était produite l’avant-veille. Les mots qu’il publia dans son billet provoquèrent dans ma tête ce fameux carambolage qui me remua, le soir venu, alors que j’étais seul avec moi-même et mes pensées. Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, je me dois d’en citer verbatim les passages les plus significatifs :

« Ma réflexion est la suivante : suis-je à jour avec la vie ? Si j’avais à mourir aujourd’hui, aurais-je profité de cette journée pour dire aux gens que j’aime à quel point je les aime ? Aurais-je été satisfait de ce que je suis devenu et de qui je deviens ? Aurais-je pris le temps de remercier les gens qui m’ont aidé et ceux qui le font toujours avec tant d’amour et de générosité ?
Comment savoir quand cette journée arrivera ? Comme savoir que je ne partirai pas d’une « salope » de façon comme Luc et les jeunes qui étaient dans la fourgonnette en janvier dernier ? Impossible à savoir. Il ne me reste donc qu’à essayer le plus possible d’être à jour avec la vie. Quand j’y pense, l’idée même de partir en dette envers la vie me donne des points au cœur. Qu’est-ce qu’une dette envers la vie ? Tous les mercis qui ne sont pas exprimés, les je t’aime qui sont passés sous silence parce qu’on se dit « elle le sait », les mots d’encouragement qui ne sont pas verbalisés parce qu’on se dit « elles le savent », les petits moments magiques que l’on remet parce qu’on se dit « demain », etc.
Et vous, êtes-vous à jour avec la vie ? Avez-vous dit « aujourd’hui » aux gens que vous aimez à quel point vous les aimez ? Avez-vous serré dans vos bras « aujourd’hui » les gens que vous voulez le plus serrer dans vos bras ? Avez-vous remercié « aujourd’hui » les gens qui vous ont aidé et que vous appréciez ?
 »

J’ai lu et relu ces phrases, et n’ai pu faire qu’un amer constat : non, je n’aurais pas eu le temps de dire je t’aime aux gens que j’aime, ni merci à ceux qui m’ont aidé ; et de plus, non, je n’aurais pas été satisfait de ce que je suis devenu si j’avais à mourir aujourd’hui. En cliquant sur « rewind » et en me repassant le film de ma vie, pis qu’insatisfait, je ne me suis pas senti fier. J’ai beau me dire que toutes ces années de plus que j’ai vécues par rapport à ceux qui sont partis plus jeunes, sont des années d’expériences accumulées, qu’elles n’ont pas été vaines, je ne peux m’empêcher de songer qu’elles représentent un immense gâchis. La vie trop brève de Luc Bourdon est une symphonie inachevée ; la mienne, déjà plus longue, ressemble à un concerto qui n’aurait pas encore débuté et dont la partition, encore au stade de l’ébauche, est ponctuée de notes bleues.

 



Non, je ne suis pas à jour avec la vie. Oui, une mise à jour s’impose. Et si de la tragédie vécue par d’autres et des réflexions qu’elle inspire à des tiers surgissait l’électrochoc salvateur ? Ceux qui, comme moi, regardent en spectateur le film de leur vie plutôt que d’en être les acteurs, sont coupables et partiraient avec une dette énorme envers la vie s’ils mouraient aujourd’hui. J’avais déjà pris il y a quelques semaines la décision de réorienter ma vie et d’en faire vraiment quelque chose. L’année prochaine, je quitterai mon emploi dans le but de réaliser mes rêves et mes ambitions. Avant qu’il ne soit trop tard. Je me souviens de ce que Daniel C. Hall m’a dit un jour : « il vaut mieux regretter d’avoir fait quelque chose que de regretter de ne pas l’avoir fait ». Merci, Daniel, pour cette phrase que je n’ai pas encore mis en pratique. Merci à Martin Latulippe pour son message : la vie c’est « aujourd’hui et maintenant », pas « demain ». Et merci à toi, Luc : par ta mort, tu me montres qu’il ne suffit pas de théoriser ses rêves. La réalisation de soi n’attend pas : c’est maintenant, c’est tout de suite que cela doit se produire.

Je me suis senti redevable. Dimanche 1er juin, j’ai conduit quatre heures d’affilée pour revenir de Grand-Sault à Moncton et assister à une cérémonie commémorative animée par des anciens combattants. Je suis passé rapidement chez moi et j’ai repris la route, pour trois heures de plus, afin d’aller à Shippagan me recueillir de façon anonyme devant le cercueil de celui qui me montre l’exemple. J’ai passé dix heures sur la route ce dimanche-là. D’habitude, au bout de deux heures de conduite j’ai tendance à somnoler au volant. Curieusement, j’ai parcouru 900 kilomètres sans éprouver la moindre fatigue.

Ce soir (lundi 2 juin, il est 15h36 et au moment où j’écris ces lignes le service funèbre de Luc Bourdon se termine), en rentrant chez moi, je dirai des « je t’aime » et des « merci », et commencerai mon aggiornamento. Cela passera aussi par des petits riens, des choses que je n’aime pas faire, comme le ménage, la vaisselle, la lessive. Je commencerai aussi à planifier le calendrier de mon nouveau départ, pour être à jour au moment où je livrerai ma partition et où se joueront les premières notes de la symphonie de ma vie. Si je mourais aujourd’hui, je n’aurais encore rien donné. Je ne laisserais qu’un prélude, des poèmes jamais publiés, des chansons jamais interprétés, des scénarii jamais filmés, des œuvres à l’état d’ébauche dormant dans un tiroir, quatre saisons de Zanzi and the City et des souvenirs qui se feraient de plus en plus vagues au fil des années, avant de disparaître de la mémoire des survivants. Ainsi qu’un océan d’amour jamais dit, jamais fait. Il est grand temps que je fasse ce don, à vous qui me lisez ainsi qu’à tous les autres, car comme le dit un proverbe soufi : « ce que tu donnes est à toi pour toujours, ce que tu gardes est perdu à jamais ».

 





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(4.21)


(c) D. R.


La semaine passée, j’étais d’humeur grognon, sachant que mes obligations professionnelles allaient m’obliger à passer la fin de semaine sur la route, et à parcourir environ 1.500 kilomètres. Dire que pour une fois j’étais disposé à me métamorphoser en homme d’intérieur et d’extérieur, à consacrer davantage de temps aux tâches ménagères, et à la tonte de ma pelouse qui commence à ressembler à un champ de broussailles. Cela attendra. Un Premier ministre, des membres des gouvernements provincial et fédéral, un futur Président international d’un club très sélect et des vétérans de la Deuxième Guerre mondiale avait la priorité dans mon agenda. Je bougonnais surtout parce que cet emploi du temps sarkozyen me contraignait à me lever de bonne heure vendredi, samedi et dimanche.

Sur la route, j’ai fait attention à ne pas me tromper dans les directions et les sorties. J’aime prendre mon temps mais déteste être en retard quand on m’attend. Politesse des rois, on ne se refait pas. Alors j’ai calculé large pour être sûr d’arriver en avance en comptant les aléas et les inévitables erreurs d’aiguillage. Gouverner, c’est prévoir. Mais pourquoi mets-je tant de lieux communs dans ce paragraphe ?


Sur la route, j’ai regardé le paysage canadien défiler devant mes yeux. La province du Nouveau-Brunswick est couverte de forêts à 85 %. Évidemment, je n’ai pas pris les chemins de la campagne mais l’autoroute transcanadienne qui traverse cet immense espace vert.

Sur la route, j’ai écouté de vieux CD que j’avais pris avec moi pour agrémenter mes trajets. Je me suis même passé la bande originale de la série Beverly Hills 90210 que je n’avais plus mis dans un lecteur depuis des années. Paroles et musiques ont jailli des recoins de ma mémoire pour affleurer à mes lèvres, et j’ai fini par fredonner ces vieux refrains du début des années 90. Sur la route, j’ai laissé les souvenirs refaire surface comme des bouteilles jetées à la mer échouent sur le rivage. Je me suis souvenu qu’à l’époque je craquais complètement pour Jason Priestley, le beau Brandon Walsh, le garçon propre sur lui avec son brushing impeccable qui, avec le recul des années, apparaît totalement ridicule et désuet en 2008. De nos jours, je craquerais plutôt pour Luke Perry alias Dylan Hartley, le rebelle au grand cœur, l’écorché vif qui dissimule tant bien que mal ses secrètes blessures. Je me suis souvenu que j’éprouvais aussi un trouble penchant pour Shannen Doherty, future sorcière de charme.

Sur la route, je n’avais pas eu le temps de lire la presse vendredi matin. Ce n’est donc que samedi après-midi que j’appris à la une de L’Acadie Nouvelle que Luc Bourdon s’était tué jeudi midi, sur la route.

 


Son nom ne me disait absolument rien, mais le fait qu’il fasse les gros titres indiquait qu’il s’agissait de quelqu’un d’important. Les dates m’interpellèrent : 1987-2008. Intrigué, je pris le journal pour savoir ce qui s’était passé jeudi dernier sur la route, dans la péninsule acadienne. Luc Bourdon, joueur de hockey sur glace, l’un des plus grands espoirs de la LNH (Ligue Nationale de Hockey) avait décidé de prendre quatre semaines de vacances dans sa province natale. Comme la plupart de ses amis, il venait d’acheter une moto et d’obtenir son permis. C’est en effectuant une manœuvre stupide en pilotant cet engin qu’il maîtrisait encore mal qu’il heurta de plein fouet, sous les yeux de sa petite amie qui le suivait sur la route – elle au volant de sa voiture –, un semi-remorque venant en sens inverse alors qu’il tentait d’en dépasser un autre. Foudroyé au commencement de la gloire, comme James Dean.

  


J’ai ressenti un pincement au cœur en lisant que cet athlète prometteur était un Verseau du troisième décan, comme moi. Son anniversaire tombe le lendemain du mien. J’appris aussi que c’était une belle âme qui, sans en faire de publicité, visitait les enfants malades dans les hôpitaux pour leur apporter un peu de joie et de soleil. Un grand garçon beau et généreux,  violemment enlevé par la grande faucheuse à l’aube de sa jeune vie pleine de promesses. Intérieurement, j’étais secoué alors que je devais prononcer une allocution dans le cadre d’une remise de prix récompensant les qualités professionnelles et humaines d’un « jeune » récipiendaire de 43 ans. Je n’avais pas préparé de discours, aussi c’est en ayant une pensée pour Luc que, tout en essayant de maîtriser mon émotion, je prononçai les paroles suivantes devant mon auditoire :
— Qu’elle soit brève ou longue, la vie est toujours trop courte. Mais le plus important est qu’elle soit bien remplie. C’est pourquoi vous avez raison de vous rendre mutuellement hommage de votre vivant.

Je me suis senti piètre orateur ce soir-là, cependant mes phrases parfois décousues résonnaient comme un cri du cœur et les gens qui les écoutèrent m’en surent gré. Plus tard, seul dans ma chambre d’hôtel, j’ai fait un retour sur le chemin parcouru sur la route de ma vie. Qu’en ai-je fait, comparé au jeune Luc qui vient de mourir ? Qu’en aurais-je connu, et que n’aurais-je jamais connu si j’étais mort au même âge ? Ma tête devint un champ de réflexions qui se bousculaient comme des auto-tamponneuses à la fête foraine. J’éprouvai un sentiment de culpabilité et de honte à la pensée d’avoir, durant toutes ces années, cédé plus d’une fois au découragement pour des raisons qui m’apparaissaient soudain futiles, et envisagé d’abréger mes jours. Je pris alors la résolution de me souvenir de Luc Bourdon, chaque fois que la lassitude reviendrait éprouver ma résistance, afin de redresser la tête et de pouvoir continuer à avancer sur la route.

 





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(4.20)


Toutes les photographies de cette chronique sont (c) Zanzi.


Par un curieux clin d'yeux, je fus envoyé en mission à New York entre l'avant-première mondiale et la sortie officielle du film tiré de la série dont le titre a inspiré celui de ma chronique : Sex and the City.

C'était la première fois que je mettais les pieds dans cette ville internationale. J'avais déjà passé quelques jours aux États-Unis, c'était au siècle dernier, l'été 1996, pour les Jeux Olympiques d'Atlanta, les jeux du Centenaire. De l'Amérique, je ne vis alors que l'aéroport de Chicago (en transit) et la ville-phare du roman de Margaret Mitchell. Autant dire que cela fait une éternité. Depuis, le transport aérien et notamment vers et depuis les USA a basculé dans une psychose paranoïaque suite au traumatisme du 11 septembre 2001. C'est un fait irréversible : la sécurité des citoyens conduit à la stricte application du principe de précaution. J'eus donc, au départ de l'aéroport de Montrou, les honneurs de la « fouille au corps », par un agent qui – cependant – n'a pas eu l'audace de s'attarder sur mes fesses (poches arrières de pantalon obligent) et encore moins d'effleurer mon entre-jambes.



Moncton-désert dessert une fois par jour l'un des trois aéroports new-yorkais, malheureusement le plus éloigné : Newark, New Jersey. Ce qui m'a valu un trajet en taxi au prix astronomique de 120 dollars ! La course et les péages revenaient à 97 $, mais comme je n'avais que des billets de 20, mon chauffeur s'est offert un pourboire royal de 23 fois George Washington ! Je me dois de préciser que le vol étant très matinal (décollage à 6h15), je me suis réveillé à 4 heures du matin... À cette heure-là, un jeudi matin, les gens normaux dorment encore, mais vous savez déjà que je ne suis pas normal.



J'eus malgré tout la chance que l'un de mes collègues parisiens, qui venait faire une présentation dans le cadre de la réunion qui m'amenait à New York, avait dû décaler son vol, ce qui obligea l'intendance à revoir le programme et à le décaler d'une heure trente. Sans ce changement opportun, je serais arrivé en retard à la réunion... qui commençait par un petit déjeuner français ! Après la première intervention sur l'objet de ce séminaire qui est ultraconfidentiel et fait de moi un agent double zéro (sexe ?), le déjeuner eut lieu aux frais de l'employeur dans une brasserie typiquement parisienne. Champagne, fine cuisine, collègues sympas... Les aspects professionnels de cette journée n'étant d'aucun intérêt pour mon lectorat, encore que je dois vous confesser à ma grande honte que j'ai un peu dragué (mais de façon presque imperceptible) mes collègues Étienne de la Nouvelle-Orléans et Bruno de New York (nous portons tous des noms aristos), mais sans, je le crains, la moindre chance de les séduire... Ce n'est pas facile d'être le beau gosse du groupe. Plaignez-moi !



Je passai ma première nuit à l'hôtel Newton, dans le haut de Broadway. C'est un hôtel que le guide dernier cri de Lonely Planet, New York en quelques jours, par ailleurs déjà obsolète, décrit comme étant pour les petits budgets. Comme cette nuit-là, c'était mon employeur qui payait, j'avais décidé de me remettre de cette avarice en m'offrant pour les trois nuits suivantes une chambre au Waldorf Astoria. Dernièrement j'avais l'esprit tellement à l'Ouest que pour ce séjour sur la côte Est, j'ai en fait confondu deux hôtels.



Je croyais descendre dans celui qui servit de décor au film Maman j'ai encore raté l'avion, mais en fait il s'agissait du Plaza. C'est pourquoi je fus un peu surpris de ne pas voir Central Park depuis l'entrée de l'hôtel. Je fus vite consolé en apprenant que c'est au Waldorf Astoria que Marilyn Monroe vécut pendant quelques mois en 1955, dix étages au dessus du mien, et que Grace Kelly et Rainier III y annoncèrent leurs fiançailles dans la suite Conrad, le 6 janvier 1956.



Vous vous demandez certainement ce que j'ai fait à New York ? Eh bien, du tourisme ! Pas de sexe dans la city, je vous assure. J'ai tellement marché que mon pied droit a dû porter deux pansements. J'avais acheté des chaussures de ville neuves pour ma réunion de travail, et oublié mes baskets... J'en reviens au tourisme. Sauf samedi 17 mai, il a fait un temps de chien. Vendredi je me suis prélassé dans ma baignoire, et le soir je suis allé dîner dans un restaurant italien du coin, après avoir acheté un parapluie à la boutique de l'hôtel. Samedi, journée de beau temps fut celle de mon marathon touristique : le Rockefeller Center et sa vue panoramique depuis le « Top of the Rock », le pont de Brooklyn (aller-retour à pied !), Manhattan, Ground Zero le site de feu le World Trade Center et la chapelle Saint-Paul avec son vieux cimetière aux pierres tombales dont les plus anciennes datent du 18e siècle (il y en a même une dont la défunte trépassa le 11 septembre 1796 !) et à l'intérieur son autel à la mémoire des disparus des Tours jumelles. Puis je suis remonté vers le Met, mais fatigué j'ai préféré m'allonger sur la pelouse de Central Park où je pris un coup de soleil sur le visage.



Samedi soir je suis sorti pour découvrir Chelsea mais, était-ce le fait d'y aller en solitaire, je n'y ai rien trouvé qui vaille le détour. J'ai payé 20 dollars pour découvrir qu'une boîte de nuit soi-disant courue par la communauté gay (gaie ? gaye ? gné ?) était remplie de nanas qui ne payaient pas l'entrée, elles, et qui venaient draguer des mecs. Je me dois donc de dénoncer ce club : c'est le Hiro. N'y allez pas, c'est inutile. Puis la pluie revint dimanche, avec la lassitude. Un brunch avec un ami de Facebook, une balade sous la pluie pour découvrir que j'étais déjà passé par là vendredi soir avec mes collègues, et je suis rentré faire la sieste.



En fin de journée, une éclaircie me fit sortir en toute hâte pour admirer le coucher du soleil en haut de l'Empire State Building, mais le temps d'y arriver, de faire la queue (non, pas celle-là bande de pervers) et d'atteindre le 86e étage du plus haut gratte-ciel de New York, le soleil avait déjà tiré la couette et le manteau de la nuit recouvrait peu à peu les dernières lueurs du jour mourant. Cependant je fis d'assez jolies photos de la ville... Toutes ces lumières, toute cette électricité consommée... C'est d'une beauté presque irréelle mais qui couve la crise énergétique et un désastre pour l'humanité. Pourtant, ce soir-là, je me suis dit que les étoiles n'étaient pas dans le ciel mais sur la terre, des étoiles de toutes les couleurs : rouge, jaune, orange, vert, bleu, blanc, rose... Et au-dessus, trônant comme la reine de cette nuit scintillante : la pleine lune. Et moi, sous la flèche qui vit King Kong se débattre contre des avions de l'armée des yankees, j'étais comme l'Empereur de l'Empire, figure crépusculaire façon Gotham City !



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(4.19)




Tous les guides touristiques vous ont certainement vanté Montréal comme étant un « paradis gay », avec son Village (l’équivalent du Marais parisien), et sa rue Sainte-Catherine. Ces mêmes guides vous auront probablement raconté que les garçons y sont beaux et, contrairement aux parisiens, ne vous jugent pas à l’aune de vos fringues fashion achetées à prix d’or chez Boyz’Bazaar, et ne vous regardent pas comme un morceau de viande en se demandant si vous n’avez pas dépassé la date limite de consommation. Sortez à Montréal et en cinq minutes vous êtes dragué, emballé, et hop ! direction la maison ou l’appartement car, voyez-vous, pas question de s’embrasser en public ! On se croirait en Inde… D’ailleurs je ne comprends pas pourquoi les films de Bollywood ont autant de succès alors que les scènes de baiser y sont prohibées. C’est pire que le Code Hayes de censure des films de l’âge d’or hollywoodien qui avait sévi entre 1934 et la seconde moitié des années 60. Cette première parenthèse étant refermée, j’en reviens à mon sujet. Ce long préambule a pour objet de vous renseigner sur ce que je manque en étant, non pas à Montréal, mais à Moncton.

Toronto ou Vancouver eussent été des destinations tout aussi convenables que la première métropole francophone d’Amérique du Nord pour y trouver de quoi agrémenter mon exil, mais Montrouductown… Je ne vous raconte pas ! Ou plutôt si, je vous raconte tout. Vous allez pleurer pour moi.

Premier constat : le Nouveau-Brunswick est la province de l’Est canadien la plus arriérée en matière de mœurs. Imaginez Brokeback Mountain… en pire. Première conséquence : sur les sites de rencontres, plus de la moitié des mecs cachent leur visage ou ne mettent même pas de photo. Deuxième corollaire : ce sont aussi des honteuses qui se disent bi et qui, pour la « bonne cause », se marient (avec une femme, cette précision étant d’importance puisque le Canada autorise le mariage entre personnes de même sexe), donc trompent leur conjointe pour assouvir leurs plus bas instincts. Troisièmement, la discrétion est de mise. Raison pour laquelle on ne met pas la photo de son visage, mais plutôt son torse, son cul, sa bite, voire le corps entier, nu ou habillé, peu importe, mais sans la tête ! Voulez-vous coucher avec un guillotiné ? Bien sûr, toute règle a ses exceptions : en l’occurrence, ce sont les mecs jeunes et beaux qui affichent volontiers leur sourire ultra-brite pour attirer le chaland. De là à dire que ceux qui se cachent sont moches…

Deuxième constat : à Montrou, il n’y a qu’un seul et unique bar LGBT. J’insiste sur ces quatre consonnes puisque l’établissement n’est pas, à proprement parler, un bar gay. Il a pour nom « Triangles », au pluriel. Or, qu’est-ce qu’un triangle sinon la représentation d’un vagin ? La raison de cette singularité est que les patrons sont des patronnes, donc des gouines ! Je n’ose écrire que ce sont des lesbiennes, puisque dernièrement, une dépêche de l’AFP datée du 29 avril m’apprit que des habitants de l’île de Lesbos ont saisi la justice hellène pour revendiquer l’usage exclusif du terme « lesbienne », selon eux usurpé par les homosexuelles. Les plaignant(e)s « estiment que les habitants de l'île sont victimes d'un "viol psychique et moral" du fait de la "confiscation" par les homosexuelles d'un qualificatif au départ géographique ». Cette deuxième parenthèse étant refermée, j’en reviens à nos amies les femmes qui aiment les femmes.

Mais, me disais-je encore vendredi soir lorsque avec Jason j’ai osé mettre les pieds dans ce lieu de perdition, ces femmes sont-elles réellement des femmes ? Look para-militaire, démarche masculine, cheveux coupés en brosse, ce sont des caricatures de camionneuses qui semblent consacrer des efforts colossaux à gommer toute trace de féminité. J’avais envie de crier, comme autrefois Patrick Juvet : « où sont les feeeeeeeeeeemmmmmmes ??? » Jason me fit justement remarquer que certains minets avaient l’air nettement plus féminin que ces demoiselles biologiques. Enfin, pour le peu de monde qu’il y avait là. Et je vous épargne les détails sur la sélection musicale qui ne donne pas envie de se trémousser sur la piste de danse. Quelques vieux habitués tentaient, sans y croire, leur chance sur les quelques bandits manchots qui traînent à l’arrière du bar principal, près de deux ou trois billards où les goudous, telles de vrais mecs, jouent avec une queue et des boules.

Dernier et ultime constat navrant pour votre serviteur qui a connu les nuits parisiennes du crépuscule jusqu’à l’aube avec leurs « before » et leurs « after », mais qui illustre de façon criante le choc culturel que j’ai ressenti dans les si peu riantes contrées où j’éprouve la douleur de résider : si tous les établissements ferment à deux heures de la nuit (expression made by Zanzi car pour moi, à 2 heures après minuit il fait nuit, ce n’est pas le matin, donc dire qu’il est « 2 heures du matin » c’est n’importe quoi, na !), donc dis-je, si les établissements ferment à 2 heures en vertu d’une obligation légale (ça rigole pas, je dirais même plus : c’est pas gai !), les clients de celui-ci ne commencent à affluer que vers minuit !

Les pauvresses ! Deux heures à glandouiller dans un endroit dont le design à faire peur mériterait un lifting complet, à boire de la bière pour entretenir son gros bide tout en cherchant du coin de l’œil qui on pourrait bien essayer d’emballer pour ne pas passer le reste de la nuit tout seul, reconnaissez que c’est pathétique. Autant aller au cinéma avec son chum, pour se tenir la main dans le confort d’une salle obscure comme celle de La Dernière Séance d’Eddy Mitchell (et de Gérard Jourd’hui), comme des amoureux des années cinquante. Mais l’heure de la dernière séance étant déjà passée, Jason et moi sommes rentrés nous glisser sous la couette et ça, au moins, c’était chouette !



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(4.18)






Avertissement de Daniel C. Hall : Je publie les billets de Zanzi plusieurs jours (voire plusieurs semaines) ; après réception du Canada. Pour garder toute l’émotion de son contenu, je vous conseille de ne pas lire mes notes en rouge, qui sont ajoutées après plusieurs lectures. Je ne voudrais pas gâcher ce beau début de ciel bleu pour notre Zanzi national (et je le prie de m’excuser d’avoir placé ces reugneugneu de notes dans son texte original.

 

Lundi 21 avril, de retour [au Caribouland maudit et honni depuis plusieurs épisodes, je tiens à le rappeler ! (Note de Daniel C. Hall)] de ma semaine thérapeutique en France pour évacuer les tourments que l’hiver m’avait infligés, je me suis laissé entraîner par mon ami Nick-le-dynamique à faire une partie de squash. Je fus d’emblée convaincu des bienfaits potentiels de ce sport en constatant que sa silhouette, dont les formes généreuses étaient dues en grande partie à l’infâme nourriture cariboulandaise en gros, commençait à retrouver des proportions plus gracieuses. Sans compter le regain d’énergie induit. C’est ainsi que, ce matin-là, je me suis mis au squash. Au bout de 15-20 minutes de ce cet exercice auquel mon corps n’est point rompu, j’étais déjà éreinté, ce dont Nick-la-malice m’avait prévenu. Le laissant poursuivre son régime sportif avec un autre partenaire, je me suis dirigé vers les vestiaires, baigné de sueur, presque haletant. Et c’est alors que je l’ai vu. Comme un instantané, mon regard a photographié son visage d’ange, son sourire avenant, l’azur de ses yeux, le brun clair de ses cheveux.
— C’est ta première séance ? me dit-il de son accent acadien, quoique pas trop prononcé.

Question qui recouvrait une affirmation que mon état laissait aisément deviner. Je n’en revenais pas, il avait de lui-même engagé la conversation. Quelques banalités plus tard, et juste avant de partir au bureau, nous décidâmes de nous revoir le lendemain. Même endroit, même heure. Mon cœur battait à 88 miles à l’heure [141,60 km/h si j’en crois ce formidable convertisseur en ligne (Note de Daniel C. Hall)] et je fus incapable de me concentrer de toute la journée, au grand déplaisir de mon patron à qui l’andropause donne des humeurs de grossesse nerveuse.

Mardi 22 avril. Mon cœur battait toujours la chamade [Et une autre chose devait palpiter aussi, mais je n’en dirai pas plus pour respecter la pudeur de mon ami Zanzi (Note de Daniel C. Hall)]. Jason serait-il au rendez-vous ? Oui, il était là, encore plus beau que la veille. Dans l’échange de nos balles, je voulais donner le meilleur de moi-même. Un peu de frime à la française, qui fit rire ce joueur plus expérimenté que moi. J’avais réussi à tenir cinq minutes de plus que la veille avec Nick, mais au bord de l’épuisement, je me suis adossé au mur et laissé glisser sur le sol. Jason s’est approché, assis à côté de moi, le temps que je reprenne mon souffle. Puis il m’a pris la main et m’a relevé d’un bond en disant :
— Allez, c’est fini pour aujourd’hui !

Nos corps redressés se tenaient l’un contre l’autre. Captivé par l’océan de son regard qui semblait annoncer les promesses d’un voyage au long cours à un marin qui part à l’aventure sans but précis, je balbutiai :
— T’es dispo ce soir pour prendre un verre ?
— Ce soir, je ne peux pas, je soupe chez mes parents. Mais demain, au St. James, 6h30 (du soir, bien sûr – note de moi-même), ça te va ?
— Oui. Demain, 6h30.

Mercredi 23 avril, St. James’Gate, rue Church. J’étais là à 6h20. Les minutes me semblèrent des heures, et les heures des années. Soudain je le vis arriver. Nous prîmes la table près du portrait du roi George V, un peu à l’écart, pour être tranquilles. Il me parla de son métier de professeur de musique à l’université (il a 26 ans), de sa famille native d’Edmundston, plus grand ville unilingue francophone du continent nord-américain en dehors de la province du Québec, et qui se trouve au nord du Nouveau-Brunswick. Nous nous découvrîmes à travers nos paroles, nos regards, nos mains qui s’effleuraient comme par mégarde. Vint le crépuscule. Pour prolonger ce moment, nous nous dirigeâmes vers la rivière pour admirer le paysage. L’endroit était tranquille, le risque d’être dérangés était infime. Les Canadiens n’aiment pas s’embrasser en public. Et au Nouveau-Brunswick, l’une des provinces les plus arriérées de ce grand pays pourtant plus progressiste que la France, soit Brokeback Mountain en pire, la discrétion est de mise. C’est tout de même dommage de perdre de précieuses secondes à s’assurer que l’on n’est pas épiés, mais une fois cette assurance obtenue, j’attirai Jason vers moi pour goûter au parfum de ses lèvres. Ces quelques secondes me semblèrent irréelles. À moitié paralysé par ma propre audace, je le vis cependant sourire et d’un geste, il m’attira vers lui pour me rendre ce cadeau. Je me sentis en feu comme l’horizon rougeoyant.

Jeudi 24 avril. Journée ponctuée de courriels, de sms, de trois coups de fil. Pour la première fois, l’absence. Comme un naufragé dans le désert qui meurt de soif. Ce soir-là, je devais aller à une soirée officielle dans le cadre d’un festival local. Je n’ai rien écouté, rien entendu. Je ne pensais qu’à lui qui, au même moment, donnait des cours du soir…




Vendredi 25 avril. Je devais le revoir, très vite, avant de passer le week-end à Halifax. Encore des relations publiques. Je voulais, avant le devoir de ma charge, consacrer du temps aux relations privées. Encore une mondanité à assurer, la suite de la veille, un 5 à 7 au restau de Nick. À 6h éclipsé [Bordel, du soir ou du matin ? Tu ne peux pas causer le français de France comme tout le monde ? (Note de Daniel C. Hall haletant d’impatience)].[Des détails ! Des détails ! Mais qu’est-ce que c’est que cette subite pudibonderie ! (Note de qui vous savez)]. Jason m’attendait chez lui. Nos cœurs étaient au bord de l’explosion et nos corps entrèrent en fusion

Samedi 26 avril, Halifax, Royal Nova Scotia Yacht Squadron. Je suis entouré de personnalités importantes dans un club sélect qui a tout le charme des traditions de la monarchie britannique. Mon téléphone se met à vibrer : « you’ve got mail ». C’est lui.
— Tu me manques. Reviens vite.
Le dîner passe comme un rêve. La nuit, dans mon lit king size à l’hôtel Marriott, je ressens son absence.

Dimanche 27 avril, de retour à Moncton. J’ai quitté Halifax et son ciel nuageux pour rentrer chez moi sous un ciel ensoleillé. Je crois aux signes. Il m’attend. Il n’en peut plus d’attendre. Moi non plus. C’est le grand chamboulement et enfin, le miracle que je n’attendais plus. Un professeur de musique qui n’a pas peur des mots et sait mettre des paroles sur les accords de sa mélodie d’amour et qui me dit, les yeux dans les yeux : « je t’aime ».

P.S. : Mariah Carey m’a chargé de transmettre cette dédicace à mes ex.





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(4.17)


DSCF1214.JPG (c) Zanzi



Après six mois de galère, et finalement grâce à l’aide de mon frère, mon petit studio des Batignolles où vécut Paul Verlaine de 1851 à 1865 a finalement trouvé acquéreur. D’ici la fin de ce mois, la vente devrait être finalisée devant le notaire, et d’ici l’été, mon ancienne garçonnière sera devenue le cabinet d’une psychothérapeute. C’est un signe, un aboutissement logique. La boucle est bouclée. Fin d’un cycle qui avait commencé en septembre 1998. À présent, je n’ai plus de « chez moi » à Paris.

J’ai déjà évoqué certaines choses dans le journal de mes adieux parisiens, je n’y reviendrai donc pas. Il paraît que le lieu où j’ai vécu est une « caisse de résonance ». Le fantôme de Verlaine apparaîtra-t-il nuitamment dans cette pièce qui dorénavant n’aura plus vocation qu’à être occupée de jour ? Les murs, qui furent les témoins silencieux de la plupart de mes aventures, trahiront-ils le secret de mes ébats ?

Revenir à Paris pendant trois jours, il y a deux mois de cela, m’a fait réaliser que je m’y sentais « à la maison ». C’est une sensation que j’éprouve dans d’autres endroits où je me sens bien. Je ne me sens pas bien au Canada, je n’y suis pas chez moi. Voilà pourquoi j’ai décidé d’en partir dès que les conditions pour le faire seront réunies.

Je ne suis pas vraiment entré dans un cycle nouveau, je suis plutôt dans une phase de transition. À la fin de cette transition, j’aurai quitté mon emploi actuel pour m’ouvrir à d’autres horizons en rapport avec mes aspirations profondes. D’abord, je goûterai au plaisir de ne rien faire, faisant mienne la philosophie d’Ava Gardner : « Je ne suis vraiment heureuse que lorsque je ne fais rien, absolument rien. Je ne comprends pas les gens qui aiment travailler et parlent de leur métier comme d'un foutu sacerdoce. Pour moi, ne rien faire, c'est comme flotter sur une eau tiède. Le délice, et la perfection.»

Ensuite, lorsque mon corps et mon esprit seront suffisamment reposés, je pourrai envisager autre chose pour aboutir, je l’espère, à la réalisation de mes espoirs et de mes rêves.

 

[Note de Daniel C. Hall : Ce billet de Zanzi date du 10 avril 2008. Je le gardais en réserve. Depuis, Zanzi est revenu en France pendant quelques jours. Nous nous sommes beaucoup téléphoné. De retour au Caribouland, il m’a adressé un nouveau billet aujourd'hui que je publierai vendredi et qui devrait secouer ses fans… moi le premier… Et ce n’est pas un cliffhanger ! Je croise les doigts et autre chose]



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(4.16)





Même si, selon la tradition cariboulandaise, il devrait se produire une dernière tempête de neige d’ici le mois prochain, le printemps, à l’image de la star de ce blog, fait son come-back.

Tandis que La Niña vient faire son show froid en France, le soleil revient se produire en vedette américaine sur l’Est canadien. Les écureuils recommencent à gambader, les oiseaux font leur nid, et les couples se forment. Dernièrement, trois de mes contacts locaux sur Facebook, et prétendants potentiels, sont passés du statut de « single » (célibataire) à « in a relationship with » (en couple avec) suivi d’un lien vers leur nouveau chéri. C’est là que les choses deviennent amusantes. Les élus de leur cul cœur sont franchement risibles.

Tout en écrivant ce billet, je me demande à haute voix dans ma tête si je vais me censurer car, j’entends déjà mon cousin écrire sur MSN (j’adore faire des phrases post-modernes qui a priori ne veulent rien dire mais qui sont pleines de sens pour mes contemporains) : « ce que tu es bitch ». Oui, je fais ma langue de pute, je balance, vitupère, conspue et je même qu’en plus je pète dans le trou de la couche d’ozone. Je me gausse, me défoule, et que ça roule ! Non, je ne vais pas m’autocensurer, je vais prendre plaisir à me rendre insupportable. Ce billet sera donc bitchy et je l’assume du haut de mon statut de star capricieuse, divine diva divagante.

Reprenons. J’en étais à vous révéler que les nouveaux « chums » de ces trois contacts sont, comment dirais-je ? Tout à fait quelconque. Des « average Joe », genres de « guy next door » qui ne peuvent en rien rivaliser avec mon sublime charisme, mes yeux multicolores, ma voix de crooner, et mes éjaculations abondantes. Cela dit, je vous confesse que je n’ai pas fait le moindre effort pour entreprendre la conquête de l’un des trois gugusses précités durant le temps où chacun était libre de succomber à mes charmes. L’hiver, dont j’évoquais les conditions insoutenables dans mon précédent billet, avait annihilé toute ma volonté de sortir de ma retraite forcée.

À présent, je dois dire que je n’ai aucun regret. Quand un prétendant ose me préférer quelqu’un sur lequel je n’aurais jamais daigné poser les yeux, je me détourne en haussant les épaules et continue mon chemin comme si de rien n’était. D’autre part, si quelqu’un que j’ai la faiblesse d’aimer ne me retourne pas la faveur, mais s’entête à nourrir un sentiment insensé pour une nullité qui lui pourrit la vie et le vampirise, je ne peux pas faire grand chose sinon le plaindre, et regarder vers d’autres horizons. À quoi bon être trois à souffrir d’une telle situation ? Deux, c’est bien suffisant.

À vrai dire, le printemps est arrivé mais je ne le ressens pas. Les effusions amoureuses ne m’intéressent plus… pour le moment. Je ne veux plus qu’on me parle d’amour. Parlez-moi plutôt du temps qu’il fait à Manosque, des parfums et des épices que l’on respire dans les souks orientaux, de la douceur de l’Océan indien lorsque ses vagues viennent caresser le rivage de Zanzibar… Je flanche. Voici que je redeviens poète alors que je voulais endosser le rôle du salaud qui se moque du monde.

Je vais vous faire une confidence. L’épreuve que je viens de traverser, et dont je ne suis pas encore tout à fait sorti, m’a fait prendre conscience de certaines vérités. Seul, face à moi-même, j’ai découvert qu’il était inutile de chercher l’amour comme un assoiffé cherche une source d’eau vive. Je n’aurai rien à offrir à quiconque tant que je ne me serai pas libéré de mes prisons mentales. Avant d’être capable de rencontrer mon autre, je dois me rencontrer moi-même, rencontrer ma vie, apprendre à m’aimer. Pour cela, je dois sortir de cette spirale d’autodestruction, de mépris et de haine de moi-même. Je dois me reconstruire. C’est un grand défi, peut-être le plus grand défi de ma vie.

P.S. : en me relisant, je m’aperçois que c’est encore une fois parti dans tous les sens. Finalement, seuls les deux derniers paragraphes sont intéressants.



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(4.15)





L’hiver s’éteint à Caribouland. La neige fond, lentement, mais sûrement. Les dernières traces blanches disparaîtront en mai. Cet hiver fut long, très long, trop long. Trop dur, trop rigoureux, difficile à supporter quand on est seul et qu’on n’a personne avec qui faire l’amour devant un feu de cheminée. Ajoutons à cela qu’il n’y a pas de cheminée dans la maison…

La Niña est la cousine maléfique d’El Niño. El Niño, c’est le petit garçon qui joue au réchauffement climatique. La Niña, c’est la petite fille frigide qui fabrique des glaçons une fois tous les dix ans, ou plus. C’est une paresseuse, mais son cousin au sang chaud ne lui laisse que peu d’espace pour s’exprimer. Mais quand elle s’exprime, la vilaine, ça fait mal. Elle ne le fait qu’en hiver. Un hiver « à la Niña », tel est celui que je viens de traverser. Douloureusement. Cela s’est traduit par des températures plus froides, et davantage de précipitations. Comprenez par là : des chutes de neige, des tempêtes hivernales, des pluies de verglas.

C’est beau quand ça tombe la première fois, la neige. Tout est immaculé, et le silence qui s’abat avec elle invite à une forme de recueillement. Mais dans le monde contemporain, tout ce qui est pur est appelé à être souillé. L’automobile transforme la neige en gadoue, le « slush », les émanations des pots d’échappement noircissent le blanc manteau neigeux, comme un poumon est encrassé par la fumée du tabac. Et tout devient laid.

L’hiver a tué. Spectaculairement. Au cours de la deuxième semaine de janvier, une équipe de joueurs de basket (15 et 16 ans) a été décimée dans un accident de la route. À cinq minutes de la destination finale, le minibus a dérapé, et comme dans un mauvais film, la fatalité a voulu qu’un camion arrivât en sens inverse. Sept joueurs sur neuf ont perdu la vie, ainsi que l’épouse du coach, ce dernier étant, avec sa fille et deux autres joueurs, l’un des quatre rescapés, mais marqué à vie par la tragédie.

L’hiver condamne à l’enfermement. Les gens se barricadent chez eux. Le climat est primesautier. Un bulletin météo peut être contredit par les faits le lendemain. Dans ces conditions, il apparaît hautement hasardeux de prévoir une excursion un tant soit peu lointaine, le risque étant grand d’être pris n’importe où dans une tempête de neige ou de glace. La vie sociale, au cœur de l’hiver, est une belle endormie dans un coma artificiel.

Je le reconnais, je suis venu ici de mon plein gré. J’avais des projets plein la tête. Ils se sont fracassés sur les rochers de la réalité. Je voulais revoir la neige, que je ne voyais plus en France depuis si longtemps. Las ! j’ai fait une overdose de poudre blanche, transformant un rêve d’enfant en cauchemar d’adulte. Le paradis blanc s’est révélé être un enfer.

J’en sors fourbu, vanné, molesté par une souffrance quotidienne qui ne m’a laissé aucun répit de tout le mois passé. Quand l’esprit vacille, le corps proteste et réagit avec véhémence. De surcroît, il s’enferme dans une logique mortifère et se nourrit de son propre venin imaginaire. Sortir de cette spirale n’est pas chose aisée, mais reconnaître et identifier le problème est un premier pas vers la guérison.

L’hiver s’éteint à Caribouland, emportant avec lui les projets d’avenir que j’y avais formés. Mais la petite flamme à l’intérieur de moi n’est pas morte. Elle a la vaillance du feu grégeois. Elle est plus forte qu’elle ne le croit. Alors, après s’être consumé, le phénix renaîtra de ses cendres et le feu sacré qui l’anime reprendra vigueur, et brûlera, ardemment.



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(4.14)



L’année où mon père naquit (deux jours avant Charlton Heston), le cinéma était encore muet. Cette année-là (qui n’est pas l’année 1962), en France, Alexandre Millerand tente d’instaurer un régime présidentiel (il a échoué). En Angleterre, le prince Albert, duc d’York (futur George VI) est encore en lune de miel avec son épouse, la future Reine Mère. En URSS, Lénine n’a plus que trois mois à vivre. À Istanbul, Abdülmecid II, dernier Calife de l’islam, contemple mélancoliquement le Bosphore depuis le palais de Dolmabaçe. Aux États-Unis, les gangsters s’enrichissent grâce à la lucrative économie souterraine née de la Prohibition. En Ethiopie, le ras Tafari Makonnen, dont le titre et le nom donneront naissance à un style de coiffure très populaire à la Jamaïque, n’est encore que l’héritier de l’impératrice Zaoditou. De même, au Japon, Hirohito ne règne pas encore. La Société des Nations tente de faire de la cacophonie internationale un concert harmonieux (elle n’y parviendra jamais). Dans l’Allemagne vaincue, Hitler est envoyé en prison où il va rédiger Mein Kampf. Le révolutionnaire Mexicain Pancho Villa est assassiné. Et Walt Disney n’a pas encore créé Mickey Mouse.


C’est dire si mon père n’est pas né de la dernière pluie. Curieusement, l’expression s’applique à quelqu’un que l’on dit bien informé de quelque chose. Ici, je fais volontairement un jeu de mots par antiphrase car il me semble que c’est tout le contraire.


Je ne me souviens plus si j’ai déjà dit dans ces colonnes que je n’ai jamais fait de « coming-out ». La raison est fort simple : je ne me vois pas aborder un sujet aussi sensible en étant célibataire. Cela reviendrait à accréditer la thèse selon laquelle un homosexuel est un être instable, pas sérieux, etc. Personne ne demande à un jeune homme célibataire qui est attiré par les femmes de clamer un jour à la table dominicale qu’il est hétéro. Et pourtant, s’il le faisait, combien de parents penseraient alors : « Ouf, mon fils est normal. Simplement il n’a pas encore rencontré la femme de sa vie » ? Posez-vous la question, ou mieux, posez-la aux parents qui ont des enfants dont le célibat se prolonge… À l’inverse, lorsqu’un homo sans compagnon révèle son « orientation sexuelle », la réaction n’est pas la même. Il est déjà difficile de passer pour un anormal (au sens où, est considéré comme normal celui qui adopte le comportement de la majorité), sans qu’il faille rajouter une louche aux idées reçues.


Je suis donc parti du principe que je n’avais rien à dire, et que l’évidence sauterait aux yeux de chacun. Un homme beau et intelligent qui ne présente jamais de charmante (ni de laide) demoiselle à ses parents ne peut que faire partie de ces êtres à part que leur sens esthétique conduit à aimer leurs semblables (j’adore quand je fais des phrases joliment tournées). Il y a quelques années, j’ai eu avec ma mère une conversation à mots couverts du voile de la pudeur sur ce sujet délicat. Elle en ressortie persuadée que je suis bisexuel. Conviction que partagent notre voyante qui me voit un jour marié et père de trois enfants, et Daniel qui pense que je suis un hétéro refoulé. Le fait est que j’ai commencé ma carrière sentimentale de façon très classique. Mes petites copines de l’école primaire, Nathalie (de 6 à 9 ans) et Odile (de 9 à 11 ans), peuvent en témoigner. Nathalie a même raconté à son mari que j’avais été son amour d’enfance. Alors, n’importe qui peut se dire que si le train a déraillé quelque part, il suffit d’un peu de travail pour le remettre sur la bonne voie. Mais revenons-en au sujet.


S’agissant de la perception de mon père, un homme un peu distrait et souvent « dans la lune », qui s’est créé un univers familier et routinier bien à lui, je m’en suis ouvert un jour à mon frère. Curieusement, le père de la sublime Eva me confia alors que notre distingué géniteur « n’était pas né de la dernière pluie » et que, sous la trompeuse apparence d’homme distrait et inattentif, il était parfaitement au courant de ma situation. Dont acte. Jusqu’à cette conversation que nous eûmes il y a deux semaines lors de mon séjour dans la maison familiale. Comme il s’inquiétait (ce qui lui arrive assez souvent) de savoir si j’étais heureux, je lui fis une réponse de normand des plus évasives, mais qui laissait néanmoins transparaître le poids que représente la solitude. Il me dit alors :
— Il faudrait que tu trouves une femme.


Pour être tout à fait précis, ce n’est pas la première fois qu’il me sort cette platitude, mais je crois que c’est la première fois depuis que mon frère avait levé mes doutes sur son entendement. Autrefois, je lui répondais :
— De ménage.

Cette fois-ci, je suis resté interloqué mais, sans rien laisser paraître, j’ai haussé les épaules sans rien dire. Mon père a continué :
— Regarde, moi, par exemple…


Allusion au fait que je ne suis pas un cas désespéré puisque lui-même s’est marié à l’aube de ses 45 ans. C’est oublier que le mariage de mes parents n’a rien de romantique, et que tous deux ont fait ce qu’il convient d’appeler « une fin ». Certes, ils ne sont pas les seuls dans ce cas de figure, et l’on trouve d’autres exemples dans la famille ; mais ils représentent exactement le contraire de mon idéal conjugal. Par conséquent, que mon père prenne sa propre histoire en exemple pour me remonter le moral témoigne d’une méconnaissance totale de ma sensibilité et de ma personnalité. Je ne peux pas dire que cet échange quelque peu surréaliste m’ait fait retourner dans un placard qu’au fond je n’ai jamais quitté. Mais il m’a rappelé que, si les secrets et les non-dits sont source de confusion et d’incompréhension, il n’est pas non plus aisé d’aborder certains sujets avec un octogénaire qui n’est pas forcément prêt à entendre certaines vérités. Je croyais pourtant que le fait que mon cousin Canadien (neveu et filleul de mon père) ait enfin levé le voile sur sa vie privée (mais lui vit une relation de couple stable) m’aiderait subséquemment à franchir le pas, le moment venu. Je constate qu’il n’en est rien. D’autres que moi auraient répondu du tac au tac :
— Papa, arrête ton char, ne me dis pas que tu ignores encore que je suis homo.



Je n’ai pas eu ce courage. Je ne l’aurais peut-être jamais, en tout cas, pas tant qu’il n’y aura personne à mes côtés. D’autres pourront toujours m’opposer que j’aurais pu le faire à 18 ans. Mais c’était impossible. Non seulement lorsque j’avais 18 ans la chose n’était pas évidente (car j’étais « amoureux » de Sylvie depuis deux ans même si je ressentais un trouble certain pour mes petits camarades de même sexe, en particulier dans les vestiaires avant et après les cours d’EPS), mais en plus la société (et ma mère, avec une vision janséniste en blanc et noir du bien et du mal et de la notion du péché) n’était pas aussi évoluée qu’elle l’est actuellement. Et quand bien même des progrès ont été accomplis, il est toujours difficile pour des adolescents de se regarder tels qu’ils sont ou croient être, et d’affronter le regard de leur proche famille. Tout le monde n’a pas une maman comme Diane Keaton dans la comédie Esprit de famille (à un moment elle déclare qu’elle aurait aimé que tous ses enfants soient gays, mais un seul garçon lui a fait ce plaisir).


Maintenant, peut-être que Daniel a raison, peut-être que la voyante a raison, je n’en sais rien. Peut-être que tout le monde a tort. Peut-être que je fais partie de ces gens qui resteront seuls jusqu’à la fin de leurs jours. J’ignore où me conduit mon cheminement tourmenté. Je sais seulement que n’ai pas envie de suivre l’exemple de mes prédécesseurs et de faire une fin, je n’ai pas envie de décider d’être avec quelqu’un simplement parce qu’un jour je me dirais que c’est ma dernière chance d’être en couple. Et par dessus tout, je ne veux pas que, de son côté, cette hypothétique personne pense la même chose ! Même si, curieusement, cela produit des unions durables… J’ai juste envie d’être amoureux et d’être aimé de la personne aimée. Je veux sentir mon cœur battre contre son cœur, et que nous prenions plaisir à nous endormir et à nous réveiller dans les bras l’un de l’autre. C’est tout.


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(4.13)

 


Cette année comme les précédentes, fidèle à la tradition, je ne célèbrerai pas la Saint Valentin. Faute de Valentin… Pourtant, nombre d’entre vous seraient surpris d’apprendre que, dans mon lointain exil sur les terres froides et désolées du Grand Nord, il m’arrive de recevoir des messages d’amour dans lesquels on s’adresse à moi en ces termes affectueux : « chéri », « mon amour », « bébé ». Même que récemment on m’a écrit plus d’une fois « je t’aime » ! Ah ben tiens voilà qui fait plaisir. Cependant… pour ne pas dire « mais », car il y a toujours un « cependant » dans la vie de Zanzi, en l’absence d’une présence ( !) « réelle », pas comme celle que l’on dit dans l’Eucharistie, car je ne crois pas à la transsubstantiation de l’amour dans un courriel ou un dialogue via MSN, mon vieux sens paysan me dit que tout cela « ne nourrit pas son homme » ! Je ne dirai donc pas que personne ne m’aime, puisque visiblement c’est le contraire ; mais foin des amours virtuelles, je n’ai pas de Valentin. Personne. Tous ces mots d’amour ne sont que des mots.
 
 

 
 

Récemment mon cher cousin Clode, qui s’exprime quelquefois dans les commentaires (le fera-t-il cette fois-ci ?), face à ma « déprime hivernale », m’a demandé de faire mon introspection pour savoir ce qui n’allait pas avec moi. En clair : que j’analyse les raisons de l’échec patent de ma vie sentimentale. Comme je venais justement de me livrer à cet exercice dans le cadre d’une relation épistolaire, certes ponctuée de « chéri je t’aime mon amour » (cf. supra) mais pas du tout satisfaisante au-delà des mots et en tout cas incapable de déboucher sur quelque chose de concret, je lui répondis que je discernais trois grandes tendances pouvant expliquer mes déboires relationnels, mais qui malheureusement se répètent à chaque nouvelle tentative comme autant de mauvais remakes.

1. Mon amoureux n’est pas libre
(cas d’Esteban dont j’ai déjà parlé il me semble, cas aussi de l’un des correspondants énamourés cités ci-dessus, qui en plus ne m’a jamais vu en chair et en os ! C’est dire la puissance de mon charme interstellaire…) : dans ce cas, pourquoi ne pas me laisser tranquille ? (Je ne dis pas ça pour toi, Esteban, après tout je t’ai bien cherché à l’époque !)


2. La distance
(cas de Kamil et de Fabrice, cuvée 2005) :  ah, on peut dire qu’elle a bon dos, la distance. Quand on sait que pour certaines personnes, dix kilomètres représentent le bout du monde, ou que pour une parisienne pur jus Nanterre se trouve en province (elle se reconnaîtra, hihihi)… En tout cas, avec mon exil cariboulandais, je crois que j’ai développé l’importance de la raison numéro 2.


3. Le poids du passé
 : dans le style je crois que j’aime encore mon ex ou bien je ne me sens pas prêt pour une nouvelle relation (cas multiples, mais il y en a un qui est en cours, lui aussi se reconnaîtra… mais ne le prends pas mal mon précieux, tu sais bien ce qu’il en est). Alors là, que faire ? Appuyer sur la zapette ou attendre patiemment que ça passe ? Car malheureusement ces choses-là ne passent pas comme un rhume…

 
 
 
 
 


Le 14 février est donc condamné à être pour l’éternité le jour maudit où mon cœur en déshérence porte le deuil de mes amours mortes, de mes amours impossibles, et de mes rêves d’une vie de couple comme le commun des mortels. Mais voilà, je ne suis pas comme le commun des mortels. Cette privation d’un bonheur tout simple est-elle le prix à payer pour être un demi-dieu venu des confins intergalactiques ?

– Hey Zanzi, ça va les chevilles ?

Pfffff… si on ne peut plus plaisanter et pratiquer l’humour auto-dérisoire… Bon, reprenons. Aujourd’hui, donc, des millions de couples de par le monde vont se la jouer façon « romance idyllique sur un petit nuage rose ». Les journaux télévisés consacreront à l’événement quelques images classiques où l’on voit un homme acheter au point du jour un bouquet de fleurs pour sa dulcinée et confier à la caméra qu’il prépare à sa chère et tendre une surprise romantique. Genre : aujourd’hui, c’est lui qui fera la vaisselle ! Non, je rigole… Elle attendra demain, la vaisselle. À Caribouland, le matraquage est pire encore. Le continent nord-américain a assimilé la Saint-Valentin à une quasi-fête nationale. Ça se prépare des semaines à l’avance, et les médias nous rabâchent à l’envie que la date fatidique approche à grands coups de publicités et de réclames en tous genres. Tant et si bien que quiconque ici n’a pas de valentin(e) se sent l’être le plus misérable de la création.

 
 
 


Ajoutons à cela qu’en 2008, Février, le mois des amoureux, quoique le plus court de l’année, compte 29 jours ! Eh oui, nous sommes dans une année bisexuelle bissextile. Histoire de faire durer le plaisir. Est-ce un hasard si le premier couple de France a choisi ce mois de l’amour pour se marier ? C’est encore une belle claque dans ma gueule, ça. Pendant que je me morfonds tout seul dans mon coin, le chef de l’Etat Français divorce, rencontre un top model et l’épouse. Et tout ça en trois mois chrono ! On se croirait dans un de mes petits savons… Nicolas Sarkozy et Carla Bruni-Tedeschi ont certes fait moins vite que le couple de fiction télévisuelle Dharma et Greg qui se sont mariés le jour même de leur rencontre. Cela dit, le mariage de Marilyn Monroe et de Joe DiMaggio ayant quant à lui duré neuf mois, il n’est pas exclu que le couple présidentiel se sépare à la prochaine saison des feuilles mortes. En attendant, on les dit « très amoureux ». Rien que pour ça, je trouve qu’ils ont de la chance.


Est-ce qu’ils se disent des mots doux, s’envoient 10 textos par jour pour se dire qu’ils s’aiment, qu’ils pensent l’un à l’autre ? Mon cœur, mon amourMon amour, mon cœur… J’ai l’air sarcastique comme ça, mais je reconnais que je connais pas mal de couples peu expansifs qui ne montrent pas ainsi leurs sentiments ni ne se donnent des diminutifs romantiques. À commencer par mes parents, un modèle du genre. Je n’ai jamais compris pourquoi ils se sont mariés… Du côté de Bruxelles, je connais aussi un couple (homo, celui-là) qui s’abstient de ce genre de manifestation… tout au moins en public. Eux aussi se reconnaîtront car ils me lisent.
« Ne passons pas à côté des choses simples » nous serinait il y a quelques années une marque de jambon. Dernièrement je vous ai raconté comment je dépensais mes eurodollars ; à présent je vais vous dire ce que mes ex et les autres (les ex-futur, les futur-ex, les lointains virtuels…) manquent en n’étant pas avec moi.



Vous manquez un séjour à Venise, capitale des amoureux, la veille du Grand Carnaval masqué ; vous ratez un dîner aux chandelles, une promenade en gondole, et un baiser sous les étoiles et les feux d’artifices sur le balcon du Palais des Doges. Vous manquez aussi un safari en Tanzanie, la beauté mystique et luxuriante d’un coucher de soleil sur Serengeti, main dans la main, et l’harmonie surnaturelle de nos corps enlacés à l’heure où les grands fauves vont boire. Vous manquez également une ballade dans la lande écossaise et une nuit romantique dans un château hanté ; un petit déjeuner ensoleillé dans un mas provençal, bercé par le chant des cigales ; une croisière dans les Caraïbes, pour s’aimer au soleil, et une autre dans les Fjords, pour s’aimer au grand air ; un week-end à New York, pour s’embrasser au sommet de l’Empire State Building comme au cinéma ; un café à la terrasse des Deux Magots au soleil de Mai, tandis que virevoltent autour de nous les petits moineaux… et bien d’autres choses encore. Vous ne savez pas ce que vous manquez. Le saurez-vous jamais, vous qui préférez le confort routinier de votre quotidien sans saveur ?

Où es-tu ? Qui es-tu ? Toi que je n’attends plus…


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(4.12)



Après une absence prolongée qui n’a même pas inquiété mon fan n°1 (Luc, qui est peut-être définitivement retourné auprès de sa femme !), je reviens… péniblement je dois dire. Victime de conditions climatiques particulièrement rudes (La Niña, cousine maléfique de El Niño, nous envoie beaucoup de neige et de froid), j’ai le moral en berne et quand il en est ainsi, ma créativité fout le camp, je n’ai plus envie d’écrire, je n’ai plus le goût de rien. Alors je reviens juste pour chouiner et vous raconter comment le fait de souffrir de la solitude me fait jeter l’argent par les fenêtres.

Michael Bublé, dont j’ai déjà parlé dans ces colonnes l’année dernière, est venu se produire samedi 2 février à Moncton, dernière étape canadienne de sa tournée Call Me Irresponsible (du titre de son dernier album, sur une reprise d’une chanson de Julie London). Début octobre, je me suis rué à la billetterie à l’annonce de l’ouverture du booking. Dans l’euphorie des premiers temps qui ont suivi mon installation, et le cœur encore plein d’espérance par rapport à l’environnement humain, je me suis laissé emporter à acheter… deux billets. A 75.50 dollars l’unité, ça fait : 151 huards. Mais bon, j’ai les moyens…

Les mois ont passé, me rapprochant de l’échéance. Pas l’ombre d’un invité à l’horizon. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais… des excuses, des prétextes, un emploi du temps déjà réservé, blablabla… Personne. L’avant-veille, j’ai finalement réussi à décrocher un accord de principe. Je resterai volontairement évasif pour ne citer personne, c’est déjà assez pénible comme ça. Bref, le guest m’a posé un lapin la veille, devant se rendre soudainement dans sa famille à l’autre bout de la province. Courage, fuyons !

Samedi, j’étais donc bien désappointé… Par-dessus tout ça, je ne retrouvais plus ces maudits billets ! J’avais donc déjà tiré un trait sur ce concert lorsque finalement je remis la main dessus. Pour autant, je n’étais pas motivé pour y aller. Mon cousin m’a secoué d’importance en me disant que j’étais fou, qu’il fallait que j’y aille quand même. Un ami de Marmande m’a sorti un discours semblable, me répétant à l’envie qu’il fallait que je me fasse plaisir. Mais comment dire ? Je n’avais plus envie. Je l’ai déjà évoqué plus haut : quand on a le goût de rien…

Finalement j’y suis allé, mais j’aurais mieux fait de rester chez moi. En effet, ce concert m’a rendu malade… Ou plutôt je suis tombé malade pendant le concert, peut-être que tout ce qui a précédé a préparé le terrain pour cette issue déplorable. Des femelles hystériques une rangée derrière moi se sont mises à pousser des cris stridents dès l’apparition du groupe Naturally 7 qui faisait la première partie du show. Un ensemble de sept blacks qui détonnent un peu dans l’univers du R’n’B et du hip-hop car ils arrivent à reproduire des sons instrumentaux avec leur seul organe vocal (je ne parlerai pas de l’autre organe qu’ils doivent tous avoir au moins à 25). Bref, ça commençait mal pour mes pauvres oreilles… Pas à cause du groupe, mais des folles derrière moi.

A l’arrivée du « dieu » Michael, les choses ont empiré, les cris ont redoublé d’intensité. La migraine s’était installée. Malheureusement, ce mal de tête avait aussi une origine digestive. Visiblement, mon foie protestait contre la poutine que j’avais sifflé une heure auparavant. Ou bien était-ce les deux verres de Rhum Margarita que j’avais avalés avant de prendre le volant sur les routes verglacées (le premier qui dit que j’ai des tendances suicidaires a gagné) ? Toujours est-il que plus le show avançait, et plus je me sentais au bord de l’effondrement. Finalement, lorsque vint le rappel, je décidai de m’éclipser avant de renvoyer ma poutine sur la spectatrice d’en face.

Bien m’en a pris, je crois. L’air frais du dehors m’a donné un peu de répit. Mais en arrivant chez moi, je me suis vu dans la glace aussi livide que le cadavre d’un type qui aurait perdu tout son sang… Finalement, ce n’était pas plus mal que j’y sois allé seul.

Il faudra que je dise à Michael que mon billet de concert m’aura donc coûté le double, ça pourrait lui donner des idées pour augmenter ses tarifs. D’autant que je trouve qu’il se la pétait drôlement. Mais je suis trop critique, je n’étais pas dans le mood pour apprécier pleinement ses multiples performances.

Avant de vous laisser, je dois vous enseigner une autre façon de jeter l’argent par les fenêtres, encore plus dispendieuse que la première, et autrement plus folle. Au printemps 2006, ma mère avait décidé que nous partirions en vacances en famille : une semaine dans un riad à Marrakech. Mes parents, mon frère, ma belle-sœur enceinte, la mère de ma belle-sœur, Zohra notre amie marocaine (ma sœur adoptive), et moi… Seulement voilà, je n’ai pas vraiment apprécié la perspective d’être le seul tout seul dans un lit à deux places (exception faite des deux dames précitées qui partageaient une chambre à deux lits). J’ai donc proposé à l’un de mes contacts de se joindre à nous…

Le premier qui dit que j’étais fou a gagné, mais attention vous n’imaginez à quel point je peux être cinglé. L’élu en question étant étudiant dans le Nord de la France (lieu de départ de l’avion), et comme tout étudiant qui se respecte dénué de thunes, je lui ai offert le billet d’avion. Je ne sais plus, ça devait être entre 350 et 400 euros. Mais bon, j’ai les moyens…

Il se produisait à l’époque une grève étudiante contre le CPE ou je ne sais plus quoi. Bref, c’était encore une fois le merdier républicain en France. Quoi qu’il en soit, lorsque mon étudiant a dit à son père, la veille du départ (je lui avais pourtant recommandé de prévenir ses parents plusieurs semaines à l’avance), qu’il partait une semaine au Maroc avec des gens qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam, le monsieur a piqué une crise de nerfs. Tremblant comme une feuille devant le courroux paternel qu’il n’osa enfreindre, mon jeune adonis s’est dégonflé et m’a dit qu’il ne partait plus… Il a fallu que j’annonce cela à ma mère après lui avoir fait accepter la présence d’un inconnu…

Il faut croire que cette mésaventure ne m’a pas servi de leçon puisque, dans une moindre mesure, j’ai recommencé mes conneries avec ce billet de concert en trop. Fou, avez-vous dit ? Le mot est faible. Extravagant, déraisonnable… désaxé total. Call me irresponsible !





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