Jeudi 9 août
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Fiche technique :
Avec Mike White, Chris Weitz, Lupe Ontiveros, Beth Colt, Paul Weitz, Maya Rudolph, Mary Wigmore et Paul Sand. Réalisé par Miguel Arteta. Scénario de Mike White. Directeur de la
photographie : Chuy Chavez. Compositeur : Gregory « Smokey » Hormel, Tony Maxwell et Joey Waronker.
Durée : 96 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé :
Deux amis d'enfance ont évolué de façon diamétralement opposée. Chuck Sitter (Chris Weitz), beau garçon, est cadre dans une société de production musicale où il a rapidement gravi les échelons. Il est sûr de lui et ne manque
pas d'ambition. Il possède une maison dans les collines d'Hollywood, une voiture de sport et une ravissante fiancée.
Quant à Buck O'Brien (Mike White), il n'a jamais mis les pieds à l'université, n'a jamais
travaillé et habite toujours chez sa mère. Refusant de grandir, il a gardé une âme d'enfant. Il regarde continuellement la télévision, joue avec des voitures miniatures et écoute ses vieux
disques en boucle.
Bien qu'ils ne se soient pas vus pendant quinze ans, Buck considère toujours
Chuck comme son grand ami. Lorsque les deux comparses sont réunis à l'occasion des funérailles de
la mère de Buck, ce dernier croit pouvoir reprendre leur amitié où ils l'avaient laissée.
Cependant, Chuck, qui n'est pas de cet avis, éconduit poliment Buck. Celui-ci ne se décourage pas ; il plie bagages, retire toutes ses économies et s'installe à Los Angeles, traquant
Chuck aussi bien au bureau que chez lui. Deux univers vont s'affronter pour le meilleur et pour le
pire.
Mike White a remporté le Prix Ralph Lauren de la Meilleure Interprétation au Festival de Deauville 2000. Comme Star Maps, le premier film de Miguel Arteta, Chuck & Buck est à la fois une comédie noire et le portrait attachant d'un homme qui éprouve des difficultés à s'intégrer
dans la société. Ce long métrage a été filmé en numérique.
L'avis de Thomas Werth :
Effet du hasard ou volonté marquée de la part du réalisateur ? Toujours est-il que le second film de Miguel Arteta (après Star Maps, en 1997) semble constituer une variation autour du chiffre 2 et de toutes ses déclinaisons narratives : ambiguité, bisexualité schizophrénie, balancement, hésitation,
opposition, réunion…
Buck (interprété par Mike White, coscénariste du film) est un concentré de nombre de ces aspects :
un homme-enfant de 27 ans, homme de par son état civil et physique, enfant de par son mental. On le voit souvent entouré de ses jouets, une sucette à la bouche, enfant gâté, irresponsable et
têtu, prêt à fondre en larmes à la moindre contrariété. En somme, le double négatif de Chuck, son
ami d'enfance, devenu un homme d'affaires accompli en route vers le succès professionnel, social et matrimonial.
Un enfant tourné vers le passé face à un homme plein d'avenir – et le clash est bien entendu inévitable. Le temps a substitué un dénommé Charles au Chuck avec lequel Buck allait jusqu'à s'adonner à des relations « homoérotiques » naïves et innocentes – une substitution à laquelle Buck, ancré dans le passé, ne peut se résoudre. Il développera ainsi mille stratagèmes, poursuivra
Chuck jusqu'au harcèlement dans le seul but de ressusciter les relations qu'ils entretenaient dans
leur jeunesse – un acharnement inquiétant, malsain qui provoquera le rejet grandissant de Chuck...
Le film décrit le parcours initiatique de Buck vers l'âge adulte – un parcours présenté ici comme
fait de renoncements. Pour grandir, Buck devra apprendre à faire le deuil de son enfance, à
renoncer à ces jouets dont il ne se sépare jamais, à accepter le mariage de Chuck avec sa nouvelle
compagne – renoncement et évolution vont ainsi de pair, dichotomie soulignée par une musique ("It's time for a new start") venant accompagner chaque perte subie par Buck dans sa progression vers l'âge adulte.
Deux personnages centraux, l'opposition passé/présent, le double-jeu d'un Charles/Chuck attiré-effrayé par Buck, la paire renoncement-évolution,
etc. Le sentiment de dualité est ici, on le voit, plus martelé que suggéré, et plombe un film qui en finit par démontrer plutôt que montrer. Les traits caractérisants sont multipliés jusqu'à
l'indigestion. Le thème musical, à valeur de jingle, répété pas moins de cinq fois au cours du film, participe aussi de ce regrettable manque de confiance en la capacité de compréhension autonome
du spectateur.
Le personnage de Buck et la peinture qui en est faite restent cependant l'attrait principal de ce
film grâce, en partie, au jeu de Jim White. Homme-enfant, Buck est une anomalie, une créature
hybride touchante dans sa naïveté et son optimisme inébranlable mais inquiétante, malsaine dans son acharnement et son obsession. Si le film n'évite pas le cliché de la célébration de l'enfance
comme un territoire magique et paradisiaque, s'il ne manque pas de glorifier l'être enfant, il souligne cependant l'anomalie du rester enfant, apportant ainsi quelques nuances à son traitement de
l'enfance – nuances que l'on aurait aimé rencontrer à d'autres niveaux d'un film autrement trop didactique et assertif.
L’avis de Yannis Polinacci :
À première vue, Chuck & Buck ressemble à n'importe quelle autre fiction américaine mettant en scène un idiot au cœur d'or qui a du mal à se faire accepter. On pense à Rain
Man, on pense à Forrest Gump, on pense et on frémit. Et il faut dire que tout le début du film ne semble aucunement contrarier cette hypothèse. Buck retrouve son ami Chuck et décide
de le coller jusqu'à ce que ce dernier veuille de lui. On ne pense plus, on frémit beaucoup.
Pourtant un détail peut nous mettre sur la voie. Chuck & Buck est filmé en vidéo numérique, une sale vidéo numérique. Un film de cette sorte mettant en scène des imbéciles ? Cela
rappelle bien sûr le Dogme et Les Idiots de Lars Von Trier. Dès lors, on peut s'attendre à une version plus trash ou déjantée de l'Idiot du village. Et pour cause, ce n'est pas une boîte
de chocolats ou autres crevettes que l'attardé Chuck veut mettre dans sa bouche, mais une certaine partie du corps de son ancien ami, comme ils étaient apparemment habitués à le faire dans leur
tendre enfance. Car Chuck & Buck, comme le rappelle une formule récitée par notre charmant héros, ça signifie avant tout « Suck & Fuck ». Et là, c'est sûr, le
mythe du héros bêta et naïf, idole de toute une Amérique, en prend un sacré coup.
Voilà donc résumée la seule véritable originalité du film. On peut la trouver vulgaire, mais elle demande un certain culot. Le réalisateur, et son scénariste-acteur, désiraient ainsi montrer
comment des héros attachés à l'enfance sont bien loin de l'innocence rose, de l'univers asexué par lesquels les adultes les représentent trop souvent. De fait, cet âge de la vie a depuis
longtemps représenté pour l'Amérique puritaine, mais pas que pour celle-ci, le Paradis à cause de l'absence de sexualité, grande malédiction de l'Homme occidental. Dans ce contexte, les désirs de
ce vilain petit canard de Buck ont quelque chose de réjouissant. Mais cela risque fort malheureusement de ne pas suffire à faire de ce film une réussite.
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