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FILMS : Les Toiles Roses


Fiche technique :
Avec Stéphane Giusti, Jean-Michel Portal, Marcial Di Fonzo Bo, Mathilde Seigner, Vittoria Scognamiglio et Jacques Hansen. Réalisé par Stéphane Giusti.
Durée : 87 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Martin rencontre Lucas, maître-nageur de la piscine où il vient d'être engagé. Martin tombe aussitôt fou amoureux de lui, mais Lucas vie avec une jeune fille, Lise. Pourtant, ses sentiments pour Martin bousculent sa nature, ses désirs, ses habitudes et se transforment peu à peu en amour véritable.
L'avis de Francis Lamberg (La Lucarne) :
L'homme que Martin aime est maître-nageur dans la piscine où il travaille. De surcroît, l'objet de son désir est hétérosexuel et vit en couple ! « Des mecs comme toi, y en a plein la piscine et moi je tombe juste sur le mauvais. » Mais Martin est obstiné. Lui, le charmeur à qui personne ne résiste sauf Lucas, va mettre tout en œuvre pour arriver à ses fins. Le froid et distant Lucas saura-t-il rester insensible à la cour assidue que lui fait le fantasque, infantile et franc Martin ? Martin qui vit dans l'urgence à cause de sa séropositivité, va briser le ménage de Lucas et va révéler ce dernier à lui-même.. Cette fiction, Stéphane Giusti l'avait conçue comme un film de cinéma. Faisant le constat que personne ne veut le produire, il le proposera à Arte qui acceptera d'emblée et sans aucune censure de le produire comme téléfilm. C'était avant le succès de l'hilarant Pourquoi pas moi ?
Ce film où Lucas et Martin ont, finalement, tout pour être heureux si ce n'est la maladie de Martin, est également un brillant manifeste Act-Upien. C'est une œuvre résolument optimiste qui traite de la dignité dans la maladie voire de la dignité de la maladie. Pour le personnage de Martin, Giusti s'est inspiré de Clews Valley, figure historique, emblématique et charismatique d'Act Up Paris. Tout cela est expliqué par Giusti dans l'interview-bonus. Marcial Di Fonzo Bo donne beaucoup de force et de nuance dans son interprétation de Martin. Tandis que Jean-Michel Portal traduit très bien le cheminement d'un Lucas glacial et bourru qui fini par fondre imperceptiblement devant la fougue, l'insistance et l'amour de Martin. Mathilde Seigner campe une Lise également tout en subtilité et justesse.

Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Pascal Greggory, Nathalie Richard, Cyrille Thouvenin, Vincent Martinez, Julie Gayet, Alain Bashung et Bulle Ogier. Réalisé par Ilan Duran Cohen. Scénario : Ilan Duran Cohen et Philippe Lasry. Directeur de la photographie : Jeanne Lapoirie. Compositeur : Jay Jay Johanson.
Durée : 94 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Les désirs d'Alain (Pascal Greggory ; Zonzon), avocat de quarante ans, sont confus. Il balance entre la sécurité des relations stables et l'ivresse de rencontres fantasmées. Que doit-il faire ?
Épouser sans amour Laurence (Nathalie Richard), avocate elle aussi, vivre avec Christophe (Cyrille Thouvenin), un jeune garçon, laisser libre cours à ses fantasmes avec Marc (Vincent Martinez) détenu dont il assure la défense, ou céder à la tentation de Babette (Julie Gayet), la fiancée de ce dernier.
Ces personnages en pleine confusion, en quête d'absolu, entrent dans une ronde désenchantée, tendre et cruelle.

L'avis de Traveling avant :
Second long métrage d'Ilan Duran-Cohen, davantage connu comme écrivain – son premier long, Lola Zipper, n'a guère laissé de traces dans l'imaginaire des cinéphiles – La Confusion des genres aborde de façon à la fois franche et comique le désarroi existentiel, amoureux et sexuel de notre époque incertaine. Dans ce film aux dialogues incisifs, porté par une qualité d'écriture, une acidité du ton et une acuité du regard qui ne se démentent pas, il est question d'absence ou de redéfinition des repères amoureux et du nouveau discours qui en résulte, qui remet en question, du moins en crise, les notions de monogamie, de fidélité, de relation stable et de confiance. Avec primauté du sexe et du désir sur le sentiment amoureux, qui en prend pour son rhume. L'originalité et la qualité du regard de Duran-Cohen se situent dans sa volonté d'explorer autre chose que la détresse et l'auto-destruction qui sont habituellement associées à ce constat de crise généralisée des sentiments amoureux. Car ici, l'indécision et la confusion ne sont pas synonymes de misérabilisme moral : point de jugement, plutôt un constat et son illustration, souvent même amusée, de la nature à la fois vaine et nécessaire d'une telle circulation non linéaire des élans de passion.
Sorte de variation-version trash et sexuelle du Goût des autres – ici, le goût est à prendre au sens propre de l'élan physique – le film de Duran-Cohen s'épuise, et nous avec, en un incessant mouvement du désir d'un homme, avocat quadragénaire (excellent Pascal Greggory) marqué par l'indécision et la multiplication des partenaires amoureux - quoique le terme, ici, ne soit plus tellement approprié. Bisexuel, à la fois insatiable et saturé par ses rencontres et expériences, résolument et irrésistiblement anticonformiste au niveau de ses relations personnelles, Alain ne peut se satisfaire d'un lien unique : refusant la stabilité émotionnelle, il s'étourdit en une série ininterrompue et cahotique de va-et-vient entre sa collègue et amie (Nathalie Richard, délicieuse de froide ironie) avec qui il entretien le fantasme désabusé et cynique d'un mariage « de raison », son très jeune amant jovial et à l'emportement juvénile qui l'irrite (Cyrille Thouvenin), une jeune coiffeuse (Julie Gayet) et son amant obsessif emprisonné (Vincent Martinez) dont Alain a la charge. Tous ces amant(e)s-partenaires voient Alain jouer à partir-revenir à en donner le tournis : eux-mêmes, il faut dire, se complaisent et participent de plein gré à cette dynamique du sexe et du hasard dont le personnage de Pascal Greggory alimente sans cesse les lignes de rupture et de continuité.
Il en résulte un jeu de cha-cha sexuel et émotif, tango des corps et yoyo des désirs continuel et étourdissant, sorte d'éternel retour de l'incertitude et de la valse hésitation qui marque dans l'ensemble la dynamique du film. Le portrait qu'en dresse Duran-Cohen pourrait lasser, tant il est un peu exagéré et redondant dans son déploiement scénaristique. Mais le film est sauvé par son écriture et ses interprètes. Si La Confusion des genres ne casse rien au niveau de la réalisation, il repose en entier sur ces bases solides : un scénario, plutôt des dialogues et des personnages remplis d'une verve étincelante qui multiplie les morceaux de bravoure et les répliques assassines ; une interprétation convaincante de personnages qui évitent la caricature ou l'excessive typification grâce à des acteurs qui ne surjouent jamais. Outre les excellentes interprétations de Pascal Greggory et Nathalie Richard, très inspirés, soulignons aussi le jeu d'un Alain Bashung surprenant dans un petit contre-emploi amusant. À la manière de Pascal Bonitzer - La Confusion des genres est à placer tout près de films comme Encore ou Rien sur Robert - Duran-Cohen parvient à trouver le ton qui convient à une comédie intellectuelle héritière, d'une certaine manière, des marivaudages d'Eric Rohmer, ici transformés en confusion amoureuse chronique et inguérissable marquée au fer rouge du sexe. À ce titre même, cette approche satisfait davantage que celle du Goût des autres, au sens où les personnages sont moins théâtraux et ne sont pas employés comme des symboles ou des archétypes sociaux comme c'est le cas chez Bacri-Jaoui. Dans la confusion, une certitude : un bon moment de cinéma.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec : Edith Meeks, Larry Maxwell, Scott Renderer, Susan Gayle Norman et James Lyons. Réalisation : Todd Haynes. Scénario : Todd Haynes, d’après l’œuvre de Jean Genet. Musique : James Bennett. Image : Maryse Alberti.
Durée : 90 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Un essai en forme d'hommage à Jean Genet, contant en trois volets, trois petites histoires sur la déviance sous toutes ses formes.
L’avis de Jean Yves :
Poison sent-il le soufre ? Les Américains, en tout cas, s'étaient si mal accommodés du film, à sa sortie, qu'ils l'avaient classé X.
Qu'est-ce donc qui a pu épouvanter les chastes yeux yankees, dans ce triptyque inspiré par l'œuvre de Jean Genet ? Est-ce la scène où les lèvres tout ouvertes d'un adolescent recueillent le crachat collectif des garçons qui lui font cercle ? Ou l'érotisme si doux de ces paluches de forçats qui se passent la dope ?
Ou une scène de viol qui, si l'on y tient, peut passer pour perversement homophobe.
Le réalisateur a mêlé trois histoires de style différent qui donnent au film une construction éclatée, composite. Trois parties, mais imbriquées les unes dans les autres.

— «  Horror », en noir et blanc, est un pastiche des horror films américains des années 50 : un certain "docteur Graves" a découvert le secret scientifique des pulsions sexuelles, mais il avale le breuvage magique, et devient un monstre sexuel, de surcroît contagieux. Tout ça finit très mal pour lui et sa laborantine qui l'aime d'amour fou.
— « Héros » répond plutôt à l'esthétique vidéo du téléreportage, mais ici, l'enquête porte sur un miracle : un enfant tue son père, et s'envole par la fenêtre. Pourquoi ? Comment ? La caméra se plante, six ans plus tard, devant les témoins. La mère, les voisins, les petits camarades du dangereux parricide. Et on commence à comprendre.
— « Homo », enfin, fait passer dans le monde des prisons et des maisons de correction : John Broom adulte retrouvera, en tôle, Jack Bolton, son ancien bourreau adolescent de la prison de Fontenal. L'appellation est transparente pour tout lecteur de Genet, qui connaît par cœur les noms de Mettray ou de Fontevreau. Son passé s'incruste, en abyme, dans le récit de ces retrouvailles entre mâles, dans l'ambiance confinée des cellules. Jack (le prisonnier incarné par James Lyons) fait le dur et nie l'existence de son attirance pour John. Mais en fait il bande pour lui.
Le spectateur habitué aux narrations linéaires, est certes déconcerté mais il y a, aussi, quelque chose de stimulant à passer d'un sujet à l'autre à travers trois styles différents.

Ces trois histoires ont en commun le sujet de la déviance, de la transgression, du rejet. À Genet, le réalisateur a emprunté, plus que des passages, mais des thématiques et un certain regard de rebelle sur le monde. Inspirées de Notre-Dame des fleurs et du Miracle de la rose, elles composent trois variations autour d'un même personnage : le hors-la-loi.
Pourquoi ce titre, Poison ? Le poison, c'est peut-être la souffrance, l'oppression sociale. C'est aussi ce qui est en soi, et qui vous dévore. Ou au contraire ce qu'on rejette loin de soi.
Pour plus d’informations :



Fiche technique :
Avec Tony Leung Chiu Wai, Leslie Cheung et Chang Chen. Réalisé par Wong Kar-Wai. Scénario de Wong Kar-Wai. Compositeur : Danny Chung.
Durée : 96 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Deux amants, Lai et Ho, quittent Hong Kong pour l'Argentine. Leur aventure tourne mal et ils se quittent. Lai retourne à Buenos Aires et travaille comme aboyeur dans un bar de tango pour économiser l'argent de son retour à Hong Kong. Ho réapparait et s'intalle chez Lai. Il trouve du travail dans un restaurant chinois où il rencontre Chang, qui vient de Taiwan.
L'avis de Philippe Serve :
Réalisé entre Les Anges déchus (1995) et In the Mood for Love (2000) qui consacrera définitivement dans le monde entier son réalisateur, Happy together frappe fort en 1997, remportant le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes.
Certains critiques ont parlé, à juste titre me semble-t-il, de « film de chambre ». Tout en conservant sa patte très personnelle s'exprimant notamment en quelques vues accélérées (le trafic en ville avec une horloge géante dont les chiffres des minutes défilent à toute allure), quelques ralentis annonçant ceux, plus sublimes encore de In the Mood for Love, les éternelles fumées de cigarettes, la photo dont la brillance est amplifiée par l'usage de pellicule à haut contraste, des images 16-mm filtrées, des séquences coloriées et aussi de subtiles arrêts sur images, si brefs qu'ils en sont presque subliminaux, Wong Kar-Wai réussissait une avancée importante dans une œuvre remarquablement cohérente. On retrouve en effet ses thèmes de prédilection: la solitude, l'amour désiré et impossible, la perte, la mélancolie, la nostalgie, le Temps... Pas très gai, tout ça ? Non, c'est vrai et pourtant les films de WKW ne sont jamais déprimants. Par quel miracle ? Sans doute car il sait, en dernière minute et mieux que personne, laisser une fenêtre (même minuscule) ouverte à l'espoir… Ici, l'espérance apparaît à la toute dernière séquence, brillantissime: Fai, dont le retour à Hong-Kong est filmé en accéléré, esquisse sur son visage un sourire de renaissance, le dernier plan du train arrivant en gare se figeant en arrêt sur l'image… Une gare, symbole d'arrivée (et ici de retour) mais aussi promesse de nouveaux départs…
Comme dans tous ses autres films, WKW filme la ville où se débattent ses personnages, surtout la nuit. La surprise vient de le voir filmer Buenos Aires exactement comme il le fait de Hong-Kong, ce qui tend bien sûr à abolir les distances aussi bien géographiques, spatiales, qu'humaines, transformant ce qui est montré sur l'écran en histoire universelle… Histoire aussi de faire sentir qu'ici ou là-bas, il n'y a pas d'échappatoire à un amour qui se meure… Autre explication à l'universalité du film: le refus (déclaré) de WKW de faire « un film gay » et donc de céder à la « gay attitude » trop souvent à la mode. Ce qu'il nous montre est juste un couple, peu importe leur sexe respectif (si j'ose dire…) : « Ce film n'est pas seulement sur deux hommes mais sur la relation humaine, la communication humaine et les moyens de la maintenir ; ce sont deux hommes mais ça pourrait être n'importe quel autre couple... » (WKW, Conférence de Presse, Cannes, 17/05/97).
Je faisais allusion à la présence, ô combien importante, de l'un des thèmes de prédilection de WKW : la solitude. Ici, à la solitude affective et sexuelle habituelle vient s'ajouter celle des immigrés que sont Fai et Po-Wing. Ni l'un ni l'autre n'ont d'amis argentins, les seuls qu'ils rencontrent étant des partenaires sexuels de passage dans des toilettes publiques ou au cinéma porno…
Si Happy together reste un magnifique exercice sur le plan formel, WKW « esthétise » moins ici (on ne trouve quasiment plus d'images déformées par des focales « œil de poisson ») qu'il ne l'avait fait dans ses trois films précédents: Les Cendres du Temps, Chungking Express et Les Anges déchus, ce dernier apparaissant comme le point d'orgue d'un style alors poussé à son extrême et qui commençait d'ailleurs à être copier ici ou là…
Ni poursuite aveugle du style, ni rupture, Happy together fut bien le chaînon qui devait mener à l'apothéose de In the Mood For Love. La bande son en est un parfait exemple: aux morceaux de Frank Zappa viennent s'ajouter les tangos d'Astor Piazzolla (« Je choisis ma musique de façon très exacte. La musique est là pour représenter la ville. Le film est un tango. » WKW, id.), pont musical menant aux irrésistibles mélodies latinos de son film suivant…
Enfin, concernant l'interprétation, je ne peux que la louer et en tout premier lieu la performance de Tony Leung Chiu-wai, justement récompensé par un trophée du Meilleur Acteur à Hong-Kong et qui semble ne l'avoir raté à Cannes que d'une voix (il se rattrapera trois ans plus tard avec… In the Mood For Love !!). Cet acteur est un vrai bonheur à voir jouer tant ses interprétations, intériorisées, dépouillées, sobres, crèvent l'écran… Face à lui, Leslie Cheung est efficace même si, peut-être, un tout petit ton en dessous. Quand à Zhang Zhen (ou Chang Chen), il prouvait après A Brighter Summer Day d'Edward Yang et avant Tigre et Dragon d'Ang Lee, qu'il faudrait désormais compter avec lui….
Et puis, bien sûr, une critique louant un film de Wong Kar-Wai ne saurait oublier d'y associer Chris Doyle, le fidèle et formidable directeur photo des films du réalisateur cantonais !
Un superbe film à ne surtout pas rater et à ne pas hésiter à revoir car, comme tous les films de WKW, il y gagne !

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Thierry Pépin, Véronique Jenkins, Jessie Beaulieu, Daniel Lortie, Caroline Portelance et Eric Cabana. Réalisé par Denis Langlois. Scénario : Denis Langlois et Bertrand Lachance. Directeur de la photographie : Stefan Ivanov.
Durée : 88 mn. Disponible en VF.


L'avis de Patrick Lowie (La Lucarne) :
Danny, fils d'un père gay et d'une top modèle morte d'overdose lorsqu'il n'était encore qu'un enfant, est un garçon qui recherche l'amour. Son plus grand désir est d'entrer dans le monde du luxe, de la célébrité et des apparences. Il décide de devenir modèle malgré l'opposition marquée du père. Les premiers pas dans le monde de la mode vont changer dramatiquement sa vision des choses et il décide de tout abandonner. Il va dédier son temps à découvrir sa vérité profonde, et au fil des rencontres devenir un stripper. Mais c'est en jouant dans un film pornographique, grâce à Karine, une photographe voyeuse, qu'il va découvrir l'amour. C'est lorsqu'il commence enfin à aimer qu'il se fait surprendre par des skinheads dans un bus.
Le film de Denis Langlois étonne à plus d'un titre. L'histoire – malgré quelques clichés – tient la route et on peut suivre, avec parfois une certaine fascination, ce jeune homme perdu dans le monde de la mode, de la drogue et du sexe. Loin du chef-d'œuvre cinématographique, les images quelquefois trop bien léchées de la caméra de Langlois nous mènent dans un labyrinthe où l'on se demande si Danny ne serait pas pédé comme son père. Et qu'il ferait tout pour ne pas lui ressembler. Quoi de plus normal ? Danny est bien hétéro et malgré quelques bisous brutaux d'aficionados et quelques coups de poignards vengeurs, c'est bien avec Karine, la photographe voyeuse et incompréhensible qu'il va trouver son équilibre. Univers chic canadien, lumières bleues tamisées, boulevards nocturnes évocateurs, Thierry Pepin incarne le personnage à merveille : un fils de bourgeois malheureux d'avoir un père pédé qui ne l'a jamais embrassé. Chapeau pour la scène mémorable du père qui vient au night où le fils fait son strip-tease. Danny s'enfuit. Mais dans les coulisses, il est rattrapé par son coacher qui lui dit (avec l'accent québécois) : « Ici, c'est le client qui décide ». Le père demande une séance particulière avec son fils. C'est troublant et réussi.  La scène finale du cousin qui s'est rasé les cheveux et qui se trimbale avec des skinheads tout en montrant Danny du doigt est une caricature et fait penser immanquablement à My Beautiful Laundrette de Stephen Frears. C'est probablement la candeur du jeune homme qui trouble les eaux de ce monde qui en aura vu d'autres mais aussi son regard moqueur qui nous emmène dans les bas-fonds pour y remonter à bord d'une ambulance.

Pour plus d’informations :
Site officiel du film



Fiche technique :
Avec Tony Leung Chiu Wai, Leslie Cheung et Chang Chen. Réalisé par Wong Kar-Wai. Scénario de Wong Kar-Wai. Compositeur : Danny Chung.
Durée : 96 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Deux amants, Lai et Ho, quittent Hong Kong pour l'Argentine. Leur aventure tourne mal et ils se quittent. Lai retourne à Buenos Aires et travaille comme aboyeur dans un bar de tango pour économiser l'argent de son retour à Hong Kong. Ho réapparait et s'intalle chez Lai. Il trouve du travail dans un restaurant chinois où il rencontre Chang, qui vient de Taiwan.
L'avis de Jean Yves :
Le récit de Happy together est à la fois très ténu, un peu malingre, mais absolument bouleversant parce que touchant à l'essentiel : ce qui fait la rencontre entre deux êtres, ce qui fait leur séparation, ce qui fait naître leurs désirs et ce qui les éteint.
Au centre de ces interrogations, trois garçons dont deux stars du cinéma asiatique : Leslie Cheung, ici dans le rôle de Ho et qui a déjà participé à Adieu ma concubine, et Tony Leung, ici dans le rôle de Lai et qui a joué dans Cyclo.
Le film s'ouvre sur le couple d'amants, Lai et Ho, dans une scène de sodomie superbement filmée. Les deux garçons vivent en couple et décident de quitter Hong Kong pour l'Argentine dans le seul but de voir les chutes d'eau d'Iguaçu. Arrivés là-bas, ils se déchirent dans de nombreuses scènes de ménage plutôt violentes. Ils voudraient se séparer, et en même temps, ils sont poussés constamment l'un vers l'autre. Quand ils rompent, Lai tente désespérément de recoller les morceaux. Quand ils se réconcilient, c'est dans de torrides étreintes, mais le désir se lasse vite. En voulant se retrouver, Lai et Ho se perdent. Lai rencontre alors dans le restaurant où il travaille, un jeune garçon hétéro, Chang, dont il s'éprend à la folie, tout en sachant que cette histoire ne dépassera jamais le stade d'une amitié - même pas particulière. Une histoire n'arrive pas à finir tandis que l'autre désespère de commencer.
A quel moment faut-il cesser de revenir vers l'autre ? Il y a une terrible mélancolie dans ce film où, même les moments de bonheur sont assiégés par le sentiment que tout ça ne peut durer, que le présent est déjà caduque.
Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Pierre Chatagny, Natacha Koutchoumov et Rui Pedro Alves. Réalisé par Lionel Baier. Scénario de Lionel Baier. Directeur de la photographie : Séverine Barde et Lionel Baier.
Durée : 94 mn. Disponible en dvd.

Résumé :
Entre le travail dans une usine de chocolat la journée et le sexe consommé à la chaîne le soir, la vie de Loïc est réglée comme du papier à musique. Mais un jour, il fera quelque chose d'exceptionnel, "de nouveau". Le jeune homme ne sait pas encore quoi, mais économise déjà sur la nourriture en se coupant l'appétit à coup de cachet contre le mal d'estomac.
Il y a Marie également, l'amie d'enfance, celle chez qui Loïc va dormir après avoir été rodé sur internet, puis dans les rues de la ville. Celle dont Loïc est peut-être amoureux.
Mais tout cela va changer, parce que Loïc va faire des rencontres : le type étrange du Mac Donald d'abord, mais surtout Rui, le footballeur star de l'équipe régionale. Le jeune homme va changer, parce que Marie le forcera à aller plus haut. Parce que Loïc n'est pas un garçon stupide...
L'avis de Matoo :
Il est toujours un peu délicat d’évoquer des films tellement étiquetés gay. On peut se retrouver à y voir des choses bien uniquement parce que l’homosexualité y est présente. Or, la pédésexualité n’est pas la pierre philosophale du cinéma. La plupart du temps, je considère que si un même film transposé dans un univers hétéro est nul, alors ce n’est pas en en faisant un film pédé qu’on le transmute en chef d’œuvre. Dans ce cas précis, on est dans un film où le personnage central est bien un homo, mais dont son orientation sexuelle n’est qu’un trait supplémentaire à un caractère singulier et à une histoire plus globale.
Je n’ai pas trouvé que le film était une réussite complète, mais il commence plutôt mal, et s’améliore petit à petit en découvrant quelques pépites qui méritent qu’on s’y attarde. On peut rapidement passer sur les scènes qui justifient que ce soit un film « homo », c’est-à-dire les scènes de plan cul un peu trashy, le joli corps et la belle gueule du héros, les séances de tchat’ sur les réseaux, les rencontres impromptues, etc. Alors, on évolue dans l’univers de Loïc, qui est un jeune garçon paumé, qui bosse dans une usine de chocolat, et dont les loisirs tournent autour de ses plans cul, et de son amie Marie avec qui il entretient une relation ambiguë. Le héros porte bien le titre du film puisqu’il justifie à plusieurs reprises quelques faiblesses culturelles qui ont bien fait rire la majorité de la salle (il ne sait pas qui est Hitler ou ce qu’est l’Impressionnisme).
Il ne sait vraiment pas quoi faire de sa vie. Il prend des photos avec son mobile, et c’est à peu près la seule activité intellectuelle ou artistique qu’il développe. Avec son amie, il est vraiment space. Il lui raconte ses plans avec moult détails pour la choquer ou la dégoûter, en même temps qu’il lui voue un amour étrange, avec beaucoup de jalousie et de possessivité.
Dans le film, l’intrigue se nourrit de trois événements majeurs. Il rencontre un type et démarre une sorte de relation amicale étrange. On ne voit le mec qu’en caméra subjective qui regarde Loïc et qui discute avec, presque sous la forme d’un documentaire. Le mec cherche à s’intéresser à Loïc, ce qui trouble énormément ce dernier, puisque cela ne fait pas du tout partie du processus de rencontre habituel (de la baise chirurgicale et anonyme), et remet en question ses credo en la matière. Ensuite, il se prend d’une passion singulière et obsessionnelle pour un joueur de foot, une « star » locale du ballon rond qui s’appelle Rui Pedro Alves qu’il suit et photographie. Loïc fantasme simplement sur ce mec, son job, son statut, sa popularité, sa famille, son physique… Enfin, un truc un peu plus étrange (et maladroit en terme de narration) est le suicide de Marie qui bouleverse complètement Loïc.
Donc le film prend un peu plus de substance à mesure que le personnage évolue et se découvre. Mais ça ne va pas bien loin, et ce n’est pas non plus superbement joué.
L'avis de ExCalin :
Poussé par de bonnes critiques, je suis allé voir Garçon stupide ; et comme à chaque fois que je vais voir un de ces films gays un peu sombres dont le Festival Gay et Lesbien de Paris semble raffoler (il était au programme du festival 2004), je rentre déçu.
La vie de Loïc est réglée : travail à la chaîne en journée, baise sur Lausanne le soir avec des garçons rencontrés sur Internet. Il dort chez une amie, Marie, à qui il raconte tout ; elle ne veut pas tout entendre, mais joue le rôle de la mère. Malgré le titre, Loïc n’est pas stupide ; mais il manque (cruellement) d’éducation et n’arrive pas à exprimer, voire même concevoir, des sentiments. Ses plans cul ne sont pas plus que ça : de la baise. Mais le jour où l’une de ses rencontres d’un soir mentionne l’existence du désir, Loïc est déconcerté. Plus tard, lorsque Marie rencontre quelqu’un, il devient jaloux.
Tous ces éléments sont prometteurs, les acteurs sont bons, mais la mayonnaise ne prend pas. Loïc est naïf et attachant, mais l’histoire trop tirée par les cheveux. Quand il tombe amoureux d’un footballeur dont il a vu la photo dans un magazine, on se dit que son évolution va un peu trop vite. Et la fin, trop « chabadabada » pour reprendre l’expression employée Télérama, ne convainc pas.
Un bel essai, mais pas transformé.
Pour plus d’informations  :

 

Fiche technique :
Avec Clovis Cornillac, Julie Depardieu, Michel Duchaussoy, Lionel Abelanski, Philippe Duquesne, Jean-Michel Lahmi, Alain Fromager, Gilles Gaston-Dreyfus, Hector Cabello Reyes et Anne Caillon. Réalisation : Eric Lavaine. Scénario : Eric lavaine et Hector Cabello Reyes, sur une idée d’Hector Cabello Reyes. Image : Vincent Mathias. Musique : Moto, The supermen lovers.
Durée : 93 mn. Actuellement en salles.


Résumé :
Beaux, jeunes et amoureux... Marc et Emma sont les nouveaux propriétaires d'une maison inhabitée depuis trente ans. Ils ignorent que la cave de la maison a abrité, il y a bien longtemps, une boîte de nuit gay.
Le 29 avril 1979 à 2 heures du matin, suite à un incident électrique avec la machine à mousse, en pleine fête disco, la boîte a été dévastée. Parmi les danseurs, cinq corps n'ont jamais été retrouvés.
Aujourd'hui, la maison est hantée par cinq fantômes fêtards, taquins et gays. Marc les voit. Emma ne les voit pas. Les « visions » de Marc vont précipiter le départ d'Emma.
Marc se retrouve seul avec ses interrogations. Touchés par cet homme à la dérive, les fantômes vont l'aider à reconquérir Emma.

L’avis de Matoo :
Encore une de ces comédies pédé avec du potentiel, mais qui au final m’a fait l’effet d’un pétard mouillé. Parce que ce n’est pas très bon, parce que le scénario est au ras des pâquerettes, et parce que ce n’est pas très drôle. Et comme tout l’effort est placé dans des scènes de comédie qui ne m’ont pas fait rire, eh bien je n’ai pas été assez distrait et les défauts me sont apparus en pleine face.
Pourtant il y a un tas de points positifs dans ce film. Déjà le plus important pour le pédé que je suis : il ne s’agit pas d’une comédie homophobe ou qui traite le sujet des homos de manière choquante. Évidemment ce sont des clichés, mais rien de faux ou d’une caricature qui friserait l’insulte. Au contraire, le ton est incroyablement bien dosé pour que ce soit marrant, et gentiment moqueur.
L’histoire à la base m’amusait bien. Une boite de nuit gay de banlieue qui crame en 1979 et cinq pédales qui deviennent les fantômes des lieux. Clovis Cornillac et Julie Depardieu qui emménagent, et hop les fantômes qui n’ont pas conscience de leur statut, et qui continuent à se démener sur Boney M dans la cave. Clovis Cornillac est le seul à les entendre, puis à les voir, tandis que Julie Depardieu pense que son mec est de plus en plus étrange. Une fois qu’il a compris que les pédales discos de la cave sont des esprits, Cornillac décide d’y remédier.
J’ai beaucoup ri à quelques gags et répliques qui vraiment sont sympas, mais c’était entre de longues scènes pas drôles du tout, et qui mettaient en exergue pas mal de défauts. Des mouvements de caméra erratiques, des moments longs et lassants, des dialogues qui tombent à plat, une intrigue qui peine à s’installer alors qu’elle est d’une simplicité assez enfantine… Bref, ce n’est pas un bon film. C’est dommage car Cornillac et Depardieu sont très bons, ainsi que les différents personnages homos qui représentent quelques savoureux clichés du genre. Et puis les fesses de Cornillac, il faut avouer que c’est un bonheur.
L’arrivée de Michel Duchaussoy et le placement de produit matraqué marquent une partie du film qui m’a un peu plus rasséréné. Duchaussoy en exorciseur latiniste taré est vraiment marrant, et la pub MacDo est habile en jouant sur un effet de répétition incongru et d’autant plus efficace pour la marque en question. La fin qui vire sur du « Queer eye for a straight guy » est classique mais efficace.
Mais là où le bas blesse pour moi c’est dans les intrigues sentimentales. Que ce soit entre Cornillac et Depardieu, ou bien le pote et sa copine, ou encore le summum avec les histoires entre pédés (vraiment ridicules…), ce n’est pas drôle ou émouvant, c’est juste bancal et naze. Le genre en lui-même est plutôt pas mal, le film s’apparente dans les premières images à une bonne série B d’épouvante à tendance tapette qui aurait pu bien se goupiller. Mais selon moi, c’est raté malgré quelques bons traits.

L’avis de Panama the Great :
Eh oui j'y suis allé ! Il fallait bien que quelqu'un se sacrifie, non ?
Déjà, la salle est remplie de familles et de couples cinquantenaires. Pas un seul petit homo dans les rangs. Oups, ça commence mal si la Grande Communauté boycote...
Le film commence. Et la première impression est désastreuse : au lieu d'un remake du génialissime BeetleJuice, on a droit à un (très) mauvais épisode de Buffy contre les vampires : mouvements de caméra erratiques, dialogues pour ados, effets spéciaux d'une mauvaise série B. Le faux miaulement électronique du chat est particulièrement pathétique. On a droit en 10 minutes à tous les poncifs du genre.
Et même les acteurs – pourtant confirmés – semblent ne pas y croire du tout.
Et puis, tout doucement, le film trouve ses marques. La joyeuse troupe de fantômes gay est très réussie : look, couleurs seventies, attitudes, vocabulaire : tout y est, on s'y croirait ! Un vrai retour à la période glam disco, rythmé par l'obsessionnel et jouissif Raspoutine des Bonney-M qui rappelera bien des souvenirs à beaucoup d'entre nous...
Finalement, le film n'est pas raté. Bien sûr, ça reste pour moi une série B, à regarder à la télévision un soir où l'on s'ennuie. Et puis, il y a pour les aficionados les épaules de Cornillac, les pectoraux de Cornillac, la chute de rein de Cornillac, les fesses de Cornillac mais pas sa bite faut pas rêver...
Allez donc voir ce film sans idées préconçues. Ça ne vole pas bien haut, certes, mais finalement, il y a quelques bons passages qui ont réussi à faire rire la salle. Je crois bien également qu'il en sortira un ou deux dialogues cultes (« Ahhhh, il veut nous marier !!!! »).
Et puis les gay ont le bon rôle dans ce film. Un argument de plus pour le voir, non ?

-- Un rôle pour Panama ? Celui du mec qui emballe le petit Cornillac dans la boîte de nuit gay. Car, si je n'ai jamais eu trop de goût pour les travestissements, j'ai toujours aimé les hommes en costume cravate.
Pour plus d’informations :
Site officiel du film


Fiche technique :
Avec Jérémie Rénier, Louise Monot, Bruno Todeschini, Michel Jonasz, Charlotte de Turckheim, Anne Girouard, François Arumburu, Flannan Obé. Réalisation : Christian Fauré. Scénario : Pascal Fontanille et Samantha Mazéras, sur une idée de Pascal Fontanille. Image : Svetla Ganeva. Montage : Jean Daniel Fernandez Qundez, Jean Pierre Fénié. Décors : Sébastien Buhler.
Durée : 110 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Dans le Paris de l’Occupation. Jacques (Nicolas Gob) aime Sarah (Louise Monot), qui aime Jean (Jérémie Rénier), qui préfère Philippe (Bruno Todeschini). Jacques et Jean sont frères. Leurs parents (Michel Jonasz et Charlotte de Turckeim) tiennent une blanchisserie prospère. Jacques trafique avec les allemands et les collaborateurs. Jean cache la juive Sarah, amie d’enfance, dont la famille a été massacrée. Philippe est résistant et obtient des faux papiers pour Sarah. Promenades à bicyclette, soirées entre amis, au son des chansons de Charles Trenet, des petits riens pour oublier la tristesse de l’époque... Philippe, Jean et Sarah c’est un peu Jules et Jim au temps du vert de gris.
Jacques, jaloux, dénonce Jean à la police sous un fallacieux prétexte. Celui-ci est accusé, à tort, d’être l’amant d’un officier de la Wehrmacht. Emprisonné, battu, torturé, il est envoyé dans un camp en Allemagne. Il se révolte lorsqu’un de ses camarades, un triangle rose est abattu par un gardien. En représailles, il est envoyé dans un camp encore plus dur où les homosexuels servent de cobayes à des médecins pour leurs expériences pseudo scientifiques. Poursuivi par la Gestapo, Philippe est assassiné. Sarah, restée seule, épouse Jacques, dont elle ignore la trahison. Elle en a un fils qu’elle appelle Jean...
L’avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Un Amour à taire est une des plus belles réussites, en matière de fiction, de la télévision française depuis qu’elle existe. Et cela en grande partie grâce à son scénario dont la densité, la richesse aux multiples strates empêche que l’on enferme ce film dans un genre. Il les transcende tous. À la fois film sur la déportation, sur l’homosexualité pendant la dernière guerre, saga familiale... mais surtout Un Amour à taire est un film d’amour, amour fraternel, amour homosexuel, amour hétérosexuel... Bien des aspects de cette époque trouble sont évoqués, toujours avec exactitude et sans lourdeur : marché noir, lâcheté d’une grande partie de la population, compromission de beaucoup, enrichissement ignominieux de quelques uns par le biais du pillage ou de l’aryanisation des biens juifs... Le film aborde même des sujets très rarement, ou pas du tout évoqués dans les fictions, comme le retour des déportés et les expérimentations des médecins fous dans les camps.
La grande idée du scénario est d’avoir fait du personnage féminin le pivot de la relation amoureuse des deux garçons. Leur amour est vu par le regard d’une femme aimante.
Le scénariste, Pascal Fontanille, pour la partie se déroulant dans le camp, s’est beaucoup inspiré de Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel (Calmann-Lévy, 1994) et aussi de Bent (dvd ed. KVP). Christian Faure nous avait déjà convaincu de son savoir-faire avec Juste une question d’amour. Le film possède les mêmes qualités que Juste une question d'amour : un scénario très bien écrit, une mise en scène sobre et des comédiens parfaits. Un Amour à taire est autant une histoire de famille qu'un film historique et pourtant l'émotion ne vient pas brouiller le témoignage historique. La maîtrise technique de Christian Faure est indéniable. Son film est très bien découpé. Il ne baisse jamais de rythme. Les mouvements de caméra, toujours précis, ne sont jamais inutiles et toujours au service du scénario. La reconstitution des intérieurs est soignée, avec une mention spéciale pour celle du cabaret homosexuel, aussi juste que sans doute très surprenant pour la plupart des spectateurs. À signaler dans cette séquence la prestation du comédien (Flannan Obé) qui interprète le personnage de Raymond, sorte d’ange androgyne de la mort qui sans le vouloir précipitera le drame.
Tournage en Bulgarie oblige, la reconstitution d’un coin de Paris sent un peu trop son décor et les scènes de rue sont souvent victime de ce que j’appelle le syndrome Butte Chaumont : c’est-à-dire le passage obligé d’une charrette ou d’un vélo, selon l’époque, au premier plan dès que le héros apparaît dans la rue, mais ce ne sont là que vétilles en regard de la grande qualité du film et en particulier de la distribution. Si Nicolas Gob et Louise Monot n’ont pas volé leur prix de jeunes espoirs au festival de Luchon, la vraie révélation est Charlotte de Turckheim d’une grande sobriété. Sa poignante prestation rappelle la surprise que l’on avait eu en découvrant qu’Annie Cordy pouvait être surtout une comédienne dramatique. Michel Jonasz, avec beaucoup d'humanité et une grande retenue dans le jeu, interprète le père de Jean et Jacques. Olivier Saladin est extraordinaire en salaud ordinaire. Il serait temps que l’on s’aperçoive que Bruno Todeschini est l’un des meilleurs comédiens de sa génération.
Il est dommage qu’une scène entache la rigueur historique du film et que la jaquette du dvd renforce ce faux pas. En effet, si la persécution des homosexuels par les nazis n'est pas contestable, et doit être rappelée (voir Le paragraphe 175, dvd ed. Eklipse). Il est bon de préciser quelle était la loi en France pendant cette période et sur ce point. Le régime de Vichy a pénalisé l'homosexualité par l’intermédiaire de la loi connue sous le nom de « loi Darlan », la loi n° 744 du 6 août 1942 qui interdisait les « actes contre-nature avec un mineur de son sexe âgé de moins de 21 ans ». Il s'agit ainsi davantage d'une définition discriminatoire puisque, c'est un fait, il n'en allait pas de même pour les relations hétérosexuelles de la protection des mineurs que d'une prohibition de l'homosexualité à proprement parler. Prohibition qui existait alors dans la loi allemande mais aussi dans le code britannique. Quant à la déportation homosexuelle orchestrée par le régime nazi, en application du fameux paragraphe 175 du code pénal allemand de 1871 qui interdisait les relations sexuelles entre hommes, elle n'a concerné en France que les homosexuels d'Alsace et de Moselle, territoires, qui, après l'armistice de 1940, faisaient partie intégrante du Reich allemand. En dépit de tous les crimes dont il s'est rendu complice, le régime de Vichy n'a pas déporté les homosexuels en tant que tels. Souvenons-nous aussi que c’est le pouvoir gaulliste qui, en 1961, avec L’amendement Mirguet qualifie l’homosexualité de « fléau social » et donne au gouvernement le droit de légiférer par décret pour la combattre. Je ne peux résister au plaisir de vous communiquer un extrait significatif de l’intervention à l’Assemblée Nationale de cet éphémère député : « Au moment où notre civilisation dangereusement minoritaire dans un monde en pleine évolution devient si vulnérable, nous devons lutter contre tout ce qui peut diminuer son prestige. Dans ce domaine, comme dans les autres, la France doit montrer l'exemple. C'est pourquoi je vous demande d'adopter mon sous-amendement. Le Parlement marquera ainsi une prise de conscience et sa volonté d'empêcher l'extension de ce fléau par des moyens plus efficaces, à mon sens, que la promulgation de textes répressifs ». Il fallut attendre François Mitterrand et Robert Badinter pour que soient abolies ces lois iniques.
En conséquence, la scène de l’appel des triangles roses pour aller se faire rééduquer avec une majorité de noms français est une erreur historique. Aucun français, mis à part, répétons-le, des mosellans et des alsaciens, n’a porté le triangle rose (ce qui n’enlève rien au crime nazi). Jean ne porte le triangle rose que lorsqu’il endosse la veste d’un détenu alsacien qui vient d’être abattu par un S.S. Le scénariste, d’ailleurs, aurait du éviter d’emprunter cette scène au final de Bent (dvd ed. KVP). La confusion est renforcée par le fait que c’est justement cette scène qui a été choisie pour illustrer la jaquette du dvd et que l’on a cru bon de faire surplomber la tête de Jérémie Renier, qui interprète Jean, d’un triangle rose ! Pourtant Jean Le Bitoux, conseiller historique du film, insiste bien, dans le passionnant making of, sur le fait que Jacques n’était déporté que parce qu’il est soupçonné d’avoir eu une liaison avec un officier allemand, d’avoir corrompu la race aryenne en quelque sorte. C’est un peu la même histoire qui arrive au malheureux héros du Plus beau pays du monde.
Ce téléfilm réalisé par Christian Faure a été multi primé au Festival de Luchon 2005 : Prix spécial du jury, Prix du public, meilleur scénario, jeune espoir féminin (Louise Monot), jeune espoir masculin (Nicolas Gob). On peut regretter que Jérémie Rénier n’ait pas été distingué, magnifique acteur qui porte le film sur ses épaules.
Le dvd est paru chez Optimale. L'image est superbe. Le son bénéficie d'une piste 5.1. Le making of est un modèle en son genre d'une heure vingt, il suit pas à pas l’élaboration du film. Les interventions de Jean Le Bitoux, bien qu’un peu trop militantes, sont très intéressantes.
L’avis de Sullivan LePostec :
Mémorial de la déportation, de nos jours. Sarah vient avec son fils et ses deux petits enfants honorer la mémoire de Jean. Mais avec les représentants des associations homosexuelles, on lui demande d’attendre la fin de la cérémonie officielle et le départ des personnalités avant qu’ils puissent organiser leur propre cérémonie dans l’indifférence. L’accès çà la crypte leur est même refusé en ce jour.
« Vous pouvez m’empêcher de passer, mais vous ne pouvez pas m’empêcher de me souvenir » dit Sarah...
« En France, il a fallu attendre 2001 pour que la déportation homosexuelle soit officiellement reconnue par l’Etat.
Et pourtant dès l’arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne en 1933 la déportation des homosexuels a commencé et s’est étendue ensuite aux pays occupés ou annexés...
Selon l’United States Holocaust Memorial de Washington, 90 000 à 100 000 homosexuels ont été arrêtés entre 1933 et 1945.
10 000 à 15 000 d’entre eux ont péri dans les camps.
En France, la loi criminalisant l’homosexualité promulguée en 1942 sous Vichy a été maintenue à la Libération.
Elle a été abrogée en 1981. »
Quoi qu’il advienne, ce téléfilm était destiné à être un événement. Car si la scène finale a pu paraître outrageante à certains, elle est pourtant très fidèle à la réalité des cérémonies de commémoration de la déportation. Elle se situe même un cran en dessous de la réalité de certaines villes où ce sont des cordons de CRS qui empêchent les représentants des homosexuels d’approcher la cérémonie officielle, tandis que les insultes fusent. À Paris, la situation s’est détendue depuis quelques années, mais le chœur Mélo-men, vu dans le film, entame toujours son tour de chant après le départ de certains officiels. La question de la déportation des homosexuels était placée sous une chape de plomb, jamais évoquée.
Certains parmi le public ont donc eu des doutes face à cette scène de conclusion. De quoi alimenter des cours de scénario sur le rapport entre le vrai et le vraisemblable. La confrontation de la réalité d’aujourd’hui avec celle d’il y a cinquante ans semble obscène. C’est la meilleure preuve possible qu’Un Amour à Taire a parfaitement su remplir son objectif. Profitons-en pour évacuer la question historique. Il est vrai que le contraire n’aurait pas été pardonnable, mais on doit néanmoins féliciter scénaristes et réalisateur pour leur souci de la vérité historique. Le sujet est infiniment délicat et il aurait été indécent de montrer des « rafles » d’homosexuels Français. Barrette bleue contre triangle rose, la situation est même particulièrement bien expliquée.
De ce fait, la mise en place d’un contexte, d’une situation particulière précédant et provoquant la déportation était totalement indispensable. Elle est faite lors de la première partie du film avec la mise en place de cette famille et de la Blanchisserie, théâtre de la tragédie qui ne tardera pas à frapper. Il serait par ailleurs erroné de prétendre que cette première demi-heure a quelque chose à voir avec le tout venant de la production télévisuelle française. Rarement, en effet, voit-on une écriture aussi rythmée et aussi fine. Jamais le récit ne s’appesantit, les séquences s’enchaînant rapidement, brossant par petites touches un portrait juste de Paris pendant la guerre. Celui d’une France repliée sur elle-même face à l’horreur de la solution finale. De la résignation teintée de Pétainisme du père Lavandier qui exclut bientôt les Juifs de sa boutique, à la collaboration intéressée de Jacques, sans parler de l’allégeance ignoble de Breton, le tableau dressé est peu glorieux. C’est bien une force du film, non une faiblesse, que de mettre en avant diverses formes de discriminations pendant cette période et de ne pas se centrer exclusivement sur la question gay. Parce que, bien évidemment, une horreur n’efface pas l’autre. Et parce que, à fortiori à l’époque, c’est une idiotie de couper les homosexuels du monde environnant. Et pour ça, il y a Queer as Folk US.
En outre, on ne peut pas occulter les objectifs, pour une fois louables, de ce programme de prime-time de la deuxième chaîne de France : faire découvrir au plus grand nombre un point d’histoire méconnu, et non s’adresser à une sorte de happy fews déjà sensibilisés. Dès lors, il est nécessaire de faire connaître les personnages afin de créer les conditions de l’empathie. Le tableau de famille proposé est riche ; aucun personnage, même pas ceux des parents qui bénéficient pourtant d’un temps d’antenne limité, n’est terne ou unidimensionnel. À cet égard, Un Amour à Taire bénéficie d’une distribution véritablement irréprochable. Les prix décrochés par Louise Monnot et Nicolas Gob (Sarah et Jacques) ne sauraient faire oublier les performances de Michel Jonasz, Charlotte de Turckheim, ou Olivier Saladin dans quelques fantastiques contre-emplois. Et puis il y a bien sûr Jérémie Rénier, parfait, qui porte l’essentiel du film sur ses épaules.
Je vais quand même noter quelque chose qui m’a gêné à deux ou trois reprises dans le film. Sans rien enlever à la justesse de son jeu d’acteur, Nicolas Gob a une fâcheuse tendance à ne pas regarder ses partenaires dans les yeux quand il joue ! Je ne sais pas si c’était fait exprès ou si l’ambiance était trop bonne sur le tournage, mais le résultat est quelques plans où les lignes de regard sont étranges.
Enfin, dans une fiction française obnubilée par la peur de perdre des points d’audience en traumatisant la pauvre ménagère, on terminera en saluant le tragique assumé de l’histoire. Tout est dit une fois qu’on a signalé que la seule concession des scénaristes au happy end est de faire assassiner Philippe pendant que Jean est toujours dans les camps...
Cinq ans après Juste une question d’amour, Christian Faure signe donc un nouveau film marquant, lui aussi amené à connaître de multiples diffusions associatives dans les années venir. Usant des mêmes outils : un scénario d’une grande justesse et précision signé Pascal Fontanille et Samantha Mazeras, des personnages forts et multidimensionnels, et une interprétation sans failles, il offre une nouvelle occasion à France 2 de nous prouver qu’elle peut être la chaîne du développement d’une fiction française qui parle de quelque chose – et qui le fait bien.
Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Yiannis Aggelakis, Myriam Vourou, Christos Mantakas, Gregory Patrikareas, Eugene Dimitriou et Themis Bazaka. Réalisation : Panos H. Koutras. Scénario : Panos H. Koutras. Compositeur : Konstantinos Vita.
Durée : 103 mn. Disponible en VO et VOST.
Résumé :
Cet hommage trash aux séries Z américaines des années cinquante met en scène une Moussaka géante de trente mètres de haut qui s'attaque aux êtres humains.
L’avis de Homo SF :
À Athènes, dans une luxueuse villa, un jeune ministre grec et son épouse cocaïnomane, Joy, se disputent au cours du dîner. Las, leur fils, Aris, s'en va donner sa part de moussaka au chien. C'est alors que surgit une soucoupe volante.
Au même moment, Tara, travesti enrobé qui rêve de devenir styliste et top model, se rend à une soirée avec ses deux amis, Dimis et Chanel. Quittant la fête suite à l'arrivée de son ex au bras d'une blondasse, elle s'enfuit en pleurs et aperçoit la soucoupe.
Elle se précipite le lendemain chez les scientifiques du Téléscope d'Athènes, une équipe de charmants jeunes hommes en blouse rose qui passent plus de temps à se mater qu'à regarder les étoiles. Sous le charme du directeur du centre, ils apprennent l'existence d'un monstre qui a envahit la ville : une Moussaka Géante.
En effet, à l'intérieur de la soucoupe volante, un équipage de bimbos a décidé de téléporter une des leurs sur Terre pour nous étudier. Mais malheureusement, tel Jeff Goblum dans La Mouche, l'ADN de l'extra-terrestre s'est mêlé à celui de la moussaka abandonnée par Aris pour devenir une moussaka de plusieurs mètres de haut.
On suit alors les déambulations de la part de moussaka à travers la ville, arrosant de son jus brûlant les passants qui fuient en courant devant elle.
D'un kitsch absolu, ce film grec renoue avec délice avec les films des années 50 : les effets spéciaux sont grossiers, les acteurs courant devant la moussaka d'une crédibilité quasi inexistante… Mais on rit et on s'émeut de l'amour tendre de Tara pour le scientifique et on passe un bon moment : que demandez de plus ?

L’avis de Philippe Serve :
Suite à une intervention d'extra-terrestres, une portion de moussaka se met à grandir démesurément et envahit les rues d'Athènes, tuant affreusement tous ceux qu'elle croise... Panique totale... brrrrrr... sluuuuurp....
Avec un titre et une histoire pareils, le spectateur est en droit de s'attendre à un vrai nanar au-delà même de la série Z.
Et, effectivement, il ne sera pas déçu car le film remplit bien tous les critères du genre et sombre plus d'une fois dans le ridicule. Mais il réserve aussi quelques bons moments pour qui saura prendre tout ça au énième degré, le film parvenant cahin-caha à tenir la route entre pur sérieux et parodie à tout va, l'intelligence du réalisateur résidant sans doute à ne pas choisir et à proposer les deux lectures mêlées.
Si le rythme s'avère souvent défaillant (le film avance trop souvent à celui de la Moussaka géante, à savoir très lentement) et ses effets spéciaux franchement nuls, on ne manquera pas de rire à certaines scènes, notamment aux parodies de journaux télévisés plus vrais que nature, aux kitschissimes pin-ups extra-terrestres responsables de la catastrophe ou encore à l'autodérision de tout ce qui est « grec » à commencer par des scientifiques homos en blouses roses ! Et on pourra (presque) s'attacher à l'esprit romanesque de la grosse Tara (joué par un homme, qui n'est pas sans nous rappeler une certain Divine, égérie de John Waters).
Au bout du compte, une sorte d'enfant naturel hellénique de ce bon vieux Ed Wood dont il n'atteint cependant pas les sommets de nullité et à qui il manque la poésie naïve du réalisateur de Glen or Glenda mais qui a su se faire une place de choix à « Nanarland ». On ne peut pas toujours regarder du Bergman et du Kurosawa...

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Pier Paolo Pasolini. Réalisation : Pier Paolo Pasolini.
Durée : 90 mn. Disponible en VO et VOST.

Résumé :
Pier Paolo Pasolini se définit dans ce film comme un « commis voyageur » qui parcourt l'Italie, du sud au nord, pour sonder les idées et les mots des Italiens sur la sexualité et démontrer la culture "petite-bourgeoise" des années soixante.
L’avis de Jean Yves :
Dans ce film, Pasolini joue les intervieweurs dans une enquête sur la sexualité qui fut une première en Italie.
C'est si l'on veut du cinéma-vérité à l'italienne qui aurait comme moteur autant le tabou et l'hypocrisie qui pouvaient régner à l'époque autour du sexe, que l'esprit à la fois analytique et corrosif du cinéaste.
Pier Paolo Pasolini se transforme, comme il le dit lui-même, en « commis voyageur parcourant l'Italie pour sonder les Italiens sur leurs goûts sexuels ». Le cinéaste, donc, se promène et interroge les gens à l'improviste, provoquant le trouble, la gêne, voire le sourire ou le rire défensif.
À travers le sexe comme révélateur, au sens quasi chimique du terme, Pasolini parvient à faire surgir des profondeurs une culture répressive dans le Nord (« débris d'une idéologie clérico-fasciste ») et réprimée dans le Sud (où elle révèle « sa propre nature archaïque, incongrue et névrotique »).
À une jeune fille milanaise, Pasolini parle des « invertis » et lui fait remarquer que si elle a des enfants, ceux-ci « aussi pourraient être comme ces personnes ». Cri du cœur : « Ah... espérons que non. » Et Pasolini, jouant le jeu : « Espérons que non, je vous souhaite de tout cœur, mais vous savez, il vaut mieux être au courant de certains problèmes si on veut pouvoir les résoudre, non ? » Et la jeune fille de dire : « Oui, non d'accord... Petits, ils seront peut-être invertis, mais espérons qu'ils changeront en grandissant. »
Il y a ensuite tout un passage exemplaire sur la notion de scandale, toujours à partir de cette notion « d'irrégularités sexuelles ». Pasolini interroge un cheminot d'un certain âge : « Ben oui... parce qu'en tant qu'homme je trouve ça dégueulasse. » Puis un passager de première classe : « Face à des cas de ce genre, je n'éprouve que du dégoût, de l'horreur. » Et à la question de savoir ce qui scandalise ce passager : « Tout ce qui sort de la normalité. »
Au milieu de ces témoignages qui en disent long (on a presque l'impression que Pasolini pousse les interviewés, avec malice, dans les retranchements de leur hypocrisie et de leurs tabous) s'intercalent des conversations avec deux intellectuels, Alberto Moravia et Cesare Musatti. Moravia déclare ne jamais être scandalisé dans la mesure où « il est toujours possible de comprendre les choses, et les choses qui se comprennent ne scandalisent pas ».
Et de commenter encore : « Se scandalise celui qui voit quelque chose de différent de lui, donc quelque chose de menaçant pour lui. Une menace tant physique que pour l'image qu'il a de lui-même. Au fond, le scandale est la peur primitive de perdre sa propre personnalité... Je ne crois pas que le Christ se soit scandalisé... ce sont les pharisiens qui se scandalisaient. »

Dans ce film qui fascine, tellement il met à nu, avec la simplicité des évidences, les mentalités profondes d'un peuple à un moment donné, Pasolini se comporte à la façon de Socrate, comme un accoucheur, à cette différence près que les interrogés ne sont pas forcément conscients que le spectateur va lire en eux à livre ouvert.
Un film à ne pas manquer qui met directement en scène le Pasolini dialecticien et observateur-analyste de la société.

Pour plus d’informations :
Bande annonce sous-titrée


Fiche technique :
Avec Cécile de France, Maïween Le Besco, Philippe Nahon, Frank Khalfoun, Andreï Finti, Oana Pellea, Marco Claudiu Pascu, Jean-Claude De Goros, Bogdan Uritescu et gabriel Spahiu. Réalisation : Alexandre Aja. Scénario : Alexandre Aja et Grégory Levasseur. Directeur de la photographie : Maxime Alexandre. Compositeur : François Eudes.
Durée : 95 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Marie, une étudiante de vingt ans, révise ses examens dans la ferme isolée des parents de sa meilleure amie. En l'espace d'une nuit, un tueur, qui ignore son existence, assassine à tour de rôle les membres de cette famille...
L’avis de mérovingien02 :
ATTENTION !!! IL EST LARGEMENT CONSEILLÉ D’AVOIR VU LE FILM AVANT DE SE LANCER DANS LA LECTURE DE LA CRITIQUE QUI SUIT…

Béni soit Alexandre Aja, le sauveur du Cinéma de genre hexagonal ! À 24 ans, et en seulement deux films, il vient de s'imposer comme le seul maître incontesté du film de genre français, nous vengeant de plusieurs décennies d'exception culturelle intello pouet pouet snobant l'horreur et le fantastique. Non pas qu'il soit le seul prétendant au titre mais entre les ambitions non transcendées (Christophe Gans), les coups d'essais sans suite (Valette, Siri) et les ploucs qui se prennent pour des artistes, la place de leader demeurait inlassablement vacante.
Ce n'est désormais plus le cas puisque avec Haute Tension, bombe à retardement que personne n'attendait, le petit Aja vient de pulvériser tous les standards américains du moment en renouant avec la veine sauvage et sans concession des vrais films de trouille des années 70. Le bonheur total ! On est bien loin du second degré instauré par Scream. Sur un canevas somme toute classique (un méchant tueur zigouille toute une famille), le réalisateur et son complice Grégory Levasseur vont tisser un récit malade, fiévreux, malsain et angoissant au possible. Une plongée dans un fait divers cauchemardesque rapporté quasiment en temps réel. Un best-of de l'épouvante qui a tout compris au genre en synthétisant les meilleures influences qui soient pour offrir une leçon de Cinéma mémorable.
L'utilisation du format Scope se paye le luxe de supplanter le génie de John Carpenter dans le travail sur les arrières-plans et la profondeur de champ où la menace peut surgir n'importe quand, le look du tueur renvoie à la tradition du slasher et de ces monstres sans visage (Halloween, Vendredi 13) tout en incarnant le fantasme du beauf de la France profonde, le caractère de l'héroïne forcée de surmonter sa peur pour combattre ses démons n'est pas sans rappeler l'évolution de l'Hélène Ripley de Alien, la construction narrative et le lot de sévices endurés par les victimes est conforme aux lois de tout bon survival, la folie du dénouement reprend les mêmes éléments que celui du Massacre à la Tronçonneuse de Hooper avec un subtil mélange de gore et d'humour très noir (il faut voir Philippe Nahon courir dans les bois en vociférant des saloperies pour le croire)...
Après Furia, son premier long-métrage, Alexandre Aja vient de livrer un parfait lexique du film d'horreur dans ce qu'il a connu de meilleur en 50 ans. Haute Tension, c'est de l'efficacité brute, radicale, sans concession et très éprouvante pour les nerfs. Un titre qui ne ment pas sur la marchandise.
Techniquement au top (la photo bleutée est splendide, les cadrages sont d'une perfection de tous les instants), le film bénéficie d'un design sonore en totale opposition avec ce qui se fait habituellement. Pas de gros violons quand il faut avoir peur, pas de gros effets grandiloquents... Ce sont des bruits étranges mixés entre eux qui assurent un climat inquiétant car indéfinissable. On reconnaît ici un tambour de machine à laver, un cri d'oiseau indéfini, un métronome, un bruit de friture allant crescendo... Comme pour le Massacre à la tronçonneuse original, les sons deviennent la musique elle-même, distillant un réalisme à la fois glaçant et un ton résolument fétichiste. Sentiment renforcé par le gros travail effectué sur les effets sonores tels que les craquements de planchers, les faux silences ou la personnification du tueur reconnaissable à la simple écoute de ses bottes et du froissement de ses vêtements. La terreur visuelle (égorgement, décapitation, découpage à la scie circulaire : on a jamais vu un tel déballage de gore dans une production hexagonale !) se double donc d'une terreur auditive rendant toute échappatoire impossible pour le spectateur.
Mais loin de s'apparenter à une banale série B du samedi soir, Haute Tension choisit le parti pris du réalisme étouffant en dépit d'une esthétique léchée. Le ton est d'autant plus sérieux que l'on suit le drame à travers les yeux du personnage de Marie. Elle est celle qu'on accompagne d'un bout à l'autre du calvaire, se rattachant au moindre de ses faits et gestes tous d'une implacable logique (à l'exception du coup de gueule au téléphone). Lors du meurtre de la mère, on est avec elle dans le placard, ne distinguant pas ce qui se passe et obligé de supporter les bruits atroces du sang qui gicle. Même chose pour la séquence de la forêt ou de la station-service. On s'attache inévitablement à elle, ressentant la peur à fleur de peau et le retour à une violence primitive et animale nécessaire à la destruction du Mal. Le cri après le face-à-face dans la verrière n'en est que plus déchirant, douloureux et bestial.
La mise en scène épouse constamment l'état d'esprit dans lequel se trouve Marie pour mieux impliquer le spectateur dans le processus de projection. Lorsqu'on suit le tueur, la caméra est stable, lente et mesurée, implacable. À l'inverse, les plans sont filmés caméra à l'épaule lorsque Cécile de France est en pleine panique, comme pour mieux retranscrire la nervosité du personnage.

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Le plus surprenant, c'est que jamais Alexandre Aja ne tombe dans la pure gratuité. Même si on sent une volonté de secouer l'audience avec un traitement craspec du récit, le gore est toujours employé comme métaphore du désir sexuel refoulé de l'héroïne, celle-ci se révélant être une tueuse schizophrène amoureuse de sa meilleure amie. Oui, Haute Tension s'achève par ce twist relativement ambitieux qui oblige à revenir sur l'ensemble du film pour en avoir une vision plus complète. Si l'on peut noter quelques incohérences soulevées par ce revirement de situation (quid de la camionnette et des blessures qu'arbore Marie à l'hôpital ?), il convient de préciser que c'est le producteur Luc Besson qui a imposé le développement du rebondissement durant les 10 dernières minutes alors que les auteurs ne souhaitaient délivrer qu'un épilogue à l'hôpital où on aurait compris que tout ce qui a suivi n'était qu'un récit inventé. Ce bémol mis à part, Haute Tension s'impose sans peine comme une œuvre furieusement sexuelle, pleine de pulsions inassouvies.
La sexualité de Marie apparemment vendeuse pour attirer le public masculin (une lesbienne très mignonne) est en vérité un élément capital du script qui nous plonge dans la psyché d'une fille si mal dans sa peau que son inconscient crée un double négatif monstrueux. L'introduction du film avec une Cécile de France faisant face à une caméra indique bien que nous allons assister à SA vision des faits. Le métrage devient donc un parcours mental dans lequel intériorité et extériorité se confondent. Cela commence avec une scène de fellation avec une tête ressemblant à celle de Maïween qui indique les premiers signes du désir interdit, puis ça continue dans la métaphore avec l'arrivée du tueur montée en parallèle avec une séance de masturbation lourde de sens. Par la suite, Alexandre Aja ne cessera de lancer des indices subtils au spectateur pour développer la quête identitaire de son héroïne tel que l'utilisation du morceau « À toute les Filles que j'ai aimé avant » ou le fait que Marie préfère se cacher dans les toilettes des hommes. Le moment où la jeune fille parvient à tuer le monstre qui la ronge est particulièrement significatif puisqu'il sera déclenché par l'intrusion de doigts dans la bouche, symbole phallique à la dimension de viol et permettant à la lesbienne d'accepter et de revendiquer sa féminité.
Le plus grand des mérites d'Alexandre Aja et de Grégory Levasseur, c'est non seulement d'avoir su donner un grand coup de pied dans la fourmilière des conventions du cinéma français mais surtout d'avoir hisser leur métrage horrifique au niveau des plus grandes réussites du genre. L'aura malsaine, la violence poisseuse, l'intelligence narrative et la dimension sexuelle confèrent à Haute Tension tous les atouts pour rejoindre les meilleurs shock horror de Tobe Hooper et Wes Craven. D'ors et déjà un classique du genre.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Michelle Krusiec, Joan Chen, Lynn Chen, Ato Essandoh, Jessica Hecht, Jin Wang, Guang Lan Koh et David Shih. Réalisation : Alice Wu. Scénario : Alice Wu. Directeur de la photographie : Harlan Bosmajian. Compositeur : Anton Sanko.
Résumé :
Wil, une jeune sino-américaine de 28 ans, vit avec sa mère, Ma, à New York. Elle travaille énormément et sa mère ne comprend pas ce dévouement total à son emploi de médecin qui la prive de réelle vie sociale. Un jour Wil tombe amoureuse de Vivian, une autre jeune femme...
L’avis de Boris Plantier (Sunset Boulevard) :
Cette comédie romantique lesbienne savoureuse présente l’originalité de s’intéresser à la communauté asiatique de New York. Une petit bijou inédit en salle en France mais qui devrait prochainement sortir en DVD.
Wil est une jeune célibataire d’origine chinoise, qui consacre tout son temps à son métier de médecin dans un hôpital de New York. Sa vie tranquille va être bouleversée par la venue de sa mère, elle-aussi célibataire, qui attend un enfant d’un homme dont elle ne veut révéler l’identité, puis par sa rencontre avec la charmante Vivian dont elle tombe follement amoureuse.
Le cinéma américain d’intéresse peu à la communauté asiatique, pourtant importante, qui vit sur son sol. Ce film indépendant, réalisé et joué par des américains d’origine chinoise, est donc une œuvre rare et précieuse. Une petite merveille, d’un point de vue sociologique, qui montre les difficultés de la communauté chinoise à accepter l’américanisation de ses jeunes. On y assiste à un véritable bras de fer entre les vieilles générations, gardiennes des traditions, et les jeunes générations, qui refusent tout repli communautaire et revendiquent leur liberté sexuelle. Ainsi la mère de Wil accepte mal le mode de vie occidental et l’homosexualité de sa fille mais elle est elle-même rejetée par ses aînés qui refusent de voir parmi eux une mère célibataire.
Un sujet grave que la réalisatrice, Alice Wu, a choisi de traiter sur le mode de la comédie. Saving Face est une comédie romantique pleine de grâce, de sensualité et de suspense. Ses deux jeunes actrices (Michelle Krusiec et Lynn Chen) sont de vraies révélations que l'on espère revoir dans d'aussi beaux rôles alors que l’on retrouve avec plaisir Joan Chen (Le Dernier empereur, Twin Peaks) dans le rôle de la mère. Notons enfin, pour l'anecdote, que ce film est produit par Overbrook Entertainment, la société de production de l’acteur Will Smith.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Beryl Reid, Susannah York, Coral Browne, Ronald Faser et Patricia Medina. Réalisation : Robert Aldrich. Scénario : Lukas Heller. Images : Joseph F. Biroc. Montage : Michael Luciano. Musique : Gerald Fried.
Durée : 138 mn. Disponible en V0 et VOST.

Résumé :
June Bukridge est une actrice de télévision anglaise qui connaît un certain succès pour son rôle d'une joyeuse nurse de campagne nommée Sister george. Elle vit tranquillement avec sa compagne Childie jusqu'à ce que son émission et son couple soient menacés par l'arrivée d'un producteur téle prêt à tout pour réussir.
L’avis de Jean Yves :
Jude Bukridge joue, dans une série à succès de télévision anglaise, une religieuse, Sœur George, infirmière joyeuse et généreuse qui séduit les téléspectateurs.
Dans la vie, c'est une alcoolique qui ne manque jamais une occasion de faire souffrir sa compagne Childie. Quand elle apprend qu'un nouveau producteur de la série a décidé de supprimer son personnage en le faisant mourir, son monde de la célébrité s'écroule d'autant qu'elle sait ne pas pouvoir retrouver aucun autre rôle. Pour se venger de ses producteurs, elle décide de rendre public sa vie réelle moins séduisante que celle de Sister George…
Bien qu'étant le premier film anglais (ou l'un des premiers) traitant essentiellement de « l'homosexualité féminine », ce film est assez pénible à voir tant le personnage de la séductrice ne l'est pas. Très masculine, alcoolo, elle « pervertit » une jeune féline qui ne connaît rien de mieux.
Nous sommes donc dans le super stéréotype des relations lesbiennes.

Mais le fait que le lesbianisme tient l'écran pendant plus de deux heures et est traité comme un fait de société, permet le développement du personnage et lui donne une certaine complexité.
De plus, les scènes tournées dans un bar de lesbiennes de la fin des années 60, qui a vraiment existé, procurent un réel plaisir au spectacle des danses et de la mode de l’époque.
Un must pour celles et ceux qui s'intéressent au (« à notre » devrais-je écrire) patrimoine cinématographique.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Jean-Claude Adelin, Claude Brasseur, Jacques Bonnaffé, Marianne Denicourt, Thierry Lhermitte, Didier Bezace, Daniele Lebrun, Jean-Pierre Cassel, François Berléand, Laurent Malet et Maurice Barrier. Réalisé par Marcel Bluwal. Scénario de Jean-Claude Carrière. Compositeur : Antoine Duhamel. Directeur de la photographie : Philippe Pavans de Ceccaty.
Durée : 120 mn. Disponible en VF.

L'avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Les films français sur le cinéma sont rares (La Nuit américaine, Le Schpountz ...). Les films sur Vichy aussi. Ce passé, qui ne passe pas, s’est assez bien passé pour la grande famille du cinéma français – tout du moins pour ses membres qui n’étaient pas juifs... La période n’a engendré que peu d’œuvres, qu’il ne faut pas confondre avec le cinéma sur la résistance pour ne pas dire résistansialiste (La Ligne de démarcation, La Bataille du rail, L’Armée des ombres...), ni avec les film qui prennent cette époque comme toile de fond. Il y a bien sûr le Pétain de Chabrol, le très beau Hôtel du parc, on peut citer aussi moins centraux mais passionnants Drancy Avenir d’Arnaud Pallières en 1997 et Milice, film noir d’Alain Ferrari en 1998 et quelques autres, c’est peu. Le Plus beau pays du monde, le titre sous-entend le cinéma qui était dans ces années noires l’incontestable plus beau pays du monde et un refuge virtuel pour beaucoup, défriche un terrain vierge de notre cinématographie. Il y a eu depuis Laissez-passer, le chef-d’œuvre de Tavernier.
Le film nous raconte une histoire vraie : la naissance d’un film, Mermoz, de l’idée de départ jusqu’à sa sortie en passant par son tournage. En cela il serait déjà un exceptionnel document pédagogique et l’on peut faire confiance à Marcel Bluwal en la matière, si cette histoire se situait en une période historique normale, inscrite en pleine occupation ce film sage devient un brûlot tant il peint la grande famille du cinéma français comme un conglomérat d’opportunistes égoïstes. Le film se hisse à la tragédie lorsque l’on apprend que la vedette de Mermoz, Robert Hugues-Lambert est arrêté en plein tournage par la police allemande à cause de son homosexualité affichée (?). Jean-Claude Adelin, que l’on avait découvert incandescent dans le beau Buisson ardent de Laurent Perrin en 1987, compose un Lambert candide, courageux... et acteur médiocre. On passe au burlesque le plus noir dans la scène dans laquelle on tend au malheureux prisonnier un micro par-dessus les barbelés de son camp, le camp de transit de Compiègne, à deux heures de vélo de Paris, pour qu’il sonorise une scène qui avait été tournée mais était restée muette. Le metteur en scène n’hésite pas à lui demander d’y mettre un peu plus d’entrain ! Entre autre « détail » sinistre, on apprend horrifié qu’un hôtelier louait les chambres de son établissement qui avait vue sur le camp à tous ceux qui voulaient jeter un dernier regard sur un être cher avant qu’il soit déporté !

Le Plus beau pays du monde est paradoxalement un hommage au cinéma des années 40, dans le sens d’une certaine justesse des dialogues, et surtout de la manière dont il met merveilleusement en valeur les seconds rôles. Il n’y a d’ailleurs pas vraiment de premier rôle dans ce film. Chacun des 25 personnages parlants possèdent une épaisseur et donnent autant de directions différentes au film, le relançant à chaque scène. Bien sûr la mise en scène n’a pas la fluidité de celle du Dernier métro de Truffaut, auquel on ne peut s’empêcher de penser. Le talent de Bluwal n’est pas seul en cause : la différence majeure entre les deux films est que les protagonistes du Plus beau pays du monde n’ont pas le même désir de cinéma que ceux du Dernier métro avaient de désir de théâtre et d’amour, les deux désirs à l’unisson l’un de l’autre étaient immenses.
En montrant mille détails de la vie quotidienne des parisiens pendant l’occupation, Marcel Bluwal réussit à nous faire ressentir le climat de ces années-là. Il rend tangible cette peur de perdre le peu de liberté et de libre arbitre qu’il reste, la peur de ne pas avoir à manger, la peur d’être dénoncé, la peur de perdre la vie, peur d’être pris pour un autre. Là où Losey dans le beau Monsieur Klein montrait la lente descente d’un homme unique vers l’oubli (inoubliable Alain Delon), Marcel Bluwal filme un groupe, ici le petit milieu cinématographique, ni meilleur ni pire qu’un autre et représentatif du moral de la plupart des Français d’alors avec toutes ces petites lâchetés et vilenies qui émaillent le quotidien de ces gens et qui ne font que traduire cette terreur (non dénuée de fondement) de plonger dans l’oubli de la déportation, dont on ignore les modalités mais que l’on pressent horrible, ce qui est au premier comme au second degré le thème majeur du film. Il est toutefois dommage que ce ne soit que dans les dix dernières minutes du long métrage que l’on apprenne par des documents d’archives que ce Lambert a réellement existé et qu’il a été arrêté une semaine avant la fin du tournage pour « oisiveté », en réalité à cause de son homosexualité et qu’il est mort en déportation.
Le scénario de Jean-Claude Grumberg utilise habilement, même si il prend des libertés avec la réalité, le mystère qui entoure Lambert (est-il un résistant, un espion ?) L’intérêt est constamment soutenu grâce, entre autre, aux scènes de comédie sur le fil du rasoir un peu à la manière de celles de La Traversée de Paris et de la pièce du même Grumberg: L’atelier.
C’est toute une époque du cinéma que fait revivre Le Plus beau pays du monde… Il nous montre un cinéma encore en lutte contre le théâtre, comme si l’un était le parent pauvre de l’autre. Il dénonce aussi l’aveuglement qui saisit des artistes qui sont prêts à toutes les compromissions pour que leur œuvre, même médiocre, voie le jour. Si le cinéma prend ses repères dans la vie, il n’est pas la vie. Il peut embellir la réalité mais aussi l’ignorer.
Parlant de Mermoz, le colonel Valogne (Thierry Lhermitte) dit à son réalisateur (Didier Bezace) : « Notre film est destiné à la jeunesse française. » Marcel Bluwal destine son film à la jeunesse pour qu’elle ne soit pas oublieuse, à ceux qui ont vécu cette époque et surtout à tous les fous de cinéma. Jacques Lourcelle, qui pour une fois quitte l’âge d’or du cinéma américain, résume bien ce qu’il faut penser du film. « À travers beaucoup de bassesses parfois même comiques, le tragique néanmoins affleure ! Il y a un aspect, une dimension dérisoire typique des milieux traités qui fait l’originalité de ce film. Le film de Bluwal écrit par Jean-Claude Grumberg est habilement et brillamment interprété: Riche en personnages et détails significatifs. Il brasse une matière à la fois douloureuse et passionnante insérée dans une très authentique reconstitution de tournage. » On peut regretter que Marcel Bluwal ait cru bon de changer les nom des protagonistes à l’exception de celui de Lambert.
En 1943, Robert Hugues-Lambert interprète le rôle du plus célèbre des aviateurs français dans le film Mermoz de Louis Cuny. L’un des seuls films de toute la production cinématographique française de l’occupation que l’on peut qualifier de vichyste. La première du film a lieu le 14 octobre 1943 à l’Opéra de Paris. Dans le palais Garnier, le tout-Paris de la collaboration se presse, même Max Bonnafous, ministre de Vichy a fait le déplacement. Dans la revue Le Film, le gala est évoqué en ces termes : « Pour la première fois depuis la guerre l’Opéra de Paris a servi de cadre à une grande manifestation cinématographique... » Il y a pourtant un grand absent à ce grand raout : Robert Hugues-Lambert, l’interprète du rôle titre. Il se trouve au même moment au camp de concentration de Buchenwald sous le matricule 21623. Il a été arrêté 7 mois plus tôt par la police allemande en plein tournage de Mermoz. Qui était-il et pourquoi a t-il été arrêté ?
Il naît à Paris le 1er avril 1908, son vrai nom est Lambert tout court, Hugues n’est encore que son prénom et Robert que son deuxième prénom. Ses parents sont tous deux employés au BHV. Après une enfance sage, il passe son brevet à 15 ans. Le collégien joue déjà au théâtre dans une troupe d’amateurs dont son père fait partie. Il suit des cours de théâtre. À 18 ans, il part au service militaire chez les chasseurs alpins. À son retour, il tente sa chance sur les planches. Il est engagé à l’Odéon mais il oublie de se présenter le jour de la première ! Il rejoint ensuite une tournée qui joue dans la France entière : la tournée Barret. Drôle, léger et inconscient, dans cette France du début des années 30, il affiche son homosexualité et parle de sa vie sexuelle comme un hétérosexuel parlerait de la sienne. Ce naturel, cette absence de honte sont perçus, à l’époque, comme de la provocation. En 1939 il est mobilisé et envoyé au front pendant la Drôle de guerre. Il revient à Paris après la défaite. En 1941, il remplace Alain Cuny dans Le bout de la route au théâtre des Noctambules, rue Champollion. En 1942, à la grande surprise de ses camarades, il abandonne la pièce car il est choisi pour jouer le rôle titre dans le Mermoz que va réaliser Louis Cuny. Son élection ne tient pas tant à son talent qu’à son étonnante ressemblance avec le héros de l’aviation disparu en 1936 et... compagnon de route du mouvement droitier du colonel de la Rocque (pour en savoir plus sur cet épisode, il faut lire la somme de Jacques Nobécourt : Le colonel de la Rocque 1885-1946 ou les pièges du nationalisme chrétien chez Fayard), puis du PPF de Jacques Doriot. Il doit aussi sa chance aux prétentions financières exorbitantes de Pierre-Richard Willm, alors grande vedette, qui avait été contacté en premier pour interpréter le rôle. Lambert se trouve pour sa toute première apparition à l’écran dans un premier rôle aux côtés de comédiens chevronnés : Héléna Manson (l’infirmière dans Le Corbeau de Clouzot), Jean Marchat (le méchant du Remorque de Grémillon), Lucien Nat, alors au sommet de sa carrière (on le retrouvera bien des années après dans Les Amitiés particulières).
Le cinéma français se porte très bien en ces années de guerre ; certains ont même parlé d’un Âge d’Or du cinéma français. Les allemands, comme Vichy, tiennent à donner aux Français une impression de normalité et surtout à les distraire pour oublier les privations et surtout, il faut bien le dire, pour les empêcher de réfléchir. La production des films entre dans cette stratégie. Dans cette optique, les films légers sont les films les plus aidés. La plupart des œuvres de l’époque sont aidées par des subventions diverses. Mermoz ne fait pas exception à la règle. La production reçoit plus d’un million de francs. Ce que niera ensuite le producteur du film : André Tranché. Si le montage du film fut difficile, c’est peut-être qu’il était un des rares films vraiment vichystes de l’époque. Jean-Pierre Bertin-Maghit, l’auteur du meilleur livre sur le cinéma de cette période : Le Cinéma français sous l’occupation aux PUF, parle de Mermoz en ces termes : « Mermoz est l’un des rares films de la période où soient réunis un ensemble de signes fascisants : le pilote de l’aéronautique, en particulier, est un héros solitaire, engagé dans une œuvre d’utilité collective au prix d’une lutte contre la bureaucratie et les forces d’argent qui lèsent les intérêts de l’individu comme de la nation entière. » Pourtant, lors de la sortie du film, la centrale catholique émettra tout de même une réserve : « Bon film qui montre l’énergie et le courage au service d’une grande tâche et qui magnifie l’effort. Cependant présence d’une fille, allusions grivoises, jurons, mots grossiers. »
Le monde du cinéma d’alors était surtout opportuniste. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le stupéfiant Journal 1942-1945 de Jean Cocteau paru en 1989 chez Gallimard. La persécution des juifs, nombreux dans les métiers du cinéma, comme le dénonçait Lucien Rebatet, le très écouté critique de cinéma de l’hebdomadaire ultra collaborationniste Je suis partout, dans son pamphlet antisémite : La tribu du cinéma. Les combattants (Gabin, Jean-Pierre Aumont, Claude Dauphin...), les prisonniers de guerre (Bernard Blier, Pierre Bost...) et les exilés (Jouvet...) avaient créé de larges béances dans les rangs de « la famille du cinéma ».
Le maréchal Pétain s’intéresse au projet. Il charge le sculpteur François Cogné (celui-là même qui avait réalisé le buste du chef de l’État français qui devait remplacer le buste de Marianne dans toutes les mairies de France) de veiller à sa bonne exécution ! Il y aura une avant-première à Vichy le 11 octobre 1943, en présence du maréchal Pétain et de la mère de Mermoz. Mais pour en arriver là, ce n’aura pas été sans mal. Les problèmes viennent surtout du jeu de Lambert trop théâtral, trop « Comédie Française ». Le réalisateur, lui aussi débutant, devait faire de nombreuses prises pour chaque scène à une époque où la pellicule était rare. Mais le problème le plus aigu est le filmage de la scène figurant l’accident d’avion dans la Cordillère des Andes. Le tournage de cette scène était prévu au départ en décor naturel, mais il s’avère bientôt impossible de transporter un avion des années 30 dans les Alpes. Il faut donc tourner en studio. Un panorama de montagnes enneigées est construit dans le studio de la rue François 1er, aujourd’hui les locaux de la radio Europe n°1, pour la somme exorbitante de 1 200 000 francs. En outre, certaines scènes devaient être tournées dans la zone libre, mais l’invasion de celle-ci en novembre 1942 rend le tournage impossible. Tous ces contretemps allongent la durée du tournage. Les comédiens en profitent pour réviser leurs exigences à la hausse.
Mais la vraie catastrophe, c’est l’arrestation le 3 mars 1943 de Lambert. Il reste encore plusieurs scènes à tourner ! Comment finir un film sur Mermoz, sans Mermoz ? L’équipe de production trouve une solution de colmatage. Dans les scènes qui restent à tourner Mermoz n’apparaîtra que de dos. Il sera interprété par Henri Vidal qui, de dos, ressemble à Lambert. Tranché aurait eu cette idée après qu’un barman d’un café, le Silène, près du studio de la rue François 1er, lui eut parlé de la ressemblance entre les deux hommes. Curieusement, Henri Vidal, qui épousera Michèle Morgan en 1949, n’a jamais évoqué cet épisode de sa vie à celle-ci. L’idéal serait de doubler les images d’Henri Vidal avec la voix de Lambert. La production apprend que ce dernier est enfermé au camp militaire de Compiègne-Royallieu, rebaptisé Front Stalag 122. Seule solution : se rendre sur place pour enregistrer la voix du prisonnier.
André Tranché est alors un jeune producteur de 29 ans qui a beaucoup misé sur Mermoz. Il raconte : « J’ai téléphoné à un ami qui habitait Compiègne et qui avait le bras long. Il a tout arrangé. Je suis parti pour Compiègne accompagné d’André Cottet, le patron des studios des Buttes Chaumont. Mon ami m’avait indiqué le chemin vers le camp de prisonniers. J’ai approché le cul de la camionnette d’enregistrement le long du mur et je suis monté sur le toit. Tout était prévu. Lambert nous attendait de l’autre coté. J’ai déployé la perche au-dessus de l’enceinte et des barbelés avec le micro au bout. Hugues avait 10 ou 12 phrases à dire et il avait le texte en main ; je lui avais fait parvenir par un intermédiaire qui lui avait expliqué que je voulais le faire relâcher. Après l’enregistrement, j’ai dû lancer : Allez, à très bientôt ! »
En réalité, pas plus Tranché qu’un autre ne fera de démarches pour libérer Lambert. Tranché fait en 1999 cette déclaration ignoble à Marc Epstein de l’Express : « De mon point de vue, le film était terminé. Dans les années 30, un grand producteur américain m’avait donné un conseil : « Mon petit, si vous voulez faire du cinéma, dites-vous bien qu’un acteur, c’est un ouvrier, il est comme le plombier qui vient réparer le robinet. Il doit travailler. Ces gens-là, c’est rien. Ça ne sert à rien d’être copain avec eux. » Je ne l’ai jamais oublié. » On ne saurait mieux dire ! À noter que le sieur Tranché a sévit dans le cinéma jusque dans les années 70 comme scénariste. On lui doit entre autres la version française du Grand silence de Corbucci. Ils avaient obtenu ce qu’ils voulaient : le film était sauvé, peu leur importait le destin de Lambert. Alors que très probablement la moindre démarche un peu appuyée aurait permis de le faire libérer. Le père de l’acteur comptait sur les messieurs du cinéma pour le faire libérer.
Le réalisateur, lui aussi, continua de tourner en tout une dizaine de films dont le dernier en 1959 s’intitule Symphonie pour un homme seul, il est peu probable malgré le titre qu’il ait alors songé au malheureux Lambert.
Le mystère des raisons et des conditions de son arrestation demeure. Il n’est pas certain, comme le dit Tranché, que Lambert ait été raflé dans un bar homosexuel. Une rumeur voudrait qu’il ait eu une liaison avec un officier allemand et qu’il aurait été dénoncé comme homosexuel par un autre officier allemand jaloux de son camarade ! Une chose est certaine : si son arrestation est due probablement indirectement à son homosexualité, celle-ci ne peut pas en être la cause directe et encore moins officielle. Les homosexuels, nombreux dans le monde du spectacle du Paris de l’occupation, n’ont jamais été inquiétés. Dans la distribution même de Mermoz, Jean Marchat qui joue le rôle de Saint-Exupéry vécu toute sa vie avec Marcel Herrand, l’interprète de Lacenaire dans Les Enfants du paradis ; Jean Weber, qui présenta une partie de la soirée de gala à l’Opéra de Paris, fut l’un des premiers acteurs français à évoquer ouvertement, dès 1935, son attirance pour les hommes. Serge Lifar, qui dansa le même soir sur une musique originale d’Arthur Honegger, était l’ancien amant de Serge Diaghilev, le créateur des Ballets russes.

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