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FILMS : Les Toiles Roses

    

Fiche technique :
Avec Charlton Heston, Stephen Boyd, Jack Hawkins, Haya Harareet, Hugh Griffith, Martha Scott, Sam Jaffes, Cathy O’Donnell, Frank Thring et Finlay Currie. Réalisé par William Wyler. Scénario de Karl Tunberg, Maxwell Anderson, Christopher Fry et Gore Vidal. Directeur de la photographie : Robert Surtees. Compositeur : Miklos Rozsa.
Durée : 202 mn. Disponible en en VO, VOST et VF.


Résumé :
Judas Ben-Hur, prince de Judée, retrouve son ami d'enfance Messala, venu prendre la tête de la garnison de Jérusalem. Mais leur amitié ne peut résister à leurs caractères différents.
Alors qu'une pierre tombe du balcon de la maison familiale de Ben-Hur, manquant de tuer le gouverneur qui paradait plus bas, Messala trahit son ami qu'il sait innocent en l'envoyant aux galères et en jetant en prison sa mère et sa soeur. Ben-Hur jure alors de reconquérir sa liberté et prépare sa vengeance.

L'avis de Jean Yves :
Le célèbre roman du général Lewis Wallace, d'abord gros succès de librairie, puis de théâtre sur les scènes américaines, apporta à Ramon Novarro l'un de ses rôles les plus populaires dans le
Ben-Hur muet de Fred Niblo en 1925.
Le remake de William Wyler considéré à sa sortie en 1959 comme « le plus grand film de l'histoire du cinéma » obtint plusieurs Oscars, parmi lesquels l'interprétation masculine pour Charlton Heston, superstar hollywoodienne des années 50 et 60.
La version de William Wyler, sous l'impulsion de l'écrivain Gore Vidal qui participa au scénario de Karl Tunberg, fait de Ben-Hur l'un des plus beaux drames de l'amour homosexuel au cinéma (1), avec une telle subtilité que seuls les plus avertis peuvent lire à livre ouvert dans le cœur de Messala (Stephen Boyd) et de Ben-Hur (Charlton Heston), dans celui aussi du consul Quintus Arrius (Jack Hawkins) dont le regard est empli de désir pour le ténébreux galérien juif.
Deux scènes donc montrent le désir homosexuel comme élément évident du rebondissement dramatique et comme moteur essentiel infléchissant, pour le meilleur ou pour le pire, le destin de Judas Ben-Hur.
La première a lieu avec les retrouvailles du prince juif et de son ami d'enfance le tribun Messala : celui-ci, qui a vécu à Jérusalem jusqu'à l'adolescence, revient, après plusieurs années passées à Rome, pour assurer le commandement des troupes romaines de Judée.
La seconde est présente dans le regard plein de désir de Quintus Arrius, même si l'alibi est de voir en Ben-Hur un aurige potentiel : sauvé par le galérien lors de la bataille navale, Quintus n'hésite pas à l'associer à la victoire de sa flotte lors du triomphe devant Tibère, puis à faire du Juif son fils adoptif.
Sur fond de montée au calvaire, Ben-Hur reste un chef-d'œuvre du péplum à grand spectacle, épopée antique émouvante et grandiose.

(1) Dans un entretien avec Bruno Villien (Revue Cinématographe n° 96, 1984), Gore Vidal expliquait que les seules divergences politiques entre le Romain et le Juif ne suffisaient pas à nourrir la haine du premier envers le second au point de l'envoyer aux galères. Il fallait qu'adolescents, ils aient été amants et que, par sous-entendus, on puisse comprendre que Ben-Hur adulte repoussait les avances de Messala. Celui-ci était d'abord motivé par un « chagrin d'amour », et tout devait passer par le regard de Stephen Boyd sur Charlton Heston.
Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Jessica Harper, Cliff De Young, Richard O’Brien, Patricia Quinn, Charles Gray, Ruby Wax, Nell Campbell, Rik Mayall, Barry Humphries, Darlene Johnson et Manning Redwood.. Réalisé par Jim Sharmann. Scénario : Richard O’Brien et Jim Shraman.
Durée : 94 mn. Disponible ( ?) en VO.


Résumé :
Sélectionné pour participer à un jeu télévisé dans une petite ville étrange, un jeune couple en crise se retrouve prisonnier du dit-jeu, dont il va chercher à s'échapper.
L’avis de mérovingien02 :
Le Rocky Horror Picture Show a beau avoir été un plantage monumental lors de sa sortie en salles, le culte qui s'est construit autour de ce cauchemar rock érotique a finit par exploser rapidement. Triomphe à chaque séance de minuit, groupe de fans se travestissant en chantant « Time Warp », sortie imminente d'un disque « Audience Participation » enregistré dans une salle de New York... Nous sommes en 1981 et le docteur Frank N. Furter est devenu l'icône d'une troupe de fanatiques si importante que la Twentieth Century Fox commence à faire les yeux doux à Richard O'Brien et Jim Sharman, les deux responsables du premier chef d'œuvre Z, pour leur proposer une suite.
Et oui, on a tendance à l'oublier mais le Rocky Horror a connu une suite officieuse tombée hélas dans l'oubli : Shock Treatment. Inédit en France, diffusé uniquement sur le câble et introuvable en DVD (il n'existe qu'une VHS commercialisée en 1985 aux États-Unis et liquidée depuis), l'étrange objet est devenu une rareté un rien dénigrée qui possède malgré tout une petite base de fans. On comprend aisément les raison de ce rejet : non, Shock Treatment n'embraye pas sur le Rocky Horror. Pas le moindre travesti, pas de château hanté, pas d'extra-terrestres à la Ed Wood, pas de sexe débridé ou de slips kangourous... Et plus frustrant encore : pas la moindre allusion au premier film. Brad et Janet sont toujours là mais il n'y a pas véritablement de continuité avec leurs précédentes aventures face aux transylvaniens. Ô bien sûr, la présence de la quasi totalité des interprètes de second rôle dans les deux films laissent penser qu'il existe des liens subtils (Rif Raf et Magenta ne se feraient-ils pas passer cette fois-ci pour des docteurs, comme en témoignent leurs rapports toujours aussi incestueux et la présence du tableau « American Gothic » de Grant Wood) et Denton est toujours « the home of hapiness ». Mais on peine franchement à retrouver le délire total et décomplexé qui animait le Rocky Horror Picture Show, avec cette représentation si festive et hilarante de l'homosexualité et ses futures stars en collant noirs ! D'un autre côté, peut-on vraiment en vouloir à Richard O'Brien d'avoir refusé de se confronter à son chef d'œuvre pour livrer une œuvre indépendante afin d’explorer une nouvelle voie ?
Ainsi, après l'hommage aux séries B et Z ringardes des années 30 et 50, voici la satire de jeux télé américains des 60's. Forcément, difficile pour tout spectateur non anglophone de saisir parfaitement les références obscures qui émaillent le récit, renforçant le sentiment d'être exclu du délire. Les maladresses du scénario n'arrangent pas les choses. Bien sûr, on n’espérait pas assister à un truc aussi fou qu'un travesti créant un monstre sexuel parfait avant de débaucher un couple coincé du cul mais quand même. Jugez plutôt : Brad et Janet assistent à une émission et sont sectionnés pour le jeu Mariage Maze. Brad est jugé mentalement déficient et est envoyé chez le médecin du jeu, Cosmo McKinley, qui lui administre un traitement de choc. Janet commence à être séduite par le monde de la télé et se dévergonde, ignorant qu'elle est en fait manipulée par Farly Flavors, un type étrange qui n'est autre que le frère jumeau de Brad !
Une trame pour le moins rachitique qui n'exploite jamais son potentiel, reléguant Brad au rang de figurant (3 répliques en 1h20 !) et ne dévoilant l'identité de Farly que dans les dernières minutes. Résultat : il ne semble pas se passer grand chose de particulier si ce n'est une assemblage de saynètes bordéliques entrecoupé de morceaux musicaux décoiffant. Des infirmiers s'éclatent, un sosie du Joker fait des trucs bizarres, Janet s'habille en veuve noir... Le délire paraît un rien calculé et surtout trop sage, O'Brien ne se lâchant jamais totalement dans ses extravagances. Il n'est pas franchement aidé non plus par le couple vedette, Cliff de Young et Jessica Harper, qui ne tient pas une seule seconde la comparaison avec le duo Barry Bostwick et Susan Sarandon. Il suffit de voir la Janet de Shock Treatment se trémousser mollement sur « Little Black Dress » pour prendre la mesure du fossé entre les deux interprètes.
Alors que reste-t-il vraiment à savourer dans ce Shock Treatment qui permette d'entretenir le niveau avec son illustre prédécesseur ? Et bien la même équipe que celle du Rocky Horror pardi ! Oui, c'est toujours un plaisir de revoir Patricia Quinn, Charles Gray ou Laura Campbell même s'ils s'éclatent dans des rôles différents. Oui, on ne peut s'empêcher de sourire avec bonheur en reconnaissant les figurants transylvaniens parmi les membres du public de Denton Télévision ainsi que leurs costumes dans la réserve des infirmiers.
Mais surtout, il y a la fabuleuse bande originale toujours composée par Richard O'Brien dont tous les titres sont aussi bons si ce n'est meilleurs que ceux du Rocky Horror Picture Show : « Denton USA » est extrêmement entraînante, le refrain « Hooooooooooo Shock Treatment » trotte longtemps dans la tête et le Duet Duet final est joyeusement déjanté comme il faut. Bref, le rock kitsch tourne à plein régime et chaque clip musical est un vrai bol d'air frais revigorant (et en plus, il y en a beaucoup !). Le plaisir est d'autant plus grand qu'à la mise en scène, Jim Sherman a des idées plein la tête qui permettent d'éviter la redite du précédent épisode. Outre des décors plus épurés, lorgnant vers un blanc maladif propice à des filtres hallucinogènes (du rose qui pète, du vert agressif) et des costumes toujours aussi déjantés, le film recèle de nombreuses trouvailles visuelles qui permettent de le revoir avec un certain plaisir : un élégant plan séquence d'ouverture à la grue, un autre plan séquence latéral filmant tout un numéro musical par des fenêtres, des vues en hauteur permettant de multiplier les figurants dans les chorégraphie, une utilisation amusante des écrans de télévision permettant de suivre l'action sur un moniteur, une danse dans un entrepôt de costumes audacieuse...
S'il est certain que ce qui faisait le charme immortel du Rocky Horror Picture Show a largement disparu dans ce cocktail psychédélique trop limité dans ses effusions ‘nawak, Shock Treatment demeure cependant un complément indispensable pour tous les fans de l'opéra rock queer. Dynamique et entraînant, l'objet ne mérite pas la réputation de film médiocre (même les séances de minuit lui font la moue) ni pour autant de film culte mais plutôt d'agréable curiosité. Reste quand même qu'en dépit de ce semi-échec, on ne peut s'empêcher de rêver à un troisième épisode The Revenge of the Old Queen, que Richard O'Brien a bien rédigé, dans lequel Riff Raff et Magenta rentraient sur Transylvania et affrontaient la colère de la souveraine et mère du défunt Frank N Furter. Un jour, peut-être...

Pour plus d’informations :




Fiche technique :
Avec Tim Curry, Susan Sarandon, Barry Botswi
ck, Richard O’Brien, Patricia Quinn, Nell Campbell, Peter Hinwood, Meat Loaf et Charles Gray. Réalisé par Jim Sharman. Scénario de Jim Sharman et Richard O’Brien, d’après l’œuvre de Richard O’Brien. Directeur de la photographie : Peter Suschitzky. Compositeur : Richard Hartley.
Durée : 100 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


L’avis de Mérovingien02 :
Il est des films incontournables qu'il FAUT avoir VU. Des films tellement généreux qu'ils convoquent notre esprit à tout un pan de l'Histoire du Cinéma. Des films si barrés qu'ils défient toute logique au point d'en devenir fiévreux. Des films si uniques que le terme « culte » semble avoir été inventé exclusivement pour eux. Des films qu'il est indispensable d'aimer, sous peine de voir remis en question tous nos goûts cinématographiques et d'être radié de l'ordre des Spectateurs ayant de bon goût. The Rocky Horror Picture Show est de ceux-là.
Tout commence avec un Néo-zélandais du nom de Richard O'Brien qui quitte son pays après une grosse déception sentimentale pour aller s'installer à Londres et mener une carrière d'acteur. Sans grand succès. Quelques apparitions par-ci par-là mais l'acteur décide de faire tourner la chance en écrivant lui-même sa propre pièce. Il n'y pas vraiment de trame cohérente mais beaucoup de chansons et de références aux classiques de la série B. Il enregistre lui-même la chanson « Science-fiction/Double Feature » et décide de présenter son projet à Jim Sherman, metteur en scène qu'il a rencontré sur la pièce La Main Invisible. O'Brien reçoit le feu vert et se lance dans le casting : il tiendra le rôle de Rif-Raf, Meat Loaf, chanteur ro
ck en vogue, tiendra le rôle du rockeur Eddie et Tim Curry sera Frank N. Furter. Le 16 juin 1973 a lieu la Première du Rocky Horror Show sur les planches du Royal Court Upstairs de Londres. Succès d'estime. Mais peu à peu, le bouche à oreille se répand. La pièce trash voit sa cote de popularité grimper en flèche au point de déménager jusque de l'autre côté de l'Atlantique, dans le théâtre Roxy de Los Angeles. Durant neuf mois, la pièce bat fait le plein et les échos atteignent vite les oreilles de la 20th Fox qui décide de lancer une adaptation cinématographique. À la réalisation, on retrouvera Jim Sherman (qui connaît bien la pièce vu que je l'ai déjà cité deux fois dans les lignes au-dessus : vous suivez ?!!???). Au casting, en dépit du parachutage de comédiens américains (dont Susan Sarandon), on retrouve quasiment l'intégralité du casting de la pièce. L'assure d'une fidélité au modèle et une certitude pour les fans de ne pas être trahis. En septembre 1975, c'est le grand Jour ! Le Rocky Horror Picture Show débarque sur les écrans...
... et se paye un bide monumental ! Pensez donc ! Un film prenant pour vedette un travesti asexué se baladant en collants, dépucelant un couple de jeunes fiancés et créant un homme pour assouvir ses fantasmes sexuels !! Sho
cking !! Lorsque l'avocat découvrit le générique du film et ses lèvres pulpeuses, il hurla pour qu'on enlève cette image obscène !
Pourtant, chemin faisant, le film se crée sa petite aura auprès des marginaux adorant les films de minuit. Programmé de multiples fois, déclenchant une véritable hystérie délirante chez les fans, le Ro
cky Horror a fini par acquérir une immense notoriété : chaque spectateur adorant le film le montre à ses amis qui le montrent à leurs amis qui le montrent... et ainsi de suite. La popularité est telle que chaque samedi soir à Paris, au Studio Galande du Quartier latin, le film est projeté dans une ambiance EXPLOSIVE (chaque spectateur doit venir avec des accessoires et des comédiens jouent le film en même temps que l'écran : une expérience que je vous recommande fortement !!).
Mais au-delà de cet immense cote, il y a le film. Comment un tel film encensant le mauvais goût a-t-il pu à ce point toucher tant de monde ? La réponse est finalement assez simple : le Ro
cky Horror Picture Show est une œuvre dont le message est encore intact aujourd'hui : moquez-vous du regard des autres et vivez votre vie ! « Don't Dream It, Be It ! ». Ça n'a l'air de rien comme ça, mais le film prône tout simplement une sexualité sans tabou, où hétéros et homos sont égaux et se mélangent, où il n'y a plus aucune barrière entre l'homme et la femme et où la bonne morale n'a aucun droit. Invitation à la partouze ? Peut être. Message anti-conventionnel ? Sans aucun doute ! La pilule a dû être bien difficile à avaler pour les spectateurs il y a 30 ans !
Le message du film passe à l'écran par une succession de répliques crues (mais subtiles) mais surtout par un scénario totalement débridé. Jugez plutôt : Brad et sa fiancée Janet sont fraîchement fiancés et décident d'aller annoncer la nouvelle à leur ancien professeur, un handicapé nommé Scott. En route, un pneu éclate. Il pleut, la route est barrée, il n'y a pas de roue de secours. Le jeune couple trouve de l'aide dans un château où une fête mystérieuse, le Congrès des Transylvaniens a lieu. Une réception donnée par le maître des lieux, Frank N. Furter pour fêter la naissance de sa créature, une sorte de monstre de Frankenstein, mais la beauté en plus, et créée dans le seul but d'assouvir les fantasmes de son créateur. Si vous vous demandez ce que c'est que ce film de tarés, vous êtes des looses. Si vous avez reconnu là un hommage vibrant à Ed Wood, vous êtes formidables (si, si, vous l'êtes !) Le film est en effet truffé d'images ringardes et de gadgets absurdes, d'images criardes, de travestis (Ed Wood adorait se travestir) et d'extraterrestres. La grande classe !
En véritable cinéphile nostalgique, Richard O'Brien a truffé sa création d'allusions au génie du nul (accessoirement plus mauvais réalisateur du Monde) tout en prenant soin de convoquer toute la clique du cinéma fantastique et d'horreur rétro. Ça commence dès le générique avec des clins d'œil à Tarentula, Flash Gordon, King Kong ou encore Docteur X. Pas sûr que tout ces films parlent à un public adepte de la Nouvelle Vague mais ces citations ne manqueront pas de titiller les fans de films de monstres et de Zéderies en tous genres. Derrière le grand n'importe quoi de façade se cache tout simplement une vraie déclaration d'amour à un Cinéma de freaks et une apologie du mauvais goût susceptible de toucher tous les marginaux. Il y a fort à parier que seule une petite partie du public sera émue par la fin du film délicieusement ringarde avec le héros qui meurt, tué par un laser faisant un bruit ridicule tandis que sa créature le porte dans ses bras.
Soyons clair, Ro
cky Horror est un film qui se contrefout de plaire à son public. Toute l'équipe se laisse aller à leurs plus gros délires sans s'inquiéter de choquer, sans jamais faire dans le vulgaire. Ainsi, Tim Curry nous livre tout simplement une des interprétations les plus fulgurantes et hypnotiques du Cinéma, en parvenant à gommer toute sexualité définie (est-ce un homme ? Une femme ? Un homo ? Un hétéro ? Un bi ? Un Humain ? Un alien ?) et en alignant les mimiques cultissimes. Susan Sarandon explose littéralement l'écran en passant de petite potiche à une grosse chaudasse en petite culotte (il faut le voir pour le croire !). Tout le reste est au diapason. Un vrai défilé de barjots comme on aimerait en voir plus souvent.
Il y a ensuite le look du film, volontairement « moche ». Non pas que la réalisation ne soit pas soignée mais l'élégance de certaines images (l'arrivée au château hanté, le tourbillon final, le show du fin) contraste avec des décors épurés aux murs fluo, dans la mouvance des pires délires kitsches du Cinéma. Comme pour se moquer définitivement du bon goût et de la bienséance, quantité d'œuvres d'art sont détournées et placées dans un contexte pour le moins déviant : le tableau Withler's Mother voit sa vieille femme remplacée par le ro
ckeur MeatLoaf déguisé en grand-mère, celui appelé American Gothic resurgit dans le hall du château à côté d'un cercueil et se retrouve carrément mis en scène dans l'introduction à la chapelle et la plus célèbre œuvre de Michel-Ange se retrouve en symbole gay au fond d'une piscine ! Ajoutons à cela nombre de références à quelques grands chefs-d'œuvre du cinéma, tel le « Love/Hate » sur les doigts repris à la Nuit du Chasseur de Charles Laughton on bien le chapeau d'une Transylvanienne qui n'est autre que les oreilles de Mickey puis une pincée de référence crypto-gay (le chiffre tatoué sur la cuisse de Frank était une marque de parfum adoré par les homos) et vous obtenez un film au look pour le moins surprenant, unique et qui ne ressemble qu'à lui-même.
Finissons enfin par signaler LE point fort du Ro
cky Horror (ou plutôt l'élément le plus attractif) : sa musique. Étourdissante, faite de morceaux rock très 70's et qui donnent immédiatement envie de danser, la comédie musicale se mue en véritable cabaret explosif avec des morceaux tels que Time Warp ou Touch Me alternés avec des chansons plus volontairement cucul plus en phase.
Plus de 30 ans après sa sortie, le Ro
cky Horror demeure donc un film culte indispensable. Un joyau taillé dans un bâton de rouge à lèvres et qui ne cesse d'entretenir sa légende tant sa force satirique n'a rien perdu de son mordant. La preuve qu'il s'agit d'un classique immortel du cinéma et du théâtre ? Russel Crowe a débuté dedans, de même qu'Anthony Steward Head (Giles dans Buffy) ! Le Rocky Horror Picture Show, la référence absolue en matière de comédie musicale et de mauvais goût rétro !!! Si vous ne l'avez pas vu, vous DEVEZ le voir ! Ach (comme dirait le Docteur Von Scott) ÉXECUTION !!!
Pour plus d’informations :
Le site officiel français
Le site officiel américain




Fiche technique :
Avec Tim Curry, Susan Sarandon, Barry Botswi
ck, Richard O’Brien, Patricia Quinn, Nell Campbell, Peter Hinwood, Meat Loaf et Charles Gray. Réalisé par Jim Sharman. Scénario de Jim Sharman et Richard O’Brien, d’après l’œuvre de Richard O’Brien. Directeur de la photographie : Peter Suschitzky. Compositeur : Richard Hartley.
Durée : 100 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


L’avis d’Anthony Sitruk (filmdeculte) :
Il y a plus de vingt-cinq ans sortait dans les salles à grand renfort de publicité ce qui est devenu depuis l'un des gros échecs de l'année 1975, mais aussi l'un des plus grands phénomènes cinématographiques de l'Histoire. Réalisé pour un million de dollars, Le film The Rocky Horror Picture Show rapporte en un an la somme ridicule – même pour l'époque – de 450 000 dollars. Aujourd'hui, le film a rapporté rien que dans les salles américaines près de cent cinquante millions de dollars. Évidemment, il est toujours un peu lourd, voire même vulgaire, de commencer par les chiffres du box office – même si ces chiffres sont significatifs dans ce cas-là. Alors commençons par le commencement.
IT WAS GREAT WHEN IT ALL BEGINS
En 1973, Richard O'Brien, acteur au chômage, estimant qu'on n’est jamais mieux servi que par soi-même, écrit en quelques jours une comédie musicale intitulée They Came from Denton High. Faisant le tour des producteurs, le jeune scénariste trouve rapidement preneur en la personne de l'Anglais Lou Adler. La pièce se monte, change plusieurs fois de titre (The Rocky Hor-roar Show, puis le définitif Rocky Horror Show), et fait un carton dans les petites salles de théâtre anglaises. Bardée de prix en Angleterre (meilleure comédie musicale, meilleur scénario...), la pièce débarque triomphalement aux États-Unis, fait un tabac à Los Angeles... Et un four à Broadway – qu'on attribue généralement à une mauvaise publicité et au choix malheureux de la salle.
La pièce raconte l'histoire de deux jeunes amoureux, Brad et Janet, qui partent de nuit retrouver leur ancien professeur pour lui annoncer leur futur mariage. Sur la route, sous un orage, un pneu crève. Les deux tourtereaux n'ont d'autre solution que d'aller chercher de l'aide auprès des occupants du château voisin. À l'intérieur, ils découvrent un monde fait de débauche, dirigé par le Dr. Frank N'Furter, scientifique extra-terrestre, travaillant à la construction de la créature parfaite : un beau blond musclé répondant au doux nom de Ro
cky. Brad et Janet ne pourront résister à l'attrait de la chair et seront débauchés avant la fin de la nuit... Évidemment, Hollywood ne tarde pas à faire les yeux doux à la petite troupe. Richard O'Brien accepte d'adapter son bébé pour le grand écran, et s'y attelle avec Jim Sharman, australien metteur en scène de la pièce originale. Le texte est retravaillé, les chansons aussi. Les rôles sont redistribués – au casting de la pièce s'ajoutent Susan Sarandon, Meatloaf... Le tournage du Rocky Horror Picture Show débute en 1974 dans un château anglais, Oakley Court, dans lequel De Gaulle a résidé durant la seconde guerre mondiale.
HOW STRANGE WAS IT ? SO STRANGE THAT THEY MADE A MOVIE ABOUT IT !
Septembre 1975, le film, très attendu, est projeté à la presse. Le désastre est total. La moitié des spectateurs quittent la salle avant la fin du film. En résumé, on reproche au film de ne pas retrouver l'ambiance délirante de la pièce. On lui reproche également ses trop grandes approximations, ses mauvais effets spéciaux, sa mise en scène inexistante... Les producteurs prennent peur et balancent le film n'importe comment un mois plus tard au public américain. À l'échec critique succède l'échec public. Petit cours d'histoire : 1970 était une période fabuleuse durant laquelle une mode a éclos, celle des midnight movies. Le principe est simple : rentabiliser un petit film sur plusieurs mois ou années, en ne le projetant qu'une fois par semaine (le samedi à minuit) dans quelques salles du pays. C'est ainsi que quelques films difficiles d'accès ont pu devenir de très grands succès (El Topo, Eraserhead, Pink Flamingos...). Les producteurs du Rocky Horror Picture Show accordent donc à Lou Adler une dernière chance et sortent le film en avril 1976 dans une salle de Greenwich Village à New York.
C'est à ce moment que le phénomène commence. Le directeur de la salle où est projeté le film fait état d'un fait bizarre : chaque semaine, il n'y a que vingt spectateurs dans la salle... Mais ces spectateurs sont toujours les mêmes ! La Fox flairant le bon coup décide de ressortir le film dans un plus grand parc de salles, mais toujours selon le même principe des séances de minuit. C'est ainsi que la deuxième vie du film démarre. Le bouche à oreille aidant, les exploitants affichent tous au fur et à mesure complet tous les samedis soir. Ceci pour la première étape. Le deuxième temps fort commence quelques mois après la re-sortie du film, quand un jeune étudiant, Louis Faresse lance une blague pendant la projection du film. Le culte tel qu'on le connaît actuellement démarre. Quelques semaines plus tard, une jeune femme du nom de Dori Hartley (devenue chanteuse depuis) vient à la séance déguisée en Frank N'Furter. Dans la salle, les blagues fusent, le riz et l'eau volent pendant les scènes de mariage ou d'orage, les costumes sont de plus en plus nombreux...
Le succès est total. Et s'étend au reste du pays et du monde. Des spectateurs se lèvent durant la séance pour jouer devant l'écran leur rôle préféré, s'organisent en castes, créent des fans-clubs... Tout cela aboutissant à une gigantesque convention pour le dixième anniversaire du film, en 1985, à laquelle participent les acteurs du film et plusieurs centaines de fans en délire. Depuis, le culte va bon train, des conventions sont organisées chaque année, le fan-club compte plus de 40 000 membres, plusieurs milliers de sites sont consacrés au film, et les articles sur le Rhps se négocient contre des fortunes. Le film est projeté dans plus de 200 salles aux États Unis, trois salles en Angleterre, en Italie, une salle en France, une dizaine au Japon...

POURQUOI C'EST CULTE ?
Alors pourquoi un tel culte, plus de vingt cinq ans plus tard ? Pourquoi ce film reste t-il toujours à l'affiche, renouvelant ses spectateurs chaque année ? Pourquoi certains l'ont vu au cinéma plusieurs centaines de fois (le record étant détenu par Sal Piro, entré dans le Guiness Book en 1987 au moment de sa 750e séance – il a aujourd'hui dépassé les 1 500 visions) ? À cela plusieurs réponses. La première étant le sexe, la drogue, le rock n'roll... Le film constitue une sorte de révolte contre la bonne morale qui condamne ces trois éléments. Tout comme Tommy (de Ken Russel, il faudra qu'on y revienne un de ces jours), The Rocky Horror Picture Show montre que les homosexuels étaient à l'époque considérés comme des extra-terrestres. Richard O'Brien s'insurge contre la morale de la société anglaise et tente de retrouver l'ambiance woodstockienne de la décennie précédente. Par le biais de chansons et d'images extrêmement osées pour l'époque, le scénariste choque et se pose en parfait successeur des délires de Russ Meyer – par exemple, l'emblème du film, les bas résilles, y étant pour beaucoup.
La musique a fait beaucoup pour le succès du film. La première chanson du film Science Fiction Double Feature est à elle seule un coup de génie – sur laquelle nous reviendrons. Les autres, bien que moins brillantes, sont tout de même excellentes. Et sont reprises en cœur par les dizaines de fans qui assistent chaque semaine à la projection du film. Et les pas du fameux Time Warp (un saut sur la gauche, quelques pas sur la droite...), LA danse du film, encouragent les spectateurs à se lever durant la chanson. Pour qu'un film soit défendu par une poignée d'admirateurs et surtout pas considéré comme un chef-d'oeuvre, il faut qu'il ait ses défauts. Le Ro
cky Horror n'est pas épargné de ce côté-là. Les puristes diront que « c'est fait exprès ». Probablement. Mais ce sont ces défauts qui font que l'on a envie de défendre ce film contre vents et marées : des effets spéciaux calamiteux, de nombreuses fautes de raccord, un scénario quasi incompréhensible... Il est inutile de dire que le film est absolument parfait puisque ses qualités viennent justement de ses défauts. Vous imaginez le Rocky Horror avec des effets numériques à la Matrix ?
Il est évident que ces défauts ont un sens, une raison. Et cette raison est également celle du phénomène Ro
cky Horror. Les mauvais effets spéciaux sont là pour parodier les anciens films de science-fiction des années 1930 à 1950. Rien que la superbe chanson du générique fait référence à plus de vingt films de série B de science-fiction (Flash Gordon, Tarantula, Le Météore de la nuit, Planète interdite...). Le reste du film est du même tonneau. Le film reprend la trame des vieux Frankenstein (sauf que cette fois la créature est un objet de plaisir et non de terreur), et y ajoute des détails repris à Dracula (les occupants du château viennent de la planète Transsexuel de la galaxie... Transsylvanie), La Nuit du chasseur (les mots « hate » et « love » tatoués sur les mains de Meatloaf), King Kong (la mort de la créature)... En faisant référence à des icônes de la culture cinématographique américaine, en les assimilant à ce point, les créateurs du film ne pouvaient que lancer un véritable objet de culte. Bien que plus réussi, le sublime Phantom of the Paradise de De Palma par exemple ne pouvait récolter le même succès car faisant référence à des oeuvres littéraires et non cinématographiques (il est d'ailleurs amusant de constater que le seul pays où le film de De Palma a eu du succès à l'époque reste la France).
Aujourd'hui, The Ro
cky Horror Picture Show est au top de sa popularité. Les 13 et 14 octobre 2000 a eu lieu une convention en l'honneur des vingt cinq ans du film. Des figurines à l'image des personnages sont également sorties. Des tas de livres sont réédités chaque année, la pièce continue de tourner dans le monde entier, les disques tirés du film ou de la pièce se comptent par dizaines... Et le film continue d'être projeté toutes les semaines un peu partout dans le monde (à Paris c'est au Studio Galande dans le 5e), pour le plus grand plaisir des spectateurs et de Richard O'Brien qui, à cinquante ans, reste le plus charmant des hommes – il vient par ailleurs de sortir un album absolument splendide Absolute O'Brien.
Pour plus d’informations :

Le site officiel français
Le site officiel américain


Distribution :
Auteur : Harvey Fierstein.
Mise en scène : Christian Bordeleau.
Avec Éric Guého, Frédéric Chevaux, Rosine Cadoret, Brigitte Guedj, Firmin David, Thomas Maurion, Jean-Philippe Maran, Étienne Lemoine.

Actuellement jouée au :


L’avis de Matoo :
Je suis un gros fan du film Torch Song Trilogy de 1989 avec Matthew Broderick, la sublimissime Anne Brancroft (quels sont les hérétiques qui n’ont pas vu le film Miracle en Alabama hein ???) et Harvey Fierstein dans le rôle qu’il avait écrit pour lui au théâtre. À la base, il s’agit de trois pièces de théâtre qui ont été regroupées sous ce nom, et qui a eu un succès dingue à Broadway.
J’y allais avec pas mal de réticences parce qu’en tant que fan du film, de sa brillante VO et ses époustouflants interprètes, il fallait que la VF tienne la route pour le fond, que les comédiens puissent à la fois reprendre et se réapproprier cette histoire, et enfin que la mise en scène puisse relever le challenge de ces deux heures de jeu. J’ai été encore plus désappointé et méfiant quand j’ai vu tous les logos qui ornaient le bas de l’affiche (je ne les avais pas vu)… Oh putain, sponsorisé par Têtu, PinkTV, Illico, Citegay et consorts… Et manifestement, 99 % de l’assistance était gay, ce qui laissait présager du pire. Je n’avais pas envie de voir une comédie gay, pour des gays, avec des gays, par des gays. Et pas non plus une pièce avec des mecs à poil pour satisfaire la lubricité de certains et s’afficher comme pièce pédé. Mais de toute façon, j’imaginais bien que le public intéressé et au courant serait particulièrement homo vu le sujet. D’ailleurs le film est culte principalement pour les homos.
J’ai rapidement pu mettre toutes mes interrogations de côté et tous mes doutes à la poubelle. Malgré quelques petits défauts, j’ai été absolument comblé par cette interprétation de la pièce de Fierstein. Il s’agit là d’un spectacle de grande qualité, qui transcende vraiment les genres et les orientations sexuelles, aux comédiens et comédiennes remarquables et à la mise en scène très efficace malgré quelques longueurs (mais inhérentes au texte je pense). Les trois tableaux se déroulent pendant deux heures, et le plaisir va crescendo, tandis que le comédien principal prend de plus en plus de substance et s’affirme au-delà de ses problèmes et de son manque de confiance.
Je trouvais Eric Guého plutôt moyen (pour être gentil) sur PinkTV, mais force est de constater qu’il est brillant et impeccable dans cette pièce. Il incarne un merveilleux Arnold Be
ckoff avec tout ce qui faisait la fibre irrésistible du personnage : ironique, grinçant, coléreux, diva, excessif, dépressif et au magistral humour feuje new-yorkais. J’aime beaucoup ce personnage qui est une Zaza Napoli qui cherche l’amour et qui souffre de son physique tout en ironisant dessus pour mieux s’en détacher.
Nous avons donc trois tableaux qui racontent et exposent trois moments de la vie d’Arnold Be
ckoff, un drag qui se produit dans un cabaret. Le premier dépeint le quotidien d’Arnold et sa rencontre avec un type de qui il s’entiche. Ce type, Ed, est bi et ne veut surtout pas s’engager. Cette partie est certainement celle qui souffre le plus de longueurs, d’un texte qui a un peu vieilli et au final d’une certaine platitude. On peut avoir un peu peur de cette classique histoire du pédé qui tombe amoureux d’un hétéro pour qui il n’est qu’une simple passade. Classique, classique. Heureusement, Arnold fait déjà montre de ses cinglantes et hilarantes réparties, entre humour queer et désarmantes désillusions.
La seconde partie se déroule quelques mois plus tard. Arnold a bien souffert de sa relation, mais en a finalement fait le deuil dans les bras du magnifique Alan, un jeune top-model. Ils sont invités à la campagne chez Ed et sa nouvelle compagne : Laurel. Les chassés-croisés entre les personnages sont assez bien sentis, et il y a un jeu scénique dans les dialogues « deux à deux » alternés qui m’a énormément plu, et qui donne une dynamique énorme à la scène. On sent toujours poindre en Arnold des sentiments pour Ed, et en ce dernier une flamme maladroitement étouffée pour Arnold. On est alors complètement dans la narration, et dans les dialogues qui fusent avec toujours beaucoup de justesse et d’humour sur les relations de couple.
L’ultime moment de la vie d’Arnold est le plus passionnel et réussi. Cinq ans plus tard. Alan est mort, battu à mort par des homophobes dans la rue. Arnold a du mal à dépasser cette perte, il prend sous son aile un môme de 15 ans, qui est gay et qui passe de familles d’adoption en familles d’adoption. Les services sociaux finissent par le lui confier, et le gamin prend peu à peu ses marques. Ed revient sur le devant de la scène, ça ne va plus avec Laurel, il demande à Arnold de l’héberger quelques jours. Sur ce, débarque la mère d’Arnold, mère juive new-yorkaise par excellence (surtout interprétée par Anne Bancroft), à qui il n’a rien dit… ni sur la nature de la mort d’Alan, son « fils » ou Ed.
Les scènes d’anthologie avec la mère d’Arnold sont le pilier de cet « acte », et ne laissent vraiment pas indifférents. En effet, on y voit à quel point les deux êtres sont liés par l’amour qu’ils se portent, mais aussi séparés par un mur d’incompréhension et de dissension. Leurs caractères si semblables et explosifs donnent lieu à des échanges aussi croustillants, tragiques qu’émouvants, et sont portés par les deux comédiens avec énormément de talent. Rosine Cadoret (que j’ai déjà vu à la téloche dans des petits rôles, c’est certain) ne copie pas le rôle d’Anne Bancroft et compose une excellente mère.
Évidemment, nous n’avons pas échappé au bellâtre d’Alan en boxer CK très seyant… mais au moins, il l’a gardé sur les fesses. Ils ont en tout cas choisi un très beau mec, et surtout qui a bien assuré son rôle (il n’est pas extraordinaire, mais tient la route).
Il s’agit vraiment d’une pièce aux problématiques encore très actuelles et on ne peut s’empêcher de s’identifier. Outre cela, ces personnages si touchants et authentiques ont une portée bien plus universelle que ce qu’on pourrait penser au premier abord. Je suis vraiment enchanté par cette bonne traduction, et du passage si « smooth » de la VO à la VF. Mais surtout, quel bonheur de passer deux heures en compagnie de comédiens et comédiennes inspirés et portés par leur texte. Aucune réplique ne sonne faux dans cette pièce dont le texte n’est pourtant pas toujours très facile et plutôt verbeux, et aux échanges intenses, tour à tour émouvants, drôles, tragiques ou pathétiques.

L’avis d’Alex et Greg :
Hier soir, nous sommes allés avec Matoo voir Torch Song Trilogy au Vingtième Théâtre. Greg et moi n'en avions jamais entendu parler, pas plus que du film qui en a été tiré, ce fut donc pour nous une découverte, plutôt bonne d'ailleurs.
La pièce retrace au travers de trois tableaux, les moments forts de la vie d'Arnold qui vit ouvertement sa vie de gay tout en refusant toute forme d'hypocrisie, de déni ou de mensonges quitte à en payer les conséquences.
Le premier tableau nous montre la rencontre d'Arnold et d'Ed qui ne s'assume pas et préfère s'enfermer dans le mensonge pour vivre une vie « normale » et connaître le mariage. Cette première époque de la vie d'Arnold est probablement la moins réussie, la faute à un rythme un peu bancal (avait-on véritablement besoin des chansons ?) qui a eu du mal à nous accrocher. Heureusement cela s'améliore après.
Le deuxième tableau nous montre Arnold en couple avec Alan. Une relation passionnée et un peu mise à mal par un week-end passé chez Ed et sa femme. Là, le rythme s'accélère, on se laisse vraiment prendre par les petites répliques qui fusent et qui font rire. Et quelques idées de mise en scène nous ont vraiment séduites (le petit passage des dialogues croisés où l'on suit plusieurs conversations en même temps était plutôt sympa). Petit bémol, Greg et moi avons ont un peu de mal à accrocher à la situation qui nous a semblé un peu fausse. Mais ce tableau se regarde tout de même avec plaisir.
Survient alors le tableau trois, quelques temps après la mort d'Alan. Arnold a recueilli chez lui Ed qui s'est séparé de sa femme et a adopté le jeune David. Quand surgit la mère d'Arnold... Ce tableau-çi est de loin le plus réussi, la mère et le fils adoptifs sont excellents et les dialogues font vraiment mouche. De francs fous rires laissent soudain la place à de beaux moments d'émotion...
Au final nous avons passé un très bon moment en dépit d'un début qui ne nous convainquait pas. Rares sont les pièces dites « homos » qui sonnent aussi vrai et ne versent pas dans la caricature. Le tout était emmené par des acteurs excellents et par une mise en scène assez vigoureuse et intéressante. Bon, dans la salle, on avait un petit peu l'impression d'être dans une annexe du Marais et après avoir vu la pièce, je le regrette un peu car je pense qu'elle pourrait vraiment s'adresser à un public plus élargi.


Fiche technique :
Avec John Cameron Mitchell, Miriam Shor, Stephen Trask, Rob Campbell, Theodore Liscinski, Michael Aronov, Ben Mayer-Goodman, Alberta Watson, Gene Pyrz, Karen Hines, Maurice Dean Wint et Sook-Yin Lee. Réalisation : John Cameron Mitchell. Scénario : John Cameron Mitchell et Stephen Trask. Directeur de la photographie : Frank DeMarco. Compositeur : Stephen Trask.
Durée : 90 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
Hedwig Schmidt, un transsexuel allemand, est la star du rock la plus étonnante et la plus méconnue du monde. Avec son groupe, elle sillonne les États-Unis de restaurants miteux en halls de centres commerciaux. Pourtant, chacune de ses chansons révèle son incroyable destin et sa vision du monde. Hedwig raconte, en chansons, son enfance est-allemande, sa solitude, son opération de changement de sexe et ses passions. Elle poursuit également le célébrissime Tommy Gnosis, le jeune homme qu'elle a tant aimé et pour qui elle a composé certaines musiques.
L’avis de Matoo (aidé par Niklas) :
Cette œuvre est dans la liste de mes films cultes, je le regarde régulièrement et il me plait toujours autant. Il s’agit d’un opéra-rock déjanté et queer qui raconte l’histoire d’un transsexuel « raté » qui est aussi auteur-compositeur-interprète rock : Hedwig.
Un film produit, réalisé et joué par John Cameron Mitchell (Hedwig en personne) qui avait eu un grand succès avec sa comédie musicale du même nom. En effet, il porte le film sur ses épaules, et s’en tire merveilleusement bien tant du point de vue vocal, que de l’histoire ou de son jeu. Hedwig est un chanteur de rock inconnu et frustré, qui suit la tournée d’un ex-amant à lui, devenue star de rock internationale après avoir été coaché par Hedwig et lui avoir volé ses titres phares. La genèse de cette intrigue est racontée pendant tout le film qui, par flash-back ou chansons biographiques, débute par l’enfance d’Hedwig en Allemagne de l’est, et qui explique les circonstances de sa transsexualité biaisée.
Hedwig est le personnage queer par excellence, il est diva, drôle, « mauvaise » et transcende dans ses chansons des épisodes funestes de sa vie. Du genre, il décide de changer de sexe pour épouser un GI et fuir la RDA. Il arrive au US et se fait lamentablement larguer. Tout ça six mois avant que le mur ne tombe. Et la télévision qui scande : « Le peuple allemand est un peu peuple patient. Et la patience est toujours récompensée ». En plus son changement de sexe est foiré, il lui reste un petit bout de rien du tout : « an angry inch ». Ni fille, ni garçon. C’est à ce moment là d’ailleurs que la chanson « Wig in a box » est jouée.


On jongle vraiment entre le rire et une situation qui concrètement relèverait plutôt du drame, si elle n’était pas servie avec cette ironie, à la fois acide et drolatique, et cette foi en la vie. Et puis, les morceaux de rock sont d’une grande qualité, et dans les paroles et dans la musique. Ils s’intègrent merveilleusement bien à l’histoire et apportent des pointes d’émotions fabuleuses. Notamment « The origin of love » qui est celui qui m’avait le plus ému à l’époque, et qui reste une chanson dont les paroles sont superbes.

Un petit bijou d’originalité et de folie, musiques qui déchirent, émotions sans mièvrerie et confusion des genres aussi gênante que délectable.
L’avis de Diego Maratumba :
Très souvent les chefs-d'œuvre flirtent avec le ridicule. Le génie se situant dans l'exagération qui voisine avec le grotesque pour mieux toucher au sublime. A priori tout pouvait transformer Hedwig and The Angry Inch en un monument kitsch pour amateurs de plaisirs cinématographiques très déviants. L'histoire d'un transsexuel tout droit venu de Berlin Est, qui tente d'exprimer ses tourments en devenant une diva rock'n'roll. Il faut avouer que sur le papier, on se situe plus du côté du Rocky Horror Picture Show que de Amadeus.
Et pourtant, pourtant on se souvient avoir été bouleversé par les tribulations de travestis australiens ou par les peines et les rêves d'une fan complexée de Abba. Alors on se plonge avec candeur dans ce conte moderne. Car Hedwig, derrière son apparence de grande œuvre rock, voire punk, est avant tout le bouleversant récit d'une quête identitaire douloureuse. Et le personnage principal de me toucher immédiatement, dans sa fragilité provocante, avec ses poses entre Bowie et Lou Reed. Cette théâtralité baroque qui ne parvient jamais à apaiser totalement la souffrance d'être un « misfit », un « freak ». Et peu à peu, passé les premiers abords entre comique et pathétique, Hedwig révèle des blessures attendrissantes, en se sentant trahi par le monde entier, en cherchant une unité physique, psychologique et amoureuse à jamais perdue. Ce personnage, incarné par l'incroyable John Cameron Mitchell, épidermique, à vif, aussi électrique que la musique qu'il déclame ou murmure, toujours dans la grande veine du hard-rock le plus glam, est une véritable icône. Et pas seulement dans le sens spectaculaire de l'expression, non, c'est une icône existentielle. Dont les questions, aussi uniques, aussi particulières soient-elles, font instantanément échos à nos propres expériences, nos propres croyances, nos propres doutes.

Hedwig and The Angry Inch est une fable, où les histoires d'amour transcendent les genres pour acquérir une pureté surprenante. Une délicatesse infinie se dessine derrière la trivialité apparente des thèmes abordés, et cette délicatesse nous affecte d'autant plus qu'elle surgit de manière totalement inattendue. Et quand on pensait ne trouver qu'un divertissement plaisant, c'est un récit extrêmement personnel qui nous accueille. Une œuvre introspective, follement pudique dans son exhibitionnisme, un mélodrame musical dans la grande lignée des Chaussons Rouges ou de Phantom of the Paradise. Et les errances d'Hedwig de résonner avec les nôtres. Ses colères, ses peines, sa tendresse, sa personnalité brisée, d'atteindre une universalité qui noue la gorge. Un crescendo émotionnel qui culmine sur un final qui laisse entre larmes et émerveillement, empli d'une joie inexplicable, heureux jusqu'à l'enthousiasme, transporté par l'intelligence, la justesse, la puissance vitale de ce chef-d'œuvre inestimable.
Et d'avoir soudainement envie de faire partager ce bonheur singulier, de parler, de rire, de charmer, de fonder un groupe de rock, de faire du cinéma, de chanter en chœur : « I put on some make up, and turn on the tape deck and pull the wig down on my head... ». De s'accomplir en se retrouvant, d'une manière ou d'une autre.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Yoshinori Okada, Kota Kusano, Ayumi Hamazaki, Koji Yamaguchi et Kumi Takada. Réalisé par Ryosuke Hashiguchi.
Durée : 129 mn. Disponible en VOST.


Résumé :
Ito, collégien, est amoureux de son meilleur ami Yoshida, qui ne se doute de rien et est lui-même attiré par Aihara, la jeune rebelle de la classe. Aihara perce le secret d'Ito et celui-ci découvre qu'elle a subi un viol. Ils deviennent amis et forment bientôt un trio romantique des plus étranges.
L'avis de Jean Yves :
Grains de sable rappelle Les Roseaux sauvages d'André Téchiné. On retrouve en effet la même histoire d'amours de lycée. Une fille est attirée par un jeune homosexuel parce qu'elle a peur des garçons ; le jeune homosexuel aime son meilleur ami hétéro ; l'hétéro en question étant, bien entendu, amoureux de la fille. Et, comme dans Les roseaux sauvages, tout se termine près de l'eau, ici une plage au sud du Japon.
La différence principale avec le film de Téchiné, c'est ici la frustration et le refoulement qui règnent sans partage. La question qui travaille tous ces jeunes adolescents semble la même pour tout le monde, homos et hétéros, filles et garçons : quoi faire avec la sexualité ? Que faire avec ces désirs qu'on découvre et qu'on ne maîtrise pas ?

Grains de sable est un beau film sur la puberté, ce moment d'affolement incontrôlé de tous les sens, où les filles se mettent à rire sans raison, où les garçons hétéros « détournent » collectivement les séances de gym de façon sadique et où les jeunes pédés affrontent la naissance de leur désir inavouable.
Cette difficulté à prendre en compte cette énergie nouvelle qui s'empare de leurs corps est accrue par une organisation sociale rigide et normative où le corps semble l'ennemi numéro un. Autant dire que les adolescents ne peuvent y trouver aucun repère. Le seul adulte du film est le père du jeune homo, figure patriarcale défaillante, larguée, un homme moderne absorbé par son travail.
Cette peur du corps de l'autre, la mise en scène l'exprime avec beaucoup de force lors de longs plans-séquences, où les personnages circulent sans jamais se regarder.
Le plus beau plan est celui où les deux garçons s'embrassent. Cadrés en plans larges, les deux garçons mettent cinq minutes à s'approcher l'un de l'autre pour s'étreindre trois secondes. La lenteur de ce plan, son poids de durée, la fixité carcérale du cadre, disent à quel point le chemin est long pour arriver jusqu'au corps de l'Autre.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Julien Baumgartner, Jérémie Elkaïm, Julia Maraval, François Comar, Christiane Millet et Patri
ck Bonnel. Réalisé par Fabrice Cazeneuve. Scénario de Fabrice Cazeneuve et Vincent Molina.
Durée : 94 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Vincent a 17 ans. C'est un garçon sans problèmes : bon élève, discret, sportif et mignon. Il a même une petite amie que tout le monde lui envie et qu'il aime… mais pas d'amour ! Car il est attiré par les garçons et particulièrement par Benjamin, un nouveau venu au lycée et sur lequel plane le mystère. Vincent ne se décide pas à choisir, encore moins à faire son coming out… pourtant ce ne sont pas des choses qui se jouent à pile ou face ! Il hésite à se reconnaître dans le miroir où il s'observe sans narcissisme. Un jour, Benjamin tente de l'embrasser. Le lendemain, Vincent découvre sur un mur du lycée une inscription le traitant de « pédé ». Son homosexualité est dévoilée. Dès lors, sa vie va en être profondément bouleversée.
L'avis de Francis Lamberg (La lucarne) :
C'est en mai 2001 qui M6 inaugura une nouvelle collection de téléfilms intitulée « Carnets d'ado ». L'objectif était de montrer le monde à travers le regard et l'expérience d'un adolescent. Pour rester au plus près de la psychologie pré-adulte tout en évitant sentimentalisme ou clichés associés traditionnellement à l'adolescence, chaque téléfilm était confié à de jeunes scénaristes et réalisateurs afin qu'ils donnent à chaque épisode une touche de réalisme quant aux personnages et aux situations vécues. De même, parce que l'adolescence est une période de la vie troublée et pleine de doutes, le ton de chaque téléfilm était plus sombre que ce qu'on avait l'habitude de voir sur le petit écran.
Produit en collaboration avec Capa Drama, le défi d'À cause d'un garçon était de traiter de l'homosexualité chez les adolescents avec pudeur et sensibilité. Choisissant un autre chemin que celui emprunté par Juste une question d'amour, le téléfilm cultissime diffusé deux ans auparavant sur France 2, le réalisateur Fabrice Cazeneuve et son scénariste Vincent Molina (pseudonyme derrière lequel se cacherait en fait le jeune écrivain Guillaume Le Touze), décrivent le parcours d'un jeune lycéen qui vit dans le mensonge et doit faire face à l'adversité une fois que son homosexualité est dévoilée. Le but des auteurs est avant tout de traiter la question de l'identité au moment de l'adolescence, une période où tout compte démesurément, la quête de soi, de l'amour, la difficulté d'être soi-même. Le téléfilm a été tourné en 22 jours dans une ville de la banlieue parisienne. Julien Baumgartner (Vincent), qui porte le film sur ses épaules, a auparavant passé trois ans au Cours Florent avant d'intégrer le Conservatoire et d'être viré au bout d'un an pour avoir tourné dans Sexy Boys ! Quant à Jérémie Elkaïm (Benjamin), le garçon par qui le scandale arrive, il était l'un des deux amants de cet autre film gay de référence : Presque rien.
Étude sensible sur les révélations de l'adolescence, ce film illustre également l'universalité de l'amitié et l'agressivité de l'outing. Un coming out « volé » est encore plus dur à assumer. Certains moments de l'histoire sont vraiment filmés avec magie (le coup de foudre entre Vincent et Benjamin, Benjamin qui drague Vincent, la nuit d'ivresse des trois compères ainsi que les scènes de douche et de lit). Il est dommage que les scènes de natation échappent à cette magie. Elles qui auraient dû être moment de grâce et de plénitude (quand Vincent est seul face à lui-même, dans l'eau : son élément) ou de tension et d'affrontement (l'agression homophobe par les compagnons de sport) « coulent » un peu chaotiquement comme une eau qui n'ose pas mouiller. L'image véhiculée par la virée dans le Marais gêne. Ce qu'elle donne à voir de l'endroit est digne du manichéisme d'Ardisson : un quartier gay tentaculaire et tentateur où règne perversion et consumérisme sexuel. Sodome et gonorhée ! À part ce petit bémol, ce film sans maniérisme et soigné (jusque dans le détail de la prévention) est d'un réalisme qui parle à tous et touche particulièrement tous ceux qui sont passé par ces affres là. Julien Baumgartner est habité par le personnage de Vincent : il maîtrise avec finesse la composition de son rôle. Jérémie Elkaïm, quant à lui, est superbe de retenue et de justesse dans son rôle d'ange noir vecteur de la révélation.

BONUS
PLUS DE PAUL
, un film (court-métrage) d'Alessandro Avellis (France - 2002 - 8 min) : Marc rencontre un soir un garçon de rêve, mais celui-ci disparaît. Aidé de sa copine Céleste, il décide de le retrouver…
Pour plus d’informations :



Fiche technique :
Avec Yoshinori Okada, Kota Kusano, Ayumi Hamazaki, Koji Yamaguchi et Kumi Takada. Réalisé par Ryosuke Hashiguchi.
Durée : 129 mn. Disponible en VOST.


Résumé :
Ito, collégien, est amoureux de son meilleur ami Yoshida, qui ne se doute de rien et est lui-même attiré par Aihara, la jeune rebelle de la classe. Aihara perce le secret d'Ito et celui-ci découvre qu'elle a subi un viol. Ils deviennent amis et forment bientôt un trio romantique des plus étranges.
L'avis de Bastian Meiresonne (Eiga go go !) :
Après son premier long métrage très remarqué Petite fièvre des 20 ans qui eut pour effet de relancer une vague de films indépendants au Japon, le réalisateur Ryosuke Hashiguchi revendique son coming-out homosexuel dans ce drame intimiste.
Le jeune collégien Ito est secrètement amoureux de son meilleur ami Yoshida. Des rumeurs devançant sa déclaration de flamme, il devient rapidement la risée de ses copains de classe et se distancie de Yoshida. La rebelle Aihara le soutient dans son épreuve, refoulant – elle aussi – un lourd secret. Jouant les entremetteuses, elle tente de rapprocher les deux garçons, malgré l'attirance naissante de Yoshida à son égard.
L'homosexualité est encore un sujet tabou au Japon. Tournée en dérision ou apparentée aux travestis (en grande partie dû au traditionalisme kabuki), elle n'est que difficilement tolérée, voire carrément discriminée au Pays du Soleil Levant. Hashiguchi prend donc un pari très risqué en réalisant une œuvre toute entière dédiée à ce sujet, tout en déclarant ouvertement sa propre homosexualité à une presse japonaise médusée. Réalisateur porte-parole d'une renaissance du cinéma indépendant suite à son relatif succès de son premier long Petite Fièvre des 20 ans et acteur renommé de la série télévisée Tsuge Yoshihara World 1 & 2, cette nouvelle œuvre sera un relatif échec dans son pays d'origine, mais gagne une certaine reconnaissance mondiale en remportant de nombreux prix dans divers festivals (Rotterdam, Dunkirk et Turin). Injustement cantonné depuis aux rayons « 'gays et lesbiens »' des magasins, le film mérite pourtant mieux, malgré quelques faiblesses.
Contrairement à bon nombre de productions du même genre, Hashiguchi a le mérite d'opter pour une approche distanciée et respectueuse de son sujet. Mis en scène sans dramaturgie exacerbée, ni fioritures arrangées, le réalisateur ne prend aucun parti. Au-delà de son sensible sujet, il réussit à capter parfaitement le comportement d'une adolescence pubertaire. Les potins font rage dans les cours de recréation et les collégiens sont d'une rare cruauté envers leur prochain. Une fois la rumeur de l'homosexualité d'Ito lancée, le jeune garçon se retrouve irrémédiablement écarté par ses congénères et la risée de tous. Deux jeunes adolescentes récoltent de l'argent pour une amie dite enceinte, alors qu'elles ne cherchent à se faire de l'argent que pour organiser une soirée. D'autres rumeurs affirment avoir vu une collégienne sortant d'un hôtel en compagnie d'un vieil homme… Au milieu du tourbillon, le jeune Ito n'a d'yeux que pour son ami Yoshida. Ce dernier ne rejette pas son ami, allant même jusqu'à se faire embrasser pour – sans doute – expérimenter ce que cela pourrait bien lui faire. N'y trouvant pas de goût, il ne rejette pas pour autant son ami, mais s'écarte progressivement de lui, embourbé dans ses propres premiers émois sexuels. Maladroit dans l'approche des filles, il sort sans grande conviction avec une première fille, avant d'éprouver une irrévocable attirance pour Aihara. De banales histoires en somme, mais tellement difficiles à capter comme en témoignent de nombreux films réalisés sur le même sujet. En même temps, cette distanciation par rapport au sujet principal manque quelque peu de profondeur. En choisissant de cadrer en longs plans larges, Hashiguchi perd en intensité émotionnelle. Les doutes et le désœuvrement d'Ito ne sont esquissés qu'à de rares moments ; la révélation du lourd secret d'Aihara semble un brin caricatural par ce procédé.
Reste l'audace du projet très personnel au réalisateur, quelques scènes de toute beauté par leur apparente simplicité (la scène du baiser échangé entre les deux garçons, les séances chez le docteur, la « méprise » finale sur la plage) et la parfaite retranscription d'une jeunesse désœuvrée pour en faire un rare témoignage sur une « différence », qui ne devrait pas être… Et au réalisateur d'éviter tous les clichés et poncifs du genre, qui plomberont son long métrage – autrement plus commercial – suivant : Hush!.

Pour plus d’informations :
Voir la fiche n°1, l'avis de Jean Yves


Fiche technique :
Avec Ginette Reno, Sophie Lorain, Paul Sorvino, Luke Kirby, Peter Miller, Mary Walsh, Claudia Ferri et Pierette Robitaille. Réalisé par Emile Gaudreault. Scénario de Emile Gaudreault et Steve Gallucio, d’après la pièce de Steve Gallucio. Directeur de la photographie : Serge Ladouceur. Compositeur : FM Le Sieur.
Durée : 90 mn. Disponible en VO, VOST et VF.

Résumé (dos du dvd) :
Un Italien ne quitte ses parents que marié ou mort. Tremblement de terre chez les Berberini. Quand Angelo décide de quitter le domicile de ses parents pour emménager avec son copain d’enfance, Nino, qui se révèlera plus qu’un ami, c’est le séisme dans la communauté italienne.
L'avis de Daniel C. Hall :
Voilà le genre de comédie formatée que l’on hésite à complimenter ou à éreinter. C’est un film pop-corn, agréable, léger, sucré, mais un peu fade, oublié aussi vite que vu. Spaghettis et sirop d’érable font bon ménage, mais inutile de prendre son cerveau sur soi pour visionner cette comédie. D’accord les acteurs sont plutôt bons, la réalisation est dynamique, les répliques font mouche de temps en temps. D’accord on ne dénigre pas les homos, on évite même la plupart des poncifs (excepté la fin sur l’air de I Will Survive de Gloria Gaynor). Finalement, seuls les Italiens peuvent se montrer vexés par la caricature outrancière. Si le film s’était déroulé dans la communauté pied-noir, tout le monde dirait à longueur de tirades « Hou ma mère purée » plutôt que « Mama mia ». Enfin ne soyons pas mesquin, ce petit film agréable fait passer le temps et se regarde avec plaisir. Le propos est léger : aucune réflexion, aucun drame, aucun doute. Tabernacle ! On peut même en ressortir guilleret. Que l’on soit gay ou pas, caribou ! Pour le reste, oh mama mia, ce n’est pas ici qu’il faut le chercher.
L'avis de Jean Yves :
Dans Mambo Italiano, il y a quelque chose de plaisant : c'est cette forme d'humour créée par de très nombreuses exagérations, tant dans les paroles (on peut le regarder pour apprendre l'art d'en faire des « tonnes »), que dans les comportements, les deux étant liés à la fierté, à l'honneur, à la respectabilité, principes auxquels presque tous les personnages sont attachés.
Côté atmosphère visuelle, j'ai bien aimé les couleurs éclatantes et saturées situant l'action, grâce à elles, en dehors du réel. Le décor « architectural » est kitsch à souhait et renforce cette distance d'avec le réel. Je me demande même si tout n'a pas été pensé pour que le spectateur contemple d'abord un décor. Assez proche d'ailleurs de ceux des sitcom, les couleurs criardes en plus.
L'histoire est certes mince : il s'agit plus de facéties autour d'un coming-out qu'une interrogation en profondeur des bouleversements que celui-ci crée chez chacun des personnages. La mama affolée et la sœur dépressive, au demeurant bien vues et bien jouées, permettent d'une certaine façon au réalisateur de ne pas trop s'appesantir sur les questions d'identité, notamment pour le personnage de Nino. Dommage.
J'ai ressenti de la tendresse dans ce film avec quelques belles images des deux amants ; de la sensibilité aussi, entre Angelo et sa sœur Anna.
Que dire de plus de ce film à la fois gentiment gay mais aussi un peu facile en ne jouant que la carte de l'humour ? Il a quand même le mérite de ne pas proposer un « happy end ». Ouf ! Il serait tombé alors dans la niaiserie.
L'avis d'Oli :
Angelo est le fils d'un couple d'Italiens émigrés en Amérique, enfin, au Canada, enfin, au Québec, et qui vivent depuis lors toujours comme des Italiens. Lui-même, ça lui pèse. Surtout qu'il est gay. Alors, après un appel à la Gay Help-line, il décide de sortir du placard auprès de ses parents. Et de leur avouer que Nino, son coloc’, est un peu plus que son coloc’. C'est là que démarre vraiment le film, le choc « culturel » et le rejet de parents qui se demandent ce qu'ils ont fait au Ciel pour avoir un fils homosessuale. En plus, ils décident d'en informer la mère de Nino, qui, elle, va tout faire pour « convertir » ces dépravés.
Mambo Italiano est un film qui s'amuse avec tous les préjugés et poncifs sur les Italiens et les gays, mais qui le fait avec un humour léger, sans jamais d'ironie méchante, ça reste drôle. Tout y passe: la famiglia, la religion, la nourriture, les enfants qui restent chez leurs parents, et le Village (quartier gay de Montréal), les mecs hyperlookés, les gymqueens, l'homophobie ordinaire des enfants... Un film dynamique, rythmé, avec quelques blagues potaches et d'autres plus fines. Une vraie comédie, quoi. Même si parfois, ça vole vraiment pas bien haut et où il vaut alors mieux être dans une salle bon public que dans une salle un peu trop exigeante, pour être entraîné par les rires des autres spectateurs. Certains passages sont lourds, mais le film reste léger, c'est l'essentiel.
Un point plus particulièrement intéressant, c'est l'absence de jugement clair porté sur le personnage qui quitte son mec pour se marier avec une femme et pour retourner ainsi dans la « normalité ». Difficile de dire si ce personnage est moins heureux que s'il retournait vivre avec son mec. Difficile aussi de dire si, une fois marié, il finira toutes les fins de semaines dans les saunas du Village. Non, le film ne montre que son intégration dans une vie normale, avec amis hétéros conviés au barbecue dans le jardin de la maison, femme enceinte et bonheur apparent. Au spectateur de croire qu'il en est mieux ainsi quand on est Italien et homo, ou bien que la souffrance intérieure n'en est que plus grande. Ce n'est pas de la cinématographie introspective et philosophique, mais c'est quand même bien de voir qu'aucun cliché de ce film ne tombe dans le jugement de valeur.
Pour plus d'informations :
Site du film

Fiche technique :
Avec Philippe Léotard, Anne Roussel, Serge Dupire, Dominique Gould, Ines de Medeiros, Paula Guedes, Filomène Concoives, Fernando José Oliveira, Estrela Novais, Filipe Ferrer, Antonio Fonseca et Rogerio Surnom. Réalisation : David Delrieux. Scénario : Pascale Memery et David Delrieux.
Durée : 90 mn. Disponible en VF.
Résumé :
À Lisbonne, la vedette d'un insipide spectacle érotique abandonne son partenaire pour deux Américains, qu'elle va suivre dans leur dérive. L'attachement qu'elle portera à l'un d'entre eux provoquera la tension dans leur trio qui conduira à leur séparation.
L’avis de Jean Yves :
Allan et Willy s'aiment. Amour entre hommes et solitude. Une femme apparaît : idylle, naufrage, impasse... La liaison des deux amants sortira victorieuse de cette « épreuve ».
Un téléfilm provocateur, diffusé en septembre 1990 sur La Sept.

Deux hommes s'aiment, vivent et travaillent ensemble. Allan (Dominic Gould) et Willy (Serge Dupire) partagent ensemble les échafaudages, dans la salle désaffectée d'un cinéma de Lisbonne : « You're Lonely », show d'enfer où les corps se bousculent, s'évitent et recherchent les frottements violents dus aux mots. Un vrai ballet homo-érotique où la sueur sous les projos et leurs cris communiquent un message à la fois plein de provocations et d'interrogations.
Au commencement était le verbe : le personnage principal est sans doute le langage. L'amour, ce sont des mots : « Laisse-moi déboutonner ta braguette et te sucer comme une bête qui cherche une proie [...] Tu veux seulement toucher quelqu'un et tu comprends que ça ne va jamais changer en ce monde et tu es baisé par une queue de vingt centimètres. »
Le public hurle, vocifère, siffle, sait-on vraiment ce qu'il ressent, ce qu'il reçoit, qui le touche et l'atteint au plus profond de lui-même ?
À l'autre bout de la ville, il y a Karl, quinquagénaire déglingué en vieil amoureux farouche jamais résigné (Philippe Léotard) et Lise (Anne Roussel). Lise, trop jeune, trop fragile, cherchant la syntaxe de son existence à corps perdu.
Entre Lise et Karl, qu'est-ce qui marche ? Tout semble au point mort : leur vie à deux, leur projet de spectacle (eux aussi sont des comédiens vagabonds), la seule force du désir de l'un qui ne peut les rassembler.
Lise décide pourtant de s'échapper de l'enlisement : « J'ai la permission de quelle heure ? »

— Le temps de bien te faire foutre », lui rétorque Karl prémonitoire !
C'est alors que se croisent cette noyée vivante, incapable de remonter le courant de ses désirs, d'en lire les signes éparpillés, et le couple Allan-Willy.
Ainsi Lise tente-t-elle de se glisser dans l'histoire de ces deux mecs. Au jeu violent, si naturel pourtant, des deux beaux Américains, elle répond par son propre jeu de séduction. Femme-enfant, éperdue, rescapée d'un naufrage intime qui réclame des bras musclés et tendres. Séduire ceux pour qui l'enjeu des attirances ne passe pas, en principe, par la femme.
Pourtant cela marche : une idylle se noue entre Lise et Allan. Que fait Willy ? Il accompagne en silence, il suit, loin, du regard, manifeste son impatience. C'est tout, presque.
On oublierait presque Karl, l'amant fatigué s'il ne poursuivait le film personnel de son désastre amoureux au fil des rues de Lisbonne.

Les mots anglais, français, portugais s'ajoutent, se côtoient, métaphore de la Tour de Babel : musicalité des mots de l'autre incompris, qui disent aussi l'incommunicabilité du désir pour chacun.
Pendant tout le film, il n'y aucun langage amoureux entre les deux homos : seul leur regard révèle la puissance secrète de leur liaison.
Cette absence d'un dialogue amoureux entre eux fait signe : la liaison perturbée Allan-Willy sortira victorieuse de cette « épreuve » avec Lise car ce qui révèle la tranquille force de ce couple homosexuel, au regard des autres, c'est ce non-besoin d'un discours amoureux exhibé. Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Christophe Malavoy, Michel Aumont, Naël Marandin, Pierre-Arnaud Juin, Pierre-Alexis Hollenbe
ck et Clément Van Den Bergh. Réalisé par Christophe Malavoy. Scénario : Didier Decoin, d’après la pièce d’henri de Montherlant.
Durée : 95 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Des châtiments corporels aux amours platoniques adolescentes, la vie quotidienne d'un collège religieux de l'entre-deux-guerres où grondent les passions souterraines. D'après la pièce d'Henry de Montherlant. Sevrais, brillant élève de 17 ans, se lie d'une amitié passionnée pour son benjamin, le jeune Souplier, élève turbulent et rebelle à toute autorité. Cette complicité insolite ravit le reste des élèves. Mais elle n'est pas du goût de l'abbé de Pradts. L'amitié entre deux élèves de sections différentes étant absolument proscrite, l'abbé tente de s'interposer entre les deux adolescents. Mais sa stratégie manipulatrice, loin d'être désintéressée, dévoile peu à peu un attachement disproportionné pour le petit Souplier. Les deux adolescents ne cessent pourtant de se rapprocher, échangent leur sang et font le serment d'une amitié éternelle. Jaloux et possessif, l'abbé manigance alors le renvoi de son jeune rival pour lui soustraire Souplier, devenu l'objet de toutes les passions...

L'avis de Francis Lamberg (La Lucarne) :
Dans un collège catholique, l'amitié passionnée de deux élèves, Servais et Souplier, respectivement l'as et le voyou du collège, éveille la jalousie de l'Abbé de Pradts, secrètement fasciné par le jeune Souplier. Pour évincer son rival, il lui tend un piège dans lequel il finira par être broyé lui-même. Une tragédie humaine se jouera autour de cette relation de collégien que le langage du collège appelle pudiquement « association » mais qui est un véritable amour enfantin.
D'abord interprété par lui au théâtre, Christophe Malavoy réalisa ce téléfilm et y conserva le rôle du Père de Pradts. Si c'est Guillaume Canet qui interprétait le rôle de Servais au théâtre, c'est Noël Maradin, qui y jouait celui de Souplier, qui sera le Servais du film.
Si la mise en scène est académique et céleste, l'interprétation manque cependant de foi chez les adultes. Leur jeu est par trop théâtral. Tandis que celui des enfants plus naturel et vibrant sert mieux le texte du chef d'œuvre de Montherlant. Il est difficile de ne pas faire le parallèle, voire la comparaison, entre ce film et Les Amitiés Particulières que Jean Delannoy adapta d'après le roman éponyme de Roger Peyrefitte. Les Amitiés Particulières atteint une grâce sensuelle qu'apparemment Malavoy n'a pas cherché à mettre ou n'a pas su atteindre dans La Ville dont le prince est un enfant. Il est vrai que si chez Montherlant l'âme est toujours derrière le texte, chez Peyrefitte la chair n'est jamais loin.
« Une mouche qui meurt dans le parfum en gâche toute la bonne odeur. »
Monsieur le Supérieur (Michel Aumont)

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Fiche technique :
Avec Pierre Chatagny, Natacha Koutchoumov et Rui Pedro Alves. Réalisé par Lionel Baier. Scénario de Lionel Baier. Directeur de la photographie : Séverine Barde et Lionel Baier.
Durée : 94 mn. Disponible en dvd.

Résumé :
Entre le travail dans une usine de chocolat la journée et le sexe consommé à la chaîne le soir, la vie de Loïc est réglée comme du papier à musique. Mais un jour, il fera quelque chose d'exceptionnel, "de nouveau". Le jeune homme ne sait pas encore quoi, mais économise déjà sur la nourriture en se coupant l'appétit à coup de cachet contre le mal d'estomac.
Il y a Marie également, l'amie d'enfance, celle chez qui Loïc va dormir après avoir été rodé sur internet, puis dans les rues de la ville. Celle dont Loïc est peut-être amoureux.
Mais tout cela va changer, parce que Loïc va faire des rencontres : le type étrange du Mac Donald d'abord, mais surtout Rui, le footballeur star de l'équipe régionale. Le jeune homme va changer, parce que Marie le forcera à aller plus haut. Parce que Loïc n'est pas un garçon stupide...
L'avis de Clément Graminiès (Critikat) :
Avec ce premier long-métrage aussi hésitant qu’attachant, le jeune réalisateur suisse Lionel Baier esquisse le délicat portrait d’un jeune homosexuel de vingt ans, Loïc (Pierre Chatagny), qui partage sa vie entre le travail à l’usine et les rencontres d’un soir conclues sur Internet. Avec cette approche quasi sociologique du milieu gay, Garçon stupide rend compte, sans aucune complaisance, d’une misère affective où la sexualité, exploitée mécaniquement, vient contrebalancer l’absence totale d’attaches.

Mais l’entrevue sur laquelle s’ouvre le film va progressivement venir bouleverser ce rapport aux autres. Jeune garçon égoïste qui ne s’interroge pas sur le monde qui l’entoure - il ne sait même pas qui est Hitler -, Loïc est stupéfait de voir qu’un homme, Lionel, s’intéresse si soudainement à lui, à sa personne, en lui posant toutes sortes de questions non relatives à ses performances sexuelles. D’abord déconcerté par les intentions louables de cet homme qui restera continuellement en hors-champ, le jeune homme se laisse peu à peu prendre au jeu de la confession et multiplie les rendez-vous comme on décide d’entrer en psychanalyse. Lui qui n’envisageait son rapport avec l’autre qu’autour d’un plaisir immédiat va peu à peu s’éveiller à la complexité du monde qui l’entoure, à des désirs dont il ne soupçonnait même pas l’existence.

Car sous ce comportement futile et insouciant, Loïc cache des trésors que la mise en scène soignée de Lionel Baier fait éclore par fulgurance. En contrepoint des nombreuses scènes crues et terriblement réalistes où l’acte sexuel est surreprésenté sans jamais appeler à quelque voyeurisme, le jeune homme aux grands yeux noirs et mélancoliques surnage puis s’accroche, grâce notamment à la bonne copine, Marie (touchante Natacha Koutchoumov), qui l’héberge très régulièrement dans son petit deux pièces de Lausanne. Affectueuse, la jeune femme offre à Loïc un amour, une écoute et un réconfort que ses histoires d’un soir ne sont pas à même de lui donner. A la fois substitut maternel et amoureuse transie, elle subit les sautes d’humeur de ce jeune immature, lui explique patiemment les termes qu’il ne comprend pas tout en essayant de lui faire prendre conscience de la vacuité de son existence. Mais l’égocentrisme du jeune homme, dont la caméra épouse le point de vue, ne lui permet pas de comprendre que cette amie est autant, sinon davantage, rongée par la solitude et la peur de l’échec. La soudaine scène du suicide, quasi onirique, vient alors contredire toutes les certitudes de Loïc. Il suffit de le voir terrassé de peur, animal devenu vulnérable, lorsque son amie disparaît momentanément dans la pénombre d’une grotte pour comprendre que Garçon stupide, sous ses aspects de comédie sociale, revêt des accents tragiques qui pousseront son personnage principal à dépasser ses propres limites, à aller jusqu’au bout de ce parcours que la réalisation travaille avec une patience admirable.

Et si le film semble s’égarer par intermittence dans des possibles scénaristiques aussitôt avortés, c’est que Lionel Baier suit au plus près les balbutiements de Loïc dans sa nouvelle prise de conscience. Revenu d’une mort symbolique, il repart de zéro, renaît depuis la chambre de son enfance où chaque objet se veut l’évocation de souvenirs refoulés, puis s’émancipe, part à la découverte du monde à l’aide d’une caméra. L’objet, preuve d’un éveil et d’une volonté de comprendre, devient une arme à part entière, un possible tangible qui lui permettra de comprendre de lui-même ce que son amie n’est plus là pour lui expliquer.

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Fiche technique :
Réalisé par Rob Epstein et Jeffrey Friedman. Directeur de la photographie : Bernd Meiners. Montage : Dawn Logsdon. Musique : Tibor Szemsö. Narrateur : Rupert Everett.
Durée : 81 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
Les homosexuels ont été victimes du régime hitlérien. Ils étaient persécutés en vertu d'une loi inique, le PARAGRAPHE 175.
Paragraphe 175 donne la parole à des survivants qui nous décrivent leurs expériences personnelles et les conséquences durables de ce chapitre caché de l'Histoire de Troisième Reich.
Il a fallu attendre 1994 pour que ces hommes qui portaient l'infâme triangle rose dans les camps de concentration nazis soient les derniers à révéler leur terrible histoire.
L'avis de Matoo :
Ce documentaire m’a complètement retourné. Il faut absolument le voir.
Il s’agit d’une œuvre qui évoque la déportation des homosexuels durant la seconde guerre mondiale. En effet, il existait dans le code pénal allemand un paragraphe connu, le 175, qui interdisait les relations homosexuelles. En 1935, les nazis y ajoutèrent un arsenal de répression qui conduira à la déportation de gays dans les camps de concentration, avec l’issue fatale que l’on connaît
Ce documentaire est extraordinaire de par sa sobriété et sa forme. Il s’agit d’interviews de rescapés (il y en a très peu de connus) qui racontent, parfois pour la première fois, leur expérience, mais aussi nous éclairent sur la manière dont a pu arriver une pareille horreur. En effet, les récits se déroulent de manière chronologique, et en quelques déclarations et photographies nous plongent dans une époque et une atmosphère incroyable. Le montage est extrêmement délicat et ciselé, il se concentre sur ces personnages, rescapés de la barbarie humaine, qui dégagent une émotion extraordinaire. En fait, cette manière de raconter, sobre et digne, est encore plus poignante pour le spectateur que des images chocs ou des reconstitutions historiques précises.
La chronologie est importante car on comprend facilement que le Berlin des années 20 était un havre de paix pour les homos. Les années opportunément qualifiées de « folles » furent une période d’émancipation et de liberté pour les homos et lesbiennes d’Allemagne qui avaient des endroits où se retrouver, et qui jouissaient d’une grande licence de la part des autorités. L’arrivée d’Hitler au pouvoir ne les avait pas tant effrayés car son bras droit Röhm (le chef des SA) avait la réputation d’être une folle perdue. Mais l’arsenal pénal a été modifié pour lutter clairement contre l’homosexualité, et l’assassinat de Röhm (la nuit des Longs Couteaux) a déclanché une répression fatale contre les gays.
Il faut vraiment écouter ces personnes, ces hommes et cette femme, qui racontent avec des souvenirs qui leur redonnent le sourire, à quel point les années 20 et 30 furent douces et insouciantes. Ils se remémorent leurs amours, leurs sorties, leurs endroits de prédilection dans le gay Berlin, ils montrent des photographies où on les découvre jeunes et fringants avec leurs ami(e)s et leurs amant(e)s. Et puis, vinrent les premières arrestations, les premières humiliations, puis les tortures et les déportations. Alors les regards se vident d’expression, leurs traits se tordent aux souvenirs des douleurs. Douleurs physiques de la torture, douleur morale de la mort de leurs compagnons,dans des conditions inhumaines. Ils ont plus de mal à s’exprimer, utilisent des ellipses ou simplement se taisent, et jettent une œillade à la caméra qui parlent plus encore que les mots ne pourraient le faire.
Il y a celui qui a vu son ami se faire manger vivant par des chiens dans un camp. Un autre qui raconte que des différences de traitement existent dans ces lieux de la mort, et qu’être homo était bien le pire des statuts. Il évoque les tortures sexuelles qu’il a subi, et dont il souffre toujours le martyr. Et cet autre rescapé, un homo juif, qui raconte comment il s’est fait passé pour un jeune aryen pour entrer dans une école, où son ami était enfermé suite à une rafle avec ses parents. Il repense au visage de son copain, son amoureux, quand il est venu le libérer, et que ce dernier l’a regardé en lui disant qu’il ne pouvait pas se séparer de ses parents, qu’il devait les aider et les soutenir jusqu’au bout, en le conjurant de s’en aller et de le laisser là.
Et ces gens ne sont même pas reconnus comme des victimes des nazis. Ce sont des oubliés de la guerre malgré les atrocités qui ont été commises à leur encontre. Heureusement que ce documentaire existe, heureusement que la mémoire de ces événements est à jamais figée et fixée. Je me dis que rien n’est jamais acquis dans le progrès social, et surtout nous concernant.

Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Tom Hanks, Denzel Washington, Mary Steenburgen, Jason Robards, Antonio Banderas, Ron Water, Daniel Chapman, Charles Glenn, Joanne Woodward et David Drake. Réalisé par Jonathan Demme. Scénario : Ron Nyswaner. Directeur de la photographie : Tak Fujimoto. Compositeur : Howard Shore, Bruce Springsteen et Neil Young.
Durée : 119 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
Andrew Beckett, brillant avocat, est appelé à une carrière fulgurante. Adulé par son milieu, rien ne semble pouvoir ralentir son ascension. Mais, le jour où ses associés apprennent qu'Andrew est atteint du sida, ils n'hésitent pas à prétexter une faute professionnelle pour justifier son renvoi. Andrew décide de ne pas se laisser faire et attaque le cabinet pour licenciement abusif.
L'avis de Figo (site) :
Andrew Beckett est un brillant avocat, appelé à suivre une carrière d'exception. Si bien que ses associés décident de lui confier un dossier éminemment important pour leur agence. Seulement, le jour où ceux-ci apprennent qu'Andrew est atteint du virus du sida, ils ne tergiversent pas bien longtemps et le renvoient. Ils justifient leur acte par une prétendue faute professionnelle. Bientôt, Andrew s'adresse à plusieurs avocats de Philadelphie, parmi lesquels le très médiatisé Joe Miller, afin de présenter à la Cour les responsables de cette sordide affaire de licenciement abusif.
Depuis l'apparition des toutes premières réalisations cinématographiques, le but inavoué de tous les cinéastes a toujours été d'émouvoir, de tout mettre en oeuvre pour prendre chaque spectateur par la main et le sortir de sa torpeur quotidienne en le rendant psychiquement actif d'une façon ou d'une autre. À partir de là, plusieurs styles sont apparus tour à tour, si bien que le cinéma ne s'est jamais véritablement laisser embourber par une complaisance quelconque. Le septième Art a toujours su se renouveler tout au long de son histoire à travers le génie de plusieurs de ses illuminés. Si bien que le cinéma a toujours été une activité, une pratique particulièrement appréciée du grand public, puisque éternellement variée, régulièrement intéressante et finalement assez abordable pour Monsieur et Madame Tout-le-monde.

Philadelphia n'est ni une comédie dramatique ni un drame plutôt amusant mais bien une œuvre purement et simplement dramatique. Elle met en scène un jeune homme, qui sombre tous les jours un peu plus vers sa propre disparition. Ce jeune homme est un éblouissant homme de Loi, que ses proches adorent, que ses employés adulent et que ses confrères ont appris à respecter à sa juste valeur. Ses honorables associés n'entendent cependant pas garder auprès d'eux bien longtemps un homme aussi peu recommandable, puisque malade, physiquement affaibli, moralement instable... et homosexuel, par-dessus le marché. Son licenciement le renvoie auprès d'un avocat qu'il a déjà dû affronter et dont il n'apprécie pas tellement les manières. Dès lors s'engage un véritable combat et la descente aux enfers du héros laisse place à une bataille juridique pour la reconnaissance de ses droits, de son formidable talent mais aussi de sa condition d'homme et de l'honneur qu'il est en droit d'attendre d'une société qui se dit civilisée.
Il serait totalement inadapté de reprocher aujourd'hui au film les nombreux clichés qui le parcourent de bout en bout. Les temps changent, voilà tout. Et Philadelphia était un film à faire, puisque aucune autre tentative n'avait été entreprise jusque là pour que le sida soit un jour sous le feu des projecteurs. Certes, la musique, la mise en scène et le jeu de certains acteurs accentuent parfois assez péniblement l'aspect dramatique du film. On devine aussi assez aisément la quasi-totalité de l'intrigue dès les quelques premières prises de vue. Mais l'émotion qui se dégage de cette œuvre parfaitement achevée est intacte. Philadelphia est une incroyable prouesse, terriblement sincère, aussi merveilleuse que bouleversante sans être pour autant une expérience totalement désespérante. Philadelphia est plutôt une ode à la tolérance, à l'amour et à la magnificence de la vie dans sa globalité. La scène au cours de laquelle les deux principaux protagonistes se laissent emporter par les quelques notes d'un opéra de Umberto Giordano et par cette formidable interprétation de Maria Callas est en tout point admirable : parfaitement orchestrée, cette scène est un invraisemblable dialogue de sentiments qui laisse entrevoir tout cet amour qu'Andrew porte à la vie. Ce bref passage parle de lui-même : Philadelphia n'est en aucun cas une initiative cinématographique désespérément traumatisante, puisque Jonathan Demme met en scène la mort d'Andrew comme il porte à l'écran la renaissance de Joe. En somme, Ron Nyswaner a opté pour la plus abominable des maladies pour faire de son Philadelphia une formidable initiation à la vie.
Au-delà de cette folle interprétation scénaristique, Philadelphia ne serait certainement pas aussi convaincant sans son célèbre duo d'interprètes : Tom Hanks et Denzel Washington, plusieurs fois encensés pour leurs performances cinématographiques. Quant à la jolie contribution musicale de Bruce Springsteen pour ce film, elle est mondialement reconnue. Et encore une fois, au-delà de tout ce bla-bla sans véritable intérêt, Philadelphia est un récital d'une grande pureté, une œuvre à revisiter de temps à autres pour satisfaire ses sens et titiller cette forme d'angoisse profonde que chacun affronte un jour ou l'autre ou bien ne cesse de refouler à sa manière : la peur de l'inconnu.

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