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Le commentaire de Salim Kechiouche :
À toute vitesse, c'était la jeunesse, le réalisateur vingt-deux ans, une équipe qui ne dépassait pas la vingtaine, à part quelques cas. Dans le car-loge, on s'amusait à s'envoyer des trucs. Une partie de l'équipe arrive, on cache tout à la va-vite. Engueulade.
C'était une ambiance de potes, grands frères, avec Gaël, le frère blond. C'était l'insouciance. J'ai vraiment un bon souvenir de ce film.

© Pascal Faure pour salimkechiouche.com


Fiche technique :
Avec Elodie Bouchez, Stéphane Rideau, Pascal Cervo, Mezziane Bardadi, Romain Auger, Salim Kechiouche, Mohammed Dib, Hasan Akyurek, André Bouvard, Aurélien Morel et Paul Morel. Réalisation : Gaël Morel. Scénario : Catherine Corsini & Gaël Morel. Montage : Catherine Schwartz. Directeur de la photographie : Jne Lapoirie.
Durée : 86 mn. Disponible en VF.


Résumé :
Fils d'ouvriers, Quentin obtient le succès avec son premier roman. Il a pour amis le costaud et charismatique Jimmy et Julie, une jeune fille issue de la bourgeoisie. Samir, un jeune beur, s'éprend de Quentin, qui se refuse à lui mais veut en faire le héros de son prochain livre.

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L’avis d’Olivier Nicklaus :
Gaël Morel revisite la mythologie de l'absolu de l'adolescence avec une caméra physique et sensuelle. La grâce est avec lui.

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Le titre exprime la frénésie des quatre protagonistes à consommer, voire consumer, leur jeune existence. Comme si, à l'instar de James Dean, Raymond Radiguet ou Jim Morrison, il fallait se dépêcher de vivre parce que la fin est proche. Une précipitation qui les pousse dans les bras l'un de l'autre, les sépare prématurément, les fait foncer en moto, et les promeut écrivain en un seul livre.

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Sur un scénario linéaire comme une piste de 100 mètres, Gaël Morel développe un romantisme fiévreux déjà remarqué dans ses courts métrages, une capacité à saisir l'épiderme des choses et, au-delà, ce feu intérieur qui consume les êtres vulnérables.

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Cliché que cet absolu de l'adolescence ? Gaël Morel ne s'embête pas avec cette question. Il s'empare de ce thème et lui insuffle un lyrisme galvanisant et contagieux. Son cinéma physique, sensuel, intuitif semble nourri par des cinéastes américains comme Nicholas Ray (La Fureur de vivre), à l'écart d'une tradition française de cérébralité bavarde. Son talent est de ne pas traiter ces tourments adolescents dans un décorum sombre et claustrophobe, pléonasme que commettent tant de ses condisciples. La lumière de Jeanne Lapoirie idéalise les coteaux de vigne du Beaujolais aussi bien que les corps des quatre interprètes. Ce ne sont plus des personnages, mais des héros, des statues, à l'instar – et toutes proportions gardées – des James Dean (pour Pascal Cervo), Marlon Brando (pour Stéphane Rideau), Sal Mineo (Meziane Bardadi) ou Natalie Wood (Elodie Bouchez).

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Les adultes sont évacués. Gaël Morel, qui avait 24 ans le jour de la sortie d'À toute vitesse, filme des acteurs de son âge, dans un troublant effet-miroir. Si la caméra frôle le visage de Julie pour y capter tout un nuancier de sentiments, elle ne dévoile jamais son corps. La représentation des garçons en revanche est très homo- érotique. Surtout Stéphane Rideau souvent torse nu, qu'il boxe ou qu'il rappe avec la souplesse d'un félin. Un personnage en rupture sociale, mais auquel le regard de l'auteur rend toute sa dignité en soulignant sa beauté brute, sauvage et amère.

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La mise en scène frappe par sa maîtrise, son élégance. Gaël Morel n'hésite pas à pousser les scènes à leur paroxysme, à filmer ses personnages en mouvement, crescendo, jusqu'au drame. Mais il sait aussi se poser sur un visage ou une phrase au moment crucial. C'est cet aplomb dans le filmage qui contrebalance la naïveté de certaines scènes trop écrites. Comme celle où la voix d'Elodie Bouchez commente off son personnage. Ou quelques maladresses quand il s'agit d'enfoncer le clou de la récupération sociale (« Ils chialent devant Le Petit criminel, mais ils ne feront jamais rien pour ceux qui veulent s'en sortir »). Dans son obstination à traiter l'absolu sans recul, Gaël Morel laisse forcément quelques plumes. Mais le culot gomme le cucul, et le dernier quart d'heure, bouleversant, balaie les réserves.

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D'aucuns ne manqueront pas de tracer des parallèles avec le cinéma d'André Téchiné, au motif que Gaël Morel s'y est fait connaître comme acteur. Une référence à la fois écrasante et paresseuse. Si on ne peut nier quelques similitudes (le casting, le décor naturel, des thèmes comme l'homosexualité douloureuse, la tourmente romanesque, la perte de l'intégrité au contact de la capitale), on pourrait tout aussi bien citer Cyril Collard (le métissage sexuel et racial, le tropisme méditerranéen, la symbolique du sang, l'urgence de vivre). Comme Collard d'ailleurs, Gaël Morel n'élude pas la part d'ombre du destin de ses héros, mais il offre dans le même temps des raisons de se réjouir.

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Ainsi, cet optimisme sur les rapports entre des adolescents que tout oppose ou le personnage de Kamel, beur griffonnant des poèmes au fond de la cave de sa cité. On est plus près du fantasme que du documentaire. Mais c'est comme les pactes d'amitié éternelle pour lesquels on échange son sang : il faut y croire pour que ça marche.
Pour plus d’informations :

Fiche technique :
Avec Rémi Lange, Antoine Parlebas, Vincent David, Emilie Cordelier, Matthieu Doze, Jacques Lange, Valérie Goupil, François Lange, Thérèse Lange et Gregory Alexandre. Réalisation : Rémi Lange. Scénario : Rémi Lange et Antoine Parlebas.
Durée : 85 mn. Disponible en VF.

 


Résumé :
Antoine et Remi vivent ensemble depuis plus de trois ans. Remi filme leur vie a l'aide d'une camera super-8. Un jour, il se surprend a penser: "Il n'y a plus de desir entre lui et moi". Peut-etre est-il en train de s'inventer des problemes pour faire de sa vie un vrai film. Comment faire alors renaitre le desir de ses cendres ? En se creant un obstacle, un amant ? Et si, ensuite, la camera jouait le role de l'obstacle dans le nouveau couple, entre Remi et son nouvel amant ?

 


L’avis de Yann Gonzalez :
Dans Omelette, son premier long métrage en forme de journal intime, Rémi Lange avait trouvé l’alibi nécessaire à la construction d’une narration réelle. L’événement – l’annonce de son homosexualité à sa famille – donnait lieu à un récit étrange, abolissant les frontières entre docu vérité et reconstitution roublarde. Les Yeux brouillés fonctionnent sur le même mode incertain renforcé par l’absence de sujet. Car Rémi, cette fois-ci, ne sait pas quoi filmer : son entourage se porte bien, il file le parfait amour avec Antoine, et aucun fait exceptionnel ne semble prêt à pointer son nez. Puisque l’action ne vient pas à lui, c’est au cinéaste de la mettre en place. Voilà pourquoi Rémi se jette dans les bras de David (jeune homme dont les « yeux brouillés » préservent l’anonymat), ce qui, forcément, aboutit à une crise dans le couple qu’il forme avec Antoine.
L’intérêt de cette vraie fausse fiction autour du trio d’amants ne naît pas de son potentiel en tant que telle (l’argument est on ne peut plus pauvre et banal) mais de son intrusion forcée dans un film qui n’en avait pas besoin. Obsédé par le cinéma narratif classique, Rémi ne peut concevoir Les Yeux brouillés sans un début, un apogée et une fin. D’où la quête quasi pathologique d’une histoire, seul élément capable de conférer à l’œuvre sa légitimité alors que Lange passionne bien davantage lorsqu’il filme son quotidien avec Antoine, une gay pride avec feu Michel Journiac (l’un des premiers performers français), ou encore sa grand-mère allant choisir un chien à la SPA. Des petits riens plutôt qu’un tout illusoire auquel le réalisateur souffre d’être inféodé, en se disant, à tort, que regarder sans fictionner est de toute façon voué à l’échec. Ce que montrent finalement – mais peut-être pas en toute conscience – Les Yeux brouillés, c’est la contamination dangereuse par la norme commerciale (le cinéma narratif, donc) de démarches underground ou expérimentales, comme si le statut de pur diariste n’était ici pas suffisant. Pourtant, Lange semble connaître sur le bout des doigts les films de Jonas Mekas et de Joseph Morder, ce dernier étant même cité (voire filmé, dans Omelette) à plusieurs reprises. Victime d’un complexe déplacé mais également de lacunes évidentes (le film donne la nausée tant il semble approximatif au niveau des cadrages, mixage et montage), le film de Rémi Lange passionne pourtant souvent grâce aux questionnements qu’il suscite malgré – voire contre – lui.

 


Les images qui débordent – entretien avec Rémi Lange par Yann Gonzalez :

Deuxième volet du vrai-faux journal filmé de Rémi Lange, Les Yeux brouillés sont sortis le 21 juin 2000 sur nos écrans. Mais, depuis cette expérience (le film a été tourné en 94-95), les idées du cinéaste ont fait du chemin. Un entretien s'imposait pour faire le point sur la carrière passée, présente et à venir de l’auteur d’Omelette. [Interview réalisée en 2000]

Chronic’art : Est-ce que tu te sens une âme de militant par rapport au super-8 ?

Rémi Lange : Plus maintenant. En 1996, j’ai réalisé Le super-8 n’est pas mort, il bande encore, un court métrage en super-8 militant pour le super-8 et qui reflétait bien mon état d’esprit d’alors : pétitions, manif devant Kodak contre l’arrêt de la production de certains types de pellicules, etc. Aujourd’hui, c’est différent, puisque Kodak a gagné. Nos actions étaient vaines mais c’était très important qu’elles aient lieu, qu’elles aient existé. De toute façon, un géant comme Kodak ne va pas poursuivre une production pour mille ou deux mille personnes intéressées en France. C’est pareil pour les films. Une œuvre qui fait cinq cents entrées, le mec peut plus faire de cinéma après. Ce sont les lois du capitalisme. J’ai également arrêté de lutter contre l’homophobie car je pense que ma place sur terre n’est pas là.

Pourtant, dans Les Yeux brouillés, tu dis que si tu vivais à Paris, tu serais membre d’Act’up.

Pour être un vrai militant, il faut s’investir à fond, ce que je ne peux pas faire en réalisant des films ou en écrivant des scénarios. C’est soit l’un soit l’autre, même si je crois vraiment en le travail d’Act’up. Pour revenir au super-8, j’ai arrêté de militer car au début, j’étais un peu borné, je ne vivais que par le super-8, et je ne voyais aucune qualité dans la vidéo. Maintenant, c’est différent. Je pense qu’on ne doit pas mettre un format au-dessus d’un autre, comme on ne doit pas mettre des gens au-dessus des autres. J’ai d’ailleurs acquis une mini-DV il y a un an. Elle me donne beaucoup plus de liberté que le super-8. A l’époque, je me trimballais un projecteur 500 watts dans le dos, j’utilisais des pellicules qui duraient 2 minutes 30 et qui coûtaient cher, donc je ne pouvais pas filmer ce que je voulais quand je voulais. Et en même temps, les personnes filmées étaient dans des situations théâtralisées, puisqu’elles recevaient un maximum de lumière dans la figure quand elles n’étaient pas au soleil. Bref, c’était très difficile à gérer... Avec la vidéo, si l’image te semble trop brillante ou trop nette, il est possible de la modifier au montage. D’ailleurs, des logiciels vont très bientôt permettre d’obtenir les effets que tu veux : effet super-8, effet Technicolor délavé, etc.

La disparition de la pellicule ne te fait pas peur ?

Il y a seulement disparition d’un matériau. Et encore, même si c’est compliqué, tu peux toujours faire des films super-8 sonores aujourd’hui. Comme pour les vinyles, le 35 va rester, car les commerçants vont se battre pour défendre leur boutique. Malgré tout, je suis certain qu’il n’y aura plus de pellicule dans cent ans. Celle-ci coûte dix fois plus cher et, du coup, la vidéo arrange tout le monde. De toute façon, quand tu passes d’un format à un autre (comme pour Omelette, tourné en super-8 et gonflé en 16 mm), il y a toujours une perte de la qualité d’image, sauf en numérique. Pour moi, ce qui importe, c’est ce que tu vois au final et non pas le format d’origine.

Pourquoi cette obsession du cinéma narratif classique ?

Ce n’est pas une obsession. J’essaie juste de décloisonner le cinéma expérimental et le cinéma narratif classique, de faire un film qui soit entre les deux. Par exemple, je cherche à jouer avec les codes du cinéma traditionnel : champ-contrechamp, identification du spectateur au personnage principal, introduction, développement, conclusion et fin, même si celle-ci reste ouverte... Tout cela n’existe pas dans les journaux filmés, où le cinéaste peut très bien ne pas apparaître en vrai : Jonas Mekas et Joseph Morder ne le font que de temps en temps dans le reflet d’un miroir ou en se faisant filmer. Surtout, on ne connaît pas forcément tous les personnages de leurs films. C’est bien de rencontrer quelqu’un dans la rue, de l’observer de loin, mais je préfère les rapports plus approfondis avec les gens, savoir qui ils sont réellement, notamment vis-à-vis du diariste. Je trouve les films expérimentaux trop longs, trop élitistes.

 

 

On a le sentiment que le cinéma expérimental est une sorte de famille pour toi (tu filmes Joseph Morder ou Yann Beauvais) mais que tu cherches à t’en détacher, comme si le cinéma narratif était le seul vrai cinéma.

Je suis parti de ma famille expérimentale pour arriver à ma famille du cinéma traditionnel. C’est d’être entre les deux qui m’intéresse vraiment. Que mon film ne soit pas seulement un journal filmé, mais un film autobiographique qui mélangerait prises directes sur le vif, reconstitutions, réminiscences du passé. C’est un genre un peu à part, proche de l’autofiction en littérature, entre les codes esthétiques du film de famille et du film narratif classique. En même temps, dans le film de famille, il n’y a que des événements heureux, et là ce n’est pas le cas ; il y a également un ordre chronologique dans les faits montrés puisque le montage a lieu directement dans la caméra. Or, dans Les Yeux brouillés, il y a flash-back. Certains disent que je filme mal, mais je prête une certaine attention à l’image dans le sens où je reprends les règles esthétiques du film de famille, qui propose une esthétique particulière mais véritable avec les sur ou sous-expositions, les sautes, les images tremblées, scratchées, grattées, les flous, les changements brusques de mise au point, etc.

Mais est-ce que ce ne sont pas des effets directement liés à l’amateurisme plus qu’à une véritable recherche ?

Pas du tout. Ou alors juste au sens propre du terme amateur, c’est-à-dire « celui qui aime ». C’est là qu’il faut relire Défense de l’amateur de Brakhage. Et puis, qu’est-ce que l’amateurisme ? Un cinéma qui essaie d’imiter le grand cinéma et qui ne sait pas le faire ? Quel grand cinéma ? Quel vrai cinéma ? Il y a plein de choses à retenir comme à rejeter dans chaque domaine, dans chaque esthétique.

Quand tu te filmes en train de faire l’amour avec Antoine, tu dis, en substance, qu’une fois de plus, tu as bêtement posé la caméra alors que tu aurais pu l’immiscer dans l’acte même. Je me demandais si tu connaissais le travail d’André Almuro qui a inventé le terme de caméra haptique, c’est-à-dire que cette dernière n’est plus guidée par l’œil mais par le bras seul, pénétrant de façon presque sensorielle au cœur de la relation sexuelle.

J’en ai entendu parler bien que je n’ai pas vu ses films. Mais ça m’intéresse vraiment, parce que j’ai rarement vu un cas au cinéma où la caméra va très loin dans ce type de séquences. Il y a Presque rien qui vient de sortir. On écrit à propos de Sébastien Lifshitz qu’il filme les corps de façon très crue, ce qui nous fait rire, lui et moi. Lors d’une interview groupée, on nous a dit que c’était parce qu’on était homosexuels qu’on filmait la sexualité plus crûment. Contre-exemple évident : Romance et, avant, L’Empire des sens. Je pense en même temps qu’on peut aller bien plus loin que ce qu’on a fait. Sébastien met une distance entre la caméra et les corps qu’il filme ; moi, je tente des choses, surtout dans la scène avec David. Mais il y a donc André Almuro qui dépasse tout ça...

Est-ce que tu considères la caméra comme un personnage à part entière ?

Dans ce film-là, oui. Pour pouvoir créer un film, en principe, il faut du malheur, sauf exception – je pense notamment à La Rencontre d’Alain Cavalier qui raconte une relation exclusivement du côté du bonheur. On ne fait pas un film sur des histoires heureuses, comme a dit Chéreau et d’autres avant lui. Il n’y a pas de récit sans obstacles qui s’opposent à un certain désir. Dans Les Yeux brouillés, la caméra crée du malheur et donc du film. Au début, c’est David qui, placé entre Antoine et moi, va créer du malheur, et ensuite, au sein de la nouvelle relation entre David et moi, c’est la caméra qui joue le rôle de l’amant. En même temps, quand je me filme, je parle à la caméra comme à quelqu’un, mais c’est plutôt une personne que je traverse, dans le sens où quand je m’adresse à elle, mes paroles sont surtout destinées au spectateur. Effectivement, à un moment du film, elle devient mon compagnon le plus fidèle, mon amour de toujours, la seule chose qui ne me quittera jamais. D’ailleurs, c’est moi qui l’ai quittée puisque j’ai arrêté de tourner en super-8...

Mais à cette époque, est-ce que l’intimité pouvait se vivre sans caméra ?

Oui, bien sûr. Lorsque j’ai réalisé Omelette et Les Yeux brouillés, je me mettais quand même dans des situations très particulières où je décidais de provoquer un événement pour pouvoir raconter un film. Ce qui est devant la caméra, c’est donc une réalité déformée : je joue le rôle d’un garçon à problèmes, ce que j’espère ne pas être dans la vie de tous les jours, surtout pour Antoine. Les gens pensent que ce qu’on voit dans un journal filmé reflète intégralement la personnalité du diariste, mais c’est faux. Ce que je montre n’est qu’une infime partie de moi-même.

Tu est crédité au générique comme coauteur de l’histoire (avec Antoine Parlebas). Mais où est-ce que se situe l’écriture dans un film de Rémi Lange ?

Au montage. C’est une étape qui fait partie, à proprement parler, de l’écriture du film. En général, ce qu’il y a dans un scénario, puis dans un découpage technique, c’est presque le film final. Mais quand on part de 50 bobines de rushes, on doit construire un scénario avec les images qu’on a, avec aussi les moments qu’on n'a pas enregistrés et qu’on reconstitue. En ce qui concerne l’écriture classique, Antoine m’a aidé à retravailler certaines voix-off, tirées intégralement ou non de mon journal. Il m’a presque poussé à ne pas parler d’une façon trop littéraire mais naturelle, même si je bafouille, si je me plante, s’il y a des mots qu’on ne comprend pas, même si je me répète, comme dans la vie de tous les jours. D’ailleurs, j’ai un peu de mal en ce moment à monter la première partie de mon film en cours. J’ai tourné deux scènes, et au montage, on me fait couper des morceaux où je me répète, même si on se répète dans un journal. Ce qui est important, ce n’est pas tant ce qui est dit que le ton sur lequel on le dit ou on le redit. Mais pour les gens du cinéma classique, c’est une erreur. A partir du moment où on fait un faux journal, ça devient pourtant logique de se répéter, de bafouiller, d’écorcher les mots et que tout ne soit pas évident. Va faire comprendre ça à des producteurs classiques qui font des films bien léchés, sans temps morts. Mais je m’en fous, je l’imposerai.

 


Dans Les Yeux brouillés, Antoine semble être à la fois victime et acteur consentant. Le statut est toujours ambigu, comme lorsqu’il te demande de refilmer une séquence.

Il est victime au début du film, et à un moment donné, sa seule façon de me récupérer, c’est de participer au projet qui est celui de faire un film anticlassique. Il essaie de participer à l’histoire, de faire durer le malheur et de jouer lui aussi avec les codes du cinéma narratif classique et du cinéma familial. Aujourd’hui, on ne vit heureusement plus dans la même optique, ça prenait une ampleur trop destructrice. Je devenais un peu tortionnaire, totalitariste pour mon entourage. J’emportais les gens dans mon malheur et je leur faisais du mal autant qu’à moi. C’est pourquoi j’ai arrêté le journal.

Ton film en préparation n’est donc pas un journal filmé ?

C’est un faux journal, comme le troisième volet d’une trilogie, un ensemble auquel je reviendrai peut-être un jour sous forme de sitcom trash. Il y a un vrai scénario qu’on écrit et qu’on réécrit puisqu’il sera réadapté en fonction des gens qui participeront au film. Ça sera proche de leur réalité, de leur biographie, puisqu’ils jouent tous leur propre rôle et que ce sont tous des comédiens dans l’histoire. On vient de tourner deux séquences, dont une avec Julie Depardieu qui, justement, était en grande partie improvisée. Le scénario n’est donc qu’une base de travail, avec un grand espace de liberté. Le tout sera tourné à la fois en 35 mm et en DV. Il y aura également une petite partie en super-8 sur les films de famille de mon père, et sous forme de flash-back puisque je suis censé retourner en Normandie et repenser à mon enfance. Dans le film, je ne vis plus avec Antoine car j’ai voulu dissocier notre vie et notre travail. Avec mon nouvel amant, on décide donc de rechercher une femme pour faire un enfant. Mais comme je continue mon journal, cette fois-ci en DV, la difficulté consiste à dénicher une femme qui accepte à la fois d’être mère et d’être filmée, et celle qu’on finit par trouver est une comédienne connue. Le film s’appellera Comment faire un enfant à..., mais les points de suspension seront remplacés par le nom de l’actrice. Je suis aussi en train de monter Pacte d’amour, ma première fiction, tournée en DV. Là, on est parti de trois pages de scénario et on a tout improvisé avec deux acteurs non professionnels. Ca raconte l’histoire très simple d’un mec qui vit avec une nana et qui fait un mémoire de maîtrise en sociologie sur l’homosexualité au Maghreb. Il rencontre des gays maghrébins et notamment un jeune homme qui tombe amoureux de lui. Ce dernier est steward et va l’arracher à sa copine avant de lui proposer de le suivre au Maroc et de lui faire découvrir son pays sous un angle homosexuel, en jouant au guide devant sa caméra. Au début, celle-ci sert exclusivement à faire des interviews avant que le film ne devienne un journal de voyage. Le rôle de la caméra change au fur et à mesure que le protagoniste évolue dans sa quête identitaire, jusqu’au moment où il fait l’amour avec son ami. Il n’y a pas de passage d’hétérosexualité à homosexualité -ça n’existe pas- mais plutôt la découverte d’un autre monde dans lequel le héros va plonger sans que l’on sache s’il va y demeurer ou en sortir. Il y aura donc des parties documentaires avec de vrais homos maghrébins et une partie fiction avec des textes écrits préalablement.

Est-ce que tu peux parler de tes échanges corporels avec Antoine ?

Avec Omelette ou Les Yeux brouillés, on a essayé de parvenir à une sorte d’échange de vie. Et maintenant, le but serait de créer un échange symbolique de corps via des performances filmées ou photographiées. C’est une pratique qui se développe de plus en plus mais qui en est encore à ses balbutiements. On voudrait échanger des morceaux de corps, mais sans se détruire ni jouer à Frankenstein, donc que cela soit fait très proprement. L’idée, c’est de se faire insérer des capsules en Téflon dans l’organisme, des capsules creuses qui contiendraient, pour moi, des morceaux du corps d’Antoine – poudre d’os, de dent- et vice versa. Mais c’est vraiment une nécessité, un acte pensé, on ne veut en aucun cas être les précurseurs d’une mode. Des gens comme Michel Journiac étaient passionnants parce qu’il y avait une vraie réflexion derrière leur art. D’un point de vue mégalomaniaque, je pense avoir apporté ma contribution au journal filmé, et j’aimerais vraiment faire de même par rapport à l’art contemporain ou au body art.
Pour plus d’informations :



Fiche technique :
Avec Jenifer Lee Simard, John Bryant Davila, Mike Ruiz, Alexis Artiles et Annie Lobst.. Réalisé par Ela Troyano. Scénario : Andre Salas, d’après son roman.
Durée : 75 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
Ce film raconte la vie amoureuse d'un groupe de latinos gays en Amérique. Il s'agit là d'une comédie moderne où se mêlent jalousie, passion, sensualité et sens de la famille.



L'avis de Francis Lamberg et Laurent Mullens :
Dans la communauté latino de Brooklyn, il n'est pas déjà pas facile de s'affirmer en tant que personne et si, de plus, on cumule les tares, cela devient l'enfer ! Justin a 26 ans et découvre progressivement son homosexualité. Il se fait sauter par Braulio, le play-boy de la boîte en vogue où il passe ses nuits et tombe amoureux de son cousin, Angel. Carlos, malade de jalousie, va tuer sauvagement son ex, Braulio, avant de s'attaquer à l'ex-amant de celui-ci, Justin. Sue Ellen n'a qu'à aller se rhabiller ! Latin boys go to hell est une histoire de séduction, appropriation, possession et manipulation qui débouche sur des frustrations et des jalousies qui mènent au(x) meurtre(s). Toutes choses dont les auteurs méritent les délices de l'enfer.



Écrit par Andre Salas à 19 ans, le film réalisé par Ela Troyano est un pur produit de la culture pop mexicaine : sexy & kitch. Les références aux telenovelas ne sont pas cachées car le téléspectateur peut voir les parallèles faits entre le film et le soap Dos Vidas que suivent certains protagonistes. La tension monte jusqu'au coup de théâtre hitchcockien. On passe d'une comédie de mœurs passablement ratée à un film noir relativement prenant. Le son médiocre et la qualité d'image moyenne donnent l'impression d'un film indien et underground peu soigné, ou encore d'un film porno cheap sans vraie scène de cul. Le peu de lumière exacerbe cependant le côté ténébreux des latinos.



« Justin : – Je ne voulais pas le faire.
Braulio : – Arrête. Tu voulais une queue et tu l'as eue. Ça te défrise d'aimer les bites ?
– Pour faire l'amour, il faut s'aimer.
– Tout ça, c'est des conneries.
– Peut-être pour toi mais pas pour moi.
– Je sais pas à quoi tu rêves, mais le prince charmant, ça n'existe pas !
– Je préfère mes rêves à ta réalité.
– Tôt ou tard, tu penseras comme moi. »

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Jack Baxter, Lorena Arancibia, Dan Masters, Curtis Dickson, Harry Catterns, Joshua Bush, Daniel O'Leary, Luisa Hastings Edge, Mary Regan, Christian Willis et Lucy Minter. Réalisation : Ed Aldridge. Scénario : Ed Aldridge. Musique originale :The Mares. Images : David Gacs. Montage : Rolmar Baldonad.
Durée : 97 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
Dans un petit bled de la côte australienne (dans une île ?) deux adolescents, les meilleurs amis du monde, glandent au début des vacances d’été. Les seules distractions sont pour ces jeunes le surf et la bière, pour les vieux il reste la bière ! L’un issu de la classe moyenne, Paul (Curtis Dickson) annonce à son copain Midget (Jack Baxter), qui vit dans un gourbi dans lequel il partage l’unique lit avec sa mère, que son frère Cass (Daniel O'Leary) après quatre ans d’absence revient au village.



On comprend vite que ce garçon a du fuir le pays à cause de son homosexualité. Il rentre à la maison où ses parents sont partis... en vacances. Midget, très travaillé par le sexe, tente de goûter concomitamment aux filles et aux garçons avec des bonheurs mitigés, jusqu’au moment où il s’aperçoit qu’il est amoureux de Cass...



L’avis de Bernard Alapetite :
Tine Lines, où comment l’amateurisme et la précipitation peuvent gâcher un film. Je dis bien gâcher car il y avait un bon potentiel dans cette histoire située dans un microcosme inédit au cinéma, dotée d’un superbe décor (complètement sous-employé), servie par des comédiens, pour la plupart débutants, qui sont toujours très justes aidés en cela par des dialogues d’un parfait naturel.



Malheureusement, probablement par hâte d’arriver au tournage, ce qui est le défaut des metteurs en scène débutants, le réalisateur (qui est aussi le scénariste) n’a pas assez travaillé son texte. S’il parvient bien, par quelques courtes scènes, à la fois à brosser le portrait de cette petite communauté et à rendre les rapports entre les “bourgeois” du village et Midget, le fils de la « marie couche-toi là » locale (excellente idée de cinéma que de nous montrer cette mère absente seulement endormie sous des couvertures, son visage n’apparaissant jamais), il abandonne trop de pans de son histoire.



Alors qu’il nous présente dans le bon début, Midget et Paul comme deux potes inséparables, Paul disparaît quasiment de la deuxième moitié du film, ce qui rend par contrecoup la fin artificielle. Aldridge nous assène des évidences, comme la religiosité de Cass sans explication, dans ce contexte ces évidences ne le sont plus du tout. Des personnages ne sont pas assez développés, comme le gay patenté du groupe (Midget ne l’est pas “officiellement” ou le professeur avec lequel Cass a eu une aventure quatre ans auparavant). Il y a finalement un nombre de pédés surprenant dans les trous perdus de la côte australienne !



Il aurait gagné par contre à couper dans les scènes de surf, bien mal filmées et dans celles de skate parfaitement inutiles, là sans doute pour faire joli, car ce sont en effet les seules bien cadrées. Le véritable immense défaut du film réside dans l’indigence de son filmage. Deux symptomes révèlent l'amateurisme d'un réalisateur : d'une part une figuration étique, sur ce point rien à dire bien au contraire dans Tan Lines, d’autre part un éclairage déficiant avec sous exposition dans les intérieurs et fréquents contre-jour à l’extérieur, ce que nous retrouvons ici.



Il faut dire une fois pour toute aux apprentis cinéastes que l’on ne fait pas un film sans éclairage. Avant le cadre, pour une belle image (et même parfois une image seulement lisible), c’est avant tout la lumière qui compte. Pour les extérieurs, le soleil ne suffit pas (surtout sans déflecteurs) et pour les intérieurs, la loupiote de la chambre ne peut en aucun cas illuminer une scène d’amour. C’est bien ce que semble ignorer Ed Aldridge.



Ce qui nous vaut des scènes de sexe pas du tout torrides comme l’indique d’une façon racoleuse la jaquette du DVD (édité par BQHL), tant elles sont mal éclairées et mal cadrées comme tout le reste, d’autant que ce sont les seuls moments où les acteurs sont peu convaincants, ne voulant sans doute pas passer pour des gays ! Le film est presque constamment sous-exposé.



Autre conseil aux personnes ayant des velléités de réalisation, avec le chef op. et le chef électro (le maître de la lumière sur un plateau) une autre personne est indispensable sur un tournage, la scripte, ici elle aurait vu qu’entre deux images la barbe du joli Midget, qui pourtant n’en a pas beaucoup, avait poussée.



Le réalisateur a la bonne idée de faire suivre son générique par une séquence de dessins animés très réussis sur lequel on entend un monologue en voix off d’un garçon face à sa mère. On comprendra immédiatement après qu’il s’agit de Midget et de sa mère. Malheureusement, sans doute pour montrer que c’est un petit malin des effets spéciaux, il nous inflige un dialogue entre son héros et la photo du pape dont il a pris soin de faire bouger la bouche : hideux et grotesque !



On ne s’ennuie pas dans Tan Lines, il faut dire Jack Baxter est bien mignon, mais il est seulement triste qu’il soit aussi mal filmé.
Pour plus d’informations :


 

 


Le commentaire de Salim Kechiouche :
Les retrouvailles avec Gaël Morel. Cela fait quasiment une dizaine d'années que je le connais. De retravailler ensemble et que chacun voit l'évolution de l'autre, c'est jouissif. Il m'a découvert, j'ai fait son premier film et maintenant, son quatrième film. Il était très content de voir que j'avais pris beaucoup de maturité, que j'avais évolué dans ma façon de travailler. Moi aussi j'ai vu qu'il avait grandi, qu'il a acquis une espèce de liberté dans le mouvement de caméra. De l'extérieur, c'était beau de voir la mise en place sur le tournage, c'était de l'art. Cela m'a fait plaisir de lui montrer que j'avais fait mon chemin, je n'étais plus le gamin de À toute Vitesse.
Retrouvailles aussi avec Stéphane Rideau, c'est une personne que j'aime beaucoup, que je connais dans la vie, c'est quelqu'un de vrai. Nicolas Cazalé, c'était des retrouvailles dans le sens où on a fait le même rôle de Pelosi au théâtre, on a un destin lié et cela m'a fait plaisir de travailler avec lui. C'est quelqu'un d'aplomb, de terrien. Thomas Dumerchez, il avait un rôle important, c'était difficile pour lui, il s'en est bien tiré. C'est une chance d'avoir un rôle dans un film de Gaël, c'est une bonne occasion de commencer dans le métier.
Retrouvailles avec d'autres gens de l'équipe, il y a eu pas mal de retrouvailles, c'était le film des retrouvailles ! Malgré cela, j'avais envie de travailler carré, on était sérieux, on dormait la veille, on a fait les choses comme il le faut. Je pense que Gaël est très content.
Le fait de se retrouver à Annecy, avec un esprit de troupe, d'être comme cela, ensemble pendant un mois et demi, cela donnait une bonne ambiance de clan. J'aime bien tourner en province, rester dans un petit hôtel. Quand tu es sur Paris, tu retrouves ton train-train, tes habitudes, tu ressors vite de l'ambiance, du personnage. Quand tu restes un mois et demi dans une ville comme cela, tu n'as pas le temps de prendre des habitudes, toute l'équipe reste ensemble, ça crée des liens avec les partenaires de jeu, tu es super concentré, c'est tout bénéfice pour le film.

© Pascal Faure pour salimkechiouche.com


Fiche technique :
Avec Stéphane Rideau, Nicolas Cazalé, Thomas Dumerchez, Salim Kechiouche, Bruno Lochet, Aure Atika, Jackie Berroyer et Vincent Martinez. Réalisation : Gaël Morel. Scénario : Gaël Morel et Christophe Honoré. Directeur de la photographie : Jean-Max Bernard. Compositeur : Camille Rocailleux.
Durée : 90 mn. Disponible en VF.

 


Résumé :
Le portrait de trois frères en trois chapitres : La première partie s'ouvre sur Marc, 22 ans, le cadet ; le frère ennemi, celui qui vit dans l'adulation de Christophe, son aîné, et le mépris d'Olivier, le benjamin. La seconde partie se poursuit avec Christophe, 26 ans, de retour de prison, en phase de réinsertion, prêt à tout, même à trahir ses idéaux de jeunesse pour rentrer dans les rangs de la société. Un frère qui ne correspond plus à l'image qu'idolâtrait Marc. Et pour finir, il y a Olivier, 17 ans, le benjamin, celui qui ira encore voir ailleurs avec un autre frère, un frère de substitution ; Hicham, 21 ans. Avec en filigrane une vengeance qui, d'abord bénigne, prendra des proportions tragiques, se dessinent trois portraits contrastés, l'histoire de trois frères que les circonstances obligeront à se positionner définitivement l'un par rapport à l'autre...
  


L’avis d’Olivier Nicklaus :
Gaël Morel ose les grands espaces, les grands sentiments et les keums à oualpé. Ça passe ou ça casse ? Ça passe.
Enfin, Gaël Morel assume. Dans son premier film, À toute vitesse, il y a bientôt quatorze ans, on repérait déjà les principaux motifs de ce Clan : lyrisme fiévreux et corps de garçons incandescents. Mais il n'osait pas aller tout à fait au bout de son désir, déshabiller complètement les corps et les sentiments. Aujourd'hui, il prend le risque et atteint son but. Quatorze ans après, son cinéma se radicalise, se singularise, s'approche au plus près de ses obsessions.

 


Quitte à filmer les hommes, cette fois-ci, il n'y a carrément plus de femme à l'horizon. À part l'apparition d'une mère maghrébine à la fenêtre d'un HLM au début, et une scène avec Aure Atika à la fin (chargée du coup d'incarner la féminité dans toutes ses acceptions, maîtresse, mère, complice, etc.), les plans ne comprendront que des hommes, des rôles principaux à la moindre silhouette. Quand on sait le procès en misogynie qui a fondu sur Gus Van Sant, sous prétexte que, dans Elephant, il aurait privilégié les garçons aux filles, on imagine les réactions offusquées qu’ont déclenché Morel avec ce parti pris de mise en scène.
Car non seulement il assume de ne filmer que des hommes, mais il assume aussi la façon très Têtu dont il les filme, les décors dans lesquels il les exhibe (salles de musculation, chambres dans la pénombre), ce qu'il leur fait faire (s'éclaircir le pubis plein cadre, barboter dans l'eau quasiment au ralenti – là, l'image de Jean-Max Bernard, qui statufiait déjà les corps des hommes dans Va mourire de Nicolas Boukhrief, frise les clichés de Bruce Weber). Certes, il y a une part d'observation sociologique dans ce qui est représenté ici (par exemple, un garçon qui veut se faire sauter dans une cave par une bande de zoulous a effectivement plus de chance d'y parvenir s'il met des porte-jarretelles et une perruque blonde...), mais ce qui bluffe surtout, c'est l'aplomb avec lequel Morel assume ces fantasmes, facilement honteux.

 

 


Outre cet homo-érotisme de presse spécialisée, il assume également un lyrisme presque mièvre, de la course en forêt de la première scène au vol en deltaplane final. Et si ça passe, c'est que son cinéma s'est déployé, a appris le sens de l'espace. À cet égard, on peut voir son film comme un western où, après tout, il n'y avait souvent guère plus de femmes qu'ici.
Comme dans de nombreux westerns également, le scénario articule une histoire de vengeance autour d'une fratrie. Trois frères comme autant de chapitres. D'abord le cadet, Marc (Nicolas Cazalé, déjà repéré dans Les Chemins de l'oued, précédent film de Gaël Morel), 22 ans, tout en rage, crâne rasé et regard tassé. Ensuite l'aîné, Christophe (Stéphane Rideau dans sa maturité post-sex-symbol), 26 ans, qui sort de prison bien déterminé à ne pas y retourner. Et enfin le benjamin, Olivier (le petit nouveau Thomas Dumerchez), 17 ans, qui entame tranquillement une histoire d'amour avec Hicham (Salim Kechiouche qui, comme Rideau, était déjà d'À toute vitesse).
Alors qu'il les avait évacués dans À toute vitesse, Gaël Morel soigne ici les adultes : Bruno Lochet en veuf tâchant de sauver ce qu'il peut de cohésion familiale, ou encore Jackie Berroyer, formidable en chef d'atelier choisissant son successeur et lui confiant son seul héritage, sa connaissance de l'entreprise.
Gaël Morel a pris le risque qu'on réduise son film à un délire homo ivre de virilité. Mais mieux vaut affirmer crânement ce qui aurait été de toute façon chuchoté. OK, Morel aime filmer les hommes. Mais le principal est ailleurs : il les filme bien.

 

 


L’avis de Romain Le Vern :
Avec François Ozon (première période) et Sébastien Lifshitz, Gaël Morel fait partie de ce jeune cinéma français gay qui parle le mieux de la sexualité ambiguë des jeunes mâles. Disciple émérite de Téchiné (esthétique, thématique), Morel a souvent signé des films prometteurs mais approximatifs (À toute vitesse, Premières neiges...). Or, dans Le Clan, les scories ne sont plus. On est d’emblée séduit par la rigueur d’un scénario épuré (coécrit avec Christophe Honoré), qui sait être grave sans surligner les scènes, poignant sans faire du chantage à l’émotion, dense sans faire d’esbroufe.
Le sujet ici n’est pas tant l’homosexualité que la vengeance sous toutes ses formes. Les personnages doivent se battre pour exister, sinon ils se font écraser par la société. Accessoirement, c’est une histoire de deuil où un père de famille est confronté seul à la détresse de ses fils et ne sait pas comment y répondre. On suit trois destins, trois itinéraires tortueux de trois frères fâchés avec la vie. Il est certain que le spectateur goûtera les personnages et les situations selon sa sensibilité. Mais il y a un fait qu’on ne peut pas enlever à Gaël Morel : c’est probablement le cinéaste actuel qui filme le mieux la féminité des hommes ; des gestes affectifs, des mots, des attitudes qui trahissent un mal-être, une fragilité sous un corps brut et insensible.

 

 


À la manière d’une série de courts métrages différents mais intrinsèquement liés, le film navigue dans tous les genres (la première histoire s’apparente au thriller ; la seconde à la chronique sociale ; la troisième est un hymne à la vie et à l’amour). Dans ses meilleurs moments, Morel parvient à faire de son récit un triptyque à la Amours chiennes, avec ce brio pour fureter dans divers registres sans s’éparpiller. Constituant la bande du cinéaste depuis ses débuts (Stéphane Rideau, Nicolas Cazalé...), les acteurs sont tous au diapason ; la mention spéciale allant à l’excellent Salim Kechiouche qui, des Amants criminels à Grande école, n’a cessé d’incarner un fantasme. A chaque fois, cet acteur subtil a su transcender le caractère tristement archétypal de ses personnages, en leur apportant une émotion réelle, palpable. Le feu intérieur qui scintille en lui illumine cette chronique noire et sensuelle, âpre et désenchantée sur le malheur du monde.

 

 


L’avis de Mat :
Le film de la maturité.
Après À toute vitesse et Les Chemins de l’Oued, Le Clan clôt une trilogie… Ce troisième film consacre son auteur de par la maturité prise et la direction artistique acquise.

Racontant le parcours de trois frères en l’espace d’une année dans les Alpes françaises, à Annecy, Morel a choisi de scinder son film en trois : trois personnalités, trois chapitres, trois styles narratifs propres à chaque histoires.

Pour Marc, le côté teen-age movie domine : sexe, drogue et rock’n’roll ! Nicolas Cazalé rasé à blanc s’imprègne d’un personnage en marge de la famille ne respectant ni le père ni le frère aîné qu’il ne reconnaît plus à sa sortie de prison. . Sa soif de vengeance envers ses ennemis le conduira au drame... Sous ses aspects de dur se cache un tendre qui souffre : la violence vient-elle de la souffrance ? Certainement si l’on en croit les scénaristes : il ne s’est jamais remis de la mort de sa mère... et cherche à venger la mort de son bébé chien...

Pour le personnage de Christophe, Morel nous plonge dans le film social. La réinsertion d’un ancien détenu, le changement de son comportement, le rapport à sa famille, à ses collègues... Stéphane Rideau prête son tempéramment qu’on lui connaît à un personnage en pleine reconstruction. Père de famille dans la vie privée, on sent qu’il cherche aussi à changer son image de jeune vaurien en homme de la stabilité et de la maturité.

La dernière partie est une lettre ouverte à l’amour façon mélo. Le jeune Olivier, timide, gentil, non-violent, réservé semble être le double de Gaël Morel, celui des Roseaux sauvages par exemple. Ce dernier couplet révèle l’histoire d’amour qui planait durant le film mais révèle aussi sa fin. Thomas Dumerchez campe un personnage fragile en quête de liberté. Et pour son premier rôle au cinéma, il se montre aussi doué que pour son premier vol en ULM !

Gravitant autour des ces trois personnages, Hicham, apporte beaucoup de fraîcheur. Danseur de Capoeïra, il est le trait d’union des trois frères. Le charisme de Salim Kechiouche, qui l’interprête, opère dès les premières images...

C’est un monde très masculin qui évolue dans le film, dévoilant l’homme dans pratiquement tous ses états. Les corps bruts, bronzés, mouillés, tatoués feront fantasmer les femmes comme les homos ! Le choix d’une musique jeune, rock, entraînante et originale est des plus réussis.

C’est donc un plaisir que de retrouver ce clan autour de Morel. Stéphane Rideau en est à sa 4e participation en tant que comédien sous la direction de Morel, Salilm Kechiouche 3e et Nicolas Cazalé 2e. Une équipe qui gagne. À suivre…

 


L’avis de Jonathan :
Bienvenue à Annecy où l'eau et les montagnes encerclent la ville. Dans ce décor propice au rêve et à l'évasion, la vie ne fait souvent pas de cadeaux aux gens qui y habitent. C'est le cas de la famille du film composée de trois garçons aux destins différents et croisés.
Il y a d'abord Marc(Nicolas Cazalé, tout rasé). Impulsif, toujours fourré dans les mauvais coups, ce garçon au sang chaud a du mal à composer avec la mort de sa mère. Alors il oublie en prenant de la drogue,en dealant, en passant du temps avec ses potes. Mais depuis quelques temps ses affaires de drogues lui posent problème et son vendeur a comme une envie de lui faire la peau.
Ensuite, il y a Christophe (Stéphane Rideau). L'aîné. Jadis il traînait et était lui aussi plongé dans de sales affaires. À un tel point qu'il a fini en prison. Il a purgé sa peine et a décidé que maintenant, il allait s'en sortir. En pleine recherche de stabilité il va tenter de reconstruire sa vie sur un meilleur modèle et essayer par la même occason de panser les blessures familiales qui l'entourent.
Enfin, il y a Olivier (Thomas Dumerchez). Le cadet. Lunaire, timide, il semble avoir du mal à devenir un homme. Il se cache dans les vestiaires, a peur de la façon dont les autres peuvent le percevoir. Cacherait-il un secret ? Olivier est le cœur fragile de la fratrie , celui dont le malaise se lit directement à travers un regard. 
À cette famille de sang, se rajoute Hicham (Salim Kechiouche). L'ami de Marc et de Christophe mais aussi celui qui tient un rôle à part dans la vie d'Olivier. Ce garçon qui fait de la Capoeira va subir son statut d'être rapporté.
Des destins tragiques dont on se relève, un désir d'évolution. Telle est l'histoire du clan de Gaël Morel.

 

 


Le Clan est un film très stylisé où la caméra se balade à la rencontre de l'homme. La masculinité y est montrée sous bien des formes et la sensualité est palpable dans bien des plans. Gaël Morel semble troublé face à tous ces corps qui suent et s'exhibent et nous fait partager cet érotisme au masculin. Le réalisateur se défend d'avoir voulu faire un film gay et préfèrerait désigner son œuvre comme « une fiction homophile ». D'accord avec lui. Car Le Clan ne se limite pas qu'à un casting de belles gueules talentueuses sublimement mises en lumière. C'est un film triple qui véhicule beaucoup d'émotions. En effet , Morel parvient à être à l'aise dans tous les différents registres que propose son long métrage scindé en trois (chaque segment correspond à un personnage et à un moment saisonnier). Avec Marc, il explore le teen movie et le drame familial pur. Cette première partie est la plus violente de toute et agit comme une claque, portée par la rage et le talent de Nicolas Cazalé. La deuxième partie qui met en avant le personnage de Stéphane Rideau relève du film social. Le désir de réinsertion d'un mec bien et l'espoir qu'à force de bosser, on finit par être récompensé. Une deuxième partie très réaliste (les seconds rôles sonnent plus vrais que vrai) et joliment optimiste. Enfin, la dernière partie est celle où les coeurs s'envolent. Il s'agit de celle du spleen adolescent, du premier amour qui n'a pas marché. Thomas Dumerchez y bouffe l'écran et la voix off de Salim Kechiouche nous promène vers une fin douce amère assez inoubliable.
Gaël Morel et Christophe Honoré sont de charmants conteurs d'histoire, Morel montre qu'il sait diablement bien réaliser. Comme l'eau , très présente durant tout le film (symbole de vie et de mort), son œuvre est tout en mouvements et nuances. Réflexion sur les liens de sang et de cœur, sur la place d'individus dans la société d'aujourd'hui, Le Clan nous fait chavirer et rend joyeusement mélancolique.

 

 


L’avis de Nathalie Bel Merabet :
Le Clan, ce sont trois frères, touchés par le décès de leur mère, trois frères qui s’aiment, se déchirent et tentent de trouver leur chemin. Sensuel et révolté.
Le film est découpé en trois parties ; chacune suit la trajectoire d’un des trois garçons.
Tout d’abord Marc (Nicolas Cazalé), jeune adulte d’une vingtaine d’années, tente de remplacer l’aîné de la famille, en prison au moment du décès de la mère, auprès de son jeune frère. C’est un révolté, un écorché vif. En rupture avec tout système, il traîne avec sa bande toute la journée, se drogue et entretient une sorte de culte de son corps.
Christophe (Stéphane Rideau), l’aîné, sort de sa période de détention avide de normalité et entreprend une réinsertion expresse, travail, compagne, tentatives pour retrouver une vie familiale plus stable.
Enfin Olivier (Thomas Dumerchez), l’adolescent, rongé par le chagrin, tente tant bien que mal de s’en sortir.
Le père, débordé, apparaît dans chaque séquence ; il n’a plus aucune autorité sur ses enfants et la famille part en vrille.
Gaël Morel réalise une sorte de « Fureur de vivre » à la française : vitesse, désœuvrement, exacerbation des sensations et des sentiments, la grâce et la sensualité en plus, beaucoup de sensualité.
Comme d’habitude, il use et abuse de longs plans sur les torses nus, bronzés et musclés de tous ces jeunes garçons ; sa caméra enveloppe ces corps en ébullition, de la crudité à la beauté, de la force brute (séances de musculation) à la légèreté (scènes de deltaplane et de capoeira). Aucune présence féminine dans le film, sinon l’image de la mère, avec un petit clin d’œil à l’Algérie, autre sujet récurrent dans le parcours de Morel, et l’apparition furtive de Aure Atika dans le rôle de la copine du frère aîné.
C’est, en quelque sorte, un « film de banlieue » transposé sur les rives du lac d’Annecy : profonde misère affective, règlements de compte, galères, noirceur qui contraste avec les paysages de montagne ensoleillés.
Ce n’est pas une œuvre qui marquera les annales du cinéma mais on y retrouve tous les thèmes chers au cœur du jeune réalisateur : apprentissage de la vie, de l’amour, les ruptures, l’homosexualité. À voir pour les interprètes et pour cette sensualité trouble qui émane du film.

Pour plus d’informations  :




Fiche technique :

Avec David Bowie, Tom Conti, Ryuichi Sakamoto, Takeshi Kitano, Jack Thompson, Johnny Okura et Alistair Browning. Réalisé par Nagisa Oshima. Scénario de Nagisa Oshima et Paul Mayersberg. Directeur de la photographie : Toichiro Narushima. Compositeur : Ryuichi Sakamoto.
Durée : 122 mn. Disponible en VO et VOST.

 

Résumé :
Java 1942. Pendant la seconde guerre mondiale, un camp de prisonniers. Des soldats anglais détenus par des soldats japonais. Le capitaine Yonoï (Ryuichi Sakamoto) dirige le camp, secondé par le sergent Gengo Hara (Takeshi Kitano). Le colonel John Lawrence (Tom Conti), anglais bilingue, joue l'intermédiaire entre les Japonais et les Anglais. Assistant au jugement du Major Jack Celliers (David Bowie), le capitaine Yonoï permet au major d'échapper à la peine de mort et de rester prisonnier au camp. À partir de là, un jeu d'oppositions et d'attirances. Une histoire d'amour et d'interdit. Une histoire humaine de codes à dépasser et transgresser, mené avec justesse par ce groupe d'acteurs.



L’avis d’Olivier Nicklaus :
Une relation homo SM comme emblème de la fascination réciproque entre les cultures européenne et nippone.

En 1983, David Bowie cartonne au hit-parade avec les tubesques « Let's Dance » et « China Girl ». Et au cinéma, c'est le carton aussi puisque après avoir joué au vampire avec Catherine Deneuve dans The Hunger (Les Prédateurs, réalisé par Tony Scott), il tourne sous la direction d'Oshima son meilleur rôle à ce jour, celui d'un prisonnier anglais d'un camp japonais en 1942 ("furyo" signifie "prisonnier de guerre" en japonais).
Peroxydé en jaune fluo, il roule une pelle à Ryuichi Sakamoto, alias Capitaine Yonoi, le chef du camp, devant tous ses hommes. C'est la scène clé de Furyo, présenté au Festival de Cannes en 1983, ultime film de folle, opposant deux pop stars (Sakamoto, qui signe également le hit d'ascenseur de la BO, est un peu l'équivalent nippon de Bowie) dans des joutes sado-maso. Pour Oshima, l'homosexualité symbolise la fascination réciproque entre les cultures européenne et nippone. Depuis Contes cruels de la jeunesse (1960) et surtout L'Empire des sens (1976), il n'a de cesse de secouer les mentalités bien-pensantes de ses compatriotes en auscultant les rapports entre pouvoir, sexe, crime et argent. Oshima ne filme pas l'homosexualité comme une tare mais la célèbre au contraire comme révélatrice de vérité, promesse de transgression, rêve de liberté.
Cela se vérifiera encore dans Tabou (1999), le dernier film qu'il a réalisé à ce jour, où, après l'armée, l'homosexualité démystifie un autre archétype japonais : l'élite virile des samouraïs.


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L’avis de Jean Yves :
L'EMPIRE DES HOMMES
L'univers carcéral en temps de guerre avait déjà suscité de nombreux longs-métrages (Le pont de la rivière Kwaï). Nagisa Oshima, après avoir lu, The Seed and The Sower de Sir Laurens Van der Post (1963), a décidé d'en faire un film et en a réussi une superbe adaptation.
Une histoire d'hommes, d'amitié virile (il n'y a aucun élément féminin) sublimée par la fascination des deux héros et la découverte de deux cultures : pour ce faire, le réalisateur, Nagisa Oshima a réuni deux stars très populaires, David Bowie, le major Jack Celliers, officier d'élite qui s'est rendu aux mains des Japonais, et Ryuichi Sakamoto, le capitaine Yonoï qui en fait son captif et tente de l'impressionner en prenant bien soin de ne rien laisser paraître derrière un faciès impassible.

Le film est axé sur la découverte et la crainte qu'éprouvent ces deux hommes pris au piège de la guerre, dans un lieu clos, le camp, propre à l'éclosion de tout sentiment. Le choc des cultures les sauvera-t-il d'un inextricable corridor dans lequel se sont enfermées leurs consciences, révélés l'un à l'autre par leur éducation et leur sens du devoir et des convenances ?


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David Bowie dresse un portrait inattendu d'officier franc-tireur, volontairement incarcéré et aux prises avec sa hargne, sa fougue et ses contradictions.
Face à lui, superbe officier nippon, figure maquillée des ornements guerriers, frondeur et téméraire dans la tradition samouraï, prêt au sacrifice final pour la survie de l'armée, le capitaine Yonoï, ange exterminateur sorti tout droit de l'œuvre de Mishima, abuse et profite de sa position pour l'accomplissement d'une lente et cruelle dualité sado-masochiste.
Oshima aborde aussi le tabou de l'homosexualité dans un film de guerre. Mis à part la première scène du film où l'on apprend la sodomisation d'un prisonnier hollandais, l'homosexualité est montrée à travers son expression "spirituelle" et verbale.
Yonoï admire beaucoup Celliers, avec une fascination homosexuelle – mais qui existe aussi entre les deux autres officiers (Lawrence et Hara) et se répercute sur les quatre personnages. Le schéma fondamental est le suivant : Lawrence représente un type d'esprit cartésien, logicien, face aux Japonais qui incarnent l'esprit absolument illogique, imprévisible, des divinités nippones. Celliers est à sa façon un autre élément illogique (à la façon occidentale) et qui, par son arrivée, déclenche de nouveaux "rapports".
Il ne faut pas manquer de souligner la remarquable interprétation du chanteur Ryuichi Sakamoto qui est le fondateur du groupe "Yellow Magie Orchestra".

Le film aurait mérité une palme d'or ainsi que des prix d'interprétation ; il en fut autrement…


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L’avis de Silasau:
Être ou ne pas être, telle est la question Major Celliers.
Le film prend pied à la limite où s'établissent les codes de la guerre, entre honneur du code et tabou. Suivant un travelling avant, on découvre dans les premiers plans du film une ronde de soldats japonais encerclant deux hommes étendus sur le sol. Pris dans ce cercle, un soldat coréen et un prisonnier hollandais. Premier rapprochement sino-européen où deux hommes différents sont liés par un acte sexuel qui ne leur est pas permis. Et le film joue toujours d'un éloignement entre les deux parties ; éloignement qui permet de poser la punition, l'humiliation, les réprimandes, la mort…
Une des premières discussions qui a lieu entre le sergent Hara et Lawrence à propos de l'homosexualité entre le coréen et l'hollandais montre le fossé entre Japonais et Anglais.

— Hara : Vous avez tous peur des pédés. Un samouraï n'en a pas peur !
— Lawrence : La guerre renforce l'amitié entre les hommes. Mais tous les soldats ne deviennent pas pédés.
— Hara : Vous n'êtes que des prisonniers. Pas des soldats. Vous n'avez aucune discipline. C'est pour ça que vous m'implorez. C'est honteux.
— Lawrence : Sergent Hara, je n'ai aucun motif de honte.



Un peu plus loin, Hara vient inspecter l'état de Jack Celliers en pleine nuit. S'engage à nouveau une discussion entre Hara et Lawrence. Apparaissent d'autres différences quand au fait d'être prisonnier et au suicide pour un japonais et un anglais.
— Hara : Lawrence, pourquoi voulez-vous vivre ? Je vous admirerais de vous tuer. Un si bon officier ! Comment acceptez-vous la honte sans vous tuer ? […] Je suis mort depuis l'âge de 17 ans. La veille de ma mobilisation, j'ai offert ma vie à l'Empereur. Moi, Gengo Hara, je suis déjà mort pour mon pays.
— Lawrence : Mais vous n'êtes pas mort, n'est-ce pas ?

Lawrence représente le personnage qui semble comprendre les Japonais. C'est ce que ceux-ci lui laisse croire jusqu'à ce qu'il ne saisisse plus leur comportement. Va et vient, entre le désir de la relation et la séparation. Quand Lawrence va voir Yonoï qui s'entraîne au sabre pour lui demander d'arrêter son entraînement qui gène les malades (simulacre de provocation de la part de Yonoï à l'encontre de Celliers), au moment où Lawrence et Yonoï semblent s'accorder d'une discussion sur des souvenirs communs au Japon, le passé de Yonoï ressurgit avec ses devoirs. Il prépare aussitôt l'exécution du soldat coréen.
Et la rupture s'établit lorsque, devant l'autel où Hara officie au rite funéraire du soldat qui s'est suicidé de n'avoir pas pu tuer Celliers, Yonoï expose le jeu de mort et de vie qui s'établit sur l'ordre du crime à la punition, accusant Lawrence de l'introduction de la radio dans le camp.

— Lawrence : Je comprends… Je dois mourir pour votre sens de l'ordre.
— Yonoï : Vous avez compris, Lawrence. Vous devez mourir pour moi.
— Lawrence : J'ai compris. Mais je ne mourrai pas pour vous ! […]
— Lawrence : " Ce sont vos dieux. Vos sales dieux puants ! Ils ont fait de vous ce que vous êtes. Qu'ils retournent dans leur enfer pourri !

Dans cette première étape du film, Lawrence apparaît ne pas pouvoir aller plus loin. Son désir d'acceptation, de communication semble ne pas pouvoir être résolu.
Lawrence : C'est une nation d'anxieux. Ils ne pouvaient rien faire individuellement. Alors ils sont devenus fous, collectivement.
Avant de reprendre :
 Lawrence : Je ne veux haïr aucun Japonais en particulier.


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Lawrence est donc le personnage qui possède le plus de compassion envers les Japonais et qui cherche à les rejoindre, si ce n'est dans leur logique, au moins les retrouver sur un plan humain. Ce que Lawrence n'attend plus se passe lorsque Hara, saoul, libère Lawrence et Jack et leur souhaite un joyeux noël. Moment d'échange, quand l'alcool libère des inhibitions. Mais, là où la relation s'arrête entre le sergent Hara et Lawrence, Celliers va plus loin dans sa relation avec Yonoï. Si Lawrence s'arrête aux codes de l'amitié, Celliers dépasse la raison pour accéder à l'amour.
Ce rapprochement entre Yonoï et Celliers s'opère dès leur entrevue dans le palais de justice, où le travelling accompagné de la musique opère le premier lien.

Celliers est le personnage en quête, qui récupère autrement ce qu'il a perdu avec son frère. Il s'offre en martyr de n'avoir pu ou plutôt de n'avoir voulu protéger son frère. Élément qui reconduit les codes et les rites, où Celliers déforme les choses pour mieux les embrasser. Dans son jeu des dernières volontés, lorsque deux gardes viennent le chercher dans sa cellule pour son exécution, il se joue de codes qu'il a eut le temps de haïr depuis la période où son frère a été bizuté.
Dans le passage où Jack se remémore son enfance et celle de son frère, on découvre l'existence de codes différents où les lois qui régissent la vie sociale anglaise, de l'enfance à l'adolescence et qui préparent donc à l'âge adulte, semblent d'une certaine façon aussi dures. La volonté de faire souffrir son frère, trop affable, est très bien exprimée lorsque Celliers se tient au sommet d'un escalier, dans un plan large. Son frère se trouve alors soulevé du sol par ses "camarades" d'école. Après une ellipse, la caméra zoom en arrière, depuis le lieu vide où s'est passé le bizutage pour aller retrouver Jack qui n'a pas bougé. Son frère se trouve à ses côtés mais son visage a changé. Entre ces deux plans, dans la durée de l'ellipse : la séparation, la trahison.
Pour revenir à la relation centrale du film, entre Celliers et Yonoï, personnages androgynes joués magnifiquement par David Bowie et Ryuichi Sakamoto (Sakamoto, d'autre part compositeur de la superbe musique du film), il est intéressant de voir la façon qu'a eu Oshima de filmer ces êtres, souvent dans des travellings ou zooms lors de moments d'introspections. Mouvance intérieure qui ressort sur la vision omnisciente de la caméra. Lorsque que Celliers arrive au camp, le cadre associe un mouvement avant composé de la concordance entre un travelling et un zoom qui font disparaître les barbelés. La caméra traverse bel et bien les barbelés amenant Celliers à être l'élément libérateur, la semence qui profite à tous dont parle Lawrence à la fin du film. L'électron libre de la fable.
Ainsi, un jeu de provocation, d'observation entre Yonoï et Celliers va avoir lieu. Déjà pressenti par la fausse exécution de Celliers où Yonoï apparaît dans le cadre juste après les coups de feux à blanc. Premier hommage au couple dans un fondu au noir.


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Trois grandes étapes vont unir le couple. Mouvement subversif à trois temps vers un amour impossible, si le personnage joué par Bowie est si beau, c'est parce qu'il est déjà mort, ce qui lui permet des changements de règles. Celliers – Yonoï, le renversement des codes, par la transgression de Celliers puis de Yonoï.
1) Lors de la distribution de fleurs pendant le gyo, Celliers est l'élément commémoratif par rapport à la mort et celui qui transgresse l'interdit de ne ni boire ni manger pendant deux jours. Se faisant attraper en train de manger une fleur, il fait mine de l'offrir à Yonoï avant de la manger.
2)
Lorsque Celliers essaye de s'échapper avec Lawrence, Yonoï les surprend et recherche l'affrontement, seule échappatoire possible par rapport à sa moralité. Comme tout soldat japonais, on doit mourir par la bataille, hors Jack Celliers refuse de l'affronter et plante son couteau en affront dans le sol, ce qui perturbe encore plus Yonoï.
3)
Apogée de la relation ambigu entre Celliers et Yonoï, lorsque le capitaine va trancher la tête de l'officier qui dirige le groupe anglais, Jack s'avance vers Yonoï dans un instant où le temps semble s'être arrêté. Il l'agrippe et l'embrasse sur les deux joues. Images saccadées, mouvement fraternel et plus, message d'adieu et d'amour.


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À partir de là, le film rassemble les pardons des personnages qui gravitent autour de Jack. Il retrouve son frère en rêve qui l'excuse. Yonoï revient de nuit chercher une touffe de cheveux pour le commérer sur son autel. Tout un processus respectueux, que ce soit entre Jack et son frère ou Jack et Yonoï, qui s'établit dans un temps humain, où chaque personnage appose ses mouvements dans un temps d'observation de l'autre. Mais ici, pas question de recherche puisque les réponses sont déjà posées, et l'esprit (papillon blanc) de Celliers déjà prêt.
JAVA 1946. Quatre ans plus tard. La guerre est finie et Lawrence rend visite au sergent Hara en prison. Ici, les rôles s'inversent, et la compassion de Lawrence n'a fait qu'augmenter.

Lawrence : Vous êtes victimes d'hommes qui croient avoir raison, tout comme autrefois, vous et la capitaine Yonoï étiez convaincus d'avoir raison. En vérité, bien sûr, personne n'a raison.
Le film commence et finit avec Lawrence et Hara. Le premier et le dernier plan du film mettent en scène Hara. Entre ces deux points, un gouffre énorme puisque le film commence par des rapports de soldats pour finir sur des rapports d'êtres humains. Fin du film sur un échange entre deux hommes. Deux cultures. Un brin de compréhension. Où Lawrence est le porteur de cette semence laissée par Celliers à ses semblables. L'amitié. L'amour.
« Comme si, Celliers, par sa mort, avait semé une semence dont la croissance nous profite à tous. »

« Merry Christmas! Merry Christmas, Mr. Lawrence. »
Pour plus d’informations :

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Fiche technique :
Avec Deborah Kerr, John Kerr, Leif Erickson, Edward Andrews, Darryl Hickman, Norma Crane, Dean Jones, Jacqueline deWit, Tom Laughlin, Ralph Votrian, Steven Terrell et Kip King. Réalisation : Vincente Minnelli. Scénario : Robert Anderson, d’après sa pièce de théâtre. Directeur de la photographie : John Alton. Monteur : Ferris Webster. Compositeur : Adolph Deutsch.
Durée : 122 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :
Jeune homme délicat préfèrant la poésie au sport, Tom est l'objet des moqueries de ses camarades, qui ne le jugent pas assez viril. Il trouve du réconfort auprès de Laura Reynolds, l'épouse de son professeur de sport.


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L’avis d’Olivier Nicklaus :
Dans un collège américain des années 50, difficile d'être un homo ou une femme indépendante. Minnelli lorgne du côté de Douglas Sirk, voire de Tennessee Williams.
On n'est plus du tout dans le registre de comédie sophistiquée jusqu'au burlesque de La Femme modèle. Ici, la ligne serait plutôt celle de Douglas Sirk, le drame étouffé. Tom, un étudiant effacé et manifestement homosexuel, se lie avec Laura Reynolds, la femme de son professeur de sport. Laura, troublée, quittera son mari qui ne s'en remettra pas. Racontée comme ça, ça paraît peu crédible, mais c'est paradoxalement la force du film que de montrer que les sentiments sont parfois plus complexes que les stéréotypes.


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De quoi valoir à Thé et sympathie un certain ostracisme de la part des milieux gays militants, qui y lire un éloge de la normalité, une victoire de l'hétérosexualité sur l'homosexualité. Alors qu'au contraire, le sujet du film est l'ostracisme dont sont victimes Tom Lee ET Laura Reynolds, leur statut minoritaire au sein de ce lycée oppressant. A cet égard, le choix de Minnelli de réduire l'action à quelques lieux seulement (la chambre de Tom, le salon de Laura) n'est pas une faiblesse ramenant le film à sa dimension théâtrale, mais au contraire un choix de mise en scène concerté pour bien souligner l'univers étriqué – au propre comme au figuré – dans lequel évoluent Tom et Laura.


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Bref, le film est tenu. D'aucuns diront ténu. Ce n'est pas l'un des grands Minnelli. Mais ça vaut largement certaines adaptations pompières de Tennessee Williams invariablement portées aux nues.


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L’avis du Ciné Club de Caen :
De caractère sensible et doux, Tom Lee est l'objet du mépris de ses camarades de collège qui le traitent d'efféminé car il préfère la musique et la peinture au base-ball. La seule amitié qu'il rencontre est celle de Laura, la femme du directeur, Bill Reynolds. Incomprise par son mari brutal, Laura se rapproche chaque jour davantage du jeune homme avec lequel elle partage le goût des belles choses. Bill, quant à lui, montre envers son élève une hostilité accrue par le trouble de ses propres sentiments.


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À la suite d'une violente dispute avec son père et d'une visite catastrophique chez Ellie Martin, la prostituée du lieu, Tom tente de se suicider. Laura le sauve de justesse. Cette tension extrême les jette dans les bras l'un de l'autre; et Tom devient l'amant de Laura, se prouvant ainsi sa virilité. Tom retrouve son équilibre physique et moral et sa confiance en soi, tandis que Laura, consciente d'avoir brisé son foyer, disparaît. Bien des années plus tard, lors d'une réunion d'anciens élèves, Tom apprendra l'ultime sacrifice de sa seule amie.
Pour plus d’informations :


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Fiche technique :
Avec Eusobio Poncela, Carmen Maura, Antonia Banderas, Miguel Molina, Fernando Guillen, Manuela Velasco, Nacho Martinez, Bibiana Fernandez et Helga Liné. Réalisé par Pedro Almodovar. Scénario : Pedro Almodovar. Directeur de la photographie : Angel Luis Fernandez. Compositeur : Pedro Almodovar, Bernardo Bonezzi et Angel Luis Fernandez.
Durée : 100 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :
Madrid. Pablo Quintero (Eusebio Poncela) est un cinéaste célèbre et homosexuel. Son amant, Juan (Miguel Molina) le quitte. Il se console avec un jeune homme fou de lui et très jaloux, Antonio (Antonio Banderas). Parallèlement, Pablo commence à écrire son nouveau film, inspiré de la vie de sa sœur Tina (Camen Maura) qui fut autrefois un homme… Antonio paraît de plus en plus jaloux, de plus en plus fou… Le drame couve…


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L'avis de Philippe Serve :
Fol Amour
Le film commence très fort par une longue scène qui donne le ton : un jeune homme se déshabille dans une chambre, puis se masturbe sur le lit jusqu'à la jouissance sous les injonctions d'une voix d'homme… Mais Pedro Almodovar n'est pas genre à faire du « cinéma homo » à la manière de Fassbinder, Gus van Sant ou quelques cinéastes du « jeune cinéma français » (ou moins jeune, tel André Téchiné ou Patrice Chéreau) qui semblent avoir bien du mal à parler de ce « monde » sans sombrer trop vite et avec trop de complaisance dans le sordide et le glauque (le triptyque violence-dope-maladie)… Même si la réalité montrée ici n'est pas franchement gaie, elle reste très gay et finalement presque gaie… Car tout baigne dans une exagération et même parfois un grotesque que le cinéaste de la Movida  a toujours su (enfin presque…) maîtriser.


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Une dizaine d'années seulement après la mort du « caudillo » Franco et ses presque 40 ans de dictature fasciste, Almodovar explose le carcan de la morale bourgeoise, catholique, coincée et rigide de la société espagnole avec son sixième « vrai » film, réalisé entre Matador et Femmes au bord de la crise de nerfs.
On imagine quel effet purent produire certaines scènes telle que celle où Antonio Banderas (pas encore le tombeur de ces dames…) se fait sodomiser pour la première fois !


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Provocateur, Almodovar ? Oui bien sûr, mais toujours avec tranquillité, avec une évidence que les excès ne remettent jamais en question. Et puis il y a aussi cette volonté de ne pas chercher à prouver, à démontrer, seulement celle de raconter une/des histoire(s). Et même si ces dernières empruntent au mieux avec le mélo flamboyant (Talons aiguilles, Tout sur ma mère) ou retenu (Parle avec elle) et au pire avec le roman-photo, son constant mélange des genres (comédie/mélo) emporte le morceau. Les sentiments sont exacerbés et on s'aime comme on s'engueule: avec passion et exagération…


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En fait, là où Almodovar réussit parfaitement son coup est de montrer que le monde des relations homosexuelles est régi par les mêmes lois que celles régnant entre hétéros. Remplacez la moitié des hommes par des femmes et vous obtiendrez un mélodrame « normal ». Finalement, quelle meilleure façon de prêcher la tolérance et le refus du rejet pour « anormalité » ?
Almodovar nous gratifie dans sa mise en scène très fluide, très efficace, toujours au service d'un récit d'une grande clarté, de quelques superbes gros plans : ceux sur la machine à écrire, ou sur les lunettes noires de Pablo cachant ses yeux et d'où coule une larme. Puis, les lunettes ôtées, la parfaite fusion par superposition des yeux et de deux roues de voitures. Superbe…


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Carmen Maura, l'actrice fétiche de Pedro Almodovar, donne une interprétation remarquable de Tina, ne tombant jamais dans le piège de la « folle » de service. Son jeu dans la scène de l'hôpital, au mélo improbable, où elle raconte à son frère devenu amnésique qui elle est vraiment et son amour fou pour son propre père (pour qui elle avait changé de sexe) est en tout point sublime et poignant. L'étrange blancheur de son visage (caractéristique souvent présente chez les transsexuels) rend son interprétation plus sensible encore…


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Almodovar reprendra l'idée d'une actrice (donc d'une femme) jouant un homme devenu femme dans Tout sur ma mère
À noter, comme dans tous les films du cinéaste ibère, une superbe bande musicale…
Un film à (re)découvrir !


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L'avis de Samuel Minne :
« Siéntate y vete desnudando » : assieds-toi et déshabille-toi petit à petit. Un jeune garçon bien découplé se masturbe à l’injonction d’un homme plus âgé qu’on ne voit pas, qui se confond avec nous, spectateurs. C’est sur une scène de plaisir voyeuriste que s’ouvre La Loi du désir, sous les augures annonciateurs du plaisir commandé et tarifé, d’un désir distancié fondé sur le regard, la parole et l’intellect. Mais Almodóvar met en abyme cette métaphore éculée du cinéma : il s’agit d’un film dans le film, réalisé par un cinéaste à la gloire naissante, Pablo Quintero. Il drague, se drogue, comme tout artiste de la Movida qui se respecte, et Eusebio Poncela campe un double altier et désinvolte d’Almodóvar lui-même (qui fait d’ailleurs une courte apparition). C’est l’occasion rêvée de se moquer des milieux à la mode, du titre du film (Le Paradigme de la moule…) aux conversations avec les fans qui classent leurs films préférés du réalisateur.


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Pablo est aussi un homme amoureux, mais son amant Juan retourne à la province sans beaucoup d’état d’âme. Papillon volage, Pablo va vite tomber dans les rets séduisants d’un fan transi. Jeune et fougueux, Antonio, interprété de façon très charnelle par un Antonio Banderas nerveux et sensuel, est fasciné par son idole, et bien qu’il se définisse comme hétérosexuel, va se servir de son pouvoir d’attraction sexuelle et des goûts du réalisateur pour s’immiscer dans sa vie. Pablo ne s’en rend pas tout de suite compte, mais Antonio devient de plus en plus exclusif, jaloux, tyrannique. Un « Mouvement » de Stravinski vont alors instiller l’angoisse.


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Sur le thème de « Ne me quitte pas », qui scande le film, de la dernière nuit de Juan et Pablo à la musique du film qu’il commence à tourner, mais aussi sur « Lo dudo » de Navarro, La Loi du désir aborde le douloureux sujet de l’amour non partagé et de la rupture amoureuse, impossible à accepter, qui ne cicatrise pas. Le film de Pablo est d’ailleurs une adaptation de La Voix humaine, une pièce de Cocteau dédiée au même sujet, monologue téléphonique superbement mis en musique par Poulenc. La sœur de Pablo, Tina, semble le personnage emblématique de l’abandon amoureux. Depuis la trahison du père Constantín, le prêtre qui l’a séduite quand elle était encore un petit garçon, au départ de son amante mannequin, qui lui laisse sa fille Ada, en pleine crise de catholicisme, qui ne rêve que de sa première communion, Tina est le symbole des femmes abandonnées. C’est dans doute pour cela que son frère la choisit pour jouer le rôle unique de son film. S’amorce alors une réflexion, sous forme de dispute, sur le droit des artistes à s’inspirer de leur entourage plutôt que de leur vie pour créer, problème qui est au cœur des films d’Almodóvar. Le tableau d’un bar de nuit d’Edward Hopper vient redire la solitude des personnages. Tina anticipe aussi l’apparition des lesbotrans parmi les minorités sexuelles, et Carmen Maura parvient à l’incarner de manière crédible, tandis que c’est une actrice transsexuelle, Bibi Andersen, qui joue le rôle de sa compagne, en beauté parfaite aux réparties assez « camp ».


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La Loi du désir est le film où le réalisateur espagnol aborde de la manière la plus frontale le sujet de l’homosexualité masculine, de manière extrêmement audacieuse pour l’époque (1986), ce qui nous vaut de rares et magnifiques images de tendresse entre hommes. Le film traite surtout le sujet bien avant La Mala Educación, qui semble d’ailleurs en être le remake retravaillé et sophistiqué, Fele Martínez et Gael García Bernal prenant la relève d’Eusebio Poncela et Antonio Banderas. La sœur a disparu, mais son histoire est devenue l’histoire commune d’un futur réalisateur et de son amour d’enfance, qui revient sous le visage d’un imposteur. Il ne s’agit pas d’imposture dans La Loi du désir, mais bien de la loi inexorable du désir qui ne se commande pas, du drame de l’amour fou, qui s’attise jusqu’au flamboiement final.
Pour plus d’informations :

 



Fiche technique :
Avec Mohamed Hicham, Hammou Graïa, Isabelle Pichaud, Aurélien Recoing, Olivier Rabourdin et Lincinio Da Silva. Réalisé par Amal Bedjaoui. Scénario de Amal Bedjaoui et Isabelle Pichaud. Produit par Amal Bedjaoui. Directeur de la photographie : Nara Kéo Kosal. Compositeur : Matthieu Charter.
Durée : 58 mn. Disponible en VF.




Résumé (dos du dvd) :
Selim, jeune homme à la dérive, mène une double vie. La nuit, il se prostitue dans des clubs avec son amie Louise. Le dimanche, il déjeune en tête-à-tête avec son père Omar qui vit enfermer dans le deuil de sa femme. Depuis, la relation de Selim avec son père s’est construite sur le mensonge et le secret. De longs silences s’installent entre eux et toutes les tentatives de Selim pour se rapprocher de son père échouent. Ils passent l’un à côté de l’autre sans parvenir à se rencontrer. Seul le destin les rapprochera…


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L'avis de Samuel M. :
Un fils est un coup de poing dont on ressort ébranlé. Ce film court, concentré autour de son projet, se révèle remarquablement profond et dense. Il débute dans la salle de bain d’un hôtel, exposant sans fard le quotidien ingrat de Selim, qui se prostitue en compagnie d’une amie. De ses week-end chez son père enfermé dans un deuil mutique, sourd l’impossibilité de communiquer. Un enchaînement d’erreurs, d’échecs et de violence place les spectateurs face au drame. Après cette mort qui nous laisse désemparés, l’accumulation de tout ce qui a pu pousser Selim à ce geste ultime apparaît : précarité et stigmates attachés à la prostitution, incommunicabilité avec le père, histoire d’amour refusée par le père de famille dont il s’est épris, agression...


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Alors que l’insupportable a déjà eu lieu, on suit le chemin du père, placé devant une mort incompréhensible et devant le mystère insondable de la vie du fils. Les découvertes du père mettent terriblement en accusation le silence qui mène à un tel désastre. L’humanité des personnages et le talent des interprètes sont pour beaucoup dans la réussite d’un film difficile à oublier.


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L'avis de Jean Yves :
Le titre en dit peu. Le film est à cette image, très pudique. Amal Bedjaoui, réalisatrice et productrice d’origine algérienne, traite sans aucun pathos des relations entre un fils et son père qui n’arrive pas à se parler.
« Qu’est-ce qu’un père peut attendre d’un fils ? » est la question sous-jacente et lancinante qui émerge malgré les silences du père. Un père peut-il dire à son fils sa désapprobation et sa déception ? Un fils, même très soucieux, à l’image de Selim, peut-il avoir d’autre choix que de paraître léger face à son père ?
Ce que je trouve d’admirable dans ce film d’à peine une heure, c’est de nous faire sentir, combien une relation familiale peut ressembler à celle de deux étrangers.


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En choisissant de traiter ce sujet dans une famille musulmane d’origine algérienne, la réalisatrice a aussi pris soin de briser tous les clichés et de ne stigmatiser aucun personnage : Omar, le père, ne travaille pas dans le bâtiment comme on pourrait si attendre, il ne vit pas dans un appartement "marqué" dans sa décoration par ses origines ; Selim, le fils, qui se prostitue n’a aucune perversion ni aucun cynisme, bien au contraire, il est littéralement démoli quand son dernier client, Max, qui pourrait être son père, lui dit qu’il ne souhaite plus le revoir ; Louise, la femme, avec qui il se prostitue, a le double de son âge.
J’ai aimé cette importance du destin, du hasard qui fait qu’une vie va dans un sens ou dans un autre sans que le personnage ait vraiment prise dessus : Selim vole un sachet de drogue chez son dernier client sans savoir ce qu’il va en faire…


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Qui est responsable de la mort de Selim ? Le père enfermé dans son silence ? Le client qui ne lui a pas apporté l’affection qu’il recherchait ? Le client qui laisse traîner un sachet de drogue ? Les jeunes homophobes qui le tabassent dans la nuit ? Louise pour une raison que le film laisse difficilement apparaître ?
Selim est particulièrement touchant quand il découpe, avant l’arrivée de son père, le gâteau d’anniversaire qu’il lui a réservé. On sent toute sa part de rêve, d’espérance qu’il met dans cet acte jusqu’au moment de le servir. Le père est, sans doute, touché mais il ne le montre pas, il le dit à peine et n’a aucun geste de tendresse envers son fils. Le rêve est terminé.


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On sent que tout a été filmé avec une grande économie de moyens. Les données visuelles de ce film (tenues vestimentaires, décors…) sont au service des sentiments que les personnages éprouvent : à sa dernière visite chez Max, Selim porte non plus son tee-shirt rouge à paillettes mais le pull qu’il met d’habitude chez son père, ce qui ouvre une multitude d’interprétations sur la relation qu’il rêvait d’avoir avec cet homme. Le cimetière musulman, à la fin du film, un terrain vague perdu dans une sorte de zone industrielle, résume la « violence » intérieure des relations et la profonde solitude de chacun.
Pour plus d’informations :

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Fiche technique :
Avec Jean-Marc Barr, Flavio Albanese, Roberto Citran, Thomas Kretschmann et Massimo Dapporto. Réalisation : Massimo Spano. Scénario : Claudio Lizza & Massimo Spano. Directeur de la photographie : Bruno Cascio. Compositeur : Pino Donaggio.
Durée : 106 mn. Disponible en VO et VF.

Extrait du film,
cliquez ici.

Résumé :
Saro débute son service militaire à 20 ans dans les troupes aéroportées. Naïf et insouciant, il s’amuse de tout, surtout avec son ami le sergent Gianni, que l’on devine attiré par lui. Mais un soir, leur soirée tourne au cauchemar. Alors que Gianni l’emmène découvrir l’envers du décor, là où il arrondit ses fin de mois : un quartier sordide où il fait le tapin. Choqué, Saro s’enfuit et monte dans la voiture d’un inconnu, pensant qu’il le ramènerait chez lui. Seulement, l’individu avait évidemment autre chose en tête, et il n’était pas seul. Ils vont violer le jeune soldat après l’avoir durement frappé. Le complice et violeur à l’arrière n’est autre que l’officier supérieur de Saro : son capitaine, Roatta.
Saro engage une bataille juridique que Roatta, fort de son grade, considère comme gagnée d’avance. Et les belles institutions militaires le défendent en effet sans états d’âme…

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L'avis de Kriss :
Avec l’image de Yossi & Jagger en tête, je m’apprêtais à voir une nouvelle belle histoire d’amour entre deux soldats, certes dramatique, mais pas aussi sordide que ce que le réalisateur nous propose ici.
Aborder la prostitution et le viol est toujours un sujet complexe ; Roatta et son complice sont présentés ici comme des monstres (l’un sadique envers son régiment, et violent avec sa future femme ; l’autre alcoolique, violent avec sa famille, escroc et magouilleur) comme si l’acte de viol n’était pas suffisant en lui-même et qu’il fallait surenchérir. L’acte en lui-même ne devient alors qu’un parmi d’autres et perd de sa portée dans l’intrigue du film.
Cependant, au delà l’acte, il s’agit ici de nous montrer les effets pervers de "La Grande Muette", on préfère croire en l’innocence du capitaine que les propos de Saro, de crainte de porter atteinte à l’image militaire. Les pressions subies par Gianni pour ne pas corroborer les faits relatés par son ami illustrent bien la volonté de l’armée de garder en son sein tout secret qui pourrait salir sa réputation.
Bien sûr, nous sommes dans un film, certes dramatique, donc tout se terminera bien, la justice sera faite, d’une manière ou d’une autre. Mais dans la réalité, combien d’histoires de ce genre n’ont pas quitté les murs des casernes ? Ce film n’est pas un grand film, mais il nous rappelle que nous devons avoir une vigilance de tous les instants…

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L'avis de Christel Taillibert :
Avec Mon capitaine, un homme d'honneur, le cinéma italien apporte lui aussi sa contribution à la vague de films consacrés à l'homosexualité qui déferlent sur nos écrans avec plus ou moins de bonheur. Cette tentative n'est malheureusement pas des plus heureuses et ne contribue certainement pas à lutter contre les préjugés qui circulent encore en la matière. C'est en effet un tableau particulièrement sordide et malsain que nous trace Massimo Spano dans ce film. L'histoire est celle de Saro, un jeune homme qui, pour effectuer son service militaire, a choisi d'incorporer une unité d'élite : le Bataillon des troupes aéroportées. Celui-ci se lie d'amitié avec son sergent, Gianni, lequel ne cache pas son attirance pour les hommes en général, et pour le jeune garçon en particulier. Le drame survient lorsque Saro se fait violer par le Capitaine de son régiment, Roatta (Jean-Marc Barr), qui terrorise le régiment tout entier de ses brimades sadiques. Saro décide alors de braver la loi du silence que semble lui imposer le statut intouchable de son tortionnaire, ce qui sera pour lui une véritable traversée du désert.

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Cette intrigue qui aurait pu donner lieu à une analyse des conflits qui opposent l'individu au respect de la hiérarchie est malheureusement traitée par Massimo Spano de façon proprement imbuvable. C'est tout d'abord d'une complaisance un peu trop insistante pour les images de filles à moitié nues, de travestis et transexuels, jusqu'aux scènes de sexe filmées avec une lourdeur inégalée. C'est ensuite une série de portraits stéréotypés totalement irrecevables : pas de confusion des rôles possible dans ce film, la frontière qui sépare les bons des méchants est marquée au feutre rouge... Entre le Capitaine Roatta, pervers cynique qui profite de son pouvoir pour abuser des jeunes appelés et son acolyte qui frappe sa femme et ruine l'entreprise familiale pour mieux laisser cours à ses pulsions homosexuelles et pédophiles, difficile de croire en ces réincarnations de Satan sur terre...
Les tentatives de justification de la pratique homosexuelle dans l'armée en rapport avec l'héritage de la tradition spartiate fait proprement pitié et contribue encore à éloigner ce film de la réalité de l'homosexualité. Somme toute, et pour faire dans l'euphémisme, ces personnages tracés à gros coups de crayon n'ont plus grand chose d'humain qui puisse susciter l'intérêt du spectateur pour leur histoire. La caricature caractérise ce film jusqu'à la scène finale où le Capitaine Roatta se suicide en plein tribunal, alors que la justice s'apprête à le condamner...
Pour plus d'informations :
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Fiche technique :

Avec Gonzalo Heredia, Diego Trerotola, Gregory Dayton, Moro Anghileri, Rafael Ferro, Dario Tripicchio, Susana Varela, Roman Chaploski et Jana Bokova. Réalisé par Edgardo Cozarinsky. Scénario : Edgardo Cozarinsky. Directeur de la photographie : Javier Miguelez. Compositeur : Carlos Franzetti.
Durée : 80 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Buenos Aires, la nuit.
Victor, à peine sorti de l’adolescence, déambule dans les rues de son quartier.
Protégé par un inspecteur de police, il partage son temps entre le racolage, la drague dans les saunas de luxe et les soirées privées. Sa soif de découvertes et d'expériences le conduit à côtoyer la lisière des deux mondes.


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L’avis du
Dr Orloff :
Cette note sera plus courte qu’à l’accoutumée car je vous confesse humblement que je n’ai strictement rien à dire de ce film. Rares sont les films dont je me souvienne si peu après 24 heures (même pas !) de digestion. Et comme je ne connais aucun des autres films de l’argentin Cozarinsky, je ne peux même pas me raccrocher aux filets de sécurité que les critiques emploient dans ces moments-là (thèmes récurrents, parenté avec les œuvres précédentes…)


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Buenos-Aires, en ce début de 21e siècle. Un jeune homme erre dans la nuit, vend de la drogue pour subsister et parfois même son corps. La caméra de Cozarinsky suit ses traces à travers ce monde interlope et nocturne et dresse un tableau assez réaliste des bas-fonds et de la pauvreté de cette grande métropole. À la mi-parcours, le réalisme cède un peu ses droits à la fable : notre prostitué est témoin d’une tentative de meurtre et voit resurgir des êtres de son passé. Des scènes semblent se répéter (ô Borges !) et former des boucles…


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La seule idée qui me soit venue en découvrant ce film, c’est qu’à l’instar du très médiocre Dancing, Ronde de nuit et son tournage en DV ne fait mine d’emprunter le chemin du fantastique que pour masquer sa vraie nature : un naturalisme sordide et étriqué.

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Mille fois, nous les avons vu ces étreintes entre hommes dans des décors glauques ! Mille fois cet éternel ballet des prostitué(e)s minables, des enfants des rues et des trafics de drogue dans des chiottes publiques. Cozarinsky reste à la surface des choses, se montre incapable de donner un peu de chair à ces silhouettes ectoplasmiques auxquelles le spectateur aura bien du mal à s’attacher. C’est du naturalisme creux, sans la moindre idée de mise en scène ni vision, qui pense pouvoir porter un regard sur le monde en se contentant de laisser tourner la caméra.


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Sur la fin, le côté un brin fantasmagorique produit deux ou trois jolis plans éthérés mais qui ne suffiront pas à nous secouer de la torpeur qui nous tombe dessus dès les premières minutes.
Aucun intérêt !

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L'avis de
Patrick Antoine :
Ce n'est pas un film, ce n'est pas un documentaire, ce n'est rien. Ça commence la nuit, ça s'achève au petit matin. Entre les deux, les tribulations d'un jeune homme dans Buenos Aires, mi-dealer mi-prostitué, ses errances sur le trottoir, au sauna, dans une soirée privée, ses rencontres nocturnes, tout et rien, même un cours de taï-chi-chuan dans la rue. Quand le générique de fin apparaît on ne sait pas si on est surpris que ce soit la fin ou si on est soulagé que ce soit enfin fini.

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L’avis de Niklas :
À Buenos Aires, la virée nocturne de Victor jeune prostitué qui vend aussi de la drogue et qui se sent un petit peu suivi...


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After Hours à Buenos Aires par Edgardo Cozarinsky.
Ok, j'avoue, quand j'ai vu la bande annonce lundi dernier, j'ai eu un léger revival Happy Togetheresque. « Quoi un film de pd, qui se passe à Buenos Aires ? La nuit en plus ? Que j'ai même pas besoin de payer une place MK2 puisque c'est diffusé chez UGC ? et dont le héros a tout pour plaire à mes petits yeux de cinéphage maladif pour cause de chômage passager ? Mais il faut aller voir ça, et surtout y aller tout seul, en juif, ne le partager avec personne ! Gnark ! »
Alors voilà, on suit le parcours de Victor, jeune Gabriel Garcia Bernal local, beau gosse ténébreux, petit frappe qui tapine, sniffe, et fait le tour des saunas de la capitale Argentine. J'attise bien l'intérêt ?

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Et pourtant, le personnage principal reste tout de même la ville dont le réalisateur fait un portrait nocturne très autocritique. Les virées de notre jeune héros finissent par lasser un peu, et ce scénario qui ouvre plusieurs pistes tout au long de cette heure et demie devient lui même assez vague et ne suscite pas l'engouement.


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On survole tel ou tel sujet, et le spectateur que je suis passe à côté du film sans vraiment y rentrer. C'est la dérive quoi. La photo est belle et les acteurs (pas que pour leurs physiques) sauvent le film de ce qui aurait put n'être finalement qu'un film froid et glauque. Il n'y a pas de quoi crier au génie, on y trouve quand même l'oeil aviser de l'argentin pour filmer la misère, mais malheureusement le côté documentaire qu'il donne par moment à son film se mêle difficilement à la fiction.


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J'en suis ressorti pas vraiment emballé de ce film pas indispensable mais qui laisse tout de même augurer un bel avenir à son réalisateur. Et puis y'a le tango aussi... ahhh le tango... je vais peut être y retourner tiens, je ne devais pas être en bonne disposition, c'est pas possible...
Pour plus d’informations :



Fiche technique :
Avec : Ian D Clark, Marcel Sabourin, Aubert Pallascio, Jason Cadieux, Danny Gilmore, Matthew Ferguson, Brent Carver, Rémy Girard, Robert Lalonde, Gary Farmer, Alexander Chapman, John Dunn-hill, Paul-patrice Charbonneau, Michel Marc Bouchard, Khanh Hua, Benoît Lagrandeur, Pierre Leblanc, Jean Lévesque, Antoine Jobin, Alain Gendreau, Simon Simpson, Eddy Rios, Martin Stone. Réalisateur : John Greyson. Scénario : Michel-Marc Bouchard, d'après sa propre pièce. Montage : André Corriveau. Photo : Daniel John. Musique : Mychael Danna. Directeur artistique : Marie-Carole de Beaumont.
Durée : 95 mn. Disponible en V0 et VOST.

 



Résumé
:
Québec, 1952, un évêque, monseigneur Bilodeau (Marcel Sabourin) est envoyé dans une prison afin de confesser un ancien camarade de collège, Simon Doucet (Aubert Pallascio), prisonnier et malade. Il a été condamné à perpétuité, il y a quarante ans pour un meurtre. Mais le prisonnier ne se confesse pas. Avec la complicité de ses codétenus, Simon Doucet parvient à séquestrer l'évêque dans la chapelle, où il l'oblige à regarder une pièce jouée par les prisonniers dans laquelle ils reproduisent des événements vieux de quarante ans.
Elle lui raconte l'éveil et les premières expériences homosexuelles de trois adolescents en 1912. Dès qu'il entend les noms des trois garçons: Vallier de Tilly (Danny Gilmore), Jean Bilodeau et Simon Doucet (Jason Cadieux), l'évêque reconnaît sa propre histoire et comprend que sa vie est en danger. À cette époque, au collège catholique de Roberval, Simon jouait une pièce évoquant le martyre de Saint-Sébastien dans une représentation scolaire avec son ami Vallier, dont il était éperdument amoureux. Vallier est le fils d'une excentrique comtesse française (Brent Carver) exilée dans ces lointaines contrées dans l’attente d’une hypothétique restauration de la monarchie dans son pays, seule condition pour qu’ elle puisse daigner y revenir... Bilodeau, qui essayait vainement de convaincre Simon d'aller au séminaire, était le spectateur jaloux des deux acteurs amoureux. Bilodeau, lui-même amoureux de Simon, brise leur union en provoquant un incendie qui cause la mort de Vallier. Même s'il se dit innocent, c'est Simon que la justice condamne...
Lilies noue un inextricable réseau d'intrigues, d'alliances, de trahisons et de jalousies, qui mettront à jour un secret vieux de 40 ans.

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L’avis de
Bernard Alapetite :
Peu de films nécessitent autant de patience. On met longtemps à se laisser envoûter par ses superbes images et pour entrer dans la complexité du dispositif narratif, mais rares sont ceux qui offrent une si belle  récompense aux pugnaces et aux patients. Bientôt l’émotion finira par les submerger.
Baroque et bouleversant, romantique et rigoureux, Lilies joue sur plusieurs registres, et gagne en chacun d'eux. On y trouvera aussi bien une brûlante histoire d'amour qu’une remarquable métaphore sur la création. Ce qui aurait pu n'être qu'un Roméo et Juliette gay, devient, grâce à l'intelligence du scénario de Bouchard et à la mise en scène inspirée de John Greyson une histoire, universelle et intemporelle, sur l'amour fou, le prix du secret et l'art de la dissimulation.

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Le nœud du drame, la représentation du Martyre de saint Sébastien nous ramène à l’âge d’or des collèges classiques, où l’on montait régulièrement des pièces du répertoire et où les rôles de femmes étaient tenus par des garçons. Parabole du film, le Martyre de saint Sébastien métaphorise l’amour. Le scénario, qui passe du récit de prison au drame historique, offre une structure de mise en abîme : l’évêque est spectateur de sa vie qui est transformée en une pièce de théâtre alors que le déclenchement du drame qui bouleversa son existence était justement la représentation d’une pièce ; le tout est filmé et vu in fine par nous, les spectateurs d’aujourd’hui. Cette construction en strates, l'histoire à l'intérieur d'histoires, du scénario de Michel-Marc Bouchard, dramaturge célèbre au Québec qui a adapté sa propre pièce Les feluettes , convient parfaitement à la propre démarche du réalisateur, grand amateur de dispositifs gigognes et d’aller et retour entre le passé et le présent.

Ecran Rose, le cin�-zine gay de vos nuits blanches
Petit aparté linguistique qui me parait indispensable. Le sous-titre du film, Feluette, vient d’une déformation de l’adjectif fluet, aujourd’hui en joual (langue majoritairement parlée au Québec), il a acquis une connotation péjorative pour désigner les homosexuels.
Le film évoque une situation historique peu perceptible pour un non québécois : la continuité entre le Québec du début du XXe siècle et celui des années 50, toujours étouffé par l’obscurantisme catholique, alors que le règne de Maurice Duplessis ne soulevait pas encore suffisamment de contestation pour être renversé.


Pour la première fois avec Lilies, John Greyson ne filmait pas un de ses scénarios. Il a réussi à adapter pour l'écran une pièce qui reposait davantage sur l'évocation que sur l'illustration, sans pour autant la trahir ou diluer sa charge romantique. Il a décloisonné le huis clos d'origine en le transposant dans un lieu géographique imaginaire dans lequel des hommes, codétenus du héros, tiennent tous les rôles. Un artifice qui se fait vite oublier pour orienter les spectateurs vers l'essentiel du récit axé sur les jeux de miroirs et les faux-semblants. Greyson a privilégié les images au symbolisme appuyé, en harmonie avec la photographie aux tons chauds.

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Jouant sur le réalisme, le symbolisme et l'onirisme, ce film superbe, qui allie la magie du cinéma à celle du théâtre, montre à quel point la vérité se cache derrière des masques.
Si l’on veut trouver une filiation cinématographique à Lilies, c’est dans les œuvres les plus baroques de Fellini comme E la nave va, Amarcord ou Casanova qu’on la trouvera.
La réalisation très soignée a visiblement bénéficié de gros moyens. Daniel John, chef opérateur d’un autre très beau film gay, Handing garden, virtuose du clair-obscur, a du regarder longuement les œuvres du Caravage avant d’empoigner sa caméra. Il a bien fait, il en reste quelque chose dans ses magnifiques images où néanmoins parfois, il lui arrive de perdre le point ! D’autres séquences comme celle de la mort de la mère en forêt ou encore celle de la torride scène d’amour entre les deux garçons dans la baignoire sont directement inspirées de la peinture pré-raphaélite. La photographie possède une beauté visuelle qui donne une profondeur au sentiment de perte, d'espoir et de colère qui anime toute l'œuvre de Greyson.

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Nous sommes continuellement surpris par ces scènes où la toile peinte d’une représentation de patronage se transforme soudain en un cossu décor victorien tout droit sorti d’un film de James Ivory ou bien en une rue d’un village canadien du début du XXe siècle. L’inventivité du montage fait constamment douter le spectateur de l’époque qu’il découvre sur l’écran. Le lieu, même, est remis en question par le fait que les acteurs s’expriment en anglais alors que l’action est clairement située chez les canadiens français, licence habituelle au cinéma mais d’autant plus perturbante cette fois que certains comédiens parlent l’anglais avec un fort accent français.


La direction d'acteurs est irréprochable. Brent Carver campe une aristocrate déchue avec beaucoup de finesse. Quant aux deux acteurs jouant les adolescents amoureux, non seulement ils sont bons, comme toute la distribution, mais ils sont aussi sublimes. Pour une fois, de manière pas trop subliminale, on peut admirer les fesses de Danny Gilmore qui nous offre leur succulent pommé, mis en valeur par la délicate cambrure des reins. L’un des plus beaux fessiers qu’il m’ait été donné de pouvoir admirer au cinéma !
Greyson convoque également la littérature. On peut voir dans le film une réminiscence de Genet dans son homo-érotisme élégiaque de la prison. Film culte dans les pays anglo-saxons Lilies n’a bizarrement jamais été distribué en France. Il a été récompensé par le prix "Génie du meilleur film", "Meilleur film 1997" au Festival du film international gay et lesbien de San Francisco, et le prix du "meilleur film canadien" au Festival des Films du Monde de Montréal.

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Cette flamboyante adaptation de la pièce Les Feluettes, de Michel-Marc Bouchard, Lilies de John Greyson prouve avec éclat que le théâtre d'auteur a sa place au cinéma.
Les éditions Home screen ont édité un dvd en Belgique avec des sous-titres français mais sans le moindre supplément.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Dencil Williams, Matthew Baidoo, Guy Burgess, Akim Mogaji, James Dublin, John Wilson, Harry Donaldson et Ben Ellison. Réalisé par Isaac Julien.
Durée : 55 mn. Disponible en VO et VOST.


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Résumé :
Looking for Langston est une fresque onirique, en noir et blanc, de la Harlem Renaissance, une fête explosive, où des hommes noirs s'enivrent de plaisirs. L'un rêve d'un Adonis et le retrouve à ses côtés au réveil. Son histoire est ponctuée par les voix des poètes Langston Hughes, James Baldwin, dans un hymne visuel à la liberté des gays noirs au cœur du Harlem des années vingt, pris entre les barrières de la société blanche et la peur d’être rejetés par leur race.
L'avis de
Jean Yves :
Hymne visuel à la liberté des gays noirs pris entre les barrières de la société blanche et la peur d’être rejetés par leurs compatriotes.


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Dans ce court métrage, on retrouve Langston Hughes, artiste noir des années 30-40 à l'époque de la renaissance du jazz et du blues à Harlem.


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Plastiquement aussi parfait que les acteurs qui y jouent, en noir et blanc style Mapplethorpe, le film célèbre le désir homosexuel dans le lieu mythique reconstitué de la seule boîte de nuit où les Blancs pouvaient rencontrer les Noirs.


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Violence sensuelle, amour des corps, onirisme à fleur de peau, beauté des poèmes de Langston Hughes, de James Baldwin et, en prime, une apparition de Jimmy Somerville en ange très sexué :
Looking For Langston est une petite merveille.
Pour plus d’informations :

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Fiche technique :

Avec Riyad Echahi, Zakariya Gouram, Sihem Benamoune, Mustapha Khaddar, Mehdi Jouhar, Roschdy El Glaoui, Farid Tali et Karim Tarek. Avec la participation d'Abdellah Taïa. Réalisé par Rémi Lange.
Durée : 74 mn. Disponible en VF.
 


Résumé :
Karim, qui se dit hétéro et étudiant en sociologie, cherche, parmi les jeunes d'origine maghrébine, des gays prêts à témoigner devant sa petite caméra. Il rencontre Farid, steward décomplexé, qui est prêt à répondre à ses questions et plus si affinités. Au fur et à mesure de l'enquête, le comportement de Karim se révéle paradoxal : il vit avec sa copine, tout en s'initiant auprès de son nouvel ami.

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L'avis de Fred Goutier :

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Un jour, Karim fait la connaissance de Farid, un steward au regard et au sourire désarmant ! Ce dernier n’hésite pas à le draguer et Karim, non sans résistance, tombe peu à peu sous le charme.


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Rémi Lange déjà réalisateur du cultissime film Omelette nous revient avec son premier film non autobiographique. Un docu-fiction alliant habilement reportage façon cinéma-vérité, que l’on pourrait apparenter au Dogma de Lars Von Trier, et love story romantico-kitsch.

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Une mise en scène cohérente et toujours juste, soutenue par une bande son parfaite pour un film militant mais pas didactique pour un sou ! Soulignons encore la performance des acteurs non professionnels qui jouent essentiellement en impro ce qui, malgré certaines hésitations, accentue le côté spontané du film et rend les personnages attendrissants.

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Le DVD présente au menu des bonus, un making of passionnant et drôle de quarante-neuf minutes sur les coulisses du film, des scènes coupées, l’interview de Mohamed, jeune gay algérien réfugié en France. Une biographie illustrée et très complète de Remi Lange ainsi qu’une galerie photos complètent cette belle édition.

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L’avis de AO :
Tourné avec peu de moyens (une caméra DV), Tarik el Hob met en scène, pour la première fois, des personnages gay beur sous un autre angle que d'objet sexuel ou de la frapppe de banlieue. Dans ce film, imparfait mais très attachant, Rémi Lange suit le parcours affectif et amoureux de Farid et Karim, de Paris à Marseille, entre fiction et réalité. Au départ, ce film devait s'intituler Les noces beur beur.

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Joué essentiellement en impro, mi-fiction, mi-doc, il aborde avec justesse les thèmes de l’homosexualité et de l’Islam. De la difficulté à s'accepter et à aimer.

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Les deux interprètes ont été découverts aux
soirées BBB, et ont bravé le tabou de leur homosexualité en donnant chair à l'écran à un amour d'autant plus touchant que cela n'a jamais été abordé au cinéma.
Pour plus d’informations :
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Fiche technique :

Avec Maurice Cora Arama, Emilie Cordelier, Gérard Courant, Olivier Drouaut, Christophe Frèrejacques, Karine Frèrejacques, Marteen Hamstra, Jean-No, Maurice Julien, Françoise Lange, Jacques Lange, Rémi Lange, Thérèse Lange, Antoine Parlebas, Edmée Longhi, Guillemette Martin, Louis Maurice et Joseph Morder. Réalisation : Rémi Lange. Scénario Rémi Lange. Musique : Servanne Guittier.
Durée : 80 mn. Disponible en VF.




Résumé :
Un jour, Rémi, un jeune homme fatigué d'écrire et de réécrire un scénario, commence un journal filmé. Avec une vieille caméra Super-8, il enregistre ses parents, ses proches, un ami séropositif... Peut-être parce qu'il ne se passe rien d'extraordinaire, il décide d'annoncer successivement à chacun des membres de sa famille son secret, caméra au poing : l'existence d'Antoine, le garçon qui partage sa vie depuis déjà quelques années, le « squelette de son placard ». Mais attention, un squelette extrait de son placard peut en cacher un autre !

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L’avis d’
Olivier Nicklaus :
En filmant en Super 8 son journal intime, Rémi Lange constate qu'on ne fait pas d'Omelette sans casser d'œufs.

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L'œil sensible notera un léger tremblement du cadre au moment où Rémi Lange filme sa mère à bout de bras. Un tremblement qui témoigne de la douleur qui revient en boomerang dans Omelette. Le jeune homme a entamé un journal intime en Super 8 à l'instar d'un de ses maîtres, Joseph Morder. Mais il trouve qu'« il ne se passe rien ». Il décide alors de provoquer les événements en intégrant au récit un vieux projet : révéler à chacun des membres de sa famille qu'il préfère les garçons, en prenant comme cheval de Troie la relation avec son ami Antoine.

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Le courage nécessaire à l'aveu se mêle donc à la lâcheté voire la cruauté de la présence de la caméra. Inconsciemment ou pas, il sait que l'enregistrement, donc un public éventuel, devrait engager ses interlocuteurs à bien réagir. C'est, croit-on, ce qui se passe lorsque sa mère, au lieu de s'effondrer en larmes, lui pose des questions apparemment pleines de bon sens : « Tu crois que ça va durer toute ta vie ? », « Tu n'aimerais pas avoir des enfants ? »... Et puis, elle finit par balancer qu'elle soupçonne le père de Rémi d'être lui-même homosexuel. C'est là que le tremblement de la caméra est particulièrement perceptible. Rémi Lange doit encaisser à son tour une révélation imprévue. Le pétard a enfanté une bombe. Et la déflagration enrichit la dramaturgie du film : tous vont se repasser la vérité, si douloureuse, comme un mistigri.

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Lange est donc pris au piège qu'il a lui-même tendu. Il avait voulu se servir de sa vie pour nourrir son art, comme par exemple Sophie Calle dans No sex last night. Mais la vie ne se laisse pas endiguer aussi facilement, elle met l'artiste à l'épreuve. Désormais, la seule façon de s'en sortir pour Rémi Lange, c'est le cinéma. Avec un risque majeur : tourner un reality-show à la TF1. Lange le contourne en transgressant les codes du journal filmé, en construisant Omelette comme un film narratif classique, vérifiant le mot de Jean Genet (en substance) : « Pour dire des choses si singulières, je ne pouvais utiliser qu'un langage connu par mes tortionnaires. » Le film contient même un vrai suspens. Le Super 8 à l'image sale conditionne aussi le fond puisque, en Super 8, chaque bobine ne dure que trois minutes, ce qui provoque concision et urgence. Le tournage s'apparente alors à un acte chirurgical, chronométré, où le bistouri est remplacé par la vérité. Là où l'art corporel de Gina Pane dans les années 70 ouvrait avec des lames de rasoir le corps aliéné par les tabous de la société, le dispositif de Rémi Lange ne libère pas de sang mais des flux de conscience. Certes, ce Jeu de la vérité est particulièrement dangereux, surtout devant une caméra (Chantal Goya s'en souvient). D'où le malaise qui gagne à la vision du film. Mais d'où aussi le prix de ce plaidoyer pour la vérité, pour sa proclamation malgré les tabous et les scléroses.

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