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FILMS : Les Toiles Roses


Fiche technique :

Avec Valentin Ducommun, Victor Chambon, Béatrice Dalle, Solenn Jarniou, Stéphane Rideau, Thomas Dumerchez, Jacques Grant, Gaël Morel, Marc Rioufol, Franck Taponard, Kevin Messerli et Lorelei Ploton. Réalisation : Gaël Morel. Scénario : Gaël Morel. Image : Jean-Marc Bernard. Montage : Catherine Schwartz. Casting : Jacques Grant. Son : Paul Lainé.

Durée : 80 mn. Bientôt disponible en DVD. 



Résumé :

En France, dans une petite ville de province, au milieu des années 80. Éric (Valentin Ducommun) est est le benjamin d’une fratrie pauvre de quatre enfants. C’est un collégien solitaire, malheureux, plus renfermé que réellement timide, plus rêveur que studieux. Il est la cible de moqueries à l’école. L'année du brevet s'annonce pénible, longue et ennuyeuse. L'histoire se déroule sur les trois trimestres d'une année scolaire. Lorsque Romain (Victor Chambon) débarque au collège avec ses cheveux en crête, ses yeux maquillés et son perfecto noir, Éric, le fils d’agriculteur, est subjugué. C’est le coup de foudre.



Au fond de la classe, une amitié s'engage, qui a la force d’un premier amour, entre les deux adolescents, tous deux amateurs de musique new wave. Il y a encore quelque chose qui rapproche les deux garçons, cette vénération pour leur grand frère, qui sont, dans les deux cas, engagés dans l'armée. C’est l’époque des succès de The Cure, The New Order et Dépeche Mode. Ébloui par le style de son camarade, Éric aspire désormais à un destin plus palpitant, loin de la ferme familiale. Bien que sauvage, Romain lui ouvre les portes de son univers, bouscule ses habitudes et l'initie à la musique. Rien ne semble séparer les deux garçons jusqu'au jour où l'un reste, et l'autre part...



L’avis de Bernard Alapetite :

Je ne voudrais pas faire preuve d’outrecuidance mais la première scène de New Wave n’est pas sans rappeler l’ouverture de Comme un frère, film que je me souviens d’avoir co-signé. À la différence que Victor Chambon qui interprète le rôle de Romain, lissant sa crête, est encore plus joli que Benoît Delière. Il n’est qu’un directeur de casting dans le landernau du cinéma français pour dénicher une telle merveille, c’est Jacques Grant, que l’on voit fugitivement dans le rôle du professeur d’histoire. Cette analogie avec Comme un frère n’est d’ailleurs pas la seule puisque la scène du bain, que l’on pense un instant tragique, n’est pas sans ressembler à une autre scène de ce même film.



Il est difficile de parler de New Wave pour deux raisons. La première est qu’il ne faut pas trop en dire pour ne pas tuer le plaisir du spectateur. Peut-être avez-vous remarqué que je m’efforce de ne pas “spoiler” comme on dit maintenant. Et la seconde, et la principale, est que ce film a deux versants : l’un parfaitement réussi et l’autre complètement raté jusqu’au grotesque.

Morel fait s’éveiller son héros, Éric, issu d’un milieu prolétaire campagnard grâce à son amitié amoureuse pour Romain, lui, venant d’une famille plus bourgeoise. Il est évident qu’Éric n’est autre que le jeune Gaël Morel et que le milieu familial de son héros ne doit pas être très éloigné de celui qu’a connu le cinéaste dans son enfance. Est-ce pour cela que tout est juste dans le pan du film ayant trait à Éric ? Gaël Morel est l’un des très rares cinéastes français à être capable de filmer des gens modestes sans que cela sonne faux, et ne sente pas plus la complaisance que le mépris. Et ce n’est pas rien ! Déjà dans Le Clan, les séquences se déroulant à l’usine étaient les plus convaincantes. Le casting de la famille d’Éric est sans faille, en particulier Solenn Jarniou dans le rôle de la mère qui est parfaite.



Mais la grande réussite du film est d’avoir trouvé (merci Jacques Grant) Valentin Ducommun pour interpréter le rôle d’Éric. Lui non plus n’est pas désagréable à regarder dans le genre (au début) élève sage et coincé. Contre son scénario calamiteux dans son aspect romanesque, le réalisateur parvient à dresser un portrait à la fois subtil et dense d’un garçon de la classe ouvrière, en province, au milieu des années 80. On se souviendra longtemps d’Éric F. La caméra témoigne parfaitement de l’épanouissement du garçon qui change de physionomie au fur et à mesure que sa personnalité s’affirme. Très grande performance de Valentin Ducommun qui, par son talent, nous transmet l’émotion de son personnage et nous fait oublier le côté artificiel du scénario.



Si le cinéaste s’était contenté de faire ce qu’il sait faire, disons du documentaire fictionné, il n’aurait pas été loin du chef-d’œuvre; mais patatra, il a voulu verser dans le tragique et peindre une classe sociale dont apparemment il ignore tout, la nouvelle bourgeoisie de province. Tout sonne faux dans le décor de la famille de Romain, à commencer par la chambre qui ferme avec un rideau façon nappe de routier ! Il en allait de même dans Douches froides, autre film qui tentait d’opposer deux classes sociales par adolescents interposés.



La première grosse erreur a été d’affubler notre jeune iroquois, impeccablement interprété par Victor Chambon, d’une mère névrosée (je suppose que dans l’esprit de Gaël Morel, la bourgeoise ne peut être que névrosée) jouée par l’improbable Béatrice Dalle qui, comme à son habitude, promène sa bouche et sa vulgarité maussade de scène en scène. Qui peut penser qu’un cadre supérieur ou un petit industriel de province (on peut supposer que le père ectoplasmique de Romain occupe l’une ou l’autre de ces fonctions) puisse prendre pour femme une donzelle de cet acabit, à moins qu’il l’ait ramassée sur le trottoir... Mais alors encore faudrait-il faire rentrer ce romanesque-là dans le scénario, ce qui n’est pas le cas.



Gaël Morel, avec New Wave, confirme qu’il n’a pas la fibre romanesque. Dans cette histoire autobiographique, dans laquelle on sent immédiatement le maladroit ajout fictionnel, le réalisateur aurait du aller au bout de ce qu’il ne fait qu’esquisser : un triangle amoureux incestueux entre une mère, son fils et son meilleur ami. Le tragique aurait pu alors s’insinuer dans l’histoire, au lieu, comme c’est le cas dans ce que nous voyons, de n’y être que plaqué artificiellement.

Que le cinéaste dise qu’il s’est inspiré d’une véritable anecdote tragique, vécue dans son enfance, ne change rien. Qu’est-ce que le vrai si l’artiste n’est pas capable de le rendre vraisemblable ?



Pour une fois, voilà un film qui est trop court, un quart heure en plus, ce qui l’aurait amené tout juste à la durée classique, d’1h 30mn, aurait sans doute apporté des détails qui auraient été utiles pour construire certains personnages comme le frère de Romain, que j’aurais aimé voir plus développé. Pour ne rien dire de personnages complètement sacrifiés comme celui du père de Romain, joué par Marc Rioufol vu récemment dans l’immanquable Avant que j’oublie de Jacques Nolot. Ce dernier nom me fait me rappeler de souligner que Gaël Morel fait partie d’une nébuleuse du cinéma français, qui comprend, outre lui-même, Téchiné, Nolot et Christophe Honoré, chacun ayant joué, écrit, produit pour un du groupe auquel se rattachent des acteurs, Leprince-Ringuet, Stéphane Rideau… des techniciens, Jacques Grant... Toute une mouvance de talents qui pourtant peine à produire le grand œuvre que l’on attend d’eux.



Comme Gaël Morel ne semble pas insensible à la beauté adolescente, il nous offre quelques très beaux plans des deux garçons. Il faut dire que le cinéaste a eu la très bonne idée de refaire équipe avec son chef opérateur habituel, depuis Les Chemins de l’Oued, l’excellent Jean-Marc Bernard, même si un peu moins de gros plans et plus de plans moyens aurait été une bonne chose pour le film. Il a fait de même avec sa monteuse, Catherine Schwartz, que l’on ne peut que louer pour la fluidité de son montage. On trouvera dans New Wave le défaut des films français avec des adolescents, ces derniers mangeant une partie de leurs dialogues mais c’est tout de même mieux que dans La Belle personne de Christophe Honoré.



Le réalisateur a eu l’habileté de ne pas situer exactement son film ; à certains détails, on le situe entre 1980 et 1990. Au détail de la manif lycéenne violente, on peut supputer que c’est 1986. Les vêtements sont assez intemporels...

La forme donne parfois l’impression d’un film d’ado tourné par un ado à fleur d’émotion, ce qui est cohérent avec le projet puisque Gaël Morel déclare : « Le but était avant tout de raconter l'adolescence à hauteur d'adolescent et de faire revivre avec fidélité les années 80, une époque curieusement sous-traitée par le cinéma... C'était une période ambivalente, à la fois très colorée et très sombre, où le spleen était une valeur revendiquée. À l'époque, être cool, ce n'était pas fumer des joints, mais s'enfermer dans sa chambre pour écouter les chansons tristes des groupes new wave : en un sens, c'était un vrai acte politique. »



New Wave est riche d'enseignement de ce qu'il faut faire, mais aussi de ce qu'il ne faut pas faire en cinéma.

Voyons d'abord une erreur exemplaire. Revenons sur ce ridicule rideau qui clôt la chambre de Romain. On voit bien ce que Morel voulait faire comprendre par ce détail, que le garçon vivait à la fois en symbiose aussi bien avec sa mère qu'avec son frère dont la chambre, elle, est fermée avec une porte, à laquelle il faut frapper pour entrer ; mais ce rideau n'est pas crédible dans une maison du milieu de Romain. On voit là un exemple où le signifiant est l'ennemi du crédible, et c'est bien sûr le vraisemblable que doit toujours privilégier un cinéaste.



Voyons maintenant à contrario, une scène à montrer dans les écoles de cinéma aussi bien pour son intelligence que pour son invention sur le plan du tournage. Trop souvent au cinéma, la nudité est gratuite. Elle ne sert souvent qu'à rincer l'œil au spectateur (et au cinéaste). La scène où l'on voit Éric nu sous la douche est la scène pivot de la fin du film. Celle où le professeur de sport arrive à convaincre Éric de privilégier son avenir et de sortir de son deuil.



La nudité d'Éric nourrit l'argumentation de son professeur et aussi nous renseigne sur le rapport du garçon avec son corps. Autrement dit, voilà comment on peut joindre magistralement l'utile à l'agréable. J'ajouterais que cette scène est remarquablement filmée avec une différence de plan dans la même image : à gauche la nudité d'Éric de dos en pied, à droite le professeur, de face, en plan moyen. Ce contraste provoque la circulation du regard dans le cadre et réussit à dynamiser un monologue.



Gaël Morel est un homme de troupe et de fidélité. Nous retrouvons son acteur fétiche, Stéphane Rideau en professeur de gymnastique et Thomas Dumerchez, le plus jeune du Clan en frère de Romain. Tous deux dans ces petits rôles sont très bons.



Pour prolonger le film, Gaël Morel, aidé d’Ariel Kenig, en a fait un roman, édité par Flammarion, un peu différent dans son timing du film.

New Wave est une demie réussite, mais dont l’acteur principal, le jeune Valentin Ducommun, in fine, nous enchante.

Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Daniel Newman, Mark McGann, John Benfield, Corey Johnson, Toni Barry, Adam Allfrey, Darren Bancroft, Parry Blanks, Alain Bourgoin, Julius D'Silva, Russel Floyd, Rachel Izen, Jeremy Legat et Ben Macleod. Réalisation : Gary Wicks. Scénario : Gary Wicks.

Durée : 110 mn. Disponible en V0 et VOST.

 


Cercle Vicieux sur Comme Au Cinema


L'avis de Francis Lamberg & Laurent Mullens :

Dans les ténèbres d'un cercle vicieux où perversion et violence s'entrechoquent, le sexe est la seule monnaie d'échange. Il donne le pouvoir et inspire la peur… Nul ne le sait mieux que Tom, un adolescent au passé trouble qui vit dans le luxe mais en paie le prix : il est en effet l'objet sexuel de George Norris, un maffieux vieillissant aux allures de yuppie attardé. George exulte sur son amant toute la violence qu’il retient en présence de sa famille, et le « prête » à des flics ou politiciens véreux afin de les faire chanter. Un soir où Tom refuse de satisfaire les pulsions sadiques de George, il le tue accidentellement. Tom doit alors disparaître afin d’échapper à Dunston, un flic ripoux et hyper-violent impliqué dans les magouilles de Norris. Les seuls qui lui viennent alors en aide sont ses voisins américains. L’Angleterre immuable, symbolisée par une petite vieille à sa fenêtre, les regarde s’enfuir… Tom ne tardera pas à découvrir que la liberté risque de lui coûter plus cher que tout ce qu'il a connu…



Cercle vicieux est superbement mis en image. Son esthétisme tient à la fois des films noirs des années 80 et d’ambitions visuelles qui ne sont pas sans rappeler le Bound des frères Wachowski. L’image rend à chaque micron de peau son grain, ajoutant ainsi de l’humanité des personnages et du réalisme au film. Le scénario à la fois serré et fluide happe le spectateur. Nous oserons la comparaison avec les meilleurs des épisodes des Soprano, le côté queer en plus. Daniel Newman (il a joué aux côtés de Kevin Costner dans Robin des Bois : Prince des voleurs ainsi que dans le Dracula de Coppola) campe un Tom vibrant qui, entre soumission et révolte, n’aspire qu’à débrancher « le pilote automatique » afin d’abandonner la prostitution, d’enfin vivre une vie choisie. Ce film nous offre aussi un superbe personnage de femme, tout à la fois mère, amante et protectrice. La musique est une savante alternance de lounge (digne d’une compil’ de Claude Challe), de variété jazzy et de classique (nature ou remixé). Mélange original et sans uniformité qui, dans la première partie du film, surprend agréablement par son décalage par rapport aux scènes. Les bilingues remarqueront, et sans doute déploreront, que le sous-titrage en rajoute dans l’argot et le vulgarité par rapport à la V.O.

« Je suis une conquête. » Tom



BONUS

DIMANCHE MATIN

De Robert Farrar – 15 min – Royaume-Uni.

Matthew est le prototype de la parfaite petite folle au foyer. Préparant amoureusement le petit-déjeuner de son amant, aussi rustre et cynique que Matthew peut être tendre… et soumis ! D’humiliations en claques dans la figure, ce récit sur la violence domestique au sein du couple retiendra l’attention du spectateur jusqu’à la chute… amusante !

TAPIN DU SOIR

Un film d'Anne Fontaine - 5 min – France.

Dans le bois de Boulogne, un client paye pour une fellation. Mais le jeune prostitué demande la réciproque… Bof !

Scènes coupées



Dossier de presse :

Cercle Vicieux est un film noir, profond et intelligent possédant un regard réaliste sur une face sombre et violente de l’homme et de l’homosexualité. Un esthétisme harmonieux, une musique branchée ainsi qu’un jeu d’acteurs irréprochables ne sont que les atouts formels qui construisent le film.

Sa vraie valeur est d’oser présenter un phénomène violent et méconnu de notre société : la prostitution masculine.

Tom à la voix cristalline, au visage d’ange et au corps sculptural, est plongé corps et âme dans la réalité violente, honteuse de la prostitution. Conquis, possédé, acheté par Georges, un roi de la pègre londonienne, Tom devient son objet de satisfaction sexuelle et d’expression de sa violence. Il lui vend l’exclusivité de son corps et chute dans le cercle vicieux du sexe, de l’argent et de la violence.

Quand Georges meurt dans son appartement, se profile alors pour Tom une issue pour échapper peut-être à son existence.



Se rendre à la police corrompue étant impossible, Tom, perdu, ne sait que faire du corps de Georges. Il trouve aide et refuge auprès de Nikki et Max, un couple voisin qui l’a pris en affection. Le trio quitte Londres afin de cacher Tom dans leur maison de campagne au pays de Galles. Là, il trouve le repos et la sérénité, propices à la réflexion. Tom est alors prêt à affronter ses blessures d’antan et à apprendre à vivre.

Attiré par la douceur de Nikki, elle-même fascinée par le passé de Tom, tous deux vont vivre une relation humaine empreinte d’écoute et de compassion. Pour Tom, il s’agit d’enlever le « pilote automatique », de prendre conscience de sa vie actuelle et de son passé, éventuellement de faire un choix d’existence.

En quoi la prostitution est-elle un choix de vie ? Dans quelle mesure peut-on fuir son passé, échapper à sa condition et transformer son destin ?

Cercle Vicieux est une démonstration des mutilations psychologiques et émotionnelles comme facteurs de déconstruction sociale. Personne ne peut forcer Tom à avoir une « vie normale », car il est nécessaire d’être suffisamment structuré psychologiquement pour l’être aussi socialement.



Tom ne peut fuir son passé, car son état de dépendance, ses meurtrissures, l’empêchent de vivre autre chose, de se forger une individualité. La vie de Tom illustre cette fatalité violente.

Depuis l’âge de treize ans, on achète son silence afin de mieux pouvoir abuser sexuellement de son corps. Sa mère adoptive, qu’il aimait comme « une vraie mère », l’a protégé en tuant à coups de fourche son mari qu’elle avait surpris en train d’abuser de Tom. Il fut le témoin de son arrestation. La seule personne qui a tenté de le préserver, de le sauver, lui a été enlevée. Ce fut le point d’impact de sa souffrance ultime.

Brisé en deux, Tom n’a pu échapper à cette « programmation » d’être objet et victime sexuel. Il n’a rien connu d’autre que la soumission.

Dès lors, la prostitution et la violence sexuelle furent l’unique chemin balisé, le seul environnement où Tom a pu se reconnaître psychologiquement et réussir à survivre. C’est seulement dans le schéma bien connu de relation : objet sexuel/client, dominé/dominant, qu’il peut continuer à se reconnaître ou plutôt à ne pas être.

Cette violence à travers le sexe est cathartique. Elle le fait souffrir mais également réveille et stimule sans cesse le point d’impact de ses blessures passées. Tom, en quête d’identité et à la recherche de son histoire parmi ses souvenirs nébuleux et confus, fait l’apprentissage de la violence avec Georges pour mieux exister.

Georges est l’incarnation parfaite de l’égoïsme et du sadisme latent dans notre société : son ambition est écrasante, il a un besoin vital de posséder et maîtriser le monde, il ne recherche que l’éclat de la satisfaction immédiate de ses désirs au mépris des conséquences douloureuses de ses actes.



Pour lui, Tom est un objet sexuel, un exutoire. Pour Tom, Georges est son maître à qui il réserve l’exclusivité de son corps. Sa vie n’est construite que dans le non-choix. Son premier choix de vie sera de rejeter son client/maître. Ce drame structurera sa personnalité.

Cercle Vicieux soulève finalement la question de l’ascendant que l’on peut avoir sur sa propre vie. Peut-on véritablement maîtriser ses choix ? Peut-on exister librement dès lors que le moi est atrophié ? L’objet de la violence dérangeante véhiculée par Cercle Vicieux n’est pas de faire l’apologie d’une façon de vivre ou de penser, mais de présenter et représenter une réalité, celle de Tom. Le film lève ainsi le voile sur une existence de non-choix au sein d’une société où le contrôle, la compétition et la performance deviennent les seules valeurs phares…

Pour plus d’informations :




Fiche technique :

Avec Dominik Hartl, Julia Schwarz, Julian Stampfer, Liane Wagner, Rochus Millauer, Margot Hruby, Franz Robert Ceeh et Mischa Fernbach. Réalisation : Michael Satzinger. Scénario : Michael Satzinger. Image : Johannes Steger. Son: Lukas Meisterhofer.

Durée : 97 mn. Disponible en VO et VOST anglais.



Résumé :

Jannis et Patrick composent un duo de jeunes rebelles techno. Ils s’aiment comme des fous, mais l’amour n’est pas leur principale préoccupation. Les deux adolescents croient avoir découvert où se cache le réseau de terroristes responsable d’une série de meurtres perpétrés à l’aide de grenouilles venimeuses (que je trouve pour ma part très sympathiques), dont sont victimes des politiciens locaux. Les batraciens seraient élevés dans un cirque qui servirait de couverture aux comploteurs.



Les deux garçons décident de s’intégrer au cirque pour surveiller les agissements des malfrats. Entre Lamas et dromadaires Patrick, qui est muet, fait la connaissance de Koja qui n’est pas insensible à ses charmes. La jeune fille, qui ne vit que la nuit car sa peau ne supporte pas les rayons du soleil, fait-elle partie de la bande ? La jalousie de Jannis ne risque-t-elle pas de compromettre les plans des deux amoureux ? L’amour et le dévouement indéfectibles de Patrick pour son ami aideront-t-ils à faire éclater la vérité ? Mais cette aventure va mettre leur amour à rude épreuve.



Cette histoire est sensée se passer dans un proche avenir, un monde paranoïaque où abondent les thèses de complots et dans lequel les mensonges des médias auraient été dénoncés, par exemple celui des premiers pas de l’homme sur la lune qui n’auraient été qu’une supercherie. Elle nous est racontée par l’intermédiaire des images stockées sur l’ordinateur de Jannis, qu’il est forcé de livrer à un mystérieux tortionnaire qui s’il est peut-être intéressé par la beauté du garçon, lui fait subir un brutal interrogatoire...



L’avis de Bernard Alapetite :

Est-ce ma méconnaissance totale de la langue allemande, mon anglais approximatif, mon ignorance tout autant du monde du cirque que des complots internationaux auquels s’ajoute ma relative indifférence pour les batraciens, qui font que le résumé que vous avez lu ci-dessus peut prêter fort à caution. Néanmoins je ne suis pourtant pas trop mécontent de moi, car ayant fait ma petite enquête auprès de grands locuteurs de la langue de Goethe ayant vu le film, ces derniers n’avaient absolument rien percuté à Whispering Moon.



D’ailleurs, je pourrais vous faire plusieurs propositions sensiblement différentes pour résumer cette fable cinématographique. Comme celle-ci par exemple : que toute cette histoire pourrait être inventée par Jannis pour séduire Patrick, à moins que ce dernier soit également le fruit des fantasmes de Jannis, alors nous verrions sur l’écran ce qu’imagine le cerveau inventif de ce garçon. Ce qui pourrait expliquer la permanente interaction de Jannis sur lui-même, sur ceux qu’il rencontre et l’environnement de l’aventure. Ainsi Jannis changerait les éléments de cette rocambolesque histoire au gré de sa fantaisie. Mais on peut faire encore bien des lectures de ce scénario multi couches d'une grande richesse et d'une grande profondeur dans la fantaisie.



À moins encore que cette histoire, comme toute histoire que l'homme se raconte, n'ait que le but de le distraire des grandes douleurs...

Whispering Moon (qui peut se traduire en français par le « chuchotement de la lune ») nous emmène dans un voyage extravagant dont on ne peut jamais prévoir quelle sera la prochaine étape. Aussitôt que l’on croit avoir saisi la direction que prend le scénario, celui-ci nous propulse dans un tout autre sens…



On peut penser que Michael Satzinger aurait aimé avoir deux héros plutôt âgés de douze/treize ans que de dix-sept/dix-huit ans. Ce qui aurait été plus conforme à la fraîcheur de son inspiration. Cette histoire ressemble à celle qu’un jeune garçon, dans l’intimité de sa salle de jeux, raconterait à sa figurine préférée pour lui faire vivre des aventures qu’aucun adulte ne pourrait imaginer.



Mais bien sûr, un âge plus tendre pour les deux garçons était difficilement imaginable, pour des contraintes tout simplement pratiques et surtout en raison de la morale ambiante, à cause de la charge sexuelle et sensuelle du film. Charge d’autant plus dérangeante qu’elle surgit dans un imaginaire enfantin d’où elle est habituellement bannie.


Le film est terriblement sexy : qui aurait pu se douter qu’une recette de yogourt serait à ce point émoustillante ? Michael Satzinger parvient surtout, chose rarissime, à filmer l’intimité de l’amour de deux garçons et cela sans aucune fausse pudeur. On voit les deux amis nus très souvent, faire l’amour mais aussi... aux toilettes, sans que jamais ce regard dans les moments les plus prosaïques du couple paraisse provocateur ou passe pour celui d’un voyeur.



Le réalisateur a nourri son scénario de multiples mythologies (il faut prendre ce terme dans le sens que Roland Barthes lui a donné) du monde de l’enfance, des plus archaïques comme ce cirque qui m’a fait penser à la fois au film Freaks, à des bandes dessinées telles celles de Fred ou à Spirou et les voleurs, aux plus modernes, telle la Toile dont on sait bien qu’elle est très fréquentée par la jeune classe d’âge. On y croise même Winnetou, incontournable lorsque l'on parle de récits d'aventure pour la jeunesse dans un pays germanique. Il m'a semblé aussi y reconnaître des réminiscences aussi diverses que celles des photographies de Bernard Faucon et des œuvres de Fellini. La roulotte dans laquelle Jannis et Patrick cachent leur idylle m'a évoqué la chambre des Enfants terribles de Cocteau...



La réalisation est si inventive avec ce mélange d’images issues de sources diverses… La première séquence est filmée par une caméra de surveillance, mais la majorité des images du film proviennent d'une caméra numérique à très haute définition qui donne des images bien piquées, y compris dans les nombreuses scènes de nuit, avec une grande profondeur de champ. De nombreuses séquences sont tournées avec de courtes focales et même au grand angle. La vidéo n'est pas la seule source qui abreuve Whispering Moon, d'autres séquences sont issues de caméras classiques, d'écrans d’ordinateur, d'extraits de presse, de dessins animés... L’attente du spectateur n’est pas seulement aiguillonnée par les incessants rebondissements du scénario mais aussi par l’attente de la prochaine image, toujours inattendue. Elle fait penser à la fois à celles des films de Méliès et de Peter Greenaway.



L'hétérogénéité assumée de la forme (il arrive même que dans un seul plan soient juxtaposées des images de sources différentes) est en parfait accord avec les multiples genres qui cohabitent merveilleusement ensembles dans ce long métrage qui tient à la fois de la science-fiction, du policier, de la fable politique, du film gay, du cinéma expérimental, du film pour adolescents, du cinéma érotique... Mais le plus ébouriffant est l'intrusion, ô combien inopinée, du western dans tout ça...



Whispering Moon est aussi une réflexion sur l’information, sur la distorsion entre la vérité et ce que l’on dit au public. Le metteur en scène, et scénariste à la fois, joue constamment avec le spectateur tout en lui demandant de réfléchir à la nature même du conte et pourquoi il nous raconte cette histoire. On se demande ainsi si le récit feuilletonesque n'est pas là pour masquer le véritable désir du cinéaste qui serait celui de nous raconter l'amour romantique et sexuel de deux adolescents ou bien au contraire la romance entre les deux garçons servirait de douceur pour nous faire passer son message politique. Satzinger utilise toutes les nouvelles technologies des médias, dans la mesure de ses moyens, pour nous montrer comment nous pouvons facilement être trompés, combien il est facile de modifier les images et les choses pour qu’elles semblent différentes de ce qu'elles sont réellement. Il induit aussi l’idée que le public aime être berné.



On a le sentiment parfois que le cinéaste modifie sa création sur des coups de tête, et donc constamment pour nous rappeler que tout récit cinématographique que l'on accepte au moment où nous le découvrons est en fait toujours une fiction, autrement dit un mensonge.

La passion ludique de Michael Satzinger pour le bidouillage de l’image, avec de fréquentes mises en abyme, l'image dans l'image dans l'image... ne lui fait pas oublier la composition du cadre. La façon dont il filme aussi bien la promiscuité des deux amoureux que leur environnement au cirque (belle utilisation de la couleur) est exemplaire. L’humour est lui aussi présent dans ces recherches formelles. Les dernières minutes prouvent que le cinéaste sait aussi émouvoir.



Tous les acteurs sont impeccables et les deux jeunes héros, dont on sent bien qu’ils se sont donnés sans réserve à cette aventure, sont époustouflants dans leur premier rôle au cinéma.

Michael Satzinger est né à Graz, Autriche, en 1957. Il est diplômé de l'Académie du film de Vienne. À partir de 1987, il a pris la direction des documentaires de la télévision et de la radiodiffusion autrichienne (ORF). En 1988, il est également devenu un des professeurs de l’Ortwein Film School à Graz. Son premier long métrage de fiction, Die Philosophie der Ameise, a été produit en 1990, puis suivent : Zeit der Verwandlung (1995), Glücksritter (1997), Wir Sind Nicht Allein (1998), Das Verlorene Paradies (2000), Die Nacht der Shamanen (2002). Il a fondé la société de production Magic Films en 1994.



Whispering Moon démontre que l’on peut faire avec un petit budget un film inventif lorsque l’on est désinhibé. Ce film à la fois fable politique, film gay, érotique comme peu le sont, flirtant avec le cinéma expérimental, est un hymne à la liberté de création et à la confiance en l’intelligence du spectateur.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Lee Young-hoon, Lee Han, Cho Hyun-Chul, Kim Dong-wook et Jung Seung-Gil. Réalisation : Leesong Hee-il. Scénario : Hee-il Leesong. Montage : Hee-il Leesong & Jeong-min Lee Images : Yun Ji-un. Musique : Byung-hoon Lee.

Durée : 114 mn. Disponible en VO et VOSTfr.



Résumé :

Dans un paysage idyllique coréen, un superbe jeune homme nu glisse à travers le cristal bleu d’une claire rivière. Ce sont peut-être les derniers joyeux moments qu’il connaîtra avant longtemps. Su-Min (Lee Young-hoon) a été élevé dans un orphelinat, à la campagne. Mais il est temps pour lui de quitter le nid car il a atteint la limite d’âge et ne peut plus y rester. Attiré par ses lumières, il va à Séoul dans l’intention d’y faire des études d'art. Il s’aperçoit vite qu’il est difficile de vivre dans la grande ville. Il trouve un emploi à la chaîne dans une usine mais il ne le garde pas longtemps.



Il ravale sa fierté et devient un gigolo qui se loue aux messieurs aisés dans un bordel. Sa beauté attire de nombreux admirateurs mais il les voit à peine. Bien qu'il soit ouvertement gay, il ne porte aucun intérêt à ses clients. Bientôt, Su-Min est pratiquement harcelé par un garçon, Min-Jae (Lee Han), qui est amoureux de lui. Min-Jae est le fils gâté d'un éminent homme d'affaires. Jae-Min tombe profondément amoureux de Su-Min et le poursuit, malgré la pression familiale. Son père veut lui faire épouser sa jeune fiancée qui lui est promis de longue date.



Pire encore pour Min-Jae, l’impassible Su-Min n'est pas intéressé par son amour ou sa compagnie... Progressivement les sentiments de Su-Min envers Min-Jae se modifient ; bien que Su-Min combatte cette attirance, il en devient prisonnier et cela contre toutes les résolutions qu’il avait prises, d’autant que son ami d’enfance le rejoint à Séoul, lui rappelant le Su-Min d’hier...



L’avis de Bernard Alapetite :

Il est difficile lorsque l’on regarde ce film coréen indépendant, qui a connu un grand succès dans son pays malgré une sortie limitée, de ne pas penser au chef d’œuvre de Wong Kar-Wai, Happy Together. Il y a cette même alternance entre des instants apathiques et de brusques bouffées de violence. Il y a cette même volonté, presque une délectation, à plonger dans le côté obscur de la relation entre deux jeunes hommes.

La caractéristique technique principale du film réside dans ses variations de rythme ; alors que le développement de l’intrigue suit un tempo tout asiatique, parfois un peu languissant, tout du moins dans ses premiers trois quarts, sa mise en place est d’une sécheresse à la fois efficace et elliptique qui fait penser à la présentation des personnages et des prémices de l’aventure d’un manga d’action.



Dès la première séquence, avec son beau mouvement de caméra à la grue, Leesong Hee-il et son directeur de la photo nous montrent qu’ils possèdent bien les subtilités de la prise de vue, ce qui ne sera pas démenti durant la suite du film.

No Regret raconte une simple histoire d'amour à la structure classique : deux personnes se rencontrent, tombent amoureux, et combattent pour leur amour. Le film n’évite pas quelques clichés scénaristiques que l'on est l'habitué à voir dans les films gays, tel Jae-Min fiancé par sa famille qui le force à se marier.



Le film sur la prostitution masculine est quasiment un sous-genre en soit du film gay. Pour ma part, je déplore cette prolifération qui tend à faire croire que la prostitution est au centre de la vie sexuelle des gays. No Regret, non seulement par sa qualité mais aussi par l’angle avec lequel il aborde le sujet, se détache du lot. La plupart des films gays mettant en scène des gigolos font peu de cas des clients ou les relèguent au rang de repoussoirs. C’est le cas dans des films estimables comme John ou Twist (Antiprod éditeur) par exemple. Il est rare que les scénarios abordent autrement que d’une façon manichéenne et caricaturale les figures du prostitué et du client. Qui sont presque toujours réduits aux archétypes pour le prostitué, au pauvre et bon garçon contraint de se vendre à cause de la mauvaise fortune et pour le micheton à celui du vieux ploutocrate libidineux.



Quelques rares films échappent à cette caricature et montrent les relations, souvent compliquées qui se tissent entre le prostitué et son client (pour peu que ce dernier soit « un habitué ») : Boy Culture (édition Optimale), River Made to Drown In (Studio Canal) ou encore In the Flesh (BQHL). Mais ces films restent encore dans le stéréotype qui semble obligé du jeune gigolo et du vieux micheton. Dans No Regret, le client de Su-Min n’est guère plus âgé que lui. Sans en avoir l’air, ce film brise un tabou, celui de taire que les hommes qui ont recours au service de prostitués peuvent être aussi des jeunes pas mal de leur personne et pas seulement des cacochymes libidineux.



Le réalisateur Leesong Hee-il, qui est ouvertement gay lui-même, parvient à créer l’émotion tout au long du film et a emporter l’adhésion du spectateur. La psychologie des deux héros est à la fois fouillée et crédible. Il est un peu dommage que le cinéaste ne se soit pas plus attardé à développer les rôles du tenancier du bordel, très atypique, et celui de l'ami d'enfance. No Regret est un film attachant et très émouvant.



On est totalement surpris par le dernier quart du film sur lequel il est interdit d’en dire trop sans entacher gravement le plaisir du futur spectateur. No Regret passe alors d’un film psychologique réaliste à un mélo flamboyant au suspense certain qui devrait tirer des larmes à plus d’un. Le cinéaste met alors la réalisation au diapason de son scénario. La couleur disparaissant quasiment pour laisser place sur l’écran à un camaïeu de gris que réveillent quelques touches de couleurs froides. Il est seulement regrettable que visiblement il n’ait pas réussi à choisir entre les multiples images de fins possibles, nous proposant plusieurs fausses fins qui altèrent l'émotion pourtant à son comble dans le final.



No Regret a été tourné en numérique, ce qui est parfait pour capter le monde obscur des gays gravitant dans le milieu de la prostitution. Comme dans les œuvres de Michael Mann, la caméra numérique est le meilleur moyen de filmer des environnements où la luminosité est faible. Néanmoins, le cinéaste abuse des atmosphères nocturnes. Même si ces séquences peu éclairées transcrivent bien le monde glauque de la prostitution masculine dans lequel évolue Su-Min qui peut parfois s’avérer un milieu dangereux. Si les images sont soignées, l'image dans le cadre est toujours bien composée, la narration reste dure, et alors que les scènes de sexe sont explicites, Leesong Hee-il les filme néanmoins avec tact.



Alors qu'il n’y a encore pas si longtemps, il était périlleux de filmer en plan large avec une caméra numérique en raison de la "mollesse" de l'image, No Regret montre que ce temps est révolu. Le cinéaste l’utilise aussi bien en intérieur, il affectionne particulièrement les entrebâillements de porte, qu'en extérieur avec des plans panoramiques.



Il faut souligner la belle performance des deux acteurs principaux. Lee Han exprime bien le dilemme auquel est confronté son personnage, contraint de rester dans le placard du fait de la pression de son entourage, tout en étant amoureux fou d’un garçon. Toutefois, c’est Lee Yeong-Hoon qui est époustouflant de vérité et sur qui tout le film repose. Lee Yeong-Hoon a également joué dans Good Romance, un court métrage de Leesong qui a finalement été étoffé pour devenir No Regret. Lee Yeong-Hoon fait bien ressortir les différents sentiments qui traversent Su-Min : la colère, le désespoir et le courage, la colère d'être trahi, le désespoir de sa situation, et le courage de tomber amoureux...



Ce beau long métrage très émouvant combine thèmes gays et réflexions politiques et sociales, tout en ayant un soupçon d'humour ; c’est le premier film de son réalisateur.

Dans ce moderne mélodrame, on s’aperçoit que le bonheur n’est pas facile à trouver, même pour les beaux garçons dans les bars gays de Séoul...

Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Julie Durand, Alexis Roucoult, Alice Houri, Jean-Baptiste Penigault, Nicolas Duvauchelle, Laurent Godard, Agnès Obadia et Samir Guesmi. Réalisation : Agnès Obadia et Jean-Julien Chervier. Scénario : Agnès Obadia et Jean-Julien Chervier. Compositeur : Sébastien Subréchicot.

Durée : 85 mn. Disponible en VF.


Plus d'infos sur ce film


Résumé :

À quatorze ans, l'amour et le sexe intriguent. Entre les phantasmes, les phobies, les incertitudes et les croyances, comment réagir ?

Roudoudou, 14 ans, est très amoureuse alors elle fait le vœu d’avoir deux gros seins comme sa mère, mais ça ne marche qu’à moitié.

Romain, 15 ans, est persuadé, avec son copain Francis, que leurs mères sont homosexuelles ensemble et qu’il faut les baiser pour les sauver.

Mais comme rien ne marche, Roudoudou et Romain décident d’essayer ensemble !



L’avis de Yann Gonzalez :

Enfin un peu de fraîcheur dans le cinéma français ! Sans se plaindre des recherches un tantinet mortifères de nos auteurs maison, ça faisait longtemps qu’on attendait une comédie de cet acabit : vive, impudique, sensible, et surtout drôle. Car tout en étant un très beau film sur la puberté, Du poil sous les roses fait rire. Souvent. Intensément.

Les personnages : Roudoudou (Julie Durand), 15 ans ou presque. Assaillie par les multiples questions d’ordre sexuel que l’on se pose à cette période. Entre autres : pourquoi j’ai un nichon qui pousse plus vite que l’autre ? Est-ce qu’on peut jouir au téléphone ? C’est quoi, un clito ? Et un fist-fucking ? Julien (Alexis Roucout), même âge, même obsession du cul, mais formulée différemment : quand est-ce que j’aurai du sperme ? Est-ce que je suis pédé parce que je branle mon meilleur pote ? Et si je baisais sa mère ?



Cela assené avec une crudité qui fait plaisir à entendre en ces temps de censure crâne. Une crudité pleine de "bite", "pute", et autres "gouine" prononcés par des collégiens se marrant devant un film porno ou pissant sur le mur de leur maison.

Ainsi délestés de toute retenue quant au verbe ou aux actes, Agnès Obadia et Jean-Julien Chervier se sont rapprochés d’une vérité enfantine trop longtemps voilée par le poids du tabou et d’une nation bien-pensante. Parce qu’à 13 ou 15 ans, on ne parle pas comme dans Le Jeune Werther de Doillon ; on se gargarise plutôt des mots les plus salaces en ne songeant qu’aux possibilités imminentes de dépucelage.



Pourtant, la vulgarité est ici hors de propos, balayée par un débordement constant parfaitement catalysé des deux côtés de la caméra. Derrière, sans génie mais avec une énergie et une inventivité stimulantes : rêves délurés sous forme de dessins animés, propositions joyeusement anarchiques (le film donne fréquemment l’impression de partir dans tous les sens), situations exploitées de façon optimale (on retiendra surtout l’utilisation des queues de chatons comme anti-stress).

Et devant, deux révélations : Alexis Roucout, excellent dans le registre du révolté lassé, du dégingandé torturé ; et surtout l’incroyable Julie Durand, croisement rêvé entre Valérie Lemercier (version Odeline Fion) pour le côté pince-sans-rire et Leslie Azoulai (l’héroïne de Travolta et moi) pour la désarmante spontanéité.

Grâce à eux et aux autres, les images de l’adolescence auront rarement semblé si décalées, et, paradoxalement, si justes.

Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Paul Bartel, Sean P. Hayes, Brad Rowe, Richard Ganoung, Meredith Scott Lynn, Sean Hayes, Matthew Ashford, Armando Valdes-Kennedy, Carmine Giovinazzo, Holly Woodlawn, Mark Allen Andreson et Bonnie Biehl. Réalisation : Tommy O’Haver. Scénario : Tommy O’Haver. Directeur de la photographie : Mark Mervis. Compositeur : Alan Ari Lazar.

Durée : 92 mn. Disponible en VO et VOST.




Résumé :

Billy, photographe provincial, débute à Hollywood. Son projet est de réaliser une série de photographies mettant en scène les baisers de cinéma les plus célèbres de l'histoire d'Hollywood. Mais cette fois, la distribution serait exclusivement masculine. Apres avoir fait le tour des drag-queens, Billy trouve enfin celui qu'il cherchait : Gabriel, un jeune et beau musicien fraîchement arrivé de Los Angeles. Cependant une question le taraude. Gabriel est-il gay ou hétéro ?



L’avis de Yann Gonzalez :

Billy’s Hollywood... est la preuve que le cinéma gay a désormais tous les droits aux USA (du moins lorsqu'il demeure consensuel). Le film de Tommy O’Haver a été tourné en scope et suinte le fric dans ses moindres recoins.



Billy (Sean P. Hayes) vit à Los Angeles et traverse une phase difficile : il ne trouve pas de travail et cherche sans succès le grand amour. Heureusement, un ami lui commande une série de photographies liées au glamour hollywoodien mais transposées sur le mode "camp", c’est-à-dire avec des modèles strictement masculins (ou travestis).



Billy voit alors en Gabriel (Brad Rowe, clone transparent de Brad Pitt), un beau serveur, l’interprète idéal de ses clichés... et de ses fantasmes. Mais Gabriel a toutes les apparences d’un hétéro : que va devenir notre pauvre héros ?



Billy’s Hollywood... joue à fond la carte de l’esthétique homosexuelle basique, cet univers réducteur auquel tout artiste gay, selon le grand public, se doit d’être affilié et que Tommy O’Haver a naïvement pris à son compte. De ce point de vue là, le spectateur n’est pas déçu : le film déballe son quota réglementaire de drag-queens impeccables, de couleurs flashy, de musique tendance ABBA, de corps musclés et imberbes, de plages ensoleillées, d'artistes toujours bien sapés sans l'ombre d'un souci financier.



Tout cela verni par une volonté de renouer avec la grande comédie romantique de l'âge d'or hollywoodien. Mais même dans ce cadre, le film ne remplit que moyennement son contrat : rythme bancal, personnages et situations prévisibles, entractes oniriques assez répétitifs (tout comme l'idée de narration par les polaroïds, séduisante au départ, mais trop systématique).



On se met alors à rêver d'un souffle subversif, d'un regard critique à la Araki (le L.A. de Nowhere était autrement plus passionnant). En vain : tout, dans Billy's Hollywood..., est polissé et flatte le spectateur dans le sens du poil. La vacuité n'est pas toujours désagréable (cf. Le Mariage de mon meilleur ami), mais elle requiert un minimum de talent.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Kenjie Garcia, Josh Ivan Morales, Jiro Manio, Nino Fernandez, Honey Garce Capili, Shamaine Buencamino, Ricky Ibe, Kurt Martinez, Jay Perillo, Ajit Handasani, Lui Manansala et Ernier Zarate. Réalisation : Joselito Altejeros. Scénario : Lex Bonife. Images : Arvin Viola. Musique : Ajit Hardazani.

Durée : 100 mn. Uniquement disponible en VO ou VOST anglais.



Résumé :

Antonio (Kenjie Garcia) est un jeune philippin de 15 ans qui vit à Manille, seul avec sa mère Teresa (Buencamino Sharmaine) qui tient un dispensaire. Le père est absent du foyer depuis huit ans. Il travaille à Dubaï et diffère d’année en année son retour au pays. Il se fait un peu tirer l’oreille pour envoyer de l’argent à sa famille. Antonio est un fils modèle. Il ne semble pas différent de ses copains Mike (Jiro Manio) et Nathan, avec qui il partage la passion des jeux sur ordinateur. Le groupe se retrouve toujours dans un cybercafé pour jouer.



Pourtant Antonio a un secret. Ce garçon, qui réfléchit beaucoup sur lui-même, s’est aperçu qu’il est attiré par les garçons. Antonio fait des avances à Nathan qui se laisse faire mais cela détruit leur amitié. Il avoue ses tendances à son autre ami, Mike, qui prend bien la chose et lui dit qu’ils resteront frères.



Mais la vie d’Antonio, somme toute ordinaire, bascule lorsque son jeune oncle, Jonbert (Josh Ivan Morales), âgé de 25 ans, vient habiter avec sa mère et lui sous prétexte de trouver du travail. Tout d’abord Antonio est attiré par le corps de Jo, qui s’en aperçoit et fait du garçon son jouet sexuel...



L’avis de Bernard Alapetite :

Antonio’s Secret est le troisième opus de son réalisateur. Le film surprend par ses ruptures et l’hétérogénéité de son filmage parfois virtuose et parfois maladroit. Aucun spectateur ne peut se douter en voyant le premier quart d’heure du film (qui est une chronique familiale classique assez bien filmée) que Antonio’s Secret, dans sa dernière demi-heure, basculera dans le glauque et le drame sordide.



La très bonne idée du réalisateur a été de choisir un garçon qui, au début, parait parfaitement ordinaire (ce qui facilite l’empathie avec le spectateur, malgré, pour nous occidentaux, le relatif exotisme du décor) et qui se révélera au fil du film loin d’être le garçon sage que l’on croyait qu’il était. Dans cette première partie, il est fort dommage que le metteur en scène n’ait pas eu assez confiance en son talent de cinéaste, qui est loin d’être négligeable, et ait alourdi son film d’une voix off superfétatoire sensée nous confesser les états d’âme de son jeune héros alors que l’image aurait suffit pour tout nous dire des tourments du garçon (surtout quand il est joué, comme ici, par un comédien, dans son premier rôle, remarquable… comme toute la distribution). Tout ce chapitre est filmé dans des couleurs pimpantes, souvent en extérieur. D’ailleurs, le cinéaste a la bonne idée de varier les décors.



Judicieusement, Joselito Altejeros campe les conversations entre ses personnages dans des lieux pittoresques et animés. Ainsi, ces toiles de fond tiennent le spectateur toujours en alerte.

La caméra est malheureusement quelques fois tremblotante, ruinant parfois l’image au cadre pourtant toujours soigné et souvent inventif. Le vrai sens du cadre du cinéaste réussit à produire de belles images dans les scènes les plus utilitaires. L’opérateur utilise des focales courtes, ce qui a pour effet de donner une grande profondeur de champ à l’image.



Le film est peu découpé, privilégiant (parfois un peu à l’excès) les plans séquences, ce qui montre la confiance du réalisateur envers ses comédiens qui sont tous étonnants de vérité.

Le scénario pêche par un défaut de construction qui est le révélateur de l’incohérence, où plutôt que l’on perçoit comme tel, des agissements des personnages… en particulier celui de Jonbert.



En effet, lorsqu’il apparaît rien ne laisse supposer qu’il est homosexuel et attiré par son jeune neveu. Cette aventure incestueuse est d’autant plus surprenante que la psychologie des personnages est fouillée et que surtout, rien ne nous laisse penser qu’Antonio (qui fait les premières approches) est attiré par les hommes alors que jusqu’à l’apparition de Jonbert, il se focalisait uniquement sur les garçons de son âge.



Par contre il est très intéressant, et rare, dans un film censé se passer sur une période courte (les vacances scolaires de Noël, ce qui est un peu une facilité car on ne nous présente pas Antonio dans son environnement scolaire), de voir le personnage principal évoluer autant. Ce qui fait que le sentiment du spectateur envers le garçon évolue constamment, passant d’une curiosité bienveillante à un malaise, lorsqu’il ne peut juguler son désir sexuel envers son oncle, puis à la pitié lorsqu’il devient la victime de ses sens...



Il est particulièrement adroit de faire ressentir la montée du désir sexuel chez Antonio. Et là, il faut bien arriver à ce qui est totalement singulier pour un film non pornographique : la crudité des scènes de sexe qui sont montrées prosaïquement et sans véritable sensualité, comme si le sexe homosexuel (c’est le seul que l’on voit) était condamnable pour le cinéaste ; paradoxalement, il nous le montre complètement déculpabilisé chez les philippins.



Les scènes sexuelles assez sordides et assez mal filmées entre l’oncle et son neveu sont d’autant plus choquantes qu’elles sont insérées entre des séquences domestiques des plus banales, rendant bien l’engrenage de cette relation incestueuse et la duplicité des deux protagonistes envers Teresa. La scène de viol du film est la plus réaliste, donc la plus insoutenable qu’il m’ait été donné de voir.



Un film un peu hétérogène et ambigu, mais dont l’audace du sujet et ses partis pris cinématographiques, servis par une distribution époustouflante, font qu’il restera longtemps dans la mémoire du spectateur.

Pour plus d’informations :

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Fiche technique :

Avec Sylvie Testud, Pierre Palmade, Lionel Abelanski, Jeanne Balibar, Denis Podalydès, Arielle Dombasle, Samuel Labarthe, Guillaume Gallienne, Bruno Wolkowitch, Gwendoline Hamon, Silvie Laguna, Alexis Michalik, Margot Abascal, Alexia Stresi et Chantal Neuwirth. Réalisation : Diane Kurys. Scénario : Diane Kurys, Martine Moriconi, Michel Abramowicz, Claire Maréchal. Images : Dominique Levert, Guillaume Bouchateau. Son : Christian Fontaine. Montage : Sylvie Gadmer. Direction artistique : Maxime Robiere. Casting : Gérard Moulevrier. Costume : Nathalie du Roscoat. Décors : Alexandra Lassen. Musique : Armand Amar.

Durée : 117mn. Bientôt disponible en VF.




Résumé :

En 1954, Françoise Sagan a 18 ans. Son premier roman, Bonjour tristesse, lui apporte richesse et célébrité. Elle mène une vie légère et tapageuse, entourée de sa bande d'amis : Chazot, Bernard Franck, Florence Malraux… Le 8 août 1958, au casino de Deauville, elle mise ses derniers jetons sur le 8 et rafle la somme de 8 millions de francs avec laquelle, quelques heures plus tard, elle achète la maison qu'elle a louée pour l'été près d'Honfleur. Sans l'avoir prémédité, elle devient propriétaire et jure que personne, jamais, ne viendra la déloger de cet endroit. 40 ans plus tard, elle n’est plus que l'invitée des lieux. Le film nous raconte comment la jeune prodige de la littérature a-t-elle traversé la vie, en mettant en lumière ses amours lesbiens et en particulier sa relation avec Peggy Roche qui semble avoir été l’amour de sa vie, pour se retrouver ruinée et seule.


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L’avis de Bernard Alapetite :

Sagan a tout du film qui me fait courir. On me promettait une toile où l’on me parlerait whisky, jaguar et littérature, autant de choses qui me réjouissent. Or donc, si l’ on me parla bien de whisky et de belles voitures, ce qui n’est déjà pas si mal, je ne vis dans le dernier opus de Kurys que bien peu de littérature. La voix off du film, Sylvie Testut, en double de Sagan, transforme la fameuse petite musique de la romancière en un florilège de bons mots qui font plus penser à du Guitry qu’à la prose de Sagan.

Je voudrais signaler en passant aux amateurs de belles tôles que si Françoise Sagan a bien un grave accident de voiture, c'était conduisant une Aston Martin et non une Facel Vega, comme on le voit dans le film. C’est Albert Camus qui trouva la mort, en 1960, dans la Facel Vega de son éditeur. Je ne veux pas croire à une erreur de la cinéaste, mais seulement à une économie sur les accessoires; une Facel Vega étant indéniablement plus facile à trouver en France qu’une Aston Martin...

Je ne reviendrai pas sur la folle ambition qui consiste à résumer une vie et une œuvre (mais ici l’œuvre est passée à la trappe) en deux heures ou même en trois. Sagan était initialement un téléfilm en deux parties de quatre-vingt-dix minutes, « Un charmant petit monstre » et «  Des bleus à l'âme », réalisé pour France 2. Sagan sera diffusé par France 2 [ce mois-ci ?] dans ce montage de trois heures.


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Le film aurait gagné en cursivité et en authenticité si Diane Kurys avait pris la peine (qui serait vite devenue une délectation) de lire ce chef d’œuvre qu’est le journal de Matthieu Galey, le meilleur portraitiste de la littérature française de la seconde moitié du XXe siècle, dans le droit fil d’un Léon Daudet. Voici comment il narre l’apparition de la romancière et sa rencontre avec elle : « Lu tout d’une traite le petit et délicieux roman de Mlle Sagan, Bonjour tristesse. D’énormes qualités, mais attendons la suite: il faut qu’elle écrive son Bal avant de voir en elle un nouveau Radiguet... 3 juin 1954 : Rendez-vous avec Françoise Sagan aux Deux Magots. D’abord j’ai failli aborder une jeune fille qui n’était pas elle. Timide, j’hésitais, quand elle est arrivée; c’est elle qui m’a identifié. Petite brune, avec deux yeuxs ronds, sombres, elle fait à peine ses dix-huit ans. Pas de poudre, un peu de rouge à lèvres, des cheveux fous, en frange sur le front. Moins dure et pointue que son livre, mais elle y ressemble par sa grâce et son sérieux d’enfant. Voix sèche, rapide; elle parle presque “illisible”. Tout le contraire de sa langue, si fraîche et si claire. Elle se dit ulcérée de tout le bruit qu’on fait autour de son nom et trouve la gent littéraire “assommante et abrutie” à l’exception des auteurs véritables: Sartre par exemple, dont l’intelligence l’a conquise tout de suite; Camus à la rigueur (« Mais vous savez je suis bonne »), ainsi que Véraldi et surtout Abellio. Ses classiques ? Proust, pour elle la base de toute psychologie, et Benjamin Constant; elle révère Adolphe... C’est une lymphatique, avec la tête sur les épaules. Très intelligente, elle devrait bien se débrouiller dans la vie, l’air de ne pas y toucher. Somme toute, elle ne m’a point déçu. » (Matthieu Galey, Journal 1953-1973, page 58, édition Grasset)


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C’est un peu cruel de faire figurer ces lignes en regard du travail de Dyane Kurys, tant tout y est mieux et plus justement dit que dans les deux heures de ce long métrage. Il faut tout de même ajouter que si le film ne parvient jamais à nous camper l’écrivain, il réussit bien à nous montrer toutes les contradictions et les ambiguïtés de la femme; Sagan, passionnée et lâche, égoïste et généreuse, séductrice et introvertie, imprévisible... La bonne idée de la réalisation est d’avoir instillé constamment de l’humour dans le film, notamment dans les scènes entre Sagan et Peggy Roche (Jeanne Balibar, remarquable) avec qui elle formait un couple et ici un duo irrésistiblement drôle. L'humour n’a jamais porté aussi bien son nom de « politesse du désespoir » dont Françoise Sagan semble être l'incarnation.

Par contre, Diane Kurys ne parvient jamais à inscrire son héroïne dans son siècle, dans un contexte, sauf au début de son film où elle capte bien l’atmosphère des années cinquante. À laisser la grande et petite histoire hors champ, on a le sentiment que Françoise Sagan est le centre du monde et que rien n’existe hors sa petite bande, présentée ici comme un ramassis de médiocres pique-assiettes. À propos de parasites, je me demande si les assez mauvaises critiques obtenues par le film n’est pas du fait que nos plumitifs assermentés cinéma, se voyant si bien portraiturés, en ont eu quelques aigreurs ?

Le lit de Sagan était accueillant... Y sont passés, souvent pressés, Peggy Roche, Massimo Gargia, Ava Gardner, Bob Westhoff (le père de son fils), Juliette Gréco, Guy Schoeller, Annick Geille, Michel Déon, et tant d’autres encore... De la vie sentimentale de Sagan, la cinéaste a mis en exergue surtout ses amours saphiques et en particulier sa liaison avec Peggy Roche, styliste, ex-mannequin et un temps rédactrice en chef du magazine Elle, qui fut sa compagne de 1976 jusqu’à sa disparition en 1991.

On peut à juste titre considérer que Sagan est un film lesbien. D’ailleurs le public du cinéma multi-salles dans lequel, lors d’une après midi pluvieuse dans ma chère station balnéaire, j’ai découvert le film ne s’y était pas trompé. Je n’avais jamais vu autant de lesbiennes à La Baule que cette après-midi là.


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Ceci dit, je ne suis pas d’accord avec Didier Roth-Bettoni quand il avance que l’on a sciemment caché la bisexualité de la romancière : « ... L’exemple le plus frappant de ce qui est notre lot commun permanent, cette reconquête d’une mémoire si souvent passée par pertes et profits, se trouve dans le très médiocre film que Diane Kurys vient de consacrer à une des romancières françaises les plus populaires du siècle, Françoise Sagan. Si on dépasse les très évidentes limites de cette bio filmée, une chose saute aux yeux qu’on n’aurait jamais soupçonné : c’est que Sagan (incarnée ici par une excellente Sylvie Testud) était indubitablement lesbienne ! Pas juste le temps d’une aventure ou d’une expérience comme il était de bon ton dans les milieux intellectuels des folles années 60-70, mais vraiment fondamentalement lesbienne, toutes ses histoires d’amour véritables ayant eu des femmes pour objets. Or qui, à moins peut-être d’être un véritable spécialiste de Sagan (et encore…) avait cela ? Pas moi en tout cas, et pas la plupart des personnes cultivées à qui j’en ai parlé... Qu’est-ce que cela veut dire ? Que la vérité (une part d’entre elle en tout cas) sur la si célèbre auteure de Bonjour tristesse a été masquée, de son propre fait ou non d’ailleurs, parce que cette vérité-là aurait peut-être brouillé le mythe et la popularité de la romancière préférée des Français. Et qu’est-ce que cela signifie pour nous, homosexuels de tous les sexes ? Qu’un pan de notre histoire nous a été interdit... »

Outre que Didier Roth-Bettoni ne doit pas s’entretenir avec les bonnes personnes “cultivées”, il est victime du terrorisme de la transparence et de la paranoïa du complot. En quoi savoir que Sagan était plus homosexuelle qu’hétérosexuelle aurait aidé à la compréhension de son œuvre. Le drame de la romancière est que, justement, sa biographie a toujours fait écran entre le public et ses écrits, qu’elle soit elle-même grandement responsable de la chose ne change rien au résultat. Didier Roth-Bettoni oublie le droit de toute personne à une vie privée. On retrouve ici la confusion, dont le communautarisme est grand pourvoyeur, entre public et privé qui fait tant de mal à la civilisation.


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Voyons ce que dit sur le sujet Marie-Dominique Lelièvre dans son très bon Sagan à toute allure : « ... Si Françoise aime les femmes, elle cache ses liaisons qui restent clandestines. Pas d’images amoureuses avec celles qu’elle a aimées ou séduites... Au théâtre ou au casino, elle fait son entrée au bras d’un homme pour éviter d’être photographiée avec une amie de cœur. La vie amoureuse de Françoise Sagan se conforme au cahier des charges de sa légende et se coule dans les formes que lui impose le mythe... C’est pourtant avec une femme que Françoise est enterrée au cimetière de Cajarc, s’appartenant enfin: Peggy Roche, un des êtres qui ont le plus compté pour elle. »

Si la cinéaste a le bon goût de ne pas s’attarder sur les amants et amantes de passage de Françoise Sagan, il est tout de même assez ridicule de ne jamais montrer ne serait-ce qu’un geste de tendresse de son héroïne envers l’élu(e) de son cœur d’un moment, si bien que Françoise Sagan parait plus asexuée que bisexuelle !

Il est toujours périlleux de faire jouer des personnage qui sont encore dans l’œil d’une partie du public par des acteurs. Disons-le d’emblée, le casting ne démérite pas. On ne redira jamais assez à quel point Sylvie Testud EST Françoise Sagan. Mention spéciale aussi à Jeanne Balibar très convaincante en Peggy Roche mais il est vrai que je ne savais pas à quoi ressemblait cette dernière. Si, sur le plan du jeu, Pierre Palmade m’a surpris en ami fidèle et désabusé et m’a étonné par sa justesse, cela se gâte quand on sait qu’il s’agit de Jacques Chazot, qui ne l’oublions pas était certes une folle perdue (une des premières et des dernières à s’assumer comme telle !) mais avant tout un danseur, titre que la mollesse de Palmade ne peut jamais revendiquer. On se prend à songer alors que le choix de Palmade tient plus sans doute à sa possibilité de se faire inviter facilement dans les innombrables émissions de télévision de papotage promotionnel qu’à son talent de comédien. Itou pour Arielle Dombasle, beaucoup trop vieille pour le rôle, qui nous ressort son numéro de femme du demi-monde évaporée. Mais est-ce une composition ?


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Alors que dans Sagan à toute vitesse (édition Denoël) Marie-Dominique Lelièvre avait à juste titre fait la part belle à Bernard Frank et à Florence Malraux, les deux plus fidèles amis de Françoise avec laquelle ils formaient une enfantine triade de la timidité, Diane Kuris fait de l’auteur de Les Rats un pâle pique-assiette et escamote Florence Malraux, aujourd’hui la seule survivante de la bande à Sagan. De Bernard Frank, Marie-Dominique Lelièvre écrit qu’il tenait du « nounours hirsute, de l’objet transitionnel, plus que de l’amant ». Là encore, pour ce personnage hors du commun, la cinéaste aurait été bien inspirée de lire le portrait qu’en traçait Matthieu Galey dans son journal : « Bernard Frank, romain, puissant, épais, frisé. Une sorte de Murat. « Oui, dit il, mais à mon âge, il était déjà maréchal ! » Il vient de terminer un essai sur Drieu, personnage qui le fascine; il y étudie ce qu’il appelle la “panoplie littéraire” de l’époque. Une parole pressée, bafouillante, assez incertaine, mais la pensée est lucide, d’une intelligente férocité. » Encore une fois, devant le Bernard Frank du film honnêtement interprété par Lionel Abelanski avec néanmoins un déficit de charisme et de volume, on ne peut que constater que la littérature est absente; de ce fait on ne comprend rien à la relation entre Frank et Sagan, alors que le carburant de leur amitié était leur passion commune pour la littérature. Ce qu’expliquait très bien l’émission de radio, Une vie, une œuvre consacrée à Bernard Frank diffusée il y a quelques semaines sur France-Culture. Bernard Frank est l’auteur du terme « Hussard », fausse école littéraire qui menée par l’épée de Nimier bataillait pour la légèreté contre la pesanteur du roman à thèse. Il est paradoxal que l’on ne rattache jamais Sagan à ce courant...


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Toujours pour continuer sur le casting, et la question de la ressemblance physique d’un acteur avec la personne ayant existé qu’il interprète, question que je ne crois pas dérisoire même si les intellectuels de la critique balaye celle-ci d’un revers de main méprisant, je suis par exemple étonné du choix de Guillaume Gallienne pour le rôle de Jacques Quoirez, le frère de la romancière. Revenons au journal de Matthieu Galey : « Quoirez, le frère de Sagan, à qui la vie a sculpté une gueule de vieux marin pêcheur épanoui, jouant l’esthète distancié s’amusant du spectacle du monde... (19 janvier 1980). » Et que voit-on à l’écran ? Un gros garçon un peu folasse au cœur tendre et à la tête sur les épaules qui m’a fait irrésistiblement penser à Dominique Besnehard jeune. Le talent de Galienne n’est pas en cause, il parvient à imposer son personnage dès sa première apparition. Mais sans ériger le psychomorphisme en règle d’or, l’aspect d’un être n’est tout de même pas sans incidence sur son comportement quotidien. Diane Kurys a néanmoins fait de nombreux bon choix. Podalydes est parfait en Guy Schoeller et Chantale Neuwirth poignante en femme de charges, vraiment à tout faire, de la romancière.


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Diane Kurys n'a pas connu Françoise Sagan. Elles avaient pourtant failli travailler ensemble. La cinéaste avait proposé à l'écrivain d'écrire le scénario des Enfants du siècle, sachant qu'elle adorait la correspondance entre George Sand et Alfred de Musset. Mais cela ne s'est finalement pas fait. « J'ai toujours eu l'impression qu'elle faisait partie de ma vie », explique Diane Kurys. « En lisant les articles qui lui étaient consacrés (...) au moment de son décès, (...) j'ai vu à quel point sa vie avait été romanesque, intense, riche. (...) Je me suis mise à lire tout ce qu'on avait écrit sur elle, je me suis replongée dans ses romans, j'ai regardé ses interviews, et l'idée de faire un film sur sa vie ne m'a plus quittée. J'ai voulu la montrer dans son ambiguïté, à la fois proche, humaine et totalement imprévisible. Je n'ai pas cherché à la rendre meilleure qu'elle n'était, j'ai seulement voulu la rendre vraie, en essayant de m'approcher au plus près. Elle était généreuse, passionnée, passionnante et elle pouvait être un monstre d'égoïsme, elle était lâche aussi, parfois. Faire le portrait de quelqu'un, c'est aussi faire un portrait de soi-même. »

Pour le tournage, Diane Kurys a tenu à rencontrer certaines personnalités de l'entourage de Françoise Sagan, dont Florence Malraux, Jean-Claude Brialy ou Régine. Elle a en outre demandé au fils de l'écrivain, Denis Westhoff, d'être le conseiller artistique du film. « C'est la première personne que j'ai appelée quand j'ai eu l'idée de faire ce film. J'avais besoin de son approbation, de son regard, et de son aide. Il lui ressemble beaucoup, j'étais d'ailleurs très impressionnée à l'idée de le rencontrer. » Peut-être aurait-elle mieux fait de lire les livres de Françoise Sagan. Mais les cinéastes français lisent-ils ? On peut en douter.


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Encore une fois, le cinéma hexagonal ne parvient pas à filmer le travail, pas plus pour un écrivain que pour un plombier. Jamais on ne sent la romancière habitée par son œuvre comme c’est par exemple le cas dans le Capote de Bennett Miller. Si bien que lorsque la romancière ne parvient plus à écrire, Diane Kurys ne parvient pas à nous faire partager l’angoisse de son héroïne.

Sylvie Testud raconte également avoir rencontré certains des amis de Françoise Sagan encore en vie, mais en fait ils lui ont compliqué la tâche. « Le premier la disait timide, le deuxième la qualifiait de séductrice, le troisième voyait en elle une introvertie...chacun se l'était appropriée. » Ce sont finalement les enregistrements et l'INA qui ont le plus aidé l'actrice.


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L'idée de faire tenir le rôle de l'écrivain à Sylvie Testud s'est très vite imposée à la réalisatrice. Il faut dire qu’il faut être aveugle pour ne pas remarquer la ressemblance physique entre la comédienne et la romancière. Lors d'un déjeuner avec Thierry Taittinger qui revenait de l'enterrement de Françoise Sagan, celui-ci avait d'ailleurs dit à Diane Kurys que si un film se faisait, il faudrait prendre Sylvie Testud. Un choix que ne regrette absolument pas la cinéaste : « Cela m'a paru une évidence, et c'est elle que j'avais en tête quand je me suis lancée dans l'aventure. C'est une femme intelligente et courageuse, comme Sagan, et elle écrit elle aussi... Elle a compris le challenge que représentait le rôle. Elle a aussi un côté "petit soldat" : elle entraîne son monde derrière elle, et c'était un vrai bonheur de voir son travail, sa concentration et la légèreté avec laquelle elle avait l'air de faire tout cela. »


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Sylvie Testud indique avoir été à la fois enchantée et paniquée quand Diane Kurys lui a offert le rôle : « Je ne voyais pas de rapport évident entre Sagan et moi. » Elle s'est finalement rendu compte que toutes les deux étaient finalement assez proches. « En lisant des biographies, en l'écoutant, en la regardant, j'ai effectivement découvert beaucoup de points communs. Par exemple, comme elle, j'aime les belles voitures (...) Elle explique qu'elle ne boit pas de champagne et qu'elle est très déprimée dans les soirées qui n'offrent que du champagne : moi aussi. »

Elle réussit parfaitement à restituer le phrasé si particulier de Sagan, à la fois enfantin et « onomatopesque ». Elle a appris la « langue » Sagan avec autant d’application que le Japonais pour Stupeur et tremblements. Les regards de l’actrice se font tour à tour boudeurs, frondeurs, évasifs, souvent filtrés par une mèche de cheveux qu’elle triture. Après un début, très elliptique qui épouse le rythme de vie de la jeune Françoise Sagan, fait d’une profusion de plans brefs qui reflète bien la frénésie et l’urgence de vivre, le goût pour les fêtes, la vitesse, l’alcool déjà, le filmage se fait plus sage. La réalisation devient assez plate mais toujours propre. Le budget relativement modeste pour une telle entreprise interdit les plans larges dans les extérieurs urbains. La reconstitution est soignée et réussit à éviter les anachronismes.


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Ce que l’on ne perçoit pas dans le film de cinéma (il en sera peut-être autrement avec celui de télévision), c’est ce qu’a très bien mis en lumière Dominique Lelièvre dans son livre, le point de basculement d’une vie qu’elle situe pour Françoise Sagan en 1973. Cette date correspond à celle du premier choc pétrolier et aussi à la remise en question du mensonge gaullo-communiste sur la période 1940-1945 en France, deux phénomènes qui changeront (lentement) la perception du grand public sur bien des choses et entre autres sur les livres de Françoise Sagan, dont les romans perçus à la fois comme légers et dynamiques ne correspondent plus à l’air du temps qui est à la morosité... Les tirages des romans de Sagan commencent à diminuer et l’on peut considérer qu’à partir de cette date, la vie de la romancière ne sera qu’un long toboggan qui la fera glisser vers la mort.


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Dans le souvenir d’un film, je remarque que peu de spectateurs mentionnent l’heure, le lieu, les conditions dans lesquels ils l’ont découvert. Je ne parle pas des critiques qui, par pingrerie, se contentent des rances projections de presse. Pourtant le lieu de consommation a une grande importance dans le cheminement qu’une œuvre fait vers (puis dans) le cœur et l’esprit d’un spectateur. En cela, voir Sagan à La Baule était un choix parfait tant j’ai pu voir fleurir dans mon enfance les couvertures des romans de Françoise Sagan sur la plus belle plage d’Europe, comme les voitures qu’elle affectionnait se garer le long de la défunte “Potinière”, même si c’était plus des Triumph TR3 que des Jaguars ou des Aston Martin...

Il est important de ne pas oublier que cet article ne concerne que la version courte sortie sur les écrans le 11 juin 2008 et non sa version longue télévisée que je n’ai pas encore vue.

Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Roddy McDowall, Chris Sarandon, William Ragsdale, Amanda Bearse, Stephen Geoffreys, Jonathan Stark, Dorothy Fielding, Art Evans, Stewart Stern, Nick Savage, Ernie Holmes, Heidi Sorenson, Irina Irvine, Bob Corff et Pamela Brown. Réalisation : Tom Holland. Scénario : Tom Holland. Directeur de la photographie : Jan Kiesser. Musique : Brad Fiedel.

Durée : 106 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :

Fanatique de films d'horreur, le jeune Charlie Brewster (William Ragsdale) soupçonne ses nouveaux voisins – le séduisant antiquaire Jerry Dandridge (Chris Sarandon) et son assistant Billy Cole (Jonathan Stark) – d'être des vampires. Après avoir assidûment surveillé leurs agissements, il parvient à les démasquer et décide de les anéantir. Pour l'épauler dans cette mission, il fait appel à un présentateur de films d'épouvante de la télé locale : Peter Vincent (Roddy McDowall), qui s'avère aussi froussard que peu compétent en matière de surnaturel. Informé des intentions de Charlie, Jerry Dandridge riposte en séduisant la fiancée du jeune garçon, et en transformant l'un de ses amis, "Evil" Ed (Stephen Geoffreys), en « créature de l'ombre ». Charlie et Peter Vincent investissent la demeure de Dandridge et se préparent à l'affrontement.



L’avis de BBJANE :

L'un des films d'épouvante les plus ouvertement gay des années 80, Vampire, vous avez dit vampire ? continue d'être ignoré comme tel par l'ensemble de la critique et des fantasticophiles. L'analyse queer très complète et étayée offerte par Harry M. Benshoff dans son indispensable ouvrage Monsters in the closet – Homosexuality and the horror film, n'a pas changé grand-chose à cet état de fait. L'aveuglement des aficionados du cinéma fantastique, relativement au contenu homosexuel de certains de leurs films-cultes, n'a jamais cessé de m'étonner, et le cas de Vampire, vous avez dit vampire ? en constitue un exemple assez hallucinant. Je me propose, dans cet article, de recenser divers éléments scénaristiques et esthétiques qui font du film de Tom Holland l'une des œuvres gay les plus caractérisées du "genre". Suite à cela, j'aimerais soulever une question qui, en tant que fantasticophile homosexuel, me turlupine depuis nombre d'années : pourquoi les fans d'horreur, dans leur grande majorité, manifestent-ils un tel rejet de tout discours queer appliqué à leurs œuvres fétiches ? Pourquoi cet entêtement à ignorer – ou nier avec véhémence – ce qui, dans le cas de Vampire, vous avez dit vampire ? ou de classiques encore plus respectés du genre (La Fiancée de Frankenstein, Les Maîtresses de Dracula, Théâtre de sang...) relève de l'évidence ? D'ores et déjà, je convie chaudement mes lecteurs, si l'envie leur en prend, à m'apporter leur point de vue sur cette question troublante...

Plutôt qu'une critique proprement dite (on ne les compte plus sur le Net, et je ne vois pas l'intérêt d'ajouter mon caillou à l'édifice), je soumets à votre appréciation la liste des éléments queers du film.

J'ai presque honte de les répertorier, tant ils tombent sous le sens – mais il est parfois nécessaire d'enfoncer le clou (à défaut du pieu...)

Jerry Dandridge et son assisant Billy Cole sont présentés comme un couple gay (les fans du film ignorent généralement ce fait, lorsqu'ils ne le nient pas purement et simplement.) La mère de Charlie Brewster, affriolée par le voisinage du playboy Dandridge, en conçoit d'ailleurs une certaine amertume, dont elle fait part à son fils.

 

Ceci N'EST PAS un couple gay.


Charlie Brewster éprouve une fascination immédiate et obsessionnelle pour Dandridge. Dès le début du film, son intérêt pour ce nouveau voisin le détourne des étreintes de sa fiancée, Amy Peterson, qui le lui reproche vertement et l'accuse de chercher un fallacieux prétexte pour ne pas coucher avec elle.

La première attaque de Dandridge contre Charlie fait écho aux innombrables scènes de séduction vampirique que l'on trouve dans les grands classiques du genre : intrusion du monstre dans la chambre de sa victime, frayeur de cette dernière, mélange de rébellion et de fascination. À ceci près que, dans les œuvres classiques (disons, celles de la Hammer, auxquelles Vampire, vous avez dit vampire ? se réfère le plus explicitement), le vampire s'introduit chez des proies féminines. Le potentiel érotique et la charge de sensualité sont préservés par Tom Holland, mais prennent ici une coloration nettement homophile. Bien que les adversaires soient tous deux masculins, le jeu de la séduction est respecté.


Charlie et Jerry : « Tu veux un baiser ? »


Autre objet de fascination pour Charlie Brewster (décidément porté sur les figures masculines) : Peter Vincent, comédien raté mais idole du jeune garçon, qui lui prête une autorité et des compétences (en matière de vampirisme) dont il est totalement dépourvu. Substitut du père absent (celui de Charlie n'apparaît pas dans le film, et n'est guère évoqué), Peter Vincent est aussi objet d'adulation (Charlie passe ses soirées à l'admirer à la télévision), et l'“éducateur” rêvé par Charlie – le protecteur chargé de le guider dans le monde terrifiant des différences (monstrueuses/sexuelles) qu'il veut affronter.


PERSONNE ne brandit quelque chose dans ce film.


"Evil" Ed, le souffre-douleur du lycée, mais ami de Charlie, est le prototype de l'adolescent homosexuel tel qu'Hollywood, réactionnaire et puritain, s'applique généralement à en atténuer la représentation. Jeune garçon "bizarre", instable, excentrique, potentiellement révolté et de mauvaise compagnie, "Evil" Ed apparaît comme le descendant d'une longue lignée de « rebelles sans cause », sexuellement ambigus, dont le modèle peut-être vu dans le Sal Mineo de La Fureur de vivre. S'il n'est jamais nommément fait allusion à son homosexualité, sa différence est en revanche copieusement illustrée.


Ceci N'EST PAS une proposition malhonnête.


La scène de la mort d'"Evil" Ed (transpercé, sous la forme d'un loup, par le pieu de Peter Vincent, le jeune garçon recouvre son apparence humaine dans d'horribles douleurs et d'interminables contorsions) a traumatisé toute une génération de fantasticophiles, comme en attestent d'innombrables témoignages de fans, qui y voient généralement le sommet émotionnel du film. Elle est aussi placée sous le signe d'une compassion rare dans le cinéma d'épouvante, manifestée pour le monstre par son exterminateur. Peter Vincent, atterré par les souffrances de l'adolescent, observe son agonie avec les larmes aux yeux, et demeure prostré devant son corps nu. Pour les spectateurs gays, cette séquence prend une dimension symbolique, et apparaît comme emblématique des souffrances morales et/ou physiques auxquelles les expose leur différence.

 

"Evil" Ed et Peter Vincent. Le monstre mourant et son exécuteur. L'homme est un loup pour l'homo.


La vampirisation de "Evil" Ed par Jerry Dandridge dans une impasse obscure, a toutes les apparences d'une scène de séduction homosexuelle. « Tu n'as pas à avoir peur de moi, déclare Dandridge à sa victime. Je sais ce qu'être différent signifie. Désormais, plus personne ne se moquera de toi ou ne te fera de mal. J'y veillerai. Tu n'as juste qu'à me tendre la main. Allons, Edward, tends-moi la main. » Et Dandridge d'envelopper lentement le jeune garçon dans les pans de son trench-coat...

Comme le souligne de façon amusante Harry M. Benshoff dans son ouvrage Monster in the closet, la plupart des scènes d'agressions vampiriques nous montrent le vampire attaquant sa victime par derrière, (je cite : « comme s'il allait la sodomiser plutôt que la mordre. »)


PERSONNE ne tire dans cette scène.


De nombreux plans jouent sur une symbolique d'actes homoérotiques. Le plus fameux d'entre eux (évoqué par le comédien Jonathan Stark lors d'une table ronde réunissant plusieurs artisans du film) nous montre Billy Cole agenouillé devant Jerry Dandridge afin de soigner sa main blessée, le cadrage suggérant une fellation. Stark, qui assure n'avoir d'abord pas compris l'insistance du réalisateur à le faire s'agenouiller devant son partenaire, eut les yeux dessillés en découvrant le film sur l'écran.

 

Ceci N'EST PAS une pipe.

 

Pour conclure, impossible de ne pas noter la présence essentielle dans le casting d'au moins trois personnalités ouvertement homosexuelles (et pour deux d'entre elles, plutôt militantes) : les comédiens Roddy McDowall, Stephen Geoffreys (qui mena une carrière parallèle d'acteur dans le porno gay), et Amanda Bearse (qui déclara, lors d'une Gay Pride à l'Université de Californie du Sud, que l'intention de Tom Holland, en réalisant Vampire, vous avez dit vampire ?, était de dépeindre un vampire queer, et que chaque allusion homosexuelle était intentionnelle – voir Monsters in the closet, page 250.) Du reste, un simple survol de la filmographie de Holland, en tant que scénariste ou réalisateur, dénote un intérêt prononcé pour les thématiques queers, avec des œuvres aussi fortement connotées que Psychose II, Class 1984, Child's play ou le très "horrific-homo" The Beast within. Notons également que le comédien Chris Sarandon débuta sa carrière cinématographique en incarnant l'aspirant-transexuel amant d'Al Pacino dans Un Après-midi de chien de Sidney LUMET – ce qui lui valut une étiquette gay-friendly dont il ne put jamais se débarrasser (si tant est qu'il le souhaita...)

 

Du Cauchemar de Dracula (Terence Fisher - 1958)...

...au supplice d'"Evil" Ed (1985)... 27 années d'identiques souffrances pour le monstre queer, lesbien ou gay.

 

Lorsque Vampire, vous avez dit vampire ? sortit en salles, la presse évita soigneusement toute allusion aux connotations homosexuelles du scénario et de la mise en scène – difficile de croire qu'elle ne les perçut pas, à moins d'une faiblesse analytique fort dommageable à la profession de critique.

Ce silence est encore plus "criant" relativement aux commentaires émanant de la presse dite "spécialisée" (dans le cinéma de genre), qui se targue pourtant assez facilement d'une liberté de vue et de ton bannie des revues mainstream.

En France, les deux magazines les plus populaires en ce domaine, L'Écran fantastique et Mad Movies, louèrent les qualités du film (sur l'air du : « Bien joué, bien filmé, de chouettes effets spéciaux, et on a peur et on rigole... ») sans esquisser la moindre réflexion sur son contenu – mais il est vrai que la réflexion n'était guère, à l'époque (et à peine davantage aujourd'hui), un point fort de la presse dite "spécialisée"...

D'autres films contemporains de Vampire, vous avez dit vampire ?, et faisant appel, eux aussi, à une thématique clairement gay (La Revanche de Freddy, Génération perdue) subirent le même (manque de) traitement.

En mars 2008, plusieurs membres de l'équipe du film furent réunis pour une interview commune, dans le cadre de la Fear fest ayant lieu à Dallas. Le caractère queer du film n'y fut évoqué qu'une seule fois, brièvement, et pour faire l'objet d'une dénégation de la part du comédien William Ragsdale – lequel estime, en substance, que certains critiques racontent trop facilement n'importe quoi, et que Vampire, vous avez dit vampire ? n'est rien d'autre qu'un « film de vampires tout simple ». Propos mitigés par Jonathan Stark, qui rappelle avec humour l'anecdote de "l'agenouillement", évoquée plus haut.

Tom Holland, pour sa part, demeura silencieux.


No comment...


Pour plus d’informations :

Une partie de l'équipe du film fut réunie pour une interview, en mars 2008, à l'occasion de la deuxième édition de la Fear fest, à Dallas, Texas. La transcription intégrale de la rencontre, et quelques extraits vidéos, sont consultables ici – par la grâce de l'indispensable site Icons of fright.

Conflit de générations : rencontre entre deux gays issus d'époques différentes. Difficile de ne pas discerner, dans la confrontation Peter Vincent/"Evil" Ed, l'incommunicabilité entre deux représentants d'une manière différente de vivre son homosexualité : l'un peinant à sortir du placard (McDowall), l'autre fraîchement et fièrement affirmé (Geoffreys). Deux scènes aussi sombres que lumineuses, visibles sur YouTube.

• Une excellente approche queer du film (et quelques liens utiles), à découvrir sur Outcyclopedia, l'encyclopédie gay et lesbienne du web.


Fiche technique :

Avec Amira Casar, Julie Gayet, Bruno Putzulu, Johnny Hallyday, Alexandra London, Carmen Chaplin, Brigitte Rouan, Marie-France Pisier et Eli Medeiros. Réalisé par Stéphane Giusti. Scénario : Stéphane Giusti. Directeur de la photographie : Antoine Roch.

Durée : 95 mn. Disponible en VF.

 



Résumé :

Camille, fanatique de la Guerre des étoiles, aime et vit avec Ariane qui, elle, préfère Kierkegaard. Les parents d'Ariane ne sont pas au courant de leur relation amoureuse. Eva et Nico, amateurs d'Alien, forment un couple hétérosexuel parfait aux yeux de leurs parents mais Eva aime les filles et Nico les garçons. Enfin Lili, la secrétaire des éditions de science-fiction où ils travaillent tous ensemble aime les garçons mais collectionne les chagrins d'amour. Josepha, la mère de Camille, décide de réunir tout ce petit monde dans son château le temps d'un week-end.



L’avis de Yann Gonzalez :

Pourquoi pas moi ? est une agréable surprise ; l’on pouvait en effet craindre le pire à l’idée de découvrir la crème des jeunes acteurs français jouant aux homos dans le cadre d’une comédie populaire. La présence d'un Johnny Hallyday entourant ce beau linge n’était pas non plus très excitante, au regard d’une filmographie composée exclusivement de navets hormis Le Spécialiste de Sergio Corbucci et Détective de Godard. De plus, le film démarre assez mal en suivant Camille (Amira Casar), jeune fille à la démarche garçonne et au regard baladeur dont les répliques sont référencées Star Trek et Star Wars. Aïe ! Pourtant, peu à peu, à travers son récit d'un gay et de trois lesbiennes décidant de faire ensemble et dans une grande villa leur « coming out » (c'est à dire, révéler leurs tendances à leurs parents), Pourquoi pas moi ? va prendre ses marques et nous séduire ; et ce malgré une mise en scène assez plate dont les quelques "audaces" ne sont pas vraiment justifiées (surtout quand les personnages se retrouvent comme projetés dans l'espace filmique entre le début et la fin d'un mouvement de caméra).



Première qualité : le film a l'intelligence d'éviter la caricature genre "folles" et "camionneuses", ce qui est certainement une première dans l'histoire de la comédie française abordant un tel sujet. Car Stéphane Giusti est trop proche de ses personnages pour les réduire à des archétypes risibles (même l'affreux paternel incarné par Jean-Claude Dauphin finira par avoir sa chance). Si le spectateur s'amuse ici, c'est toujours avec eux, et jamais de façon condescendante. Pourquoi pas moi ? transpire l'amour, le désir, la joie de vivre ; et ça fait du bien parce que c'est une démarche devenue rare.



Le casting, quant à lui, est assez jouissif, et, outre les comédiens précédemment cités, on retiendra les prestations de Brigitte Roüan, Marie-France Pisier (toujours hilarante et même touchante dans son rôle de bourgeoise maniérée), Elli Medeiros, Assumpta Serna et la géniale Vittoria Scognamiglio (ces deux dernières interprétant Viens m'embrasser, version espagnole, de Julio Iglesias, dans la scène la plus réussie du film). Ces cinq mères sont improbables comme l’ensemble du film (il n'est pas très fréquent, je pense, qu'une mère suive sa fille dans une boîte homo quelques heures après que celle-ci lui ait indiqué ses préférences)... Pourquoi pas moi ? est davantage du côté de la rêverie, de l'utopie ; et, par là-même, nous réconcilie pour un temps avec le monde.



L'avis de Parpaing :

Un groupe de gays et de lesbiennes, colocataires, cobites, cofounes et collègues décident d'annoncer leur homosexualité à leur parents au cours d'un déjeuner convoqué ad hoc. Ils veulent dénoncer un mensonge qu'ils entretiennent collectivement, les uns faisant croire depuis quelques années qu'ils vivent ensemble et qu'ils sont futur mari et femme (le beau BrunoPutzuludel'AcadémieFrançaise), les autres qu'elles sont justes colocataires (les deux autres filles).

Annoncer à la famille que ce qu'on vit n'est pas vraiment ce qu'ils attendent, mais plutôt ce qu'ils redoutent, ce n'est pas facile – ah bah non, c'est pas facile.



Je n'ai quand même pas trop accroché à la présentation typée de tous les personnages. Les gays en question font des efforts pour ressembler à un certain modèle, tout en essayant, pour faire genre, de ne pas en avoir l'air : Bruno Putzulu en footballeur hétérrorisant, une telle qui dès qu'elle le peut s'agrafe de piercings, les autres hésitantes entre féminité et moue lesbienne.

Les parents, spécialement choisis pour leurs airs de Monsieur et Madame Tout le monde, sont à peu près aussi crédibles : Johnny Halliday en ex-torero-qui-pique-sa-colère-quand-il-faut-mais-qui-est-tolérant-quand-même, une mère fanatiquement pro-gay, le couple bourgeois et coincé versus le couple fauché mais tolérants, sans oublier la maman diva qui était finalement lesbienne (quoique, était-ce vraiment une femme ???).

Comédie gentille, qui se nourrit de clichés agréables et de plus ou moins bons mots, qu'on peut voir dans une salle conquise. Mais pas trop subtile.



Je suis un peu fatigué de ce genre de film mettant en scène de manière centrale des personnages homosexuels. Le  thème de la différence est exploité de plus en plus en tant qu'outil d'affirmation et d'existence (« on est belles, on est lesbiennes, on est fières », entend-on dans le film), mais plus en tant que moyen de réflexion sur soi et son propre statut, sur sa propre normalité. On affirme sa propre normalité sans nuance, et on reconstruit des clichés et des normes pas forcément plus réfléchis que ceux qui viennent d'être dénoncées.

On décrédibilise l'autre en le traitant de réactionnaire, en en faisant un épouvantail. Le père qui dans ce film n'accepte pas l'homosexualité de sa fille se décrédibilise tout seul en utilisant des arguments que même Christine Boutin a déjà arrachés de son missel ! Pourquoi les parents ne sont-ils pas contents de savoir cela ? Mystère. Et pourquoi vont-ils l'accepter ? Parce qu'il faut bien. Un peu court, tout cela – même pour une comédie.



L'homosexualité dans le cinéma a eu cela de très intéressant qu'elle permettait les double lectures de films, les sens cachés, les seconds degrés : comment représenter dans un film ce qui est interdit ? C'était une belle contrainte.

Maintenant qu'on peut tout dire, voire qu'on doit tout dire directement, l'homosexualité est-elle encore un thème contraignant ?

Dire les choses sans les dire, quelle belle complication – ah, où sont passés nos pédérastes d'antan ?

Pour plus d’informations :

 



Fiche technique :

Avec Fred Blanco, Randy Brown, Angel Ceja, Jesus Covarrubias, Smith Forté, Dan Franck, Bunny Gibson, David Vincent Holland, Randy Huiting, Eli Kabillio, Ericka kein, Koing Kuoch, Mark Larson, Elizabeth Mehr, Alex Mercer, Bernet Nelson, T.J. Paolino, Alejandro Patino, Robert Pecora, Gary Perez, Tymme Reitz, Antonio Rosas et Lobo Sebastian. Réalisation: Doug Witkins. Scénario : Doug Witkins. Musique : Bob Christianson.

Durée : 90 mn. Disponible en VO et VOST.

 

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Résumé :

Ils sont cinq, quatre garçons et une fille, colocataires/amis/amants. Ils habitent tous ensemble une grande maison à Los Angeles dans les collines d’Hollywood. Tom, le quasi gourou du groupe, meurt dans un accident qui pourrait être un crime. Leurs vies sont profondément bouleversées par cette mort. Kevin (Smith Forte qui est le pivot du film), le propriétaire, doit rechercher un nouveau co-locataire pour boucler ses fins de mois. Après avoir reçu quelques déjantés, il accepte un employé de banque gros et serviable, une sorte d’eunuque à voix de fausset dont la duplicité se révèlera progressivement.

 


Un chassé-croisé sentimentalo-sexuel se met en place. Wendy (Ericka Klein), la seule fille du groupe, avoue être enceinte des œuvres de feu Tom. Kevin, l’ancien amant de Tom, demande Wendy en mariage. Le mignon Vince (Korny Kuoch), un asiatique efféminé et adorable de 18 ans tombe amoureux du macho Ramon (Tymme Reitz), un mignon latino de son âge, un voisin, dont la mère courtise Andy, danseur gay... Mais bientôt une intrigue policière va dévoiler le côté sombre de chacun.

 

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L’avis de Bernard Alapetite :

Les habituels clichés gays sont, à la fois, habilement utilisés et détournés. Par un jeu de quiproquos, de retournements de situation et de coups de théâtre, la vie et surtout la sexualité ambivalente des protagonistes vont se révéler, hésiter, osciller. Le message de Doug Witkins est clair, presque trop clair : la sexualité n'est pas chose figée, bien que latente en chacun de nous, elle peut se révéler au gré des expériences. Et pourtant, la volonté d'une vie amoureuse impose nécessairement un choix. Et c'est à travers une bande de copains devenus co-locataires, partageant une maison à Hollywood Hills, qu'il nous entraîne dans un véritable marivaudage gay.

 

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C'est d'abord la disparition de Tom elle-même, en tant que source de deuil et de manque affectif, qui va déclencher dans notre maisonnée quelques petits remaniements surprenants. Puis la thèse du meurtre et une sombre histoire d’argent volé va prendre la relève afin d'exacerber les passions et de révéler les vrais visages de chacun.

Cette intrigue policière n'est qu'un prétexte, mais elle fonctionne bien comme telle et n'enlève rien à la fraîcheur de ce premier film. Mais à ce stade du scénario, l'agitation l'emporte quelque fois trop sur l'humain, et c'est dommage. Défaut très américain, s'il en est. Cette intrigue est du reste tellement rocambolesque qu'elle s'inscrit bien davantage dans une comédie que dans un vrai polar. Il ne faut surtout pas s’attacher à la vraisemblance des péripéties. On sent bien que Doug Witkins ne se prend pas au sérieux. Il parvient néanmoins à rendre les personnages attachants, et à nous emporter dans un élan d'euphorie.

 

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D'un personnage à l'autre, No Ordinary Love passe en revue les principaux thèmes clefs liés à l'homosexualité dans le cinéma : découverte de sa sexualité, identité sexuelle, rapports aux parents (ici, à la mère), coming out, homophobie, information gay, regard des autres, vie amoureuse, rapports passionnels, rapports à l'autre sexe, bisexualité, désir d'avoir des enfants… Ça nous fait un film un peu compulsif, une sorte de film-catalogue, qui agace parfois mais qui est servi par quelques très bonnes trouvailles scénaristiques dont la meilleure est peut-être la façon dont la bixesualité des protagonistes brouille régulièrement les cartes, empêchant de prévoir l’évolution des différentes histoires d’amour. La mise en scène est souvent inventive dans des espaces très réduits et toujours délurée (particulièrement dans les fantasmes et souvenirs des personnages) malgré un tout petit budget de tournage. No Ordinary Love emprunte la structure d’une sitcom télévisée qu’il subvertit par l’indifférenciation sexuelle des comportements.

 

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La principale faiblesse de ce Petit meurtre entre amis gay réside dans les flash-back, dans lesquels nous découvrons le mort, Tom (Dan Frank), qui apparaît plus comme un manipulateur cynique et une franche crapule que comme un ami charismatique. Mais Witkins a réussi le contrat qu’il s’était apparemment fixé : raconter une histoire pleine de rebondissements, pimentée de sexe avec légèreté et humour, jouée par de beaux et bons acteurs.

Le réalisateur, qui est par ailleurs le boss de l'excellente maison d'édition américaine « Picture This ! Entertainment », n’oublie pas son militantisme : seules seront sauvées par le scénario les liaisons homosexuelles.



L’avis de Yann Gonzalez :

Réalisé en 1994, No Ordinary Love a déboulé sur les écrans français, ou plutôt sur un écran, celui du cinéma l’Accattone qui l’a projeté en exclusivité. On comprend d’ailleurs assez mal l’intérêt soudain d’un distributeur pour ce premier film américain sans grand intérêt si ce n’est celui de sa marginalité (aussi bien économique que thématique). Et comme la faiblesse des moyens n’excuse pas celle de l’œuvre, on aura vite fait de ranger Doug Witkins dans la catégorie des cancres pseudo-subversifs...



Résumé de l’objet : quatre garçons et une fille partagent une maison à Los Angeles. Mais le jour où l’un deux (Tom) meurt dans des circonstances mystérieuses, tout est remis en question. L’arrivée de Ben, le nouveau colocataire, n’arrange pas les choses. Surtout que chacun porte sa croix : Kevin est pédé mais sa maman l’ignore ; Vince est pédé et aimerait bien se faire donner par Ramon, le petit voisin latino (mais qui dit latino dit hétéro) ; Andy est bisexuel et se tape la mère de Ramon ; Ben est gros et con, et Wendy est une fille. Dure, dure, la vie... Mais attention, No Ordinary Love n’est pas qu’un long épisode de Melrose place revisité par Gai pied, car derrière le sexe se cache une trame de film noir digne d’un collégien accro à Navarro. Entre sodo, hold-up, meurtre et coming-out, l’éclectisme est donc de rigueur. Malheureusement, l’ensemble est traité avec une décontraction qui frôle l’incompétence. Et si l’on pardonne les cadrages approximatifs et la laideur de la photo, il est difficile de ne pas s’insurger contre l’inconsistance des personnages et, a fortiori, des dialogues. Forcément, l’obèse se bâfre, l’un des homos s’habille en drag-queen, et le latino réprime ses tendances gay. Alors, les bobines ont beau défiler, l’on demeure avec l’impression d’assister passivement à un spectacle se contentant de sa propre et terrible vacuité. Simplement du vide dont ne se détache ni un plan, ni même une image. No Ordinary Love ? Un film de plus, un film pour rien.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Juan Minujín, Mimí Ardú, Carlos Echevarría, Bárbara Lombardo, Javier Van Der Couter, Osmar Nunez, Ricardo Merkin, Carlos Portaluppi, Monica Cabrera et Carlos Echevarria. Réalisation : Anahi Berneri. Scénario : Anahi Berneri et Pablo Perez, d’après l’oeuvre de Pablo Perez. Compositeurs : Leo Garcia et Martin Bauer.
Durée : 95 mn. Disponible en VO et VOST.




Résumé :

En 1996, à Buenos Aires, Pablo est un jeune poète qui vient d’apprendre sa séropositivité. Aucun éditeur n'a encore accepté de le publier. Pour subvenir à ses besoins, il donne quelques cours particuliers et surtout, il doit demander le soutien de sa famille. Il est hébergé chez sa tante qui souffre de troubles psychiques et son père lui verse une pension. La trithérapie venant de faire son apparition, il refuse tout d’abord l’absorption massive de médicaments, puis s’y résout progressivement. En quête d'amour, il se met à fréquenter un cercle « d'amateurs de cuir », adeptes du sado-masochisme. La sexualité devient bientôt un moyen d'affirmer son individualité. Un an plus tard, Pablo a écrit des pages et des pages sur ses aventures sexuelles et sur le traitement qu'il suit pour combattre sa séropositivité. Cette fois, le texte est édité ce qui bouleverse sa famille qui décide de lui couper les vivres.

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L’avis par Bernard Alapetite :
Une année sans amour est surtout pour le spectateur 100 minutes avec ennui malgré un sujet neuf : comment un malade du sida en 1996 à l’apparition des trithérapies ne sachant rien de leur efficacité appréhendait le traitement, ceci par le biais de l’autofiction et d’un journal écrit. Mais la maladie semble n’être qu’un accélérateur car Pablo devait un jour ou l’autre en venir à s’interroger sur ce qui le pousse à vivre et à (se) révéler son désir de cuir et de douleur. Le scénario, basé sur des faits réels, est l’adaptation du livre éponyme de Pablo Perez qui a participé à son écriture. La plupart des œuvres de cet écrivain relève de l’autofiction. Le livre de Pablo dans la réalité connaîtra un grand succès de librairie, ce qui en fera une sorte d’Hervé Guibert argentin ce que ne dit pas le film, celui-ci s’arrêtant aux premiers jours de la parution de l’ouvrage. Mais pour que le spectateur s’intéresse à une autofiction, faut-il encore qu’il entre un minimum en empathie avec son narrateur et cela me parait impossible avec l’anti-héros d’Un an sans amour tant le personnage est égoïste, autocentriste, égotiste et doté d’un cœur sec. Cette distance est encore aggravée par la réalisation.

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Le film, tourné en 16mm gonflé en 35, est d’une laideur constante avec ses plans à la profondeur de champ infinie qui viennent buter sur des décors crapoteux et ses images charbonneuses. La médiocrité du filmage est encore accentuée par le parti pris de la réalisatrice de choisir systématiquement ce qu’il y a de plus laid. Le Buenos Aires de Berneri est encore plus moche que le Rome désolé de Duteurte, c’est peu dire. Malgré les déclarations de la cinéaste : « Mapplethorpe a été une grande influence pour moi. Il y a peu de représentations crédibles du fétichisme en dehors de films spécialisés, ou de quelques films récents comme Irréversible de Gaspar Noé ou Romance de Catherine Breillat. Mapplethorpe aborde la sexualité avec une rigueur et une frontalité qui rendent à ses sujets toute leur noblesse. Il ne pose aucun jugement, c’est cela que je recherchais. » Nous sommes loin du modèle revendiqué car jamais elle ne parvient à dépasser les images convenues du sado-masochisme.

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Le film n’est presque composé que de gros plans et de plans moyens filmés caméra à l’épaule, et si nous sommes toujours au plus près de Pablo, les autres personnages ne parviennent pas à exister et pourtant ils sont tous interprétés avec talent. Mais surtout le film bénéficie d’une extraordinaire performance d’acteur avec Juan Minujin qui a véritablement investi la personnalité de Pablo. Juan Minujin fait partie d’une troupe de théâtre de Buenos Aires qui travaille sur le thème de l’érotisme. Sa performance est criante de vérité et l’on est persuadé que l’on assiste à un documentaire et non à une vie recréée à l’instar du très beau Les petit-fils d’Ilan Duran-Cohen qui sait, lui, nous toucher parce que ses protagonistes sont beaucoup plus dignes d’amour que celui d’Une année sans amour.
D’autre part, ni la sincérité ni le sérieux de la réalisatrice ne peuvent être mis en doute. Un Año sin amor est documenté par de nombreux fragments, pages de journal intime, écrans d’ordinateur, couvertures de magazines, pictogrammes, dossier d’aide sociale ou fiche de patient... Suffisamment. Ils ancrent le film dans le réel tout en l’éloignant du strict documentaire. Dans le film, l’amant disparu de Pablo se prénomme Hervé, rencontré lors du séjour du jeune homme à Paris. Évocation d’Hervé Guibert, mort du sida, dont l’autofiction était la marque littéraire. Pablo, qui a pu vivre, continue de lire Neruda.

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Un Año sin amor n'en est pas moins un film sur la liberté, la liberté d'aimer malgré la maladie. Un film sur la recherche de l'amour, la perte de l'amour, la peur de mourir ; tout cela nous concerne mais l’art consiste entre autres à amener vers l’esprit ces grandes interrogations par l’intermédiaire du cœur et la cinéaste n’y parvient pas, faute d’avoir pris un passeur si peu aimable.
Pour son premier film, Berneri a mis la barre trop haute mais elle a eu le grand mérite de l’ambition et du courage.

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Anahi Berneri est née en 1975 à Martinez, province de Buenos Aires. Elle est diplômée de Institute Audiovisual Production School (ORT) et de l'Institut National de l'Audiovisuel à Paris. En 1997, elle écrit et réalise le court-métrage documentaire Modelo para amar qui reçoit une récompense. Depuis cette date, elle a exercé dans l'industrie cinématographique des métiers aussi variés que directrice de casting, assistante réalisatrice, directrice de production et assistante monteuse. Elle a notamment travaillé avec Daniel Burman, Martín Rejtman, Marco Bechis, Mercedes García Guevara et Santiago García. En 2002, elle réalise le show télévisuel Maximo, produit par Wap Media pour TV Pramer. Elle est chargée de cours à l'Université de Buenos Aires et enseigne le design du Son et de l'Image.
Un Año sin amor est sorti en France le 19 avril 2006, C’est son premier long-métrage. Le DVD, édité par Épicentre, devrait paraître à l’automne 2006.

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L’avis de Matoo :
Il s’agit du film pédé du moment, et vous me connaissez, moi quand on me prend par les sentiments… En outre, c’est un film argentin, et je me suis donc régalé de cet accent si particulier (et plaisant) des personnages. Il s’agit surtout d’un très bon film, et qui relève l’incroyable challenge de parler de la séropositivité, de l’homosexualité, du SM même, et le tout en suivant la destinée d’un écrivain gay de Buenos Aires de 30 ans en 1996, à ce curieux tournant de l’histoire du SIDA, au moment où les trithérapies commencent à agir. Le défi n’est pas simplement d’évoquer tout cela, mais vraiment de le faire comme cela ne l’a pas été avant, sans mièvrerie ou voyeurisme, sans verser dans le glauque ou l’artiste suicidaire, au contraire avec une histoire simple, linéaire et authentique.
Le film est basé sur un roman autobiographique éponyme de Pablo Pérez, ce qui aide sans doute à rendre l’œuvre si « pure » et digeste malgré tout ce qu’elle véhicule. On suit donc la vie de ce jeune homme, Pablo Pérez, écrivain non publié, qui est séropositif, vit avec sa tante dans un appartement qui appartient à son père. Ses défenses immunitaires vont en défaillant, et il refuse les nouveaux traitements, car il s’en méfie. Il voit ainsi sa vie lui échapper, et il pressent une mort à court terme, qu’il veut transcender dans un roman sous forme de journal intime. C’est ce journal qui narre cette « année sans amour ».

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Il tente de trouver l’âme sœur en faisant passer des petites annonces dans les journaux gays, et puis il décide aussi d’explorer le milieu SM cuir qui l’attire énormément. Il y fait la connaissances d’amants, de mentors et essaie de se (re)trouver dans tout cela.
Évidemment on retrouve des scènes de cul, mais ce n’est pas non plus l’objectif du film qui joue des clairs-obscurs plutôt que de la crudité. J’ai vraiment surtout aimé le fait que toute l’histoire soit présentée de manière si réaliste, et sans jugement de valeurs aucun. On comprend à la fois le désespoir relatif de l’écrivain qui se sent défaillir, mais aussi sa quête d’amour, ou sa recherche de lui-même dans les relations qu’il entreprend. Le film ne joue pas sur le registre pathétique et non plus sur l’homosexualité « spectacle », mais vraiment sur un homme, Pablo Pérez.
Ce n’est pas non plus le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre, mais il s’agit là d’un film vraiment novateur, intéressant et stimulant. Cela change des films de tapioles habituels ou des Almodovar, donc ça vaut le coup d’y jeter un œil et de se forger une opinion.

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L’avis de Dragibus :
Le film commence sur un gros plan, celui du curseur vert fluo sur écran noir d’un ordinateur... rien à voir avec Matrix, quoique certains costumes rappellent les tendances SM de Néo et Trinity !
À part ça, Pablo est un jeune poète, qui donne des cours de français ici ou là, et qui, une fois n’est pas coutume, cherche un mari...
Son truc, nous sommes en 1996 et Internet est rare, ce sont les petites annonces dans les magazines gays, et c’est dans l’intimité réflexive de la rédaction de sa propre annonce que nous le surprenons la première fois.
Trouver les mots justes, trouver l’expression qui colle le mieux à la description de l’homme souhaité, quand pourtant les désirs et l’envie d’amour sont au delà des mots.
Et puis, à force d’entrer dans l’intimité de Pablo, la cohabitation avec sa tante, la quête sexuelle dans des cinémas gays, les sorties en boite qui finissent en plan d’un soir, on finit par se rendre compte que Pablito possède un peu de nous-même, je me surprends à penser que je suis un Pablo en puissance sauf que je roule beaucoup moins bien les « R » (mais je ne parle pas du tout espagnol !)

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Pablo, c’est un peu un blogueur avant l’heure, qui pianote chaque jour sur le clavier de son PC pour écrire un bout de lui-même, quelques morceaux choisis de sa vie, de la quête romantique donc désespérée d’un prince charmant dans son « année sans amour ».
Pablo c’est moi !
J’ai commencé en octobre mon blog sans queue ni tête (au sens propre comme au figuré) et je m’approche lentement vers une année complète sans amour ! Il ne s’agit pas de l’amour reçu ça et là, amical, furtif, fraternel ou filial, nous n’en manquons pas vraiment lui et moi, il s’agit plutôt de l’amour qu’on pourrait être capable de donner, à celui qui est... (???) à celui que l’on cherche inconsciemment !
Sa solitude affective ressemble à un abîme sans fond où il se perd, en sexe à la sauvette, en parties sado-masochistes, où quand l’assouvissement sexuel d’une pulsion fait oublier un certain vide.
Un vide qui se creuse aussi rapidement que la chute vertigineuse de son taux de lymphocyte CD4, car là s’arrête la comparaison, Pablo est séropositif.
Après réflexion, là aussi peut se poursuivre la comparaison... Toute la réussite du film est de nous dépeindre le quotidien de Pablo en toute simplicité et avec pudeur, loin des clichés et du pathos habituels dès que l’on aborde le VIH chez un gay !

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Ainsi, chaque scène possède la même importance, des cours particuliers donnés à une élève qui ne peut cacher son béguin pour le bellâtre, aux coquetteries borderline de sa tante en passant par cette scène poignante où Pablo est réveillé en pleine nuit par une quinte de toux, se lève et s’habille, sort de chez lui comme d’habitude, marche lentement dans la nuit. On le retrouve non pas dans le cinéma habituel mais dans le couloir lugubre d’un hôpital, à calmer sa dyspnée sous un aérosol à la lumière blafarde d’un néon trop vif qui nous laisse suffoquant à notre tour lorsqu’on aperçoit les gouttes de sueur perler sur son front trop pâle.
On prend alors conscience de sa propre mortalité en même temps que Pablo et l’on comprend d’autant mieux pourquoi il écrit chaque jour avec frénésie : ce journal est celui d’un condamné, s’il se presse à nous raconter cette année sans amour, c’est qu’il sait qu’en refusant un traitement de fond il peut partir très vite...
Toute la contradiction du personnage s’exprime dans son rapport à sa maladie, elle lui inspire du dégoût, il déteste l’idée de devoir souffrir mais redouble d’énergie dans ses pratiques sado-masochiste !
Et puis lorsque tout fout le camp, encore plus vite que prévu, une rencontre, un jour comme les autres, transforme cette course contre la mort en course avec l’amour, contre l’amour, sans amour, mais avec beaucoup de vie...
Ce conte moderne et cruel m’a touché en plein cœur parce qu’il raconte avec pudeur et force quelque chose qui ressemble à la vraie vie, des scènes SM les plus crues jusqu'à la lumière diaphane qui entoure Pablo dans une nature qui déborde de poésie, le personnage est toujours beau, comme le propos de ce film, qui l’espace d’1h30 m’a fait aimer ma vie  !
Pour plus d'informations :

 

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Fiche technique :
Avec Dean Stockwell, James Remar, Jason Behr, Kenny Cloutier, Andrew Cooper, Marianna Elliott (II), Joseph Foss, George Georgiadis, Brenda James, Robert Glen Keith, Joseph Kell, Andreas Michael Lamelas, J . Nancy Sawyer, Rondell Sheridan, Thomas G. Waites et Jaimz Woolvett. Réalisé par Victor Salva. Scénario : Victor Salva. Images : Don E. Fauntleroy. Musique : Bennett Salvay. Montage : Ed Marx. Son : Benjamin Patrik.
Durée : 95 mn. Disponible en VO.



Résumé :
Del Farraday (Dean Stockwell), la soixantaine bourgeoise et sportive, invite pour quelques jours, son fils aîné (Robert Glen Keith), jeune avocat englué dans sa médiocrité banlieusarde, dans son chalet de chasse, situé au bord d’un lac, en pleine forêt. Il désire se réconcilier avec lui. Arrivant au chalet, les deux hommes sont surpris d’y trouver déjà Campbell, le plus jeune des fils de la famille, que pourtant le père avait chassé deux ans auparavant lorsqu’il avait découvert son fils dans les bras d’un autre garçon. La nuit tombe, autour de la table du dîner la tension monte. Le père, brutal et homophobe, veut s’expliquer avec ses deux fils, lorsque soudain on frappe à la porte de la maison. Deux étrangers (James Remar et Jaimz Woolvett) demandent de l’aide. Ils prétendent que leur voiture est en panne dans ce lieu isolé. Del Farraday les fait entrer. Bientôt on découvre que c’est un piège. Les deux hommes sont en fait de dangereux psychopathes évadés de prison. Il s'avère que le fils gay est à l'origine de tout cela. Il s’est lié d'amitié, et même plus, avec l’un des taulards. Il a monté ce traquenard afin de se venger de son père, à qui il ne pardonne pas d’avoir brisé son histoire d’amour. Mais les choses ne se passent pas tout à fait comme Campbell l’avait prévu...


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L’avis de Bernard Alapetite :
Ne baraguinons pas : nous voilà devant l’un des meilleurs thrillers de ces dernières années. Le film bénéficie d’un savoir-faire cinématographique indéniable, d’une interprétation remarquable et surtout d’un scénario palpitant et toujours imprévisible. Il est en outre riche d’un sous texte qui permet au spectateur d’imaginer bien des péripéties hors champ. Rites of Passage échappe à tout accent mélodramatique. L’angoisse est distillée avec beaucoup d’habileté. Les quelques retours en arrière sont bien amenés. Ils offrent à la fois des plages de calme, faisant redescendre la tension, et des informations sur le passé des personnages, éclairant notamment l’incommunicabilité entre le père et ses fils. Le film évite le piège de la prise de parti, du bon contre les méchants, tant cette barrière entre le bien et le mal demeure ici floue et insoupçonnée. Rites of Passage n’est pas une œuvre gay, selon la dénomination classique dans le cinéma américain, mais l’homosexualité nourrit toute l’intrigue.


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Cela commence comme un drame familial, pour se métamorphoser en un thriller haletant. Victor Salva raconte, dans le commentaire du film sur le DVD, qu'il s'est inspiré d'événements de son passé pour écrire son scénario. Il a été également doté, comme son héros, d’un père autoritaire et obtus. Le tournage a été vécu pour lui de manière cathartique. Il a réalisé Rites of Passage directement après être sorti de prison. Le réalisateur, qui n’a jamais caché son homosexualité, ce qui aurait difficile au vu de ses films, a en effet été condamné à plusieurs années de prison, malgré ses dénégations, pour des actes de pédophilie sur un garçon de 12 ans. Il se serait inspiré de certains de ses anciens codétenus pour les personnages des tueurs.


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C'est en 1986, à l'occasion de la Sony/AFI Home Video Competition que Victor Salva – qui a commencé dès l’âge de treize ans à tourner des courts métrages en super 8 – est remarqué par Francis Ford Coppola, membre du jury. Son court métrage, Something in the basement, reçoit le prix dans la catégorie fiction. Deux ans plus tard, Francis Ford Coppola produit le premier long métrage de ce Californien d’alors trente ans, Clownhouse, un thriller à petit budget, dans lequel trois garçons sont attaqués par trois malades mentaux déguisés en clowns. Dès lors, le cinéaste se spécialise dans le registre de la série B angoissante ; il signe en 1995 Nature on the beast, un autre thriller interprété par Eric Roberts et Lance Henriksen. L'année suivante, Victor Salva change de genre cinématographique et met en scène son premier film fantastique, Powder, pour les studios Disney. Interprété par Jeff Goldblum et Mary Steenburgen, ce long métrage met en scène les aventures d'un jeune homme, doté de pouvoirs de télékinésie. C’est un énorme succès commercial.


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Après son incarcération, il est mis au ban d’Hollywood mais Coppola ne l’a pas oublié et co-produit Rites of Passage, de l’aveu de Salva son film le plus personnel. Puis il revient à ses premières amours, le thriller d'épouvante, avec Jeepers Creepers, le chant du diable. Ce film à petit budget et sans prétention, dans lequel deux adolescents se retrouvent aux prises avec une terrifiante créature, remporte un succès surprise à travers le monde. Cette faveur du public le remet définitivement en selle et il ne tarde pas à lui donner une suite, sobrement intitulée : Jeepers Creepers II (2003). Cette fois, c'est à un bus rempli de basketteurs que le monstre s’attaque. Les deux Jeepers Creepers sont à forte teneur homoérotique. On ne risque pas d’oublier une séquence du début de Jeepers Creepers II où de beaux adolescents prennent un bain de soleil sur le toit de leur schoolbus ! En 2006, Victor salva a tourné Peaceful Warrior qui se déroule dans un gymnase, avec Scott Mechlowicz et Nick Nolte mais qui ne nous est pas encore parvenu ici, sur nos écrans.


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L’interprétation de Rites of Passage est irréprochable.  Elle démontre quel réservoir de talents possède le cinéma américain. Il faut bien dire qu’avant le film de Salva, on attendait peu de choses de Jason Behr, vu presque seulement à la télévision, surtout dans Roswell. Il a fait aussi de nombreuses apparitions dans d’autres séries comme JAG (où il retrouve Dean Stockwell), Profiler, 7 à la maison, Cracker et Buffy. En 1999, il joue le rôle récurrent de Chris Wolfe dans la série Dawson (saison 2). Parallèlement à sa carrière télé, Jason fait une courte apparition dans Pleasantville avec Reese Whiterspoon. Ici, il est remarquable dans son rôle de jeune gay écorché vif et tient le film de bout en bout. On l’a revu avec plaisir dans The Grudge. On a pu voir Robert Glen Keith (D J Farraday) en vedette dans l’excellent remake californien de Mort à Venise, Death in Venice, CA. À la manière d’Hitchcock, Salva apparaît furtivement en pianiste d’hôtel au tout début de Rites of Passage.


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Pouvez-vous vous souvenir, vous que la camarde a épargné et qu’Alzheimer traque, du temps où, rue d’Ulm ou bien dans un pelucheux cinéma de quartier, vous restiez le dernier, assis dans votre inconfortable fauteuil, au risque de vous faire écraser les orteils, jusqu’à la dernière image pour tenter de mémoriser le générique du film que vous veniez de voir, classique ou nanar peu importait ; ce qui comptait, c’était d’engranger un maximum d’images et de noms, qu’ensuite vous vous réciteriez pour conjurer vos insomnies, comme d’autres se remémorent la litanie des empereurs romains ou la nomenclature des papes. Si vous êtes de ceux-là, mes frères cinéphiles et cacochymes, l’apparition du nom de Stockwell, le père homophobe, aura dû vous titiller la mémoire. Vous vous serez précipité vers votre bibliothèque ou votre ordinateur et « mais bon dieu, mais c’est bien sûr ! », ce nom vous disait quelque chose, mais comment reconnaître dans ce père intransigeant Le Garçon vert du film éponyme de Losey traqué par tous parce que... différent.


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Rites of Passage est une œuvre mature. On sent que le réalisateur est proche de ses personnages. Il traite frontalement de l'homophobie tranquille de certains parents. Le couple père/fils composé de Dean Stockwell et Jason Behr fonctionne à merveille dans cet affrontement entre le désir d’être soi et les vieilles lunes moralisatrices. Il est aussi très rare de trouver l'homosexualité au centre d'un thriller américain. Elle est presque toujours cantonnée dans les comédies ou les comédies dramatiques. Chaque scène est excellemment filmée. Salva sait bien profiter des magnifiques décors où il a eu le bon goût de situer son thriller. Don E. Fauntleroy, qui signe aussi l’image des deux Jeepers Creepers, est un virtuose des atmosphères nocturnes dans lesquelles se déroulent les trois quarts du film.


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Il y a un DVD seulement pour la zone 1, sans sous-titres français, chez deux éditeurs (??). Il contient un précieux commentaire du réalisateur et des scènes coupées qui ne sont pas inutiles à la compréhension de l’intrigue et qu’il aurait été bon de garder dans le montage final.

Pour plus d’informations :
Voir la bande annonce



Fiche technique :

Avec Mohsen Mohieddin, Naglaa Fathi, Ezzat el-Alayli, Mahmoud el-Meligui, Mohsena Tawfiq, Ahmed Mehrez, Gerry Sandquist, Youssef Wahbi et Yehia Chahine. Réalisation : Youssef Chahine. Scénario : Youssef Chahine & Mohsen Zayed. Musique : Fouad El Zahuy. Images : Mohsen Nasr. Montage : Rashida Abdal Salam.

Durée : 133 mn. Disponible en VO, VOST et VF.

Résumé :

1942 : le maréchal Rommel est aux portes d’Alexandrie. La ville est en ébullition et la population réagit diversement. Certains se réjouissent de la victoire allemande annoncée, et organisent des opérations anti-anglaises. D’autres comme la famille Sorel, de confession juive, font leurs valises. Adel Bey, oncle de Yehia, aristocrate dilettante, sorte de dandy décadent, nationaliste, fait enlever des soldats anglais ivres pour les tuer. C’est pour lui une sorte de sport cruel et élitiste. Il tombe amoureux de l’un d’eux. Il lui laisse la vie sauve, mais l’Anglais mourra au front...



L’avis de Bernard Alapetite :

Ce film commence le cycle autobiographique de Chahine. Il sera suivi en 1982 par Alexandrie encore et toujours et clos en 1989 par La Mémoire. Il y invente le personnage de Yehia, véritable double du cinéaste.

Dans Alexandrie pourquoi ?, Chahine réinvente son adolescence et sa jeunesse, de la période de la guerre jusqu’à son départ pour les États-Unis pour y apprendre le cinéma. Mais loin d’être centré sur sa personne, le cinéaste a voulu visiblement ressusciter des personnages qui le hantaient encore à l’époque du tournage comme celui d’Adel Bey, ici présenté comme son oncle.

Adel Bey a appris à convertir sa haine en amour ; la revendication politique va se changer en une passion sensuelle. Le cinéaste réussit à nous faire comprendre cette métamorphose en un plan superbe : l’Égyptien apportant son repas à l’Anglais, nu dans le lit de la chambre à coucher du premier. Très peu sera montré mais l’émotion est très forte qui culmine lorsque, plus tard, on voit l’oncle se recueillir sur la tombe du tommy qui a été tué à El-Alamein : rares sont les images aussi belles qui ne laissent pas disparaître l’amour homosexuel dans les oubliettes de l’histoire.

L’amour homosexuel chez Chahine est toujours apprentissage mais un apprentissage inversé par rapport à la tradition grecque classique : c’est l’aîné, l’homme de savoir, qui a la révélation de la vérité par l’entremise de l’objet du désir, c’est ce que l’on retrouve dans Adieu Bonaparte. C’est un amour libérateur et positif à l’opposé de la contemplation morbide de la jeunesse dans Mort à Venise de Visconti.



Chahine a donné à Yehia les rêves de son adolescence, comme lui il rêvait de partir pour étudier le cinéma aux USA... Ce qu’il fit. A-t-il connu la passion de son double – comme lui pétri de cinéma américain, et qui veut devenir acteur et prépare un spectacle avec ses camarades du lycée catholique – que nous suivons, parallèlement à l’intrigue principale, cette amitié passionnelle pour un garçon de sa classe, une amitié qui exclut toute autre histoire d’amour ? Comme dans Adieu Bonaparte, Chahine mêle habilement l’Histoire et histoires d’amour, tissant un scénario complexe où se croisent et se mêlent intimement amitiés, amours, trahisons, idéologies contraires, religions différentes et sexualités variées.

Alexandrie pourquoi ? est certainement le film de Chahine qui s’inscrit le plus dans une filiation littéraire, bien sûr dans celle de Cavafy mais aussi celles de Durrell et Mahfouz.

Ce mélodrame flamboyant est aussi un grand film documentaire. D’ailleurs, faute de moyens pour reconstituer les moments historiques, le cinéaste utilise habilement des bandes d’actualité. Il nous apprend surtout comment une population vivait ces événements, subissait la guerre tout en étant dans une certaine mesure extérieure au conflit. Alexandrie pourquoi ? nous en apprend beaucoup sur la vie quotidienne à Alexandrie de 1942 à 1952.

Alexandrie pourquoi ? est aussi un film sur le « Je », utilisé sans doute là pour la première fois dans le cinéma arabe, d’un garçon qui prend sa vie en main avec courage et détermination.

On peut parler d’audace folle de Chahine à propos de ce film dans lequel il évoque ouvertement une aventure homosexuelle entre un Égyptien aisé et un soldat britannique, et ose en parallèle une histoire d'amour entre un Musulman et une Juive… et suggère une amitié particulière entre deux garçons.

Ce film a été primé au Festival de Berlin où il reçut l’Ours d’Argent et le Grand Prix du Jury.

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Fiche technique :

Avec Joanne Woodward, Christopher Plummer, Valerie Harper, Sylvia Sidney, James Broderick, Melinda Dillon, John Considine, Ben Masters, Curtiss Marlowe et Robert Urich. Réalisation : Paul Newman. Scénario : Michael Cristofer.

Durée : 108 mn. Disponible en VO (introuvable en VF).



L’avis de Jean Yves :

Brian a quitté sa femme pour vivre avec Mark. Au moment où il va mourir, elle revient.

Dans une ferme-clinique californienne, deux hommes et une femme vivent leurs derniers jours. Condamnés par la médecine, ils sont installés dans de confortables bungalows où ils peuvent accueillir leurs proches. Dans l'ensemble, la maladie ne les a pas trop diminués et même s'ils sont rongés à l'intérieur, comme dit l'un d'entre eux, ils peuvent faire bonne figure devant les visiteurs.

● Felicity (Sylvia Sidney) est une vieille dame impotente (elle se déplace en fauteuil roulant) et acariâtre. Elle houspille son médecin et sa fille Agnès (Melinda Dillon) qui la chaperonne pourtant avec patience. Mais elle n'a plus toute sa tête et attend la venue de son autre fille Claire, morte depuis de longues années...

● Joe (James Broderick) reçoit la visite de sa femme et de son jeune fils. Par son comportement hystérique, Maggie (Valerie Harper) exprime son refus de voir la réalité en face : le décès prochain de son mari. Elle n'a pas eu le courage, comme il le lui avait demandé, de dire la vérité à leur fils. Mais celui-ci s'avère au courant, tout en l'ayant caché par pudeur. Sa joie de vivre, à la limite de l'indifférence affichée, apporte à Joe ses moments de simple bonheur qu'il n'a jamais su partager avec sa femme...

● Brian (Christopher Plummer) a choisi de tourner sa fin prochaine en dérision. Intelligent, cultivé, plein d'esprit, il se veut combatif, même si la douleur ne l'épargne pas. Il est divorcé et vit aujourd'hui avec son amant, Mark (Ben Masters). Pendant une séance de psychanalyse-vidéo (!), son ex-femme arrive au bungalow et rencontre Mark. Dire que cette première rencontre se passe bien serait difficile ! Bervely (Joanne Woodward), excentrique et saoule, ne peut que se heurter avec le jeune homme grave qui partage les derniers instants de son ancien mari. Elle poussera même la provocation jusqu'à lui lancer : « Vous n'avez pas du tout l'air d'une folle ! ».

Très heureux avec Mark, Brian l'est aussi de revoir Beverly. Ils évoquent des souvenirs, boivent du Champagne sous l'œil réprobateur du jeune homme. Mais les masques tombent vite : Berverly montre l'émotion et le désarroi cachés par son exhibitionnisme et Mark parle de son amour pour Brian, de la tendresse et du réconfort qu'il lui apporte mais aussi du courage qu'il lui faut avoir, parfois, pour supporter la maladie, les crises et surtout la perspective de la fin, aussi proche qu'inéluctable.

Ce film n'est pas un mélo. Jamais il ne s'apitoie sur le sort des personnages. S'il gomme avec pudeur les aspects cliniques de la maladie, il ne cache rien des doutes, des dégoûts, des douleurs, des colères qui peuvent naître chez les trois mourants comme chez leurs proches. C'est l'émotion la plus pure, la moins fabriquée qui porte chaque séquence. Certaines scènes sont déchirantes, d'autres amusantes mais au bout du compte l'espoir seul importe.

L'espoir d'une vieille dame qui veut revoir sa fille avant de mourir, l'espoir d'un père dont le fils réchauffe le cœur, l'espoir d'un homme qui vit au plus fort son amour pour un autre homme jusqu'au dernier instant...

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