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FILMS : Les Toiles Roses


 

Fiche technique :
Avec László Gálffi, Dávid Szabó, Eva Kerekes, Adám Lux, Ilona Nagy, László Sinkó, Sándor Sörös, Sándor Téri, Sándor Tóth et Tamás Végvári. Réalisation : Károly Esztergályos.
Durée : 94 mn. VOST. Sortie DVD prévue en 2008 ou 2009.

 

 

Résumé :
Tibor, la cinquantaine grisonnante, est un homme respecté et respectable de la société hongroise. Écrivain célèbre, marié à une actrice connue, il fait la tournée des librairies pour vendre son dernier roman.
Lors d’une séance de dédicace, il rencontre le jeune Zslot, qui le suit au restaurant puis chez lui. Tibor succombe au charme juvénile du garçon.



Tous deux se lancent alors dans une relation amoureuse non dénuée d’ambiguïtés. L’écrivain ne connaît rien de la vie de son jeune amant. Ce dernier est peut-être sans-logis et prostitué...



Filmé dans les rues de Budapest avec un grain qui effleure les corps et les sentiments, Men in the Nude est un film sur le destin amoureux de deux hommes d’univers et d’âges que tout sépare.



L’avis de Psykokwak :
Tibor (László Gálffi) aborde la cinquantaine. Écrivain reconnu, ses livres actellement peinent à trouver des lecteurs. Un soir dans une grande librairie de Budapest, il est accosté par un beau jeune homme de 19 ans qu’il ramène chez lui.



À peine arrivé, Zsolt (Dávid Szabó) se désape et s’offre à son micheton. Tibor, quelque peu surpris, n’ose pas profiter du joli corps exhibé par l’ange blond.



Par bribes, Zsolt se dévoile en racontant qu’il est ukrainien, que ses parents sont morts à Tchernobyl. Tibor avale plus ou moins le baratin du gigolo. Mais il ne résiste pas à la séduction de cette apparition qui lui évoque si fortement Der Tod in Venedig de son auteur préféré.



Il se laisse glisser dans la peau d’Aschenbach et s’amourache du jeune homme, d’autant que sa femme (Éva Kerekes), une actrice vieillissante, obligée de se produire dans des spectacles en province, trimbale une morosité déprimante.



Il choisit de s’engouffrer dans une aventure risquée pour pimenter une existence devenue assez terne. Embarqué dans cette tocade, il frôle les emmerdes, se fait manipuler par le gigolo jusqu’à ce qu’il comprenne les impasses de la vanité de sa soudaine passion.



Un film magyar altersexuel : voilà une curiosité ! Le cinéma gay hongrois est connu pour s’activer dans le porno avec, reconnaissons-le, un certain talent. J’ai feuilleté le passionnant et documenté ouvrage de référence de Didier Roth-Bettoni, L’Homosexualité au cinéma, et je n’ai trouvé nulle mention de film gay (excepté, bien sûr, la production porno Bel ami…).



Ici, le scénario choisit d’emprunter la voie littéraire avec la référence prononcée à Thomas Mann et rapidement, ça dérape. L’écrivain lit un passage de son auteur fétiche pour souligner la beauté du style pendant qu’il reçoit une gâterie buccale.



On a déjà vu plus subtil, d’autant que la réalisation se veut sérieuse et ne recherche pas la parodie ou le pastiche. C’eut été pour le coup marrant. Non, au contraire, le film va enchaîner les clichés et les lourdeurs. Le prostitué se drogue et Tibor l’accompagne dans ses expériences hallucinogènes.



Zsolt saute tout ce qui bouge : la jeunette, le micheton et même la femme de l’écrivain, qui le temps d’une étreinte imagine rajeunir. Bref ce n’est ni Théorème et encore moins Morte a Venezia, ni même le beau Sunday Bloody Sunday de John Schlesinger. Férfiakt s’égare faute de suivre un scénario cohérent. À trop vouloir montrer on ne voit plus rien, et le titre anglais racoleur ne sauve pas le film. La nudité se résume à quelques torses dénudés et paires de fesse. Zsolt est plutôt choupinou mais cela ne suffit pas à faire un bon film.



Pour souligner le caractère « intellectuel »  du propos, la bande son nous gratifie d’une musique classique (Schubert, Malher bien sûr, Verdi…) agrémentée de rock. En fin de compte j’aurais préféré un vrai porno à la mode magyare !

Pour plus d’informations :

 

Fiche technique :
Avec Johnny Deep, Martin Landau, Patricia Arquette, G.D. Spradlin, Mike Starr, Max Casella, Melora Walters, Rance Howard, Bill Murray, Sarah Jessica Parker, Jeffrey Jones, Lisa Marie et Vincent D’Onofrio. Réalisation : Tim Burton. Scénario : Scott Alexander & Larry Karaszewski. Directeur de la photographie : Stefan Czapsky. Compositeur : Howard Shore.
Durée : 126 mn. Disponible en VO, VOST et VF.




Résumé :
Évocation de la vie d'Ed Wood, réalisateur considéré de son vivant comme le plus mauvais de tous les temps, aujourd'hui adulé et venéré par des milliers d'amateurs de bizarre et de fantastique à travers le monde.



L’avis de merovingien02 :
Si Ed Wood est un des plus gros échecs dans la carrière de Tim Burton, il n'en demeure pas moins un de ses meilleurs films. Un des meilleurs réalisateurs s'attaque à la biographie du plus mauvais ? Le résultat est une des oeuvres les plus personnelles de l'auteur qui, à travers Wood, nous parle de lui même : sa marginalité et son combat contre Hollywood.



Hollywood... Burton ne s'y est jamais senti à l'aise, incapable de rentrer dans le moule du conformisme. La pression exercée par les studios lors des tournages des Batman ne l'a pas laissé sans séquelles. Aussi, lorsque le projet d'Ed Wood arrive sur sa table, le réalisateur y voit l'occasion de travailler sur un petit budget sur lequel il aura une grande liberté artistique (Touchstone lui fait les yeux doux alors qu'il est habituellement rattaché à la Warner). Et c'est tant mieux car cela lui permettra d'exploiter admirablement toutes les possibilités d'un script afin d'en tirer un magnifique auto-portrait subtil. Ed Wood, c'est tout simplement l'histoire de ce metteur en scène nullissime qui croyait néanmoins dur comme fer à la « Magie du Cinéma » et qui tentait de vivre en dehors des contraintes des producteurs. Plus généralement, Wood était un doux rêveur passionné d'histoires fantastiques qui n'étaient grandioses que dans sa tête. Comme toutes les figures habituelles du « Cinéma Burtonnien », le héros est un individu qui fuit la réalité, un marginal enfermé dans ses illusions innocentes. À la différence près, qu'ici, il s'agit d'un homme ayant vraiment existé. De la même manière, tous les freaks qui entouraient le cinéaste ont bel et bien vécu, qu'il s'agisse de Bela Lugosi (le mythique interprète de Dracula), la montagne Tor Johnson ou bien encore la Vampira qui fut plagiée ensuite par Elvira. Comme si, pour la première fois, le surréalisme émergeait dans la réalité. Cette véracité historique est, à n'en pas douter, ce qui a séduit Burton bien avant de faire du cinéma… le jeune garçon renfermé pouvant se retrouver aisément dans ces marginaux incompris.



En quelque sorte, Tim Burton est le double d'Ed Wood, le talent en plus. Burton se livre donc discrètement, en dressant le portrait d'un homme qui aimait se travestir et qui n'était pas compris de la masse vivant dans la norme. Bien sûr, Burton n'est nullement un travesti mais ce trait de la personnalité réelle du personnage fictif ne sert jamais que de déclencheur au rejet dont il est victime. Et de la même manière qu'Ed Wood (le vrai) se mettait à nu dans son film Glen ou Glenda, Burton se met à nu dans Ed Wood. La biographie ne sert qu'à parler de ses obsessions. On prendra pour exemple la magnifique scène du train fantôme où le cinéaste raté confesse son vice caché à Kathy. L'homme évolue dans un monde de comédie macabre (les divers monstres de l'attraction) et se retrouve brusquement ramené à la réalité, lorsqu'une panne survient. D'un seul coup, les deux tourtereaux ne sont plus entourés que de noirs, Wood n'évolue plus dans le rêve : il est confronté à la réalité sombre du monde. Ce n'est qu'après que Kathy lui annonce qu'elle l'accepte tel qu'il est que les lumières se rallument et que le wagon poursuit sa route vers le spectacle de carnaval. De la même manière, Burton s'offre avec ce film une incursion dans une histoire réelle, comme s'il prenait le temps de nous livrer qui il était.



Les parallèles entre les deux cinéastes sont d'ailleurs multiples. Le duo Wood/Lugosi ne peuvent que nous renvoyer à l'admiration que Burton porte à Vincent Price. Dans les deux cas, un jeune novice rend hommage à son idole vieillissante en lui attribuant un rôle divin dans un de ses métrages. Difficile également de ne pas voir chez un Wood bataillant pour s'imposer en vain à Hollywood, l'image d'un Burton réglant ses comptes avec une industrie cherchant à brimer le talent. Entre le portrait peu reluisant qui est fait des stars une fois les projecteurs éteints (les sociétés produisant des merdes dans le seul but de faire de l'argent ou encore les producteurs cherchant à tirer profit de leur position en imposant leur casting et leur point de vue sur le script), le réalisateur nous livre une brillante satire d'un milieu qui n'a pas tellement changé depuis des décennies.



D'un point de vue technique, le film est sans doute le plus abouti du réalisateur. En dépit d'une esthétique noir et blanc à l'ancienne et d'un refus complet de l’esbroufe, Burton livre un film rétro à la mise en scène surprenante de précision. Le choix du noir et blanc est parfaitement en phase avec l'esprit respectueux vis à vis des films abordés (vous imaginez Plan 9 From Outer Space en couleur, vous ?) Le film commence comme tout bon programme horrifique à l'ancienne, avec son présentateur qui sort d'une tombe, puis le générique défile sur des images de pierres tombales, de pieuvre animée image par image et d'OVNIs déplacés avec une ficelle. Ça fleure bon les années 50, jusqu'au plan aérien d'Hollywood qui n'est rien d'autre qu'une grosse maquette ! Les reconstitutions des films de Wood font preuve d'un souci maniaque du détail (postures des personnages, intonation, rythme, cadrage) et chaque comédien a été choisi pour coller au plus près des modèles. Pour un résultat tout simplement SIDÉRANT. Martin Landau est littéralement Bela Lugosi (il a d'ailleurs remporté l'Oscar pour cette interprétation), Bill Murray excelle en Bunny et Johnny Depp livre encore une fois une composition à la limite du mimétisme.



Quant à la musique, elle n'a pas été composée par Danny Elfman (lui et le réalisateur se sont fâchés sur L'Étrange Noël de Mr Jack où le compositeur avait vraiment trop vampirisé le film en comédie musicale) mais par le compositeur de la trilogie du Seigneur des anneaux, Howard Shore. Celui-ci reprend quelques thèmes de vieux classiques comme le Lac des Cygnes employé dans le Dracula de Browning ou bien en piochant dans les musiques des œuvres de Wood. Bref, le film de Burton ne semble nullement avoir été fait dans les années 90, tant il transpire l'authenticité d'une époque dépassée. Il convient de saluer le remarquable travail sur le noir et blanc du réalisateur qui puise directement dans un baroque gothique totalement en phase avec l'esprit de la Hammer. On pensera à cette confrontation entre Wood et Lugosi où celui-ci menace de se tuer alors que l'éclairage en contre-plongée accentue la dimension effrayante des ombres (soulignée par des cadrages désaxés) ou bien encore à la représentation d'un Lugosi dans son cercueil semblant tout droit surgir d'un film de Dracula. On pourra également voir, lors d'une scène où le comédien se drogue, une allusion à Nosferatu, le personnage étant présent à l'arrière plan sous la forme d'une ombre effrayante (façon subtile de remettre Lugosi à la place d'un vampire humain qui n'est plus que l'ombre de lui-même).



Derrière un aspect rétro parfaitement maîtrisé, Tim Burton vient ni plus ni moins que de faire son auto-portrait. La seule différence avec Ed Wood est que ce dernier était un génie du nullissime, là où Burton est un génie tout court. Ce film est surtout un regard très triste et pessimiste sur une industrie de production brisant les rêves d'auteur (aussi mauvais soient-ils) ne demandant qu'à s'exprimer à travers l'art. La conversation fantasmée avec Orson Welles et le faux happy end seront bien vite ramenés à la réalité avec le triste épilogue, venant rappeler le destin peu reluisant de ces artistes ratés. Ed Wood, ou la déclaration d'amour d'un Tim Burton.

Pour plus d’informations :



Fiche technique :
Avec Michael Pitt, Lukas Haas, Asia Argento, Scott Green, Nicole Vicius, Ricky Jay, Kim Gordon, Harmony Korine, Ryan Orion, The Hermitt, Adam Friberg, Andy Friberg, Thadeus A. Thomas, Chip Marks, Kurt Loder, Michael Azzerad et Chris Monlux. Réalisation : Gus Van Sant. Scénario : Gus Van Sant. Directeur de la photographie : Harris Savides. Monteur : Gus Van Sant.
Durée : 97 mn. Disponible en VO et VOST.




Résumé :
Blake, artiste replié sur lui-même, fléchit sous le poids de la célébrité, du succès et d'un sentiment d'isolement croissant. Réfugié dans une maison au milieu des bois, il tente d'échapper à sa vie, à son entourage et à ses obligations. Il regarde, écoute, et attend la délivrance.



L’avis de merovingien02 :
Gus Van Sant persiste et signe. Si une très large partie de sa filmographie reste mystérieusement invisible en France (en gros, ça va de Fun With Bloodroot en 1967 à Drugstore Cow-boy en passant par un grand nombre de courts-métrages), il est devenu la coqueluche des festivaliers avec sa fausse trilogie sur l'errance. Gerry est passé inaperçu, Elephant fut la révélation machin chose que tout le monde admire (pourtant, le film est très loin d'être exempt de défauts). Last Days poursuit dans cette voie... et fait éclater au grand jour les limites du soit disant génie.



Parce que pour quiconque a vu Gerry et Elephant, Last Days passera au mieux comme un complément naturaliste pouet pouet, au pire pour une redite lourdaude. La thématique n'a pas changé d'un iota. On y parle de personnages qui errent, de mort (les trois films se concluent là-dessus), de quête d'identité... Le tout sur un ton naturaliste qui tourne cette fois-ci au vide complet. Car si dans les deux précédents métrages de ce cycle Van Sant justifiait plus ou moins ses choix narratifs et esthétiques, il n'en est (presque) plus rien. Soyons clairs : les 40 premières minutes sont fulgurantes, suivant son héros dans les dédales de sa folie, communiant avec la nature et faisant perdre au spectateur les repères de son identité (travestissement, démarche de poupée désarticulée, dialogues dans le vide).



Michael Pitt est absolument renversant, confirmant son immense talent déjà visible dans Edwig. Semblant se vider littéralement de l'intérieur, le regard vide, les mouvements étranges, il est l'incarnation même de la folie, de la rupture psychologique avec le monde extérieur. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le film se déroule en grande partie dans une maison à l'« abandon », délabrée et semblant envahie par la végétation. Le travail sonore est épatant, mixant des sons de la nature comme s'il s'agissait de notes de musique (la cascade du début, le feu qui crépite) afin de marquer l'ode à la nature que prétend être Last Day, plus particulièrement quand Blake est associé à des bruits d'eau qui se déplace (le son de l'eau remplace le bruit des pas).



En travaillant sur de longs plans séquences devenus pratiquement sa marque de fabrique (les plans à la Steadycam filmant le héros avançant de dos ont déjà été vu dans Elephant), Gus Van Sant instaure un climat d'apesanteur filmique fascinant, pour peu que l'on adhère au procédé qui consiste à tout filmer à deux à l'heure. Finalement, Last Day apparaît rapidement comme une œuvre étant loin de retracer les derniers jours de Kurt Kobain. Bien entendu, le film a été vendu ainsi (le film est dédié à l'icône musicale) mais ce ne semble finalement pas être à une reconstitution que le film nous convie. En effet, rien que le nom du héros n'a rien à voir. Sur ce point, il faut bien admettre que l'on peut être déçu, particulièrement quand le héros entonne « Death and Rebirth » (peut-être la scène la plus forte du film) ou encore lorsqu'il reçoit la visite de Donovan (s'agit-il du chanteur ?). Bio officieuse ? Dommage que le film ne tranche jamais tout à fait, mais sur ce coup-là, on ne peut pas dire que l'on n'avait pas été prévenu, surtout après la vague inspiration du massacre de Columbine qu'affichait Elephant.



Mais Last Days (tout est dans le titre) n'en demeure pas moins une œuvre avant tout sensorielle, se reposant sur ses longues pauses contemplatives sur la déchéance de Blake et un jeu sonore réussi. On pense ainsi au chant religieux précédant le suicide de celui-ci ou bien les ruptures entre silence et forts décibels. Dans ce cas précis de rupture sonore, la musique qui est le point central de la vie de Blake devient une manière libératrice de quitter notre monde (voir cet intermède musical en plan séquence où, dans un discret mais long travelling arrière, on s'éloigne de la maison) avant de sombrer dans le néant qui l'habite. Car les multiples gestes anecdotiques effectués par Blake comme verser des céréales deviennent incohérents, étranges et en phase avec la folie progressive.



Last Day est donc, d'un point de vue formel assez réussi. On s'en convaincra par exemple lors de la mort de Blake, quand son âme quitte son corps dans une vision d'une poésie hypnotique (le reflet, le corps qui grimpe sur les carreaux comme s'il s'agissait de barreaux d'échelle) ou encore lors du regard qui précède, halluciné et hallucinant. Mais aussi habile que peut être Gus Van Sant pour instaurer une ambiance fantomatique dans un univers terriblement concret, son talent se casse la gueule dès lors qu'il s'immisce dans la vie de personnages secondaires à l'utilité plus que discutable. En effet, comme pour renforcer la solitude de Blake ainsi que la tristesse de sa mort se déroulant dans l'anonymat le plus total, le réalisateur se focalise dans la deuxième partie du film sur un groupe de jeunes gens vivant avec Blake. Problème : on ne comprend absolument rien à leur identité et encore moins aux relations qu'ils entretiennent avec Blake ni même entre eux. Il faut noter que ces figures secondaires portent les noms des comédiens les interprétant, renforçant d'une part l'aspect documentaire de la chose mais soulevant l'embarras sur leur signification dans le récit. Dire qu'ils mettent en avant l'isolement de Blake serait exagéré puisqu'une discussion à propos de l'enfant de Blake souligne suffisamment à quel degré il s'est coupé du monde. Les prénoms étant identiques à ceux des comédiens sont-ils une manière de signifier que les fans de Kobain l'ont dans un sens tué ?



Si cette piste reste à explorer et demeure plus ou moins valide (ce qui, dans un film conceptuel comme celui-ci n'est donc pas un défaut), il n'empêche que la façon dont ils sont rattachés au récit est vraiment trop floue. Ainsi, on peut se demander à quoi bon faire coucher deux des mecs ensemble car rien ne justifie cela ni n'apporte quoique ce soit (Van Sant étant homo, il est évident qu'il n'a pu s'empêcher d'y glisser une allusion, sauf que là, elle dévie le sujet du film et n'apporte rien du tout). De plus, on ne manquera pas de s'interroger sur la déstructuration du récit complètement artificiel et renforçant le côté péteux de l'œuvre. Car si dans Elephant le montage non chronologique permettait de mettre les jeunes face à leur solitude, ici, cela n'aboutit à aucune réflexion, les deux points de vue sur une séquence différente apparaissant comme un simple gadget. La faute sans doute à ces personnages secondaires complètement creux.



Creux, c'est finalement l'impression que laisse le film au final. Trop long et trop semblable aux précédents travaux du réalisateur, ce bel objet aux premiers abords passionnants tombe dans une forme de remplissage qui nuit à son impact émotionnel. Ce héros déambulant comme un zombi aurait pu faire plus d'effet sur une heure. Mais son abstraction sombre, hélas un poil trop, dans l'auto satisfaction de l'auteur. Dommage. Allez Gus, passe à autre chose, s'il te plait...

Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Robert Stadlober, Kostja Ullmann, Alicja Bachleda-Curuce, Miriam Morgenstern, Marlon Kittel, Jürgen Tonkel, Hanno Koffler, Tristano Casanova et Alexa Maria Surholt. Réalisé par Marko Kreuzpaintner. Scénario : Marko Kreuzpaintner et Thomas Bahmann. Compositeur : Niki Reiser.
Durée : 98 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :

Tobi et Achim sont copains depuis des années. L'un barreur, l'autre rameur dans une équipe d'aviron, ils vont disputer la plus grande régate de la région. Lorsque le flirt d'Achim et Sandra devient sérieux, Tobi comprend que ses sentiments pour Achim sont plus que de l'amitié.
Arrive alors dans la compétition une équipe de jeunes homosexuels athlétiques qui affichent fièrement leurs tendances. Tobi et ses camarades sont forcés de revoir leurs préjugés, leurs craintes, et leurs secrètes attirances. Au fur et à mesure que la tension monte, une confrontation entre les jeunes gens devient inévitable, en même temps qu'une violente tempête menace d'éclater sur le lac...

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L'avis de
Clément Graminiès :
Pour son premier film, le jeune réalisateur allemand, Marko Kreuzpaintner, met en scène un adolescent qui prend peu à peu conscience de ses attirances sexuelles pour son meilleur ami. Si la sincérité de la démarche ne fait aucun doute, la médiocre mise en scène parvient difficilement à traduire l’ambivalence de cette situation attendue et entretient malheureusement bon nombre de clichés sur la communauté gay.

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Amis de longue date, Tobi et Achim partent pour un championnat d’aviron avec leurs copines respectives. Encore peu expérimentés pour ce qui est des choses de l’amour et du sexe, les deux adolescents entretiennent une relation forte et teintée d’ambiguïté. Au cours de ce voyage, Tobi va pleinement prendre conscience de son attirance pour son meilleur ami. Pour faciliter les choses, le réalisateur a choisi d’isoler le groupe d’adolescents du reste de la société pour constituer un microcosme très réduit où chacun revêt une fonction type (l’homophobe, la fille compréhensive). Et pour faciliter encore plus le coming out de Tobi, l’équipe adverse est uniquement composé de jeunes homosexuels assumés et affichés. En partant d’un postulat simpliste et binaire, le réalisateur va forcément limiter la portée de son propos.

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À la relation d’amitié trouble qui aurait pu donner matière à une passionnante réflexion sur l’amour frustré, Marko Kreuzpaintner préfère le comique de situation en confrontant de jeunes allemands remplis de préjugés à une horde d’homosexuels décomplexés. Si certaines scènes peuvent prêter à sourire, on n’en oublie jamais le drame intime qui se joue pour Tobi et auquel le film ne donne finalement qu’une moindre importance. La mise en scène, aussi paresseuse qu’un téléfilm grand public de première partie de soirée, n’accompagne jamais l’adolescent dans cette quête du désir, dans sa demande de vérité ; elle ne fait que l’illustrer platement. Au mieux, la seconde partie insiste – assez pathétiquement d’ailleurs – sur le désarroi soudain du jeune homme enfin révélé à ses désirs, comme si au dernier instant, le réalisateur s’était souvenu des raisons pour lesquelles il avait pensé ce projet. Du coup, on n’échappe que trop rarement aux poncifs sur le mal de vivre de l’adolescent qui assume mal sa sexualité. Mélancolie et solitude se donnent forcément rendez-vous, sur fond de musique triste illustrant un enchaînement de fondu au noir à l’esthétique clip.

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Du rose mesuré au noir puis au rose grandiloquent, Summer storm peine péniblement à trouver sa couleur, et tente de combler tout un ensemble de handicaps par une bande-son digne d’une compil’ gay élémentaire. Du Power of love des Frankie Goes To Hollywood au Go West des Village People, le gay power s’affirme avec toute la mollesse d’une comédie familiale, bien loin du ton orageux qu’aurait pu nous laisser espérer le titre, finalement très illustratif.

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À chercher par tous les moyens à ne pas repousser le grand public, le réalisateur s’handicape de trop nombreux compromis. Totalement dépourvue d’audace - tant au niveau de la mise en scène que d’un traitement trop timoré du désir sexuel – la portée du projet de
Marko Kreuzpaintner s’émiette rapidement. Dommage pour les acteurs, Robert Stadlober en tête, naturels et spontanés, seuls capable de donner corps à ce récit initiatique particulièrement laborieux et sur lequel il serait malheureusement bien inutile de s’attarder.

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Pour plus d’informations :

Lire l’interview de Marko Kreuzpaintner


Fiche technique :
Réalisateur : Olivier Meyrou. Compositeur : François-Eudes Chanfrault. Monteuse : Cathie Dambel.

Durée : 85 mn. Disponible en VF.



 

Résumé :
À Reims, suite à l'agression mortelle de leur fils François, Jean-Paul et Marie-Cécile Chenu ont accepté de se livrer à la caméra. Avant, pendant et après le procès aux assises, le film montre le parcours d'une famille qui dépasse sa douleur pour s'engager dans un combat en faveur de la tolérance et du respect de l'autre, pour aller Au-delà de la haine.



L’avis de Matoo :
François Chenu n’est pas très connu, et pourtant il est le « Matthew Shepard » français. En septembre 2002, trois skins le rencontrent dans le parc Léo Lagrange de la ville de Reims. Faute d’avoir trouvé un arabe à casser, ils décident de retourner leur haine sur un pédé. François Chenu n’a pas survécu à cette attaque, ils l’ont d’abord laissé pour mort, battu à mort, puis l’ont jeté dans une rivière pour se débarrasser du corps, ce qui a finalement noyé le garçon.


Ce documentaire est un extraordinaire témoignage des parents et de la famille de François. Deux ans après le drame, alors que les assassins passent aux assises, le réalisateur, Olivier Meyrou, filme les parents. Des parents qui sont arrivés à pardonner à ceux qui leur ont enlevé leur fils aîné.
Ce documentaire est bouleversant du début à la fin, et ne laisse vraiment pas indemne. Il est aussi prenant qu’il est sobre et pudique, et cela met finalement encore plus en valeur, subtilement, la dureté et l’âpreté des faits. Car ce crime fut horrible et crapuleux, une décharge de haine sanglante et la bêtise incarnée qui a tué un homme innocent, et a plongé sa famille dans une inconsolable douleur.


Et malgré tout cela, le film se contente de nous montrer ces gens qui tentent de faire leur deuil, même sans avoir vu le corps qui n’était presque pas identifiable tant il était tuméfié, et surtout qui essaient de comprendre les meurtriers. Et en effet, on peut comprendre ces mecs paumés, ces skins aux idées d’extrême droite et de néonazisme, l’intolérance chevillée aux corps, et une imbécillité congénitale qui fut certainement le meilleur engrais de cette haine. « Congénitale » car le documentaire en ébauchant simplement un portrait des parents des skins nous fait rapidement comprendre la misère sociale, morale et intellectuelle de ce milieu.


Il reste les parents de François, et son frère, ses deux sœurs, qui s’interrogent, qui alternent entre colère et lutte contre l’envie de vengeance. Et cette sacro-sainte morale républicaine qui les retient de devenir comme leurs bourreaux, mais au contraire les pousse à croire et espérer en la Justice. D’ailleurs la mère de François l’explique bien en réalisant qu’elle a donné des bases morales dans l’éducation de ses enfants, du respect d’autrui et de la tolérance, des choses que ces skins n’ont malheureusement pas eues.


La réalisation d’Olivier Meyrou est parfois presque aride, mais ces longs plans fixes sur le parc, avec le témoignage de la sœur ou des parents, sont autant de moments où l’émotion se cristallise. Ces gens sont remarquables à bien des égards, et ce sont des gens simples, pas des intellos ou des CSP++, des français tout à fait moyens, qui montre que la raison humaine et humaniste n’est pas encore complètement perdue.


Ils pardonnent aux meurtriers de leur fils, et ils souhaitent qu’ils regrettent leurs actes (ce qu’ils n’ont pas encore fait), et qu’ils changent pour devenir un jour heureux avec eux-mêmes.
Le documentaire ne se focalise pas sur l’homosexualité de François, puisqu’il s’agit d’un acte d’intolérance qui aurait pu avoir une autre cible. Mais on ne doit donc pas oublier que ce genre de chose est toujours possible aujourd’hui, et que des personnes d’extrême droite paumées comme cela, et dangereuses, il en existe pléthore encore aujourd’hui dans nos rues.


En tout cas, voilà un témoignage d’exception, à ne rater sous aucun prétexte.
Pour plus d’informations :

 

 

 

Fiche technique :
Avec Brett Barsky, Judy Kain, John Lizzi, Jonah Rooney, Stephen Tobolowsky, Cory M. Miller, Allen Doran et Lindsay Pomerantz. Réalisation : Peggy Rajski. Scénario : James Lecesne. Musique originale : Danny Troob. Image : Marc Reshovsky. Montage : John Tintori.
Durée : 17 mn. Disponible en VO.
Résumé :
L'innocence de Trevor, 13 ans, fan des chansons de Diana Ross, est brutalement brisée quand son meilleur ami, le garçon le plus populaire de sa classe, se retourne soudainement contre lui en comprenant que Trevor est gay et amoureux de lui. Les camarades de Trevor commencent à se moquer de lui, trouvant qu’il marche comme une fille... La détresse de Trevor culmine avec une tentative de suicide mais dont on peut douter du sérieux, malgré la solennité de la mise en scène car le garçon décide de mourir en avalant un tube d'aspirines... Mais à la fin, sa forte volonté et sa détermination l'aideront à accepter son homosexualité...

Boys Life 2

L’avis de Bernard Alapetite :
Ce film, tourné il y a déjà plus de dix ans et dont l’action est sensée se dérouler en 1981, n’a pas pris une ride et l’on peut ajouter "malheureusement", car il traite de sujets presque tabous : le suicide chez les jeunes gays et la sexualité chez les préadolescents. Sa principale qualité est de traiter ces sujets sans pathos et avec un humour certain. Cette mise à distance par le ton n’empêche pas l’empathie que l’on éprouve pour Trevor.
Dès les premières minutes du film (avec ses mises en scène de suicides, que Trevor organise pour que ses parents s’aperçoivent qu’il existe, de véritables appels au secours à des sourds autistes pour qui leur fils a la transparence d’une vitre et la densité d’un ectoplasme), on pense à Harold et Maud. Trevor est un Harold de 13 ans confronté à des parents indifférents.
Le court-métrage avançant, c’est à un autre film que l’on pense, 50 façons de dire fabuleux. Trevor est le quasi jumeau du héros du film d’Aitken, même physique un peu ingrat au corps trop enveloppé, même naïve follitude, même goût de l’évasion dans des rêves de paillettes joint à la passion de l’introspection.
La réalisatrice utilise pour faire avancer et densifier son histoire un procédé à hauts risques qui donne généralement de très mauvais résultats : la voix off. Pourtant ici, on a jamais le sentiment, comme c’est trop souvent le cas avec cette figure cinématographique, qu’elle n’est là que pour palier le manque de moyens ou la médiocrité d’un acteur amateur incapable de faire passer ses sentiment par le dialogue ; jamais non plus elle est redondante avec l’image et cela grâce à une astuce : cette voix off est celle de Trevor qui lit son journal intime en contrepoint de ce que l’on voit sur l’écran. Pour que ce soit convaincant, faut-il encore comme ici que le texte soit écrit à hauteur de celui d'un enfant comme Lecesne, le scénariste, est parvenu à le faire, sans doute parce que tout cela est très autobiographique. En 17 minutes, le film réussit à mélanger réalité et désir. Il ne faut jamais oublier que ce que l’on voit n’est peut-être finalement que seulement ce qu’écrit Trevor. Alors où commence le rêve ou le cauchemar et où finit la réalité ? Ce qui peut donner une interprétation complètement différente du film (voir le résumé) et en particulier de sa fin.
Plastiquement, le film ne manque pas d’audace puisque parfois Peggy Rajski brave l’interdit du regard caméra ; ainsi Trevor semble s’adresser à nous, cadré en plan moyen sur un fond neutre. J’ajouterais pour terminer que l’image est soignée avec des cadres inventifs sans maniérisme et une belles lumière. La musique n’est pas non plus pour rien dans le charme que dégage le film.
Le film de Peggy Rajski est couvert de prix , en 1994 Trevor a obtenu l’Oscar du meilleur court-métrage de fiction, le Teddy award 1995 du meilleur court-métrage à Berlin.
Suite aux réactions engendrées par le film au sujet du suicide chez les jeunes gays, James Lecesne, Peggy Rajski et Randy Stone ont mis sur pied une fondation "Trevor project" qui, sous forme d’une écoute téléphonique ouverte 24 heures sur 24, se propose d’aider les jeunes gays en crise qui seraient tentés par le suicide. Le but de l’association est la prévention du suicide. Elle guide et oriente les jeunes qui s’adressent à elle pour qu’ils surmontent leur désespoir. Des permanence sont ouvertes à Los Angeles, San Francisco et New-York.
Pour plus d'informations :
Ci-dessous l'intégrale du film
English Language
Running Time : 16 minutes 53

Les Equilibristes Image 6 sur 7


Fiche technique :

Avec Lilah Dadi, Michel Piccoli, Polly Walker, Doris kunstmann , Patrick Mille, Jacky Nercessian, Juliette Degenne, Laurent Hennequin, Olivier Pajot, Bernard Farcy, Guy Louret, Emiliano Suarez, Michel Palmer, Michel Novak, Nathalie Sevilla, Jacques Labarriere, Luc kienzel, Jourand-Briquet, Mathias Jung, Jean-Gilles Barbier, Yannick Becquelin, Pascal Ricuor et  Philippe Cal. Réalisation : Nico Papatakis. Scénario : Nico Papatakis. Directeur de la photographie : William Lubtchansky. Musique : Bruno Coulais. Montage : Delphine Desfons. Décors : Gisèle Cavali, Sylvie Deldon et Nicos Meletopoulos. Son : Laurent Lafran.
Durée : 105 mn. Disponible en VF.


Les Equilibristes - Michel Piccoli Image 1 sur 7
Résumé :
Paris, au début des années soixante, pendant la guerre d'Algérie, l'écrivain Marcel Spadice (Michel Piccoli), homme de lettres célèbre et homosexuel notoire a été déstabilisé par une biographie qui a révélé ses côtés les plus sombres. Il est fasciné par le jeune et beau valet de piste du cirque parisien Imira, Franz-Ali (Dadi Lilah). Sa mère est allemande et alcoolique, son père, un arabe, est mort pendant la seconde guerre mondiale. Spadice provoque une rencontre par l'intermédiaire d’Hélène Lagache, à la fois son égérie et son entremetteuse sexuelle. Le grand homme tombe immédiatement amoureux de Franz-Ali en qui il voit le plus bel équilibriste du monde. Il promet au jeune homme, qu’il fétichise sous la forme d’un phallus géant, de l'aider à réaliser son rêve : devenir un talentueux funambule. L'écrivain décide de se charger de son entraînement. Le garçon se soumet aux exigences du maître, au péril de sa vie. Malheureusement, le jeune funambule tombe de son fil et se blesse grièvement. Il ne sera jamais le plus grand équilibriste. Dès ce moment, Spadice, pygmalion déçu, abandonne le garçon pour jeter son dévolu sur un nouveau jeune homme, Freddy, un passionné de course automobile. Franz-Ali, désormais ne vivant que pour survivre, trop blessé physiquement et moralement, se suicide.


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L’avis de
Bernard Alapetite :
Les Équilibristes, qui s'inspire d'un épisode amoureux de la vie de Jean Genet, est la peinture de la violence de la domination totale exercée par le maître sur sa créature. Néanmoins, le film ne relève jamais d’une reconstitution de la vie de l’écrivain.
Peu de créations sont autant en inéquation avec son auteur. En effet Papatakis, hétérosexuel flamboyant et grand ami de Jean Genet, parait bien mal placé pour raconter cette histoire sordide où le grand écrivain, mû par un désir sexuel pour un jeune homme paumé, se met dans la tête d’en faire une vedette de cirque. Mais lorsque le mentor s’aperçoit que l’objet de son fantasme n’atteindra pas les sommets, il le jette, pauvre pantin brisé maintenant indigne de distraire le maître.
Ce tragique épisode de la vie de Genet est “certifié” par son biographe, Edmund White : « Il poussa son amant Abdallah, funambule de profession, à tenter des numéros toujours plus périlleux, jusqu’à ce qu’il chute, non pas une, mais deux fois; estropié il finit par se suicider, avec le Nembutal de Genet. » Des rapports et leur triste conclusion qui rappellent ceux qu’entretenait Bacon avec George Dyer, sujet de Love is the devil, film de John Maybury plus réussi que celui-ci.
Cette variation étrange sur le mythe de Pygmalion, tragédie d’une relation fondée sur la hantise de la mort et le désir d’éternité, n’a pas la force que son scénario était en mesure de lui insuffler car en se privant du nom de Genet, Papatakis prive son film de tout le hors champs que celui-ci lui aurait apporté. Toutes considérations relevant du droit mis à part, qui sont très importantes dans ce genre de projet, changer le nom d’un protagoniste historique, que le spectateur attentif pourtant ne peut que reconnaître, est presque toujours un aveu de faiblesse artistique. C’est une facilité qui, par exemple, évite le souci de ressemblance physique entre l’acteur et son personnage.


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Le film est d’autant plus dérangeant pour les mânes de Genet qu’il nous amène à penser que son souci de la cause arabe est surtout dictée par le cul, alors qu’il serait temps de dire simplement qu’il n’est que celui d’un homme dont la conscience politique n’a pas toujours été exacerbée. Il exulta lorsque les troupe allemandes entrèrent dans Paris... Ceci dit, il n’est pas le premier et sera encore moins le dernier a avoir été sensibilisé à une cause par l’intermédiaire du sexe, ce qui n’est peut-être pas la plus mauvaise manière d’accéder à la conscience politique. Les chemins d’un Gide ou d’un Montherlant vers l’anticolonialisme passent par cette même voie. Il est d’autant plus incompréhensible que Papatakis ait évacué la relation intime entre les deux amants. Il ne montre pas le désir physique entre Spadice et Franz-Ali, alors qu’il est le centre de toute l’histoire.
Ne doit-on pas voir en partie dans Les Équilibristes le règlement de compte envers Genet d’un ami dépité, Papatakis, même si le portrait qu’il dessine de l’écrivain n’est pas en contradiction avec les témoignages littéraires que l’on connaît, par exemple dans le Journal (éditions Gallimard) de Jean Cocteau ou dans les Nouvelles minutes d’un libertin (éditions Le promeneur) de François Sentein, ni avec la biographie quelque peu laudative d’Edmund White ? Mais il aurait pu aussi bien choisir d’autres épisode de la vie du grand écrivain, qui sut aussi se montrer généreux et fidèle en amitié avec d’autres de ses anciens amants. Mais peut-être faut-il voir dans le film un hommage à l’autre vrai protagoniste de cette tragédie, Abdallah ? Le cinéaste, en 1964, a assisté à son enterrement et n’a jamais oublié...

Les Équilibristes n’est pas seulement l’histoire que Genet eut avec Abdallah, c’est plus une compilation de plusieurs aventures amoureuses vécues par l’écrivain qui, à la fin de sa vie, fut amoureux d’un autre artiste de cirque, Alexandre Bouglione, qui n’était pas cette fois fildefériste mais dompteur de lions. Quelques années auparavant, il avait été l’amant d’un jeune coureur automobile comme Freddy (Patrick Mille), par ailleurs ce garçon était le beau-fils de l’acteur d’Un Chant d’amour ; Genet en fera son exécuteur testamentaire.
La réalisation est fade. Chaque plan est attendu. Sauf dans la scène de funanbulisme où le kitch assumé concourt à l’émotion. Alors qu’il aurait fallu érotiser les corps masculins le réalisateur n’y parvient jamais, pourtant il y avait de quoi faire avec celui – magnifique – de Lilah Dadi. Ses essais dans ce domaine sont assez pitoyables, notamment au début la rêverie érotique de Spadice lors de la parade du cirque. L’image, majoritairement dans les bruns et les rouges, est assez laide et manque de précision.
Les scènes de cirque ont été réalisées dans celui d’Amiens où furent déjà tournés les films Les Clowns de Fellini et Roselyne et les lions de Beinex.

 

Les Equilibristes - Polly Walker Image 7 sur 7


Le suicide du jeune homme lors d’une cérémonie funèbre rappelle Les Enfants terribles de Cocteau. On peut aussi repérer dans le déroulement du film d’autres éléments issus de la vie et de l’œuvre de Genet. Le livre qui dissèque les comportement de l’écrivain est dans la réalité Saint Genet, comédien et martyr de Jean-Paul Sartre.
Michel Piccoli est remarquable, comme à son habitude, dans ce personnage d’intellectuel démiurge pervers et calculateur, tenant toujours le spectateur à distance. On peut le voir également dans des rôles d’homosexuel dans Le Bal des casse-pieds d’Yves Robert et dans La Confusion des sentiments d’Étienne Perier d’après Stefan Zweig, mais aussi dans Rien sur Robert de Pascal Bonitzer. Quant à Lilah Dadi, qui ne démérite en rien face à Piccoli, on peut le voir épisodiquement sur le petit écran. Il fut notamment Mourad Beckaoui, personnage récurrent de la série P.J. sur France 2.
La reconstitution habile et soignée de l’atmosphère du Paris des années 60 s’accomode bien au jeu daté et distancié des seconds rôles souvent caricaturaux. Pourtant, du tout émane un envoûtement dans des scènes qui pourraient être signées Fassbinder.
La vie de Nico Papatakis ferait un film formidable… que l’on en juge un peu : né en 1918 à Addis Abeba en Éthiopie, le jeune Papatakis s'oppose au régime de Mussolini lors de l’invasion de l’Éthiopie par ce dernier qu’il combat en se ralliant à l'empereur Hailé Sélassié 1er. Mais il est contraint de s'exiler et se réfugie d'abord au Liban, puis en Grèce. En 1939, il part pour la France et s'installe à Paris. Papatakis fréquente l'intelligentsia parisienne de l'époque dont Jean-Paul Sartre, André Breton, Jacques Prévert, Robert Desnos, Jean Vilar. C’est alors qu’il se lie d'amitié avec Jean Genet.
En 1947, il créé le cabaret de La Rose Rouge qu’il va diriger jusqu'au milieu des années 1950, cette scène qui va être un formidable tremplin pour de nombreux artistes parmi lesquels Les Frères Jacques et Juliette Gréco (il est à l’origine de la fameuse robe noire de la chanteuse). Entre-temps, Papatakis a épousé l'actrice Anouk Aimée dont il a eu une fille, Manuela, en 1951.

 

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En 1950, il produit et finance le film de son ami Jean Genet, Un Chant d'amour. Mais l'unique œuvre cinématographique du sulfureux écrivain est censurée et ne sortira qu'en 1975.
En 1957, pour des raisons politiques, il quitte la France pour les États-Unis et se fixe à New York. Il se lie avec le mannequin allemand Christa Päffgen. Elle lui emprunte son vrai prénom et devient ainsi la légendaire Nico, égérie d'Andy Warhol et du Velvet Underground.
En 1959, Papatakis rencontre le réalisateur John Cassavetes qui a des difficultés financières pour terminer son premier long métrage Shadows. Il lui trouve les fonds nécessaires et devient coproducteur du film.
Papatakis revient à Paris au début des années soixante. En 1962, il réalise son premier film, Les Abysses, d'après la pièce de Genet, Les Bonnes, inspirée elle-même de l'histoire vraie des sœurs Papin. Le film est présenté au festival de Cannes de la même année. Sa violence et son exaltation forcenées font que certains critiques verront cette œuvre comme un plagiat provocateur et déclencheront un irrépressible scandale malgré le soutien du fidèle cénacle intellectuel (Sartre, Beauvoir, Genet).
En 1967, il tourne son second long métrage dans la clandestinité car Les Pâtres du désordre dénoncent le régime des colonels grecs. Mais le film sort au moment des événements de Mai 1968 et c'est un échec.
Papatakis, alors époux de l'actrice grecque Olga Karlatos, se tourne vers la politique en s'opposant à la dictature des colonels en Grèce.
En 1975, il écrit et réalise Gloria Mundi avec son épouse en vedette. Son film est sélectionné pour l'ouverture du premier Festival du Film de Paris mais, à cause de son évocation de la torture en Algérie, il ne sortira qu'en 2005. Il faudra attendre plus de dix ans avant que Papatakis revienne au cinéma. C'est donc en 1986 qu'il écrit et tourne La Photo qui est sélectionné dans La Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 1987.



En 1991, il écrit et réalise Les Équilibristes. On peut noter que l’on retrouve dans Les Équilibristes des thèmes que le cinéaste a déjà exploré, le conflit maître/esclave dans Les Abysses, les rapports de force dans Les Pâtres du désordre, la révolte de l’humilié dans La Photo. Il a écrit en 2003 son autobiographie, Tous les désespoirs sont permis, parue aux éditions Fayard.
L’image est signée William Lubtchansky, un des chefs opérateurs du cinéma d’auteur français et surtout partenaire habituel de Rivette. On lui doit la photo du trop méconnu Secret défense.
Bruno Coulais, l’auteur de la musique du film, a été rendu célèbre par celle des Choristes qu’il a également signée.
Une version théâtrale de ce drame existe. Elle a été représentée, il y a quelques années, à Paris au Théâtre du vingtième ; c’est Jean Menaud (Vie et mort de Pier Paolo Pasolini) qui jouait Jean Genet. La pièce se résumait à un long monologue, le jeune arabe n’étant qu’une présence muette.

Les Équilibristes est un beau mélodrame fassbinderien à qui il manque un peu de sensualité pour complètement convaincre. Le film est aussi intéressant pour l’histoire de la littérature que pour celle du cinéma. Cette évocation de Genet est a mettre à côté de celle plus franche de Jean Sénac, cet autre grand amoureux des jeunes arabes, dans le film Le Soleil assassiné.

 


L’avis de Jean Yves :
Michel Piccoli y incarne un écrivain homosexuel, Marcel Spadice, en mal d'inspiration qui s'éprend d'un jeune homme, Franz-Ali Aoussine, dont il veut faire le plus grand équilibriste du monde.
Si Jean Genet a écrit le poème Le funambule, Nico Papatakis a réalisé Les Équilibristes en s'inspirant d'un épisode marquant dans la vie du poète : sa relation tumultueuse avec Abdallah, qui s'achèvera par le suicide du jeune homme, en 1964.
Marcel Spadice est-il un double exact de Jean Genet ? Ce dernier avait-il cette noirceur que Papatakis prête à son personnage ? Franz-Ali, interprété par Lilah Dadi, figure-t-il le reflet fidèle d'Abdallah, victime sacrificielle d'un cérémonial esthétique ? Le film n'est pas une biographie de Genet. C'est plutôt une transposition du personnage dans une situation dramatique précise : Spadice est un écrivain qui n'écrit plus et qui, pour compenser son manque de créativité, s'occupe de jeunes gens dont il cherche à faire des créations poétiques.

 


Le film explore le lien périlleux entre un idéal de poète – celui, par exemple, dans le texte du Funambule, d'en faire un danseur-étoile – et les désillusions dramatiques de la vie réelle.
Marcel Spadice cherche à se sublimer à travers Franz-Ali ; il veut être le maître du plus grand équilibriste du monde : une sorte de délire passionnel. Mais Franz-Ali déçoit l'ambition de Spadice : la trahison se situe à ce niveau. Spadice l'abandonne à cause de ça, sans aucune préméditation. En n'allant pas jusqu'au bout du délire, Franz-Ali n'est ainsi plus digne de son amour. Spadice a oublié qu'on ne peut pas faire de quelqu'un ce que l'on veut, contre sa volonté.
Intervient aussi Hélène qui, avec Spadice, forme un couple. Couple sans sexualité. Leur harmonie repose sur l'acceptation des rôles. Hélène sert seulement d'appât à Spadice et se soumet à ses exigences en la matière. Elle est sa rabatteuse. D'où cette phrase étonnante qu'il lui adresse : « Vous seriez étonnée de voir le peu d'hommes qui refusent de coucher avec un pédé. »

 


Il n'y a aucune scène d'amour entre Spadice et Franz-Ali. Et pourtant avec la scène où les deux hommes se rencontrent pour la première fois en tête à tête, au restaurant et puis avec cette autre, au pied du lit où ils n'ont pas touché au petit déjeuner, le spectateur a suffisamment d'indications tant dans leur violence que dans leur tendresse.
Film aux attouchements inutiles, à la gestuelle parcimonieuse, mais significative afin de mieux rendre compte de la passion. Et, si les rapports sexuels ne sont pas montrés, on peut même – à la limite – imaginer qu'ils n'existent pas...
À la fin, Franz-Ali veut mourir en héros, c'est pourquoi il met en scène sa propre mort dans une scène théâtrale : jouer les funambules sur le toit de sa maison. Il ne se suicide que par amour pour Marcel Spadice, après avoir refusé l'amour que lui offrait Hélène. Aimer, pour Franz-Ali, c'est se dépasser, atteindre à l'absolu.
À la parole de Spadice, « Quand tu as su que ta machine [ton corps] pouvait te dépasser, tu l'as brisée [en tombant] », Franz-Ali répond par son propre sacrifice. La passion, c'est le tragique, la torture, la souffrance.

 


L’avis du Dr Orlof :
Les Équilibristes a beau être un film français, il a été réalisé par un cinéaste grec qui nous apporte de chez lui un certain sens de la tragédie (je sais, c’est tiré par les cheveux mais vous n’avez pas encore lu la suite !) et un goût pour les histoires d’homosexuels (je vous avais prévenus ! Désolé, mais nous savons tous que les grecs sont pédés comme des sacs à dos depuis maître Pierre Desproges qui soulignait justement qu’ils s’appelaient tous « Hélène » et qu’ils passaient leurs journées à rouler des pelles aux poneys -es !)
Redevenons sérieux pour évoquer ce beau film qui convoque la figure de l’écrivain Jean Genet (note pour moi-même : penser à débusquer chez les bouquinistes des livres de Genet) et de son jeune amant Abdallah qui se suicida en 1964 et à qui Genet rendra hommage dans son Funambule. Ce n’est pas la première fois que Genet hante le cinéma de Papatakis (je n’avais jusqu’à hier soir vu aucun de ses films) puisque son premier essai (Les Abysses, en 1962) était une transposition des Bonnes.

 


Marcel (Michel Piccoli) est donc un écrivain célèbre qui a décidé de ne plus écrire suite à un livre qui lui a été consacré. Il rencontre Franz-Ali (Lilah Dadi) dans un cirque et lui vient en aide lorsque le jeune homme est arrêté dans une rafle policière. Devenu son mentor, Marcel va entraîner son protégé pour qu’il parvienne à exécuter un périlleux numéro d’équilibriste…
Le risque de ce genre de films, c’est de voir le sujet (histoire vraie, personnages célèbres…) scléroser la mise en scène. Or Papatakis évite plutôt bien les chausse-trappes du « biopic ». La reconstitution historique (le film se déroule au début des années 60) se limite à quelques voitures d’époque, le contexte historique et sociologique (la guerre d’Algérie) est effleuré le temps de la rafle policière où le cinéaste montre avec une certaine force la lourdeur du climat raciste (le flic qui traite Franz-Ali de « sale enfant de crouille » ou encore celui qui insulte la mère allemande du jeune homme en affirmant qu’il préfère « les nazis aux Gretchens de son espèce qui ont trahi leur race en épousant un bougnoule » !) et le film ne s’encombre pas de considérations sur les milieux littéraires et intellectuels français des années 60.

 


Les Équilibristes est un film sec et dépouillé, qui ne dévie quasiment jamais de son sujet : le rapport passionné et douloureux entre Marcel et Franz-Ali. Dans un premier temps, on pense assister à une espèce de My Fair Lady homo où le vieux Pygmalion modèle son garçon de piste (il ramasse le crottin dans un cirque) pour qu’il devienne une étoile du fil de fer.
Les séances d’entraînement, les répétitions du funambule sont très bien filmées et Papatakis abandonne alors sa sécheresse pour s’abandonner au lyrisme (je ne pensais pas que ces numéros de cirque pouvaient être aussi fascinants !).
Mais le film se détourne rapidement de la voie de la « success-story » et l’on se rend vite compte que le numéro d’équilibrisme n’est qu’une métaphore illustrant la relation entre l’écrivain et Franz-Ali. Leur histoire est placée sous le signe de la domination et de la soumission. Franz-Ali est la « chose » de Marcel, il lui est complètement soumis. D’un autre côté, c’est le regard de l’écrivain qui le fait vivre et exister (qui lui permet de garder l’équilibre). Sans lui, c’est la chute comme dans ce très beau moment où le jeune homme fait son premier faux-pas au moment même où arrive un autre jeune protégé de Marcel.

 


À travers ce récit, Papatakis s’intéresse aux différents rapports de force entre les individus : rapports sado-masochistes de l’amour (Franz-Ali se soumet corps et âmes à Marcel), rapports de classes (le film insiste sur la violence réservée aux déclassés : immigrés, mère-célibataire…) et rapports maître-esclave (totalement imprégné de l’œuvre de Marcel, Franz-Ali se propose comme chauffeur d’Hélène, une amie angélique de l’écrivain, et rejoue d’une certaine manière le simulacre de la pièce Les Bonnes).
Malgré quelques longueurs, la réussite du film tient à ce mélange de cruauté et de retenue (Papatakis ne filme aucune scène de sexe ou de violence alors que le sujet s’y prêtait). Rien ne détourne le cinéaste de son fil tragique. La scène finale où Franz-Ali joue les funambules sur le toit de sa maison est très belle même si l’on devine que désormais, plus rien ne le protège de son inéluctable chute.
Un film plutôt rare qui mérite le détour…

Pour plus d’informations :




Fiche technique :
Avec Brad Renfro, Ni
ck Stahl, Rachel Miner, Bijou Phillips, Michael Pitt, Kelli Garner, Daniel Franzese, Leo Fitzpatrick et Deborah Smith Ford. Réalisé par Larry Clark. Scénario : Zachary Long et Roger Pullis. Directeur de la photographie : Steve Gainer. Compositeur : Eminem.
Durée : 111 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :
Bobby Kent est mort le 14 juillet 1993. Alors qu'il était allongé dans son sang, il demanda de l'aide puis la grâce à son meilleur ami, Marty Puccio. Sa réponse fut instantanée et préméditée : il l'étripa et lui renversa la tête en arrière pour lui trancher la gorge. L'incident laissa les habitants sans voix, les parents des jeunes meurtriers dépressifs et inconsolables et un groupe d'adolescents accusés d'un crime sanglant pour lequel ils ne se repentiront jamais.

 

 

L'avis de Traveling avant :
Six ans après le choc effroyable de Kids, Larry Clark suit de nouveau à la trace une bande d'adolescents américains désoeuvrés et laissés à eux-mêmes, se gavant jusqu'à plus soif de sexe, de sensations fortes et de drogues à la dure. Plus âgés, profitant du confort aseptisé des banlieues et du luxe relatif de leur situation sociale et familiale, ils n'en sont pas moins les rejetons, les dignes héritiers et continuateurs de son premier film : jeunes, oisifs, cons voire tarés jusqu'à la moelle, inadaptés et déconnectés d'une réalité qui semble se dérouler dans une autre dimension que la leur, à la fois bulle surprotégée et chaos autodestructeur.



Les purs produits décérébrés d'une société qui fabrique des monstres d'abrutissement. Volontairement traumatisant et provocateur jusqu'au malaise, le style de Larry Clark pousse encore plus loin, avec Bully, ce constat dévastateur et alarmiste : car le réalisateur ne se contente plus de filmer le quotidien de ces jeunes inadaptés affectifs, mais nous montre les conséquences – désastreuses, tragiques – de leurs raisonnements et actes inconséquents.



Bifurquant vers le fait divers, privilégiant toujours une approche hyperréaliste et documentaire qui flirte sans cesse avec le sensationnalisme trash, le photographe-cinéaste ouvre cette fois la porte de chambre de jeunes issus de la classe moyenne américaine. Ce qu'il nous laisse entrevoir – ce que les parents ne veulent pas voir – c'est l'horreur pure, l'exact revers de toutes les mises en scène hollywoodiennes qui confortent les parents et la société bien-pensante et hypocrite dans une image embellie et mensongère de l'adolescence.



Une certaine part de la triste réalité, hélas, réside ailleurs, loin des sourires Barbie-Ken que l'on nous sert jusqu'à vomir. Bully, film-pavé qui bouleverse et remue en profondeur, n'est pas très beau à voir : il nous oblige à regarder en face le terrible cul-de-sac vers lequel se dirige la progéniture de l'ère du vide.
Inspiré d'un fait divers sanglant et absurde survenu en Floride, Bully met en scène avec une implacable logique narrative – réglée au quart de tour, et aidée d'un fini documentaire brut saisissant – la dérive criminelle d'un groupe d'adolescents bien décidés à assassiner l'un des leurs, une petite frappe prétentieuse qui brutalise, manipule et abuse tous et toutes autour de lui.



Marty (Nick Stahl, stupéfiant dans le rôle) s'acharne en particulier sur Bobby (Brad Renfro, remarquable, méconnaissable), son ami d'enfance, sur qui il exerce un ascendant malsain, exigeant qu'il accomplisse toutes sortes d'actes dégradants. Leur relation, qui frôle sans cesse l'homosexualité latente, a tout du rapport de pouvoir tyrannique, Marty-dominant exerçant sur Bobby-dominé un rapport de bourreau-victime dans lequel ce dernier se complaît avec une ambiguïté, une satisfaction sadomasochiste de tous les instants.



Mais la nouvelle petite amie de Bobby (Bijou Philips), elle-même malmenée par Marty, comprend rapidement la dynamique installée entre les deux garçons, force Bobby à prendre conscience et à se révolter, puis, contre toute attente et bon sens, soulève l'ensemble du groupe d'amis liés à Marty et les convainc d'attenter à sa vie, d'éliminer ce monstre qui vampirise leurs vies. Ce qui, au début, a tout du fantasme juvénile et du délire passager, devient peu à peu une obsession de groupe qui débouchera sur l'innommable. Leur vengeance, aussi naïve et maladroite que stupide, violente et irréfléchie, fait basculer Bully de portrait implacable de la tourmente adolescente au cauchemar sordide.

 


Portraitiste impitoyable des tares d'une Amérique dont la morale bien-pensante et le culte du confort et de l'abondance sont les façades qui dissimulent un malaise et un mal de vivre immenses, Larry Clark nous assène une nouvelle claque en pleine figure, et avec quelle force d'impact ! Impossible de rester de glace devant un tel film. Sa démonstration sans concession, cohérente et authentique dans sa radicale crudité, a de quoi soulever maintes questions et réflexions. Et plusieurs auront été effectivement choqués devant les actes et propos inqualifiables de cette jeunesse dépravée, qui cultive la douleur et l'humiliation jusqu'à exhiber ses blessures avec fierté, une jeunesse dépourvue de toute sensibilité, qui confond fiction et réalité, que Clark met en scène avec un sens de la spontanéité et un souci du détail maniaques.



Certains ont soulevé le problème de son angle d'approche : il est vrai que le travail de Clark, plus que jamais dans Bully, frôle sans cesse la complaisance malsaine et le voyeurisme pervers. On l'accuse de filmer ses « sujets » comme un vieux cochon excité, chosifiant ses personnages, les transformant en objets de jouissance pour obsédés sexuels. Mais qualifier ainsi sa démarche la réduit considérablement : c'est oublier un peu vite à quel point Clark ne suresthétise pas l'acte sexuel, qui est traité, comme l'ensemble de ce qui est représenté, avec un sens documentaire-vérité évident. Que le cinéaste opte systématiquement pour la représentation de situations crues et explicites relève bien évidemment d'une double volonté de provocation et de confrontation des tabous que Clark partage avec tout un pan du cinéma indépendant américain contemporain : pensons seulement à un Todd Solondz.



Contrairement à ce dernier, toutefois, Clark s'ancre davantage dans le social - nul humour ici, sinon un pathétique risible – et assume pleinement l'héritage documentaire et cinéma-vérité, tout en resserrant l'étau narratif autour du crime à accomplir, laissant le spectateur prisonnier de la mise en place du fait divers, qui fait bifurquer le film à mi-chemin vers le thriller social. On pourra regretter que la complexe et fascinante relation entre Marty et Bobby soit ainsi rapidement évincée au profit de la démonstration implacable de l'acte de vengeance, trouver aussi que ces jeunes écervelés sont réduits à l'état de simples pantins grotesques et abrutis sous les yeux du cinéaste qui porte sur eux un regard aussi dénué de sympathie. Mais la réalité est-elle si éloignée de ce que Clark dépeint ? Toute la question de la pertinence de la démarche de Clark se situe là :  Bully est-il le miroir déformant ou grossissant, ou encore le juste reflet-témoignage de la pathétique réalité d'une certaine jeunesse ?



Situé sans doute quelque part entre les deux, ce film dérangeant de Larry Clark force l'admiration par la précision et la justesse chirurgicales de sa mise en scène, irréprochable et pleine de fulgurances, et par le tour de force de la direction d'acteurs – tous, professionnels comme amateurs, y sont tout simplement hallucinants. Après cette nouvelle et traumatisante séance d'électrochocs signée Larry Clark, on attend avec impatience que le cinéaste s'attaque aux grand absents de son univers adolescent, à ceux qu'il pointe du doigt à travers l'oisiveté à la fois tranquille et sauvage de ces enfants abandonnés à leur absence de repères : les parents. Eux aussi, souhaitons-le, seront soumis au terrible regard-scalpel de Larry Clark.
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Fiche technique :
Avec Lorenzo Balducci, Francesco Venditti, Moran Atias, Sandro Giordano, Massimiliano Caprara, Paola Ranzoni, Loretta Goggi, Paolo Villaggio, Alexandra La Capria et Giorgio Santangelo. Réalisation : Luciano Melchionna. Scénario : Luciano Melchionna et Alexandra La Capria. Directeur de la photographie : Tarek Ben Abdallah.
Durée : 112 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
Luca est un jeune homme taciturne et mal dans sa peau. Soudain, il tombe amoureux de Riccardo, le frère de sa petite amie. Parallèlement, Luca s’adonne à des beuveries avec ses amis dans leur repaire situé dans le sous-sol d’une usine désaffectée.
Les liens entre cette bande de jeunes décadents psychopathes et ce jeune homme, qui se découvre, se tissent peu à peu au fil d’une construction alternant temps présent et flash-back.



L’avis de Psykokwak :
Dès les premières images, nous entrons dans les profondeurs d’une usine désaffectée. C’est dans ce no man’s land que s’est réfugié Luca. Avec des compères, il séquestre un type d’une cinquantaine d’année, un peu rondouillard. Un bourgeois ?  Peu importe, il a pour son malheur croisé à la sortie d’un sex shop cette bande de jeunes qui l’ont enlevé sans raison apparente.


Nous sommes à Latina, près de Rome, une ville développée sous Mussolini, à l’architecture caractéristique du style totalitaire du fascisme. Ville qui a servi de décors pour le film Mon frère est fils unique de Daniele Luchetti.
La trame du film conjugue des séquences actuelles et des retours en arrière scandés par des plans fixes de cercueils et de courtes présentations dédiées à chaque personnage de l’histoire. Autant de chapitres que de personnages et pour fil d’Ariane, le portrait de Luca.


On ne comprend pas au début de ce qu’il s’agit, pourquoi ces jeunes adultes, trois garçons et deux filles, s’acharnent sur ce pauvre type dans une sorte de délire comportemental où la drogue, le sexe se mélangent… La répétition des plans fixes de cercueils ponctuent la narration et nous préviennent du dénouement tragique de leur violente dérive. Ce n’est que progressivement que le puzzle se construit pour donner une cohérence à l’histoire.


Le réalisateur s’intéresse à un épisode récent de ses différents personnages comme pour essayer de comprendre le sens de leur comportement. Une sourde rage semble tous les animer. Rage contre un père absent à l’anniversaire de son fils, colère vis à vis d’une mère insensible à la souffrance d’un chien, l’ennui d’un travail peu gratifiant dans une morgue, le désespoir d’une fille délaissée par son copain, une révolte contre un esprit petit bourgeois, autant de portraits alignés et qui, toutefois, expliquent difficilement leur conduite insensée. Aucun discours politique ne vient étayer leur démarche. Seul le rassemblement de ces individus désenchantés expliquerait ce déchaînement de violence dont nous gratifie Lucianno Melchionna. Les effets d’une dynamique de groupe, associés à des prises de drogues et à un désœuvrement partagé pourraient donner un début de compréhension à leurs actes sauvages et gratuits.


Faut-il y voir une critique d’une jeunesse en perte de repères dans une société anonyme ?
Et il y a Luca qui mène une vie assez banale de livreur de courses, jusqu’à ce qu’il rencontre Riccardo le frère de sa petite amie. Entre les deux hommes débute une histoire d’amour qui est brutalement interrompue par le tabassage à mort de Riccardo.
Film pessimiste et dérangeant où l’on se perd dans les portraits longuets et pas très convaincants des personnages. Des coupes dynamiseraient le rythme d’un film que je trouve ennuyeux. La bande son réussie souligne avec des musiques industrielles la déshumanisation des protagonistes.
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Fiche technique :
Avec Rattanaballang Tohssawat, Chaiwat Thongsaeng, Wiradit Srimalai, Chutcha Rujinanon, Suchao Pongwilai, Chonprakhan Janthareuang, Uthumporn Silaphan et Rachanu Boonchuduang. Réalisation : Poj Arnon. Scénario : Poj Arnon.
Durée : 120 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
Jeune truand sauvage et sans pitié, malmené par la vie depuis son enfance, Mehk est un tueur à gage sans état d'âme dans une vie qu'il semble fuir sans cesse. L'argent qu'il gagne en exécutant des contrats lui permet d'entretenir sa mère et son frère atteints du sida.



Son dernier contrat, supprimer un jeune et riche fils de famille, va tout faire basculer. Mehk renonce à tuer sa victime. Une amitié se noue entre les deux garçons désormais poursuivis par les hommes de main du patron de Mehk.



L’avis de Psykokwak :
Mehk (Nuage), tueur à gage enchaîne les contrats sans état d’âme. Solitaire, ce travail n’est qu’un pis aller dans sa morne existence, juste utile à financer les soins nécessaires pour sa mère et Mhok (Brouillard), son frère, qui crèvent à petit feu du SIDA. Mhok a été violé par son beau-père qui les a contaminé. Il est régulièrement brutalisé et dépouillé de ses médicaments par des jeunes du quartier effrayés par sa maladie.


Mehk (Rattanaballang Tohssawat) doit kidnapper Itt (Pierre) et le ramener à son patron. On imagine que le jeune homme d’affaires informait la police sur les activités illicites de son patron. Mission risquée dont s’acquitte Mehk. Mais lorsqu’on lui demande de descendre Itt (Chaiwat Tongseang), il refuse prétextant que c’est un bon gars, pas comme les salauds qu’il dessoude d’habitude. Une fusillade éclate qui se poursuit dans une fabrique de statues de Bouddha dont les têtes explosent sous l’impact des balles.


Mehk, blessé, est alors secouru par Itt qui le trimballe jusqu’à la planque glauque de Mehk. Puis il le soigne. Ils logent dans un taudis niché sur la terrasse d’un immeuble de Bangkok. Une cohabitation étrange s’installe qui débouche sur une relation amoureuse difficile à accepter pour Mehk qui prend du champs. Itt, dépité, n’a de cesse de l’exhorter à revenir. Mehk tergiverse entre sa petite famille à l’agonie et sa passion amoureuse pour Itt.


Sa mère se suicide après avoir découvert que Mhok se prostituait pour payer leurs traitements médicamenteux. Mehk finit par être coffré par la police… alors que Itt perd la vue lors d’un ultime règlement de compte.


Sacré cinéma thaï ! Après les kitschissimes Larmes du tigre noir, le queer Satreelex Iron ladies , l’envoûtant et fantasmagorique Tropical  Malady, le touchant Beautiful boxer , et ce Bangok Love Story, le cinéma altersexuel thaï me réjouit.


L’intrigue autour d’une histoire de truands avec une histoire d’amour entre deux mecs ce n’est pas courante. Les quelques scènes d’action viennent rythmer les longs et beaux échanges entre les deux hommes. J’ai pensé à l’Ami américain de Wenders. Et aussi à Brokeback Mountain, même si le réalisateur Poj Arnon déclare avoir eu l’idée de son scénario avant la sortie du film de Ang Lee.


La photographie est léchée dans des teintes saturées de jaune orangé, ou plus sombres, de nombreuses séquences se déroulent la nuit et sous la pluie. Les deux héros ayant une furieuse propension à baiser à même le sol détrempé quand ce n’est carrément pas dans des flaques d’eau.


Il fait chaud et humide à Bangkok et nos deux protagonistes se baladent souvent en caleçon, ce qui permet d’admirer la magnifique plastique de l’acteur qui interprète Itt. Toutefois un regret, que le scénario ne soit pas à la hauteur de la qualité cinématographique et que le style penche vers la forme mélodramatique.
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Fiche technique :
Avec Dhanaé Audet-Beaulieu, Pierre-Luc Blais, Sylvie Bouchard, Francis Ducharme, Madeleine Péloquin, Emmanuel Schwarz et Sébastien Simoneau. Réalisation : Pascal Robitaille. Scénario : Pascal Robitaille. Directeurs de la photographie : Mathieu Laverdière et Pascal Robitaille. Compositeurd : Pierre-Luc Blais et Emmanuel Schwarz.
Durée : 50 mn. Disponible en VF.



Résumé :
Vivent les débardeurs, vive le Québec jeune !
Un couple de sympathiques « chums », William et Médéric, se filme au début de l’été, des vacances, de leurs existences…



L’avis de Psykokwak :
Lonely Child, un moyen métrage estampillé Dogma # 41, s’intéresse à Médéric, un jeune choupinou québécois qui profite de son 17e anniversaire pour présenter son chum à sa famille. Seule sa mère s’est déplacée chez la frangine.


Bien qu’elle soit au courant de la pédésexualité de son rejeton, elle s’emporte violemment lorsque Médéric embrasse son copain. Toute la haine et l’homophobie maternelle éclate en un psychodrame bien musclé. Voir la scène diffusée en début d’article, la meilleure du film.


Puis Méderic et William (Emmanuel Schwartz) se rendent en voiture chez un couple de copains dans une maison au bord d’une rivière. On écoute Médéric et un des garçons discuter de leurs premiers émois, du vécu de leur sexualité et on a droit à une petite séance de strip-tease entre Médéric et Maxime tout en retenue et très pudique. En fait l’image est surexposée et franchement mal cadrée d’où notre déception à ce qui aurait pu être une friandise. D’autres bavardages s’éternisent devant une rivière, un feu de camp… sur fond de grattouillage de guitare.


Rien de franchement excitant si ce n’est la charmante frimousse de Médéric (Dhanaé Audet-Beaulieu). Nous avons bien du mal à nous passionner pour ce Lonely Child. Les images floues, flottantes et mal cadrées accompagnent des dialogues insipides. La caméra passe de mains en mains, pour s’immobiliser sur un rétroviseur, ou sur le feu de camp.


Le principe Dogme est ici poussé à ses limites, caméra tenue à la main, lumière exclusivement naturelle, son en direct et sans préparation ou répétition des scènes. Heureusement l’accent québécois nous tire quelques sourires, même si on peine de temps en temps à tout saisir, mais vu la profondeur des échanges ce n’est pas gênant. Et si on a vu C.R.A.Z.Y., on reconnaît certaines expressions.


Bref un film sans grand intérêt et je me sens d’autant plus perplexe que ce film amateur est interprété par des acteurs. Pourquoi ne pas avoir travaillé un peu les prises de vue, tout en respectant le code Dogme ? Un petit compliment pour le rendu d’une fraîcheur dans le jeu des acteurs. À vouloir filmer comme des amateurs, il n’a rien coûté, on produit un film décevant et ennuyeux.


Je pense à Ma vraie vie à Rouen, où le jeune Etienne (Jimmy Tavares) filme sa vie d’ado à partir d’un caméscope qu’on lui a offert. Il y avait là une idée originale, que les réalisateurs Olivier Ducastel et Jacques Martineau avaient scénarisé et cela avait donné un film sympathique.
Rien de cela ici si ce n’est le sentiment de visualiser un brouillon. Dommage car l’idée de ce coming out très nature pouvait donner lieu à un film amusant et plaisant à regarder.
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Fiche technique :
Avec John Cusa
ck, Kevin Spacey, Jack Thompson, Irma P. Hall, Jude Law, Alison Eastwood, Paul Hipp, Chablis et Kim Hunter. Réalisé par Clint Eastwood. Scénario de John Lee Hancock. Directeur de la photographie : John N. Green. Musiques de Johnny Mercer et Lennie Niehaus.
Durée : 155 mn. Disponible en VO, VOST et VF.




Résumé :
Savannah : une petite ville entourée de marécages où évolue une population stratifiée en classes et dont, pourtant, les différents milieux communiquent par des voies secrètes. Il en va ainsi pour le plus grand notable de la ville, un antiquaire et collectionneur d'art, qui, pour d'obscures raisons, invite un jeune écrivain à partager un temps sa compagnie. Peu à peu, le jeune homme devine l'homosexualité honteuse de son hôte, qui cache (pour ne pas faire de peine à sa maman) une relation agitée avec une petite frappe. Mais le jeune voyou a des exigences et demande toujours plus d'argent.




On le retrouve mort dans la demeure de son amant. Celui-ci plaide la légitime défense, soutenu par un puissant avocat. L'écrivain se retrouve dans la position inconfortable de témoin qui en sait trop. Il est intimement convaincu qu'il ne s'agit pas de légitime défense, mais de meurtre. Doit-il intervenir au nom de la justice ou va-t-il plus confortablement choisir de ne pas se mêler de ce qui ne le regarde pas ?



L'avis de Jean Yves :
Minuit dans le jardin du bien et du mal est un film des plus étranges. Il aurait pu être un film à thèse s'articulant autour du cas de conscience de l'écrivain. Pas du tout, il n'est en rien un réquisitoire contre une justice à deux vitesses. Le riche pédé qui a tué son amant prolo est filmé comme l'innocence même, une sorte de grand gosse qui a simplement fait une bêtise. Autour de lui, tous les habitants de la ville sont plus dérangés les uns que les autres : le jury, par exemple, est composé d'abrutis, dont un cinglé qui fomente d'empoisonner la ville entière.
Mais le plus étonnant c'est que ce film paraît, à plusieurs reprises, abandonner son sujet. Sur sa route, le jeune écrivain croise une drag-queen noire, Lady Chablis, star du sud de la Floride, ici dans son propre rôle. Elle prend l'ascendant sur le récit d'une façon stupéfiante comme si Clint Eastwood avait été fasciné par elle et lui avait écrit des scènes sur mesure, semblant oublier jusqu'à l'histoire qu'il avait commencé à raconter.

Minuit dans le jardin du bien et du mal est un très beau film, non pas sur le milieu gay, mais avec le milieu gay.

 



L'avis de Neil :
Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère…
Prononcez tout d’abord doucement le titre, en version originale qui plus est : Midnight in the garden of Good and Evil. Un régal pour l’oreille et tout un programme en perspective. Nous sommes à la fin des années 90 et Clint Eastwood est en plein dans sa période polars : après Les Pleins pouvoirs et avant Jugé coupable, le réalisateur ne se met cette fois pas en scène mais laisse le rôle du détective, ici amateur, à John Cusack. Cela dit Minuit dans le jardin du Bien et du Mal diffère pas mal des deux films sus-cités puisqu’il repose avant tout sur l’ambiance de la petite ville de Savannah, en Géorgie. John Kelso doit y faire le compte rendu d’une fête huppée donnée chaque année par le richissime John Williams. La nuit précédent son retour, il est brusquement réveillé par le tapage occasionné par le meurtre de Billy Hanson (Jude Law toujours aussi sexy). Tout porte à croire que c’est John Williams qui a fait le coup, mais le doute subsiste. Kelso va finalement rester quelques jours de plus pour élucider cette affaire.



C’est à un polar à ambiance que nous convie donc Clint Eastwood dans Minuit dans le jardin du Bien et du Mal. L’héroïne du film est bien Savannah et ses habitants hauts en couleurs : un intrigant millionnaire aux mœurs dissolues, un transsexuel au charme vénéneux, une prêtresse vaudou énigmatique... les personnages ne manquent pas d’allure, et le jeune blanc-bec John Kelso fait bien pâle figure (tout comme son interprète John Cusack). Comme tous les films à procès, Minuit dans le jardin du Bien et du Mal traîne parfois en longueur et accumule les scènes de plaidoirie qu’on aurait volontiers zappées. Malgré tout, on assiste à la fine description d’une société riche et oisive qui cumule pas mal de tares. Non contents d’être quasiment tous homophobes, les charmants habitants de cette petite communauté se révèlent bien souvent lâches et hypocrites. Clint EastwoodKevin Spacey s’en tire à merveille avec un rôle taillé sur-mesure où il prend un malin plaisir à s’auto parodier. Les amateurs y découvriront aussi Allison Eastwood (la fille de …) et son joli minois dans un de ses premiers grands rôles. Tout ça pour dire que Minuit dans le jardin du Bien et du Mal est un film plaisant qui nous montre une ville du sud des États-Unis bien ancrée dans ses traditions, sans doute pas le meilleur film de son réalisateur mais en bonne place dans sa filmographie. parvient toutefois à ne pas sombrer dans la critique vaine et stérile, mais tisse un propos très pertinent sur la Vérité et les Mensonges qui larvent chez tout un chacun. Bien malin qui pourra dire au final quel est le coupable, si tant est qu’il faille y en avoir un. Dans ce petit jeu machiavélique,
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Fiche technique :
Avec Aaron Ashmore, Marie Tifo, Jean-Pierre Bergeron, Fiona Reid, Scott Thompson et David Foley. Réalisé par John L'Ecuyer. Ecrit d'après l'histoire de Marc Hall par Kent Staines. Producteur : Heather Haldan. Producteur exécutif : Mary Young Leckie. Editeur : Mike Lee. Musique de Mélanie Douane, Botanic et Pornographers. Compositeur : Gary Koftinoff. Directeur de la photographie : Glenn Warner.
Durée : 88 mn. Disponible en VO, VF et VOST.




Résumé :
Prom Queen est l’histoire vraie de Marc Hall, un garçon de 17 ans, élève d’une école catholique canadienne. Marc est charismatique, sûr de lui et ouvertement gay depuis l’âge de 15 ans. Le moment du bal de promo est venu, et, comme tous les autres jeunes de son âge, Marc rêve d’y aller, mais surtout, d’y aller avec son petit ami. L’administration de l’école s’y oppose de manière catégorique. Marc va devoir se battre pour imposer son choix. Mais lorsque les médias vont le "stariser" et que l’affaire va aller jusqu’à la Cour Suprême, le jeune homme va-t-il avoir le courage de continuer le combat ?


Prom Queen est inspiré d’un fait divers qui fit beaucoup de bruit au Canada. L’histoire de ce jeune garçon combattant les préjugés et les idées préconçues ne laissa personne indifférent.


L'avis de Daniel C. Hall :
Directement tourné pour la télévision, Prom Queen fut tout de même projeté dans les salles de l’autre côté de l’Atlantique. Est-ce l’effet « D’après une histoire vraie » ? Pas seulement. L’Affaire Marc Hall a véritablement défrayé la chronique au Canada et aux Etats-Unis. Pensez donc… Un jeune homme, étudiant une école catholique, se battant pour inviter son petit ami au bal de fin d’études. Ce fameux bal qui reste le moment marquant dans la vie des jeunes outre-Atlantique, le passage à l’âge adulte, une espèce de rite initiatique difficile à comprendre dans nos bonnes vieilles contrées.


Réalisé de manière plutôt intéressante et originale par John L’Ecuyer, le film bénéficie aussi d’un scénario à la hauteur. En effet, réalisateur et scénariste ont participé à Queer as folk, version USA. Les acteurs sont parfaitement crédibles et justes (voire même touchants), et même si le côté fleur bleue (comme la coiffure de Marc Hall) n’est pas absent, il n’en reste pas moins que Prom Queen touche le public et fait œuvre de militantisme intelligent. Pour tout dire, ce film pourrait être diffusé sur une chaîne française en prime-time sans aucun problème et susciter sympathie et compassion. Et pourquoi faire évoluer un tout petit peu les mentalités ? On peut toujours rêver, non ? C’est vous dire que si les programmateurs avaient un peu de courage…


Notons que le dvd contient un documentaire consacré aux véritables acteurs de cette affaire. Les droits de l’homme, la constitution d’un pays prévalent-ils sur les enseignements d’une religion, même au cœur d’un établissement privé ? Une question que le Canada a réglé, légalisant il y a peu le mariage homo - l’injonction Marc Hall n’y étant certainement pas étrangère. Bref, un bon film, plein d’enseignements, d’où l’on retire forces et espoir.


L’avis de John :
En exprimant simplement le désir d'assister au bal des finissants avec son petit ami, Marc Hall a déclenché un remous médiatique opposant l'Église catholique et la Charte des droits et libertés, une communauté et une commission scolaire, et une famille et sa foi. En 2002, lorsque Marc Hall a demandé à la commission scolaire catholique de Durham de revenir sur sa décision, il ne savait pas que son histoire ferait la une des journaux de tout le pays, et lui vaudrait des demandes d'interviews provenant d'aussi loin que l'Australie ainsi que plusieurs apparitions à la télévision.


Prom Queen est une dramatisation fascinante d'un épisode dans la vie d'un courageux garçon de 17 ans, dont le geste a suscité un énorme soutien et de nombreux débats dans la communauté. Prom Queen porte à l'écran une histoire nationale dont tout le monde a parlé – gays et hétéros, catholiques ou non. 
Pour plus d'information :
Un article en anglais sur l'Affaire Marc Hall

 

Fiche technique :
Avec Radha Mitchell, Gabriel Mann, Charis Michaelson, David Thornton, Anh Duong, Ally Sheedy, Patricia Clarkson, William Sage et Helen Mendes. Réalisé par Lisa Cholodenko. Scénario : Lisa Cholodenko. Directeur de la photographie : Tami Reiker.
Durée : 95 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :
Malgré la récente promotion qu'elle vient d'obtenir dans le prestigieux magazine de photo Frame, où elle travaille, Syd reste préposée aux cafés. Elle vit confortablement et depuis longtemps avec son ami James. Une fuite au plafond de la salle de bains va l'amener à rencontrer sa voisine du dessus, l'insaisissable Lucy Berliner, célèbre photographe qui a décroché depuis dix ans et qui va lui faire découvrir un monde étrange et captivant.

 


L’avis de Yann Gonzalez :
High Art est le récit touchant d'un amour désespéré. Syd (Radha Mitchell), jeune et charmante intellectuelle, travaille pour Frame, un magazine de photos important, mais est quelque peu frustrée par sa place dans la hiérarchie de l'entreprise. Elle fait un jour connaissance avec sa voisine, Lucy (Ally Sheedy), ex-photographe à succès dont le travail fascine Syd d'emblée. Celle-ci n'a alors plus qu'une idée en tête : remettre Lucy sur le devant de la scène par le biais de Frame. Parallèlement, les deux femmes vont vivre une liaison tourmentée, Lucy ayant de graves problèmes liés à la fois à sa maîtresse allemande, Greta (Patricia Clarkson), et à la drogue...


Lisa Cholodenko a un talent évident pour filmer la passion : que ce soit celle du couple Syd et Lucy ou celle, plus ancienne, existant entre Lucy et Greta, mais qui ne reste effective que par le lien mortifère de l'héroïne. La jeune cinéaste, dont c'est le premier film, sait mettre en valeur ses actrices (toutes épatantes) et leurs corps confrontés à un désir gangrené par la mélancolie (on lit dans les yeux d'Ally Sheedy l'impossibilité du bonheur). Elle possède également un don particulier pour installer une atmosphère aux tonalités sombres (renforcée par l'envoûtante musique de Shudder To Think), filmer des visages, laisser du temps aux personnages qu'elle aime et qu'elle sait aimer. On regrette alors que le film ne se focalise pas davantage sur son trio principal et nous impose sa vision pas très originale du milieu superficiel de la photographie contemporaine, insistant également sur l'arrivisme inconscient de Syd dans ses rapports avec Lucy. Le film était déjà assez amer et l'on n'avait pas besoin de cette mesquinerie inhérente aux rapports professionnels dont on a la désagréable impression qu'elle intervient comme un surplus dramaturgique.


L'avis de Pierre Guillemot :
L'histoire : Syd, jeune Américaine blanche en bonne santé, commence sa carrière à New York comme rédactrice-stagiaire et porte-café dans un magazine de photo d'art branché. Elle a un appart, un jules gentil, tout va bien sauf qu'elle aimerait monter en grade. Elle tombe par hasard sur Lucy, vieille New-Yorkaise, héroïnomane, qui vit avec Greta, Allemande non moins ravagée, dans le petit monde de l'art pénible. Et Lucy photographie ça, et c'est très bon; Syd voit sa chance, révéler à ses chefs un nouveau talent; pas de veine, c'est une vieille gloire, qui a arrêté de publier; mais si Syd arrive à la refaire travailler, on en fera la prochaine couverture du magazine d'art branché.


La suite est à l'horizon : Syd fera ce qu'il faut : se défoncer, dévouer son corps, pour que ça marche pour elle. Ça finit mal.
Bon, ça se veut subtil, l'initiation à la vraie vie de la jeune arriviste, la vieille qui se croyait le cœur tanné et qui fond à nouveau, les dégâts de l'amour et de l'abandon. Avec une image en couleur très joliment travaillée, les décors; des bureaux trop nets où les meubles ont l'air d'être coupants, des appartements citadins déglingués et étouffants, on a l'impression qu'il n'y a jamais de fenêtres (il y en a mais on ne voit rien à travers) et brusquement le dimanche à la campagne, un autre monde, d'autres couleurs. Petit plaisir de voir mises en scène les images des images, ce qui vient de se passer est devenu une photo et celle qui est dessus en discute (Lelouch avait fait plus et mieux; Hasards et coïncidences et la caméra vidéo). 


Et puis quand même, le film montre ce que les filles se font entre elles. Pour une fois autrement que M6 le dimanche soir, et pas comme les militantes de Go fish. C'est beau et ça émeut (très, très voilé, n'y allez pas pour ça, on en voit moins que sur la photo de l'affiche).


Mais avec tout ça, la réalisatrice ne nous sort pas du petit monde de l'art parisien (new-yorkais mondialisé cette fois, c'est pareil). Sauf quand Lucy va chez sa très vieille maman Juive, qui n'oublie jamais de rappeler à sa fille qu'elle vit, à son âge, avec les sous que son papa avait sortis d'Allemagne quand il était encore temps. Drôles de scènes qui n'ont rien à voir avec le reste. Un morceau de l'histoire personnelle de l'auteur ?
Un film qu'on peut voir.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Jérémie Elkaïm, Stéphane Rideau, Marie Matheron, Dominique Reymond, Laetitia Legrix et Nils Ohlund. Réalisé par Sébastien Lifshitz. Scénario de Stéphane Bouquet et Sébastien Lifshitz. Directeur de la photographie : Pascal Poucet. Compositeur : Perry Blake.
Durée : 100 mn. Disponible en VF.



Résumé :
Mathieu, dix-huit ans, est en vacances avec sa mère et sa soeur dans un village de bord de mer. Avec eux, il y a aussi Annick, qui s'occupe du quotidien et veille surtout sur la mère, désemparée depuis la mort de son dernier enfant. Sur la plage, Mathieu rencontre Cédric, un garçon de son âge. Commence alors ce qui ressemble à une aventure de vacances mais, jour après jour, de petits conflits en étreintes, d'insouciances en provocations, l'affection grandit et devient intense...

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L’avis de Yann Gonzalez :
Un été, sur une plage de Bretagne, Mathieu (Jérémie Elkaïm), un Parisien de 18 ans, fait la connaissance de Cédric (Stéphane Rideau). Les deux garçons vivent une aventure de plus d’un an. L’hiver qui suit leur séparation, Mathieu tente de se suicider. En guise de thérapie et pour mieux faire le deuil de Cédric, l’adolescent décide de retourner sur les lieux de leur rencontre...
Une histoire d’amour infra-passionnelle, une dépression douce, des drames sous-jacents... Presque rien, donc, du moins en surface. Car le film de Sébastien Lifshitz travaille avant tout sur l’ellipse et le non-dit, prenant le risque de privilégier les temps morts aux temps forts. Ce choix de structure en creux ne va toutefois pas sans frustrer, ne serait-ce qu’à l’orée des Terres froides, réalisé pour Arte par le même Lifshitz et dont la profusion romanesque – c’était, pour le coup, « Presque tout » : quête du père, tragédie gréco-marxiste et sodomie dévastatrice – était à peine adoucie par la retenue de la mise en scène.


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Les beautés de Presque rien, quant à elles, ne se goûtent que fugitivement, au gré des percées poétiques que le cinéaste s’est permis de sacrifier à son désir de rétention. C’est dans les petits reliefs de son récit fractal (les séquences se suivent sans ordre chronologique, entre l’été et l’hiver, l’amour naissant du couple et la solitude de Mathieu) que le film offre ses moments les plus immédiatement touchants : un coït sur le sable, une danse improvisée via Mylène Farmer (Libertine revu et corrigé version pédé), les aveux de Mathieu à sa mère malade (la toujours émouvante Dominique Reymond) ou encore la rencontre de ce dernier avec l’ex-petit ami de Cédric.


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Lorsque ses images sont moins signifiantes, plus atones, Presque rien frise la platitude, comme s’il ne s’était pas suffisamment nourri de situations fortes pour pouvoir sublimer la mélancolie de son protagoniste, comme si les instants pleins manquaient de cette incandescence seule capable de nous faire ressentir l’absence ou la douleur. Avec Les Terres froides, Lifshitz nous a prouvé qu’il était grand, et si Presque rien n’érode nullement notre croyance, on ose espérer que l’auteur des Corps ouverts se déleste à l’avenir d’une partie de sa modestie.


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L'avis de Mérovingien02 :
Sébastien Lifshitz ne change jamais de registre. Après deux court-métrage sur l'homosexualité (Il faut que je l'aime et Corps Ouverts), voilà qu'en 1999, il réalise son premier long métrage sur... l'homosexualité. Le ton se fait cette fois moins dur, mais il n'en demeure pas moins grave, très sérieux, proche des films d'auteurs à la française, style téléfilm sur grand écran. Il n'est franchement pas indispensable de le découvrir au cinéma, une simple vision sur Arte ne changeant pas grand-chose aux sensations éprouvées au visionnage.

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L'intrigue est typique du film de festivals Gay et Lesbien, avec son jeune héros qui tombe amoureux d'un garçon pendant l'été et fait son coming-out. Rien de particulièrement original donc. Mais comme pour briser la banalité sans laquelle le film ne vaudrait guère mieux qu'un film Télérama destiné à une soirée Thèma, Sébastien Lifshitz choisit de faire éclater la narration en trois saisons : l'été, l'automne et l'hiver. Le récit linéaire se retrouve ainsi éparpillé, passant des moments joyeux et ensoleillés de la rencontre amoureuse aux instants de solitude qui suivront la rupture. Le jeune héros, Mathieu, a entre-temps plongé en dépression. Mais le « pourquoi », on ne le comprendra pas immédiatement. Car en privilégiant une structure narrative en puzzle, le réalisateur nous pousse à combler les ellipses, comme par exemple ce qui a poussé le couple à la rupture.

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Finalement, cet espace-temps du film en pagaille permet au réalisateur de s'affranchir de l'histoire banale pour, dans une mesure relative, coller d'avantage au portrait d'un jeune homme à un moment de sa vie et qui ressasse ses souvenirs et se cherche. Comme le titre l'indique, l'auteur filme des choses simples sans les intellectualiser, et parle de choses anodines qui ne le sont pas tant que ça. On colle au personnage principal avec une mise en scène épurée, quasi documentaire. Forcément très intimiste.

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Presque rien
nous invite finalement à rencontrer un garçon qui ne témoignait jusque là d'aucune émotion particulière (la scène de l'oiseau mort, la façon dont il a vécu la mort de son frère), comme s'il les renflouait au plus profond de lui-même et qui, en découvrant l'amour, va apprendre à les exposer. Il ne fait aucun doute que Mathieu a déjà un fort potentiel de dépressif, voire ses silences constants et son regard vide. Mais en découvrant l'amour, il se découvre lui-même, et plus précisément son corps. Le corps a toujours été au cœur du travail de Lifshitz et de son scénariste Stéphane Bouquet. Ici, de nombreux plans sur des caresses, sur les corps des jeunes garçons au soleil ou sur leur nudité renvoie à l'exploration de la découverte de soi-même et de la découverte de l'autre. Ces corps sensuels qui se mélangent sont une échappatoire à la vie miséreuse qui entoure Mathieu (sa sœur en pleine crise d'adolescence, la mère dépressive). La beauté du corps et le plaisir sexuel sont en totale opposition avec la froideur du monde et permettent de s'en éloigner, d'être préservé. Il y a d'ailleurs un jeu de contraste entre les scènes d'amour en été, pleines de grands espaces (la mer, les forêts), avec une lumière chaude et rassurante et les scènes marquant la dépression, avec la froideur des murs d'hôpital. Mais il y a également une opposition flagrante entre la vie sociale de Mathieu pendant sa relation amoureuse et l'après. Ainsi, pendant l'été, il est à plusieurs reprises dans le même cadre que sa famille, que ce soit lors d'une discussion à table avec la famille (la caméra tourne autour des personnages comme pour les relier) ou bien lors de discussions plus sérieuses (le coming-out de Mathieu à sa mère, les remarques de sa sœur ou de sa tante). Une fois l'automne entamé, Mathieu est souvent seul dans le champ de la caméra. Sa famille l'a de toute évidence rejetée. Même lorsqu'il discutera avec une psychiatre, Mathieu sera isolé en champ/contre-champ.

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Mais tout ce travail discret de mise en scène demeure somme toute assez classique et ne relève pas spécialement de l'inédit au cinéma (le travail sur les saisons renvoyant à un état mental par exemple). À tel point que le plus gros mérite du film vient sans aucun doute de sa représentation sans fard de l'homosexualité. Sans tabou, sans jamais basculer dans les clichés du genre (style « Holala, je vais faire mon coming-out ! »), Sébastien Lifshitz parvient à faire non pas un film sur l'homosexualité mais simplement un film. Pas d'étiquette donc. Ainsi, le sexe est représenté sans chichi, et ce dès les premières minutes où un plan cru vient s'insérer dans la succession d'image lisses : un plan sur Mathieu qui caresse son sexe et commence à bander. Une manière d'aborder la solitude de Mathieu sans tabou, en représentant la masturbation comme un acte de plaisir solitaire. Par la suite, d'autres plans explicites trouveront leur place, la nudité faisant partie intégrante de la complicité et de l'amour partagé entre Cédric et Mathieu. Que ce soit Cédric dansant nu en parodiant Mylène Farmer ou bien une scène de sexe passionné dans les dunes de sables. C'est frontal mais nullement provocant.

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Il convient de saluer la performance des acteurs qui se dévoilent sans fausse pudeur, des rôles pas évidents, et qui n'ont aucune crainte de se retrouver cantonner dans des rôles d'éternels gays. Ainsi, Jérémie Elkaïm déjà vu dans le téléfilm « A cause d'un garçon », diffuse une féminité derrière un charisme absent, témoignant ainsi d'une grande fragilité, tandis que l'icône gay Stéphane Rideau (Les Roseaux sauvages d'André Téchiné, À toute vitesse de Gaël Morel et Sitcom de François Ozon, décidément !) offre une assurance plus forte, bénéficiant de sa carrière de sportif pour composer un homme sexy et viril, véritable vivier à fantasmes, offrant un solide contrepoint au personnage perdu de Mathieu. L'alchimie entre les deux comédiens est parfaite, excitante, touchante.

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Derrière son titre anecdotique et son sujet bateau, le film de Sébastien Lifshitz reste un film plus classique qu'il ne voudrait l'être mais se suit avec un certain intérêt. Il n'y a pas franchement de quoi se relever la nuit mais le fait que le film ne pose jamais la question de l'homosexualité reste une preuve de sincérité du cinéaste et d'honnêteté. Ce n’est déjà pas si mal.

Pour plus d’informations :

Site de Stéphane Rideau
Autre site sur Stéphane Rideau
Site de Jérémie Elkaïm

Site de Sébastien Lifshitz

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