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FILMS : Les Toiles Roses


Fiche technique :

Avec Rudee LaRue, Claude Thérésine, Grégoire Queulvée, D’Geyrald et Radiah Frye. Réalisation : Rudee LaRue. Scénario : Rudee LaRue. Directeur de la photographie : Sébastien Battaglini. Logistique : Claude Thérésine. Casting : Grégoire Queulvée. Musiques : 6-T’M, Radiah Frye, Vibeflower, Tori Fixx et Yolanda Roth.
Durée : 107 mn. Disponible en VF.


Résumé :

Gabryel, Ched et Enrique sont amis. Bien qu’ayant vécu chacun des histoires d’amour douloureuses, ils continuent de croire, parfois naïvement, qu’il existe encore, quelque part, un homme parfait ! C’est au moment où ils s’y attendront le moins qu’ils feront « la rencontre de leur vie », et sortiront de leur black out sentimental... Mais à quel prix ?

Des situations dramatiques, hardies et cocasses sont le lot quotidien de ces trois cœurs en quête de l’amour avec un grand "A" ! À bien y regarder, cette histoire pourrait être la vôtre... Qui sait ?


 

L’avis de Daniel C. Hall :

Surtout, n’achetez pas Black Out ! Si vous êtes de ces pédés (ou pas) pisse-vinaigre qui pensent que nous devrions comme avant 1969 manifester, défiler ou jouer dans des films en costard cravate passe-partout ou pour nos sœurs gouines en tailleur long et discret ; si vous êtes de ces pédés (ou pas) coincés du bulbe qui exècrent le délire, le cocktail champagne, paillettes et plumes, la démesure, la follitude et crachent sur tout ce qui transgresse les règles de la « normalité » ; si vous êtes de ces pédés (ou pas) bouche en cul de poule pour qui les petits films indépendants (ou amateurs) ou les grosses productions populaires ne devraient pas exister et sont une honte, et qui jurent avec mépris qu’il n’y a pas eu un seul grand et vrai film depuis Le Cuirassé Potemkine, alors oui passez votre chemin ! Vous risquez de mourir d’une attaque en moins de sept minutes en visionnant Black Out.


 

Pour les autres, comme moi, c’est avant tout un devoir sacré et une preuve de curiosité et d’ouverture d’esprit que de soutenir le seul éditeur DVD gay français à avoir des couilles comme des pastèques pour nous proposer, mois après mois, des productions essentielles à l’espace cinématographique gay, ces « petits films fauchés » (expression méprisante dans la bouche des coincés du cul) sur lesquels s’enrichit notre pauvre petite production nationale, grandissent des talents et émergent des projets déjantés ou atypiques, j’ai nommé Rémi Lange. Ensuite, c’est un plaisir que de voir un réalisateur et ses acteurs non professionnels s’éclater dans un « film fait à la maison » où ils s’investissent totalement. Quand tant de réalisateurs arrivés et d’acteurs reconnus ont l’air de se faire chier grave et d’aller au turbin comme un manœuvre sur un chantier ! Rudee, Claude, Grégoire et les autres garçons de la bande font preuve d’une grande générosité et de beaucoup de courage et de dévotion tout au long de ce long métrage qui hésite entre comédie sentimentale bitchy et soap-opera sous acide. Tout y est : bons sentiments, trahisons, coups de théâtre, dialogues acides ou sucrés, situations clichées assumées et même cliffhanger final et brutal à la Dynasty. Alors certes, on pourrait s’amuser avec facilité sur les petits défauts d’un réalisateur néophyte, sur les quelques failles techniques d’un film sans moyens, les hésitations attendrissantes d’acteurs au débotté et sur les grosses ficelles d’un scénario qui s’assume comme tel. Et alors ? Tout le plaisir de visionner un « petit film » se résume-t-il à de simples considérations froides et techniques ? Non. Black Out, une fois les premières minutes passées à entrer dans cet univers déjanté, procure une jouissance coupable. Oui, c’est trop, trop ceci, trop cela, mais c’est tellement bon quand c’est trop. Il y a de la démesure, de la folie, du kitsch et camp, de la grosse ficelle référentielle (on pense aux Feux de l’amour, à Sex and the City, à Noah’s Arc, à Dynasty, à Hélène et les garçons…), du ridicule assumé, du sentiment à la pelle, bref on sent un film vivant ! Et c’est jouissif ! Et les imperfections ne sont pas étrangères à ce charme étrange que dégagent la passion du réalisateur-scénariste-acteur Rudee LaRue, la dynamique du montage et l’engagement sincère des acteurs débutants.

Dans la lignée des Beurs Appart sortis chez le même éditeur, Black Out est une nouvelle pièce du puzzle de notre paysage cinématographique arc-en-ciel, une pièce rose et pailletée, un peu mal découpée, mais singulière et attachante. Rudee LaRue a beaucoup de choses à prouver encore et nul doute que ses prochains projets le fortifieront et le grandiront. Alors, oui, achetez Black Out !


La question à Rémi Lange, éditeur de Black Out :

Rémi, pourquoi sors-tu Black Out en DVD en juin ?

Rémi Lange : J'édite Black Out car c'est avant tout un film comique, et nous avons besoin de rire en ces temps difficiles ! Par ailleurs, au-delà de l'aspect humoristique, on est touché par les situations des personnages, par la quête d'amour souvent impossible dans le milieu gay. Enfin, je défends depuis la création de la société LES FILMS DE L'ANGE les films tournés à la maison, auto-produits, et de la même manière que ces films gay auto-produits ne reçoivent aucune aide ni de l'État français ni d'un mécène privé, les dvd HOMOVIES, qui permettent à ces films gay d'exister, ne reçoivent aucune subvention du CNC. La société LES FILMS DE L'ANGE, sur 41 dvd édités depuis 2004, n'a reçu que 3 aides à l'édition DVD... Comment survivre dans ce cas, dans un contexte où le marché du DVD s'effondre (une dégringolade d’un tiers des ventes en quatre ans) ?

Interview de Rudee LaRue

Acteur, scénariste et réalisateur de BLACK OUT

Par  Daniel C. Hall


 

Daniel C. Hall : Rudee, tu es le scénariste, le réalisateur et l’un des acteurs du film Black Out, qui vient de sortir chez l’éditeur Les Films de l’Ange. Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs (qui tu es dans la vie de tous les jours et dans l’univers de la fiction filmée) ?

Rudee : Dans la vie de tous les jours, je suis Rudee, un gars normal j’espère, qui est gentil, drôle, droit et qui ne se prend pas au sérieux. Je suis à la base chorégraphe ; je suis venu à la chanson grâce ou à cause de Radiah Frye & D’Geyrald pour qui j’ai fait de nombreux chœurs. Aujourd’hui, j’ai monté un groupe de Pop Rock et nous répétons afin de pouvoir faire quelques scènes bientôt. Je me suis lancé dans l’audio-visuel pour réaliser un projet que j’avais en commun avec mes amis, Claude Thérésine qui est un des acteurs du film, et Serge Biwole qui est malheureusement décédé avant le tournage du film.

Dans la fiction Black Out, je suis Gabryel, un jeune homo qui a souffert de sa séparation avec son ex et qui va encore en prendre plein la gueule, mais ça peut arriver à tout le monde (rires) ; cependant mon personnage y croit toujours, il est aussi naïf que moi (rires).

 

Comment est né le projet Black Out, depuis l’écriture du scénario jusqu’au tournage ? Qu’as-tu voulu en faire dès le départ ?

J’ai écris Black Out dans les grandes lignes avec mes amis Claude Thérésine et Serge Biwole en 2000. On se disait que l’année 2000 était l’année où tout serait possible et où tout nous sourirait. En 2002, après une rupture amoureuse difficile, je suis parti m’installer à Los Angeles pour faire un break. Les années sont passées, et en 2007 Claude m’a relancé suite à la mort de Serge, me disant que ce serait un superbe hommage de réaliser cette série. Nous avons rencontré énormément d’obstacles mais nous n’avons pas baissé les bras, car je suis du genre obstiné et fonceur. Alors j’ai décidé de tout faire moi-même, j’ai acheté une caméra HD, un logiciel de montage et on s’est lancé dans la réalisation. Cette expérience fût vraiment très bénéfique mais aussi très pénible, car on ne savait pas dans quoi on se lançait. En plus, nous voulions vraiment faire quelque chose de bien, avec beaucoup de scènes en extérieur. On voulait aussi que le milieu homo parisien y soit représenté, mais beaucoup de portes se sont fermées, sans doute parce que nous n’étions pas connus. On a dû batailler sans relâche pour arriver à nos fins. On a visité plein de forums pour comprendre comment avoir des autorisations de tournage et comment réaliser des scènes sans que cela nous coûte. Le tournage de Black Out a été très dur pour Claude et moi-même qui passions des journées à tourner et des nuits à monter les séquences. Mais dans l’ensemble, aujourd’hui, nous sommes assez satisfaits de ce que nous avons accompli. Nous nous sentons prêts à faire mieux encore pour la suite de nos projets.


Que représente pour toi le thème de l’homosexualité et qu’as-tu voulu faire passer comme message sur ce thème ?

L’homosexualité représente pour moi une façon de vivre et je ne suis personne pour donner des leçons à qui que ce soit.

Le message de Black Out est peut-être utopique mais il prône une valeur qui m’est chère, la vie de couple saine, où l’amour et la fidélité règnent. J’avais envie de montrer un côté de l’homosexualité qu’on ne voit pas assez, quand on parle d’une personne homosexuelle on voit tout de suite les saunas, les bordels, les plans cul sans lendemain, le sida et autres maladies. Certes, cela existe, mais il existe aussi des couples fidèles, qui ne sortent pas énormément et qui vivent leur petite vie sainement entre amis. De toutes façons, il faut savoir que tous les maux des homos sont aussi les maux des hétéros, car l’infidélité, les maladies et les bordels ou clubs échangistes ne sont pas seulement les fiefs de la communauté homosexuelle. J’aimerais juste que si un parent voit Black Out, il puisse se dire que finalement si son enfant venait à être homosexuel, il ne serait pas un pervers, que c’est juste une autre façon de vivre sa sexualité et comme le démontre Black Out, les personnages s’aiment mais partagent des choses de la vie comme des couples « hétéros ». Ils s’aiment, ils rient, ils pleurent, ils se font mal, ils se réconfortent, ils agissent comme n’importe quel être humain.

 

J’ai cru comprendre que le tournage a demandé plus de cinq mois. Dans quelles conditions cela se passait-il et as-tu quelques anecdotes drôles et moins drôles sur le tournage ou le montage ?

Oui, cinq mois de rigolades parfois sur le tournage, mais cinq mois aussi de galères à devoir doubler les voix faites en extérieur car même avec un micro-perche le vent nous a bien emmerdé, des soirées entières à monter le film de manière dynamique, à chercher les bonnes coupures, les contrastes et lumières en post-prod. Parfois nous avons même du retourner des scènes car le soleil était en contre-champ ou des ombres apparaissaient et on ne les voyait pas sur l’écran LCD de la caméra, et enfin plein de petites choses et d’erreurs qui nous ont permis de grandir et d’apprendre sur le tas.


Peux-tu nous présenter tes comparses, acteurs de cette comédie sentimentale totalement déjantée ?

Claude Thérésine, alias Chèd, est un ami d’enfance ; il était mannequin en Guadeloupe lorsque moi je dansais avec les chanteurs antillais pour RFO. On a toujours partagé l’univers artistique ensemble, on se retrouvait sur des plateaux télé ou dans des soirées. Nous avons sympathisé et on ne s’est plus quitté, ça me vieillit de le dire mais ça fait bien 25 ans qu’on se connait.

Grégoire Queulvée, alias Enriqué, est un garçon très gentil que j’ai rencontré il y a 5 ans et il m’a tout de suite plu, il est ouvert, gentil, charmant, marrant et je suis tombé sous le charme. Comment ne pas l’être, c’est tellement rare des gens ouverts et humains…

Matthieu Moulin, alias Lorenzo, je l’ai rencontré sur un chat lorsque l’on recherchait des acteurs pour compléter l’équipe. Je trouvais qu’il avait un p’tit truc à la De Niro et Farrell. Je n’ai jamais vu une personne aussi investie, sérieuse, charmante et en même temps un vrai déconneur.

Samuel Fewtrel Abbou, alias Sam, est une connaissance de Grégoire Queulvée. Il a été emballé par l’idée de Black Out et a donné beaucoup de lui-même dans ce personnage qui est à l’opposé de sa personnalité.

Gleen Coste, alias Ryan, est un mec intègre et bosseur. Il est drôle, imaginatif. De plus, c’est un super chanteur, il a une voix incroyable. Il chantait lors des tournages et je pense qu’on se servira de ce don pour le futur Black Out II.

 

Il faut le reconnaître, il y a un manque criant de moyens techniques pour Black Out qui, évidemment, se voit. Cela a-t-il représenté un frein pour toi ou au contraire t’as totalement désinhibé ?

J’ai été vraiment embêté par le manque de moyens mais après avoir frappé à toutes les portes de la planète et être resté sans réponses, car nous n’étions pas des pros, on a décidé de se débrouiller avec nos propres moyens, mais je pense que ta question aurait plutôt dû être : « Comment as-tu réussi à réaliser ce film sans moyens ? ». (rires)

Cependant, malgré certaines choses qui ne sont pas très abouties, je pense que nous n’avons pas à avoir honte du résultat, car certaines autres productions sont à notre niveau. De plus, en tant que novice et n’ayant jamais touché une caméra, ni un logiciel de montage, de ma vie, je pense que je peux me jeter des fleurs si tu ne le fait pas (rires), mais on apprend et Black Out II sera à un autre niveau et ainsi de suite…


Ton film a engendré quelques débats chez nous. Certains pensent que c’est un Noah’s Arc du pauvre, d’autres une série ado bitch et kitsch façon AB Production des années Club Dorothée et enfin certains sont totalement allergiques. Qu’en penses-tu sans langue de bois ?

Le plus important c’est que ça vous ait questionné et que vous en ayez parlé entre vous, donc le pari est gagné. Le simple fait que des débats se lèvent à propos du film, positifs ou négatifs, nous confortent dans notre démarche. On ne peut pas plaire à tout le monde. Maintenant un Noah’s Arc du pauvre, merci, pourquoi pas, vu le peu de moyens qu’on avait, mais j’ai adoré cette série qui sort en film bientôt. D’ailleurs Patrik-Ian Polk, le réalisateur, est un de mes contacts. Et, en ce qui concerne Dorothée, j’ai été un grand fan quand j’étais enfant, et d’ailleurs merci pour l’idée, je vais contacter AB Production, ils seraient probablement capables de réadapter Black Out avec de gros moyens, merci… (rires)

 

Moi, j’ai aimé ce délire sentimental. Plus nous aurons de petites productions comme la tienne, plus notre paysage arc-en-ciel sera riche et varié. Sur le scénario, c’est pour moi Dynastie version bitch et folle et c’est un compliment sous ma plume, d’ailleurs une suite est envisagée. Que penses-tu de cette comparaison ?

Je suis flatté si on peut dire car Dynastie et Dallas ont bercé mon enfance et sont des incontournables dans le domaine de la trahison et de l’hypocrisie. Maintenant folle, peut-être. On aurait pu faire plus genre Priscilla folle du désert ou La Cage aux folles, mais on est, j’espère, resté entre deux, pour ne pas être trop caricaturaux.


Comment situes-tu Black Out par rapport à une autre folie sortie chez Rémi Lange Beurs Appart 1 et 2 ? Cette comparaison t’agace-t-elle ?

Non, ça ne m’agace pas, au contraire. De plus, certains des acteurs de Beurs Appart sont des potes et ça serait marrant de les avoir dans Black Out et vice-versa, mais déjà dans Beurs Appart 3 vous serez surpris, je pense. Maintenant je n’appellerais pas ça une folie. Étant de l’autre côté de la caméra, je pense qu’il faut essayer d’entrer dans l’univers du réalisateur, essayer d’y adhérer, mais si on n’aime pas alors faut mettre ça de côté, mais je ne suis pas là pour défendre, ni porter un quelconque jugement sur Beurs Appart mais pour promouvoir mon bébé Black Out.

 

Loin de moi l’idée de critiquer Beurs Appart que j’aime et que je défends aussi (par folie, j’entendais « démesure »). D’ailleurs si le réalisateur veut prendre contact avec moi, je suis prêt à l’interviewer aussi (rires). Question plus terre-à-terre. C’est étrange mais je trouve que Black Out est très prude et ne dévoile que peu le physique, pourtant charmant, de tes acteurs. Tu ne joues pas sur le côté érotique et plastique (ni sur les relations physiques des protagonistes). C’est une volonté personnelle que d’être si sage ? En dénudant plus les acteurs, tu te serais trahi ?

J’ai justement voulu montrer un autre côté des homos, la communauté gay est trop souvent représentée comme peuplée d’êtres avides et guidés par le sexe. Il s’agit d’un film basé sur l’amitié et la recherche de l’homme parfait, pas d’un porno. Je ne comprends pas pourquoi la plupart des gens pensent qu’un « gay themed movie » doit montrer de la chair et du cul. C’est à nous aussi de montrer aux autres que la communauté est capable de faire des films drôles, tristes ou autre, sans pour autant jouer sur le créneau cul. On ne reproche pas à Matrix ou James Bond de ne pas montrer du cul, alors pourquoi toujours vouloir faire cet amalgame ? Gay n’est pas toujours égal à Cul.


Quels sont les échos qui te sont déjà revenus de la part de ton public (pas de la presse) et qu’en penses-tu ?

Et bien, les gens qui laissent des commentaires ou nous envoient des mails sur les sites de Black Out, aiment bien le concept et ils ont bien compris qu’il s’agissait d’un film amateur. Ils sont aussi très touchés par les situations, car certains sont passés par là comme ils disent. On a aussi des gens qui nous disent qu’il ne faut pas dire amateur car pour eux c’est au niveau. Mais on ne s’arrête pas juste aux compliments, car il y a aussi des retours plus durs, ceux qui trouvent ça limite, trop efféminé. On nous a même demandé si on est comme ça dans la vie. Ce que je réponds, c’est qu’il s’agit d’un film, une fiction, et nous jouons la comédie à notre niveau. Le fait d’être proche du public renvoie des questionnements bizarres. Est-ce que vous pensez que l’acteur qui incarne Wolverine des « X Men » est comme ça dans la vie ? Je pense que ça ne mérite pas de réponse…

 

Qu’aimerais-tu écrire à nos lecteurs, en-dehors de la sempiternelle publi-promo, pour leur donner envie de regarder ton film ?

Je ne suis pas doué pour la promo, sinon j’aurais sûrement répondu autrement aux 10 premières questions (rires). Je dirais simplement que Black Out est le film de tout le monde, chacun peut s’y retrouver car il prône des valeurs et dénonce certaines choses. On a tous été plaqué, on a tous recherché l’amour et au fond de nous, on y croit toujours. De plus, nos sites sont ouverts pour toutes suggestions et idées. La suite de Black Out est entre les mains de ceux qui l’auront vu, et peu importe que l’on aime ou pas, on attend des retours pour apporter à la suite de Black Out plus de piment. Nous aimerions que notre public participe. Ce serait, en fait, comme si le public participait au développement de la trame. Ce serait nouveau dans le milieu du cinéma. Comme la communauté gay a toujours été en avance, restons en avance et créons le cinéma interactif (rires).


Peux-tu nous donner quelques pistes sur les intrigues du deuxième volet ? Le tournage a-t-il déjà commencé ?

On a commencé le tournage de Black Out II depuis le mois de mars 2009. Je ne dévoilerai rien, si ce n’est qu’on va vous faire un peu voyager. On va aussi mettre en avant des problèmes qui existent, mais qui restent souvent cachés. Ce sera assez triste mais, bien entendu, on va encore en faire des tonnes pour essayer de vous faire rire avec nos loadings et nos situations pas possibles.

 

Merci Rudee et permets-moi de t’embrasser et de te souhaiter un grand succès et beaucoup d’autres aventures filmiques…

Gros bisous à toi aussi, merci pour ton aide précieuse. Et bises à toute l’équipe des Toiles Roses.

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Fiche technique :

Avec Tony Ward, Bruce LaBruce, Alex Austin, Kevin Kramer, Ron Athey, Glen Meadmore, Ivar Johnson, Kevin P. Scott, Graham David Smith, Miles H. Wildecock II, Bud Cockerham, Michael Glass, Vaginal Davis, Joaquim Martinez et Darryl Carlton. Réalisation : Rick Castro & Bruce LaBruce. Scénario : Rick Castro & BruceLaBruce.
Durée : 80 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
L'écrivain Jurgen Anger arpente les milieux gay de Los Angeles, rencontre Monti, un prostitué sur Santa Monica Boulevard, et en tombe amoureux.... Entre documentaire et parodie, Hustler White transforme les trottoirs de Los Angeles en Sunset Boulevard..

L’avis de Neil :

La face cachée d’Hollywood…

Réalisateur underground d’origine canadienne, Bruce LaBruce lance un petit pavé dans la mare en 1996 avec ce Hustler White. Bénéficiant très vite d’un bouche à oreille favorable, le film échappera notamment à une classification X en France grâce au soutien de Jack Lang. C’est justifié me semble-t-il, le film n’étant absolument pas pornographique pour un sou. Irrévérencieux c’est sûr, certaines scènes sont difficilement soutenables, et à ne pas mettre entre toutes les mains, mais la dose d’humour et le décalage donnent une toute autre dimension au film. Celui-ci narre les péripéties d’un journaliste interprété par Bruce LaBruce himself qui tombe raide dingue d’un prostitué de Santa Monica (Tony Ward, ex de Madonna tout en muscles apparents) et va le suivre dans ses diverses virées.

Le début donne d’ailleurs le ton avec cette référence burlesque à Sunset Boulevard. Comme dans le film de Billy Wilder, c’est un type qu’on trouve inconscient dans une piscine (enfin ici un jacuzzi) qui va nous raconter son histoire. Et c’est aussi la part d’ombre de l’usine à rêve qu’on va découvrir… et on y rencontre plus particulièrement une certaine frange de cet univers. Toute une flopée de plus ou moins jeunes hommes plus ou moins paumés qui errent d’aventure en aventure sans autre but que de survivre dans cette jungle préfabriquée qu’on nomme Hollywood. C’est souvent franchement glauque, pitoyable et sordide. Seulement voilà, Bruce LaBruce a décidé de traiter son quasi documentaire de façon clairement ironique. Le résultat est très drôle, les situations sont tellement burlesques et parfois même absurdes que ça fait passer la pilule en douceur.

On trouve même un moment de tendresse en voyant le personnage que joue Tony Ward s’occuper de son petit bébé de fiston. Sans avoir de quelconque ambition artistique (on y trouve tout de même des références à Paul Morrissey et à Andy Warhol, le film se voulant sans nul doute dans la ligne droite de ces prédécesseurs, voire même d’un John Waters version Pink Flamingo, le talent en moins…) Hustler White reste un témoignage de plus sur la déjantée Hollywood.

L’avis de Jérôme :

Dans ce remake de troisième type de Sunset boulevard, le réalisateur Bruce LaBruce visite le mythe gay de la prostitution masculine dans le long boulevard sexué d'Hollywood : Santa Monica bld. Déroulant les clichés à escient et insistant sur le corps érogène de son égérie trash du moment (Tony Ward, ex-boy friend de Madonna et latino sanguin au corps trop huilé), Bruce LaBruce (réalisateur de porno gay à la petite semaine) dynamite le récit en se projetant dans la peau de Jürgen Anger, romancier au rabais follement amoureux de Montgomery Ward (Tony Ward).

Entre un Ed Wood extra-lucide et un Pascal Sevran sous ecsta (normal, quoi), Jurgen Anger poursuit dans cette non-intrigue l'amour fugitif de Ward, prostitué en cavale. Chaotique, la réalisation dénote également par quelques trouvailles lumineuses (la narration troisième personne de Ward, l'esthétique des corps suppliciés, etc.) et son amateurisme maîtrisé.

Avec une règle pour tout le film : une prise par scène, pas plus.Désixé à sa sortie par Jack Lang vs Famille de France, l'édition DVD de ce film culte de l'underground américain trouve toute sa justification dans cette distribution plus large d'un ovni du cinéma gay.

Un seul bonus, indispensable, et largement le meilleur dans l'histoire des bonus DVD : le visionnage en temps réel (1h environ) du film par le réalisateur quatre années plus tard en compagnie de deux jeunes prostitués.Soit l'explication distanciée et humoristique du film plan par plan par Bruce LaBruce, interrompu par ses deux compagnons d'infortune, défoncés jusqu'aux yeux et bad boys par intermittence. Le visionnage n'est plus qu'un prétexte à une ecsta-party ponctuée de fellations approximatives, name-dropping trashy (« Sandra Bullock prend trop de coke », « Madonna est la mère-salope parfaite », etc.).

Immanquable.

Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Paul McGann, James Corden, Mathew Horne, MyAnna Buring, Silvia Colloca, Vera Filatova, Ashley Mulheron, Louise Dylan, Lucy Gaskell, John Pierce Jones, Emer Keny, Emma Clifford, Susie Amy, Travis Oliver et Margarita Hall. Réalisation : Phil Claydon. Scénario : Paul Hupfield et Stewart Williams.

Durée : 88 mn. Sortie en salles : 22 juillet 2009.


Résumé :

Jimmy Maclaren et son ami Fletch profitent de leurs vacances dans la campagne anglaise, quand ils se retrouvent coincés dans un petit village reculé, où règne une terrible malédiction qui touche les femmes. Celles-ci se transforment toutes en vampires et rejoignent une secte de Vampires Lesbiennes. Jimmy et Fletch sont appelés à la rescousse par les hommes du village...



L’avis de Frédéric Mignard :

SHAUN OF THE BITCHES

Une série B britannique au titre accrocheur qui ne tient pas toutes ses promesses. Sympathique, certes, mais pas suffisamment déglingué pour s’élever instantanément au rang de film culte.



La bonne santé du cinéma de genre britannique permet aux jeunes cinéastes de faire tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi d’ailleurs, à en croire le titre aguicheur Lesbian Vampire Killers qui nous promet des tueurs, des vampires et des lesbiennes. Ça tombe bien car finalement on a bel et bien un film sur des tueurs de vampires lesbiennes.



Tous ceux qui suivent l’actualité vampirique depuis maintenant quelques décennies savent que les louves de Dracula aiment à se caresser entre elles, voire à se dévorer l’entrejambes. Même en France, que dis-je, surtout en France, on a pu voir ces suceuses de nectar précieux s’adonner aux plaisirs saphiques : Brigitte Lahaie chez Jean Rollin pourra vous en raconter un bout, et même Catherine Deneuve saura se répandre sur le phénomène après s’être exportée aux USA comme mère goudou dans le sensuel Les Prédateurs de Tony Scott en 1983. Pauvre Susan Sarandon, elle ne s’en est jamais remise.



Pastiche évident de ce culte régressif, Lesbian Vampire Killers s’inscrit par conséquent dans ce genre chargé de références. Le cinéaste Phil Claydon n’a d’ailleurs qu’une idée en tête, reconstituer avec trois bouts de ficelle l’univers préfabriqué des productions gothiques des années 60-70 avec des demeures tarabiscotées, des cimetières perdus dans la brume et une forêt profonde, voire caverneuse où la caméra s’enfonce avec délectation !



Joyeux luron de la pellicule, Phil Claydon a gavé son métrage d’un humour « bitch » très contemporain pour les filles (la petite amie du héros et toutes les servantes de Camilla, la reine des vampires, sont, il faut le dire, de vraies sal...), tandis que les garçons se retrouveront sans grand mal dans le ton geek servi par le meilleur pote du héros (et malheureusement personnage central), un gras du bide, buveur de pintes et obsédé de la moule qui ne rêve que de « hot dykes » (traduire par « gouines bandantes »). À fond dans son trip, Claydon en fait des tonnes, au détriment du sérieux, de la peur et de l’horreur, ces trois éléments étant totalement absents de ses intentions.



On mentirait en disant qu’on n’adhère pas à cette balade loufoque dans le terroir ancestral britannique – elle est plutôt exaltante et même revigorante –, au final, on ne peut s’empêcher de regretter le manque d’audace de ce délire de goujaterie et de grossièreté, beaucoup plus proche de Shaun of the Dead que des classiques du genre comme Vampyros Lesbos ou Le Frisson des vampires.



La rigolade inhérente au titre déconneur séduira sûrement plus les ados sans référence que les vrais fans de g(h)oul(u)es des seventies, tant ces derniers auront l’impression d’assister à une version légèrement plus osée de Scooby-doo.



Car entre nous ces vampires lesbiennes sont plutôt asexuées et niveau « killers », la grande tuerie attendue n’a pas vraiment lieu non plus. Bref, pour la déconne et le carnage, il vaut peut-être mieux revoir le britannique Boy Eats Girl, sorte de film de zombies adolescent qui finit pas un bain de gore corsé autrement plus efficace.

Pour plus d’informations :

 


Fiche technique :

Avec Veronica Forque, Carmen Maura, Marisa Paredes, Mercedes Sampietro, Gustavo Salmeron, Betiana Blum, Unax Ugalde, Hugo Silva, Daniel Hendler, Paco Leon et Raul Garcia. Réalisé par Manuel Gomez Pereira. Scénario : Manuel Gomez Pereira, Yolanda Garcia Serrano et Joaquim Oristrell. Directeur de la photographie : Juan Amoros. Compositeur : Miguel Polo.
Durée : 107 mn. Disponible en VO et VOST.

 


Résumé :

Une mère nymphomane, une autre très possessive, une star de cinéma qui fantasme sur son jardinier, une femme d'affaires qui ne pense qu'à sa carrière et une femme juge... Chacune s'apprête à marier, avec plus ou moins de conviction, son fils à l'homme de sa vie. Tout ce petit monde va vivre un week-end des plus mouvementés.

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L’avis de Matoo :
Un film avec trois comédiennes almodovariennes que j’aime beaucoup : Carmen Maura, Marisa Paredes et Veronica Forque, je ne pouvais pas décemment rater cela. Quand en plus, le film a pour sujet le mariage homo, et que 5 mères (et un père) frôlent l’hystérie alors que leurs fils sont à la veille de se marier en grandes pompes. 6 fils et seulement trois couples, puisqu’il s’agissait à l’époque d’un scénario fantaisiste qui imaginait le mariage gay en Espagne, une chimère devenue réalité.

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Une comédie très hollywoodienne (trop ?) qui est un chassé-croisé de personnalités très différentes et qui fait rire à maintes reprises, tout en soutenant un rythme endiablé. On passe assurément un bon moment, et les mères sont des caricatures vivantes dont les vicissitudes sont évidemment l’occasion de saynètes très drôles. En outre, les actrices charismatiques et aux caractères hauts en couleur, en plus de cette merveilleuse langue espagnole, viennent donner énormément d’énergie et de charme à la comédie. Un montage assez audacieux et alerte ajoute encore une qualité à l’ensemble, et pimente le tout.

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Mais bon… c’est une comédie très américaine dans son scénario et ses péripéties. Rien que de très gentil et banal, à la sauce pédé histoire de faire dans l’exotique et l’original. Mais si on retire cette composante, il ne reste pas grand-chose. Or c’est un peu décevant de voir de telles actrices évoluer dans une comédie aussi « simple » et linéaire. On sent qu’elles peuvent déployer tellement plus de talent et d’épaisseur à leurs personnages, que c’en devient un peu frustrant. Du coup, la fin est assez lénifiante et arrive à point nommé avant que le soufflé ne retombe carrément.

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Il reste tout de même quelques scènes d’anthologie avec une fabuleuse Veronica Forque en nymphomane désespérée, ou bien Betiana Blum (magnifique accent argentin de cette femme de 67 ans bien liftée !!!!) en mère possessive et étouffante. J’ai donc passé un moment très agréable, et bien ri, ce qui n’est pas si mal.

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Outre cela, et c’est mon côté midinette, j’ai adoré la scène de mariage et ces mecs qui s’embrassent après s’être uni par amour. Bah oui, ce côté banal de l’amour entre mecs, et ces mères qui s’offusquent à peine de l’homosexualité de leurs fils sont des petites choses qui ne laissent pas insensibles (même si tout n’est pas si simple pour les génitrices dans le film). Le film m’a un peu fait l’effet de la comédie sympatoche de Stéphane Giusti, Pourquoi pas moi ?, en un peu mieux ficelé et plus grand public.

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L’avis de Niklas :
À Madrid, 3 couples homo, 5 mères, 1 père et 1 chien se croisent au cours d'un week-end qui s'achèvera par la célébration des vingt premiers mariages homosexuels...
Mariages pas gais par Manuel Gomez Pereira
Lorsque j'ai vu la bande annonce, je m'étais empressé de dire à Oli, que ces espagnols n'avaient pas perdus de temps. Et il me précisait que le film était sorti là-bas, à peine 15 jours après que la loi sur le mariage gay ne soit définitivement votée. Ce que la pâle copie de « monsieur Propre », qui faisait la queue à côté de moi en attendant que nous entrions dans la salle, n'aura peut être pas remarqué trop occupé à se bodybuildé les pectoraux pendant que les députés espagnols votaient et que les médias nous rapportaient la nouvelle.

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Les actrices d'Almodovar bien mise en avant, un sujet assez original (il y a un an encore, le mariage gay n'étant pas d'actualité, difficile d'en faire un film autre que de la science-fiction) et le soleil espagnol, ce film multipliait les ingrédients d'une comédie attrayante. Oui, mais les couples s'embrassent et se disputent, les mères font la gueule à leurs fils ou à leur beaux-fils sans entrain et avec une lourdeur qui ne provoque guère le rire, à peine le sourire. Les gags sont éculés et sentent le réchauffé mais cette fois : à la sauce homo, sous couvert d'une description de mère sans aucune subtilité. Le réalisateur ne profite même pas de cette distribution multiple où les personnages ne cessent de se croiser pour jouer de sa table de montage et livre un film fade sans aucune surprise. Ce film se classe tout droit dans la catégorie « merde-à-PD », parce que comme il y a égalité des droits devant le mariage, les homo ont eux aussi le droit à de mauvaises comédies.

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L’avis de Patrick Antoine :
Une espagnolade qui m'a bien fait rire ! Et que je n'essaierai pas de vous raconter, ce serait vous gâcher votre plaisir. Un film sur les mères. Des mères dont les destins vont se croiser à l'occasion du mariage de leurs fils qui ont le point commun d'être homo. Oscar (Daniel Hendler) et Miguel (Unax ugalde) vont se marier. Pour l'occasion, la mère d'Oscar (Betiana Blum) a fait le voyage d'Argentine en Europe, accompagnée de son énorme chien, sans prévenir personne qu'elle avait tout plaqué au pays et pensait s'installer près de son fi-fils adoré. L'autre mère (Carmen Maura), celle de Miguel, tient un hôtel d'une poigne de fer et a trop peu de temps à consacrer à son fils entre son boulot et son amant (Jorge Perrugoria).

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Nous retrouvons aussi une star (Marisa Paredes) qui nous refait L'amant de Lady Chatterley avec son jardinier (Lluis Homar), qui est aussi le père de son futur beau-fils (vous avez tout compris ?). On n'oubliera pas non plus la mère nymphomane (Veronica Forque) constamment sous anxiolytiques qui couche avec son gendre (Gustavo Salmeron) la veille de son mariage. Une autre mère (Mercedes Sampietro) qui n'accepte pas que son fils se marie avec un autre homme et qui fait tout pour ne pas être là ce jour-là. Vous rajoutez à ces cinq mères, deux pères, vous mélangez le tout, et vous avez une espagnolade rigolote qui vous amusera le temps du film.
Oh, j'allais oublier un autre acteur très important: le chien ! Et puis il y a aussi quelques garçons sensibles, dont au moins un que j'ai trouvé très craquant. Vous ne devinez pas lequel ? Je ne vous ai jamais dit que j'avais un faible pour les hommes à lunettes ?

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L’avis de Romain Le Vern :
Le bonheur (paradoxal) de Manuel Gomez Pereira, ce sont donc cinq mamans un peu castratrices, un peu chieuses, un peu nymphos, un peu touchantes qui se croisent le week-end du mariage de leurs enfants homos. Au centre des imbroglios, un chien qui sert de lien scénaristique entre les mamas hystériques et les fistons inquiets. On ne sait pas trop bien où le film veut en venir. On ne sait pas non plus pourquoi tout ce beau casting Almodovarien est venu se fourvoyer dans cette ode à la grognasserie qui aligne les clichés et manque d’audace.

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Ce qui est sûr, c’est que c’est un nanar sympathique et insignifiant, pas mis en scène, qui plaide pour la tolérance et qui ne fait pas de mal à une mouche. Dommage pour les actrices, Carmen Maura la première, qui avaient visiblement envie de s’amuser et qui se dépatouillent comme elles peuvent avec des personnages falots. Après les déjà médiocres Entre ses mains et Bouche à bouche, Manuel Gomez Pereira confirme que son miraculeux L’amour nuit gravement à la santé était un bel accident.
Pour plus d’informations :

 

 



Fiche technique :

Avec Brice Johnson, Cole Williams, Rain Phoenix, Tom Gilroy et Justin Zachary. Réalisation : Christopher Munch. Scénario : Christopher Munch. Images : Rob Sweeney. Montage : Annette Davey & Christopher Munch. Musique : Michael Tubbs.
Durée : 74 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
Harry (Bryce Johnson), 23 ans, leader déclinant d’un Boy’s band (heureusement c’est le réalisateur qui le dit dans une interview car on ne voit jamais le groupe en question ni Harry chanter, pas plus que les vocalises de Max), pour faire plaisir à son petit frère Max, 16 ans, lycéen mais qui déjà suit les traces de son frère dans la chanson, l’emmène faire du camping (en plein hiver).

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On apprend qu’au cours de leurs précédentes vacances, aux Bermudes (également invisible), ils ont fait l’amour. Le premier soir, le petit frère décide de remettre le couvert et suce le grand. Ce dernier, pris de remords (il a une petite amie que l’on ne verra jamais non plus), écourte les vacances. Il va voir un professeur de yoga qui est aussi l’amant de confort de Max et se fait sauter par lui.

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De son coté, Max retrouve l’ancienne petite amie d’Harry, Nikki (Rain Phoenix), et lui fait l’amour ! Bien qu’il soit attiré par Nikki, tout en revendiquant son homosexualité, Max voudrait que Harry se remette avec Nikki, pensant que la jeune femme pourrait équilibrer son frère qui sombre dans l’alcool...


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L’avis de Bernard Alapetite :
Quel tour de force de réaliser un film aussi ennuyeux sur un sujet aussi fort : le désir sexuel entre deux frères. Si les histoires de fratrie vous passionnent, évitez ce pensum et lisez ou relisez L’Agneau carnivore.

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La réalisation ne sort que très rarement du champ/contre champ. Le film n’est presque qu’une suite de dialogues entre les deux frères. Pourtant ces interminables échanges ne nous éclairent guère sur la psychologie des deux garçons. Ils ne parviennent pas plus à rendre crédibles les sentiments sensés les unir.

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L’interprétation des deux rôles principaux par Brice Johnson et Cole Williams, grands habitués des séries, est passable. Le grand frère est grand, brun et un peu mou ; le petit frère est petit, blond et un peu mou. Ils ne sont pas désagréables à regarder mais on ne voit pas grand chose, l’audace est tout entière dans le sujet mais pas à l’image. Quelques séances de gymnastique pour ces deux garçons auraient un peu amélioré l’intérêt que l’on aurait pu prendre au film. Comme d’habitude dans les films gays américains, les acteurs sont trop âgés pour leur rôle, mais ceux-ci donnent assez bien le change.

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Le reste de la distribution (étique) est beaucoup plus problématique, à voir l’ex de Harry on comprend qu’il préfère son petit frère. Quant à l’amant de Max, non que j’en ai une grande pratique, mais je ne voyais pas un professeur de yoga comme cela.

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Sans doute effrayé par son sujet, le cinéaste, qui est aussi le scénariste, a pris soin de situer son histoire dans le milieu du showbiz. Deux frères qui s’enculent dans ce milieu-là ça passe mais si cela avait été un épicier et un étudiant, un médecin et un ingénieur ou un boucher avec un garagiste ou que sais-je encore, cela aurait été tout à fait inacceptable !

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D’ailleurs on ne sait rien des parents, eux aussi hors champs, on ne voit que la mère dans une scène caricaturale. On suppute qu’ils ont quelque argent en voyant le gîte du jeune frère.

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Quelques beaux plans larges, un train qui passe, la ville la nuit, une vue d’une terrasse... ne compensent pas des panotages kitchissimes comme celui qui va d’un feu dans l’âtre au visage de Max puis de celui-ci aux fesses nues de Harry (c’est la seule fois qu’on les apercevra !), ni la caméra portée qui tremblote. Ajoutez à cela des dialogues de romans de gare où les convois ne passent plus et vous aurez une idée de la réalisation.

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L’absence de figuration, je n’ai compté que deux individus dans tout Harry & Max – hormis les acteurs – à avoir traversé une scène sans doute par inadvertance, est une des marques les plus sûres d’un mauvais film.

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On est assez surpris de la médiocrité du film quand on se rappelle que Christopher Munch est l’auteur du fort intéressant The Hours and times (1992), dans lequel il spéculait sur ce qui avait pu se passer entre John Lennon et le très gay Brian Epstein, alors manager des Beatles, durant une escapade des deux hommes à Barcelone en 1963. Ses autres films ne sont pas non plus négligeables, en particulier Color of a brisk and leaping day (1997) qui évoque la construction d’une ligne de chemin de fer dans le Yosemite.

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Alors que reste inédit en France The Hours and times, il est incompréhensible qu’y paraisse en DVD Harry & Max, le plus mauvais film à ce jour de Christopher Munch.

Pour plus d’informations :

 

Fiche technique :

Avec Nahuel Perez Biscayart, Nahuel Viale, Inés Efron, Veronica Llinas et Hector Diaz. Réalisation : Alexis Dos Santos. Scénario : Alexis Dos Santos. Image : Nastasha Braier. Montage : Veronica Llinas, Hector Diaz & Alexis Dos Santos.

Durée : 110 mn. Disponible en VO et VOST.

 


Résumé :

Deux garçons, Lucas et Nacho, une fille, Andréa, l’adolescence, une petite ville perdue en Patagonie, l’été, la chaleur, la lumière, le vent, le désœuvrement...



Nous découvrons tout cela avec Lucas (Nahuel Pérez Biscayart), quinze ans, qui a des parents qui ne cessent de se séparer mais surtout que ses hormones travaillent grandement et puis l’attirance, l’envie d’expérimentation, le désir ! Lucas, en même temps que le spectateur, s'aperçoit qu'il préfère Nacho (Nahuel Viale) à Andréa... Une chronique adolescente au milieu de nulle part, jusqu'au bout de l'ennui...



L'avis de Bernard Alapetite :

On comprend très vite que le cinéaste, qui a passé sa jeunesse dans ce trou du cul du monde où il a situé son film, s'est donné pour mission de filmer l'ennui (d'ailleurs en espagnol le titre est complété par le sous-titre suivant : « Une adolescence au milieu de nulle part »).



On peut d'ailleurs soupçonner son film d'être en partie autobiographique. Ce que le cinéaste confirme plus ou moins dans une interview dans un journal américain : « Je voulais faire un film sur les adolescents de la façon dont j'ai vécu cet âge. Un film très proche de l'émotion, de la confusion, de l'ébullition des hormones et de la réflexion sur l'évolution de votre corps au jour le jour à cet âge. J'aime les films d'adolescents en général, mais je n'en ai jamais vu un qui montrait ce qu'était la vie pour moi à cette période. Alors, j'ai essayé de le faire moi-même... »



Mais il n'y a rien de plus difficile que de filmer la vacuité de ces adolescents qui ne pensent qu'au cul, ont un langage des plus sommaires et des conversations, si l’on peut qualifier ainsi leurs échanges de borborygmes, particulièrement oiseuses. Néanmoins Alexis Dos Santos a un atout maître dans sa manche : le jeune Nahuel Perez Biscayart qui, outre qu'il est un acteur remarquable, est d'un homoérotisme à damner un Saint. En plus, le cinéaste (qui est aussi le scénariste) a pris soin de faire que son scénario, hormis les dix dernières minutes du film complètement hors sujet, soit un catalogue de situations certes pas inédites mais particulièrement justes. Sans oublier la nature, car si le pays est assez peu excitant pour un adolescent que son désir d'assouvissement sexuel dévaste, elle peut offrir l'occasion de plans magnifiques. Donc tout pour faire un film à la fois contemplatif juste et érotique.



Et bien non ! Patatras ! Glue est un sommet d'ennui cinématographique, une punition pour les yeux et un grand pourvoyeur de migraine. Je crois qu'il est le film le plus mal filmé que je connaisse, et je me suis tout de même infusé au fil des ans de sévères daubes. Le chef opérateur n'est jamais fichu de faire le point. L'image oscille entre le carrément flou et le pas très net. Il faut ajouter à cela une caméra tremblotante et quelques fois comme saisie d'une crise d'épilepsie. Sans oublier une absence totale d'éclairage d'appoint. On ne le répètera jamais assez : « Non ! Une lampe de chevet ne suffit pas à éclairer une scène de lit ! » Cela ne fait pas reportage, seulement une image marronnasse et moche.



Pour parfaire la catastrophe le montage est fait à la hache ; dans une même scène les images peuvent être entrecoupées de noir ! C'est si mal filmé que je soupçonne fortement de l'avoir fait exprès pour faire « arty ». Deux observations m'ont amené à ce sentiment : d'abord les scènes coupées figurant sur le DVD qui sont paradoxalement plutôt mieux filmées que le reste et un très beau plan vers le milieu du film où Lucas et Nacho s'époussettent mutuellement sur un fond de ciel dans lequel s'est perdu un nuage.



Nous n’avons peut-être pas affaire à de l'incompétence (je n'ai pas vu les autres films de ce cinéaste) mais au snobisme branché de l'image crade.

Je suppute que le film a été tourné tantôt en 35 mm, tantôt en super 8, tantôt en DV, mais on ne voit pas ce qui a présidé qu'une scène soit tournée par un moyen ou un autre.



Néanmoins le cinéaste utilise des procédés cinématographiques d'une rare bêtise, par exemple lorsque Lucas et Nacho chahutent, il agite encore plus qu'à l'habitude sa caméra, si bien que parfois les deux garçons sortent du cadre ! Ou encore lorsque Lucas a sniffé de la colle (« Glue » du titre mais sans doute aussi que les personnages sont englués dans cet endroit d'où ils ne peuvent sortir) l'image devient floue, enfin encore plus floue !



Il ne se passe absolument rien durant la première demi-heure sinon une scène réjouissante, mais qui est en marge du film, dans laquelle la mère de Lucas administre une sévère branlée à une jeune femme qu'elle accuse d'avoir couché avec son mari. En dehors de cela, le cinéaste se contente de suivre mollement l'errance de Lucas. On pourrait penser que l'on va au moins en prendre plein les yeux de cet adolescent torride (surtout qu'une de ses principales occupations est la masturbation) et bien raté, car si Alexis Dos Santos est visiblement amoureux de son acteur, on le comprend, il n'est pas du tout partageur et on ne verra que le torse du joli Lucas et encore bien mal filmé. Notre réalisateur semble coincé et on en aura la confirmation plus avant dans le film dans la scène de sexe à trois encore plus mal filmée que celle dans Douche froide, ce qui était pourtant difficile à faire !



Si les situations dans lesquelles évoluent les trois adolescents sont justes, Alexis Dos Santos n'est parvenu qu'à développer un seul de ses personnages, Lucas. On ne sait rien de Nacho, quant à Andréa, elle parait introduite artificiellement dans le film.

Nahuel Perez Biscayart est remarquable, comme toute la distribution, mais ce garçon d'une extraordinaire sensualité n'avait pas quinze ans lors du tournage mais 20 puisqu'il est né en 1986. Glue n'était pas sa première expérience et depuis il a continué à jouer. Il est indéniable qu'à défaut d'être un bon cinéaste, Alexis Dos Santos est un excellent directeur d'acteurs.



Glue est le premier long métrage de Alexis Dos Santos. Auparavant il avait tourné plusieurs courts-métrages. Après avoir suivi des études d'architecture dans son pays, il a fait ses études de cinéma à Londres. Depuis Glue, il a tourné un second long métrage Lit défait qui se déroule à Londres.



La BO, très rock, est signée des The Violent Femmes.

Rarement les images de plateaux auront été aussi trompeuses, ne vous fiez pas à elles, Glue est un redoutable pensum. Il ne reste plus qu’à guetter les apparitions dans d’autres films du formidable acteur qu'est Nahuel Perez Biscayart.

Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Nathalie Richard, Pascal Cervo, Olaf Lubaszenko, Xavier Beauvois, Loïc Maquin, Jean-Paul Dermont, Clovis Cornillac, Stéphane Jobert, Isabelle Nanty, Vincent Grass, Farida Rahouadj, Olivier Jahan et Olivier Rabourdin. Réalisation : Catherine Corsini. Scénario : Catherine Corsini, Arlette Langmann et Pascale Breton. Directeur de la photographie : Ivan Kozelka. Compositeur : John Cale.

Durée : 88 m. Disponible en VF.



Résumé :

Après des années d'absence passées à faire les quatre cent coups et à brûler la vie par les deux bouts, Viviane est de retour à Monthermé, la petite ville des Ardennes où vivent ses parents et son demi-frère cadet, Marc. Au contact de cette aînée que cette longue absence a sublimée, ce lycéen de quinze ans va faire le rude apprentissage de l'indépendance. Viviane décide de prendre Marc sous sa protection et ne lui cache rien de son existence tumultueuse. Entretenue par des notables locaux qu'elle traite avec insolence, la jeune femme séduit son frère par son charme et sa drôlerie. Ensemble, ils font des virées en Belgique et se font des confidences intimes. Des gestes s'ébauchent, des corps se frôlent, des étreintes et des complicités se nouent.



Marc a de plus en plus de mal à partager les plaisirs de ses copains de lycée et son amitié pour son camarade Ronan se teinte d'une trouble fascination dont il ne saisit pas immédiatement la nature profonde. Quand Viviane rencontre l'amour en la personne de Tomek, un ouvrier polonais rencontré dans une virée nocturne, et décide de mettre fin à sa vie de femme entretenue, Marc décide d'aller lui aussi au bout de ses sentiments. Alors que Viviane succombe au vertige du grand amour, l'adolescent cède à ses pulsions et tourne résolument le dos au monde de l'enfance en se jetant tête la première dans l'inconnu...



L’avis de Frédéric Mignard :

Un portrait désaxé de deux écorchés, en quête de liberté dans un monde étriqué, qui se caractérise par une mise en scène naturaliste rudimentaire, mais touchante.

Après des années d’absence, une chanteuse de bas-étage revient dans sa petite ville natale. Honnie par ses parents, elle retrouve son jeune frère, un adolescent perturbé par sa sexualité. Ensemble ils vont développer une complicité trouble.



1994. Le cinéma français va au plus mal, boudé par le public qui ne se retrouve pas dans le manque de diversité que lui offre la production nationale. En face des productions comiques, seules atouts de l’industrie cinématographique, les producteurs proposent un grand nombre de films d’auteur, économiques, qui connaissent l’indifférence générale du public. Des productions à tout petit budget dont l’existence est niée par une distribution microscopique dans les circuits art et essai.

Parmi ces œuvres, l’on trouve Les amoureux, le second film de Catherine Corsini, après le polar Poker. Un bide. Et une belle injustice ! Il faudra, finalement, un peu plus de dix ans pour que ce portrait provincial au vitriol puisse renaître de ses cendres, grâce à l’éditeur DVD gay Antiprod. Le film retrouve alors, confidentiellement, une nouvelle carrière mais dans un cadre communautaire, qu’il est pourtant essentiel de dépasser. Limiter Les amoureux aux errances existentielles d’un adolescent, qui se recherche sexuellement pour finalement se retrouver dans l’homosexualité, n’est-ce pas là restreindre un peu les intentions de Corsini ?



La réalisatrice explore plus généralement l’aspect sordide d’une province, asphyxiée par son étroitesse d’esprit, une campagne moribonde, où les mentalités étriquées détruisent les marginaux en quête inconsciente de reconnaissance. Le pouvoir d’attraction de cette région, l’atavisme qui en découle, est une fatalité à laquelle il est mal aisé de se soustraire. La réalisatrice le souligne à travers le personnage de la formidable Nathalie Richard, qui interprète, ici, une chanteuse arriviste, revenue de Paris fragilisée, alors que seul son jeune frère attendait encore son retour au bercail populaire. Elle se retrouve, dans ses dérives névrotiques, à inspecter ses cassures, manipulée et abîmée par les hommes, alors que son frère, fasciné par sa liberté extraordinaire, vit dans la honte, son homosexualité naissante, sali par les sorties nocturnes et les plans drague, que l’environnement hostile lui impose.



Dans le rôle du jeune homo, Pascal Cervo, alors quasi débutant, affiche une justesse de jeu qui contribue beaucoup au succès de cette œuvre, certes rudimentaire, mais d’une grande honnêteté dans sa dénonciation naturaliste d’un milieu. Entre le Border line de Danièle Dubroux et L’Homme blessé de Patrick Chéreau, cette peinture détraquée de deux écorchés, au bord de l’implosion, et toujours à la lisière du tabou ultime de l’inceste, captive et laisse des traces, longtemps après sa projection.

Pour plus d’informations :

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Fiche technique :
Avec Inés Efron, Martín Piroyansky, Ricardo Darin, Valeria Bertuccelli, Carolina Pelleritti, Germán Palacios, Guillermo Angelelli, César Troncoso, Jean-Pierre Reguerraz, Ailín Salas, Luciano Nóbile et Lucas Escariz. Réalisation : Lucia Puenzo. Scénario : Lucia Puenzo, d'après l'œuvre de Sergio Bizzio. Directeur de la photographie : Natasha Braier. Musique : Andrés Goldstein & Daniel Tarrab. Montage : Alex Zito & Hugo Primero.
Durée : 91 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
Un couple d’Argentins et leur fille ont quitté Bueno Aires pour aller vivre dans un petit village de la côte uruguayenne où le père biologiste étudie les tortues marines locales. Ils vivent dans une maison de bois perdue dans les dunes. On comprend assez vite que cette fuite était surtout pour protéger leur fille. On comprend moins vite que leur fille Alex, âgée de quinze ans, est en fait un hermaphrodite. XXY commence avec l'arrivée d’un couple d’amis de la mère qui leur rend visite. Leur fils de seize ans, Alvaro, les accompagne. On comprend, pas vite du tout, que si le père d’Alvaro a accepté l’invitation, c’est qu’il est spécialiste en chirurgie esthétique (et néanmoins un sale con) et s’intéresse médicalement au cas d’Alex. Les deux adolescents tombent amoureux l’un de l’autre...

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L’avis de
Bernard Alapetite :
Le premier atout du film est son sujet : l’hermaphrodisme, quasiment jamais traité au cinéma, je ne me souviens guère que du Mystère Alexina de René Feret ou du Satyricon de Fellini abordant la question. Ou bien encore du court-métrage documentaire L'Hypothèse hermaphrodite d’Alain Burosse qui brossait, en 1997, un tableau de l'hermaphrodisme à travers les arts et la science. Il y a aussi Mika, l'un des personnages de Fudoh de Takashi Miike en 2001 qui était atteint par cette particularité génitale et ce doit être à peu près tout... En littérature, il y a bien sûr Middlesex, de Jeffrey Eugenides, le roman de référence sur le sujet.
Petit rappel cuistre de mythologie grecque, Hermaphrodite est l'enfant d'Hermès et d'Aphrodite, il est doublement sexué et a hérité de ses parents leur beauté. Après son union avec la nymphe Salmacis, Hermaphrodite et son épouse ne forment plus qu'un seul être à la fois mâle et femelle.
Précisions médicales encore plus cuistre : le titre ne peut correspondre à l'histoire car les personnes XXY sont de phénotype masculin.

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Plus précisément, XXY se penche sur les troubles que cette particularité engendre chez le sujet, son entourage et plus généralement dans une société dans laquelle la différenciation des sexes est une règle fondamentale même si elle est rarement explicitée. Les questions que se pose Alex sont essentielles pour son devenir : doit-il choisir un sexe ? Et lequel ? Aime-t-il (elle) les filles et/ou les garçons ? Peut-elle assumer cette bisexualité génétique ? Son corps peut-il devenir un objet de désir et non de voyeurisme malsain ?.. Surtout peut-il (elle) supporter le regard des autres ? Le film, même s’il n’est pas toujours complètement maîtrisé, au-delà de ce cas particulier, pose le problème plus général du regard de la société sur l’inhabituel qu’elle nomme « monstre » pour mieux le tenir à distance.
Avec tact, Lucia Puenzo, pour son premier film, montre la souffrance que cette particularité provoque chez une jeune fille exposée aux ragots crapoteux et libidineux, à la brutalité d'une médecine qui ne parle que de traitements aux corticoïdes et de chirurgie « réparatrice ». Elle met en évidence la culpabilité qui ronge les parents.

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Les deux jeunes acteurs sont formidables, même si au début on ne comprend pas bien quel peut être le problème d’Alex qui est remarquablement interprétée par Inés Efron, une comédienne argentine de 24 ans, tant son côté masculin est loin d’être évident. Une des bonnes idées du film est de n’avoir pas fait des deux jeunes protagonistes des êtres immédiatement aimables. Alex est une sauvage, violente et solitaire avec pour seul compagnon un petit iguane vert. Persuadée d’être un monstre, Alex va dans ce sens, donnant des coups, cassant le nez de son meilleur ami, provoquant ses camarades. L’actrice utilise beaucoup son regard d’animal blessé pour faire passer sa différence... Quant à Alvaro, c’est un grand dadais qui, au deuxième regard, ne manque pas de sensualité...
Le reste de la distribution est également remarquable. Une mention spéciale pour Ricardo Darin qui incarne le père d'Alex. Cet acteur argentin est familier du public français pour avoir été l'un des héros des deux derniers films du regretté Fabián Bielinsky, Les Neuf Reines (2000) et El Aura (2005).
Si le film est pudique, il n’esquive pas la crudité dans la scène bien filmée de l’ étonnante relation sexuelle entre Alex et Alvaro. Il dépeint justement le trouble d'Alvaro, puceau à l'homosexualité inavouée, devant le corps d'Alex, androgyne butée mais impatiente de sexe, qui lui prouve qu'elle possède une façon bien à elle (!) de le satisfaire. Les deux adolescents se découvrent une complicité amoureuse et sexuelle inattendue. XXY met bien en évidence l’obsession qu’a Alex pour son pénis surnuméraire.

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Le propos du film est renforcé par le fait de l’avoir situé dans un milieu particulièrement machiste, une petite communauté de pêcheurs sur la côte uruguayenne. Comme dans un autre film sud américain de cette année, La Léon, XXY nous offre des images d’une contrée presque jamais montrée au cinéma.
Affleure habilement dans le scénario, qui manque parfois pourtant de rigueur, la profonde coupure qui existe dans la société argentine entre la « droite » incarnée par le père d’Alvaro et la « gauche » personnifiée par celui d’Alex.

XXY a aussi l'avantage de créer une visibilité sur plusieurs milliers de personnes en France qui subissent des « mutilations » arbitraires chirurgicales de « normalisation ». Il faut savoir que chaque jour des nouveaux-nés ont les organes génitaux « mutilés » pour en faire des « hommes » ou des « femmes »...
Malheureusement ce film très attachant ne manque pas de carences. En premier lieu, il est affaibli par un montage trop lâche qui étire inutilement les scènes, bien des plans sont inutiles. L’abus de nombreux silences soulignés par des regards qui se voudraient lourds de sens est agaçant et suggère surtout que la cinéaste et ses acteurs sont mal à l’aise dans les scènes dialoguées.

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Si je comprend bien la volonté de la cinéaste de mettre les images à l’unisson de la tension des protagonistes, il y a bien peu de soleil sur cette plage, surtout du gris, un ciel bas, une mer opaque, la maison en bois est terne, ses intérieurs sombres, il y a quelquefois des pluies diluviennes... Il n’en reste pas moins que la colorimétrie est souvent laide et que le film semble mal étalonné.
Enfin, est-ce à cause d’une hâte bien compréhensible de tourner son premier film que la cinéaste a omis de développer certains aspects de son scénario qui ne sont restés qu’embryonnaires, comme la position du père d’Alex vis à vis des pêcheurs autochtones ou le personnage très intéressant et très bien joué de l’ami d’Alex ?
Que ces réserves, qui ne sont en rien rédhibitoires et bien naturelles pour un premier long métrage, ne vous retiennent pas de découvrir le film le plus original de l’année.

XXY a été récompensé par le Grand Prix de la Semaine de la critique lors de la soixantième édition du festival de Cannes, en 2007. Il était le candidat argentin à l'Oscar du meilleur film étranger pour 2008.

En 2008 Lucia Puenzo a tourné El niño pez (The Fish Child).

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L’avis de Chori :
Décidément, j'aime énormément le cinéma argentin. Que ce soit du polar ironique (Les Neuf reines), du hold-up métaphysique (El Aura), de la chronique acide (La niña santa), du drame sublime (La Leon) ou de la comédie un peu cracra (El Camino de San Diego), je marche quasiment à tous les coups...
Et là, encore une fois, la balle rebondit dans un coin où on ne l'attendait pas : Alex, l'héroïne, est hermaphrodite. C'est tout, c'est dit (de toute façon, vous l'apprendrez assez vite dans le film). Elle est adolescente, à cet âge où les cinéastes nous font souvent le coup de la chrysalide et de mal dans ses baskets. Et elle a donc au moins deux fois plus de raisons que les autres de flipper. Vivant recluse dans une ville portuaire avec ses parents qui la protègent de leur mieux, en proie à la curiosité malsaine des autres, elle va rencontrer Alvaro, un ado aussi, fils d'un couple venu rendre visite à ses parents (pour des raisons médicales qu'on comprendra assez vite.)

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L'essentiel du film est la relation qui va naître entre les deux adolescents (et qui se concrétisera par une des scènes de « première fois » la plus surprenante que je connaisse.) Alex est en train de se masculiniser, refuse de continuer son traitement, elle est désormais à l'âge où ses parents souhaiteraient qu'elle choisisse, qu'elle se détermine. Alvaro, lui aussi mal dans sa peau, notamment dans sa relation malaisée avec son père, va, d'une certaine façon, grâce à Alex, se déterminer, lui aussi.
Mais c'est aussi l'occasion d'une comparaison, d'une mise en parallèle, plutôt, entre leurs pères respectifs, l'un qui s'occupe de tortues échouées, les soigne et les bichonne, et l'autre, chirurgien esthétique, qui manie le bistouri plutôt que les sentiments. Un qui se préoccupe de son enfant et l'autre qui se méprend sur le sien...

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Le film est à l'image de son image : un peu granuleux, rugueux, sans recherche de joliesse, imparfait, et n'en finit pas d'hésiter, d'aller et venir entre les étendues maritimes et la proximité des corps et des visages. Entre les fuites et les retours, entre colères et réconciliations. Violence et quiétude. Quelques maladresses (ou lourdeurs) viennent parfois alourdir le récit, mais la justesse des acteurs, notamment, ainsi que le parti-pris de simplicité contrebalancent ces faiblesses passagères. Lucia Puenzo nous dit ce qu'elle a à dire, sans gueuler, sans surligner. Sans hystérie et sans pathos, le film tient la route, jusqu'au bout (on a d'ailleurs ces plans symétriques automobiles d'arrivée et de départ).

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La demoiselle, yeux graves dans un beau visage triste, est époustouflante dans un rôle délicat, et s'en sort sans jamais en faire trop (comme le film, d'ailleurs, d'une pudeur extrême), réussissant à nous faire percevoir son malaise et son obsession sans – et heureusement – jamais rien nous montrer du corps du délit. Beaucoup d'eau dans ce film, la mer, la pluie, les larmes.
Est-on toujours vraiment obligé de choisir ?

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Sami Bouajila, Patachou, Ariane Ascaride, Pierre-Loup Rajot, Charly Sergue, Maurice Bénichou, Philippe Garziano et Christiane Millet. Réalisé par Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Scénario : Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Directeur de la photographie : Matthieu Poirot-Delpech.
Durée : 95 mn. Disponible en VF.
Résumé :
Pour faire la rencontre de son père qu'il ne connaît pas, un jeune Dieppois se rend à Marseille. Il choisit l'auto-stop comme moyen de transport et n'hésite pas à emprunter des chemins de traverse. Parti pour faire la connaissance de son père réel, c'est en fait une famille idéale que Félix se construit tout au long de son trajet : un petit frère, une grand-mère, un cousin, une sœur...




L’avis d’Olivier Nicklaus :
Après Jeanne et le Garçon formidable, le tandem Ducastel & Martineau interroge les archétypes dans une comédie pas musicale mais lyrique, et audacieusement hilarante.
Beur, gay, séropo... et heureux ! Voilà beaucoup de particularismes, et un héros presque trop œcuménique pour être vrai. On est au bord de la fable. Et pourtant, le film est truffé de grumeaux bienvenus de réalité brute, voire brutale. Ainsi, la prise par Félix (Sami Bouajila) de sa trithérapie à heures fixes. C'est d'ailleurs ce qui génère l'un des plus savoureux gags du film, car pour lui, l'heure de sa trithérapie du matin est aussi celle de son feuilleton préféré, un soap-opera pour mamies. Autre scène à hurler de rire, et non sans audace : celle où des patients dans une salle d'attente comparent avec force détails leur bi, tri ou pentathérapie.

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À part ça, Félix vit en couple à Dieppe avec son copain prof (Pierre-Loup Rajot) et décide de partir à Marseille rencontrer son père qu'il ne connaît pas. Plutôt que de prendre le train, il préfère faire de l'auto-stop, croisant au gré des étapes une galerie de personnages qui finiront par construire une famille de cœur (voire de cul) assez idéale, du petit frère sensible à l'amant-cerf-volant, en passant par la grand-mère dessalée (remarquable Patachou). Drôle de Félix parle donc la famille qu'on se construit et partant, de l'identité qu'on se bâtit. Cette dimension utopique renvoie au conte de fées, genre dont Jacques Demy s'était fait, après la comédie musicale, une autre spécialité. Demy, père de cinéma des auteurs de Jeanne et le garçon..., auquel il est à nouveau rendu hommage ici. Comme ses films les plus lyriques, cette ode au bonheur met littéralement les larmes aux yeux.

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L'avis de Voisin Blogueur :
Félix est arabe, Félix est homo et Félix a le SIDA. Et devinez quoi ? Félix est heureux comme tout et croque la vie à pleines dents. Car ce jeune normand ne se laisse jamais décourager, car il croit en l'humain et profite du présent, de la vie et ses surprises. La seule chose qui le turlupine un peu , c'est son père. Ce dernier l'a abandonné et Félix aimerait bien le rencontrer. Il laisse alors son petit ami et part sur la route, direction Marseille, où se trouve son géniteur. En chemin, Félix va rencontrer différentes personnes qui vont constituer une sorte de « famille de cœur » : un jeune gay qui va s'amouracher de lui et qu'il considère comme son petit frère; une vieille dame qui a tout de la grand-mère qu'on aurait tous voulu connaitre; un "cousin" avec qui la route va rimer avec plaisir ; une mère de trois enfants , séductrice, qu'il verra comme sa soeur. Au gré des rencontres, Félix s'épanouit et apprend à mieux se connaitre...
Drôle de Félix insupportera sûrement ceux qui refusent de croire encore à la beaute de la naïveté. Naïf, oui, ce film de Ducastel et Martineau l'est sûrement. Et c'est là tout son charme. Avec ce parcours initiatique d'un jeune gay courageux et lumineux, les deux réalisateurs mettent en scène une vie faite de rencontres globalement enrichissantes. Le monde dans lequel évolue Félix n'est pas un idéal (il y a des agresseurs, des racistes...) mais le film nous montre que quand on le veut, en allant toujours vers son prochain, on finit toujours par trouver une oreille tendue, du réconfort, un début de complicité. C'est bête comme tout mais ça réchauffe les cœurs et l'interprétation et les dialogues sont tellement bons que tout se tient et qu'on ne demande qu'à y croire. En évitant soigneusement tous les clichés, les étiquettes, les émotions attendues, Ducastel et Martineau livrent la traversée "ordinairement extraordinaire" d'un jeune homme sensible et foncièrement attachant. Un film qui fait du bien.

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L’avis de Shangols :
Drôle de Félix est un petit film, de ceux qui passent comme de rien, et dont il ne reste pas grand-chose après. C'est du bon travail, on est d'accord ; Ducastel et Martineau sont de bons cadreurs, et leur mise en scène est souple. On reconnaît la patte de Jeanne et le Garçon Formidable dans cette caméra mobile, qui filme le soleil sur un escalier marseillais ou un couple qui s'enlace en un travelling très comédie musicale, rapide et légère, pour ensuite s'arrêter sur des plans fixes très bien dosés. Le scénario aussi est très repérable, avec cette homosexualité qui s'affiche sans tabou, très sereinement. Le film est assez lumineux, et semble vouloir cacher sous les couleurs de nos belles campagnes françaises de sombres vérités (racisme ordinaire, exclusion, SIDA, familles déstructurées, solitude...).
Mais Drôle de Félix appuie de façon trop maladroite sur ce faux sujet de la quête d'un père absent : on comprend vite que le scénario va s'ouvrir sur un autre sujet. Bouajila ne cherche pas son père, il cherche à reconstituer une famille au cours de son road movie, et il trouve effectivement un frère, une grand-mère, un cousin, une sœur, et un (autre) père. Mais sorti de ce sujet un peu balisé, le film ne raconte finalement pas grand-chose de passionnant. Comme les autres œuvres des gars, celle-ci est truffée de maladresses, surtout dans le jeu des acteurs, très flou, et dans les dialogues un peu à côté de la plaque. Au final, l'impression d'avoir vu un petit truc très correct, pas désagréable, mais en fin de compte sage et oubliable.

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L'avis de Pierre Guillemot (rédigé en 2000) :
Avant-première au Katorza. Dans la grande salle, pas pleine pour une fois, mais il n'y a pas eu de promo ni de places cadeau. Tout le monde est venu pour une bonne raison.
La bonne raison, c'est d'avoir vu Jeanne et le garçon formidable, Virginie Ledoyen et Mathieu Demy, l'insouciance et le sida, pas de futur et c'est pas grave. Deux ans passés depuis, que sont devenus Ducastel et Martineau, est-ce que leur petit monde chante toujours ?
Début du film.
Une petite ville entre les hautes falaises blanches. On est au printemps, il fait encore un peu frais. Un beau brun roule à vélo sans se presser le long du front de mer. C'est Félix à Dieppe, sa ville natale. Le ferry qui l'employait vient de désarmer. Il a un peu d'argent et son allocation chômage est en règle. C'est comme s'il était en vacances. Alors il part à travers la France, en auto-stop puisqu'il a le temps.
Le but : Marseille, où vit peut-être son père qu'il n'avait jamais vu, parti quand il était tout petit. Le copain avec qui il vit le rejoindra là-bas pour ses congés, en train puisque lui travaille. Pour fêter le départ, ils se roulent une pelle au-dessus du plateau de fruits de mer au restaurant de la rade. En chemin, il rencontre un lycéen qui pourrait être son petit frère et l'accompagne en boîte en trichant  sur l'âge du jeune ; une vieille dame qui pourrait être sa mère et le trouve mignon, bien mieux que son défunt mari au même âge; un cheminot qui joue avec des cerfs-volants; une femme qui a fait ses trois enfants avec autant d'hommes et administre ça avec autorité, il en ferait bien une grande soeur. Et un homme de l'âge de son père, qui pêche à la ligne dans le canal des Martigues, où il n'y a pas de poissons mais ce n'est pas le sujet. Il est arrivé. Il va peut-être à l'adresse de son père, il retrouve son copain à la gare Saint Charles. Générique de fin dans le sillage du ferry, en route vers la Corse des vacances de printemps.

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Début du film.
Une petite ville entre les hautes falaises blanches. Un jeune très brun qui roule à vélo vers le bureau de l'ANPE, il est chômeur. Il passe à l'hôpital pour le suivi de sa trithérapie, il a le sida. On le retrouve au lit avec son copain, il est homo. Il décide de partir à Marseille, à la recherche de son père maghrébin qui a abandonné à Dieppe sa mère française quand il était tout petit. Il est beur et déraciné, d'ailleurs il s'appelle Félix alors qu'il a un faciès sans ambiguïté. Une nuit, dans une grande ville sur sa route, il est témoin d'une ratonnade; son arrivée empêche les loubards de jeter l'Arabe du haut du pont; mais il n'ose pas aller témoigner au commissariat, il est Arabe lui aussi. Ce souvenir le hante tout au long du voyage, il refuse de traverser Orange ville FN. Il se promène avec un réveil qui lui rappelle l'heure de ses nombreux médicaments ...
Aucun des deux résumés ne vaut quelque chose. C'est comme si on expliquait le tissu en oubliant que les fils sont croisés. Le premier ne mène nulle part, pourquoi faire un road-movie gentil de plus ? Le deuxième braque le spectateur moyen, la densité d'idées reçues et de pensée correcte le suffoque.
Mais ce n'est rien de tout ça. Ducastel et Martineau ont raconté un moment de bonheur, le petit tour de France d'un jeune homme libre. Ils se sont fait plaisir, et ont essayé de démontrer leur idée avec une bonne histoire et un héros sympathique. Être sans famille, beur, homo, atteint du sida, c'est juste une occurrence possible de la vie normale. Comme d'avoir une famille nombreuse sans dépendre d'un homme. Il y en a qui sont contre, à qui ça fait peur, ce sont des sots et quelquefois des dangereux. Il faut rester avec les bons, les accueillants, ce sont eux les plus nombreux. Et celui qui, à part ça, est jeune et beau et charmant (j'allais écrire « sexy », mais je préfère le vieux mot), est destiné à être heureux. Certes tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ; il faut cultiver notre jardin.
Donc c'est un conte philosophique. Avec des chapitres annoncés par des cartons illustrés « Où Félix offrit à la vieille dame qui aurait pu être sa mère une belle boîte avec des cases pour classer ses médicaments » (je n'invente pas, les réalisateurs y ont pensé, et puis ils ont fait plus discret, le nom « ma mère » sur le paysage qui introduit l'épisode). Pour faire oublier la force du propos incarné par les personnages, tout a été tourné en lumière naturelle (soleil ou néons) au vrai endroit, à Dieppe, à Rouen sur le pont Jeanne d'Arc, à Chartres devant la cathédrale, à Brioude dans un jardin avec vue sur l'église, aux Martigues à l'ombre du pont tournant, ou dans la campagne fleurie de l'Auvergne. Avec des clins d'œil aux initiés, comme ce plan de deux secondes à Canteleu, l'endroit exact d'où on découvre toute la ville de Rouen en arrivant par l'Ouest. Il y en a d'autres, appel aux initiés d'autres lieux.
Et le plan cinématurgique obligé, la rencontre des amoureux en haut des marches de la gare Saint Charles (Jacques Demy, 3 places pour le 26). Pierre-Louis Rajot (le copain) assis à côté de son sac de voyage et Samir Bouajila (Félix) qui émerge de l'arrière à côté de lui.  Une occasion de plus de se dire qu'ils ont bien choisi leur interprète principal (les autres aussi).

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Fin du film.
Les deux auteurs arrivent ensemble pour qu'on en discute. Ils ressemblent tellement à leur caricature, habillés déstructuré, rasés et coiffés Act-Up soft, que c'en est attendrissant. Ils sont totalement sincères et sans méchanceté, la parole passe de l'un à l'autre pour exprimer la pensée commune.
Le premier interpellateur n'a vu qu'un côté du film. Il est étouffé par le politiquement correct et le dit. Il a l'air vraiment de mauvaise humeur, n'écoute pas la réponse et s'en va. L'assistance se demande pourquoi. Peur du bonheur sous une forme pas normalisée, analyse un psy amateur. Ducastel et Martineau nous disent que c'est la première fois qu'ils ont une mauvaise réaction de ce genre. C'est vrai que jusque là ils ont présenté le film dans des petites villes. À Bollène par exemple, avec les parents de ceux qui ont joué les enfants de trois pères différents.
La première grande ville, c'est Nantes. Par hasard et aussi à cause de Jacques Demy, celui qui a placé tous ses films dans des ports, avec des nomades. Et la comédie musicale ? Jeanne et le garçon formidable était un film chantant. Maintenant ils rêvent de danse, avec Dominique Bagouet par exemple. Pas cette fois-ci, c'est cher et il faut donc un film candidat au grand public. Ils se sont rattrapés sur le choix des lieux, allant jusqu'à récrire des scènes pour les mettre dans des endroits qui avaient plu.
Le grand gadget du film: le feuilleton Luxe et volupté (Amour, gloire et beauté sur France 2) tous les matins à 9h, que Félix arrive à suivre partout où il est. C'est l'heure de la première prise de trithérapie. Ça raconte (l faut tendre l'oreille) une histoire parallèle au film avec une fille qui hésite entre son fiancé et le père du même. Martineau avoue qu'il aime beaucoup ce feuilleton et revendique l'idée.

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Comment ils se sont rencontrés, comment ils travaillent ? Jacques Martineau, professeur d'université, avait écrit sa comédie musicale et cherchait un cinéaste. Olivier Ducastel avait fait une comédie musicale comme court-métrage de fin d'études. Ça a été le coup de foudre. Depuis, ils travaillent ensemble. Martineau écrit le premier jet des dialogues, ils en parlent et le film émerge des discussions.
À la réalisation, c'est le professionnel Ducastel qui prend en charge le plateau de tournage, Martineau est là comme référent de l'idée commune. Personne n'ose leur demander comment ils peuvent arriver à travailler et vivre ensemble sans se fâcher.
Et le sida ? Dans Jeanne et le garçon formidable, Mathieu Demy meurt avant la fin, Jacques Bonaffé porte le deuil de tous ses amis disparus, il faut Virginie Ledoyen l'insouciante pour que ça finisse bien. Depuis, il s'est passé du temps, les thérapies sont efficaces, et Félix vit le moment favorable où il a gardé toutes ses forces. On parle de l'ancien patron d'Act-Up, qui s'est fait photographier beefcake, nu et sexy, malade mais toujours sujet du désir. Pour l'instant, le film finit bien. À suivre.
Pour plus d’informations :

 



Fiche technique :

Avec Sanjay Suri, Juhi Chawla, Victor Banerjee, Lillete Dubey, Dipannita Sharma, Gautam Kapoor, Shayan Munshi et Reeya Rai Chowdhary. Réalisation : Onir. Scénario : Onir. Dialogues : Amibath Verma.

Durée : 120 mn. Disponible en VO et VOSTfr.



Résumé :

Inde, ville de Goa entre 1989 et 1994. Nikhil Kapoor a tout pour lui, il est beau, entouré de ses amis et de sa famille, et surtout c’est un champion de natation très admiré. Mais du jour au lendemain, lorsqu’on découvre qu’il est séropositif, son monde s’écroule et il doit renoncer à sa brillante carrière. Rejeté par ses proches, il est arrêté et incarcéré dans un sanatorium crasseux. En effet, la loi indienne impose à toutes les personnes contaminées par le virus du sida d’être placées dans des lieux isolés. Nikhil va heureusement compter sur l’amour inconditionnel de sa sœur et de son amant qui se battent pour le libérer.



S’inspirant librement d’un fait réel, Nikhil, mon frère est une œuvre bouleversante qui porte un regard juste sur les discriminations subies par les séropositifs en Inde. Il fait partie de la nouvelle vague de cinéma indien contemporain qui raconte des sujets graves liés à l’actualité et à la société indienne. C’est le premier film de Bollywood qui témoigne librement des relations gays et aborde sans détour la discrimination et les enjeux sociaux liés à la diversité des orientations sexuelles. Le réalisateur s’attache à décrire le quotidien plutôt qu’à se servir de la morale contre l’interdiction de l’homosexualité en Inde, interdiction qui date de l’ère coloniale.



Nikhil, mon frère est un film déchirant et touchant qui incite à se pencher sur nos propres idéaux à une époque où le Sida suscite encore beaucoup trop d’indifférence.

Grand Prix et Prix du Public Festival Image et Nation – Montréal



L’avis de Frédéric Mignard :

La première œuvre grand public à aborder les thèmes de l’homosexualité et du sida en Inde. Un vrai mélodrame à la sauce Bollywood qui risquera de ne séduire que les amateurs du genre.

Nikhil Kapoor a tout pour lui, il est beau, champion de natation et il est très entouré. Mais du jour au lendemain, quand on découvre qu’il est séropositif tout son monde s’écroule. Il est alors arrêté et incarcéré. En effet, la loi indienne impose à toutes les personnes contaminées par le virus du sida d’être placées dans des lieux isolés. Rejeté par la plupart de ses proches, Nikhil peut heureusement compter sur l’amour inconditionnel de sa sœur et de son amant qui se battent pour le libérer.



Le film de la dénonciation. Pointant du doigt l’aveuglement de la société indienne prompte à l’ostracisme quant il s’agit d’écarter les pions qui la dérangent (en l’occurrence ici un champion de natation homosexuel atteint du sida), le cinéaste Onir, sans colère et de manière didactique, dénonce. Le comportement des médecins, de la famille, des autorités, de l’opinion publique. Le discours paraît suranné pour nous Occidentaux mais prend tout son sens dans une pays où la peur de l’inconnu et le manque d’information mènent à la discriminalisation et à la stigmatisation des homosexuels et des séropositifs. On n’est donc pas très loin des efforts de Jonathan Demme et de Tom Hanks lorsqu’en 1994 ils dévoilèrent au grand public les souffrances des malades du HIV avec Philadelphia, le film à Oscars destiné à toucher la multitude avec ses bons sentiments et ses ressorts mélodramatiques. Ils avaient fait mouche.

Si, humainement, cette œuvre indienne est attachante, elle s’avère malheureusement limitée dans ses qualités cinématographiques. Le récit est plombé par une narration en forme de témoignages, qui souligne le bien piètre jeu des comédiens, trop proche du sitcom pour insuffler de la profondeur au propos. La musique gentillette et la mise en scène maladroite nous renvoient évidemment au genre Bollywood qui a bien par chez nous quelques aficionados sans parvenir à vraiment décoller. Et à voir ce pourtant sympathique Nikhil, mon frère, on comprend pourquoi.



Les suppléments : Une édition frileuse sans aucun supplément à l’exception d’une douzaine de bandes-annonces issues du catalogue de l’éditeur. Une radiographie, même écrite, de la situation du sida en Inde aurait pourtant été la bienvenue.

Image & son : La qualité médiocre de la copie parsemée de taches et autres griffures est heureusement compensée par le son 5.1 qui offre une richesse de détails sonores et met savoureusement en avant la musique. Une première pour l’éditeur qui a enfin compris que le son était une composante fondamentale du DVD.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Lambert Wilson, Pilar Lopez de Avala, Pascal Elbé, Anne Brochet, Andrée Damant, Florence Darel, Marc Duret, Liliane Cebrian, Luis Jaime Cortez et Catherine Erhardy. Réalisation : Vincent Garenq. Scénario : Vincent Garenq. Directeur de la photographie : Jean-Claude Larrieu. Compositeur : Laurent Levesque et Loïk Dury.

Durée : 93 mn. Disponible en VF.


 


Résumé :

Ils filent le parfait amour... Enfin, presque : Emmanuel veut un enfant et pas Philippe...

Pourtant, Emmanuel décide un jour de franchir le pas, au prix de perdre Philippe... Mais comment avoir un enfant quand on est homo ?



L’avis de Frédéric Mignard :

Une comédie de mœurs sur l’homoparentalité, un brin didactique et télévisuelle, qui n’en demeure pas moins charmante et bien écrite.

Dans Comme les autres, Vincent Garenq aborde frontalement le thème très télévisuel – qui sent bon le talk-show et le téléfilm populaire – de l’homoparentalité et s’inspire ainsi de sa vie. Non, pas de sa  vie d’homo – le cinéaste est hétéro, marié, père de famille –, mais de celle de l’un de ses meilleurs potes, gay, et de ses tribulations pour parvenir à adopter un enfant.



Alors que la France se montre d’une frilosité surprenante envers le droit des homosexuels au mariage et à l’adoption, le réalisateur se pose des questions légitimes sur le besoin de paternité des gays (il est surtout question d’hommes dans le film) tout en veillant soigneusement à ne pas tomber dans le stéréotype rance qui avait fait de Pédale dure, sur une thématique similaire, l’un des pamphlets les plus homophobes jamais issu de sa propre communauté !



Plutôt favorable à l’adoption d’enfants par des couples du même sexe, le réalisateur tombe cependant dans le piège du film prétexte, 100 % revendicateur et didactique, dans lequel tout semble bon pour plaider sa cause. Celle-ci devient forcément acceptable au vu du caractère sympathique de la comédie (dialogues finement écrits, souvent enlevés, répliques mordantes) et des protagonistes principaux ou secondaires. La palme du charisme revient évidemment au pédiatre (!) quadragénaire incarné par Lambert Wilson, la figure centrale du récit qui se désespère de ne pas être père. Un poil égoïste, au début, le personnage, évolutif, devient le parangon du bon père potentiel, tour à tour charmant, drôle, gnangnan... Un mec sain d’esprit qui regorge d’amour (et d’euros), paré, mieux que quiconque, à élever un enfant. Le spectateur, pris en otage, ne peut dès lors que difficilement refuser de le suivre dans sa quête. C’est un brin agaçant.



 

Seul ou avec son concubin, plus réticent, joué par le formidable Pascal Elbé ; envisageant des lesbiennes comme mamans ou le recours à une mère porteuse (la délicieuse Pilar Lopez de Ayala)... Toutes les possibilités sont passées au crible, puisqu’on lui a refusé officiellement l’adoption d’un enfant en raison de son inclinaison sexuelle. Et, alors que les tracas conjugaux se greffent aux difficultés pour devenir papa et que le cœur des femmes satellites vacille, la drôlerie des situations alterne avec l’émotion, de manière très appuyée parfois. La corde sensible vibre, accentuant un peu plus l’impression de rapt des sentiments.



Comme les autres repose donc sur des procédés un peu faciles, légèrement déplaisants quand ils empêchent le spectateur de se poser les vraies questions au cœur de l’homoparentalité, réduite ici au seul bonheur du papa. Mais ne soyons pas trop ingrat, derrière ses airs de téléfilm pédago, cette comédie de mœurs légère n’en demeure pas moins un petit plaisir d’écriture et d’interprétation et puis, même avec ses maladresses, elle a tout de même le mérite de vouloir faire bouger les choses en relançant les débats. N’est-ce pas là l’essentiel ?



L’avis de Voisin Blogueur :

Manu (Lambert Wilson) et Philippe (Pascal Elbé) forment un couple homo et bobo en pleine crise. Pédiatre de métier, Manu ne peut plus passer sur son désir d’enfant et face au refus catégorique de son compagnon, la séparation semble inévitable. À nouveau célibataire, Manu revoit Fina (Pilar Lopez de Ayala), une jeune sans papier rencontrée par hasard.



Il lui propose un mariage blanc et dans la foulée, si elle le veut bien, d’être la mère porteuse de cet enfant tant attendu. D’abord en colère, cette fille perdue va progressivement se lier d’amitié avec notre homo tristounet. Et quelques semaines plus tard, mariage et bébé sont au programme. Mais, comme on le sait, la vie n’est pas un long fleuve tranquille et Fina va progressivement se découvrir des sentiments pour son nouvel ami gay...



Surfant sur un thème de société (l’adoption chez les homos, toujours interdite en France), Comme les autres s’apparente à un téléfilm de luxe bourré de bonnes intentions. Difficile de ne pas s’y casser les dents. De ce point de vue, Vincent Garenq ne s’en sort pas trop mal en évitant les clichés et en proposant un ton tragi-comique bien vu et assurant un divertissement de qualité. En effet, son film se regarde avec beaucoup de plaisir, donne dans le drame sans tomber dans un surplus de pathos et s’avère aéré et bienveillant. En couple d’homos séparés, Lambert Wilson et Pascal Elbé nous gratifient de leur charme naturel et livrent une prestation honorable.



Mais ce qui gêne un peu dans cette fiction très calibrée, c’est qu’en fait le couple gay n’est pas vraiment traité « comme les autres ». Quand Manu s’égare le temps d’une nuit avec Fina, nous avons droit à une scène de jambes en l’air. Mais quand il s’agit de lui et Philippe, il ne faut pas s’attendre à plus qu’un chaste baiser. Manque de courage des acteurs ? Censure obligée pour une diffusion sans problèmes en prime time dans deux ans ? Ce travers est difficilement excusable et marque un flagrant manque de courage. Ce détail (qui a son importance) dépassé, Comme les autres se révèle être une comédie dramatique entre le cinéma français populaire de qualité et la comédie dramatique (voir les séries) made in USA. Des bons sentiments qui marchent, des décors bobos qui font rêver, un casting charmant… Prévisible mais efficace.

Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Dylan Fergus, Bryan Kirkwood, Hank Harris, Andrew Levitas, Matt Phillips, Miguel Caballero, Ni
ck Collins et Nina Landey. Réalisé par Paul Etheredge-Outzs. Scénario : Paul Etheredge-Outzs.  Directeur de la photographie : Mark Mervis.
Durée : 85 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
À West Hollywood, pour la parade d’Halloween, des milliers de personnes ont revêtu les costumes les plus déments et les plus fabuleux. Le sexe, la drogue, le rock’n’roll envahissent les rues. Mais un serial killer, collectionneur de têtes, s’est glissé parmi les fêtards. Un groupe de quatre amis, pris comme cible par l’assassin, va tenter de survivre à cette fête d’enfer...

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L’avis de
Matoo :
Attention c’est écrit dessus : « le premier film d’horreur gay ». En gros, ça donne le scénario de La Cité de la peur de Les Nuls (avec faucille intégrée) avec une manière de jouer, des comédiens et une réalisation digne des meilleurs passages « comédie » d’un bon Falcon. Carrément !

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Bon, un navet donc. Même pas très drôle, même pas un peu effrayant ou original, il s’agit plutôt d’un scénario de teen-movie d’horreur des années 70 avec des pédés dans tous les rôles. Évidemment, cela se passe le soir d’Halloween à West Hollywood, et un meurtrier (gay ?) fou se balade avec un masque, et coupe des têtes de dèpes avec sa faucille super bien aiguisée, sans mobile, ni raison particulière. Le héros et sa bande de potes sont pourchassés par le mec, et ils se font étêtés un par un. Mais le héros, qui est le roi de l’énucléation, est aidé par son nouveau boy-friend (qui embrasse pas sur la bouche, et qui l’aime avec son handicap… oh c’est si émouvant !!).

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C’est dommage car ça aurait pu être assez désopilant ou second degré, mais ils ne jouent même pas complètement avec le côté pédé. De même le côté cheap du film passerait bien si l’on avait eu autre chose à se mettre sous la dent que quelques studs qui se dandinent (y’a même pas de cul, pfff). Donc, on peut largement s’en passer, même si le fait que ce soit un film complètement gay est une note d’originalité en tant que telle.

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PS : Sur le site officiel du film, on trouve les deux affiches pour la presse. Une version « généraliste » et une version « gay ». J’ai été très surpris de ce traitement différent qui consiste à simplement rajouter la mention « Premier film d’horreur gay » sur le couteau. C’est plutôt étrange que cette dernière version n’ait pas été collée sur toutes les pubs, étant donné que le film est résolument gay, et que c’est son unique singularité !! Je me demande le pourquoi du comment d’une telle séparation.

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L’avis de Frédéric Mignard :
Une curiosité underground à mi-chemin entre le porno gay californien et la série B horrifique, à réserver exclusivement aux amateurs de nanars loufoques.

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Notre avis : Contrairement à ce qu’affirme l’affiche, Hellbent n’est pas « le premier film d’horreur gay ». Il existe aux USA tout un catalogue de productions d’épouvante gays, fauchées comme les blés, et réservées exclusivement au marché de la vidéo. David DeCoteau, roi de la série Z, issu des studios Empire et Full Moon, en est le chantre. Exerçant son manque de talent dans les dortoirs des teenagers BCBG (traduire par « bon chic belle gueule »), ce dernier n’a pas perdu une occasion depuis son coming out cinématographique d’exhiber des torses nus imberbes dans des longs métrages pathétiques, ouvertement Z, réservés à un public des plus restreints, celui du navet horrifique gay. Malheureusement, Hellbent s’inscrit dans la lignée du maître de la ringardise.

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Scénario inexistant, budget famélique, acteurs inexpressifs... Le film de Paul Etheredge-Ouzts ressemble à du Falcon (célèbre firme porno homosexuelle californienne) avec son lot de « bogosses » musclés aux visages juvéniles qui devraient se contenter d’être beaux et de se taire. En effet, si le cinéaste essaie d’inverser les codes du slasher en remplaçant les scream queens bêtas par des gym queens bêtasses, l’absence de rythme et de tension dramatique éloigne cette série B de ses ambitions premières, en l’occurrence provoquer l’effroi chez le spectateur. S’il y a bien mensonge sur la marchandise, Hellbent, dans toute sa vacuité, possède néanmoins l’intérêt de l’unicité, puisque sa distribution au cinéma représente une première nationale.

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L’objet cinématographique, vide de contenu, redonne du sens à la toile ! Dans le contexte aseptisé du multiplexe du nouveau millénaire, pouvoir jouir d’un tel OVNI reste un privilège. Jouant sur la confusion des genres et celle des sens, Hellbent interpelle inévitablement le spectateur honteux qui ne peut que remettre en question sa présence dans la salle. Il vaut mieux alors pour lui prendre le parti d’en rire plutôt que de s’enflammer. Après tout, peu importe la qualité de ce qui défile à l’écran, ici, seule l’expérience paie.

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Les commentaires furieux ou hilares des spectateurs, les départs intempestifs des amateurs du premier degré et des homophobes outrés...

Pour plus d’informations :
Site officiel


Fiche technique :

Editeur : Arte vidéo, novembre 2008. 12 DVD + 1CD audio. Livret de textes inédits et de photos des films et des tournages. Coffret de l'intégrale des films de Jacques Demy. Le coffret comporte les trois films d'animation très rares réalisés entre 1944 et 1953 : Le Pont de Mauves, La Ballerine, Attaque nocturne et les quatre courts réalisés entre 1951 et 1961 : Les Horizons morts (film de fin d'études à l'école de Vaugirard), Le Sabotier du Val-de-Loire, Ars et La Luxure (sketch tiré des 7 pêchés capitaux).

Il semble toutefois manquer : Musée Grevin 1958 avec Jean-Louis Barrault, Louison Bobet, Jean Cocteau, Michel Serrault et Ludmilla Tchérina (0h21) et La Mère et l'enfant (1959, 0h22).

Tous les films ont été restaurés de façon échelonnée depuis 1992 ce qui garantit l'enchantement pour Le bel indifférent, Lola, Model Shop , La Baie des anges , Les parapluies de Cherbourg , Les demoiselles de Rochefort , Peau d'âne , La naissance du jour , Une chambre en ville et Trois places pour le 26 .

Seuls quelques films restent un peu moins réussis : The Pied Pipper , Lady Oscar L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune et Parking.

Suppléments :

Reportages d'époque : DVD1 : Interview de Jacques Demy sur Les 7 pêchés capitaux (1962). Documentaire d'Agnès Varda : L'univers de Jacques Demy (90min - 1995). DVD2 : Documentaire : Cinéastes de notre temps : Jacques Demy à propos de Lola (1964). Reportage : Chronique cinéma : Jacques Demy à propos de Model Shop (1969). DVD4 : Extrait du documentaire : Il était une fois... Les Parapluies de Cherbourg. DVD5 : Documentaire d'Agnès Varda : Les Demoiselles ont eu 25 ans (64min). DVD 6 : Entretien : Peau d'âne raconté par des enfants. Jeu : La Princesse en chemise (il faut l'habiller). Documentaire : Une productrice passionnée : Mag Bodart. Dessins : Le petit Peau d'âne illustré. Documentaire : Peau d'âne et les penseurs. BD : Peau de bique de Claire Brétécher. Court-métrage : Peau d'âne d'Albert Capellani (1908). Karaoké : Les Chansons du film. DVD 7 : Reportage : Le Journal du cinéma : Jacques Demy et le joueur de flûte (1971). DVD8 : Entretien avec Alain Coiffier, directeur de production : Sur le tournage de Lady Oscar. DVD 10 : Entretien : Autour de la sortie du film par Gérard Vaugeois. Reportage : Cinéma, cinémas : Jacques Demy tourne Une chambre en ville (1982). DVD 11 : Reportage : Alsace soir FR3 : Sur le tournage de Parking (1985). DVD 12 Documentaire : Jacques Demy ou l'arbre gémeau. Emission : L'art en tête : Portrait de Jacques Demy.



L’avis de Raphaël Lefèvre, Nicolas Maille et Alissa Wenz :

C’est ce qu’il faut bien appeler un événement : un joli coffret vient mettre fin à l’époque de la traque acharnée des projections uniques et des VHS pourries des films de Demy. Si le plaisir secret d’avoir mis la main sur des introuvables disparaît, éclate au grand jour la folle cohérence d’une œuvre pourtant bigarrée ayant renoncé en cours de route à son projet inaugural : cinquante films qui seraient reliés les un aux autres par leurs personnages communs...

Il y a une difficulté à parler de Demy, qui tient à l’écart entre la sentimentalité que son œuvre suscite presque chimiquement et la lecture plus cérébrale que l’on peut donner de son univers torturé. Il y a surtout un risque qui consiste à donner de l’importance à des films au seul titre du rôle qu’ils tiennent dans la cohésion de l’œuvre d’un auteur. Or celle de Demy, l’une des plus belles et des plus passionnantes que le cinéma français nous ait données, est incontestablement inégale, en dents de scie, avec une tendance générale à la pente... Mais que voulez-vous, même en bas de la pente, étourdis, la tête pleine de couleurs, de chansons et de saveurs aigres-douces, on reste heureux. Petit voyage en trois temps dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le demy-monde.



Un moderne très discret

Les courts métrages d’animation contenus dans la première galette du coffret – films de jeunesse perdus et recréés à l’occasion du Jacquot de Nantes d’Agnès Varda – causeront sans nul doute quelque émoi chez les demyphiles, qu’ils soient sentimentaux ou cérébraux. Mais Le Pont de Mauves (évocation du bombardement de Nantes sous forme de dessins tressautant sur pellicule, à la manière d’un Norman MacLaren naïf), Attaque nocturne et La Ballerine (animations de figurines bricolées), s’ils ouvrent une porte sur la psyché du jeune Demy et laissent entrevoir quelque chose des films futurs (le soin apporté au décor, le petit monde menacé par la forclusion), ont peu de chance de passionner les néophytes.

Plus captivant, déjà, est Les Horizons morts, film écrit, réalisé et joué par Demy lors de ses études à l’école Vaugirard. Habilement construit en termes de structure temporelle, de composition des cadres et de contrepoints sonores, il est un rien compassé mais révèle quelque chose de très touchant sur une certaine jeunesse – celle qui, grave, solennelle et douloureuse, à l’opposé de la spontanéité et de l’insouciance des garçons spirituels et libidineux de La Luxure (délicieux épisode du film à sketches Les Sept péchés capitaux), prend la vie, l’amour et la mort très au sérieux. Ce tempérament excessif persistera chez Demy (voir la manière magnifique dont Les Parapluies de Cherbourg transforme la banalité du quotidien et du devenir amoureux en tragédie emphatique), mais prend ici la forme attendrissante, à travers un parcours ténébreux artificiellement touché par la grâce, de l’hommage un peu gauche de l’étudiant au maître admiré – Bresson, en l’occurrence.

Un rapport au religieux dont son cinéma se défera très vite. Ars, évocation de la vie d’un prêtre canonisé (dont Bernanos s’est d’ailleurs inspiré pour Le Journal d’un curé de campagne, adapté – tout se tient ! – par qui l’on sait) touche à un point limite de ce qui deviendra une attitude fréquente du cinéaste : ne pas juger. Ce qui rend le film ambigu, impossible à cataloguer : factuel, hagiographique ou distancié ? Les trois à la fois. Un peu illustratif, aussi, dans le rapport image-son, même si sa manière de ne filmer, sur le récit de la vie de ce curé du début du XIXe siècle, que des décors, des rues vides, des objets, ou à l’inverse les habitants contemporains du village, inscrit Ars dans un sillon cinématographique résolument moderne.

Filmer des lieux dépositaires du passé, Demy s’y livra plus qu’à son tour, s’offrant un travelling chaloupé dans le passage Pommeraye quand Roland Cassard évoque Lola dans Les Parapluies de Cherbourg ou tournant son adaptation de La Naissance du jour à l’endroit même où Colette l’écrivit. Comme dans Ars, on trouve dans cette dernière quelques déconcertantes redondances entre la parole et l’image, dans lesquelles il faut sans doute moins voir un manque de confiance en l’imagination du spectateur qu’une traque des sentiments et des souvenirs dans les objets, les murs, les fleurs, les visages, l’écrit ; une croyance obsessionnelle en la puissance du chromo ; un goût pour le mariage de la trace et de sa mise en scène, de la photo et du coup de pinceau. D’où un montage en flash-backs où le mot flash a tout son sens : celui de bribes de passé, d’images mentales trouant le présent. Reste que lorsqu’il ne filme pas la chose dite, Demy filme le regard qui la dit, et c’est alors deux fois plus beau. Beau comme ces scènes où se donne à voir le travail de l’écriture. Beau comme la voix-off de l’écrivaine sur laquelle vient parfois se poser à l’image, comme des mots sur les notes d’une chanson, la bouche de celle qui l’incarne (Danièle Delorme). Beau comme la façon dont elle exprime le renoncement comme choix individuel, comme assomption d’une sérénité hors des tracas de l’amour et non comme fatalité résignée. Beau comme le respect qui se love dans la fidélité maladroite à l’artiste adaptée.

Colette ne fut pas la seule à être traitée de la sorte : dès ses débuts, Demy adaptait avec déférence Cocteau, le poète-cinéaste tant admiré chez qui il allait trouver une figure-clé de son cinéma, Orphée. Le Bel indifférent marque le début de la plus riche collaboration qui ait jamais existé entre un cinéaste et un décorateur. L’apport de Bernard Evein dans ce film inauguré, comme Le Carrosse d’or de Renoir, par un lever de rideau, est décisif. Murs rouge vif, rideaux verts sapin, peinture fraîche : il y a dans cette chambre en ville où, face à un amant irrémédiablement muet, une femme se débat entre amour et désespoir, humiliation et dignité, vérité et mensonge, une présence indiscutable des corps, des choses et des sentiments. À des lieues de l’interprétation tremblante et impudique de la grande Anna Magnani dans La Voix humaine de Rossellini, adapté du même Cocteau quelques années plus tôt, Jeanne Allard, d’une voix traînante et blasée à mi-chemin entre Maria Casarès et Dominique Sanda, dit le texte et lui donne corps plus qu’elle ne le joue. Moins dévastatrice que chez Rossellini, s’accordant avec la rigueur absolue de la mise en scène – frontale, géométrique, picturale, théâtrale –, la blessure du personnage n’en est que plus poignante.

Demy fut tout à la fois : modeste artisan et artiste têtu, classique flamboyant et moderne timide, homme et femme, puritain et libertaire, conservateur, progressiste et radical… Dans Le Sabotier du Val-de-Loire, où, filmant à la manière de Georges Rouquier des traditions paysannes appelées à disparaître, il se livre surtout à une splendide méditation sur le temps qui passe, frappe une acceptation nostalgique de la nature des choses (« C’est dans l’ordre… ») plutôt étonnante de la part de celui qui, obsédé par la question de la résignation ou du sursaut, deviendrait un cinéaste du pas de côté, de l’hybridation, de l’impureté.

Beauté et force politique de ce cinéma que d’être si difficilement assignable. Dans Le Joueur de flûte cohabitent éloge bien-pensant de la tolérance et conscience aiguë d’un ironique paradoxe : la sortie de l’obscurantisme marqua également l’entrée dans l’ère du capitalisme bourgeois. Drôle de film que celui-là, tourné un an après Peau d’Ane dans une toute autre perspective : à l’interprétation ludique, psychédélique et distanciée du conte de Perrault succède un régime de représentation très anglo-saxon, une sorte de réalisme hollywoodien empreint d’un ton débonnaire à l’anglaise, avec pour seuls anachronismes la guitare et les jolies chansons de Donovan. La plus plate mièvrerie y côtoie la plus folle férocité, la noirceur s’y dissout dans de purs instants de grâce : Demy fut décidément le plus schizophrène des cinéastes.



Les jeux de l’amour et du hasard

Lola, son premier long métrage, est joyeux et mélancolique, sentimental et minutieusement pensé, rempli d’hommages et très personnel – une merveille de fausse simplicité et de nostalgie feutrée, placée sous l’égide de Max Ophüls (auquel le film est dédié), et dans laquelle s’exprime encore (sous une apparence très Nouvelle Vague, mais de manière explicite) l’influence du maître Bresson. Tous les fondements de l’univers de Jacques Demy sont déjà esquissés dans ce conte nantais où le hasard arrange les rencontres, où de très jeunes filles s’entichent de marins de passage, où les mères élèvent seules leurs filles, où l’attente est sans cesse glorifiée, magnifiée. « Vouloir le bonheur, c’est déjà un peu le bonheur », dit Roland Cassard à Lola, son amie d’enfance qu’il a retrouvée par hasard, et qui attend le retour de son premier amour. Le thème de la fidélité, qui sera creusé dans Les Parapluies de Cherbourg, est déjà là, doublé d’une idée qui fait tout le charme du film : celle d’un bonheur d’avant le bonheur, c’est-à-dire d’un bonheur dans l’espoir et le désir mêmes, plus que dans leur éventuel accomplissement. Tout Lola est ici : dans cette attente-désir qui porte vers l’avant, qui donne la force de vivre. Les jalons d’un cinéma à la fois aérien et sérieux, d’une apparente futilité qui, comme celle de son héroïne, n’est que le masque de la grâce, sont déjà posés.

On retrouve Lola – mais une Lola « cassée », disait Anouk Aimée – dans Model Shop, tourné à Los Angeles huit ans plus tard : œuvre amère, à la mélancolie prononcée, qui est aussi le dernier volet d’une série de films dans lesquels on retrouvait, conformément au souhait fondateur de leur auteur, les mêmes personnages. Le film, qui a reçu un accueil glacial aux Etats-Unis comme en France, était pratiquement invisible jusqu’à aujourd’hui. Il est grand temps de redécouvrir ce qui est une pierre de touche dans le petit monde de Demy – parce qu’on y croise à nouveau des noms ou des figures connus, et parce que s’y expriment des thématiques tout à fait caractéristiques. Dans l’un des bonus proposés par l’édition, Benoît Jacquot rappelle la surprenante « radicalité européenne » de ce film tourné aux Etats-Unis, où chacun s’attendait à ce que Demy réalise un musical hollywoodien. Celui-ci, dans un autre bonus, évoque sa volonté de faire un film « très simple, très évident ». Model Shop répond à Lola en reprenant et transformant le thème de l’attente qui y était fondamental : désormais, l’attente est triste, marquée par la peur – peur de la mort pour celui qui s’apprête à partir au Vietnam où il doit effectuer son service militaire – et non par le désir. Dans ce monde qui a perdu ses illusions, il ne s’agit plus de « vouloir le bonheur », mais d’essayer d’être heureux... C’est-à-dire de tenter de créer quelque chose (ce que propose explicitement George à Lola), d’imposer à un monde dont l’on n’est plus dupe quelque chose comme un choix – le choix du bonheur « malgré tout », dit Jacquot. « Always try », martèle George dans les dernières images du film, comme pour s’en convaincre lui-même. Toujours essayer, et ne jamais abandonner la partie.

« Dieu nous préserve des joueurs ! », disait Madame Desnoyers à Roland Cassard dans Lola. Jouer sa vie, prendre le risque, dans un mouvement ambigu qui suppose à la fois l’engagement de son existence entière et l’abandon à ce qui serait une puissance supérieure, hasard ou destin : telle est la démarche décrite et magnifiée par La Baie des Anges, second long métrage de Demy, dans lequel l’héroïne, blonde et non plus brune, mais tout aussi volubile et versatile (elle confond les deux mots) a la vivacité et l’élégance de Jeanne Moreau. Demy disait avoir voulu « démonter et démontrer le mécanisme d’une passion » : le résultat en est un film sombre, assez cruel, qui exploite le thème d’Orphée, primordial dans l’œuvre de Demy. Le collègue qui initie Jean au jeu répond au nom de Caron, et la descente aux enfers qu’amorce ce qui n’est au départ que de la curiosité sera ponctuée par un finale en demi-teinte, plus déchirant que rassurant. Inquiétante fable sur la religion de l’aléa, et la difficulté d’y mêler les sentiments, La Baie des Anges prouve que le thème du hasard, ici creusé jusque dans ses facettes les plus sombres, les plus dangereuses, n’a rien d’innocent chez Demy.

Ses films les plus connus, musicaux, lui ont façonné la réputation d’artiste inoffensif et naïf que l’on connaît. Rien n’est plus faux que cette idée reçue, qui repose généralement sur une équivalence trop rapidement tracée entre chant et légèreté. On ne compte d’ailleurs, dans l’œuvre de Demy, que deux films qui soient effectivement des « comédies musicales », réalisées dans l’esprit du musical hollywoodien. Les Demoiselles de Rochefort, film vu et revu, trop rapidement étiqueté et qu’on ne saurait trop conseiller de revoir à la lumière des autres films, est à la fois un hommage revendiqué à un genre bien précis et une œuvre très personnelle. Le coffret va enfin nous permettre de comprendre qu’il est bon de connaître le Nantes de Lola pour apprécier le Rochefort que les sœurs Garnier cherchent également à fuir ; qu’avoir croisé Mesdames Emery et Desnoyers aide à comprendre Yvonne Garnier ; que les rencontres manquées, omniprésentes dans Les Demoiselles, prennent tout leur sens à la lumière de celles de Lola et Roland (puis George), de Guy et de Geneviève, de Mylène et de Montand. Le deuxième véritable « musical » de Demy est aussi son dernier film : Trois places pour le 26, réalisé en 1988 et mettant en scène Yves Montand dans son propre rôle. Curieusement, c’est à la fois son film le plus récent et l’un de ceux qui ont le moins bien vieilli – la musique de Legrand n’y est pas pour rien. Inégal, ce dernier opus n’en est pas moins sympathique, généreux dans son approche des personnages, audacieux dans les thématiques qu’il entrelace. On lui reconnaîtra notamment un traitement osé du thème de l’inceste – patent dans Peau d’Âne mais présent de manière latente dans bien d’autres films de Demy – et son hommage touchant au cinéma et à la chanson, réunis en la personne mythique – et utilisée comme telle – d’Yves Montand.

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux. On va enfin pouvoir redécouvrir Une chambre en ville, largement boudé par le public à sa sortie en 1982 et souvent resté dans l’ombre depuis. Deuxième et dernier film entièrement chanté de Jacques Demy, Une chambre en ville est plus noir, plus fou, plus radical dans son esthétique comme dans son propos. Grand film malade, qui exacerbe le parti pris d’« opéra populaire » déjà prôné par Les Parapluies de Cherbourg, Une chambre bénéficie en outre d’une jolie édition, qui rend justice à ses couleurs d’une audace splendide, et propose des bonus plutôt intéressants ; on trouve notamment un montage d’images du tournage, mais aussi de l’enregistrement (préalable) de la bande-son. Un autre bonus propose le témoignage de Gérard Vaugeois, critique à L’Humanité au moment de la sortie d’Une chambre, et qui évoque la polémique ayant opposé les partisans du film à ceux de L’As des As de Gérard Oury, sorti au même moment. L’édition des Parapluies de Cherbourg est également soignée : le film est accompagné d’un extrait du documentaire de Marie Genin et Serge July qui était absent de l’édition simple. Film « en musique, en couleurs, en chanté », Les Parapluies marque la rencontre fondatrice d’un cinéaste avec une actrice – Catherine Deneuve, qui trouve ici son premier grand rôle, et qui inspirera Demy pour trois autres longs métrages –, mais aussi avec la couleur (qu’il ne quittera plus) et avec le chant. Le chant quotidien, spontané, qui donne du relief aux mots, en exacerbe les forces et les faiblesses – et qui redonne leur puissance tragique à des situations ordinaires.



Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe...

En tant que gardienne du temple, Agnès Varda a indirectement contribué à entretenir la douce illusion que le cinéma de Demy n’était que pure fantaisie, construisant de ses propres mains la légende via le documentaire L’Univers de Jacques Demy et faisant en sorte de ne pas trop lever la voix sur les productions des années 70/80. Ainsi, à côté des raretés que sont les courts-métrages de jeunesse, ce coffret est également l’occasion d’apprécier trois long-métrages (L’Evénement..., Lady Oscar et Parking) trop longtemps restés dans le placard. Après avoir déguisé Cherbourg et Rochefort, le cinéaste s’est aussi amusé à travestir les genres, à débrider les sexualités et à se pervertir d’inspirations souterraines. Terrain idéal pour les gender studies, ces intentions sont stimulantes quoique pas totalement assumées, et du trio, seul Lady Oscar parvient à convaincre. Devant ces quelques ratés, le spectateur devient alors le témoin privilégié d’une œuvre qui bute, tâtonne et se retrouve à deux doigts de l’impasse, voire de la stérilité.

L’Evénement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune n’est pas seulement l’un des titres les plus longs de l’histoire du cinéma français : c’est aussi l’une des tentatives les plus queer du cinéma populaire des années 70. Il fallait oser s’attaquer ainsi au couple mythique de l’époque (Deneuve-Mastroianni) pour titiller sa sexualité ! Présent en filigrane dans Les Demoiselles de Rochefort par l’intermédiaire de Monsieur Dame, l’homme-femme passe enfin du stade d’Idée à celui de réalité, et voilà un homme... enceint. Demy se détache de la comédie musicale et s’amuse d’une sympathique screwball comedy réalisée comme un pied de nez à Agnès Varda, féministe dans l’âme et accessoirement enceinte de Mathieu. Le film ne parvient jamais totalement à dépasser le stade de la pochade, même si Demy décale parfois son sujet pour tenter çà et là une critique de la médiatisation via le personnage de Catherine Deneuve. Les séquences les plus convaincantes sont ainsi celles où Demy se laisse aller à une ironie grinçante, comme dans ce passage où le couple assiste à un concert de Mireille Mathieu, numéro de chanson populaire que Demy désacralise en y faisant ressentir à Marcello Mastroianni ses premières nausées, l’obligeant à quitter la salle... Trente ans après, L’Evénement n’en est plus vraiment un, et l’on se dit que le film a plutôt mal vieilli tant au niveau du discours que de son esthétique : trop de fourrures improbables et de fleurs aux tentures ! Mais son défaut principal est d’avoir peur de son sujet, au point d’avorter l’histoire avant son terme. Au final, la grossesse de Marcello Mastroianni n’était qu’une illusion, là où les premières versions du scénario envisageaient un accouchement en bonne et due forme. Demy ou l’art d’un cinéma autophage qui rompt le charme en cours de route et laisse un goût amer d’inachevé.

Mal perçu à l’époque, trop en avance sur les problématiques proposées mais finalement trop tiède dans leur traitement, L’Evénement fut un échec critique et public cuisant, obligeant Demy à habiller ses personnages avec des capitaux étrangers : film de commande financé par une marque de cosmétiques nippone, Lady Oscar a complètement intégré le fait d’être destiné à un public étranger (le film n’a guère été exploité sur notre territoire) et joue donc délibérément la carte du pittoresque en traitant l’histoire de France comme un grand livre d’images animées. Il serait pourtant injuste de réduire Lady Oscar au simple rang de curiosité exotique. Occasion d’entr’apercevoir Lambert Wilson dans l’un de ses premiers rôles, cette adaptation française en langue anglaise du manga Rose of Versailles manie relativement bien les péripéties. Demy nous gratifie également de quelques morceaux de bravoure, comme ce travelling circulaire porté par le lyrisme de la partition de Legrand lorsque Marie-Antoinette retrouve son amant Fersen. Les bonus du DVD nous permettent d’ailleurs de voir Demy à l’œuvre dans des images de tournages très rares.

Le renversement des genres entamé dans L’Evénement Lady Oscar en fait son postulat de départ : comme dans les contes de fées, il a suffi qu’un père dise « ma fille, tu seras un garçon » pour que naisse un nouveau chevalier d’Eon au service de la cour, engendrant son lot de quiproquos, de relations ambiguës et de baisers homosexuels. Avec Lady Oscar, le cinéma de Demy accède enfin à un certain degré de sexualité(s) mais comme toujours, le travestissement ne peut-être que de courte durée et l’ambivalence sexuelle se voit rattraper par la bienséance. A l’instar de L’Evénement, le charme se rompt rapidement et c’est seul(e) dans sa chambre qu’Oscar découvre la nudité de son corps de femme.

Comme beaucoup de films de Demy, Lady Oscar est une marche vers la clairvoyance, celle qui fait comprendre aux garçons qu’ils sont des femmes et aux reines que le peuple meurt de faim... Le côté vignette de la reconstitution historique participe de cette problématique. Comme dans Les Parapluies de Cherbourg où la ville décalée par les couleurs et la musique était une projection de l’univers mental de Geneviève et de Guy, le Paris révolutionnaire et édulcoré de Lady Oscar peut être appréhendé comme le théâtre intérieur de Marie-Antoinette. Et comme dans Les Parapluies, l’ironie tragique est en marche dès les premières images. Si Marie-Antoinette veut faire de sa vie un spectacle de marionnettes en carton-pâte, son royaume illusoire est d’emblée voué à la perte : le temps défile sur les images et se fait de plus en plus pressant, d’abord les années, puis les mois, puis les dates, et la prise de la Bastille.

Troisième film « parisien » du cinéaste nantais, Parking est également le plus bâtard. Demy lui-même n’hésitait pas à renier cette œuvre de sa filmographie. Kitsch dans le mauvais sens du terme (l’enfer en bleu et rouge traduit davantage un manque de moyens qu’un réel parti pris esthétique), souffrant d’une monumentale erreur de casting (Francis Huster, peu crédible dans le rôle d’une rock star, n’a jamais été aussi insupportable, seuls Jean Marais et Marie-France Pisier parviennent à tirer leur épingle du jeu) et d’une partition de Legrand oubliable (mis à part le thème principal tout en envolées lyriques), Parking intéresse finalement plus par ce qu’il aurait pu être que par ce qu’il est réellement.

Aux origines, Demy se serait bien vu explorer les terres de L’Homme blessé, il rêvait aussi d’un hommage à John Lennon/Yoko Ono, et pourquoi pas de ressusciter le mythique Orphée sous les traits de David Bowie. De Monsieur Orphée (l’un des premiers titres envisagés) à Parking, le projet a énormément dévié, victime à la fois des aléas de la production mais aussi du manque de confiance de Demy en ses inspirations souterraines – inspirations underground, devrait-on dire. Il est la preuve que le cinéma de Demy est alors dans une voie de garage qui l’empêche d’assumer complètement noirceur et transgression. D’où cette impression d’avoir plus que jamais affaire à une œuvre inaboutie, à cheval entre deux inspirations à l’image d’Orphée partagé entre Eurydice et son ingénieur du son. Pourtant, jamais – sinon dans Une Chambre en ville – Demy n’avait tenté de se mettre autant à nu. Il évoque la crise de son couple à travers Orphée et Eurydice, affronte face caméra le thème de l’homosexualité latent dans tout son cinéma. Mais autant L’Evénement ou Lady Oscar traitaient avec une certaine légèreté l’ambivalence sexuelle et le retournement des genres, autant Parking traduit une sexualité douloureuse et coupable. Au baiser entre Orphée et Calaïs, la magie inconsciente du montage fait succéder la mort empoudrée et ampoulée d’Eurydice. La question reste alors en suspens, de savoir si cette sexualité coupable qui peine à s’assumer en écriture et en images ne serait pas à l’origine de l’inhibition d’un Minnelli qui se rêvait Fassbinder...

Une chose est sûre en tout cas : revoir Parking à la lumière des autres œuvres de l’intégrale donne à ce film musical en mode mineur un semblant de profondeur et d’intérêt. Il était presque trop attendu que le cinéma de Demy assume un jour sa rencontre avec Orphée, tant le mythe traverse les films antérieurs, se glissant dans l’enfer du jeu de La Baie des Anges, parasitant le départ de Guy pour l’Algérie (« Je m’éloigne de toi, ne me regarde pas »). Mais après tout, pour reprendre les mots de Camille Taboulay, Demy lui-même n’était-il pas perçu comme un Orphée du cinéma, « voyageur d’entre-deux mondes » ?



Suppléments

Etant donnée la beauté de l’objet, on était en droit d’attendre beaucoup des « boni ». Légère déception, surtout lorsque les intervenants, dont on espère une véritable lecture (subjective ou érudite) des films, se livrent davantage à la description, à l’anecdote ou à l’exercice d’admiration qu’au commentaire éclairant. A quelques exceptions près : Benoît Jacquot, Agnès Varda sortent du lot, cette dernière avec des propos inévitablement sentimentaux mais pudiques et sensés. Elle se dit notamment contente que Demy se soit intéressé à la psyché féminine, qu’il ait adapté la seule œuvre qu’elle aurait adaptée si elle ne s’était fixé comme règle de toujours écrire elle-même pour le cinéma. Quant aux lectures du livre de Berthomé par Mathieu Demy, leur intérêt est divers mais ne dépasse jamais celui des textes mêmes. Peut-être le fils du cinéaste aurait-il pu paraître à l’image afin de rendre plus vivantes, plus touchantes ces lectures. Les plus sympathiques restent sans doute les documents d’époque, comme les interviews de Jacques Demy ou les images du cinéaste au travail.

A noter, enfin, qu’un CD précieux accompagne les films : il compile maquettes de travail et séances d’essai des chansons que Michel Legrand mit en musique pour Demy. A écouter comme telles, donc, comme la petite cuisine des produits finis que l’on connaît. Comme il est poignant d’entendre les sobres versions de trois chansons des Parapluies interprétées par Michel Legrand et sa sœur Christiane, qui font ressentir la nouveauté absolue du genre cinématographique et musical que Demy et Legrand inventaient ensemble ! Comme il est étrange et amusant d’entendre un texte connu chanté sur des mélodies inconnues – ou plus encore, sur des mélodies aujourd’hui attachées à d’autres textes connus... La musique de Trois places pour le 26, avec son utilisation calamiteuse de la boîte à rythmes d’un synthé ringard, s’avère, sans surprise, toujours aussi insupportable. Mais la surprise vient d’une chanson non retenue au tournage de ce dernier film : Ensemble, bijou lyrique sur les promesses d’amour non tenues et la volonté de vieillir à deux pour ne plus faire qu’un, vient clore le CD sur une note des plus émouvantes.

Pour plus d’informations :

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Fiche technique :

Avec Grégoire Colin, Michel Subor, Denis Lavant, Nicolas Duvauchelle, Dan Herzberg et Gianfranco Poddighe.
Réalisation : Claire Denis. Scénario : Claire Denis et Jean-Pol Fargeau. Images : Agnès Godard. Montage : Nelly Quettier. Son : Jean-Paul Mugel. Musique : Eran Tzur.
Durée : 90 mn. Disponible en VF.



Résumé :

Djibouti, an 2000, l’adjudant-chef Galoup mène ses légionnaires avec enthousiasme sous l’œil bienveillant du capitaine Forrestier. Débarque une nouvelle recrue, le jeune et mystérieux Sentain... Cette aventure, au sens premier du terme, s’inscrit dans le récit au passé par l’intermédiaire du journal intime de Galoup, exilé à Marseille, exclu de la Légion à cause d’une faute de commandement, une désobéissance qui a consisté à mettre en danger le soldat Gilles Sentain. Le film raconte cette histoire.
L’Eden perdu prend le visage de la légion, mais c’est aussi celui de la jeunesse et de la beauté forcément égoïste, aveugle et tentatrice. La beauté comme la jeunesse sont des utopies, des lieux qui n’existent que dans un autre temps, une autre configuration. Elles ne prennent corps que parce qu’elles sont à jamais inatteignables et que leur perte est une souffrance inextinguible. Elles manquent et sont recomposées sans fin par le travail masochiste de la mémoire. Ces carnets sont lus en voix off par le sous-officier qui se projette ainsi en quelque sorte le film de sa déchéance. Cette voix est presque la seule que l’on entend, tant sont rares les dialogues.


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L’avis de Voisin Blogueur :

Un beau travail, l'armée ? L'idée pourra paraitre farfelue pour certains mais c'est pourtant bien la pensée de Galoup (Denis Lavant), un homme solitaire et accessoirement le personnage principal du film. Beau travail constitue le récit de ses mémoires, lui qui était un adjudant fasciné par son chef. On comprend au son de sa voix mélancolique que quelque chose est arrivé. Comment Galoup en est-il arrivé à être hors jeu, loin de sa troupe du Golfe de Djibouti ?

Claire Denis nous donnerait presque envie de nous engager dans l'armée : son film est tout simplement d'une beauté à couper le souffle. C'est un film qui transpire le désir. Le désir de servir son pays, le désir de reconnaissance, de respect, le désir vers le sexe opposé, le désir de confrontation. Et bien sur le désir de filmer de la réalisatrice qui se sent et émerveille. Au milieu du Golfe, les corps masculins suent et travaillent, se préparent à d'éventuels conflits. Comme l'eau du Golfe, ils sont toujours en mouvements. La réalisatrice nous propose de nous perdre, de voguer dans les mémoires de Galoup, faites de bons souvenirs et de regrets, de peurs. Parfois on s'y perd, parfois on sent la lenteur. Mais jamais la beauté ne quitte l'écran. À un tel point que l'on croit bien être devant une œuvre d'art à part entière.

Les plans se succèdent, de plus en plus beaux, les corps passent, bougent, magnifiquement chorégraphiés. C'est comme un ballet plein de poésie. Le quotidien des membres de la légion étrangère transcendé par la caméra d'une cinéaste inspirée. Une façon libre et audacieuse d'évoquer un sujet pas forcément facile, de faire du cinéma. Rapidement, Beau travail dépasse son étiquette initiale de « film sur la guerre » pour devenir plus globalement une histoire d'hommes et particulièrement le portrait et le destin d'un homme. Désir, rivalité, amitié, pouvoir, secrets : des émotions et des relations basées sur des nuances et mises en avant par des acteurs qui livrent des prestations on ne peut plus éblouissantes. Embarquer dans ce film de Claire Denis, c'est s'attendre à quelques escales un peu longues mais qui permettent au final de vivre une expérience cinématographique singulière. Un beau travail.


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L’avis de
Bernard Alapetite :
Beau travail demande au spectateur un petit effort pour s’immerger dans ce film presque muet aux somptueuses et hypnotiques images, mais il sera récompensé de sa peine. Le scénario est la transposition très libre par Claire Denis et Jean-Pol Fargeau du Billy Bud (Gallimard) de Melville, de nos jours, dans le milieu de la Légion Étrangère à Djibouti. C’est un retour aux sources pour claire Denis avec ce film situé sur le sol africain, territoire de son premier long métrage : Chocolat en 1988. La référence au roman est renforcée par l’utilisation, comme musique du film, d’extraits de Billy Bud, l’opéra de Britten (livret de E. M. Forster). On reconnaît sans peine les homologues des personnage du roman de Melville. Le capitaine Vere devient Bruno Forrestier (Michel Subor), paternel mais inflexible. Claggart se transforme en Galoup (Denis Lavant), persuadé que dans chacun est tapi le mal, jaloux et amoureux (?) de Billy Bud, ici le soldat Gilles Sentain. Claire Denis n’est pas avare de références. Comme le clin d’œil cinématographique qui ressuscite le personnage disparu du  Petit soldat en donnant à Michel Subor le même patronyme qu’il avait dans le film de Jean-Luc Godard. Ainsi, le rôle est lesté de toute la mémoire de la guerre d’Algérie. Le petit soldat godardien a pris du galon, il est devenu commandant. Le sous texte se fait parfois un peu pesant, par exemple le nom du soldat : Sentain... Dans ce miroir sans tain (Lacan à nous !!), Galoup projette ses fantasmes et frustrations jusqu’à la folie. L’interprétation de Grégoire Colin est parfaite, comme toujours. Mais contrairement à la description du personnage qu’en fait Melville, il a plus de sensualité que d’angélisme, ce qui modifie le regard que l’on porte sur les personnages par rapport à ceux du roman. On peut penser que Galoup a été jadis, un peu comme Sentain l’est aujourd’hui, le favori de Forrestier et que sa haine pour le garçon vient qu’il ne veut pas partager « son » capitaine avec lui ; mais aussi que le garçon est le révélateur de son vieillissement, qui aura comme corollaire inexorable son exclusion de sa seule famille : la Légion.

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Toute la distribution est remarquable et l’on a la joie de revoir deux grands acteurs : Denis Lavant et surtout Michel Subor, bien trop rare sur les écrans (il est le méchant homo dans Le Rebelle de Gérard Blain). Mais je voudrais revenir plus particulièrement sur Grégoire Colin.

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Grégoire Colin est doublement un cas rare dans le cinéma. En effet bien peu d’acteurs ayant commencé leur carrière préadolescent sont toujours devant les caméras dix ans après. Il est encore plus rare qu’un acteur soit érotisé dès son premier rôle important (il était déjà apparu dans Le Silence d’ailleurs de Mouyal, l’année précédente) et cela préadolescent, en 1991, dans L’Année de l’éveil. Dans lequel, à 14 ans, il aguichait son moniteur de sport et se faisait déniaiser par la femme de celui-ci. La même année, on le retrouvait avec plaisir dans Olivier, Olivier d’Agnieszka Holland, en ancien prostitué qui se faisait passer auprès d’une famille pour leur fils, disparu des années auparavant. Puis ce sera entre autres La Reine Margot, Pas très catholique, Le Fils de Gascogne dans lesquels son potentiel érotique était mis sous le boisseau. En 1995, Grégoire Colin affolait déjà un militaire dans Fiesta de Boutron, en la personne de Jean-Louis Trintignant qui chargeait beaucoup son rôle de vieille ganache franquiste et pédéraste. Il était toujours aussi sensuel en frère, presque incestueux, dans Nénette et Boni ou dans La Vie rêvée des anges et bien sûr dans le Sade de Benoît Jacquot. Depuis sur les écrans, il a joué dans des films moins exposés comme en 2002 l’intéressant La Guerre à Paris de Yolande Zauberman.

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Beau travail étant une sorte de ballet cinématographique, Claire Denis a mis à contribution le chorégraphe Bernard Montet qui a composé son « peloton » d’une hétérogénéité comparable à celle de la Légion. Il y a des acteurs, des danseurs, un chanteur d’opéra adepte des arts martiaux, et des hommes qui n’avaient jamais eu de contact avec le cinéma ou le monde du spectacle auparavant. Leurs origines ethniques sont elles aussi des plus diverses. Il y a des arabes, des français, des africains, un grec, deux italiens, un russe, un asiatique... Cette quinzaine d’acteurs constitue en quelque sorte la troupe du film.
La réalisatrice a construit tout son film sur un matériau que la plupart des cinéastes jugeraient trop ténu : gestes fugitifs, petits moments arrachés au temps, échappant presque entièrement à l’intrigue.

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La première grande idée du film est d’avoir trouvé un équivalent parfaitement melvillien à l’océan dans les paysages désertiques de sable, de rocs et de sel de la Corne de l’Afrique, magnifiquement photographiés par Agnès Godard, déjà responsable de la photographie de J’ai pas sommeil et sans doute le plus grand chef opérateur du cinéma français d’aujourd’hui. Elle a reçu le César 2001 de la meilleure photo pour le film. La minéralité tranchante de ces paysages forme un contraste saisissant avec les corps à demi nus des hommes offerts dans toute leur sensualité. Jamais au cinéma, depuis Leni Riefenstahl et Murnau, le culte du corps masculin n’avait été porté aussi haut. L’homosexualité latente est omniprésente ; en cela Beau travail est fidèle à l’esprit de Melville dont elle irrigue toute l’œuvre.

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La seconde est d’avoir fait du film un ballet en demandant à un chorégraphe, Bernardo Montet, d’en quelque sorte co-diriger le long métrage. La caméra caresse les légionnaires lors de « danses » où l’expression corporelle remplace les dialogues. Le désir ne s’exprime que par demi mots et que par des regards volés à une hiérarchie militaire implacable, ce qui donne une espèce de ciné-poème sorti d’un carton à dessins ou d’un carnet de croquis, où les mots, les rythmes et les corps concourent à une sorte d’harmonie érotique. Beau Travail est avant tout une promenade sensuelle sur les corps de ces hommes éperdus d’ennui dans une lumière omniprésente et changeante. L'entraînement militaire se transforme en danse contemporaine, illustrant le désir homosexuel. On peut regretter que, contrairement à Tabou d’Oshima avec lequel Beau travail partage bon nombre de thèmes et de partis pris esthétiques, le film reste du côté de la contemplation, du désir, du non-dit, du non résolu. Contrairement  au film japonais qui aborde l'homosexualité frontalement en la considérant de manière à la fois franche, ironique et tragique, Beau Travail ne franchit jamais le seuil de l'explicite et de l'avoué. Le film est aussi consumé par l’espace dans une sorte d’extase sereine : chaque corps, animé ou non, chaque image de ciel, chaque centimètre carré de terre brûlée par le soleil y prend une étonnante densité. Claire Denis sait ce qu'il y a montrer (ou pas). C’est finement ciselé, poli par la précision des cadrages, des mises en scène. Dans l’enchevêtrement des monologues si brefs, on pense souvent à des aphorismes, à des haïkus tragiques. Il y a même des passages mystiques avec un zeste de kitsch géographique...
Le film adopte le point de vue même de la Légion, qui se vit comme une sorte de cocon. Hommes, veufs de la guerre, qui évoluent en marge du monde colonial qu’ils côtoient quotidiennement, mais qui ont perdu leur utilité et leur identité. Tout conduit au complet abandon physique qui conclut Beau travail.

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Le film est à l’origine une commande d’Arte, initiée par Pierre Chevalier alors responsable des fictions de la chaîne. Claire Denis n’a reçu aucune aide de la Légion, bien au contraire. Notamment parce que dès l’arrivée de l’équipe à Djibouti, une rumeur a couru comme quoi le film serait un porno pédé ! Dans la Légion, la terreur paranoïaque de l’homosexualité est très présente et d’une grande violence. La plus grande injure du légionnaire est « schmoul », c’est-à-dire « pédé » !
France Télévision a édité le DVD, avec en bonus le commentaire de Claire Denis, Denis Lavant et Bernard Montet.
Pour plus d’informations :

 

 



Fiche technique :

Avec Sean Penn, Josh Brolin, James Franco, Diego Luna, Emile Hirsch  Alison Pill, Victor Garber, Denis O'Hare, Joseph Cross, Stephen Spinella, Lucas Grabeel, Brandon Boyce, Howard Rosenman, Kelvin Yu et Jeff Koons. Réalisation: Gus Van Sant. Scénario : Dustin Lance Black. Directeur de la photographie : Harris Savides. Compositeur : Danny Elfman.

Durée : 128 mn. Actuellement en salles en VO, VOST et VF.



Résumé :

Harvey Milk (Sean Penn) est un des premiers élus américains ouvertement gay. En novembre 1978, ce conseiller municipal de 48 ans est assassiné à San Francisco avec le maire de la ville George Moscone à l'Hôtel de Ville par un autre politicien, Dan White (Josh Brolin). Le film commence alors que Milk, qui habite New York, fête ses 40 ans. Il décide d’aller à San Francisco pour vivre ouvertement son amour avec son partenaire. Il y ouvre un magasin de photo dans Castro Street, le cœur du quartier gay de la ville dans lequel il s’impose bientôt, grâce à son activisme pour la cause gay, comme un personnage incontournable. Il devient le mentor de jeunes activistes comme Cleve Jones (Emile Hirsch). Il se présente sans succès deux fois aux élections municipales. Mais il devient néanmoins de plus en plus populaire, au point que sa réputation s’étend bien au-delà de la ville. Son insistance à vouloir être élu, ce qu’il parvient à faire à son troisième essai détruit le couple qu’il formait, depuis son installation à San Francisco, avec Scott Smith (James Franco). Pourtant après son assassinat, c’est Scott qui s’est occupé de l’héritage et de toutes les affaires ayant trait à la succession. La deuxième moitié de la vie de Scott Smith a été consacrée à préserver la mémoire de Harvey. Quand démarre sa quatrième campagne électorale, Harvey Milk est en couple avec Jack Lira (Diego Luna).



L’avis de Bernard Alapetite :

Avec Milk, Gus Van Sant démontre qu’il peut faire une réalisation cinématographiquement propre quand il se met au service de son sujet ; voilà 15 ans qu’il rêvait de réaliser ce film, et oublier ses velléités auteuristes.

Néanmoins ce cinéaste me parait être l’un des plus surestimés du moment. Son meilleur film, et de beaucoup, Gerry, doit plus à ses deux acteurs scénaristes, Cassey Affleck et Matt Damon, qu’à son réalisateur.

Dès les premières séquences de Milk, en souvenir des précédents films de Gus Van Sant, on est surpris de leur classicisme.

Avant tout, il me parait utile de situer historiquement cette tranche de vie. Lorsqu’elle débute, en 1970, Richard Nixon est président des États-Unis. En 1974 il démissionne (on voit dans le film comment l’affaire Watergate dans la dernière année de la présidence Nixon était une sorte de feuilleton quotidien). Gérald Ford lui succède ; en 1976, ce dernier est battu par Jimmy Carter. La guerre du Viet Nam prend fin en 1973. Dans la nuit du 27 au 28 juin 1969 ont eu lieu les émeutes de Stonewall et quand Harvey Milk s’installe dans Castro Street, le quartier autour est encore majoritairement peuplé d’ouvriers. C’est le tout début d’une sorte de “gentryfication” gay de cette partie de San Francisco... C’est par l’évocation de la naissance de ce célèbre quartier gay que le film est le plus attachant. La réalisation de ce pan du film a certainement été la motivation principale de Gus Van Sant. C’est ce qui transparait dans ses déclarations : « À l’époque, Castro était un refuge. Des enfants homosexuels, qui avaient été jetés dehors de chez eux par leurs parents, s’y présentaient. Des gays de partout dans le monde y venaient... Une fois que Castro est devenu un quartier de référence, un point de convergence, il a été important d’avoir une personne qui parlait au nom de tous ces gens. Et Harvey Milk était l’une des personnes qui parlait directement au nom des habitants de Castro... Les témoins de l’époque m’ont d’ailleurs raconté que, dès qu’un incident survenait, dès qu’il se passait quelque chose dans le quartier, Harvey Milk était là, en avant, à s’occuper de tout... La ville de San Francisco est indissociable de Milk. Nous avons tourné devant le Capitole, dans Castro, etc. Le tournage s’est déroulé dans tous les lieux significatifs de la ville. »



Le film commence sur un cri perçant le silence d’un homme entre deux âges, cachant son visage derrière un journal pendant une incursion de police dans un bar gay, puis il jette le contenu de son verre directement dans l'objectif de la caméra du journaliste des actualités. Dans la séquence suivante, un homme d’une quarantaine d’années parle dans un magnétophone très daté années 70. C'est Harvey Milk prononçant une phrase empruntée au Sunset boulevard de Billy Wilder : «  Ceci doit être écouté seulement si ma mort était causé par un assassinat… »

Pour raconter la vie du célèbre militant de 1970 à sa mort, le réalisateur use donc d’un procédé des plus traditionnels, le héros dicte ses mémoires au magnétophone. Ce qui permet d’utiliser une voix off “naturelle” au cours du film. Ce stratagème, qui peut paraître convenu, est pourtant tiré de la vie même d’Harvey Milk. Ce dernier avait envisagé qu’il pouvait être assassiné en raison de son militantisme pro gay qui lui valait quelques solides haines. Il avait enregistré plusieurs cassettes audio. Elles devaient être écoutées si un des fanatiques qui le menaçaient passait à l’acte. L'une de ces cassettes contenait cette phrase qui deviendra célèbre : « Si une balle devait traverser mon cerveau, laissez-la briser aussi toutes les portes des placards. » (“If a bullet should enter my brain, let that bullet destroy every closet door”). Milk faisait référence aux homosexuels qui cachent leur préférence et craignent de faire leur coming-out (la sortie du placard).



Si ces commentaires au magnétophone évitent au cinéaste des reconstitutions aussi couteuses que difficiles à réaliser, il l’oblige à mettre à l’écran l’image récurrente et statique du comédien débitant son texte d’une voix atone dans un micro. Ce plan, très laid et peu cinématographique, casse le rythme du film qui ne semble souvent n’être que l’illustration des paroles de Milk/Penn. Gus Van Sant aurait du superposer plus souvent au texte débité par Sean Penn des images d’époque que par ailleurs il mêle habilement aux prises de vues d’aujourd’hui. L’atmosphère du Castro Street de la fin des années 70, que j’ai eu la chance de connaitre, est bien évoquée.



Le film n’est jamais aussi bon que lorsque Gus Van Sant laisse jouer ses acteurs et donne aux séquences une longueur suffisante, comme celle narrant la première campagne électorale de Milk, où ils peuvent s’exprimer. Malheureusement souvent le montage haché tue à la fois le romanesque du film et son aspect documentaire. Rien n’a le temps de s’installer.

Sean Penn a réussi à se faire la tête d’Harvey Milk. Il est impressionnant de vérité et mérite son Oscar. Le rôle de Daniel White, l'assassin de Milk, qu’interprète Josh Brolin avait d'abord été proposé à Matt Damon qui l’a refusé.

La reconstitution des années soixante-dix est soignée, même si comme à l’habitude cela rutile un peu trop et que les looks sont un peu caricaturaux comme si sous prétexte que cela se passe en 1978 chacun s’était mis fissa à la mode du jour.

Gus Van Sant, en bon communautariste, s’est surtout intéressé dans la vie de Milk au militant gay. On sait en définitive peu de chose sur le Harvey Milk d’avant 1970. Sa rencontre avec son futur amant Scott Smith (James Franco) dans le métro new-yorkais et la plaidoirie pour qu’il connaisse le sexe avant quarante ans au joli garçon laisse perplexe (autant le jeune homme que le spectateur) tant la façon dont cette scène est présentée ne parait pas crédible.



Le film est sorti juste pour le trentième anniversaire de la mort d’Harvey Milk. Le moment était en outre bien choisi car toute la communauté gay se mobilisait alors contre la proposition 8 qui interdisait le mariage gay en Californie. À la première de Milk au Castro Theater de San Francisco le 29 octobre 2008 (presque en face d’où Harvey Milk tenait son magasin de matériel photographique), les acteurs, scénaristes et producteurs du film ont arboré le badge rouge vif « NO 8 ». Cette situation de conflit et de revendication n’était pas sans rappeler les combats du militant gay qu’était Harvey Milk. Durant les onze mois durant lesquels il a été conseillé municipal de San Francisco, il s'était opposé aux lois homophobes alors en vigueur aux États-Unis. Il soutint un projet de loi pour les droits des homosexuels et surtout il s'opposa à la Proposition 6, un projet de loi du sénateur Briggs soumis à référendum, qui aurait autorisé le licenciement des enseignants ouvertement homosexuels.

Le procès du meurtrier a connu un grand retentissement et a encore accru la célébrité de Milk. Son assassin n’a été condamné qu'à 7 ans et 8 mois de prison. Le jury n’a pas retenu la qualification de meurtre mais seulement celle d’homicide involontaire. Dan White fut considéré comme irresponsable de ses actes à cause d’un abus… de nourriture ! L’énoncé du verdict déclencha des émeutes dans San Francisco. Elles furent durement réprimées par la police. Elles sont connues sous le nom d' « Emeutes des nuits blanches ».

La vie d'Harvey Milk a déjà inspiré un opéra, plusieurs chansons et des pièces de théâtre. Un film, The Times of Harvey Milk, a été réalisé en 1984.



Cette biopic un peu terne, à la réalisation un peu scolaire (mais c'est le genre qui veut cela) est bien utile pour la connaissance de l’histoire du mouvement gay, comme l’est Stonewall de Nigel Finch dont malheureusement Milk ne possède pas la fraicheur. Mais le film est transcendé par l'interprétation de Sean Penn, véritablement habité par son personnage.

Nota : Je n'ai vu ce film qu'en anglais, je n’ai donc certainement pas compris certaines subtilités des dialogues, en outre je n'ai visionné Milk que sur le petit écran de mon ordinateur, ce qui n'est pas l'idéal pour juger de la qualité de ses images...



L’avis de Voisin Blogueur :

Gus Van Sant se penche sur le destin d’Harvey Milk (Sean Penn), premier homme ouvertement gay à avoir été élu à des fonctions officielles. Huit années dans la vie de ce personnage charismatique qui va passer de banal gay acceptant tête baissée les brimades de la police à un militant combatif et de plus en plus influent. De la rencontre avec l’homme de sa vie, Scotty (James Franco) à ses premières élections difficiles, ce biopic engagé retrace aussi et surtout la naissance d’une communauté homosexuelle qui demande l’égalité. Bienvenue dans la Californie des années 70, pas très ouverte à la tolérance…

Le cinéaste Gus Van Sant revient à Hollywood pour réaliser une histoire qui lui tient à cœur, celle d’Harvey Milk. La réalisation est très sobre mais assez élégante et le scénario (signé Dustin Lance Black, oscarisé en cette année 2009) bien fichu. Mais ce que l’on retiendra surtout c’est bien sûr l’interprétation de Sean Penn (lui aussi primé pour ce projet). Acteur caméléon, artiste total, il EST Harvey Milk. Beaucoup de justesse dans ce rôle habité qui offrira un bon lot d’émotions aux spectateurs. On connaît certes déjà la fin tragique, annoncée dès les premières minutes, et pourtant le cinéaste parvient à rendre le tout très haletant, nous donne envie de croire que notre bas monde n’est pas si mauvais.



Portrait d’une société arriérée, dénonciation d’une Église catholique, de ses représentants et fidèles fanatiques qui appellent au mépris de la différence plutôt qu’à l’amour de son prochain, ce film résonne malheureusement avec notre société actuelle. Alors, certes, les choses ont bien changé depuis. Mais quand on voit les propos de notre cher Pape actuel et de certaines personnalités politiques, on se dit qu’il y a encore bien du chemin à faire pour que tout le monde vive sur un pied d’égalité. Éternel et triste débat. Van Sant pointe du doigt l’amalgame atroce entre homosexuels et pédophiles, employé pour stigmatiser les gays comme des déviants, des personnes ayant opté pour le mal, alors que c’est bien connu, on ne choisit pas sa sexualité.

Je l’avoue, c’est un film qui m’a fait vibrer, étant gay moi-même. Et qui m’a aussi, forcément, fait froid dans le dos. Pour ce qui est de l’œuvre elle-même, il y a un côté académique mais le réalisateur peut s’appuyer sur un récit extrêmement fort et a su choisir un casting assez fabuleux. Il est également important de souligner que Harvey Milk évite le manichéisme : l’assassin de Milk étant plus montré comme une victime, un homme faible qui craque sous la pression, que comme un bourreau sans cœur. Le passage de l’assassinat n’est d’ailleurs pas sans rappeler un certain Elephant. Même s’il signe une œuvre très universelle et qui a pour espoir d’amener à réfléchir un grand public encore soumis à de gros préjugés, Gus Van Sant laisse sa trace, filmant les acteurs avec un réel désir (ah les photos de James Franco…) et livrant un énième long-métrage sur une personne en marge de la société, qu’elle le veuille ou non.

Propos fort, œuvre engagée et accessible, ode au militantisme, Harvey Milk est une œuvre à voir. Ne serait-ce que pour honorer la lutte de cet homme que l’Histoire a plus ou moins omis de mettre vraiment en lumière.



L’avis du Dr Orlof :

Je m'y attendais ! Je sentais qu'il ne fallait pas aller voir ce film ! J'en avais vu la bande-annonce et j'avais alors eu le sentiment que tout était déjà dit. Effectivement, le nouvel opus de Gus Van Sant (pincez-moi : c'est bien lui qui a réalisé Elephant ?) est un biopic qui déroule son programme convenu de A jusqu'à Z en suivant les traces du premier élu américain ayant affiché publiquement son homosexualité, de ses débuts de militant jusqu'à sa sanctification (comme chez Eastwood, le héros se sacrifie pour le bien de la communauté).

Sean Penn incarne avec une certaine conviction Harvey Milk même si son interprétation a presque quelque chose de « redondant » tant les récentes prises de position publiques de l'acteur semblent se superposer à celles du personnage.

Voilà donc Sean Penn en héraut du progressisme et de l'avancée de la démocratie. Il y aurait beaucoup à dire sur les enjeux « idéologiques » du film et j'avancerai volontiers, à propos de l'homosexualité, ce que je disais dans ma cave à propos du féminisme : autant j'admire les pédés flamboyants qui se sont élevés en tant qu'individu contre l'infamie des conventions sociales (un toast à Oscar Wilde, Jean Genet, Fassbinder, Pasolini, Guy Hocquenghem et tant d'autres), autant je méprise royalement les revendications purement communautaristes et ce fonctionnement en lobby dont Harvey Milk est l'un des précurseurs (voir à ce propos l'infâme démagogie de certains élus qui ont fait récemment leur « coming out » en prenant la pose du progressisme alors qu'ils ne risquent absolument plus rien, l'homosexualité étant, et c'est tant mieux !, globalement acceptée par tous).



Je ne veux pas jouer les Philippe Muray à la petite semaine mais Harvey Milk n'a rien d'un révolutionnaire. Au contraire, c'est quelqu'un d'extrêmement conformiste, qui veut absolument s'intégrer et qui s'inscrit d'emblée du côté du Bien. Évidemment que personne ne peut décemment être aujourd'hui pour la discrimination envers les homos et que les figures de bigots d'extrême droite ne peuvent être que répugnantes pour le spectateur. Et pourtant, il y a quelque chose d'un peu effrayant dans cette volonté (ça ne concerne évidemment pas que la communauté gay) de réclamer plus de droits, le lois et de règlements au nom du Bien [1].

Du coup, revenons au film, Gus Van Sant fait immédiatement de son personnage une figure de saint laïc sans nuances. Aucune zone d'ombre, pas d'ambiguïté (ne serait-ce que dans son rapport au pouvoir) et un destin tragique qui ne peut que tirer des larmes de crocodile et mettre dans sa poche le spectateur.

Voilà encore du cinéma qui se contente d'être au service d'une Cause (qu'elle soit juste ou non, ce n'est pas le problème) et qui utilise toutes les techniques les plus convenues pour emporter l'adhésion du spectateur. Il faudrait que je développe un jour cette idée mais Gus Van Sant a recours au syndrome « petite robe rouge » de La Liste de Schindler. Il s'agit, dans des films qui évoquent des destins collectifs (la Shoah, l'émancipation des gays...) d'individualiser soudain une souffrance pour permettre l'identification du spectateur et justifier le propos. Ce syndrome, qui me semble être une technique assez roublarde et ambiguë, Van Sant l'utilise avec le personnage d'un jeune handicapé, au bord du suicide parce qu'il vit dans une ville de province rétrograde et qu'il souffre de son homosexualité. Quoi de plus émouvant qu'un jeune homme homosexuel et rejeté (victimisation) qui, de plus, est handicapé (encore plus minoritaire). Dès lors, c'est cet exemple individuel qui semble impulser de l'énergie à la cause d'Harvey, soit un recours à des ficelles mélodramatiques assez lourdes.



Pour rester dans le domaine du « biopic », Harvey Milk m'a fait songer au film de Milos Forman Larry Flynt. Or si le film de Forman (qui n'est pas son meilleur) me paraît mille fois plus passionnant, c'est qu'il y a une espèce de « dialectique » (pardon pour les grands mots) entre la cause défendue (la liberté d'expression, l'article 1 de la Constitution américaine) et le personnage qui n'a rien d'un saint. Le cinéaste parvenait parfaitement à mettre à jour cette contradiction : comment défendre un personnage peu sympathique (Larry Flynt est avant tout un marchand de soupe, un capitaliste roublard et un pornocrate plutôt vulgaire) au nom d'une cause juste ? Chez Gus Van Sant, il n'y a rien de ça : la Cause est juste (jamais la moindre contradiction n'est apportée), le personnage est un Juste (encore une fois, c'est un saint laïc) et le cinéaste n'a plus rien d'autre à faire que d'illustrer cette tautologie.

Du point de vue de la mise en scène, le cinéaste a suffisamment de métier pour impulser un certain rythme à son récit (le montage parallèle entre les images d'époque et la fiction est assez intéressant) mais c'est d'un classicisme sans relief et sans invention (à deux ou trois exceptions près). Encore une fois, même sans revenir sur ces sommets que constituent Gerry et Elephant, il me semble que Gus Van Sant avait plus de punch et d'ironie dans ses films « grands publics » comme Will Hunting ou le délicieux Prête à tout.

Harvey Milk est un film à thèse à la Hollywood, c'est-à-dire assez roublard et extrêmement bien-pensant. Résultat, le spectateur s'ennuie et ne rêve dès lors plus qu'au prochain film du cinéaste, en espérant sincèrement qu'il retrouve des sentiers plus personnels...


[1] Lu dans Télérama de cette semaine, cette brève qui fait froid dans le dos : « Escroqueries, atteintes aux mineurs, propos racistes... En un mois et demi, 300.000 internautes se sont connectés sur www.internet-signalement.gouv.fr, et plus de 7000 affaires suspectes ont été révélées, se félicite Michèle Alliot-Marie ». On voit que la délation a toujours de beaux jours devant elle dans notre belle France ! Mais toujours au nom du Bien suprême!



L’avis de Psykokwak :

Il y a trente ans Harvey Milk, le premier conseiller municipal ouvertement gay était assassiné en même temps que George Moscone le maire de San Francisco. Il y a presque six mois les électeurs de Californie plébiscitaient la proposition 8 qui interdit le droit au mariage pour les gays et les lesbiennes.

Harvey Milk de Gus Van Sant retrace la petite dizaine d’année (1970-1978) de la vie publique et sentimentale de ce pionnier de la défense de la cause altersexuelle. Les premières images rappellent qu’à New York à la fin des années 60, les descentes de police dans les lieux de rencontre gay étaient monnaie courante, et qu’il fallut attendre la révolte de Stonewall (1969) pour qu’elles diminuent. Harvey (Sean Penn) va avoir quarante ans, il drague Scott (James Franco) un charmant choupinou.



Ensemble ils décident de quitter la côte est pour San Francisco, la ville des communautés hippies, de la maison bleue adossée à la colline. Ils s’installent et ouvrent un magasin de photos CameraCastro sur Castro street en passe de devenir le quartier gay de la ville, sorte d’Eden et le lieu de convergence de tous les pédégouines en quête d’un endroit accueillant. Face aux vexations et au traitement de citoyens de seconde zone, Harvey et quelques amis décident de se lancer dans l’action politique pour faire reconnaître leur existence. Encouragés par quelques soutiens et réussites, boycott de produits et d’entreprises anti gay, ils investissent la scène électorale même si leur action se veut plus radicale. Après deux échecs et une réforme du système électoral, Harvey est élu conseiller municipal (superviseur de son district) et pendant une petite année il va se servir de cette tribune pour lutter contre les attaques homophobes de la droite puritaine américaine. Les Anita Bryant et autre sénateur John Briggs ne se priveront pas de vilipender, d’insulter les gays en voulant leur interdire de bénéficier des mêmes droits que n’importe quel citoyen américain et ils voudront leur interdire l’exercice des professions d’enseignant (l’abjecte proposition 6).



Harvey Milk amalgame harmonieusement la fiction avec des images d’archives et dessine une biographie filmée à la limite de l’hagiographie de ce militant. Film à mon sens indispensable et nécessaire. Aujourd’hui, dans nos grandes villes occidentales, il est de bon ton de croire que l’homosexualité s’est dissoute ad vitam eternam dans un large consensus social. La mémoire à très court terme et le « tatalandocentrisme » scotomisent qu’à peine trois heures d’avion d’ici, le fait de vivre son altersexualité vous envoie en prison ou plus sûrement vous oblige à vivre masqués. De même qu’il n’est pas nécessaire de remonter loin pour se souvenir des insultes homophobes au moment du Pacs et que continuent de déverser de leur haine les Vanneste, Benoît XVI et consorts.

Le scénario emprunte la narration linéaire, épaulé par la voix off de Harvey qui accompagne son parcours amoureux et public pendant ces huit années. Porté par une ferveur militante il décrit la montée de la revendication des altersexuels ostracisés. Harvey a commencé sa lutte en créant une association de commerçants gays et il louvoie entre un radicalisme éclairé et la voie légale et civique. Sa démarche demeure déterminée, intangible pour obtenir le respect du à tout citoyen quelque soit son orientation sexuelle. Le film souligne la dimension collective de cette lutte incarnée par Harvey. Ainsi, il enjoint fermement tous les homos à sortir du placard, d’affirmer son orientation sexuelle à sa famille, sur son lieu de travail. Faire la publicité de sa différence représente le moyen le plus sûr d’ouvrir les yeux aux gens hostiles par ignorance et préjugé. Lui même le déclare quand pressentant son possible meurtre il dit si une balle devait traverser mon cerveau, laissez-la briser aussi toutes les portes des placards.



Harvey Milk passe de la lutte individuelle à une prise de conscience collective, de la nécessité du rassemblement du plus grand nombre pour obtenir satisfaction.

Le film navigue entre le parcours social et intime du protagoniste et de ses compagnons. Le cinéaste filme avec pudeur la scène d’amour entre Harvey et Scott, avec de très gros plans, un peu flous sur des détails corporels. Il le surprend draguant librement, nous sommes juste avant les années noires du Sida. Quand Scott s’éloignera, Harvey s’attachera à Jack (Diego Luna), un jeune latino un peu borderline avec passion et tendresse comme l’est son action politique. Le film nous ramène dans le Castro des seventies, qui n’a pas vraiment beaucoup changé, et que le réalisateur a tenu à reconstituer avec minutie. Le magasin de photo a été reconstitué à l’endroit même, face au théâtre Castro, l’appartement d’Harvey est utilisé comme décor et l’ambiance, les fringues et les dégaines de l’époque sont fidèlement reproduits.

Gus Van Sant imprime au récit une force érotique non seulement dans les séquences amoureuses, et aussi dans les liens entre les protagonistes et qui contaminent leur rapport dans leur action sociale et politique. Cette dimension du désir érotique s’actualise dans la tension entre Dan (Josh Brolin) et Harvey. Dan qui condense le négatif d’une bienveillance à l’égard de l’altersexualité présente des failles que Harvey exploite. Le film suggère que le militant était sensible à la personne de son adversaire et l’épilogue tragique en rend compte. Gus Van Sant joue sur cette ambiguïté, sur la séduction déstabilisante d’Harvey pour l’autre élu ce qui donne à la narration une tension dramatique, d’une histoire dont nous apprenons d’emblée la tragique destinée.



Le personnage d’Harvey Milk frôle la statue du martyr au sens qu’il parait difficile de lui reprocher des aspects troubles, ce qui n’est pas le cas pour Dan qui personnalise ici les figures rétrogrades de la société américaine anti gay. Mais il n’est pas autant sanctifié. C’est un individu qui prend la parole en disant je suis Harvey Milk et qui à son niveau lutte pour modifier l’acceptation de l’homosexualité. Le pouvoir ne l’intéresse pas même si par la force des choses il devint en quelque sorte le maire de Castro. Ma critique ?  peut-être une tendance manichéenne dans la présentation, mais cela risquait d’affadir le propos du film.   Le cinéaste dépeint l’histoire exemplaire d’un homme simple animé d’une conviction et d’un hédonisme solaire sous la menace pas simplement fantasmée d’un acte meurtrier. Sa crainte d’être la cible d’un fanatique le conduisait à profiter au maximum de la vie au jour le jour. Les acteurs donnent corps à cette histoire, avec la beauté généreuse de James Franco, la fraîcheur de Emile Hirsch qui interprète Cleve Jones, le premier directeur de campagne, et la complexité sombre de Josh Brolin. Quant à Sean Penn il habite son personnage avec une grande conviction et humanité. La relative platitude de la mise en scène est bousculée par des trouvailles, les séquences d’ouverture et de fin, des accélérations et par la tension qui sous tend le récit. Un film indispensable et beau.

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