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Samedi 23 août 6 23 /08 /Août 02:53
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Rachel et Tiffanie s'installent ensemble dans leur nouvel appartement
Mais la visite de leurs nouveaux voisins va chambouler leur petite journée...



La bannière et la vidéo sont (c)
Films entre potes
Les vidéos présentes et futures sont diffusées avec l'autorisation de Laurent himself.
Un grand merci à l'équipe de Foup !
Par Films entre potes - Publié dans : WEBSERIE : G ! et FOUP
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Vendredi 22 août 5 22 /08 /Août 00:18



PREMIER BAISER

 

Une nouvelle d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 



La première s’appelait Marion. La seconde Alexandra.

La première était infirmière en service de chirurgie digestive. La seconde était infirmière sur le pool général.

La première était blonde aux cheveux mi-longs toujours rebelles. La seconde était brune aux cheveux courts toujours coiffés en bataille.

La première était grande. La seconde plus petite.

La première avait 25 ans. La seconde 23.

La première était lesbienne. La seconde un mystère.


Elles s’étaient rencontrées un an et demi plus tôt. La seconde terminait ses études d’infirmières et réalisait son stage pré professionnel dans le service de la première. Marion l’avait immédiatement bien accueillie mais elle accueillait tout le monde du mieux qu’elle le pouvait, se rappelant régulièrement de ses propres premières heures dans des lieux inconnus. Elle avait fait une blague sur cette odeur particulière des services de digestif mêlant sueur et selles, loin de ce picotement des antiseptiques qui l’avaient autrefois fait aimer l’hôpital.


Alexandra avait apprécié cette rencontre, cet accueil. Ce lieu, violent, difficile, inhospitalier et dur prenait un visage plus humain. Et ses huit semaines allaient la confronter pour la dernière fois aux réalités du statut d’élève avant de la voir assumer pleinement les responsabilités de professionnel. Elle aima donc immédiatement l’humour teinté de réassurance de la jeune femme.

 

Les heures et les jours passèrent, Alexandra apprit à se faire confiance encadrée par une équipe jeune et motivée. Elle apprit à suivre son instinct, à se fier aux signes, à écouter, à analyser. Elle apprit au contact de Marion, de Vincent, de Stéphanie, de Chantal, des infirmières et des aides soignantes de ce service. Elle trouva pour la première fois sa place sur un lieu de stage et vécu comme une déchirure le fait d’avoir à le quitter. Elle avait intégré une équipe et on lui avait fait confiance. Pleinement.

 

Mais la formation était ainsi faite. Alexandra quitta le service à la fin de son stage sans un regard en arrière, avec simplement ce pincement au cœur qui rappelle qu’on a vécu d’excellents moments et qu’on aspire à en vivre d’autres encore mieux. Seulement ce n’était pas possible. Ce n’était ni son équipe ni ses amis. Elle n’était qu’une étrange en terrain dur et glacé.

 

Lorsqu’elle obtint son diplôme, son premier réflexe fut de venir avec une bouteille de champagne pour fêter la nouvelle là où elle était enfin devenue compétente à ses yeux. Là où elle avait enfin volé de ses propres ailes. Le sourire de Marion lui réchauffa le cœur plus qu’elle ne s’y attendait. Ses yeux disaient sa confiance et sa fierté. C’était bon, doux, agréable et terriblement rassurant à l’heure où il fallait intégrer le monde du travail, pour de vrai.

 

C’est ainsi qu’Alexandra intégra le grand hôpital universitaire qui l’avait formé. Elle devint un rouage de cette machine à la mâchoire d’acier et au cœur d’or, elle devint une partie de cette humanité en prise avec la réalité matérielle. Elle se retrouva dans le service affecté aux remplacements dans les unités de soins. Un jour par ci, un jour par là. Pas de suivi des patients sur le long terme mais la possibilité d’être formée à un grand nombre de spécialité.

 

La peur la tenait au corps, l’empêchait régulièrement de dormir. Elle était en proie à des démons puissants et surtout à une crainte de ne pas bien faire, à une crainte de mal faire. Elle savait écouter, réconforter, soulager mais si elle ne savait pas suffisamment faire, pas si bien faire. Les angoisses étaient là, présentes, tapies dans l’ombre. Le seul moyen qu’elle avait trouvé pour les éloigner quelques instants était le sport, ce besoin viscéral de se dépenser et de ne plus réfléchir à la somme colossale de responsabilités qui pesait sur ses épaules.

 

Le jour où elle remit les pieds dans le service qui l’avait formé, elle était encore plus angoissée que d’habitude. Elle savait la pression, la charge de travail, ces huit heures qui filaient comme des grains de sable entre les doigts. Elle savait la réputation méritée de service difficile et épuisant. Elle savait qu’elle allait devoir travailler d’arrache pied et sans filets cette fois. Elle avait donc peur. Peur comme rarement.

 

Mais c’est avec le sourire qu’Alexandra arriva dans le service. Rien n’avait changé. Ni cette odeur tenace, ni ces chariots qui s’alignaient dans les couloirs pour cause d’absence de rangement. Une bouffée de nostalgie l’envahie. Elle pénétra dans l’office pour ranger son sac et découvrit l’équipe du matin en train de manger rapidement avant une relève pour le moins imminente. Alexandra fut accueillie aussi bien que la première fois. On se souvenait d’elle. De son prénom, de son passage, de son retour. Une conversation légère s’engagea jusqu’à l’arrivée de Marion.

 

Lorsque la jeune femme pénétra dans l’office quelques minutes après elle, les railleries commencèrent à fuser. Ils aimaient s’asticoter entre eux pour resserrer les liens et se prouver que malgré les difficultés ils seraient toujours là les uns pour les autres. Alors Vincent fit un nouveau commentaire sur son absence de casque alors qu’elle venait en vélo. Elle surenchérit sur le fait qu’il était absolument évident qu’elle donnerait tous ses organes et on finit par lui jeter dessus les quignons de pain. Tout le monde riait et s’esclaffait. L’ambiance était légère.

 

Marion l’avait reconnue. Le magnifique sourire qu’elle lui adressa et le fait qu’elle se souvienne de son prénom rassurèrent Alexandra. Elle lui confia qu’elle s’occupait du secteur rouge, comme le chef des Bioman s’amusait-elle souvent à dire à l’époque de son stage. Elle travaillait déjà depuis deux jours et commençait à connaître les patients. Ce qui toucha le plus Alexandra, ce ne fut pas cette brève explication mais le fait qu’avant de commencer, Marion la rassura en lui disant qu’elle était là, qu’elle ne devait pas hésiter à lui poser des questions et à la déranger. Des paroles simples mais tellement peu de fois entendues. Un sourire léger sans plus.

 

La journée se passa fort bien. Comme les suivantes d’ailleurs. Alexandra était intégrée à l’équipe à chaque fois qu’elle était amenée à venir. On lui faisait confiance, on l’écoutait et elle se sentait à l’aise. Bien sûr, à chaque fois, elle se maudissait de sa lenteur et se confondait en remerciement quand Marion ou les autres lui avançait son travail. Mais personne ne lui en tenait rigueur. Marion s’amusait même en lui disant qu’elle avait été pire à son arrivée. Elle lui proposait des courses de vitesse en préparation de médicament pour la détendre et n’hésitait pas à s’amuser d’un rien et à tourner ce qu’elle jugeait insignifiant en dérision.

 

Parfois, quand la tension devenait trop importante ou que chacun avait besoin de se détendre, ils s’amusaient à s’arroser. Avec les pipettes de sérum physiologique, les seringues remplies d’eau. Ils aimaient s’amuser, se faire des blagues entre eux. C’est connu, c’est le propre des services lourds et difficiles, ce besoin de créer des liens ailleurs que dans l’adversité. Marion, de par son âge très proche de celui des autres infirmiers avait tout de suite été intégrée à ces batailles. Et puis elle appréciait beaucoup cela et n’hésitait pas, parfois, à commencer.

 

Tout dérapa ce jour de mai. Alexandra ignorait tout de la vie privée de Marion qui ne s’étendait pas sur le sujet. Elle savait qu’elle aimait lire, aller au cinéma et qu’elle venait d’acheter un appartement dans lequel elle faisait d’importants travaux. Elle se sentait proche de la jeune femme mais il n’y avait jamais rien eu de plus. Il n’y avait jamais rien eu d’ambigu. Jusqu’à ce jour de mai…

 

Ce jour là la chaleur était insoutenable. Le cadre de santé était en vacances tout comme le principal chirurgien et l’activité du service avait sensiblement diminué. Tellement diminué qu’ils avaient eu le temps de manger et que le dernier tour, celui de 20h00 venait de s’achever une demi heure avant l’arrivée de la relève.

 

C’est donc tout naturellement qu’une bataille d’eau s’engagea. Marion avait une longueur d’avance puisqu’elle avait prévu des munitions qu’elle avait dissimulées un peu partout dans le service. Après avoir reçu une seringue de cinquante millilitres d’eau glacée en provenance directe de la bassine à glaçon, Alexandra comprit que sa survie ne résidait que dans la fuite. Elle se mit donc à piquer un sprint dans le couloir, poursuivie par Marion, armée d’une nouvelle seringue. Elle prit un virage très serré pour arriver dans la salle de soin au moment où Marion vidait le contenu de sa seringue. Ce que la jeune femme n’avait pas calculé c’était qu’elle allait devoir prendre un virage tout aussi serré pour poursuivre Alexandra mais elle, sur un linoléum mouillé.

 

Alex se retourna au moment où Marion passait la porte. Elle la vit déraper et perdre l’équipe en direction du bureau. Avec sa vitesse, elle risquait fort de se blesser sur le coin du meuble le plus proche. Au lieu de reculer d’un pas pour se mettre en sécurité et s’éloigner de Marion, Alexandra avança d’une longue enjambée pour se positionner entre sa collègue et le bureau. Et c’est ainsi qu’en un quart de millième de seconde, elle réceptionna Marion qui lui tomba dans les bras. Ne pouvant maîtriser sa vitesse et le mouvement cette dernière s’aplatit de tout son corps contre Alexandra. La jeune femme passa alors instinctivement ses bras dans le dos de sa collègue pour la retenir.

 

Lorsqu’elle se recula de quelques centimètres en prenant appui sur le bureau de chaque côté du corps d’Alexandra, Marion révéla à la jeune femme qu’elle avait les joues légèrement rouges, la respiration courte et le pouls rapide. Elle avait senti qu’elle risquait de se faire vraiment mal et appréciait de s’être heurtée à quelque chose d’aussi agréable.

 

Une mèche blonde tomba devant les yeux de Marion et, sans réaliser la signification de son geste, Alexandra s’en empara et la replaça en douceur derrière l’oreille de sa collègue. Ce qu’elle ne s’attendait pas à découvrir derrière les cheveux de la jeune femme fut ce regard bleu électrique et captivant. Ce regard océan rivé à ses lèvres. L’atmosphère changea alors complètement. Il n’était plus question d’amusement mais de désir. Consciente qu’elle avait été trop loin, Marion se recula alors rapidement en se mordant la lèvre inférieure sans oser lever les yeux vers Alex. Qu’aurait-elle vu alors ? Le même désir, si soudain, si violent, si dévastateur.

 

Elle se recula de ces jeunes bras chauds, rassurants et sécurisants pour reprendre son équilibre et remettre une distance de sécurité entre elles. Même si son corps n’aspirait qu’à plus de contact, son cerveau lui rappela que ce n’était ni le moment, ni le lieu, ni la personne. Et elle eut raison car le reste de l’équipe arriva alors pour s’assurer que tout allait bien. Ils avaient vu de loin arriver l’accident et se félicitèrent des réflexes d’Alexandra. Personne ne remarqua la gêne, le silence, les regards en coin. Personne ne nota la soudaine retenue, le refus de continuer à jouer.

 

Les armes furent rangées, le service nettoyé sans que Marion ni Alexandra ne s’adressent la parole. Marion se maudissait de n’avoir pas pu contrôler ses réactions physiques. Bien que le fait ne pas l’avoir embrassé pouvait s’avérer un exploit. Alexandra de son côté chercha à confirmer ce qu’elle venait de découvrir. Elle tenta d’accoler bout à bout ce qu’elle savait de sa collègue, ses rires, ses silences, ces sujets qui la mettaient mal à l’aise, ces impasses volontaires qu’elle faisait sur sa vie… Autant de questions, d’absence de réponses qui se bousculèrent pour finalement la perdre encore plus.

 

La relève se déroula dans un calme rare. Chacune parlait de son côté et les coups d’œil échangés à la dérobée n’aidaient pas les deux jeunes femmes. Finalement il fut l’heure de regagner le vestiaire pour se changer. Une fois le trajet avec les collègues terminé, Alexandra et Marion entrèrent dans le vestiaire qu’elles partageaient avec d’autres infirmières et aides soignantes mais pas avec celles du service. Il était vide. Elles étaient seules.

 

Toutes les deux étaient conscientes qu’elles ne s’étaient pas adressées la parole depuis l’incident. Seulement elles en étaient incapables. Elles ouvrirent chacune leur placard en silence. Marion était dans un coin, loin d’Alexandra qui était à l’entrée. De ce fait elles ne se voyaient pas et cela semblait les soulager l’une et l’autre. A défaut d’avoir rassasié les désirs de leurs corps, elles avaient au moins déclenché une tempête dans leurs esprits.

 

Apanage de la jeunesse peut être, ce fut Alexandra qui franchit la ligne et botta en touche. Ce fut elle qui après avoir quitté ses baskets et secoué la tête en se disant que de toute manière si elle ne tentait rien, elle allait le regretter toute sa vie, s’approcha en direction de Marion. Cette dernière ne la vit pas arriver tant elle était préoccupée par ce qu’elle voulait faire et qui ne correspondait en rien à ce qu’elle devait faire. Deux questions totalement antinomiques quand il s’agissait d’Alexandra.

 

Elle avait quitté ses baskets et enlevé le haut de sa tunique tant et si bien qu’elle était en soutien-gorge lorsque Alexandra arriva à sa hauteur. Un soutien-gorge blanc et simple pour ne pas apparaître sous la blouse. La vue de la jeune femme à moitié dévêtue failli faire renoncer Alex. Qu’est-ce qu’elle était belle ! Elle posa pourtant sa main gauche contre le casier, à hauteur de la tête de Marion et murmura à son oreille : « Pourquoi est-ce que tu n’as pas été jusqu’au bout ? »

 

Marion se retourna brusquement comme prise en faute mais avant qu’elle ne se sauve à nouveau, Alexandra colla son corps au sien et appuya sa main droit comme l’autre casier. Cette fois c’était elle qui décidait en toute connaissance de cause. Elle n’était plus prisonnière du grand corps de la blonde, coincée contre un bureau, attendant un signe en vain. Cette fois c’était elle qui avait le contrôle. Et pourtant, aussi incroyable que cela paraisse, c’est à cet instant précis qu’elle paniqua et qu’elle se dit qu’elle était complètement folle. Elle songea à faire marche arrière et à disparaître à l’autre bout du monde lorsqu’elle vit Marion se pencher dans sa direction et poser délicatement ses lèvres sur les siennes.

 

Ce fut comme lorsqu’elle avait vu pour la première fois des centaines de nuées d’oiseaux s’envoler en même temps, comme lorsqu’elle avait vu pour la première fois le soleil se coucher et teinter d’orange et de rouge sang le ciel bleu, comme lorsqu’elle avait vu pour la première fois les feux d’artifices du 14 Juillet… Ce fut l’un de ces souvenirs inoubliables qu’il est si difficile de décrire parce qu’aucun mot n’arrive à sa hauteur. Ce fut l’un de ces souvenirs qui rend tous les moments de la vie ordinaire tellement terne qu’on se demande pourquoi on a attendu si longtemps avant d’avoir le droit d’y goûter.

 

Les lèvres de Marion étaient douces et tendres. Elles étaient sensuelles et chaudes. Elles étaient exigeantes et respectueuses. Elles étaient exceptionnelles et inoubliables. Et, alors qu’elle prolongeait le baiser en ouvrant légèrement les siennes, Alexandra su qu’elle avait eu raison. Mais, par-dessus tout, elle sut ce jour-là qu’elle ne voudrait jamais plus que ses propres lèvres se posent sur d’autres lèvres que celles-là.

 

Isabelle B. Price (02 Juillet 2008)

Par Isabelle B. Price - Publié dans : ET LES FILLES, ALORS ?
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Jeudi 21 août 4 21 /08 /Août 00:19
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Les humeurs apériodiques de Bernard Alapetite



Remarque préalable : toutes les images de cette chronique sont cliquables pour être agrandies.


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Le photographe David Wojnarowicz réussit merveilleusement à marier dans son œuvre ses passions littéraires et visuelles, de façon tellement admirable qu’elles sont inextricablement entrelacées comme le démontre sa série photographique "Arthur Rimbaud à New York" (1979-1980) dont on peut en voir un exemplaire au  Whitney Museum de New York (sauf lorsqu’il y a des expositions thématiques). Les photos portent des titres comme "Rimbaud à Brooklyn jour et nuit", "Rimbaud dans Chinatown", "Rimbaud dans Bowery", "Rimbaud sur le fleuve inférieur du côté Ouest"...

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Pour ses photos, Wojnarowicz a employé un masque de Rimbaud grandeur nature qu'il a confectionné à partir d'une reproduction d’une photographie du poète à 17 ans, prise par Etienne Carjat à Paris en 1871.
L'artiste a collé cette image de Rimbaud sur un morceau de panneau de carton fort et a découpé en suivant le pourtour de la tête. Il a alors attaché une bande élastique au dos du masque avec des bandes noires qu'il a collé de chaque côté des yeux près des tempes. Wojnarowicz a également fait deux petites ouvertures pour les yeux, et une pour la bouche.


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Wojnarowicz a décrit son travail  comme des images jouant avec une idée de compression du temps, entre celui historique de Rimbaud et celui aujourd’hui. Il voulait fondre le poète français dans la ville (Ernest Pignon-Ernest l’a également fait mais dans un tout autre esprit) en le mettant dans des situations qui seraient la plupart du temps illégales. Pour réaliser ces photos, Wojnarowicz lui-même et deux ou trois autres hommes ont porté le masque de Rimbaud.

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N'importe quelle figure masquée soulève la question de qui est caché sous le masque, mais cet Arthur Rimbaud photographié à New York pose également la question plus intrigante de qui était derrière la légende de Rimbaud. Wojnarowicz a employé le masque de Rimbaud pour créer l'identité ou l'esprit du poète décédé, mais la nature manifeste de sa mascarade est compatible avec l’approche journalistique qu'il a adoptée pour cette série. Comme William Klein, qui a photographié New York au milieu des années 50, Wojnarowicz nous livre aussi avec cette série sa propre vision de New York vers la fin des années 70.

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David Wojnarowicz a été clairement fasciné par Rimbaud, à la fois par son écriture, et à la fois par sa vie. Il était probablement une source d'inspiration et d’identification pour lui. Jean Genet le sera également.


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Wojnarowicz (1954-1992) a vécu presque exactement cent ans après Arthur Rimbaud (1854-1891). Il y a beaucoup de parallèles entre la vie des deux hommes. Les similitudes les plus évidentes sont : la violence qu'ils ont éprouvé dans leur jeunesse ; le sentiment d'emprisonnement qu'ils ont tous les deux ressenti lorqu’ils étaient adolescents (Wojnarowicz avec un père violent et Rimbaud avec une mère dominatrice) ; leur désir de vivre entièrement en dehors de l'environnement bourgeois ou de la classe moyenne de leur naissance ; et bien sûr leur homosexualité...

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David Wojnarowicz naît à Red Bank dans le New Jersey en 1954. Enfant battu et maltraité, il abandonne l'école secondaire lorsqu’il découvre son homosexualité à l'adolescence. Il s’enfuit à New York, où il vit dans la rue et subsiste grâce à la prostitution occasionnelle.

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Wojnarowicz, autodidacte, a trouvé son salut dans l'art et l'écriture. Pourtant sa manière de vivre entrera souvent en conflit avec sa pratique artistique. Il traverse les États-Unis en auto-stop et vit à San Francisco puis à Paris pendant plusieurs mois.

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En 1978, il s'installe à New York. De la fin des années 1970 jusque dans les années 1980, il réalise des films en super 8 tels que Heroin (on peut voir un exemple de son cinéma expérimental ici), commence la série photographique "Arthur Rimbaud", effectue un travail de pochoirs, joue dans le groupe appelé 3 Teens Kill 4, et expose dans les galeries fameuses de l'East Village.


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Pendant les années 80, il devient un artiste reconnu (photographe, vidéaste, peintre, sculpteur et écrivain). Il appartient au mouvement artistique de l’East Village et évolue dans le milieu alternatif new-yorkais (Nan Goldin, Richard Kern, Lydia Lunch, Kathy Acker...). Le poète William Burroughs ne s’était pas trompé sur son talent, qui écrivait : « David Wojnarowicz déclare qu’il crée chaque peinture, chaque photographie, chaque phrase comme si c’était la dernière. (Lorsque nous sommes directement confrontés à la mort, à cet instant-là, nous sommes immortels.) Il dit que la chose la plus dangereuse, la plus subversive que nous puissions faire est d’observer et de voir la structure de la société ou de la réalité. Lorsqu’on la voit, elle disparaît. »

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En 1985, il est inclus dans le "so-called Graffiti Show" de la Biennale du Whitney Museum of American Art. Homosexuel militant, il critique farouchement la société américaine. Il est diagnostiqué séropositif en 1987. Il dira alors : « Lorsqu’on m’a appris que j’avais contracté le virus, j’ai tout de suite compris que c’était surtout cette société malade que j’avais contractée. » Il est le premier artiste américain gay à répondre à la crise du sida avec colère et indignation. Il a utilisé son art comme un outil de polémique pour dénoncer ceux qu'il a tenu pour responsables de l'épidémie du SIDA. Au-dessus de la photo représentant sur son lit de mort Peter Hujar, illustre photographe devenu son amant, son mentor, son ami, il avait aussi écrit : « Et je trimballe ma rage tel un œuf gorgé de sang, et la ligne est ténue entre le dedans et le dehors, et la ligne est ténue entre la pensée et l’action, cette ligne est formée de sang, de chair et d’os, et je me surprends de plus en plus fréquemment à rêver tout éveillé que je trempe des flèches amazoniennes dans du sang contaminé puis les plante en plein dans la nuque de certains hommes politiques. » David Wojnarowicz meurt du sida en 1992.

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Il ne faudrait pas que la mise en lumière récente du travail photographique de Wojnarowicz grâce à l’acquisition d’une de ses images de la série Rimbaud par le Whitney Museum (une adresse à fréquenter régulièrement lorsque l’on est à Manhattan) éclipse le reste de l’œuvre, en particulier ses sensuels collages et ses puissants dessins.

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Ses films non plus ne doivent pas tomber dans l’oubli. David Wojnarowicz a décrit par son art hallucinatoire la faune interlope de l’East Village, ses rencontres sexuelles furtives et anonymes, sa révolte politique contre la société américaine (son homophobie et son ultra-conservatisme face à l’épidémie du sida, notamment). La série des "Sex Series and others", co-réalisée avec les cinéastes Marion Scemama et François Pain résulte de leur longue amitié, et laisse se dessiner les rêves et cauchemars de Wojnarowicz, sa rage devant le traitement que réserve « l’usine à tuer américaine » aux marginaux et laissés pour compte du rêve américain.

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Deux de ses livres ont été édité en France : Au bord du gouffre (2004) et Chroniques des quais (2005), tous deux dans la collection Désordre aux éditions du Serpent à plumes.
Félix Guattari a parfaitement définit l’œuvre de cet artiste : « C’est parce que l’œuvre créatrice de David Wojnarowicz procède de toute sa vie qu’elle a acquis une pareille puissance. Alors que tout semble dit et redit, quelque chose émerge du chaos de David Wojnarowicz qui nous place devant notre responsabilité d’être pour quelque chose dans le cours du mouvement du monde. »
Nota : Vous trouverez ici une interview en français de Wojnarowicz par Nan Goldin où il s’explique entre autres sur ses désirs sexuels.


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Par Bernard Alapetite - Publié dans : MERCI BERNARD
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Mercredi 20 août 3 20 /08 /Août 03:42



Fiche technique :

Avec Mohsen Mohieddin, Naglaa Fathi, Ezzat el-Alayli, Mahmoud el-Meligui, Mohsena Tawfiq, Ahmed Mehrez, Gerry Sandquist, Youssef Wahbi et Yehia Chahine. Réalisation : Youssef Chahine. Scénario : Youssef Chahine & Mohsen Zayed. Musique : Fouad El Zahuy. Images : Mohsen Nasr. Montage : Rashida Abdal Salam.

Durée : 133 mn. Disponible en VO, VOST et VF.

Résumé :

1942 : le maréchal Rommel est aux portes d’Alexandrie. La ville est en ébullition et la population réagit diversement. Certains se réjouissent de la victoire allemande annoncée, et organisent des opérations anti-anglaises. D’autres comme la famille Sorel, de confession juive, font leurs valises. Adel Bey, oncle de Yehia, aristocrate dilettante, sorte de dandy décadent, nationaliste, fait enlever des soldats anglais ivres pour les tuer. C’est pour lui une sorte de sport cruel et élitiste. Il tombe amoureux de l’un d’eux. Il lui laisse la vie sauve, mais l’Anglais mourra au front...



L’avis de Bernard Alapetite :

Ce film commence le cycle autobiographique de Chahine. Il sera suivi en 1982 par Alexandrie encore et toujours et clos en 1989 par La Mémoire. Il y invente le personnage de Yehia, véritable double du cinéaste.

Dans Alexandrie pourquoi ?, Chahine réinvente son adolescence et sa jeunesse, de la période de la guerre jusqu’à son départ pour les États-Unis pour y apprendre le cinéma. Mais loin d’être centré sur sa personne, le cinéaste a voulu visiblement ressusciter des personnages qui le hantaient encore à l’époque du tournage comme celui d’Adel Bey, ici présenté comme son oncle.

Adel Bey a appris à convertir sa haine en amour ; la revendication politique va se changer en une passion sensuelle. Le cinéaste réussit à nous faire comprendre cette métamorphose en un plan superbe : l’Égyptien apportant son repas à l’Anglais, nu dans le lit de la chambre à coucher du premier. Très peu sera montré mais l’émotion est très forte qui culmine lorsque, plus tard, on voit l’oncle se recueillir sur la tombe du tommy qui a été tué à El-Alamein : rares sont les images aussi belles qui ne laissent pas disparaître l’amour homosexuel dans les oubliettes de l’histoire.

L’amour homosexuel chez Chahine est toujours apprentissage mais un apprentissage inversé par rapport à la tradition grecque classique : c’est l’aîné, l’homme de savoir, qui a la révélation de la vérité par l’entremise de l’objet du désir, c’est ce que l’on retrouve dans Adieu Bonaparte. C’est un amour libérateur et positif à l’opposé de la contemplation morbide de la jeunesse dans Mort à Venise de Visconti.



Chahine a donné à Yehia les rêves de son adolescence, comme lui il rêvait de partir pour étudier le cinéma aux USA... Ce qu’il fit. A-t-il connu la passion de son double – comme lui pétri de cinéma américain, et qui veut devenir acteur et prépare un spectacle avec ses camarades du lycée catholique – que nous suivons, parallèlement à l’intrigue principale, cette amitié passionnelle pour un garçon de sa classe, une amitié qui exclut toute autre histoire d’amour ? Comme dans Adieu Bonaparte, Chahine mêle habilement l’Histoire et histoires d’amour, tissant un scénario complexe où se croisent et se mêlent intimement amitiés, amours, trahisons, idéologies contraires, religions différentes et sexualités variées.

Alexandrie pourquoi ? est certainement le film de Chahine qui s’inscrit le plus dans une filiation littéraire, bien sûr dans celle de Cavafy mais aussi celles de Durrell et Mahfouz.

Ce mélodrame flamboyant est aussi un grand film documentaire. D’ailleurs, faute de moyens pour reconstituer les moments historiques, le cinéaste utilise habilement des bandes d’actualité. Il nous apprend surtout comment une population vivait ces événements, subissait la guerre tout en étant dans une certaine mesure extérieure au conflit. Alexandrie pourquoi ? nous en apprend beaucoup sur la vie quotidienne à Alexandrie de 1942 à 1952.

Alexandrie pourquoi ? est aussi un film sur le « Je », utilisé sans doute là pour la première fois dans le cinéma arabe, d’un garçon qui prend sa vie en main avec courage et détermination.

On peut parler d’audace folle de Chahine à propos de ce film dans lequel il évoque ouvertement une aventure homosexuelle entre un Égyptien aisé et un soldat britannique, et ose en parallèle une histoire d'amour entre un Musulman et une Juive… et suggère une amitié particulière entre deux garçons.

Ce film a été primé au Festival de Berlin où il reçut l’Ours d’Argent et le Grand Prix du Jury.

Pour plus d’informations :

Par Bernard Alapetite - Publié dans : FILMS : Les Toiles Roses
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Mercredi 20 août 3 20 /08 /Août 00:46
Nous attendons avec impatience vos commentaires sur ce treizième objet :


http://www.riflegear.com/blogimages/KittyRifle.jpg

Photo : © D. R. - Sauf mention contraire, toutes les photos publiées sur lestoilesroses.com sont protégées par les lois sur le copyright et appartiennent à leurs auteurs ou ayants droits respectifs. Si vous êtes propriétaire d'une photo publiée dans un article et que vous souhaitez exercer vos droits d'auteur, merci de
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Par Henry Victoire
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Mercredi 20 août 3 20 /08 /Août 00:13


Dernière partie avec Justin. Et le verdict.
J'ai laissé la bande annonce qui figurait à la fin. Ca donne un aperçu de ce qui se passe autrement dans ATWT !


InTurn est une télé-réalité exclusivement diffusée sur le net, dans laquelle l'équipe d'As The World Turns (dont le "charmant" Chris Goutman, producteur exécutif et réalisateur) organise un casting façon Star Academy pour trouver un nouveau comédien. A chaque épisode, un élève est éliminé. La dernière semaine, les internautes américains votent pour leur préféré parmi les trois derniers, qui auront chacun une scène dans ATWT. Le gagnant remporte un contrat de 13 semaines dans le soap.
"InTurn" est un jeu de mot. "Intern" signifie "stagiaire", et "In Turn" sous-entend "in [As The World] Turn". C'est la 3e année que le concours est organisé. Je posterai ici uniquement les extraits liés à Luke et Noah, (ou Van et Jake). Si vous voulez voir l'intégralité de la série, cliquez sur :
www.cbs.com/originals/inturn3/
Massiarc, thanks for your help.
[InTurn 3 appartient à CBS, ATWT à PGP]


Par Jag1366 - Publié dans : SERIE : AS THE WORLD TURNS (AINSI VA LE MONDE)
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Mardi 19 août 2 19 /08 /Août 00:27


par Stéphane RIETHAUSER


4. La montée du national-socialisme et le début de la persécution

Dans les années d'après-guerre, beaucoup de gens, amers de la défaite allemande (1,7 million de morts, 4 millions de blessés), ont commencé à chercher des explications à la déroute de l'armée du Kaiser. L'affaire Eulenburg était encore dans les esprits, et les boucs émissaires étaient tout trouvés : aux côtés des Juifs, les homosexuels étaient eux aussi responsables du déshonneur du pays. L'inflation galopante et la crise économique font que de nombreux groupes paramilitaires se forment, tous plus extrémistes les uns que les autres. Si d'un côté l'émancipation homosexuelle s'accroît en Allemagne, de l'autre un nouveau mouvement s'affirme avec toujours plus de vigueur et de brutalité : le national-socialisme. Les chemises brunes et les croix gammées se font de plus en plus visibles dans le pays et s'en prennent à des minorités choisies : en particulier les juifs et les homosexuels.
En 1921, Magnus Hirschfeld est agressé par une bande nazie à la sortie d'une conférence à Munich. Il est roué de coups et laissé pour mort dans la rue. A Vienne, le 4 février 1923, un groupe paramilitaire d'extrême droite attaque une réunion d'homosexuels à laquelle participe Hirschfeld. Les sympathisants nazis tirent sur le public et blessent des dizaines de spectateurs.
Jeunesses hitlériennes
De manière de plus en plus virulente, les nazis font entendre leur point de vue, en affirmant que Berlin est devenue un centre de dépravation et de corruption, une ville contrôlée par les Juifs et les pervers. L'Institut de Hirschfeld est assimilé à une maison de prostitution, une boîte de travestis et à un centre de pourriture et de débauche.
Une sordide affaire criminelle va saper le travail de Hirschfeld et durablement marquer les esprits : en 1924 est arrêté à Hanovre Fritz Haarmann, un homosexuel qui avoue pas moins de 127 meurtres de jeunes hommes. Haarmann était un déséquilibré mental qui découpait ses victimes en morceaux. La presse en fait immédiatement un démon et il en résulte un violent regain de haine contre les homosexuels parmi le public. Véritable désastre pour les efforts de dépénalisation de Hirschfeld, l'affaire Haarmann va réinstaurer en quelques jours dans les esprits populaires des préjugés négatifs sur les homosexuels.
Malgré cette néfaste affaire, Hirschfeld poursuit sa lutte politique année après année. Mais le parti national-socialiste prend du poids et s'attaque aux efforts du docteur berlinois. Juif, socialiste et homosexuel, il est le bouc émissaire rêvé. Lorsqu'en 1929, juste avant la crise économique, Hirschfeld est sur le point d'obtenir enfin l'abrogation du §175 après avoir réuni une commission parlementaire formée par les Sociaux-démocrates et les Communistes ayant voté en faveur de la dépénalisation, le journal officiel de Hitler, le Völkischer Beobachter, écrit : "Nous vous félicitons, Monsieur Hirschfeld, de votre victoire au Parlement. Mais ne croyez pas que nous Allemands allons tolérer ces lois un seul jour après notre arrivée au pouvoir. Parmi les nombreux mauvais instincts de la race juive, il y en a une de particulièrement pernicieuse qui a à voir avec les relations sexuelles. Les Juifs font la propagande des relations sexuelles entre frères et sœurs, entre hommes et animaux, et entre hommes et hommes. Nous les Nationaux-Socialistes nous les démasquerons et les condamnerons bientôt par la loi. Ces efforts ne sont que de vulgaires crimes pervers et nous les punirons par le bannissement et la pendaison." A la fin de 1929, juste après le crash boursier, le parti National-Socialiste rafle 107 sièges au Reichstag et empêche toute réforme légale. Les nazis ne tarderont pas à mettre leurs menaces à exécution.
Le 30 janvier 1933, Hitler accède à la Chancellerie. Le 23 février, soit trois semaines après leur prise de pouvoir, les nazis déclarent les associations et les publications homosexuelles illégales. Les bars homosexuels de Berlin sont fermés par la police. Le 7 mars, Kurt Hiller, le directeur de l'Institut pour la Recherche sexuelle est arrêté et déporté au camp de concentration de Oranienburg.

Le 6 mai 1933, l'Institut pour la Recherche Sexuelle de Hirschfeld est vandalisé par les jeunesses hitlériennes. Venus par dizaines dans des camions, accompagnés par une fanfare pour ameuter la foule, les jeunes nazis détruisent tout ce qu'ils peuvent. Deux jours plus tard, 20'000 livres et des milliers de photographies sont brûlés lors d'une cérémonie publique sur la place de l'Opéra. Le buste de Hirschfeld est brûlé, ainsi qu'un portrait de Freud.

Berlin, 6 mai 1933
Par chance, Magnus Hirschfeld se trouve en tournée à l'étranger lors de l'accession au pouvoir de Hitler. Impuissant, il assiste à la destruction de son institut depuis la Suisse. Il ne reviendra jamais en Allemagne. Quelques temps plus tard, il s'installe à Nice et œuvre à la mise sur pied d'un centre similaire à son Institut pour la Recherche Sexuelle. Mais une déficience cardiaque l'emporte en 1935, le jour de ses 67 ans, après avoir, selon ses comptes, mené durant sa vie plus de 30'000 entretiens privés. Travailleur acharné, Magnus Hirschfeld cumule plus de 200 ouvrages, articles, pamphlets, livres, et études sur le thème de la sexualité.

Le nom de Magnus Hirschfeld apparaît plus de 70 fois dans ce travail. Mais il est surprenant de constater qu'il ne figure nulle part dans le Grand Larousse Encyclopédique, ni dans le Robert des noms propres, ni dans aucune autre encyclopédie, et qu'il est régulièrement oublié dans les ouvrages d'histoire traitant de cette période. Un homme qui a eu en son temps une renommée mondiale, et qui a à son actif certainement la carrière la plus impressionnante dans le domaine de la sexologie et de l'émancipation homosexuelle. Par contre, on trouve dans ces encyclopédies les noms de Gustav Hirschfeld, archéologue allemand né en 1817, Ludovic Hirschfeld, médecin polonais né en 1815, ou encore Christian Hirschfeld, naturaliste danois né en 1742.

5. La Suisse, dernier bastion de liberté pendant la dictature nazie

Faisant honneur au précurseur Heinrich Hössli, et se calquant sur le modèle berlinois, la Suisse alémanique est à partir de 1922 le théâtre de plusieurs initiatives visant à organiser les homosexuels entre eux et à lutter contre l'homophobie, bien que ce vocable n'existe pas encore. Après plusieurs revers, le Schweizerische Freundschafts-Bewegung (Mouvement suisse de l'amitié) est créé à Bâle et Zurich en 1931. Une fois n'est pas coutume, c'est une femme, Anna Vock (1885-1962), connue sous le pseudonyme de Mammina, qui est à la tête de l'association, dont sont membres de nombreuses lesbiennes. Une originalité sans doute due au fait que la plupart des cantons suisses, à l'inverse des autres États européens, punissent également les relations entre femmes.



Karl Meier
Peu après, l'organisation est rebaptisée Schweizerische Freundschafts-Verband (Association suisse de l'amitié). Le Damenclub Amicitia et l'Excentric-club de Zurich y participent, et ensemble ils lancent le premier magazine homosexuel de Suisse : Das Schweizerische Freundschafts-Banner (La Bannière de l'amitié), qui paraît le 1er janvier 1932.
En 1934, l'acteur Karl Meier, dit Rolf (1897-1974), apprend l'existence de la revue. Très vite, il s'y implique et publie de nombreux articles. Au fil des ans, les lesbiennes se retirent de l'organisation, et Karl Meier en devient le président, faisant de l'Association suisse de l'amitié un groupe entièrement masculin. En 1937, le journal est rebaptisé Menschenrecht (Droit de l'homme), avant de prendre son nom définitif en 1942 : Der Kreis (le Cercle). Karl Meier assure sa publication sans interruption pendant que la guerre fait rage alentour.
Le magazine a un petit nombre d'abonnés choisis, répartis dans de nombreux pays. Une édition en français paraît en 1943, et une en anglais en 1952. Der Kreis est la revue gay la plus influente au niveau mondial jusqu'à ce que sa publication cesse, en 1967. Ecrasé par la barbarie nazie, le mouvement d'émancipation homosexuelle allemand se retranche à Zurich durant les années 1930. Terre d'asile pour Magnus Hirschfeld de 1932 à 1933 et pour de nombreuses autres personnes, la Suisse est le dernier bastion de (relative) liberté pour les homosexuels pendant la Seconde Guerre mondiale et devient - par défaut - pour un temps le centre européen du mouvement de libération homosexuelle. Un mouvement pourtant encore bien timide et confiné à une quasi-clandestinité.
Der Kreis


*****

NOTA BENE: les ouvrages utilisés pour ce travail sont répertoriés dans la bibliographie 

Ce travail est l'oeuvre de Stéphane Riethauser. Il sera publié en 14 parties sur le blog Les Toiles Roses avec son autorisation. Qu'il en soit chaleureusement remercié. Stéphane est joignable sur le site de lambda éducation.



Lire le précédent billet : cliquez ici.


Par Stéphane Riethauser - Publié dans : HISTOIRE DE L'HOMOSEXUALITÉ
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Lundi 18 août 1 18 /08 /Août 12:35
Par Daniel C. Hall - Publié dans : VIDEOS : La TV en folie
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Lundi 18 août 1 18 /08 /Août 08:54



Fiche technique :

Avec Joanne Woodward, Christopher Plummer, Valerie Harper, Sylvia Sidney, James Broderick, Melinda Dillon, John Considine, Ben Masters, Curtiss Marlowe et Robert Urich. Réalisation : Paul Newman. Scénario : Michael Cristofer.

Durée : 108 mn. Disponible en VO (introuvable en VF).



L’avis de Jean Yves :

Brian a quitté sa femme pour vivre avec Mark. Au moment où il va mourir, elle revient.

Dans une ferme-clinique californienne, deux hommes et une femme vivent leurs derniers jours. Condamnés par la médecine, ils sont installés dans de confortables bungalows où ils peuvent accueillir leurs proches. Dans l'ensemble, la maladie ne les a pas trop diminués et même s'ils sont rongés à l'intérieur, comme dit l'un d'entre eux, ils peuvent faire bonne figure devant les visiteurs.

● Felicity (Sylvia Sidney) est une vieille dame impotente (elle se déplace en fauteuil roulant) et acariâtre. Elle houspille son médecin et sa fille Agnès (Melinda Dillon) qui la chaperonne pourtant avec patience. Mais elle n'a plus toute sa tête et attend la venue de son autre fille Claire, morte depuis de longues années...

● Joe (James Broderick) reçoit la visite de sa femme et de son jeune fils. Par son comportement hystérique, Maggie (Valerie Harper) exprime son refus de voir la réalité en face : le décès prochain de son mari. Elle n'a pas eu le courage, comme il le lui avait demandé, de dire la vérité à leur fils. Mais celui-ci s'avère au courant, tout en l'ayant caché par pudeur. Sa joie de vivre, à la limite de l'indifférence affichée, apporte à Joe ses moments de simple bonheur qu'il n'a jamais su partager avec sa femme...

● Brian (Christopher Plummer) a choisi de tourner sa fin prochaine en dérision. Intelligent, cultivé, plein d'esprit, il se veut combatif, même si la douleur ne l'épargne pas. Il est divorcé et vit aujourd'hui avec son amant, Mark (Ben Masters). Pendant une séance de psychanalyse-vidéo (!), son ex-femme arrive au bungalow et rencontre Mark. Dire que cette première rencontre se passe bien serait difficile ! Bervely (Joanne Woodward), excentrique et saoule, ne peut que se heurter avec le jeune homme grave qui partage les derniers instants de son ancien mari. Elle poussera même la provocation jusqu'à lui lancer : « Vous n'avez pas du tout l'air d'une folle ! ».

Très heureux avec Mark, Brian l'est aussi de revoir Beverly. Ils évoquent des souvenirs, boivent du Champagne sous l'œil réprobateur du jeune homme. Mais les masques tombent vite : Berverly montre l'émotion et le désarroi cachés par son exhibitionnisme et Mark parle de son amour pour Brian, de la tendresse et du réconfort qu'il lui apporte mais aussi du courage qu'il lui faut avoir, parfois, pour supporter la maladie, les crises et surtout la perspective de la fin, aussi proche qu'inéluctable.

Ce film n'est pas un mélo. Jamais il ne s'apitoie sur le sort des personnages. S'il gomme avec pudeur les aspects cliniques de la maladie, il ne cache rien des doutes, des dégoûts, des douleurs, des colères qui peuvent naître chez les trois mourants comme chez leurs proches. C'est l'émotion la plus pure, la moins fabriquée qui porte chaque séquence. Certaines scènes sont déchirantes, d'autres amusantes mais au bout du compte l'espoir seul importe.

L'espoir d'une vieille dame qui veut revoir sa fille avant de mourir, l'espoir d'un père dont le fils réchauffe le cœur, l'espoir d'un homme qui vit au plus fort son amour pour un autre homme jusqu'au dernier instant...

Pour plus d’informations :

Par Jean Yves - Publié dans : FILMS : Les Toiles Roses
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Lundi 18 août 1 18 /08 /Août 00:14


par Stéphane RIETHAUSER


1. L'espoir brisé de la Révolution bolchevique

En Russie, la Révolution bolchevique a radicalement modifié le climat politique et social. Les actes homosexuels sont dépénalisés par Lénine le 12 décembre 1917, avec la promulgation du nouveau code pénal révolutionnaire. Le Docteur Grigori Batkis, directeur de l'Institut d'hygiène social de Moscou et membre de la Ligue Mondiale pour la Réforme Sexuelle, publie en 1923 La Révolution Sexuelle, ouvrage dans lequel il proclame "l'absolue non-ingérence de l'Etat et de la société dans les affaires sexuelles." Influencé par le travail de Hirschfeld, Vladimir Nabokov, le père de l'écrivain auteur du sulfureux roman Lolita, qui était hétérosexuel, avait quant à lui lancé au tournant du siècle une campagne pour dépénaliser l'homosexualité en Russie. Pressentait-il que son deuxième fils, Sergej Nabokov (1900-1945), allait être envoyé, non par les Russes, mais par les Nazis, en camp de concentration pour cause d'homosexualité en 1943, et qu'il y mourra d'épuisement en 1945 ?

L'arrivée au pouvoir de Staline ôtera tout espoir de succès à ces recommandations. Dès janvier 1934, sans base légale, sous prétexte de combattre un "produit de la décadence bourgeoise" et la "perversion fasciste", le dictateur procède à des purges homosexuelles, puis instaure l'article 121 du code pénal le 7 mars 1934, punissant les actes homosexuels de 5 ans de prison, une sanction soutenue publiquement par l'écrivain Maxim Gorki. En même temps, Staline protégera toujours quelques personnalités utiles à son régime, comme Sergei Eisenstein, le plus grand cinéaste russe, qui n'a jamais été inquiété pour son homosexualité. Il faut dire aussi qu'il la refoulait plus qu'il ne l'exprimait, ne l'exprimant que dans ses dessins ou de façon voilée dans certaines scènes marquantes de ses films. En 1929 à Berlin, il visite pendant de longues heures l'Institut Hirschfeld, par "scrupule scientifique". Au sujet de l'homosexualité, il dira à sa biographe Marie Seton "qu'à tous égards l'homosexualité est une régression".

Aux cœurs de Verlaine et de Rimbaud


L'Amour qui n'ose pas dire son nom
dessins de Sergei Eisenstein
Il faut attendre un décret du Président Boris Eltsine le 27 mai 1993 pour que l'article 121 du code pénal instauré par Staline soit aboli et que soit rétablie la légalité des relations entre personnes de même sexe en Russie.

2. L'émancipation homosexuelle en Allemagne

La guerre de 1914-1918 a redessiné la carte de l'Europe et a provoqué de profonds bouleversements sociaux dans la plupart des nations européennes. Avec la dissolution de l'Empire austro-hongrois, et en Allemagne la naissance de République de Weimar en 1919, s'ouvre une nouvelle ère politique et sociale en Europe centrale.

En Allemagne, au lendemain de la guerre, le socialiste allemand Kurt Hiller, qui deviendra le bras droit de Magnus Hirschfeld, décrit les homosexuels comme une minorité qui mérite la protection des autorités au même titre que les minorités ethniques, que le Président américain et fondateur de la Société des Nations Wilson s'engage à protéger.
C'est sous l'impulsion de Magnus Hirschfeld que va renaître le mouvement de libération homosexuelle. A cette époque, le cinématographe est un moyen d'expression nouveau. Hirschfeld profite de l'air du temps et se lance dans la production du premier film traitant de l'amour entre hommes, ou plutôt du "problème homosexuel". Le 24 mai 1919, Anders als die Andern (Différent des autres) sort à Berlin, réalisé par Richard Oswald, avec l'acteur Conrad Veidt et Magnus Hirschfeld lui-même. Le personnage interprété par Veidt rencontre un maître chanteur qui le séduit avant de le ruiner.
Anders als die Anderen (1919)
Il est envoyé en prison où il a la vision d'une procession de rois, de savants et de philosophes persécutés pour des questions de mœurs qui défilent avec une bannière où est inscrit "§175". Hirschfeld conclut le film par un discours en faveur des personnes du troisième sexe. Anders als die Andern est interdit de projection à Munich, Stuttgart, ainsi qu'à Vienne. Quelques années plus tard, les nazis brûleront la plupart des copies du film.

IRS Hirschfeld 1930
Le 1er juillet 1919, Hirschfeld ouvre à Berlin son "Institut pour la Recherche Sexuelle" (IRS). Durant les dix années suivantes, l'Institut de Hirschfeld va rassembler sous son toit la plus grande collection d'archives traitant de l'amour entre hommes jamais réunie : plus de 20'000 ouvrages (des documents anthropologiques, médicaux, légaux, sociaux), et quelques 35'000 photos. L'Institut emploie quatre médecins et de nombreux assistants, qui donnent des consultations en tout genre, de l'avortement aux maladies vénériennes, en passant par l'homosexualité.
Hirschfeld va lui-même continuer à publier d'innombrables ouvrages, tout en œuvrant inlassablement pour l'abrogation du §175. Il publie notamment en 1919 L'homosexualité chez les hommes et les femmes, ouvrage de plus de mille pages dans lequel il affirme notamment que 90 % de la population allemande voterait en faveur de l'abolition du §175 si elle était bien informée sur le sujet.

En 1920, le IRS de Hirschfeld s'associe avec la revue Der Eigene d'Adolf Brand et L'Association Allemande de l'Amitié pour donner encore plus de poids à la lutte contre la pénalisation de l'homosexualité. Puis, en 1921, Hirschfeld organise la première Conférence mondiale pour la réforme sexuelle. Peu après, il mettra sur pied avec l'aide de Havelock Ellis et du médecin suisse August Forel (1848-1931) la Ligue Mondiale pour la réforme sexuelle, une organisation qui comptera jusqu'à 130'000 membres dans le monde entier à la fin de la décennie.

L'Allemagne s'affirme alors comme le centre de l'émancipation homosexuelle en Europe et comme l'unique pays qui dispose d'une structure communautaire drainant des milliers de personnes se reconnaissant homosexuelles, avec des revendications politiques. Grâce à l'Institut de Hirschfeld et à sa Ligue Mondiale pour la réforme sexuelle, la lutte contre la pénalisation de l'homosexualité devient une cause pour laquelle des personnalités s'engagent. Un dialogue avec les autorités s'établit.

Photo IRS Hirschfeld
En 1922, Hirschfeld remet sa pétition sur le métier. Il obtient plus de 6'000 signatures, dont celles de Albert Einstein, Léon Tolstoï, Hermann Hesse, Rainer Maria Rilke, Stefan Zweig, Thomas Mann, Emile Zola, Richard von Krafft-Ebing, Sigmund Freud, ou Max Brod, pour ne citer que les plus célèbres. Le Reichstag débat une nouvelle fois de ce texte qui demande l'abolition du §175, mais la demande essuie un nouveau revers.
En parallèle, la libéralisation des mœurs s'accentue et la tolérance sociale gagne du terrain dans les centres urbains, surtout parmi les milieux favorisés. Très vite émerge une "scène" homosexuelle : les hommes qui aiment les hommes disposent de nombreux lieux de rencontre spécifiques, bars, clubs, dancings, où ils peuvent se retrouver en toute sécurité. A la fin des années 1920, on dénombre non moins de 300 bars et lieux de rencontre à tendance homosexuelle dans la seule ville de Berlin. Les gens viennent de toute l'Europe tenter leur chance et goûter aux charmes de la capitale allemande. Les terribles souvenirs de la guerre et l'image militariste prussienne succombent à la modernité. Berlin devient un bouillonnant centre avant-gardiste - Paris ou New York et leurs bals de folles font pâle figure à côté des nouveaux courants artistiques, de l'échange intellectuel, et des nouvelles formes de vie qui sont possibles dans la capitale allemande. La police des mœurs desserre son étau et n'observe plus que les mineurs et la prostitution.

On assiste à l'affirmation d'une certaine culture homosexuelle : techniques de drague particulières (parcs, ports), goût pour l'uniforme, apparition du style "camp" (travestissement, humour, flamboiement). Dans les kiosques, plusieurs magazines à caractère homoérotique sont vendus ouvertement, parmi lesquels Der Eigene d'Adolf Brand, ou Querschnitt. Un théâtre se spécialise même dans les pièces à thème homosexuel. Afficher un côté bisexuel, côtoyer lesbiennes et homosexuels devient à la mode. Une véritable conscience homosexuelle apparaît. Par le biais des arts et du spectacle, mais aussi par le travail politique de Magnus Hirschfeld, la société est confrontée de manière croissante à la thématique homosexuelle.

3. Des homosexuels toujours dans le placard

Même si après la guerre le mouvement d'émancipation de Hirschfeld a permis à une scène homosexuelle de voir le jour à Berlin et d'alléger le fardeau moral de bon nombre de personnes, il ne faut pas surestimer cette tolérance qui reste superficielle. Une vie sociale et culturelle est possible à Berlin pour une minorité de personnes seulement, et le fait de s'avouer homosexuel entraîne toujours dans la grande majorité des tracas familiaux, professionnels, voire juridiques. Les actes sexuels entre hommes demeurent punissables de prison, et le discours puritain de l'Eglise et de la presse ne tarit pas.



Stefan Zweig
Comme aujourd'hui encore, c'est toujours la sacro-sainte protection de la jeunesse qui est invoquée à l'encontre des homosexuels. D'autre part, les problèmes économiques et la rancœur de certains à propos de la défaite allemande annoncent l'émergence de groupuscules d'extrême droite menaçants. L'homosexuel reste en majorité pétrifié de peur et de honte dans son placard, à l'image du personnage de Stefan Zweig (1881-1942) dans la Confusion des sentiments. Paru en 1926, le roman de Zweig narre les tourments intérieurs d'un professeur passionnément amoureux de son élève. Gardant le secret sur l'objet de ses désirs, l'enseignant ne s'accordera que quelques nuits de débauche dans une grande ville, et passera à côté de son existence. Il n'osera donner qu'un unique baiser "sauvage et désespéré comme un cri mortel" à son amoureux, avant de le chasser à jamais de sa vue. Le romancier autrichien dresse un vibrant portrait de la passion qui ronge cet homme. Mais comme dans Mort à Venise quinze ans plus tôt, il n'y a pas d'issue heureuse à une telle destinée.
Un autre personnage, non fictif celui-ci, a fait l'expérience du placard et a été pris de remords tout au long de son existence : le philosophe Ludwig Wittgenstein. Né en 1889 à Vienne, il fait ses études à Berlin, puis à Cambridge, où en 1912 il fréquente la société homosexuelle secrète Les Apôtres. Wittgenstein est un original qui a dispersé un large héritage. On dit qu'à partir de l'âge de 23 ans il n'a plus jamais porté de cravate. Il a été tour à tour ingénieur, philosophe, maître d'école, jardinier, architecte et infirmier pendant la guerre. Il sifflotait des concertos entiers de Schubert (1797-1828), son compositeur favori - lui aussi amateur de garçons, mais moins refoulé que Wittgenstein.
Ludwig Wittgenstein
En été 1913, Wittgenstein fait un grand voyage en Norvège avec son jeune ami de Cambridge David Pinsent. En 1914, bien qu'il soit réformé, Wittgenstein rentre en Autriche et s'engage dans les rangs de l'armée. Pendant la guerre, il rédige un journal secret. Bien qu'il ait ordonné de détruire tous ses carnets de notes, une inadvertance a fait qu'il en est resté deux, publiés en 1961. Wittgenstein note le 13 août 1916 : "Je suis encore en train de lutter contre ma mauvaise nature". Comme Louis II de Bavière, Thomas Mann, ou tant d'autres, Wittgenstein a conscience d'avoir un "problème", d'être une erreur de la nature. Il lutte contre ses penchants, peinant à trouver son bonheur dans un monde oppressant. Après la guerre, il finit son fameux Tractatus Logico-Philosophicus, qu'il publie en 1921 - et qu'il dédie à son ami David Pinsent -, ouvrage dans lequel il élabore sa théorie du doute radical, et notamment sa volonté de distinguer le langage, qui décrit la réalité du monde, du discours, qui cherche à en tirer les règles. Toute sa vie, il lutte contre ses penchants homosexuels, mais, revenu à Cambridge en tant que professeur, il s'entoure de jeunes intellectuels avec lesquels il a des relations platoniques. Johnston affirme que Wittgenstein s'habille de façon extravagante et qu'il est "un vieux garçon" qui aime citer sa femme de chambre et raconter des histoires de cow-boys, mais ne fait aucune allusion à son attirance pour les hommes. Pourtant, Wittgenstein a des aventures avec des jeunes voyous dans les pubs de Londres ou dans les jardins du Prater. Le conflit permanent entre morale et pulsions le mène au bord du suicide. Wittgenstein réfute la psychanalyse car il s'oppose au principe que le langage, si cher à Freud pour la cure, puisse ramener à l'inconscient. Mais on sait par le truchement de sa sœur qui est une patiente de Freud, qu'il demande au professeur d'interpréter ses rêves où les "bâtons et les serpents" sont une obsession récurrente. On ne connaît ni épouse ni aventures féminines à Wittgenstein. Son exécutrice testamentaire, le professeur Jean Elizabeth Anscombe, du Trinity College de Cambridge, s'est pourtant insurgée lorsqu'on a publié des extraits de son journal secret dans revue italienne en 1986, des révélations sur la vie privée du philosophe qu'elle a jugées "contraires à l'éthique du monde de la culture".


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NOTA BENE: les ouvrages utilisés pour ce travail sont répertoriés dans la bibliographie 

Ce travail est l'oeuvre de Stéphane Riethauser. Il sera publié en 14 parties sur le blog Les Toiles Roses avec son autorisation. Qu'il en soit chaleureusement remercié. Stéphane est joignable sur le site de lambda éducation.



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Par Stéphane Riethauser - Publié dans : HISTOIRE DE L'HOMOSEXUALITÉ
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Dimanche 17 août 7 17 /08 /Août 00:26

Visuel : (c) GayClic

Vous trouvez la fin un peu vite expédiée ? Hélas, c'est comme ça que ça a été diffusé. Je n'ai RIEN coupé.
[ATWT appartient à PGP et CBS]


Par Jag1366 - Publié dans : SERIE : AS THE WORLD TURNS (AINSI VA LE MONDE)
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Samedi 16 août 6 16 /08 /Août 00:22

Visuel : (c) GayClic

Pire que celui de Sophie où Meryl devait choisir entre ses deux enfants... Vous vous appelez Noah, vous êtes gay, vous avez un charmant petit copain qui vous adore, ne veut que votre bonheur (et votre corps, incidemment), vous faites quoi ? Vous vous engagez dans l'armée, bien sûr !
Holden vous donne un aperçu des autres drames qui se jouent actuellement dans ATWT, entre sa sœur Meg et son jules, et entre lui-même, Lily et sa maîtresse Carly... Cette histoire pourrait prochainement déborder dans les aventures de Luke et Noah. À suivre.
[ATWT appartient à PGP et CBS]


Par Jag1366 - Publié dans : SERIE : AS THE WORLD TURNS (AINSI VA LE MONDE)
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Vendredi 15 août 5 15 /08 /Août 00:54




LA DIFFICILE POSITION DES ACTEURS ET ACTRICES

INTERPRÉTANT DES RÔLES GAYS & LESBIENS



Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 


Queer as folk


Il n’a pas toujours été facile pour les acteurs d’interpréter des personnages homosexuels. Aujourd’hui encore, certains montrent de profondes craintes quant à leur carrière. En 2000, lorsque Ron Cowan et Daniel Lipman décident d’adapter la série britannique Queer as Folk pour la télévision américaine, ils n’imaginent pas que certains seront aussi réticents à venir aux castings.

Et au tout début de la diffusion de Queer As Folk US, fin 2000 et début 2001, les acteurs principaux restent très évasifs quant à leur orientation sexuelle. Pour ne pas trahir les personnages ? Peut-être. Par peur pour leur carrière ? Peut-être. Par pudeur ? Peut-être également. Nul ne le saura vraiment. Il faudra attendre quelques années pour que Randy Harrison, l’interprète de Justin Taylor, Peter Paige, l’interprète d’Emmett Honeycutt, Robert Gant arrivé au cours de la saison 2 dans le rôle de Ben Bruckner et Jack Weatherall qui tient celui de Vic Grassi depuis le début déclarent ouvertement qu’ils sont gays. Gale Harold, le séduisant Brian Kinney, laisse lui planer le doute pour le plus grand bonheur des hétéros et des gays.

Au début de la série, les acteurs de Queer As Folk US vont d’ailleurs rivaliser de déclarations plus douteuses les unes que les autres entraînant une certaine polémique outre-atlantique. Chris Potter, qui interprète le rôle du Docteur David durant la première saison de la série, déclare : « Juste après qu’ils aient dit ‘Couper’ vous crachez. Vous voulez vous rendre dans un bar de strip-tease ou toucher une maquilleuse. Vous vous sentez sale. C’est un dur métier. » L’acteur s’excuse ensuite disant que ses propos ont été sortis de leur contexte mais le mal est fait et l’on se demande pourquoi et comment il est parvenu à obtenir ce rôle.

Hal Sparks, qui joue le rôle de Michael Novotny de la première à la dernière saison, compare le fait d’embrasser un homme au fait d’embrasser un chien « parce que vous n’avez pas d’émotion, ces sensations internes que vous avez quand vous voulez être avec quelqu’un. Donc pour un acteur c’est un challenge unique parce que vous devez rendre cela convaincant ».


Kerr Smith


Dans une autre série mais toujours dans le même genre, l’acteur Kerr Smith, quelques jours après avoir été cité par le GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation = Alliance Gay & Lesbienne Contre la Diffamation) pour son interprétation du personnage adolescent ‘out & proud’ (out et fier) de Jack McPhee dans la série Dawson, déclare lors d’une interview avec Entertainment Weekly qu’il ne fera pas plus d’un baiser par an : « C’est le plus loin que j’irai. Je ne pense pas que des adolescents ont besoin de voir deux mecs s’embrasser sur une base hebdomadaire. »

Désolée de vous décevoir Monsieur Kerr Smith mais c’est exactement ce dont ont besoin les jeunes adolescents homosexuels. Voir qu’ils ne sont pas seuls, réaliser qu’ils n’ont rien fait de mal et que leur attirance pour le même sexe est naturelle. Parce que quand Kerr Smith et Adam Kaufman s’embrassent en 1998 dans l’épisode 323 « True Love » de la série Dawson, il s’agit du premier baiser entre deux hommes sur le network américain. Une grande évolution contrebalancée par ces propos.

De ce point de vue là, interpréter un homosexuel semble être beaucoup plus difficile pour un homme que pour une femme. Peur d’être catalogué de « pédé » par les autres, peur d’être moins viril, peur des implications ? On peut essayer d’envisager plusieurs raisons mais cette crainte persistante chez les hommes est extrêmement moins flagrante chez les femmes.


Alyson Hannigan


Devant les questions insistantes des journalistes sur sa vie privée, Alyson Hannigan, l’interprète de Willow Rosenberg dans la série Buffy contre les Vampires, s’amuse à dire qu’elle a déjà couché avec une femme pour essayer quand elle était étudiante. Amber Benson qui joue sa petite amie, Tara, déclare en 2001 : « Je trouve qu'il n'y a pas assez de rôles gays dans les séries. À la télévision, les homosexuels et les lesbiennes ont rarement la possibilité de voir des personnages qui leur ressemblent et auxquels ils peuvent s'identifier. J'espère que ma petite contribution permettra de faire avancer les mentalités. » Et le plus intéressant reste à mon avis qu’elle ne cherche pas à tout prix à justifier le fait que dans la réalité, elle est bien hétéro !

Moins agréable et plus français, les déclarations (la même année) d’Isabelle Renauld qui interprète le personnage de la profileur Lauren Valmont dans la série Brigade Spéciale sur TF1. Alors que son personnage est sorti tout naturellement du placard en expliquant à sa coéquipière que quand elle ne conduit pas, elle s’endort toujours en voiture et que c’était pareil avec Barbara, son ex, Isabelle Renauld s’empresse de préciser que si son personnage est homosexuel elle ne l’est en aucun cas même si elle ajoute pour rester politiquement correct : « Je n’ai aucun tabou à ce sujet. »


Rebecca Hampton


Cette année, en 2008, le personnage de Céline Frémont dans le feuilleton Plus Belle La Vie rencontre une lesbienne fière et forte en la personne de Virginie Mirbeau. Toutes les deux tombent amoureuses pour le plus grand plaisir d’une forte base de fans. Rebecca Hampton explique pourtant dans Télé 7 Jours : « Elle n'est pas homosexuelle, elle tombe amoureuse. Les scènes me gêneraient si ça m'était arrivé dans la vie. Mais là, je joue, et je m'amuse beaucoup. »

On se demande parfois si les acteurs considèrent les spectateurs stupides au point de faire un amalgame entre le personnage et celui qui l’interprète. Pensent-ils sincèrement que l’on va toujours les assimiler à un seul et unique rôle ? Pensent-ils sincèrement que le plus grand défi pour un acteur est d’embrasser une personne du même sexe ?

Mais le pire n’est pas là. Le pire réside à mon avis dans la capacité qu’ont les acteurs à adapter leurs propos en fonction des personnes qui les interviewent et à passer sous silence ce qu’ils pensent réellement. Kerr Smith déclare ainsi à PlanetOut : « Je pense que si interprétez certains rôles, vous êtes un modèle. Mais je ne vais pas donner de conseil. Je suis juste un acteur. Je dis simplement les mots que Kevin écrit sur les pages. Je veux dire, chapeau aux gens qui traversent cela. Il faut être résistant. »

Mais ce n’est pas précisément ce qu’il a fait, donner des conseils sur le fait que les adolescents n’ont pas besoin de voir deux hommes s’embrasser de manière régulière à la télévision ? D’un côté il n’est qu’un simple acteur, d’un autre il se permet de juger ce qui est bon ou pas pour les jeunes. Je ne comprends plus.

 

Boys don't cry


Et puis petit à petit les choses semblent changer. En fait, il est indéniable qu’elles ont changé. Le tournant survient en 2000 lorsque Hilary Swank remporte l’Oscar et le Golden Globe de la Meilleure Actrice pour son interprétation du transgenre Brandon Teena dans Boys Don't Cry. En 2004 Charlize Theron gagne l’Oscar, le Golden Globe et l’Ours d’Argent de la Meilleure Actrice pour son rôle de la tueuse en série Aileen Wuornos dans Monster. Deux Oscars pour deux grandes actrices qui changent la donne. Et plus récemment encore, le film Le Secret de Brokeback Mountain de Ang Lee remporte le Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2005 ainsi que quatre Golden Globes dont celui du Meilleur Film, du Meilleur Réalisateur et du Meilleur Scénario. Les deux interprètes principaux (Heath Ledger et Jake Gyllenhaal) seront également nominés aux Oscars mais repartiront bredouilles.

La critique américaine B. Ruby Rich  spécialisée dans le cinéma gay le résume très bien : « Donna Deitch a eu du mal à trouver des actrices pour Desert Hearts. Ce qui a changé ? Hilary Swank a eu un oscar. Ça a tout changé. »


Le Secret de Brokeback Mountain


À partir de là, incarner un personnage gay ou lesbien devient moins rédhibitoire. Ça devient même tendance et chic. Ça devient une preuve de courage. Oui mais tous les personnages homosexuels ne débouchant pas forcément sur ce genre de récompenses, il faut éviter, pour la plupart d’entre eux, de froisser la grande majorité des spectateurs. C’est une des raisons pour lesquels ces personnages sont si lisses. Les acteurs les interprétant devant, eux, être hétérosexuels et bien sous tous rapports. L’actrice Nina Landey l’explique très bien : « Tous ces rôles vont à des acteurs hétéros. Et ils vont à des acteurs hétéros parce que le public préfère voir Hilary Swank ou Charlize Theron. C’est plus facile de regarder ces personnages et de leur trouver du courage. »

Et c’est ainsi que dans les programmes télé et autres magazines grand public, les acteurs séduisent tout le monde. Les gays et les lesbiennes s’accordent sur leur ouverture d’esprit et leurs prises de position alors que la ménagère de plus de cinquante ans est rassurée d’apprendre l’amour qu’ils portent à leur époux ou épouse.

Force est donc de reconnaître qu’aujourd’hui l’objectif affiché est de gagner sur tous les tableaux. Alors qu’incarner un personnage homosexuel semble plus aisé pour les femmes que les hommes, j’aurai tendance à adorer les déclarations de John Waters : « On devrait récompenser les homos qui jouent des homos. Ça, c’est courageux. Les hétéros veulent jouer les homos pour avoir un oscar. « Je suis pro, j’embrasse un homme. » J’aimerais voir des hommes gays qui auraient peur d’être enfermés dans ce rôle. »


Rupert Everett


Après tout, c’est vrai, ça n’a pas vraiment réussi à Rupert Everett de jouer un gay dans Another Country avant de faire ouvertement son coming-out en 1989. Parce que son plus grand rôle ensuite était en 1995 aux côtés de Julia Roberts dans Le Mariage de Ma Meilleure Amie où il interprétait… un homosexuel.

Le mot de la fin pour Chris Goutman, producteur exécutif et réalisateur du soap opera As The World Turns. Lorsque l’un des apprentis comédiens de l’émission In Turn lui déclare : « Je pense qu’on s’en est bien sortis, malgré les obstacles. Un baiser entre deux hommes… », Chris Goutman rétorque : « Tu te trompes d’obstacle. » Et si la réponse était aussi simple que cela ?

 

Isabelle B. Price (03 Août 2008)

Par Isabelle B. Price - Publié dans : ET LES FILLES, ALORS ?
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Jeudi 14 août 4 14 /08 /Août 00:41
Nous attendons avec impatience vos commentaires sur ce douzième objet :


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Par Henry Victoire
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Mercredi 13 août 3 13 /08 /Août 00:10


InTurn est une télé-réalité exclusivement diffusée sur le net, dans laquelle l'équipe d'As The World Turns (dont le "charmant" Chris Goutman, producteur exécutif et réalisateur) organise un casting façon Star Academy pour trouver un nouveau comédien. A chaque épisode, un élève est éliminé. La dernière semaine, les internautes américains votent pour leur préféré parmi les trois derniers, qui auront chacun une scène dans ATWT. Le gagnant remporte un contrat de 13 semaines dans le soap.
"InTurn" est un jeu de mot. "Intern" signifie "stagiaire", et "In Turn" sous-entend "in [As The World] Turn". C'est la 3e année que le concours est organisé. Je posterai ici uniquement les extraits liés à Luke et Noah, (ou Van et Jake). Si vous voulez voir l'intégralité de la série, cliquez sur :
www.cbs.com/originals/inturn3/
Massiarc, thanks for your help.
[InTurn 3 appartient à CBS, ATWT à PGP]


Par Jag1366 - Publié dans : SERIE : AS THE WORLD TURNS (AINSI VA LE MONDE)
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Mardi 12 août 2 12 /08 /Août 00:43


par Stéphane RIETHAUSER


6. Angleterre : de la société secrète Les Apôtres au mouvement scout

De l'Espagne, volons vers les Iles britanniques, où dans les années 1910-1914 plusieurs personnalités se retrouvent lors des réunions de la société d'étudiants homosexuels secrète Les Apôtres à Cambridge : John Maynard Keynes (1883-1946), le célèbre économiste, qui sera gouverneur de la Banque d'Angleterre et participera à la création de la Banque mondiale en 1944 ; les écrivains Lytton Strachey (1880-1932), et E.M. Forster (l'auteur du fameux Maurice, écrit en 1914, mais pas publié avant sa mort en 1971, adapté au cinéma par James Ivory dans les années 1980), également membres du Groupe de Bloomsbury avec Dora Carrington et Virginia Woolf ; le peintre Ducan Grant, ou encore Ludwig Wittgenstein, ainsi que Rudyard Kipling (1865-1936) l'auteur du Livre de la Jungle. En 1888, Kipling part faire le tour du monde avec son amant Walcott Starr. A la mort de ce dernier, il épouse sa sœur et devient père de famille. C'est dans ses livres que Kipling assume sa pédérastie, transmettant son amour pour le jeune Mowgli à un public adolescent.



Ducan Grant et
John M. Keynes


Sir Baden Powell
Couronné du Prix Nobel de Littérature en 1907, Kipling aura une grande influence sur son ami Sir Robert Baden-Powell (1857-1941), le fondateur du scoutisme. Baden-Powell est colonel de l'armée coloniale britannique et combat les Boers en Afrique du Sud. Assiégé dans la ville de Makefind, il a l'idée d'utiliser des gamins comme éclaireurs (en anglais "scouts") pour transmettre des messages à ses troupes ou pour monter la garde. Beaucoup de jeunes garçons seront tués en mission. On peut penser que Baden-Powell avait parfois des motifs autres que militaires pour recruter ses éclaireurs. D'anciens scouts ont témoigné de sa pédérastie. L'Angleterre va faire un triomphe à l'idée du scoutisme, qui naît en 1908 et qui va rapidement devenir internationale.

En France, c'est l'Eglise catholique qui crée la Fédération des Scouts de France. Baden Powell puise dans Le Livre de la Jungle les thèmes majeurs du scoutisme : la vie de camp en plein air, ou l'art de suivre une piste. Beaucoup l'ignorent, ce mouvement qui rassemble des millions de jeunes gens a été fondé par un homme qui aimait les garçons et qui n'a jamais eu d'aventures féminines, même s'il s'est marié sur le tard pour faire taire les rumeurs qui circulaient sur son compte.


7. Vienne : Les désarrois de l'élève Törless de Robert Musil

En Autriche, en 1906, Robert Musil (1880-1942) n'a que 26 ans lorsqu'il publie Les désarrois de l'élève Törless. Issu d'une vieille famille de fonctionnaires et d'officiers autrichienne, Musil s'exile en Suisse dès 1938. Il meurt à Genève sans avoir pu achever sa plus grande entreprise : L'homme sans qualité. Son roman Les désarrois de l'élève Törless a pour cadre dans une académie militaire de Galicie et raconte l'éveil à la conscience de Törless à travers des désarrois intellectuels, moraux et charnels. Un groupe de trois collégiens complote et torture un autre camarade. Törless, le plus passif et tourmenté des tortionnaires, se laisse attirer par Basini, la victime du chantage. Ce dernier se laisse aller à des actes avilissants et humiliants mais séduit finalement étrangement Törless. L'homosexualité est le vice dépravant, ou la cause refoulée de la perversité tortionnaire des trois garçons Törless, Reiting et Beineberg. Elle est l'anomalie dégoûtante confinée au plus vif secret, certes, mais aussi un moyen pour Törless de lever un voile et d'entrevoir le côté obscur, silencieux et cosmique de la vie. La façon dont Musil a intégré le thème de l'homosexualité et les fonctions qu'il lui assigne sont révélatrices des vues de l'époque sur l'homosexualité dans la société autrichienne. Dans une lettre qu'il écrit à un critique à propos du succès de son livre, dont on a retrouvé le brouillon dans son journal intime, Musil s'explique sur le choix de l'homosexualité : "Je ne veux pas rendre la pédérastie compréhensible. Il n'est peut-être pas d'anomalie dont je me sente plus éloigné. Au moins sous sa forme actuelle. (...) Les belles études des psychiatres français, par exemple, me suffiraient pour comprendre, revivre, et me semble-t-il, recréer n'importe quelle anomalie aussi bien que celle, relativement courante, que j'ai choisie."

Robert Musil


Adolf Brand


8. Allemagne : l'amour des garçons

En 1896 paraît le premier numéro de Der Eigene, la première revue homosexuelle au monde. A l'origine de cette publication, Adolf Brand (1874-1945), un jeune éditeur qui se démarque des théories du troisième sexe de Hirschfeld et fait clairement l'apologie de la pédérastie. Der Eigene paraîtra de manière irrégulière à cause des difficultés financières de Brand, et surtout à cause de ses tracas avec la justice. Malgré de nombreuses saisies effectuées par la police et ses multiples condamnations pour diffusion d'écrits immoraux, Adolf Brand publiera Der Eigene jusqu'en 1931, victime de la crise économique et de la montée du nazisme.
En 1906, le poète allemand Stefan George (1868-1933) publie un recueil de poèmes intitulé Maximin, nom qu'il donne au jeune éphèbe dont il est complètement épris, qu'il nomme "ange à figure humaine, prêtre de la beauté, symbole de Dieu". En 1928, il publiera un recueil de poème Das Neue Reich, qui est récupéré par la propagande nazie en raison de son titre. Mais George n'était pas antisémite et s'exile. Stefan George était l'ami d'Otto Weiniger, tout comme l'était Hans Blüher (1888-1955), un jeune homme qui manque de se faire renvoyer de son collège parce qu'il aime trop ses camarades, et qui est recueilli par Karl Fischer, l'homme qui dirige "Vandervogel", une confrérie qui s'affranchit des règles religieuses et morales traditionnelles et parcourt le monde sac au dos. Dès 1905, Blüher va développer le mouvement avec l'aide de Wilhen Jansen (1866-1943), un amateur de garçons notoire héritier d'une grosse fortune. La culture de l'association "Vandervogel" s'épanouit librement et comptera près de 25'000 membres jusqu'à l'irruption du scandale Eulenburg. Après la Guerre, le livre de Blüher L'érotisme dans la société mâle sera interdit sous la République de Weimar. Au contraire de ceux de Hirschfeld, ses ouvrages ne seront pas brûlés par les nazis, peut-être à cause de son antisémitisme.

Photo V. Gloeden
Au tournant du siècle, le Baron Wilhelm Von Gloeden (1856-1931), un aristocrate allemand exilé en Sicile, devient très à la mode avec ses photographies de jeunes éphèbes savamment dénudés. Il sera le précurseur des photographes érotiques et vendra des milliers de cartes postales dans toute l'Europe. Fritz Krupp, tout comme le secrétaire du roi d'Angleterre Edouard VII, sont de bons clients de Von Gloeden. A sa mort, il léguera plus 3'000 plaques de négatifs à son jeune modèle préféré, Pancrazio Bucini. La moitié de ces plaques seront détruites par les nazis, qui feront un procès posthume à Von Gloeden pour "obscénité". Suite à l'affaire Eulenburg, certaines oeuvres sont déclarées immorales.

John Henry Mac Kay (1864-1933), de mère allemande et de père écossais, qui a publié en allemand Die Anarchisten en 1885, voit ainsi ses ouvrages bannis en 1909. Plus tard, en 1926, il publiera son autobiographie Der Puppenjunge qui relate la vie des prostitués à Berlin dans les années 1920. Mac Kay est aussi l'auteur des Livres sur l'Amour qui n'a pas de nom (Die Bücher der Namenslosenliebe) sous le pseudonyme de "Sagitta".


9. Russie : le premier roman homosexuel

En Russie, l'auteur Mikhaïl Kuzmin publie en 1906 ce qui peut être considéré comme le premier roman mettant en scène ouvertement des homosexuels: Les Ailes. Le livre de Kuzmin est révolutionnaire dans la mesure où il transcende le phénomène en ne l'abordant plus comme un problème. Kuzmin est interdit de publication en 1929. Son amant est exécuté par le pouvoir stalinien. Lui-même meurt en 1936, à la veille d'être déporté.

Mikhaïl Kuzmin
10. Mort à Venise : Thomas Mann ou l'amoureux malheureux

En 1903, Thomas Mann (1875-1955) n'a que 28 ans lorsqu'il publie Tonio Kröger, un récit qui narre les aventures d'un jeune homme d'origine bourgeoise à l'esprit tourmenté. Dans sa correspondance publiée en 1955, l'année de sa mort, Thomas Mann précise que l'histoire d'amour entre Tonio Kröger et son camarade de classe Hans Hansen est autobiographique.
En 1912, il publie Mort à Venise. Le célèbre roman, adapté par Visconti au cinéma en 1972, raconte l'histoire du docteur Aschenbach qui tombe amoureux du bel adolescent Tadzio sur les plages du Lido vénitien. Enfermé dans ses désirs inassouvis, ne trouvant d'issue à son amour, Aschenbach préfère se laisser tuer par l'épidémie de choléra qui sévit à Venise plutôt que de retourner en Allemagne.

Thomas Mann
Comme beaucoup d'autres, Thomas Mann rejette son homosexualité et n'a consommé ses désirs qu'à peu de reprises. Il se marie à une riche héritière de la haute société en 1905 qui lui donnera six enfants, dont l'aîné, Klaus Mann, deviendra aussi écrivain. Ce dernier vivra son homosexualité beaucoup plus ouvertement que son père et s'engagera ouvertement contre les persécutions nazies.

Prix Nobel de littérature en 1929, Thomas Mann a détruit tous ses carnets intimes jusqu'en 1918, mais il confesse ses attirances érotiques dans ses Notes quotidiennes du soir à n'ouvrir que vingt ans après ma mort. Il devient impuissant avec sa femme et a quelques aventures avec de jeunes garçons lorsqu'il a passé quarante ans. A l'image de son héros le docteur Aschenbach, Thomas Mann représente le type de l'homosexuel solitaire et malheureux, reclus dans son placard.
  
Le jeune Tadzio et le Dr Aschenbach
Mort à Venise, réal. L. Visconti, 1972


*****

NOTA BENE: les ouvrages utilisés pour ce travail sont répertoriés dans la bibliographie 

Ce travail est l'oeuvre de Stéphane Riethauser. Il sera publié en 14 parties sur le blog Les Toiles Roses avec son autorisation. Qu'il en soit chaleureusement remercié. Stéphane est joignable sur le site de lambda éducation.



Lire le précédent billet : cliquez ici.


Par Stéphane Riethauser - Publié dans : HISTOIRE DE L'HOMOSEXUALITÉ
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Lundi 11 août 1 11 /08 /Août 00:41


par Stéphane RIETHAUSER


1. Arthur Rimbaud et Paul Verlaine : une saison en enfer

Dans la France des années 1870, l'amour entre hommes n'est pas punissable, mais il demeure sujet à railleries et honte sociale. Ainsi en témoigne la relation tumultueuse entre les poètes Paul Verlaine (1844-1896) et Arthur Rimbaud (1854-1891). Après avoir reçu quelques poèmes et une lettre du jeune prodige de Charleville, ébloui par le génie de son cadet, Verlaine invite Rimbaud à Paris. Il tombe aussitôt amoureux de l'adolescent et abandonne femme et enfants. Sortant ensemble dans les théâtres parisiens, le couple sera vite l'objet de ragots. Ainsi, Jules Renard commentera dans son journal la relation entre les deux hommes : "Est-ce que le fils de Verlaine ressemble à Rimbaud ?" Dès 1872, les deux amants errent à travers l'Europe, entre Londres et Bruxelles. S'ensuit leur période de création la plus intense. Rimbaud laisse éclater sa passion pour son aîné : "Je suis à lui chaque fois / Si chante son coq gaulois". A noter que l'écrasante majorité des éditions ont délibérément ôté le caractère érotique de ce vers, en imprimant: "Salut à lui, chaque fois / Que chante le coq gaulois."

Arthur Rimbaud



Paul Verlaine

Dans Une Saison en enfer, le seul texte publié par Rimbaud de son vivant, écrit juste après l'incident de Bruxelles pendant l'été 1873, où Verlaine, dans un moment d'ivresse, tire deux coups de feu sur son ami, Rimbaud relate les tumultes de leur relation. Verlaine est "l'époux infernal" et lui-même se représente sous les traits de "la vierge folle" : "Je vais où il va, il le faut. Et souvent il s'emporte contre moi, c'est un démon, vous savez, ce n'est pas un homme. Il dit : 'Je n'aime pas les femmes'. L'amour est à réinventer, on le sait (...) Nous nous accordions. Bien émus, nous travaillions ensemble. Mais après une pénétrante caresse, il disait : 'Comme ça te paraîtra drôle, quand je n'y serai plus, ce par quoi tu as passé. Quand tu n'auras plus mes bras sous ton cou, ni mon cœur pour l'y reposer, ni cette bouche sur tes yeux. Parce qu'il faudra que je m'en aille très loin un jour' (...) Un jour peut-être il disparaîtra merveilleusement ; mais il faut que je sache, s'il doit remonter à un ciel, que je voie un peu l'assomption de mon petit ami. Drôle de ménage !" Accusé par un Rimbaud désespéré, Verlaine sera condamné à deux ans de prison pour son acte de folie. Pendant son incarcération, il veut oublier son amant et se reconvertir à la religion de son enfance. Mais dès sa sortie de prison, il s'empresse de rejoindre Rimbaud à Stuttgart. Ce dernier relate ces retrouvailles dans une lettre à son ami Delahaye : "Verlaine est arrivé ici l'autre jour, un chapelet aux pinces. Trois heures après, on avait renié son Dieu et fait saigner les quatre-vingt dix-huit plaies de Jésus-Christ." Ce sera leur dernière entrevue avant l'exil définitif de Rimbaud en Abyssinie. C'est Verlaine qui publiera toute l'œuvre de son ami et le fera passer à la postérité, au grand dam de la famille de Rimbaud, qui ne souhaitait pas voir diffusés les écrits sulfureux du poète.



André Gide
2. Le Corydon d'André Gide

En 1911, André Gide (1869-1951) publie Corydon de manière anonyme. Pour la première fois dans l'histoire de la littérature française, un auteur fait nommément l'apologie de l'amour entre hommes. S'appuyant sur des exemples scientifiques, il retrace l'amour grec et condamne l'hétérosexualité dominante : "Dans nos mœurs, tout prédestine un sexe vers l'autre, tout enseigne l'hétérosexualité, tout y provoque : théâtre, livre, journal". Treize ans plus tard, en 1924, il réédite son ouvrage, en le signant cette fois de son nom. C'est le scandale : son œuvre est jugée démoniaque, et tenue pour responsable de la dégradation des mœurs. En 1926, il reconnaît être l'auteur de Si le grain ne meurt, livre dans lequel il décrit sa première relation homosexuelle en Afrique du Nord. Marié par convention à une femme qu'il n'aimait pas, Gide se liera en 1915 avec Marc Allégret (1900-1973), alors âgé de quinze ans. Plus tard, Allégret fera débuter Alain Delon et Jean-Paul Belmondo à l'écran, et signera quelques monuments du cinéma français (Entrée des artistes, avec Louis Jouvet, 1938 ; Sois belle et tais-toi, et Un drôle de dimanche, 1958).

L'amour de Gide se caractérise par sa pédérastie. Il déteste les "invertis" adultes et les couples formés d'un "Jules et d'une folle". Toute sa vie, il aura des relations avec de jeunes prostitués. Malgré des mœurs qui font scandale, André Gide reçoit le Prix Nobel de Littérature en 1947, quatre ans avant sa mort.


3. La Recherche de Marcel Proust

Marcel Proust (1871-1922), certainement le plus célèbre des écrivains français, aime lui aussi les beaux garçons. Amant du compositeur Reynaldo Hahn (1875-1947) et du fils d'Alphonse Daudet, Lucien, et de nombreux autres, il vivra dans le tourment tout au long de son existence. Ses amours l'inspireront pour créer les personnages de son chef d'œuvre A la recherche du temps perdu. Pour Proust, l'homosexualité ne peut être qu'un enfer, à l'image de Monsieur de Charlus, "le héros homosexuel le plus fort de toute la littérature, (...) obligatoirement voué à l'humiliation morale et physique". A la mort de ses parents, en 1905, Proust ose s'afficher avec des garçons du peuple. Homme perturbé à la santé fragile et à la sexualité voyeuriste et sado-masochiste, Proust de démordra jamais de sa vision pessimiste.



Marcel Proust

C'est certainement cette impossibilité de s'épanouir pleinement dans la vie quotidienne qui l'a poussé dans sa fabuleuse recherche. "Les longues phrases de Proust (...), on pourrait les mettre au compte du besoin de brouiller les pistes, de cacher l'innommable. A l'ère de la permissivité, Proust aurait-il été Proust ? A visage découvert, eût-il jeté, comme la seiche, un nuage d'encre sur ses pas ?" (Dominique Fernandez)


4. Jean Cocteau, le génie polyvalent

Autre figure artistique marquante de la scène française, le génial Jean Cocteau (1881-1963). Dandy du nouveau réalisme, Cocteau est poète, romancier, essayiste, dessinateur, dramaturge, metteur en scène, et mécène de bon nombre d'artistes. Amant du jeune talent Raymond Radiguet (1903-1923), il forcera son ami à terminer Le Diable au Corps, puis Le Bal du Comte d'Orgel, avant que celui-ci ne meure tragiquement à l'âge de 20 ans. C'est Cocteau qui découvrira la beauté et le talent de Jean Marais (1913-1998), celui qui deviendra son acteur fétiche et l'amour de sa vie. Il est aussi à l'origine du succès de Jean Genet (1910-1986), qu'il aide à faire publier son Notre Dame des Fleurs en 1944.

Jean Cocteau,
dessin érotique, 1920
Jean Cocteau est l'auteur d'innombrables ouvrages, parmi lesquels son fameux Livre Blanc, paru anonymement en 1928, dans lequel il justifie ses penchants : "Au plus loin que je remonte et même à l'âge où l'esprit n'influence pas encore les sens, je trouve des traces de mon amour des garçons. J'ai toujours aimé le sexe fort, que je trouve légitime d'appeler le beau sexe. Mes malheurs sont venus d'une société qui condamne le rare comme un crime et nous oblige à réformer nos penchants."
Jean Cocteau

5. Musique, danse et olympisme

Du côté des musiciens, la scène parisienne regorge de personnalités au tournant du XXe siècle : Erik Satie (1866-1925), l'auteur des Gymnopédies, notamment, était lié avec Francis Poulenc (1899-1963) pendant huit ans, avant que les deux amis ne se brouillent. Poulenc a quant à lui mis en musique des dizaines de poèmes de Cocteau, de Federico Garcia Lorca, de Radiguet, ou du poète et communiste Louis Aragon (1897-1982), dont le Parti Communiste a toujours caché l'homosexualité. Maurice Ravel (1875-1937), l'auteur du Bolero, est toujours discret sur son homosexualité, et n'a jamais eu de relation féminine. Camille Saint Sens (1835-1921), compositeur du Carnaval des animaux, qui s'avoue son homosexualité sur le tard après s'être séparé de sa femme, est le professeur de piano de Reynaldo Hahn, l'amant de Marcel Proust.



Maurice Ravel

Francis Poulenc
A cette époque, Sergei Diaghilev (1872-1929), d'origine russe, est l'impresario et le producteur d'opéra et de ballet le plus en vogue à Paris. En 1917, il commande un ballet à Satie : Parade, sur un argument de Cocteau et une chorégraphie de Léonide Massine (1896-1979), qui deviendra son amant et son chorégraphe attitré. Diaghilev a de nombreux amants et, jaloux, il les congédie lorsqu'ils ont des liaisons avec des femmes. Le plus célèbre d'entre eux est bien sûr Vaslav Nijinski (1889-1950), l'un des plus grands danseurs de tous les temps, qui rencontre Diaghilev chez le Prince Lvov à Saint-Petersburg. Diaghilev emmène Nijinski à Paris et en fait un danseur-étoile phénoménal.
Les deux vivent en couple pendant un temps, mais Nijinski rencontre une Hongroise et se marie. Furieux, Diaghilev le renvoie des Ballets russes. Après la Première Guerre mondiale, Nijinski s'installe dans les Alpes suisses, rédige ses Cahiers et sombre, selon certains, dans la folie, même si la lecture de son journal révèle un homme d'un immense génie et ne laisse pas entrevoir autre chose qu'une hypersensibilité au monde souvent agressif qui l'entoure. Il effectuera de nombreux séjours dans des établissements psychiatriques jusqu'à sa mort en 1950.
Au rang des célèbres Français amateurs de garçons de l'époque, on peut encore citer le Baron Pierre de Coubertin, l'homme qui a ranimé la flamme olympique. C'est à son initiative qu'ont lieu les premiers Jeux Olympiques modernes à Athènes en 1896. Amoureux des garçons et profondément misogyne, Coubertin a dit : "Une Olympiade femelle est impensable, elle serait impraticable, inesthétique et incorrecte." Son ostracisme antiféminin ne sera pourtant pas longtemps respecté. Plus au sud, mentionnons au passage que Salvador Dali (1904-1989) a eu sa première liaison avec le poète Federico Garcia Lorca (1898-1936), avant de rencontrer sa femme Gala. Dali n'a avoué que quelques années avant sa mort avoir eu des relations avec des hommes. Au crépuscule de sa vie, devenu impuissant, il engage des jeunes hommes qui font l'amour devant lui pour "stimuler son inspiration".
Pierre de Coubertin


*****

NOTA BENE: les ouvrages utilisés pour ce travail sont répertoriés dans la bibliographie 

Ce travail est l'oeuvre de Stéphane Riethauser. Il sera publié en 14 parties sur le blog Les Toiles Roses avec son autorisation. Qu'il en soit chaleureusement remercié. Stéphane est joignable sur le site de lambda éducation.



Lire le précédent billet : cliquez ici.


Par Stéphane Riethauser - Publié dans : HISTOIRE DE L'HOMOSEXUALITÉ
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Dimanche 10 août 7 10 /08 /Août 00:08

Visuel : (c) GayClic

Face à Tony Jaccuzzi, Cyndi Lauper saura-t-elle réconcilier Luke et Noah d'un coup de b(r)aguette magique ?
[ATWT appartient à PGP et CBS]


Par Jag1366 - Publié dans : SERIE : AS THE WORLD TURNS (AINSI VA LE MONDE)
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Samedi 9 août 6 09 /08 /Août 00:04

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Face à Tony Jaccuzzi, Cyndi Lauper saura-t-elle réconcilier Luke et Noah d'un coup de b(r)aguette magique ?
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Par Jag1366 - Publié dans : SERIE : AS THE WORLD TURNS (AINSI VA LE MONDE)
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Vendredi 8 août 5 08 /08 /Août 09:51

   


(4.27)




Vous avez tous en mémoire le mariage express du président Sarkozy avec Mademoiselle Carla Bruni, union célébrée rapidement et, a-t-on appris par des oreilles indiscrètes, sur les conseils éclairés de Bernadette Chirac elle-même, qui y voyait le meilleur moyen de régler les questions protocolaires et de bienséance, notamment dans la perspective de la visite d’État du couple présidentiel au Royaume-Uni. Si les mœurs ont évolué en Albion depuis l’affaire Wallis Simpson, et que par la force des choses Sa Gracieuse Majesté Britannique accepte depuis belle lurette de recevoir des divorcés à sa table royale (autrement elle ne pourrait plus rencontrer trois de ses quatre enfants et, de son vivant, l’infortunée princesse Margaret), il n’est cependant pas toléré qu’un Chef d’État parade à Buckingham et à Windsor au bras d’une simple concubine. À cet égard, il me plait à songer que la monarchie française était beaucoup plus ouverte que la monarchie britannique et la Ve République. Pensez donc ! François Mitterrand obligé de cacher Madame Pingeot, de même que Chirac et Giscard leurs frasques respectives alors que Louis XIV s’affichait le plus naturellement du monde avec Louise de La Vallière puis Athénaïs de Montespan (de noble naissance cependant), et que Louis XV faisait pareillement la fortune des roturières à la cuisse légère que furent la marquise de Pompadour (née Jeanne-Antoinette Poisson) et la comtesse du Barry (née Jeanne Bécu). Il faut rendre justice à Nicolas Sarkozy d’avoir fait voler en éclats le carcan d’hypocrisie qui entourait l’Élysée depuis 130 ans. Mais rassurez-vous : mon propos n’est pas de faire l’éloge de « rupture ».

Je viens au contraire vous parler d’union, et si j’ai pris l’exemple Sarkozy-Bruni, c’est pour vous dire que l’on peut aller encore plus vite en besogne. Il me fait plaisir de vous révéler qu’Andréa m’appelle tendrement « son mari », et cela depuis déjà un mois. Ne me reprochez pas d’avoir omis de publier les bans et dérogé à toutes les prescriptions du code civil. Notre « mariage » n’est pas de nature à troubler l’ordre public actuellement en vigueur, puisqu’il n’est que d’ordre privé et, osé-je le dire, d’essence spirituelle. Ni « petit ami », ni même « fiancé », nous avons donc brûlé les étapes pour nous déclarer « mariés », n’ayant rien d’autre à signifier par ce vocable que l’union de nos cœurs.

Je me souviens qu’en 2002, l’un de mes ex m’avait déjà appelé son « mari ». Il en parlait à tous ses collègues, ses amis. C’est ainsi qu’il me désignait quand il parlait de moi. Sans vouloir le vexer, je pense qu’il avait tendance à galvauder le terme, et s’il a appelé « mari » tous ses petits amis successifs, à ce compte-là il a dû être marié plus souvent qu’Elizabeth Taylor et Lana Turner réunies ! De mon côté, je me souviens que je ne lui ai jamais donné ce qualificatif. Pour l’anecdote, notre « mariage » n’a duré que six semaines…

Six ans plus tard, il y a quelque chose de changé au royaume de Zanzi. La maturité, l’expérience, que sais-je. Il y a cette volonté de s’engager, la foi en l’autre, l’évidence que ce qui nous a mis en présence n’était pas le fruit du hasard. Il y a l’amour qui existe, pas un fantasme ni une chimère, mais la réalité, une réalité qui nous aide à supporter l’éloignement provisoire. Et la communication, le dialogue, un échange quotidien à travers des messages écrits, des coups de téléphone et des vidéos du bout du monde. Alors, oui, je le dis, je suis le mari d’Andréa et Andréa est mon mari. Nul besoin pour cela de déclaration à la mairie, ni du témoignage de tiers assistant à un événement particulier. Les cinéphiles avertis se souviendront que dans « Tarzan trouve un fils » (1939) Jane-Maureen O’Sullivan désigne Tarzan-Johnny Weissmuller comme « son mari ». Mais quand diable la cérémonie de mariage s’est-elle déroulée alors qu’ils n’ont pas quitté la jungle ?! Non, ce n’est pas le sorcier de la féroce tribu des Zambilés qui les a unis, mais leur amour, et sans doute un baiser qu’ils se sont donnés dans le secret des profondeurs sylvestres. Peu importe si c’était le premier baiser, ou l’étreinte qui les fait s’enlacer à la fin du premier film, c’est l’amour qui a scellé leur hymen, et rien d’autre.

Maintenant, s’il nous prenait à mon mari et moi l’envie d’officialiser notre union de fait, chose qu’en l’état actuel nous ne pourrions faire en France, d’autres latitudes pourraient nous offrir un refuge. J’élimine d’emblée les Pays-Bas où mon patron actuel va être muté à la rentrée sans même avoir à traiter des suites de l’affaire Minvielle puisque le dossier est classé, et la Belgique pas assez glamour (mais y aura-t-il encore une Belgique l’année prochaine ?). Il y a bien sûr le Canada, ses hivers neigeux, ses étés pluvieux, ses chutes de Niagara… Bof. Il y a enfin l’Espagne, son soleil, ses couleurs chatoyantes, et enfin l’État du Massachusetts qui est en passe de devenir le « Las Vegas du mariage gay » car n’importe quel couple quel que soit son lieu de résidence peut s’y marier, et la Californie… tout au moins jusqu’au référendum d’initiative populaire prévu en novembre prochain qui risque d’annuler la loi qui autorise actuellement le mariage des couples de même sexe. La rumeur prétend qu’Ellen DeGeneres et Portia De Rossi (deux aristos de la télé américaine) s’y sont prises pour épouse et femme le mois dernier !

 Mais enfin, ce mariage-là, qu’est-ce que c’est ? Un engagement plus social que privé, un document administratif, une fête, tout cela à la fois. Mais aussi un « je t’aime » qu’on prononce en public, un baiser au balcon du palais, un échange d’alliances griffées Cartier… Allez, peut-être bien qu’un jour nous y viendront, mais je ne piaffe pas d’impatience d’y arriver car, du fond du cœur, c’est déjà fait.


 

TO BE CONTINUED…


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Par Zanzi - Publié dans : HUMEUR : Zanzi and the City
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