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FILMS : Les Toiles Roses

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Fiche technique :
Avec Clive Owen, Lothaire Bluteau, Ian McKellen ,Nikolaj Coster-Waldau, Mick Jagger, Brian Webber, Jude Law, Gresby Nash et Suzanne Bertish. Réalisation : Sean Mathias. Scénario : Martin Sherman, d’après sa pièce Bent. Images : Yorgos Arvanitis. Montage : Isabelle Lorente. Directeur artistique : Andrew Golding. Costumes : Stewart Meachem. Musique : Philip Glass.
Durée : 118 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
Berlin, 1935. Max (Clive Owen), un dandy volage, fils de bonne famille en rupture de ban, hante tous les soirs le grand cabaret gay de la capitale du Reich. Il vit avec Rudy (Brian Webber), un des danseurs de la troupe du lieu. Ce qui ne l’empêche pas de faire de nombreuses conquêtes. Le soir du 29 juin 1934, il ramène au domicile conjugal un beau membre des S.A. Le matin suivant, les S.S. viennent égorger cet amant de passage. Max et Rudy prennent la fuite. Une errance de plusieurs mois dans l’Allemagne nazie commence pour les deux hommes. Ils sont finalement arrêtés et déportés à Dachau.


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Rudy est abattu durant le voyage. Max troque traîtreusement son triangle rose des déportés homosexuels contre l’étoile jaune des juifs, espérant ainsi être mieux traité par ses geôliers. Sa véritable identité est vite perçue par Horst (Lothaire Bluteau), un jeune homosexuel. Ce dernier lui reproche de ne pas assumer la fierté de ce stigmate de paria. Une histoire d’amour naît entre eux. Horst est assassiné par les S.S. Max, dans un geste d’ultime révolte d’homme libre, qui équivaut à un suicide, endosse la veste de son ami sur laquelle est cousue le triangle rose…


L’avis de Bernard Alapetite :
Avant toute chose, saluons l’ambition de l’entreprise et n’oublions pas l’importance de ce film. Il fut le premier, en 1997, à mettre en scène au cinéma une fiction sur la déportation des homosexuels. L’indispensable Paragraphe 175 (DVD Eklipse) date de 2000 et le très beau et – enfin – grand public Un Amour à taire (DVD Optimale) de 2004.

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Bent est l’adaptation de la pièce éponyme de Martin Sherman. Elle fut créée à Broadway en 1979 où elle connut immédiatement le succès. C’est Richard Gere, révélé l’année précédente au cinéma par American Gigolo, qui interprétait le rôle de Max. À Paris, en 1981, alors qu’il n’avait pas joué au théâtre depuis 10 ans, Bruno Cremer reprit le rôle. Il déclara alors : « La raison pour laquelle je joue la pièce, c’est de faire découvrir au public une chose qui est restée cachée, comme une tache. Un peu comme si les triangles roses ternissaient l’image qu’on se fait des victimes des camps. D’une certaine manière la persécution continue, elle arrange tout le monde et c’est là que c’est pernicieux. Ce que je trouve formidable aussi dans cette pièce, c’est son absence de didactisme, on imagine ce qu’aurait fait Sartre ou Camus. Cette pièce est très vivante et on y trouve de nombreux thèmes. »


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Le rappel de quelques dates me parait nécessaire pour situer le film dans l’Histoire. La fuite de Max et de Rudy commence au matin de la nuit des longs couteaux, soit le 30 juin 1934 (magistralement filmée par Visconti dans Les Damnés, DVD Warner). La prise de pouvoir d’Hitler date du 30 janvier 1933. Le 24 février 1933, un décret signé Goering ordonnait la fermeture des bars fréquentés par des homosexuels. Le texte interdisait aussi la publication de revues homosexuelles, ce qui fit réagir positivement le Pape : « Le Vatican accueille avec plaisir la lutte de l’Allemagne nationale contre le matériel obscène ! » Le 6 mai 1933, l’institut de Magnus Hirschfeld est pillé.


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Le choix d’une mise en scène baroque, plus proche de celle de l’opéra que du cinéma, si elle est plaisante à l’œil, bien servie par le grand chef opérateur, qu’est Yorgos Arvanitis, s’avère contre-productive tant pour la vérité historique que pour la charge émotionnelle qui devrait nous submerger devant une telle histoire. C’est sans doute par peur d’être accusé de faire trop théâtral que Sean Mathias n’a ni joué le jeu du naturalisme ni celui d’un symbolisme dépouillé, partis pris plus sages lorsque l’on traite de faits historiques. Alors que souvent dans les adaptations de pièces au cinéma, ce sont les « aérations » qui paraissent gratuites et trahissent l’origine du film, ici ce sont les décors qui semblent souvent sortis d’une trop riche production théâtrale. Les deux flagrants exemples sont le cabaret et le loft habité par Max et Rudy.


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Si c’est très probablement l’Eldorado, la boite de nuit, qui était le point de convergence des nuits homosexuelles de Berlin, qui a inspiré le cabaret au début du film, il ne faut pas y chercher une quelconque reconstitution historique car ce que l’on voit ressemble plus à un caravansérail gay en ruines qu’à un établissement de plaisir des années 30. Les chorégraphies que l’on aperçoit sont totalement anachroniques, même si elles sont fort agréables à regarder. Bent contredit l’adage qu’un film réussi est une suite de scènes réussies. Bent n’est pas une complète réussite alors que presque toutes les scènes qui le composent sont remarquables. En particulier celles de la fuite de Max et Rudy dans la ville, puis dans la campagne, qui m’ont évoqué Tarkovsky. Mais l’on perçoit trop l’hétérogénéité du film et la certitude que le cinéaste n’a jamais eu une vision globale de son sujet.


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Il est probable que Yorgos Arvanitis, lorsqu’il a tourné le dernier plan du film – le beau mouvement de grue qui, lentement, fait s’élever et s’éloigner la caméra du corps du déporté crucifié sur les fils de fer barbelés, pendant que l’image se solarise passant par le sépia pour arriver au blanc absolu – avait en mémoire la trop célèbre diatribe de Jacques Rivette sur la morale du travelling dans le Kapo de Pontecorvo (dvd ed. Carlotta). Cela nous ramène à la question tant de fois débattue : « A-t-on le droit de faire du beau, ce final est magnifique cinématographiquement parlant, avec l’horreur et en particulier avec celle des camps d’extermination ? » Pour ma part, je répondrais qu’il est moral que le metteur en scène et son chef opérateur mettent tout leur savoir-faire pour faire communier le spectateur dans la colère et la répulsion qui les animent. Cet engagement de leurs talents respectifs sera toujours préférable au silence et à l’évitement qui ne sont que démission.


 


Pour sa première mise en scène, et unique jusqu’à ce jour, Sean Mathias a bénéficié de collaborateurs d’une exceptionnelle qualité. Les images lumineuses de Yorgos Arvanitis, un chef opérateur de grande notoriété, qui a travaillé avec des réalisateurs aussi différents que Catherine Breillat (Anatomie de l’enfer), Podalydès (Liberté-Oléron), Agnieszka Holland (Total eclipse) et bien d’autres, avec leurs travellings fluides et leurs cadrages inventifs, forment un bel écrin, surtout à la fin du film, pour le texte. Le célèbre compositeur Philip Glass, a écrit une musique élégiaque qui souvent transcende les images. Ils sont tous au service de la grande pièce de Martin Sherman, qui est jouée dans le monde entier jusqu’au Japon, depuis plus de 25 ans. Cet auteur a aussi signé les scénarios du dernier film de Stephen Frears, de Callas forever (Franco Zefirelli) et du très beau film gay Indian Summer (DVD Eklipse), mais surtout dotés d’une distribution éblouissante. Clive Owen porte tout le film sur les épaules, passant du veule dandy au héros. Mike Jagger, en avatar de Marlène Dietrich, est époustouflant. Ian McKellen, qui créa le rôle de Max à Londres en 1979 au Royal Court Theater, croque avec le talent qu’on lui connaît une caricature de honteuse précieuse. Lothaire Blutheau (Le Confessionnal) est très émouvant. Dommage que l’on ait pas revu sur les écrans le charmant petit nez retroussé de Brian Webber, qui est remarquable en Rudy.


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Le film contient de nombreuses scènes poignantes, dont une d’anthologie : Max et Horst font l’amour côte à côte, sans se toucher ni même se regarder. Cette scène était encore plus forte au théâtre, pourtant dans le film les deux acteurs sont parfaits.


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Curiosité cinéphilique, le scénariste Martin Sherman a emprunté la situation du déplacement inutile de blocs de pierre par les déportés à un autre grand homme de théâtre, Armand Gatti. Ce dernier en avait fait une des séquences mémorables de son premier film de fiction, le beau et peu connu, L’Enclos (DVD Doriane films).
Si les erreurs historiques ne manquent pas, le film montre bien la collaboration active ou – comme en France, et majoritairement – passive du peuple allemand à ces déportations, ainsi que l'absurdité d'un tel régime.
Le film a obtenu en 1995 « le prix de la jeunesse » au Festival de Cannes.
Un livre indispensable sur cette période : Histoire de l’homosexualité en Europe : Berlin, Londres, Paris 1919-1939 (Seuil) et un site qui ne l’est pas moins : http://www.triangles-roses.org.


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Le film est édité, en France, chez KVP. Une édition scandaleuse de médiocrité. Non seulement l’image 1/85 d’origine est recadrée en 4/3, mais le DVD ne comporte absolument aucun bonus ! Il me semble qu’y joindre des extraits, ou mieux la captation, d’une mise en scène de la pièce aurait été passionnant, par la comparaison que ce bonus aurait permis et la réflexion sur l’adaptation d’une œuvre théâtrale au cinéma qu’il n’aurait pas manqué de susciter… Un éclairage historique aurait été aussi bien venu, de même que les commentaires de Martin Sherman, qui est aussi coproducteur…


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Si l’on ne retrouve pas l’émotion qui nous étreignait à la découverte de la pièce, la vision d’un film aussi ambitieux, servi par de si grands talents, ne peut pas laisser de glace.
Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Fernando Ramallo, Jordi Vilches, Marieta Orozco, Esther Nubiola, Chisco Amado, Ana Gracia et Myriam Mézières. Réalisé par Cesc Gay. Scénario de Tomas Aragay, Cesc Gay et Jordi Sanchez. Directeur de la photographie : Andreu Rebes. Compositeurs : Joan Diaz, Jordi Prats et Riqui Sabates.
Durée : 96 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
En Espagne, Dani et Nico sont deux lycéens inséparables. Ils se retrouvent pour les vacances dans la riche demeure de Dani, au bord de la Méditerranée. Sa famille est aisée, moderne et libérale, tandis que les parents de Nico sont divorcés et d'origine plus modeste.
Dans la chaleur de l'été, entre le village où l'on danse et la plage où s'ébauchent les rencontres, les deux adolescents rencontrent deux jeunes filles de leur âge : Berta et Elena. La première poursuit Dani tandis que Nico flirte avec Elena.

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Les deux garçons entreprennent leur apprentissage du sexe et entre eux naissent des sentiments ambigus. Pendant ces dix jours de liberté, ils découvrent ensemble l'amour, la jalousie et le désenchantement. Ils traversent ainsi la frontière vague qui sépare l'adolescence de l'âge adulte.

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L'avis de Rémi Jimenez :
La mise en scène, ça tient parfois à peu de choses. Quelques idées éparses, simples mais efficaces. Cet adage, Cesc Gay, réalisateur catalan dont c’est là le deuxième long métrage, l’applique à la lettre, cherchant moins à étaler une vaine virtuosité qu’à donner vie à ses personnages, deux adolescents : Dani et Nico. Au début du film, nombreux sont les signes qui, discrètement, esquissent le récit. C’est d’abord un trajet en train, annonçant les initiations à venir, les premières ébauches du passage d’un état à un autre. Non pas de l’adolescence à l’âge adulte, mais plutôt de l’adolescence à la post-adolescence.

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C’est ensuite Nico, passager au physique androgyne, qui vient rejoindre son pote Dani dans la maison de vacances de ses parents. Ils se retrouvent sur le quai, se donnent une franche accolade, puis quelque chose se produit. Quelque chose de limpide et de délicat : les deux compères se bousculent comme deux gamins agités, puis changent de position. Dani se retrouve alors à la place de Nico et vice versa. Ce renversement initial marquera de son sceau tout Krampack, et notre vision des choses, bourrée de préjugés (l’androgyne homosexuel, le petit blondinet qui fait craquer les femmes, etc.), s’en trouvera considérablement altérée…

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C’est donc à une chronique sur l'adolescence que nous convie Cesc Gay, genre ô combien délicat, tant il penche souvent du côté de la caricature : ces anciens ados devenus cinéastes jettent parfois un regard trop nostalgique, limite réactionnaire, sur cette étape décisive de leurs vies. Ouvrons ici une parenthèse, histoire d’indiquer que le cinéma ibérique a toujours été moins enclin que le nôtre à parler de cette classe d’âge. Pour des raisons historiques d'abord (la dictature franquiste laissait peu de place aux récits d’initiation, ou alors il s’agissait d’initiation patriotique !). Pour des raisons cinématographiques ensuite : ces dernières années ont été marquées par le cinéma almodovarien peu friand de ce type de personnage. Fin de la parenthèse.

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Ce contexte cinématographique est peut-être pour beaucoup dans la réussite relative de Cesc Gay : le cinéaste n’a pas cherché à imiter, ni à innover, préférant se focaliser sur ses deux protagonistes, parfaitement dessinés et interprétés (il faudra notamment suivre ce Jordi Vilches, qui a une gueule et du bagout)…

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Cette attention soutenue sur les deux comédiens explique sans doute les quelques errements repérés ici ou là : les adultes mal campés et un peu bâclés, ou bien encore ce recours un peu lourdingue au montage parallèle à la fin, comme pour mettre en perspective la découverte et l’épanouissement sexuels de Dani et Nico, chacun dans son coin, chacun dans son genre. Mais l’ensemble est suffisamment juste et touchant pour qu’on s’y attache. Oublions donc ces quelques travers.

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L'avis de Jean :
On n'est pas sérieux quand on a 17 ans…
Comme tous les ans, Dani, fils d'une famille aisée espagnol, invite son ami d'enfance, Nico, à passer les vacances chez lui, dans une magnifique villa sur la côte espagnole.
Cette année est particulière car les parents de Dani partent en Egypte et les deux compères, âgés de 17 ans, ne souhaitent pas passer l'été puceau.
Mais leur épanouissement sera différent.

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… Et qu'on joue au Krampack sous les ramages.
Si Krampack a été présentée en avant-première française lors du festival gay et lesbien qui s'est déroulé à Paris dans la deuxième moitié du mois de décembre 2002, ce n'est pas un hasard : ce film est très bon et, vous vous en doutez parle (aussi) d'homosexualité.
L'histoire pouvait nous faire crainde le pire mais Cesc Gay, le réalisateur, a réussi à saisir des instants d'émotion, de jalousie, d'incertitudes, sans fausse pudeur ni mièvrerie. Belle performance !
De plus il existe une parfaite osmose entre les acteurs. Le résultat est d'un très bon niveau. L'intervention de filles du même âge va faire la joie de Nico et les déconvenus de Dani, le rôle de la prof d'anglais, à qui les parents de Dani l'ont confié, va aussi être déterminant : elle voit bien ce qui se passe et joue un rôle de régulateur. Elle dit d'ailleurs à Nico (Dani n'a pas passé la nuit chez lui) : "Si tu es jaloux qu'il passe la nuit ailleurs, alors tu es amoureux de lui et tu dois l'assumer, sinon va dormir, il rentra bien demain, t'inquiètes !"

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N'allez pas croire que ce film, interdit au moins de 12 ans, est une partouze collective ou une ode à l'homosexualité. Ce n'est absolument pas le cas. Krampack ne joue pas la carte de la vulgarité.
C'est drôle, touchant, juste. Il évoque juste la constitution d'une personnalité sexuelle différente entre deux amis, l'un hétérosexuel, l'autre très attiré par les hommes, en particulier Nico.
Pour ceux d'entre vous qui n'auraient pas compris, Krampack est un film à voir.
Pour plus d’informations :
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Fiche technique :

Avec Marie (Et alors ?) : Camille Japy, Lisa (Et alors ?) : Gwenaëlle Simon, Florent (Une nuit ordinaire) : Philippe Garziano, l'ami à l'hôpital (Une nuit ordinaire) : Emmanuel Bolève, Marc (Dans la décapotable) : Guillaume Depardieu, Axel (Dans la décapotable) : Julien Lambroschini, L'homme de la pharmacie (Dans la décapotable) : Jean-Christophe Bouvet, Une passante (Dans la décapotable) : Amanda Lear, Valéria (La mouette) : Natacha Régnier, Laurence (La mouette) : Marion Cotillard, Christophe (La mouette) : Nils Tavernier, (Dedans) : Eric Caravaca, Le garçon à blouson (Tapin du soir) : Frank Demules, La fille (Enceinte ou lesbienne ?) : Bérénice Bejo, (Enceinter ou lesbienne ?) : Marina Tomé, Patrick (Un moment) : Adrien de Van. Réalisateurs : François Dupeyron, Pierre Salvadori, Philippe Faucon, Jean-Claude Guiguet, Merzak Allouache, Paul Vecchiali, Nils Tavernier, Marion Vernoux, Anne Fontaine et Françoise Decaux-Thomelet. Scénaristes : Catherine Locandro, Frank Demules, Jean-Philippe Clarac, Olivier-Daniel Deloeil, Clarisse Battas, Stéphane Galas, Sergueï Matytsine, Pierre Guiho, Didier Seynave. Directeurs de la photographie : Philippe Bottiglione, Caroline Champetier, Jean-Marc Fabre, Gilles Henry, Stephane Krausz, Norbert Marfaing-Sintès, Pierre Milon, Guillaume Schiffman, Myriam Vinocour. Monteurs : Jennifer Augé, Kadisha Bariha, Pascale Chavance, Françoise Collin, Ariane Doublet, Luce Grunenwaldt, Gérard Touratier, Hélène Viard.
Durée : 58 mn. Disponible en VF.


Résumé :
L'Amour est à réinventer, ce sont dix histoires d'amours au temps du sida, un programme de 58 minutes composé de 10 films courts réalisés par Merzak Allouache, Françoise Decaux-Thomelet, François Dupeyron, Philippe Faucon, Anne Fontaine, Jean-Claude Guiguet, Pierre Salvadori, Nils Tavernier, Paul Vecchiali et Marion Vernoux.

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L’avis d’Olivier Nicklaus :
L'Amour est à réinventer, ce fut d'abord un programme proposé par Arthur Rimbaud. Aujourd'hui, ce sont dix histoires d'amour au temps du sida. La très faible représentation homosexuelle dans les courts métrages issus du concours « 3 000 scénarios contre un virus » a incité la Lesbian & Gay Pride Films à initier une opération similaire consacrée aux vécus de l'homosexualité. Dix scénarios ont été retenus et confiés à des réalisateurs de cinéma. On aurait pu faire appel de préférence à des réalisateurs de publicité pour qu'ils enfoncent efficacement le clou de la prévention.

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Non, ce sont des auteurs qui s'expriment, et ils ne font pas seulement passer un message (prévention donc, mais aussi compassion ou solidarité). Ils réalisent chacun une fiction autonome, souvent passionnante, jamais anodine. Si l'expérience précédente s'enlisait parfois dans les préoccupations prophylactiques, c'est rarement le cas ici. Les slogans laissent place aux climats, les messages s'effacent derrière les émotions.

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Du coup, certains osent des images qui ne plairont sûrement pas à tout le monde. D'ailleurs, à l'heure où sont écrites ces lignes (1996), les chaînes négocient encore les horaires de passage des différents films. On s'en voudrait de faire un palmarès parmi ces dix films, tous dignes d'intérêt. On mentionnera simplement quelques souvenirs tenaces. L'humour blessé du jeune séropositif enfermé chez lui dans Dedans de Marion Vernoux. La caméra subjective de Pierre Salvadori pour filmer le désir impérieux qui évacue toute prudence. Et surtout Une Nuit ordinaire de Jean-Claude Guiguet. En pédalant vers celui qu'il aime, Laurent écoute Patachou chanter J'ai rendez-vous avec vous de Brassens. Il commence à se déshabiller dans le couloir. Mais c'est un couloir d'hôpital. Ils se retrouvent, puis éteignent la lumière. Et lorsque Laurent cherche un préservatif dans la table de nuit, on entend le bruit des boîtes de médicaments. Ils font l'amour. Fin du film. La gorge serrée, on attend que la lumière revienne.

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L’avis de
Francis Lamberg :
L'Amour est à réinventer est une collection de dix courts-métrages : dix reflets de notre époque, dix histoires alternatives sur des amours en marges. L'Amour est à réinventer, phrase d'Arthur Rimbaud, est né à l'initiative de l'association Lesbian and Gay Pride Films, en partenariat avec Sida Info Service, Aides et « 3000 scénarios contre un virus », un concours d'idées de courts-métrages lancé au printemps 1994 sur le thème de l'homosexualité et de la bisexualité au temps du sida. Sur plus de 1000 réponses, dix scénarios avaient été retenus par un jury que présidait Patrice Chéreau.

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TOUT N'EST PAS EN NOIR
Texte original : Sergueï Matytsine - Adaptation et réalisation : Philippe Faucon - 4 min 04 - France (Son Digital 5.1 & DTS). Un couple homosexuel, un beur et un black, dans la vie de tous les jours. L'un d'eux est enceint . Il a une envie de caviar. Son ami s'efforce de le satisfaire.
« L'ambition de Faucon est simplement de capter la pure beauté de l'instant , et il y parvient brillamment » - Les Cahiers du Cinéma, février 1997.
« Tu es mon caviar noir de tous les jours. »
UNE NUIT ORDINAIRE
Scénario : Franck Demule - Adaptation et réalisation : Jean-Claude Guiguet- 6 min 30 - France (Son Digital 5.1 & DTS) Le walkman vissé sur les oreilles et dans lequel Patachou interprète J'ai rendez-vous avec vous, un jeune homme traverse Paris à vélo. Il va rejoindre son ami à l'hôpital pour passer la nuit avec lui.
« Jean-Claude Guiguet livre une œuvre grave, où les sensations les plus immédiates apparaissent avec splendeur » - Les Cahiers du Cinéma, février 1997.

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DEDANS
Scénario : Stéphane Galas - Adaptation et réalisation : Marion Vernoux - 7 min 23 - France (Son Digital 5.1 & DTS) Un homme seul parle à son caméscope et lui raconte ce qu'il aurait aimé faire s'il n'avait pas été malade.
« Une interprétation remarquable ! C'est bref, simple, drôle et déchirant ! » - Bernard Genin, Télérama, 12 février 1997.
DANS LA DECAPOTABLE
Scénario : Jean Philippe Clarac et Olivier-Daniel Deloeuil - Adaptation et réalisation : Merzak Allouach - 5 min 26 - France (Son Digital 5.1 & DTS) Deux garçons partent en week-end. Dans la décapotable qui les emmène, l'un d'entre eux sent monter en lui une angoisse de plus en plus forte : et si son ami, lui aussi, n'avait pas pris de préservatifs ? Avec Guillaume Depardieu dans un des deux rôles principaux et Amanda Lear en guest-star. le tout sur fond de Rita Mitsouko.
« Une histoire amusante et pleine de rebondissements ou l'on parle de prévention du sida sur un ton léger » - France Soir, 30 novembre 1996.
« Il fait froid : tu veux pas mettre la capote ? »

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LES LARMES DU SIDA
Texte original : anonyme - Adaptation et réalisation : Paul Vecchiali - 7 min 46 - France (Son Digital 5.1 & DTS) Le témoignage autobiographique d'un homme marié sur sa rencontre, puis sa relation amoureuse avec un autre homme, malade du sida. Une narration introspective, illustrée simplement et efficacement, sans effet inutile.
« Paul Vecchiali réussit un film solaire et poétique sur le souvenir, une œuvre élégiaque et sensuelle sur la fugacité insaisissable du bonheur » - Serge Kaganski, Les Inrockuptibles, 12 février 1997.
ET ALORS ?
Scénario : Catherine Locandro - Adaptation et réalisation : François Dupeyron - 5 min 28 - France (Son Digital 5.1 & DTS) Lisa plaît à Marie. Marie plaît à Lisa. Tout pourrait être simple. Mais Lisa s'enferme dans une apparente indifférence.

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LA MOUETTE
Scénario : Clarisse Battas - Adaptation et réalisation : Nils Tavernier - 5 min 04 - France (Son Digital 5.1 & DTS) Valéria est amoureuse de Laurence et n'ose lui dire. Finalement, elle y arrivera, par cassette interposée. Un film marin, plein du sel de la vie !
« Nils Tavernier met en scène avec beaucoup de tact et de retenue la déclaration amoureuse d'une jeune femme à une autre... » - Impact du médecin, février 1997.
TAPIN DU SOIR
Scénario : Olivier Rouvière - Adaptation et réalisation : Anne Fontaine - 5 min 14 - France (Son Digital 5.1 & DTS) Dans le bois de Boulogne, un client paye pour une fellation. Mais le jeune prostitué demande la réciproque. Bof !

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ENCEINTE OU LESBIENNE ?
Scénario : Pierre Guiho- Adaptation et réalisation : Françoise Decaux-Thomelet - 4 min 22 - France (Son Digital 5.1 & DTS). Le rideau se lève (littéralement) sur un coming-out : une jeune fille annonce à ses parents son homosexualité sur le ton de la comédie : « enceinte ou lesbienne ? qu'est-ce que vous préférez ? »
« C'est vif, impertinent et amusant » - Impact du médecin, février 1997.
« La Mère : - Antoine a appelé.
Le Père : - Sophie rappellera. »
UN MOMENT
Scénario : Didier Seynave - Adaptation et réalisation : Pierre Salvadori - 6 min 08 - France (Son Digital 5.1 & DTS). Un jeune homme fait l'amour avec un autre sans préservatif. En voix off, on entend ses pensées. Le désir plus fort que tout, puis le doute . Une caméra objective. Objectivement et salutairement dérangeante.
« Pierre Salvadori réduit son champ d'action au minimum, signant le film le plus dérangeant de la série... » - Les Cahiers du Cinéma, février 1997.

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BONUS
L'homme qui aimait les hommes
Documentaire fiction
Scénario et réalisation : Pascal Dutertre - 48 min - France (Son Digital 5.1 & DTS) Conversation amicale en Bretagne entre une femme et un homme. Quatre tableaux, quatre interlocuteurs masculins, chacun présente un regard, un vécu, une sensibilité sur sa condition homosexuelle. Face à face intime et toujours sincère. Au delà de l'anecdote, ces quatre personnalités sont le reflet de notre époque. La femme questionne, curieuse, candide, piquante. « En quoi le désir d'un homme pour un autre serait différent de celui d'une femme pour un homme ? Qu'est-ce qui te plait chez les hommes ? Et le sexe ? Le corps ? Les sentiments ? » Ces hommes répondent, mais s'interrogent également, mélange de poésie et de réalité crue, de désillusion et d'envie, de dérives et d'amour. Ces tranches de vies qui tentent d'illustrer la théorie et les pratiques homosexuelles évitent de justesse la logorrhée barbante.
« J'avais été un enfant vicieux mais plutôt naïf. »
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Rupert Everett, Colin Firth, Michael Jenn, Robert Addie, Rupert Wainwright, Tristan Oliver, Cary Elwes et Frederi
ck Alexander. Réalisé par Marek Kanievska. Scénario de Julian Mitchell. Directeur de la photographie : Peter Biziou. Compositeur : Michael Storey.
Durée : 90 mn. Disponible en VO, VOST et VF.




L'avis de Jean Yves :
Amitiés particulières. Another Country est exclusivement un film de garçons. De beaux garçons, du meilleur style BCBG. Vous verrez apparaître seulement deux femmes dans ce long-métrage de l'anglo-polonais Marek Kanievska, et fort rapidement.

 


On nous emmène d'abord à Moscou, de nos jours, dans l'appartement très simple d'un vieil homosexuel anglais au faciès ratatiné : une journaliste américaine est venue lui demander pourquoi, dans les années 30, il a décidé de devenir un espion à la solde des Russes.
Retour en arrière : dans une des public school les plus huppées du pays. On pénètre dans un univers totalement clos, régi par un code particulier d'inspiration militariste, avec sa hiérarchie rigide réglée selon l'âge et la valeur des étudiants. Derrière cette façade où se manifestent le goût pour l'apparat et le formalisme, cette communauté d'enfants, d'adolescents et, déjà, de jeunes hommes de bonne famille se livre à une vie souterraine : c'est le domaine du cœur, du sexe et des passions.

 


Tout est permis pourvu qu'on ne laisse à personne la possibilité de vous confondre, de dévoiler officiellement, preuve à l'appui, vos turpitudes : c'est le risque de l'aventure, et il peut être grave, car la publicité d'une liaison homosexuelle dans le collège entraînera l'humiliation pour le malheureux imprudent. Revers hypocrite et perfide du clinquant solennel et de ses apparences, trompeuses bien sûr, de loyauté et d'honneur.

 


Le jeune Guy Bennett (Rupert Everett) fera les frais de ce système. Amoureux d'un beau blond qu'il parvient à séduire, mais trop peu discret et trop sûr de lui, il découvrira à la faveur d'une rivalité pour le poste le plus élevé de la hiérarchie étudiante dans le collège, le vrai visage de ses « amis ». Seul le séduisant Judd (Colin Firth), marxiste convaincu (mais hétéro à 100 %) se montrera loyal envers lui à l'heure du scandale. Deux marginalités se rejoignent face au consensus, sauf que Judd est toujours demeuré un marginal respecté de tous ; être communiste paraissait original mais pas infamant, contrairement à l'homosexualité, répandue mais méprisable dès qu'elle franchissait le seuil de la confidence. On comprend alors que Guy, écœuré par un système qui l'a trahi, trahira à son tour en faveur d'un idéal qu'il croyait meilleur pour l'homme.

 


 

Par-delà ce canevas, le film de Marek Kanievska est très riche en situations et en connotations qui restituent admirablement le cadre assez unique de ces institutions masculines prestigieuses de la grande Angleterre.
La mise en scène d'Another Country est à la hauteur du sujet et de la qualité des dialogues, la caméra saisissant intensément tous ces jeux de regards entre garçons et sachant restituer un climat chargé de sexualité.

 


L’avis de Gui :
Lorsque l'ancien espion britannique Guy Bennett est interviewé à l'automne de sa vie, il explique les motivations qui l'ont poussé à renier sa patrie pour s'exiler en U.R.S.S. Tout vient de l'éducation stricte et étouffante qu'il a reçue dans un lycée privé...

 


Rejoignant l'étroite catégorie de films dont Le Cercle Des Poètes Disparus et Le Club Des Empereurs sont les plus connus, pour son cadre de lycée british chic, Another Country met l'accent sur un sujet tabou qui n'a cessé d'ébranler les mentalités des têtes pensantes d'institutions à notoriété depuis la nuit des temps... à savoir : l'homosexualité. Adapté de la pièce de théâtre éponyme de Julian Mitchell, Another Country se veut être une œuvre qui contribue à un certain nombre de prises de conscience. L'homosexualité existe et a toujours existé dans les milieux non mixtes.

 


Et aussi pédants, sérieux et passionnés par leur enseignement que soient les élèves, il leur arrive d'être attirés par des membres du même sexe, et d'en tomber fou amoureux. C'est donc avec autant de mise en scène et de longs dialogues métaphysiques (que dans une pièce de théâtre) que s'écoule la bobine, ne divulguant quasiment rien d'autre que ses trois acteurs principaux. Le résultat est effroyablement lent, ennuyeux, et ne doit sa réputation qu'à la présence en tête d'affiche de Rupert Everett (Dellamorte Dellamore) et Colin Firth (La Jeune fille à la perle) dans son tout premier rôle.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Brady Corbet, Joseph Gordon-Levitt, Bill Sage, Elisabeth Shue, Michelle Trachtenberg, Chase Ellison, George Webster, Mary Lynn Rajskub, Jeffrey Licon, Lisa Long, Kelly Kruger et Billy Drago. Réalisé par Gregg Araki. Scénario de Gregg Araki, d’après le roman de Scott Heim. Directeur de la photographie : Steve Gainer. Compositeur : Robin Guthrie.
Durée : 99 mn. Disponible en VO, VOST et VF.

 


Résumé :
À huit ans, Brian Lackey se réveille dans la cave de sa maison, le nez en sang, sans aucune idée de ce qui a pu lui arriver. Sa vie change complètement après cet incident : peur du noir, cauchemars, évanouissements...
Dix ans plus tard, il est certain d'avoir été enlevé par des extraterrestres et pense que seul Neil Mc Cormick pourrait avoir la clé de l'énigme. Ce dernier est un outsider à la beauté du diable, une petite frappe dont tout le monde tombe amoureux mais qui ne s'attache à personne.
Il regrette encore la relation qu'il avait établie avec son coach de baseball quand il avait huit ans. Brian tente de retrouver Neil pour dénouer le mystère qui les empêche de vivre.


L'avis de Mérovingien02 :
Gregg Araki a beau être un cinéaste doué et majeur du circuit indépendant, ses films ne parvenaient pas vraiment à se sortir de la case « gay branchos MTV sur la jeunesse qui se la joue faussement paumée ». Son esthétique soignée n'empêchait pas des débordements trashs certes plaisants mais révélant un cinéaste nihiliste au possible, bien que passionnant. Chose nouvelle : pour une fois, le scénario est tiré d'un livre et le sujet sensible marque d'emblée une orientation plus adulte et mature.
Et ça paye. Comme s'il était obligé de canaliser ses ardeurs déviantes, Araki fait preuve d'une plus grande rigueur, montre une vraie sensibilité (à ne pas confondre avec sensiblerie) et au final, livre son métrage le plus abouti et le plus mature, partant pourtant sur une base similaire à tous ses autres opus (l'adolescence perdue). Le thème délicat sera traité de la même manière : avec délicatesse, sans tomber dans le pathos ni la diabolisation à outrance. Ou comment deux gamins abusés sexuellement vont gérer de leur propre manière le trauma. On ne se place pas du côté du bourreau et encore moins du côté des ligues de vertu prêtes à bondir pour dire que la pédophilie, c'est maaaaaaaaaaaaaaaaaaal. Non, Araki choisit le regard sans complaisance des victimes, offrant deux facettes d'une même personne (la victime de pédophilie) par l'intermédiaire de Neil, adolescent extraverti et Brian, adolescent introverti. Deux individus pour renforcer l'ambiguïté des relations avec le bourreau.


Le film se déroule sur une longue période, narré par les voix-off évoquant les tourments des héros. Selon que l'on passe sur Brian ou Neil, le traitement graphique sera différent. Pour Brian, le trauma (qui ne sera explicite qu'à la fin du récit) se manifeste par des trous noirs, comme une plongée dans la quatrième dimension. Pour fuir ses démons, l'enfant à lunettes se construit un délire où des extraterrestres (réminiscence du Nowhere d'Araki et annonçant déjà son prochain métrage de SF, CrEEEEps !). À grands coups de merveilleux, de mystère OVNI et d'expériences sortis des X Files, l'enfant assimile le viol de son corps mais aussi de son âme (voir son regard vide du début à la fin) à des expériences inconnues qui laissent des cicatrices non visibles dans son nez, là où une femme porte une marque sur la hanche. L'individu qui va le souiller n'a pas de visage dans un premier temps. Il n'est qu'une forme longiligne, floue, semblable à un OVNI, vision étrange causée par une perte des lunettes qui modifie par la même occasion le regard sur le monde. Le sexe, pour l'enfant, est comme un vaisseau spatial qui survole sa maison : un monde inconnu. Un monde étrange nimbé de lumière bleutée, renvoyant aussi à la couleur associée aux garçons et dans lequel il est seul, ne parvenant même plus à assouvir ses désirs sexuels lorsqu'une fille se présente à lui.


En contrepoint, Araki pose la figure de Neil. Contrairement à l'autre, il n'est pas à première vue mal dans sa peau. Il n'est pas celui qui va se refermer sur lui-même mais plutôt celui qui va se révéler à lui-même. Précoce, le gamin va découvrir sa sexualité avec son entraîneur de baseball (le viril à tomber Bill Sage) et s'assumer. La relation qui le lie à l'entraîneur est bien entendu malsaine mais Araki évite l'aspect choc pour mieux déranger. Car Neil, à l'inverse de Brian, vit très bien cette relation. S'il va de soi que l'enfant est manipulé par un homme bien plus détraqué que l'on croit (d'amour pédophile, il se révèle être encore plus détraqué, demandant carrément à être fisté par les enfants contre de l'argent), on s'aperçoit néanmoins que l'enfant aime encore plus son bourreau.
Victime consentante, Araki ne peut s'empêcher de mettre le doigt là où ça dérange en adoptant le point de vue de l'enfant pour qui l'abus sexuel est vécu comme un jeu et une source de plaisir. La question n'est pas de savoir si l'entraîneur est amoureux de l'enfant (la réponse est des plus évidente) mais bien de voir si le gamin n'est pas lui aussi attaché à l'adulte. C'est finalement ça le plus dérangeant dans le film : le fait qu'un jeune gamin très précoce soit aussi attaché à un homme qui le manipule. Car au final, le gamin ne retient pas tant les jeux sexuels auxquels il s'est adonné avec plaisir (entraînant même d'autres enfants) que les moments de joie où les céréales pleuvent sur lui.



On pourra ensuite à loisir disserter sur le fait que cette expérience sexuelle précoce a complètement transformé Neil, faisant de lui un tapineur autodestructeur pris dans une spirale. Mais on pourra également se demander si ce n'est pas le fait que son histoire n'ait pas duré qui l'a mené à s'autodétruire, l'entraîneur ayant disparu (parti ? en prison ? le film ne le précise pas, pour mieux laisser libre cours aux interprétations). D'ailleurs, des propos même d'Araki, Mysterious Skin est une histoire d'amour. Et c'est finalement ça qui semble déranger : le fait qu'un gamin abusé puisse être heureux et amoureux avant l'âge. Polémique en vue.
Il serait d'ailleurs trop facile de dire que parce que Neil est abusé, il va forcément se mettre à tapiner. Bien entendu, le sexe et les jeux de l'enfance sont étroitement liés dans son esprit, au point de fixer des rendez-vous aux hommes dans un parc à enfants. Mais on oublierait alors qu'il y a des clients pour Neil, des clients qu'il s'est déjà tous fait deux fois dans son bled. Ces clients ont-ils aussi leur propre histoire ? Sont-ils tous tellement en manque de sexe qu'ils doivent forcément aller voir Neil ? Et Neil ne prend-il finalement pas du plaisir à s'envoyer en l'air avec tous ces hommes en dépit des risques de mort qu'on lui martèle et dont il se moque (on ignore même s'il va se prendre en main après le film) ? Il le dit lui-même : « ce qui est arrivé cet été-là fait partie de moi ».


Il ne dit pas que c'est ce qui a fait l'homme qu'il est devenu. Si cette accumulation de queues sert à brosser le tableau d'une société à la dérive, allant crescendo dans les délires sexuels et les dangers encourus (bleus, morpions, sida, viol... Araki, t'étais peut-être pas obligé de surligner le message à ce point !), elle permet surtout de représenter l'homme comme un être déviant et perdu. Que ce soit le père absent auquel l'entraîneur se substitue ou le malade du sida qui ne cherche qu'un contact humain, le mec viril qui ne cherche qu'à se faire prendre comme une salope ou au contraire le type ultra violent qui confond fantasme avec réalité. Une vraie galerie de détraqués, heureusement nuancée par le final onirique en forme de retour à l'innocence (chant de Noël à l'appui). L'homme n'est finalement pas si perdu que ça, pouvant d'ailleurs compter sur le soutien d'une fille et d'un ami gay très efféminé. Si la génération adulte n'est pas capable de transmettre quoique ce soit à ses enfants, les enfants doivent se serrer les coudes pour ne pas suivre le même chemin (la neige tombe d'ailleurs lorsque Neil est avec Wendy, campée d'ailleurs par la toujours aussi craquante Michelle Trachtenberg).


Assez proche de Larry Clark et de son Ken Park, Gregg Araki livre un film touchant avec ses thèmes de prédilection, tout en délaissant ses tics habituels. Son film est beau sans être aussi voyeuriste qu'avant (le scène de viol est tout sauf esthétique), dur sans être trashouille, pop sans être MTVisé. Et comme souvent chez Araki, le film est désespéré, les deux jeunes ne pouvant plus que disparaître du monde (la caméra s'éloignant et les faisant s'effacer dans le noir), ne saisissant la gravité de ce qui leur est arrivé que trop tard, ayant vécu une chose que le monde extérieur ne peut comprendre.


L'avis de Matoo :
Inévitablement, j’ai pensé au film L.I.E. qui avait traité avec une incroyable justesse et sobriété le thème de la pédophilie (et avec un scénario relativement proche). Avec un Gregg Araki qui ne fait jamais dans la dentelle, et que j’adore depuis Doom Generation (et Nowhere), on obtient un film à la crudité parfois embarrassante et troublante, mais qui réussit à évoquer le parcours de deux victimes de la pédophilie sans voyeurisme ni commisération.


Le film est beaucoup moins trash et fantasmagorique que les opus précédents, par contre on retrouve une manière de tourner aussi talentueuse et une superbe photographie. Il met vraiment une attention particulière (et particulièrement réussie) dans la manière de filmer les visages de ses comédiens. Les couleurs aussi sont tout à fait du registre classique de cet auteur singulier : les visages illuminés, les lumières blanches projetées, les halos bleuâtres, les couleurs acidulées, les ambiances gothiques, etc.
Dans le fond, malgré quelques petites pépites oniriques, l’histoire est simple, linéaire et concentrée. On suit les destinées de deux gamins sur une dizaine d’années. Tout commence un été de 1981, ils ont alors 8 ans. Brian reprend conscience dans sa cave, il saigne du nez, cinq heures ont été complètement annihilées de sa mémoire. Neil dans le même temps, un gamin élevé par une mère célibataire libérée, découvre le base-ball avec un entraîneur pour qui il ressent un certain désir. Ce coach se révèle être pédophile et abuse régulièrement de l’enfant. Brian et Neil font partie de la même équipe de base-ball.


Le film déroule alors les quelques années d’apprentissage pour ces deux garçons qui ont des vies diamétralement opposées. Dix ans après cet été de 81, Neil est un mec paumé qui se prostitue avec tout ce qui bouge, tandis que Brian reste obnubilé par ses amnésies et finit par croire qu’il a été victime d’un enlèvement par des extraterrestres. Néanmoins, il a la vision rémanente d’un enfant dans ses souvenirs, qu’il reconnaît comme étant un des enfants avec qui il jouait au base-ball. Il s’agit de Neil qu’il tente alors de retrouver, car il pense que ce dernier a du aussi subir ce kidnapping.
Brian va peu à peu recouvrer la mémoire, grâce à Neil qu’il arrive enfin à retrouver. Ce qui est révélé à Brian est un secret de Polichinelle pour le spectateur, qui comprend dès les premières images que l’enfant a aussi été abusé par le coach. Araki met donc en scène deux manières radicalement différentes de survivre à des abus pédophiles à travers ces deux victimes, dont les personnalités et les types de réactions varient du tout au tout.
Le scénario prend toute sa valeur et son ampleur, car ce n’est pas seulement l’image évidente de l’enfant victime et « en souffrance ». Il s’agit de Neil qui a été abusé dans ses sentiments « amoureux » et son affection envers cet homme, et qui s’est retrouvé à avoir des rapports sexuels presque « consentants ». Brian, lui, a été complètement floué par des stratagèmes qui ont mis en scène Neil (le « rabatteur »), et a subi un choc tellement traumatique lors de ces attouchements, qu’il a tout refoulé et a « oublié » ce qui s’était passé.
 

Pour les deux, le pédophile a été une bombe dans leur développement. Neil est devenu un être presque incapable d’émotion, qui trouve dans la prostitution un moyen d’assumer sa sexualité et les névroses générées par une pareille expérience. Il dit même avec certitude que le coach est la seule personne qui l’a vraiment aimé de toute sa vie. Brian apparaît comme asexué et perturbé, et encore plus touché qu’il ignore les raisons tangibles de son déséquilibre et de ses failles.
Araki filme les visages des enfants avec cette habilité qu’il a pour rendre les beautés encore plus transcendantes. J’imagine que cela pourrait même un peu faire polémiquer, car Neil môme (sur l’affiche) est d’une beauté troublante et qui crée un drôle de malaise. Le réalisateur se montre parfois très cru dans sa manière de dire les choses et d’en suggérer, mais son efficacité est redoutable. Et surtout, il arrive à rendre les émotions et les sentiments de ses personnages avec beaucoup de réalisme et d’authenticité. J’ai trouvé que les comédiens enfants et ados étaient vraiment excellents, et ils font évidemment beaucoup dans la subtilité du jeu.
C’était un pari fou que de choisir de traiter un sujet pareil et le résultat est un petit chef d’œuvre d’Araki. Cela ne m’étonne qu’à peine !
Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec James Van Der Beek, Shannyn Sossamon, Ian Somerhalder, Jessica Biel, Parker Posey, Clifton Collins Jr, Faye Dunaway, Thomas Ian Nicholas, Kip Pardue, Clare Kramer et Eric Stoltz. Réalisé par Roger Avary. Scénario de Roger Avary, d’après le roman de Bret Easton Ellis. Directeur de la photographie : Robert Brinkmann.
Durée : 110 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


Résumé :
Sean Bateman, dealer amateur cynique, qui reçoit de mystérieuses lettres d'amour. Lauren Hyde, jeune vierge, qui suce son professeur en attendant de donner son hymen à son petit ami parti en Europe. Paul Denton, bisexuel, qui compte ravir le cœur de Sean. Lana Holeran, blondasse superbe, qui aime parader en sous-vêtements devant l'équipe de foot. Eux et quelques autres sont étudiants et américains. Eux et quelques autres sont soumis aux Lois de l'attraction.

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L'avis de Cyberlapinou :
« Ladies and gentlemen... I'M SATAN ! » C'est par cette phrase diffusée aux alentours de 150 décibels que Roger Avary a salué le public de la Cinémathèque, dont faisait partie votre serviteur. Dès lors, comment ne pas aimer un tel homme ? Mais restons objectifs. Aussi sympathique que puisse être un réalisateur, ce sont ses films qui comptent. En l'occurrence Les Lois de l'attraction.

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L'Inadaptable. Les Lois de l'attraction est une adaptation d'un roman de Bret Easton Ellis. Cette simple donnée en dit long sur l'aspect casse-gueule du projet du sieur Avary. Un : parce qu'Ellis fait partie aux côtés de bonhommes comme Michel Houellebecq et Chuck Palhaniuk du club des écrivains provocateurs faisant le constat du déclin de la civilisation occidentale à coup de sexe triste et de violence extrême.

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Une adaptation implique forcément au mieux un adoucissement, au pire une édulcoration pour ne pas faire péter les synapses des censeurs du monde entier. Deux : parce qu'au contraire de messieurs Houellebecq et Palhaniuk, Ellis n'a même pas la politesse de proposer une quelconque forme de narration classique, préférant juxtaposer des scénettes rendant compte du néant abyssal dans lequel évoluent des personnages prisonniers de leur propre superficialité.

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Grammaire. Face à un tel problème dramaturgique, trois possibilités sont offertes. On peut considérer le projet, l'étudier, travailler dessus puis laisser tomber car tout ce travail ne peut que mener nulle part. C'est ce qu'ont fait Oliver Stone et David Cronenberg, et on les comprend. On peut s'attaquer au bébé avec un couteau électrique et rajouter personnages et évènements afin d'assurer à la structure un semblant de construction et de progression. C'est ce qu'a fait Mary Harron sur American Psycho, avec des résultats plus que mitigés.
Reste la troisième option. Celle que j'appellerai la technique Aronofsky. Technique qui se résume à un constat. Un livre est composé de mots et de phrases. Un film de sons et d'images. Il ne faut donc pas hésiter à faire la conversion et ne pas faire le compromis d'un « cinéma littéraire ». Une idée qu'on aurait jamais eue en France, bienheureux pays de la caméra-stylo (et pourquoi pas pinceau-burin tant qu'on y est ?). Une idée qu'a appliquée avec succès Roger Avary.

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Cynisme. Les Lois de l'attraction tourne donc autour de jeunes étudiants beaux, riches mais soumis à un néant existentiel total, comblé à coups de beuveries, de cocaïne et de sexe impersonnel. C'est tout ? Oui, pour ainsi dire. Avec un tel postulat, comment pondre un film de 110 minutes qui tienne la route, surtout quand le casting est un ramassis de belles gueules sorties de séries pour ados (James Van der Beek) et de couvertures de magazines (Ian Somerhalder) se retrouvant à jouer des personnages totalement antipathiques ? Technique Aronofsky.
On travaille la grammaire filmique, on muscle les effets de style et on insiste tellement sur le visuel/sonore qu'on transcende l'idée d'esthétisation. Avary avait prouvé avec Killing Zoe son aptitude à filmer des personnages se mettant la tête à l'envers. De ce point de vue, on comprend ce qui l'a attiré dans le livre d'Ellis. Haschisch, bière, ecsta, coke, vodka, on n’avait pas vu un tel festival depuis Las Vegas Parano.


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La radicalité de la démarche n'a pas valu au film que des amis. Boucherie critique aux Etats Unis, la rentabilité du film d'Avary n'est due qu'à ses petits quatre millions de dollars de budget (un exploit, vu la rigueur visuelle du film). Outre son apparente immoralité, une accusation qu'Avary récuse, le film est vraiment débarrassé de toute la structure qu'on peut trouver dans un Fight Club ou un Requiem for a dream. Les tentatives d'architecture narrative ne sont que des leurres et le film se termine littéralement dans une impasse qui risque de laisser pas mal de spectateurs circonspects.


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A suivre. A l'image de Patrick Bateman, Sean et ses amis sont des monstres vulgaires et égoïstes. Mais contrairement à l'American Psycho, ils essaient d'être humains, gardant un peu d'espoir en un grand amour qu'ils ont peu de chances de trouver. Ellis passe pour un salopard cynique, Avary pour un petit suiveur de Tarantino. Le sentiment étrangement mélancolique qui se dégage d'un film souvent hilarant prouve qu'ils ont bien plus de choses à dire que l'image qu'on leur a collés.


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Plus qu'un anti-teen movie destroy et rigolard (pitch sur lequel il a été plus ou moins vendu), Les Lois de l'attraction pointe du doigt une société désertée par les adultes et qui semble avoir fait de l'abrutissement de masse un projet d'avenir. Visiblement satisfaits de leur collaboration, Avary et Ellis comptent s'attaquer sous peu à Glamorama. Nouveau cocktail molotov en vue.


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Pour plus d’informations :

Site du réalisateur Roger Avary (en anglais)
Site de Ian Somerhalder (en anglais)



Fiche technique :
Avec Anthony Mackie, Roger Robinson, Larry Gilliard Jr.,Aunjanue Ellis, Duane Boutte, Daniel Sunjata, Alex Burns et Ray Ford. Réalisation : Rodney Evans. Scénario : Rodney Evans. Images : Harlan Bosmajian. Montage : Sabine Hoffman. Direction artistique : Claire Falkenberg. Son : Joshua Anderson.
Durée : 90 mn. Disponible en VO et VOST.

 


Résumé :
Perry Williams (Anthony Mackie) est un jeune afro-américain étudiant en art à New York. Il a été chassé de la maison lorsque son père l’a découvert au lit avec un de ses camarades. Peintre talentueux, il expose déjà. Le succès frappe à sa porte, mais Perry craint de trahir son talent en le vendant au plus offrant. Pourtant sa vie est difficile entre le rejet de sa famille et la haine homophobe de certains de ses frères noirs. Il croit trouver l’amour dans les bras d’un de ses camarades blancs mais bientôt son amoureux le déçoit. Perdu entre deux communautés, il a des difficultés à affirmer ses choix. C'est alors que Perry rencontre Bruce Nugent (Roger Robinson), une légende vivante, qui fut un poète et peintre, connu durant « The Harlem Renaissance » dans les années 30, avec Langston Hughes, Zora Neale Hurston et Wallace Thurman. Bruce va raconter sa vie à Perry qui va apprendre que sa lutte n'est pas nouvelle...

 


L’avis de Bernard Alapetite :
Ils sont rares les films qui apportent autant de plaisir immédiat en sollicitant à la fois la sensibilité et la culture du spectateur, et qui surtout lui donnent envie de combler les béances de son savoir. C’est toute une histoire, tout un monde que laisse entrevoir Brother to brother. Il n’assène pas son savoir, il évoque, entrouvre des portes et incite à les franchir.
Evans nous brosse le tableau de la culture afro-américaine en privilégiant deux époques, les années 30 et les années 80, chacune personnifiée par deux hommes, Perry et Bruce qui vont se découvrir, s’aimer en actualisant les figures grecques de l’amour que sont l’érasme et l’éromène. Par le truchement des souvenirs de Bruce, nous sommes transportés dans la bohème artistique du Harlem des années folles. Evans tricote habilement les deux périodes qui se répondent grâce à un montage élégant. Il utilise la couleur pour la période moderne et le noir et blanc pour les souvenirs de jeunesse de Bruce, ce qui lui permet de mêler aux scènes jouées des documents d’époque sans graves hiatus. Il a également la bonne idée, pour faire un pont entre ces deux moments de l’histoire intellectuelle des noirs américains, de faire intervenir James Baldwin, figure emblématique de la lutte pour l’égalité raciale en Amérique durant les années 60 et 70.



Je ne peux qu’exhorter les lecteurs de Les Toiles Roses à bien sûr se précipiter sur ce film mais aussi d’aller voir du côté de James Baldwin qui apparaît dans le film. Il est à la fois, à mon sens, le plus grand écrivain noir américain et le plus grand écrivain gay de ce pays ; lire ses grands romans que sont Un Autre pays et L’homme qui meurt (chez Gallimard) est l’assurance, pour ceux qui les ignoraient, d’une grande découverte. L’extrait lu dans le film appartient à son essai de combat, La Prochaine fois le feu (Gallimard). Il y a quelques années, Arte a diffusé un excellent documentaire sur cet écrivain (petit appel au peuple, chers lecteurs, si vous avez ce film pensez à moi qui l’ai stupidement perdu et qui suis à la recherche d’une copie).
Le réalisateur faisant de Perry un jeune homme à la fois attiré par l’écriture et par la peinture a la bonne idée de faire référence aux écrivains de la culture noire américaine et n’oublie pas de mentionner ses plasticiens et en particulier la figure tragique de Basquiat auquel Schnabel a consacré un beau film, Basquiat (1996). Évocation ambiguë, car si Perry fait beaucoup penser au célèbre peintre, il a une attitude bien différente de son modèle face à la gloire et à l’argent. Il refuse de se faire récupérer par le monde du marché de l’art personnifié par un galliériste (blanc). Et qui prédit qu’il ne finira pas d’une overdose à 29 ans. Par cette scène c’est la compromission, la faiblesse de Basquiat que le réalisateur dénonce. Mais il est plus facile d’être incorruptible pour un être de fiction...



Le point de départ du film fut la découverte par le réalisateur d’une ancienne interview filmée de Bruce Nugent à la bibliothèque de Schomburg dans Harlem. Rodney Evans est alors fasciné par le personnage et frappé par la similitude des expériences du vieil artiste avec les siennes. Il tenait la colonne vertébrale de son film : les rapports entre deux artistes noirs et gays de générations différentes ; ce qui lui permettra de nous faire visiter cinquante ans de culture gay afro-américaine. La bonne idée est de matérialiser le lieu où se déroule ce transfert entre l’aîné et l’étudiant par l’hôtel – aujourd’hui abandonné – qui a été le centre, hier, de la communauté intellectuelle de Harlem. Les deux hommes nous y conduiront en un voyage à la fois réel et métaphorique.



Evans combine habilement les luttes du passé avec celles d’aujourd’hui, mettant en parallèle des scènes de manifestations du mouvement des droits civiques brutalement réprimées avec un défilé de la gay pride. Dans tout le film, la culture noire est vue dans un état constant de flux : pour Perry, le sexe est politique et sa croyance qu'il y a beaucoup de travail à faire au sein de la communauté noire le place comme une sorte de James Baldwin d’aujourd’hui. Si le personnage de Perry est largement autobiographique, il se nourrit aussi de la figure de Basquiat adroitement évoquée dans le film. Par l'intermédiaire de la relation de Perry avec Jim, Evans dénonce la fétichisation sexuelle dont seraient victimes les noirs de la part des blancs.
Au passage cette histoire, bouleversante et magnifiquement interprétée, nous montre combien les noirs persécutés dans un premier temps pour leur couleur peuvent aisément, sans aucun état d'âme, devenir à leur tour les bourreaux de leurs frères, simplement parce qu'ils n'ont pas la même sexualité qu'eux. Soit devenir racistes quand on est soi-même victime de racisme.


Evans revisite ici le passé et l’identité, souvent niée et réprimée par les noirs eux-mêmes, de la communauté black gay. D’abord documentariste, il a beaucoup travaillé sur les archives pour écrire son script. Il s’est aussi largement inspiré du livre autobiographique de Wallace Thurman. Le réalisateur évoque le processus de la construction de son scénario : « Le film dessine des parallèles entre la période de la jeunesse de Bruce et les luttes contemporaines de Perry, qui en tant que jeune, gay, artiste afro-américain doit s'attaquer aux problèmes semblables du racisme et de l’homophobie dans la culture actuelle. Le scénario a été conçu stylistiquement d’une manière qui se veut proche des traditions orales africaines, des méthodes, des modes employés pour passer les coutumes, les traditions et les expériences d'une génération à la suivante. Un autre aspect essentiel du scénario était que la forme devrait refléter la complexité de l'esprit de Bruce Nugent et sa capacité innée d'établir des rapports entre des idées et des événements apparemment disparates. »

Brother to Brother illustre un concept artistique qui me parait prometteur pour le cinéma de demain : le mélange d’images d’archive avec des scènes jouées. L’ouverture et la découverte de plus en plus de documents cinématographiques, ainsi que la possibilité que l’on a de les retravailler (voir King Kong et Ray par exemple) ouvrent des possibilités qui étaient jusque là autant insoupçonnées qu’inaccessibles. Néanmoins ce collage sera toujours délicat et il demande beaucoup de subtilité ; ici, Evans n’en a pas manqué comme n’en a pas manqué Stanley Kwan dans son Center Stage très proche par l’esprit et la facture de Brother to Brother.



Il aura fallu six ans au cinéaste pour venir à bout de son œuvre. Le financement en a été des plus difficiles. Pour tenter de rassembler les fonds pour un projet aussi ambitieux dont près de quarante pour cent se déroulait dans les années 30, Rodney Evans en a filmé quelques minutes avec tout l’argent qu’il avait de disponible. Il n’a pu continuer son tournage qu’un an plus tard. La plupart des comédiens, fidèles, l’avaient attendu. Le tournage fut ensuite bouclé en trente jours. Le film n’a pu exister que par la passion de l’équipe qui avait à cœur de faire connaître à leur communauté sa propre histoire à travers cette émouvante fiction.
Puisque l’éditeur français du DVD n’a pas cru bon d’y joindre la moindre notice biographique, je me permets de me substituer à lui, pour donner, au futur spectateur de cet indispensable film, quelques renseignements sur les protagonistes qui traversent cette histoire.
Il ne faut pas oublier tout d’abord qu’on ne comptait seulement en 1920 qu’une trentaine de romans américains écrits par des noirs.



Richard Bruce Nugent est né en 1906 dans une famille de la petite bourgeoisie noire établie à Washington. Sa mère était une pianiste accomplie tandis que son père était bagagiste chez Pullman. Nugent est allé à l’école publique puis au lycée réputé de Dunbar. Très jeune, il fréquente les salons d’artistes où il rencontre et se lie d’amitié avec Langston Hughes qui fait connaître sa poésie. Les deux hommes émigrent à New York où ils éditent la revue Fire, c’est à ce moment que nous faisons leur connaissance dans le film. Nugent était également un peintre et un illustrateur. Après la disparition de Fire, il continue à écrire et dessiner sous le pseudonyme de Richard Bruce afin d'éviter la désapprobation de sa famille. Il avait la réputation d’être un poète, vagabond et excentrique. Il est mort d’une crise cardiaque en 1987 à Hoboken, New Jersey.



Langston Hughes fut pendant longtemps la voix poétique la plus connue de l’Amérique noire. Il naît en 1902 dans le Missouri. Les déchirements de sa famille le conduisent dans l’Illinois. Il sera diplômé du lycée de Cleveland puis il fait divers métiers, dans la grande tradition américaine, marin, blanchisseur, aide-cuisinier qui le mènent d’Afrique en Europe, d’Amérique du sud au Mexique. Après avoir terminé ses humanités à l'université de Lincoln en Pennsylvanie, il s’installe à New York. Il devient une personnalité du Harlem littéraire. Il s’y lie d’amitié avec des auteurs tels que W.E.B. DuBois, Countee Cullen et James Weldon Johnson. Il publie son premier recueil de poésies en 1926, puis en 1930 son premier roman. Pendant les années 30, Hughes commence à écrire pour les publications de gauche, socialistes et pour un journal lié au parti communiste. Il participe, avec d’autres jeunes afro-américains, à un voyage en Union Soviétique. En 1942, Langston Hughes écrit régulièrement dans le Chicago Defender. Dans ces chroniques qui sont autant de prises de position politiques apparaît alors le personnage de Jesse B. Semple ou Simple qui devient l’un des personnages phares de son œuvre et qui est magistralement mis en scène dans L’Ingénu de Harlem (éditions La Découverte, 2003). Dans les années d’après-guerre, il écrit surtout pour le théâtre ainsi que des lyriques de comédies musicales qui connaissent un certain succès. Il n’abandonne pas pour autant la poésie (Les Grandes Profondeurs, éd: Pierre Seghers, 1947). Il continuera à en écrire jusqu’à sa mort, d’un cancer en 1967. Ses cendres ont été dispersées à proximité du Centre Arthur Schomberg pour la Recherche sur la Culture Noire situé à Harlem.
Les goûts sexuels de Langston ont longtemps été discutés. Était-il homosexuel ? Il est communément admis aujourd'hui par ses biographes que nombreux sont ses poèmes qui « trahissent » une homosexualité évidente, de la même manière qu'un autre poète américain, Walt Whitman. 



Zora Neale Hurston naît en 1891 à Notasulga, Alabama. Elle grandit à Eatonville, Floride, où son père est pasteur. Quand sa mère meurt, en 1904, elle est envoyée à Jacksonville pour vivre avec sa sœur. Elle y travaille comme blanchisseuse afin de se payer des cours du soir. Elle reçoit un diplôme de fin d’études du lycée en 1918. Elle migre à Washington où elle suit des cours à l’université. Elle publie ses premières nouvelles et ses débuts poétiques dans la revue de l’université. En 1925, Hurston se déplace à New York City. Elle s'inscrit à l’université de Bernard. Elle publie dans des magazines des nouvelles qui connaissent un certain succès. Elle devient membre avec Langston Hughes, Bruce Nugent, Wallace Thurman, Aaron Douglas et Gwendolyn Bennett, du groupe d'auteurs, d'artistes et de musiciens qui publie Fire, revue phare de la « Renaissance de Harlem ». À la fin des années 20 et au début des années 30, elle voyage en Floride et aux Bahamas faisant des recherches anthropologiques et découvrant les liens entre le folklore américain et celui des caraïbéens d’origine africaine. Les échos de ses recherches sont présents dans les quatre romans qu’elle publie entre 1934 et 1948. Une Femme noire (édition le castor astral, 2005), paru en 1937, est l’œuvre majeure de Zora Neale Hurston, livre auquel se réfèrent toujours des romancières comme Toni Morrison ou Paule Marshall. Il s’agit du premier roman explicitement féministe de la littérature afro-américaine. Cependant elle est attaquée et mal comprise, à cause de l’usage du langage argotique et dialectal dans ses romans ainsi que pour ses vues sur l'intégration. Vers 1950, ne pouvant plus vivre de sa plume, Hurston retourne dans le sud. Elle subsiste en faisant les tâches les plus ingrates. Elle meurt en 1960 dans la misère et est enterrée à la fosse commune. Son œuvre est redécouverte dans les années 80 à la suite de la réédition de son autobiographie, Des Pas dans la poussière (édition de l’Aube, 2006).



Wallace Thurman est né à Salt Lake City, Utah en 1902. Il vient à Harlem en 1925 après avoir terminé ses études à l'université de Californie du sud. En 1926, il devient rédacteur pour le Messager et pour Fire. Il est l’auteur de deux romans, qui connaissent la notoriété, parus en 1929 et 1930. Ils ont pour cadre le milieu des artistes de Harlem. En 1934, il meurt de la tuberculose aggravée par alcoolisme, à l'âge de 32 ans.

Ce petit pensum devrait tout même être bien utile pour savoir qui est qui dans ce film ! Un film qui est logiquement plus abordable immédiatement par un noir américain que par un français… ce que n’a pas compris l’éditeur du DVD français, mais peut-être n’a-t-il pas vu le même film ? Il n’a certainement pas vérifié son DVD non plus car lorsque l’on clique, dans le très beau menu, sur « scènes coupées », on arrive en plein milieu du film, mais pas l’ombre d’une scène supplémentaire ! Si vous maîtrisez très bien l’américain ou que vous voulez voir ces fameuses scènes manquantes, je vous conseille l’édition américaine dans laquelle vous découvrirez en plus le commentaire du réalisateur et d’Anthony Mackie, ainsi qu’une interview de Rodney Evans.
Ce grand petit film, est grand parce qu’il sait convoquer, évoquer, suggérer les multiples facettes de l’art, qui n’est que l’excellence du dire et du faire. Il faut souhaiter que de plus en plus de films s’ouvrent aux autres modes d’expression : peinture, sculpture, littérature, poésie, chanson, musique... Ce qui devrait devenir plus fréquent avec le mélange des sources, direction qui ne peut être que le futur du cinéma. Trop de cinéastes, en particulier en France, n’ont comme référence que le cinéma, ne se nourrissent que de lui, faisant de leur pratique un art anthropophage, de plus en plus exsangue au fur et à mesure que les provisions référentielles sont dévorées. Pourtant le cinéma est le médium qui peut fondre tout les autres dans son creuset en une merveilleuse alchimie. Mais pour cela peut-être faudrait-il que les doctes enseignants du cinématographe ne soient pas seulement des rats (j’ai une grande tendresse pour ces petites bêtes) de cinémathèque... Mais humbles blogueurs, mes frères, nobles critiques, mes cousins, si vous commenciez, lorsque vous nous parlez de cinéma, par ne pas prendre toutes vos références seulement chez les Bergman, Oliver Stone, Romero, Godard, Spielberg... si vous regardiez du côté de la littérature, de la peinture, de la bande dessinée... et puis si ouvriez votre fenêtre, vous verriez que ce que vous voyez c’est aussi une image…

Brother to Brother a été récompensé lors de nombreux festivals : Philadelphia International Gay and Lesbian Film, Los Angeles Gay and Lesbian Film Festival Outfest, Sundance 2004…
Le premier long métrage de Rodney Evans est un des films gays les plus intelligents que l’on puisse voir. À la fois fiction et documentaire, il fait le parallèle entre le New York des années 80 et celui des années 30, habilement mis en scène, magnifiquement interprété. Cette évocation émouvante, mais non dénuée d’humour, fait découvrir tout un univers et il nous montre les difficultés à être noir et homosexuel… quelle que soit l'époque.

Pour plus d’informations :


Fiche technique :
Avec Sylvia, Sidney, Sada Thompson, Richard Thomas, Richard Venture, Haviland Morris, Conan Mc Carty. Réalisation : Deborah Reinisch. Scénario : Terrance McNally. Images : Bobby Bukowski. Musique originale : Jonathan Sheffer. Son : Laura Civiello. Montage : Jeffrey Wolf.
Durée : 49 mn. Disponible en V0.


 

Résumé :
À New York, lors des obsèques d’André, un jeune acteur mort du sida, la rencontre difficile entre la mère du défunt, murée dans ses principe et Cal l’amant du jeune homme.


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L’avis de Bernard Alapetite :
Le film est l’itinéraire d’une rencontre : celle de la mère du mort et de son amant. Tout sépare ces deux êtres que ne rapproche que l’indicible douleur d’avoir perdu l’être aimé. La très efficace réalisation capte bien les refus, la douleur autiste de cette mère qui n’a jamais voulu accepter l’homosexualité de son fils. Elle s’aperçoit à travers le chagrin qu’éprouvent les amis d’André qu’elle ne connaissait pas son enfant qui lui a caché jusqu’au bout sa maladie.


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Le film est construit en une alternance entre le présent, les obsèques d’André, et des remémorations, traitées en flash-back, de sa mère pendant la cérémonie.
Elle se souvient de ses précédentes rencontres avec l'amant de son fils, de sa propre mère avec qui elle avait des relations difficiles et qui, elle aussi, a disparu il y a quelques mois. Habilement, on ne verra André qu’en photo sur une table de chevet. On ne le connaîtra que par ce qu’en disent ses amis.


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La grande qualité du film est de ne pas tout donner au spectateur mais avec quelques indications, de lui permettre d’imaginer la vie des protagonistes, de se faire une idée de la vie de couple que menaient André et Cal, de s’émouvoir sur cette carrière d’acteur pour toujours incomplète de ce passionné de Shakespeare qui joua Hamlet et jamais n’incarnera le roi Lear... Chaque personnage garde sa part de mystère : quelle fut la vie de la mère et de la grand-mère de Cal ? Deux femmes bien différentes mais toutes deux remplies de regrets et d’amertume.


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Elle n’a jamais pu accepter le fait que son fils soit gay et, par conséquent, Cal représente tout ce qu'elle déteste et en même temps, comme elle le lui avoue presque à regret, elle a conscience que c’est quelqu’un de bien et que c’est lui et sa famille qui ont assisté son fils dans ses derniers instants.
Leur relation sera difficile et tourmentée. Katherine a perdu son fils. Cal a perdu son amant. Ensemble, ils vont rechercher une réconciliation, une compréhension de ce qu'est la vie avec, et sans, leur André mort du sida. Le lâcher des ballons blancs dans Central Park comme un dernier adieu les libérera-t-il ? Cal fera le dernier pas vers la mère d'André... Le ballon blanc s'élève, guidé par les vents au-dessus de Central Park à New York.


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Andre’s Mother est un film sans graisse mais il n’est pas sec. On peut aussi le définir par cette formule qui paraîtra pour beaucoup un oxymore : un mélodrame sobre. Il a été tourné alors que l’épidémie de sida faisait le plus de victimes. Il serait erroné de croire que son sujet appartient à une époque révolue ou est propre à l’Amérique. Souvenons-nous qu’en France, les nombreux cas de compagnons rejetés par les parents d’une victime du sida a été l’un des déclencheurs de la mise en œuvre du PACS. Au-delà de ces cas pas si particuliers malheureusement, le film décrit plus généralement l’aveuglement d’une mère devant la sexualité de son fils. On ne peut faire que le vœu pieux que les paroles de Cal à la mère d’André deviennent rapidement caduques : « Combien sommes-nous à vivre dans cette ville anonyme pour ne pas blesser nos mères ? »


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Les acteurs sont si vrais que le spectateur parfois se sent gêné de s’immiscer dans ce drame familial. Sada Thompson est inoubliable. On l’a vue la dernière fois dans la belle biopic Pollock où elle joue Stella Pollock. La grand-mère d’André, Sylvia Sidney (1910-1999) est une comédienne chevronnée, que l’on a pu voir dans un autre excellent film gay, An Early frost, mais aussi dans Beetlejuice, Mars Attacks !  et Soupçon d’Hitchcock en 1936.
Le scénariste Terrance McNally a obtenu un Tony Award pour le scénario d’un autre beau film gay, Love ! Valour ! Compassion !. Andre’s Mother a reçu un Emmy Award.

Andre’s Mother est édité en DVD aux USA.
Pour plus d’informations :


Fiche technique :

Avec Jorge Roman, Daniel Valenzuela, Jose Munoz, Daniel Sosa et Ana Maria Montalvo. Réalisation : Santiago Otheguy. Musique : Vincent Artaud. Images : Paula Grandio. Son : Abel Tortorelli. Décor : Sergio Rud. Montage : Sebastian Sepulveda et Valeria Otheguy.
Durée : 85 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :

Le delta du Paranà en Argentine est un labyrinthe de rivières et de ruisseaux, un monde sensuel et sauvage, où Alvaro (Jorge Roman) mène une vie humble et solitaire. La pêche et la coupe des roseaux constituent son labeur quotidien. Son homosexualité et sa passion pour les livres font de lui un personnage à part parmi les habitants frustres, traditionalistes et homophobes de cette région d'Argentine qui semble située hors du temps. Chaque jour, un bateau bus (La León) relie ce territoire mouvant sans frontières définies à la ville. Il est piloté par El Turu (Daniel Valenzuela), un homme violent et autoritaire, le relais incontournable de toute communication entre les habitants, qui en font un notable de cette communauté. El Turu voit la différence d'Alvaro comme une menace et est déterminé à le harceler parce que… secrètement, il le désire.



L’avis de Bernard Alapetite :
Au temps des formatages exacerbés, des séquelles et autres préquelles voici un film absolument singulier, d’abord par la merveille de ses images, filmées par une caméra posée, en plans fixes et contemplatifs, aux cadrages au cordeau. La León est à la fois ambitieux, sans concession par sa forme, et raisonnable par la longueur du film et la limitation du sujet, du nombre des personnages et du lieu dans lequel l’intrigue se déroule : un lieu vraisemblablement très bien connu par le réalisateur et un sujet qui le touche probablement de très près. Modeste aussi par l’argument, l’affrontement psychologique tendu entre deux hommes totalement dissemblables, sur fond de chicanes pour des coupes de bois ; peinture de l’engrenage de la violence quotidienne née de la frustration sexuelle qui passe beaucoup plus par le non dit, ces pesants regards signifiants, par l’ellipse narrative et la grammaire cinématographique que par le dialogue dans ce monde de taiseux. Au-delà de la narration et de l’esthétique, Otheguy se sent un devoir de témoignage et de vérité comme il l’explique : « J’ai du mal à comprendre comment au-delà de l’efficacité de la narration, certains cinéastes n’arrivent pas à voir qu’avec les implications dans l’histoire, comment filmer un type qui coupe du roseau puisse poser problème. Tu vas laisser trace et document de ça, ça crée l’Histoire. C’est notre archéologie en train de se faire. Donc quand les Américains montrent les Mexicains avec les grands chapeaux ou les Irakiens comme des terroristes, ils sont en train de créer l’Histoire, car finalement ces images font l’Histoire, complètement opaque et fausse. Donc quand on parle d’engagé, je me sens engagé personnellement à essayer de ne pas en tout cas faire cela, et de laisser avec mes moyens, une trace, quelque chose avec une visibilité qui soit la moins perturbée possible. »



On peut aussi penser que si Santiago Otheguy a choisi d’ancrer son récit dans le delta du Paranà, c’est que ce fleuve dans son pays jouit d’une aura de mystère, fleuve mythique déjà du temps des conquistadores. Les navires l’empruntaient pour acheminer l’or et l’argent du Nouveau Monde vers l’Europe.



Un peu de géographie : le Rio Paraná prend sa source au Brésil et descend vers l'Argentine jusqu'à rejoindre le Rio Uruguay. Il devient alors, aux abords de Buenos Aires, le Rio de la Plata (Le Fleuve de l'Argent). Avec ses 220 Km de rive à rive, c'est le fleuve le plus large au monde. Lorsqu'il se déverse dans le Rio de la Plata, le Paraná se divise en d'innombrables ramifications plus ou moins larges. Il forme alors le Delta du Paraná, véritable labyrinthe aquatique. Ce réseau complexe d'îles et îlots inondables s'est constitué au cours des siècles grâce au dépôt incessant des sédiments charriés par les eaux du fleuve. Les sédiments s'accumulent régulièrement dans le Rio de la Plata, provoquant une avancée permanente de ses îles sauvages vers le Sud, vers Buenos Aires. Le Delta avance d'environ 70 mètres par an. Au début du siècle, 30 000 personnes vivaient dans le Delta. Ils ne sont plus que 3 000 à vivre dispersés sur ce territoire devenu proportionnellement immense. Ils s’appellent les Isleños (habitants de L'Île), forment une communauté refermée sur elle-même, où tous les membres se connaissent entre eux et ont besoin les uns des autres pour survivre au quotidien. Le film raconte cet isolement, image par image, avec beaucoup de rigueur. La plupart des Isleños, tel Alvaro, subsistent en récoltant les roseaux qui poussent abondamment sur les rives. Une fois séchés, ils servent à la fabrication de vanneries. On voit « le vieux », père d’élection d’Alvaro, tresser un panier. Ils vivent aussi de la pêche et du bois des peupliers qu'ils coupent pour le revendre aux papeteries de la ville. C’est d’une rivalité pour la coupe de ces arbres que va naître le drame entre les îliens et des étrangers au territoire, deuxième fil rouge du scénario.
Le bateau-bus est le seul lien avec le monde extérieur. De fait, les conducteurs comme El Turu de ces bateaux-bus sont donc des figures centrales et puissantes dans cette vie communautaire.



Le film est tourné dans un beau noir et blanc bien contrasté, où néanmoins la gamme de gris n’est pas sacrifiée, en haute définition numérique. Le noir et blanc renforce l’impression d’être hors du temps, d’autant que le spectateur possède peu de marqueurs temporels. Le bateau pourrait en faire office, mais la León avec son étrave perpendiculaire à l’eau peut aussi bien naviguer il y a 60 ans qu’aujourd’hui. On aperçoit quelques télévisions et automobiles lors d’une incursion dans la ville la plus proche qui pourraient nous transporter à la fin des années 70, mais tout cela n’est que supputation, l’époque n’a que peu d’incidence sur le déroulement du drame mais cette incertitude chronologique renforce l’étrangeté du lieu et de cette histoire. Le spectateur est par ailleurs troublé par l’inattendue architecture cubiste de la maison rongée par l’humidité qu’habite Alvaro. Par le choix du noir et blanc, le cinéaste rompt avec les canons esthétiques du jour, comme par le choix de l’acteur qui interprète Alvaro que l’on peut admirer nu dans des plans évidents, une beauté loin des canons made in USA. Le rythme très lent du filmage épouse le cours méandreux du fleuve. L’image rend palpable l’humidité et la touffeur de cette contrée qui rappelle un peu le bayou louisianais et nous fait nous souvenir de films comme La Nuit du chasseur, Un Été en Louisiane... Curieusement, l’atmosphère lourde de ce lieu clos aux brumes rampantes évoque Simenon… La pesanteur de la frustration sexuelle est la même que chez Tennessee Williams.
La caméra filme horizontalement, souvent louvoie au raz de l’eau et se pose quelques fois au plus près des corps, mais souvent comme à distance, pour leur laisser la liberté de vivre leur triste quotidien. Elle nous fait entrer dans ce monde fermé, un peu à la manière d'un anthropologue. On se sent proche de ces êtres écrasés de solitude, isolement dont s’évade Alvaro par la lecture. Il faut voir avec quelle tendresse il caresse les livres qu’il soigne... On est surpris lorsque l’on découvre qu’il répare les livres pour la bibliothèque de la petite ville. Cette scène inopinée, mais bien introduite, est exemplaire de l’habileté qu’a Otheguy pour densifier ses deux rôles principaux, leur épaisseur étant pour beaucoup dans la réussite du film.



« Voilà, moi mon petit vieux dans mon histoire, je ne vais pas le sur découper avec 5 caméras dans 3 vues différentes. C’est un petit vieux, contemplatif etc. Je veux que les gens rentrent dans ses rides, dans son regard, dans ses mains… » En deux phrases, le cinéaste dit tout sur sa manière de filmer.
Le mélange entre acteurs professionnels et habitants de la région est très réussi. On a pu déjà voir Jorge Roman (Alvaro) dans le film chilien Mon meilleur ennemi d’Alex Bouen et dans Nordeste de Juan Solanas, quant à Daniel Valenzuela (El Turu), il s’est révélé dans L’Ours rouge d’Adrian Caetano.



Santiago Otheguy a fait ses étude de... musique en France, où il vit. El León est son premier long métrage ; auparavant, il n’avait signé que quelques courts métrages dont un La Rampe avec Claude Jade, réalisé dans le cadre des scénarios contre la drogue. Quand on lit sa note d’intention sur le cinéma, on ne peut que continuer à espérer en cet art et en ce nouveau cinéaste : « J’ai l’impression que les jeunes réalisateurs s’inhibent, s’autocensurent. Je pense qu’il faut faire des films vraiment comme on le sent avec un langage qu’on pense approprié au sujet et qu’il ne faut pas avoir peur. Il ne faut pas se voiler la face non plus, il y a de grands sacrifices à faire, et dans le monde actuel, soit on se laisse porter par le consensus, et fatalement on traverse une vie de consommateur tranquille, soit toute autre action ou geste que l’on voudra faire méritera un sacrifice. Il ne faut pas vouloir faire une carrière dans le cinéma en voulant absolument reproduire le langage des autres, mais aujourd’hui c’est comme ça, il faut sacrifier quelque chose pour pouvoir sortir quelque chose. »
La León a été primé au Festival de Berlin 2007. Le film a reçu la Mention spéciale Teddy Award.
Un western aquatique où chaque plan, tous magnifiques et sensuels, est essentiel, images raffinées où les sexes mâles remplaceraient les colts.

L’avis de Chori :
Incontestablement « la » découverte ciné de mon séjour parisien.
Un film en noir et blanc, très horizontal, à la perfection plastique bluffante (certains de mes amis d'ailleurs lui reprochent cette volonté de virtuosité...), bref, un objet filmique totalement fascinant, et ce dès la première image.
Un univers dense, touffu, étouffant qu'on n'appréhende que petit à petit (car on ne peut pas dire que le réalisateur joue la facilité en nous filant d'un seul coup et dès le début la carte du lieu ou en parsemant sa narration de poteaux indicateurs explicatifs, bien au contraire, ici c'est la jungle, semble-t-il chuchoter, et démerde-toi...) une histoire donc qui s'élabore en zigzags, se constitue, se perd et se reconstitue au fil des méandres que parcourent un certain nombre d'embarcations, notamment un bateau, El Leon (celui qui donne son titre du film), dans un labyrinthe aquatique, insulaire, foisonnant, mystérieux.
Dans ce paysage moite d'eau, de roseaux, de forêts, de marécages (nous sommes en Argentine, dans le delta du Paraná) vivent (survivent) des hommes, loin de tout, vies minuscules, précaires, comme des îlots jetés ça et là au hasard sur le fleuve, et organisées en un monde clos, autonome (les Isleños), régi par ses propres règles, (qu'on ne saisit pas forcément d'emblée), et dont le seul lien régulier avec l'extérieur, la terre ferme, le reste du pays, du continent (la réalité ?) est ce bateau, celui que pilote El Turu, qui fait la navette entre les deux.
L'autre protagoniste, aussi mutique que le premier est hâbleur, aussi introverti que l'autre est jovial (?), s'appelle Alvaro. Il coupe des roseaux, file occasionnellement un coup de main à ceux qui bûcheronnent (et les mate un peu quand ils se baignent dans le fleuve ou quand ils font la sieste), et répare des livres de bibliothèque, bref, nous est signalé comme encore plus singulier, au beau milieu de cette somme déjà de singularités ambulantes. Oui c'est un puto, (un jeune homme sensible dans la rude langue locale). Et c'est entre lui et El Turu, le pilote à grande gueule, que va se jouer une partie tendue et redoutable, un duel (qui hésite peut-être à devenir un duo ?), attraction/répulsion, chat et souris (mais qui chasse qui ?) homo & hétéro... Mais on n'est ici ni dans La Meilleure façon de marcher, ni dans Le Droit du plus fort,  encore moins dans Les Chansons d'amour ou La Cage aux Folles. À des kilomètres.
Car Otheguy, dont c'est, il faut le souligner, le premier long-métrage, a l'intelligence de ne pas faire de cet affrontement la pièce maîtresse, le mur porteur, du film, qui aurait alors beaucoup perdu de son élégance radicale et vénéneuse. Il n'en fait qu'un des éléments dans le constat d'un combat beaucoup plus vaste, qu'il soit politique, social, ou racial. (Les Isleños, premiers habitants des lieux, voient ainsi débarquer chez eux des immigrants, les Misioneros, qui veulent profiter aussi de leur maigres moyens de subsistance, ce que certains exaltés vont percevoir comme une insupportable agression.) Aussi pauvre et malheureux soit-on, il s'en trouvera toujours un plus désemparé que vous sur l'échelle sociale, et certains auront toujours, à tort ou pas, la trouille qu'un plus bas veuille grimper sur leur barreau et leur piquer leur place.
Le film débute juste après un suicide et se termine après un meurtre. Entre les deux aura coulé, au sens propre comme au sens figuré, beaucoup d'eau. (L'eau c'est la vie ?) Le format scope (celui habituel des westerns) constitue un cadre parfait pour la rectitude (rigueur ?) géométrique (mais pourtant violemment poétique) de son écoulement, son caractère inéluctable. Horizontalité de l'élément liquide et verticalité de l'élément humain. Horizontalité du regard et verticalité des roseaux, des arbres, des hommes. Horizontalité des embarcations qui glissent et verticalité des corps qui s'affrontent. Verticalité de la violence, verticalité du désir, horizontalité du rapport sexuel, et, finalement, horizontalité de la mort. Tout ça retranscrit, je l'ai déjà dit, dans un noir et blanc sublime, qui radicalise encore un récit où l'économie des mouvements de caméra (le réalisateur privilégie les longs plans fixes) s'allie à des cadrages à la rigueur (la vigueur) et à la beauté implacable(s), pour évoquer cet univers foisonnant, mi-homme mi-bête, à la beauté vaguement inquiétante, mais aussi à la tristesse prégnante.
(J'ai pensé, à la fin, peut-être paraîtra-ce ici trivial, au clip de Tanita Tikaram Twist in my sobriety, en sépia et blanc, qui évoquait un univers assez semblable. Longtemps je l'ai considéré comme le clip le plus triste du monde.) Si La Leon n'est pas bavard, il est pourtant très sonore. Beaucoup de bruissements, de chuintements, de craquements, (la bande-son est aussi extrêmement travaillée), entre le végétal malmené et l'animal aux aguets, entre l'inquiétude et la menace, entre la caresse et le coup. Oui on est quelque part au milieu d'une jungle, perdu dans la forêt, on n'est sûr de rien, on avance à pas lents, aux aguets et rien de plus beau, de plus jouissif que cette perte-là (on ne serait plus si loin, finalement, de la deuxième partie de Tropical malady, non ? Mais peut-être là m'égare-je).
Bon, encore une fois, (smiley rosissant), j'avoue  (soyons honnête) m'être quand même très intéressé au sous-texte gay... (même si l'auteur a dit et répété que ça ne l'intéressait pas de faire un film homosexuel, et que d'ailleurs lui-même ne l'était même pas !) En tout cas je peux vous dire que ça fonctionne, et bougrement ! Tout y est, les regards, les visages, les corps, (et même le sexe, d'ailleurs... Si, si ! Et joliment impressionnant, avec ça), et les figures (de style) imposées des circonvolutions tortueuses de la séduction, (in)volontaire ou pas, d'autant plus efficace (à mon sens) que les protagonistes en sont très (trop ?) humains (je veux dire « normaux »), oui, simplement, ordinaires, comme vous et moi (enfin, comme moi surtout).




Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec José Sacristan, María Luisa San José, Carmen Maria Luisa San José, Ángel Pardo, José Luis Alonso, Agustín González, Enrique Vivó, Queta Claver, Ángel Pardo, Juan Antonio Bardem, Antonio Gonzalo, Fernando Marín, Aldo Grilo, Ramón Reparaz, Fabián Conde, Alejo Loren et Ramón Centenero. Réalisation : Eloy de la Iglesia. Scénario : Eloy de la Iglesia et Gonzalo Goicoechea. Directeur de la photographie : Antonio Cuevas. Montage : Julio Peña.

Durée : 108 mn. Disponible en VO et VOST anglaise uniquement.



Résumé :

En Espagne dans les derniers temps du franquisme, Roberto Orbéa est un membre actif d'un parti de gauche. Il est mis en prison où il fait la connaissance de Nes, et cède à ses penchants homosexuels. La mort du dictateur le fait sortir de prison. Son parti accède au pouvoir et il devient un homme politique très reconnu. L'homosexualité étant très taboue à l'époque, il tente de reprendre une vie « normale » avec sa femme. Mais Nes lui présente un jeune homme dont il tombe éperdument amoureux. Sa femme finit par le découvrir et lui propose de vivre leur histoire à trois. Roberto connaît une courte période de bonheur, mais l'extrême droite – qui a appris son homosexualité – intrigue pour le faire chuter. Il prend conscience, en tombant amoureux d’un jeune prostitué issu du lumpenprolétariat, qu’il doit absolument faire son coming out s’il veut être en accord avec ses principes politiques...



L’avis de Bernard Alapetite :

Inspiré par des événements vrais, El Diputado est le premier film ouvertement gay espagnol. Tourné dans la période de l’immédiat post-franquisme. La plupart des français qui ne sont pas férus de films d’horreur, Eloy de la Iglesia est l’auteur de Cannibal Man, n’ont jamais entendu parler de lui, il a pourtant gagné quelque chose comme une réputation de cinéaste culte dans le monde entier pour être l’un des premiers cinéastes à traiter d’une manière explicite l'homosexualité.

De la Iglesia a par le passé appartenu au parti communiste espagnol. El Diputado rassemble ses prédilections politiques et sexuelles dans un mélange passionné et passionnant. Curieusement, le film a connu un certain succès commercial aux États-Unis et en Amérique du sud. C’est aussi le film techniquement le plus ambitieux de sa filmographie. Le film est constitué de nombreux retours en arrière. Roberto Orbea (Jose Sacristan), le héros, se souvient des nombreuses d'années passées à dissimuler ses convictions politiques, il est socialiste. Pour cela, Roberto Orbea est emprisonné. Dans la promiscuité de la prison, il réalise qu’il est homosexuel en dépit des efforts qu’il fait pour réprimer ses pulsions. En tant qu’avocat et ancien militant clandestin, il émerge, dès la fin de l'ère Franquiste, en tant qu’un des principaux dirigeants du parti socialiste espagnol. Il cache son homosexualité à son parti, et à sa femme (Maria Luisa San Jose) qui partage son engagement politique. Mais Roberto ne résiste pas à un beau jeune garçon, un joli adolescent appelé Juanito (Jose L. Alonso). Ce dernier est manipulé par des membres d’un parti de droite qui s’opposent au socialiste et pensent déconsidérer leur adversaire en faisant éclater un scandale de mœurs impliquant une personnalité socialiste de premier plan. De la Iglesia fait le parallèle entre la clandestinité politique de Roberto à l’époque du franquisme avec celle qu’il vit sur le plan sexuel alors qu’il est un des leaders politiques du nouveau régime démocratique espagnol. L'appartement qui a servi jadis pour héberger des camarades recherchés par la police franquiste devient un nid pour les rendez-vous amoureux de Roberto et de Juanito. Sur des affiches, Marx et Lénine regardent sévèrement les ébats sexuels des deux hommes... À ce propos, El Diputado est une bonne occasion d'observer les contradictions entre l'esprit libertaire du film et le « dogmatisme » avec une touche d'hypocrisie du parti communiste sur le sujet de l’homosexualité...



Eloy de la Iglesia est tout à fait brillant quand il nous fait ressentir l'appel de la chair qui taraude Roberto, homme entre deux âges, pour ce jeune garçon. De même qu’est finement évoqué, en quelques scènes, le rapport entre Roberto et sa belle épouse Carmen. Leur rapport est ancré dans l'amour véritable l'un pour l'autre. Carmen est déterminée à explorer n'importe quelle voie qui permettra à leur mariage de survivre. Sous la tutelle de Roberto et de Carmen, Juanito se transforme de gigolo en un garçon assidu des librairies, un admirateur d'art moderne et un mélomane averti... Tout cela est fortement improbable et relève plus du fantasme de micheton que de la réalité et c’est la seule vraie faiblesse du scénario quant à sa crédibilité. En même temps, sa conscience politique augmente. Il se rend compte qu'il a été manipulé par l’extrême droite et que son amour pour Roberto est devenu sincère. Il rejette ses anciennes opinions. La scène paroxystique du film voit Roberto, Juanito et Carmen unis dans un baiser à trois symbolisant leur libération et leur réconciliation.

Le film a soulevé un tollé de protestations lors de sa sortie en salles en raison (et surtout) de sa description explicite des actes homosexuels mais aussi pour opinions politiques pro-marxistes. Le film a également gagné en notoriété parce qu'il semble raconter l'histoire de plusieurs figures bien connues dans la société politique espagnole. Nombre de spectateurs l’ont alors vu comme un film à clés et se sont perdus en moult supputations.

 


Eloy de la Iglesia était un membre du parti communiste espagnol ; ses films de cette période reflétaient ses opinions politiques et ont souvent porté sur les formes violentes de protestation sociale.

Dans El Diputado, on le voit s’éloigner du PCE pour rallier le socialisme. Le film est un formidable tableau de l’effervescence politique qui régnait alors dans un pays où la démocratie pouvait encore paraître fragile. El Diputado a également pris note de l'introduction des nouvelles théories soutenues par les socialistes sur le rôle du terrorisme dans le nouveau contexte européen. Ce n'est pas pour rien qu’Orbea est présenté comme un avocat qui a défendu l'ETA durant le fameux procès de Burgos. Toutefois, après l'avènement de la démocratie, les motivations de l'ETA ont été disqualifiées. L’organisation et ses membres deviennent « suspects gauchistes » et leurs actes de violence sont dénoncés comme « crimes contre la vie », en conformité avec le rejet de l’Europe entière de ces pratiques après l'assassinat d'Aldo Moro en Italie.

Eloy de la Iglesia est un cinéaste qui, en marge des principaux courants et des tendances esthétiques dominantes, a pu mener à bien une œuvre personnelle et prolifique, à cheval entre cinéma d’auteur et cinéma populaire, intégrée dans l’industrie cinématographique mais traitant toujours de sujets tabous ou polémiques. Il est titulaire d’un Master of Arts de l'Université Complutense de Madrid, et il a également étudié à l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques de Paris. Il a fait ses premiers pas comme scénariste pour des émissions pour enfants pour la télévision. C’est cet environnement qui lui a permis de faire son premier film à 22 ans, en 1966, avec Fantasía 3, adaptation d’un roman de L. Frank Baum. Mais le réalisateur connaît une plus grande liberté d'expression lors de la transition démocratique espagnole qui va de 1975, l’année de la mort de Franco, à 1982, date de la victoire du PSOE aux élections législatives. Cette période faisait évidemment grand cas de la sexualité, ouvrant les écrans, en passant, à une représentation des corps, quoiqu’essentiellement féminins, inédite dans ce pays. Bien des films mettant en scène soit des homosexuels, soit des bisexuels, soit des transsexuels, soit des travestis, eurent du succès dans l’Espagne de la Transition, même si tous n’étaient pas des parangons de modernité. Alors que El Diputado, qui eut un succès considérable, propose, lui, un regard politique sur le corps masculin, mais un regard non exempt de désir. On peut considérer Eloy de la Iglesia comme le cinéaste emblématique de cette période pendant laquelle il réalise pas moins de dix films dont plusieurs traitent principalement de l'homosexualité, comme Los placeres occultos (1976) ou El Diputado (1978). Les sujets préférés du cinéaste ont été ceux touchant les relations de classe et l'oppression sociale par l'État. Mais il semble que petit à petit une sorte d’obsession sexuelle a éclipsé les opinions politiques du cinéaste. À partir du milieu des années 70, les films de la Iglesia se sont de plus en plus concentrés sur l'homosexualité et les problèmes sociaux tels que la délinquance juvénile et la toxicomanie.



La marginalité sous toutes ses formes est une thématique au cœur de sa réflexion sur les rapports entre l’individu et une société répressive. Cette interrogation sur l’identité de l’homme au sein de la société le conduit également à réfléchir sur la place de l’individu au sein de groupes sociaux plus restreints, comme le couple et la famille. Dans tous les films d’Eloy de la Iglesia, on trouve des personnages qui transgressent les règles sociales ou morales imposées ou communément admises par la majorité. S’écarter de la norme, la remettre en cause, est une façon de proclamer sa liberté individuelle.

Il obtient un succès en 1983 avec El Pico qui traite de la drogue. À 57 ans, Eloy de la Iglesia adapte Caligula d’Albert Camus qu'il compare à son personnage majeur de son film Navajeros (1980). De la Iglesia a fait face à la toxicomanie lui-même dans les années 80 et a même cessé de faire des films pendant un certain temps. Mais son accoutumance au cinéma devait être plus forte que celle pour les drogues, puisque par la suite il s’est sevré des drogues et a repris sa carrière. En 2003, après 16 ans d'absence, au cinéma il revient avec L'Amant bulgare, adapté de l'œuvre romanesque d'Eduardo Mendicutti. Ce sera le dernier film d'Eloy de la Iglesia qui meurt en 2006. Sa filmographie est riche de 22 longs métrages. Le Festival du Film de San Sebastian lui a consacré un hommage et une rétrospective en 1996, ce qui a été très important pour sa reconnaissance. En 2003, à Paris, le festival de l’étrange a consacré, en sa présence, également une rétrospective à ce cinéaste qui ne peut être comparé qu’à Fassbinder...

Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Branden Nadon , Matthew Currie Holmes, Krista Rae, Shawn Anderson, Randy Birch , Artur Ciastkowski, Tom Edwards, Chris Enright, Mark Gabruch, Lynn Ivall, David Lereaney, Nancy MacDonald, Bruce McDonald, Roy Neilson, Valerie Planche, Kelly Rowan, Tania Sablatash, Carrie Schiffler, Joe Norman Shaw, Stephen Strachan, Dylan Walsh. Réalisation : David Schultz. Scénario : David Schultz.

Durée : 99 mn. Disponible en VO, zone 1 uniquement.

 


Résumé :

Nous faisons la connaissance de Nathan (Branden Nadon) alors qu’il se prostitue le jour de ses treize ans à Calgary, Canada. Nous nous apercevons très vite que c’est surtout un garçon en quête d'amour. Lorsque sa mère meurt d'une overdose, Nathan part à la recherche de son père qu'il n'a jamais connu. Sur sa route, il croise Boon Palmer (Dylan Walsh), un homme dans la trentaine au cœur dur et au passé douteux, qui a lui aussi vécu une enfance difficile.



Boon Palmer est en route pour Vancouver. Nathan convainc Boon de l’emmener avec lui. Ils s’arrêteront dans le village natal de Boon et ce détour changera pour toujours le cours de leurs vies... Là, Boon rend visite à son père mourant qui fut jadis un père brutal et autoritaire. Il revoit son amour de jeunesse qui élève seul un fils de l’âge de Nathan. Ce dernier se lie d’amitié avec Boon qu’il soupçonne d'être un trafiquant de drogue. Il ne comprend pas pourquoi Boon ne veut pas de relations sexuelles avec lui. Peu à peu, il se crée un lien très fort entre eux deux. Boon a une véritable affection pour Nathan qu’il veut aider. Nathan découvre que Boon est en fait un policier sur la piste d'un gros trafiquant de drogue. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure et Nathan continue à prendre des risques dans la rue, jusqu'au jour où il en prend trop...



L’avis de Bernard Alapetite :

Le principal atout de Jet boy est ses acteurs, tous très convaincants, à commencer par Branden Nadon le héros du film. Pour son premier film, il se montre capable de jouer toutes les émotions et sa bouille et ses mimiques ne sont pas sans rappeler le jeune héros de Pixote. Branden Nadon est aussi apparu dans la mini série pour la télévision Living with the Dead et a joué un petit rôle dans Agent Cody Banks en 2003, depuis plus rien et c’est bien dommage…



L’autre point fort du film est que nous croyons d’emblée à l’authenticité, profonde et sincère, de la relation entre ses deux personnages principaux.

La réalisation est très propre : nombreux décors et personnages, images lumineuses (malheureusement un peu granuleuses), cadrages soignés, bon éclairage. Et surtout Jet boy bénéficie d’un montage très précis qui permet aux images d’être immédiatement signifiantes et cela sans artifices.



Si le réalisateur est un maître de l’ellipse, on peut regretter sur un tel sujet la récurrente pudibonderie américaine. À force de ne rien mettre en images, il est bien difficile de montrer la prostitution du garçon comme une situation épouvantable, idem pour la drogue. Il est certes difficile pour un sujet comme celui-ci, en trop illustrant, d’échapper au voyeurisme mais à trop édulcorer on ne sait plus de quoi on parle.



Dave Schultz a déjà écrit avant ce scénario une dizaine d'autres, et on voit qu'il connait son affaire. Jet boy est en revanche son premier film en tant que réalisateur. En 2008, il a tourné son deuxième film, 45 RPM.

Le scénario, un peu trop touffu, ne semble pas très crédible, principalement en raison de l’âge du héros. La facilité avec laquelle Nathan échappe à toutes les structures de la société semble impossible pour un garçon de 13 ans dans un pays développé comme le Canada. Mais si l’on considère plus Jet boy comme un vrai mélo que comme un film naturaliste, on s’intéresse à cette histoire car elle est bien menée.



Le scénario nous ménage bien des surprises car pendant quelques temps, nous ne savons presque rien des gens que nous voyons à l’écran et puis, au fil des minutes, nous apprenons beaucoup de choses, et jusqu’au bout nous aurons des surprises et des révélations.

On peut trouver la fin un peu trop rose pour un film aussi âpre ; on peut aussi penser que dans la vie comme dans un film, le pire n’est pas inéluctable.

Pour plus d’informations :



Fiche technique :

Avec Zohar Strauss, Ran Danker, Ravit Rozen, Tzahi Grad, Isaac Sharry, Avi Grayinik et Eva Zrihen-Attali. Réalisation : Haim Tabakman. Scénario : Merav Doster et Haim Tabakman. Directeur de la photographie : Axel Schneppat. Montage : Dov Shtoyer. Compositeur : Nathaniel Mechaly.

Durée : 90 mn. Actuellement en salles en VO et VOSTfr.




Résumé :

Aaron est un membre respecté de la communauté juive ultra-orthodoxe de Jérusalem. Marié à Rivka, il est le père dévoué de quatre enfants.

Cette vie en apparence solide et structurée va être bouleversée le jour où Aaron rencontre Ezri.

Emporté et ému par ce bel étudiant de 22 ans, il se détache tout doucement de sa famille et de la vie de la communauté. Bientôt la culpabilité et les pressions exercées par son entourage le rattrapent, le forçant à faire un choix...



L’avis de Frédéric Mignard :

Un récit d’amours interdites au sein de la communauté des Juifs ultra-orthodoxes de Jérusalem. Envoutant et atmosphérique. Tout simplement superbe.



Premier long israélien sélectionné à Cannes dans la catégorie « Un certain regard », Tu n’aimeras point plante son intrigue dans un quartier communautaire de Jérusalem, celui des juifs ultra-orthodoxes. Ceux-ci, plus enclins à l’étude et à l’application stricte du Talmud qu’aux divertissements contemporains, sont définis par un district d’une grande austérité, à l’image de la scène d’ouverture où les deux amants homosexuels centraux du récit se rencontrent. Le cadre est celui de la décrépitude, une boucherie vidée de toute l’essence même de la vie, qu’Aaron gère comme sa famille, impassible. Mais soudainement, son existence de rigueur et de questionnement religieux se retrouve bousculée par l’arrivée d’un étranger, un étudiant de 22 ans qui frappe à sa porte pour un renseignement et qui finit par se lover au plus près de ses désirs, pis de son cœur.



Film de l’étouffement et de l’oppression physique et mentale, Tu n’aimeras point regorge de détails religieux. Les accoutrements, la barbe, les allers-retours à l’école religieuse, les prières et autres gestes pieux... La religion s’insinue dans chaque plan, inoculant ses dogmes, ses interdictions, mais elle ne parvient plus à imposer la raison au boucher, qui bénéficie pourtant du statut de Juste. Il revient à la vie, après des années de repli sur lui-même, au contact du jeune Ezri, enivré par une expérience qu’il ne cherche même plus à dissimuler. Il en arriverait presque, un instant, à l’acceptation de la chair et du plaisir, comme faisant partie de l’équilibre de l’Homme, alors que le sourire réapparaît sur ses lèvres et ses yeux rieurs.



Toutefois le poids des dénonciations, du sens de la communauté et les liens incassables du mariage vont le confronter à un dilemme douloureux, comme souligné par le ton déprimé du métrage, loin de la romance guillerette. La musique atmosphérique plane sur des images de toute beauté, gorgées de frustration et emplies d’un sentiment morbide, symboliquement véhiculé par le lieu où l’infamie est commise, un commerce de viande froide, que le patron n’arrive même plus à manger...



Récits d’une société de solitudes plurielles, où les amours sont violemment pointées du doigt, perçues unilatéralement comme un fléau et une menace réelle pour la communauté, Tu n’aimeras point décrit donc la passion naissante avec ascétisme et sécheresse. L’on comprend aisément, de par les métaphores utilisées, l’importance du décor et le crescendo dans la tension, que seules la renonciation et la rupture seront l’issue du film. La renonciation à l’être aimé et donc à l’épanouissement ou la rupture avec les dogmes et une existence d’usurpation ? Le suspense psychologique reste entier jusqu’au final, magistral de finesse et de perspicacité.



L’avis de Voisin blogueur :

Aaron exerce le métier de boucher à Jérusalem. Appartenant à la communauté juive orthodoxe, il est le père de quatre enfants et mène une existence en apparence paisible avec sa femme. Très croyant et respecté, Aaron va découvrir le poids de la tentation alors qu’il va se prendre d’affection pour un jeune étudiant paumé, Ezri. Il l’engage et le loge dans la boucherie, ils passent du temps ensemble… Et très rapidement une attirance les foudroie. Si Ezri n’a pas de problème à vivre librement ce que lui dicte son cœur (et ce malgré ses croyances religieuses), Aaron culpabilise de s’entraîner vers le feu de la passion et du pêché. Alors que dans les alentours les ragots commencent à circuler, il va falloir prendre des décisions…



Premier long-métrage de Haim Tabakman, Tu n’aimeras point nous livre une histoire d’amour gay dans la communauté juive. Difficile de ne pas être frappé par l’élégance de la mise en scène, profitant du numérique pour nous en mettre plein la vue. Jérusalem est un personnage à part entière, un décor mystérieux, tragique et romantique dont les couleurs et les lumières invitent à l’évasion comme elles peuvent éclater et emprisonner. Chaque plan est une merveille d’inspiration et la première partie est remarquable de par la tension affective et sexuelle qu’elle met en place avec subtilité. Les deux acteurs principaux apportent beaucoup de sensibilité et de sensualité à leurs personnages et c’est en grande partie grâce à eux que l’œuvre touche souvent droit au cœur.

Nous avons pourtant la sensation d’être en terrain connu avec un scénario de mélo assez attendu (la romance interdite, clandestine, la pauvre mère de famille trompée, le poids d’une société fermée d’esprit). Tu n’aimeras point nous rappelle que les religions, à l’origine prônant l’amour de l’autre, peuvent donner lieu au pire quand elles sont interprétées par les hommes. Au programme : intolérance et drames intimes. Les ressorts sont familiers, on est que très peu surpris jusqu’au bout.

 


Le réalisateur s’appuie donc sur un scénario sans grande surprise mais parvient à le magnifier par l’intensité de son regard. Ici tout se ressent, s’éprouve même. Ce n’est pas un hasard si Aaron travaille dans une boucherie : il va succomber à l’appel de la chair. Une chair qu’il manipule dans son travail mais qui lui échappe quand elle prend un visage humain. Souvent bouleversant et formellement bluffant, Tu n’aimeras point est un drame universel qui ne manquera pas de combler les amateurs de mélos soignés comme les spectateurs sensibles à la question du désir.

FILM VU AU FESTIVAL DE CANNES – UN CERTAIN REGARD 2009

Pour plus d’informations :




Fiche technique :
Avec Michele Placido, Clmaudio Amendola, Francesco Benigno, Tony Sperandeo, Maurizio Prollo, Alessandro di Sanzo, Roberto Mariano et Filippo Genzardi. Réalisé par Marco Risi. Scénario : Didier Stefano Rulli. Directeur de la photographie : Gianvarlo Bigazzi.

Durée : 104 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :
La lutte pour une vie plus juste d'un jeune professeur de lettres qui enseigne dans une prison. L'opposition qu'il rencontre de la part des gardiens et de l'administration puis celle des prisonniers qui l'accusent d'être le détonateur d'une répression injuste.

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L'avis de
Jean Yves :

Le sujet ? La vie d'une bande d'adolescents dans une prison pour mineurs à Palerme, univers impitoyable sous le soleil de Sicile, derrière les murs et les barreaux de la prison de Rosaspina. Tiré du roman homonyme de Aurelio Grimaldi, le film de Marco Risi est la chronique quotidienne, ordinaire et puissante de la violence étouffée, des regards brûlants de désir des garçons frustrés.

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Évitant tout pathos, refusant de s'apitoyer sur le sort de chaque détenu, Marco Risi s'est intéressé au sexe comme exutoire dans un milieu machiste. Ils ne pensent qu'à ça, ils ne rêvent que de ça, mais ils ne parlent que de leur petite amie qui les attend patiemment à leur prochaine permission. Agressés dans leur virilité, les détenus encore jeunes, brandissent haut et fort leur sexe comme la seule arme dont ils peuvent encore user entre quatre murs.

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Un jeune professeur de lettres naïf et blessé (sa nana vient de le larguer) accepte de venir enseigner dans cette prison (sacrifice ? vocation ? épreuve ?). Peu à peu, il prend conscience des difficultés à vivre entre quatre murs de ces jeunes garçons pour lesquels il a beaucoup d'affection. C'est le plus jeune, encore un enfant, le « bleu », souffre-douleur docile des plus forts qui ne cessent de l'humilier, le forcent à faire leurs lits, se moquent de sa petite gueule d'amour, miment sur lui des coups de queue à travers leurs joggings gonflés et vont jusqu'à le menacer de viol. C'est cet autre qui se branle en classe en pensant à sa femme qui l'attend dans une HLM de banlieue. C'est surtout celui qui s'est autoproclamé « bite-en-fer », le plus violent, qui crie sa haine, crache son agressivité à la gueule du prof coincé, catho de gauche.

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C'est dans cet univers contenu par la hargne des matons, la connerie du directeur méprisant, que débarque, la chevelure flottante et ondulant des hanches, Mario, qui se fait appeler Mery (« pour Marilyn », dit-il dans un souffle), jeune homosexuel, travesti et prostitué qui a tué un de ses clients indélicats.

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Mery pour toujours
est un film sur la différence parmi la marginalité. Mery est peu à peu accepté, parle librement en classe à ses camarades, au regard bientôt fraternel, de son envie d'être une femme, de son désir du corps des hommes et tombe follement amoureux du professeur, toujours aussi coincé, qui le repousse poliment. Bientôt, la rencontre, la compréhension mutuelle, l'amitié qui lient les beaux ragazzi perdus changent la prison. Le dénouement du film ne sera pourtant pas un « happy end ».

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Mery pour toujours
ne se juge pas sur ses qualités esthétiques, ce n'est pas le but, mais sur ses vertus sociologiques. Construit comme un documentaire, à peine romancé puisque tous les faits narrés sont vrais. La multitude de personnages, tous attachants, donne parfois l'impression d'un savant fouillis qui nous ferait presque oublier l'essentiel : les rapports ambigus entre le maître et l'élève. Et puis il y a Mery, jeune éphèbe gracile, superbe d'agressivité, provocant dans sa féminité exacerbée.

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Dans un film où les femmes n'ont même pas le droit d'asile, il incarne à lui seul le trouble et l'ambiguïté. Il dérange parce qu'il est sincère, entier. Il est le seul à assumer sa sexualité.

Avec pudeur, sensibilité et simplicité, Marco Risi a réussi avec Mery pour toujours un film plein d'émotion, du vrai cinéma.
Pour plus d’informations :

Interview de Xavier Dolan, réalisateur de J'ai tué ma mère



Il n’a que vingt ans, vient du Québec, et son premier film est une des plus belles découvertes du Festival de Cannes 2009. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, "J’ai tué ma mère" est reparti avec trois des plus prestigieux prix. Interview décontractée avec Xavier Dolan, acteur/réalisateur/scénariste/producteur.

  

Tu es réalisateur, scénariste, acteur principal et producteur de ton film. Tout cela était-il prévu dès le départ ?

M’investir dans la production n’était pas du tout prévu. Ça s’est imposé parce que je n’avais pas envie d’attendre inlassablement après les institutions financières. Par contre, jouer le rôle principal, c’était une certitude. Déjà parce que c’est ma vie et puis je suis acteur, c’est une de mes passions. Et ce n’est pas facile de jouer, c’est toujours la même rengaine, les mêmes refus, les mêmes rejets… J’avais envie de jouer ce rôle-là et puisque c’est moi qui réalisait, il n’y avait personne pour me dire non. C’était un bon créneau.

 

Est-ce que ça n’a pas été trop difficile à gérer toutes ces fonctions sur un même film ?

Pas du tout. J’ai adoré tenir tous ces rôles. C’était assez simple : on tournait et puis après deux prises, trois prises, je regardais et on s’ajustait. Tout : direction artistique, jeux des comédiens, réalisation… Après trois prises, on avait assez de recul pour pouvoir s’ajuster, continuer dans la même optique en améliorant ou en changeant les choses.

 

Dans ta réalisation on remarque beaucoup de plans « décadrés »…

J’aime beaucoup ce qui est décadré. Je fais également de la photo et on y trouve beaucoup de choses décadrées. Dans le film cela me semblait totalement approprié : dès qu’on décadre quelque chose on a l’impression d’un bouleversement, d’une anomalie, d’un vide. Je trouvais intéressant le fait d’isoler les personnages, de donner l’impression qu’il y avait une figure manquante. Qu’à côté d’eux il y a tellement d’air, qu’il y a un espace à combler. Alors qu’ils pourraient être l’un à côté de l’autre mais la distance qui les sépare, même infime, donne l’impression qu’ils sont aux antipodes.

 

Avant d’être réalisateur, tu étais acteur. Comptes-tu continuer cette carrière, continuer à te mettre en scène ?

Je suis un acteur, j’adore jouer, j’ai envie de rôles de composition. Comme Anne Dorval dans mon film qui n’a rien à voir avec son personnage dans la réalité. La polyvalence, c’est très excitant pour moi. Dans mon prochain film je n’aurai qu’un tout petit rôle, je ferai une dragqueen, ça durera deux secondes. Ce sera drôle, un petit clin d’œil. J’aimerais jouer dans les films des autres en fait.

 

Quel serait ton « TOP 3 spontané » des réalisateurs avec lesquels tu aurais envie de tourner ?

Haneke, Paul Thomas Anderson… Sinon j’aimerais énormément jouer avec Kate Winslet. Je nous vois déjà en couple déchu, incestueux…(rires). Il faut qu’on fasse tout ! Ah, j’ai un troisième nom de réalisateur à te donner : Gus Van Sant !

 

Quels sont les thèmes apparents et moins apparents que l’on peut retrouver dans J’ai tué ma mère ?

Les relations mère-fils : apparent. La différence : apparent. L’incompatibilité, la nostalgie : apparents. L’ostracisme, l’homosexualité : sous-jacents.

 

En parlant d’homosexualité, on compte beaucoup de films en ce Festival de Cannes 2009 (dont le tien) qui ont une intrigue ou des personnages gays. Cela t’évoque quoi ?

C’est tant mieux pour ces films. Les gens remarquent toujours la variable dans le lot. Cette année, c’est l’homosexualité qui ressort. Moi mon film est l’histoire d’un jeune garçon révolté par sa mère et pas celle d’un jeune gay. On n’est pas du tout dans l’histoire d’un jeune homme qui a des problèmes vis-à-vis de sa sexualité. L’homosexualité dans J’ai tué ma mère est un simple trait de caractère.

 

Comptes-tu explorer dans ta filmographie à venir la question de l’homosexualité, du genre ?

Le thème qui m’est cher, c’est la différence. C’est ce dont j’ai envie de parler toute ma vie. Dans J’ai tué ma mère, c’est la différence entre deux personnes. Dans Laurence any ways, mon prochain film, ce sera plutôt le regard que la société porte sur la différence. Il sera question d’un couple, un homme et une femme. Lui décide de devenir une femme. Elle, au lieu de le laisser, le suit. Une histoire sur vingt ans. Une recherche, une passion constamment renouvelée, un rapport d’amour/haine. J’aimerais tourner ce film le plus vite possible, ça me brûle, j’ai envie de me remettre à tourner. J’espère que mon passage à Cannes facilitera les choses pour tout mettre en place…

 

Merci à Xavier Dolan et Sophie Bataille d’avoir permis cette interview.

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Fiche technique :
Avec Michel Blanc, Emmanuelle Béart, Sami Bouajila, Julie Depardieu, Johan Libéreau, Constance Dollé, Lorenzo Balducci, Alain Cauchi, Raphaëline Goupilleau, Jacques Nolot, Xavier Beauvois et Maïa Simon. Réalisation : André Téchiné. Scénario : Laurent Guyot, André Téchiné et Viviane Zingg, d’après le roman de Jamil Rahmani et Michel Canesi. Directeur de la photographie : Julien Hirsch. Musique : Philippe Sarde. Montage : Martine Giordano. Décor : Michèle Abbe. Costumes : Radija Zeggai.
Durée : 115 mn. Disponible en VF.


Résumé :

Été 1984, Manu (Johan Libéreau), un jeune homosexuel insouciant de vingt ans débarque à Paris de son Ariège natale. Il vient chercher du travail. Le garçon squatte provisoirement la chambre d’hôtel borgne de sa sœur Julie (Julie Depardieu), une fondue de chant. Elle suit une formation de chanteuse lyrique. La cohabitation est difficile ; Julie s'efforce de maintenir une distance avec son frère envahissant. Manu sort beaucoup la nuit... Un soir de drague dans les jardins du Trocadéro où les mecs tournent, se frôlent, se sucent dans une noria incessante, il rencontre Adrien (Michel Blanc), un médecin gay quinquagénaire, extraverti et cultivé qui s’éprend de lui et avec lequel il sympathise. Il ne se passera rien de sexuel entre eux mais Adrien fait  découvrir au garçon le style de vie de son milieu.
Invité par un couple d’amis dans une belle villa au bord de la Méditerranée, Adrien emmène Manu avec lui et le présente à ce couple atypique de jeunes mariés, composé de Mehdi (Sami Bouajila), inspecteur principal de la Mondaine, et de Sarah (Emmanuelle Béart) qui écrit des livres pour enfants.
Ils vivent une grande liberté sexuelle, mais l’équilibre du couple est perturbé par la récente naissance de leur enfant. Manu et Mehdi vont être irrésistiblement attirés l’un par l’autre et vivre clandestinement leur liaison. Le jeune homme s’éloigne d’Adrien...

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Dans le même temps, Sarah refuse une maternité qui, croit-elle, menace sa féminité. Elle ne parvient pas à aimer son enfant, « livré sans mode d’emploi » dit-elle, et traverse une panne d’inspiration littéraire.
L’irruption de Manu dans la vie des autres protagonistes est un tremblement de terre qui va bouleverser leur paysage relationnel. Sans le vouloir, sans le savoir, Manu révèle les désirs de chacun.
Puis un jour, il chope une drôle de maladie, pour laquelle la médecine va bientôt confesser son impuissance. « Les gens ne le savent pas, mais c'est la guerre » affirme Adrien. Médecin des Hôpitaux de Paris, il est en première ligne pour savoir qu'une nouvelle maladie est apparue et se répand, notamment chez les homosexuels. Il va récupérer Manu ; le soigner et l’aider à combattre le mal.
L'arrivée de l'épidémie du sida, maladie perçue alors dans les médias et l'imaginaire collectif comme une peste moderne et honteuse, puisqu’elle n’atteindrait que les homosexuels, va chambouler ces tranquilles destins particuliers. Chacun va devenir acteur et témoin d'un drame contemporain, où ceux qui ne mourront pas en ressortiront peut-être plus forts, mais en tout cas marqués pour le reste de leur vie.
Toute l’histoire est racontée par Sarah, qui fait de Manu le sujet de son premier roman pour adultes qui se déroule entre l’été 1984 et l’été 1985 à Paris et sur les rives de la Méditerranée.

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L’avis de Bernard Alapetite :
On sort de la salle remué et, pour les rescapés de cette époque, avec tout un tas de mauvais souvenirs qui remontent à la surface du gouffre de la mémoire dans lequel on les avait cru ensevelis pour toujours. Mais surtout on est en colère contre le cinéaste qui par manque de rigueur et, osons le dire, de travail est passé à côté du grand film sur le sida, mot jamais prononcé durant tout le métrage, que l’on attendait et qu’il nous laisse parfois entrevoir.
Manque de travail d’abord sur le scénario qui nous apparaît presque comme un premier jet avant l’indispensable émondage du superfétatoire. Pourtant, non seulement il est inspiré d’un roman de Jamil Rahmani et Michel Canesi, Le Syndrome de Lazare, aux éditions du Rocher, mais ils se sont mis à trois, Laurent Guyot, André Téchiné et Viviane Zingg pour le concocter. Ce qui n’empêche pas nombre de scènes inutiles comme celles attachées au folklore désuet de l’hôtel de passe et du bar à putes, pas toujours les plus mal réalisées, à l’instar de celle de la danse de l’inévitable prostitué au grand cœur sur un tube des Rita Mitsouko de l'époque : Marcia Baïla, un titre sans doute pas choisi au hasard car ce morceau évoque une autre maladie grave, le cancer, qui emporta la jeune chorégraphe Marcia Moretto dont il est question dans cette chanson. Ce sous texte est typique de la méthode Téchiné qui consiste à toujours plus alourdir la barque de détails, parfois incongrus, si bien qu’à la fin son film prend l’eau de toutes parts. Autre fâcheux exemple, le procédé éculé qui consiste à faire raconter une partie de l’intrigue par un auteur qui écrit l’histoire de ce que l’on voit sur l’écran et dont la lourdeur est aggravée par la platitude du texte, lu en voix off par celle bien peu mélodieuse d’Emmanuelle Béart.

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Alors qu’il faut au contraire resserrer un scénario pour le concentrer sur l’intrigue principale et sur quelques personnages que l’on aura soin de faire intervenir tout au long du récit, Téchiné fait tout l’inverse en multipliant des apparitions anecdotiques qui n’ont pas le temps de s’imposer, comme le patron du camping (Alain Cauchi) dont on ne comprend pas la nature de la relation qu’il entretient avec Manu, ou celui de la mère de Sarah (Maia Simon) qui parait n’être amenée que pour énoncer sa phrase définitive sur l’existence.
Certaines séquences frôlent le ridicule, en particulier celle du sauvetage de Manu de la noyade par Medhi (grosse ficelle scénaristique) ; ceci malgré les belles images sous-marines de Julien Hirsch, excellent chef opérateur du Lady Chatterley de Pascale Ferran, que Téchiné retrouve après Les Temps qui changent. Hirsch propose souvent des décadrages audacieux dans des images où l’orange est la couleur dominante, couleur solaire omniprésente dans la première partie, « Les jours heureux », qui malheureusement, « bénéficie » d’un montage haletant, si bien que le regard n’a pas le temps de se poser (heureusement, cela évite que l’on s’attarde sur les nombreux anachronismes, j’y reviendrai). Le spectateur est submergé par la masse d’informations qu’assène cette suite de scénettes hétérogènes d’une qualité très inégale, montées bout à bout sans aucune fluidité, à la hache comme s’il fallait dévorer la vie à toute vitesse, puis le film s’installe progressivement, se pose, dans un climat et une construction rappelant Les Innocents et Les Voleurs. On a connu Martine Giordano, pourtant monteuse habituelle du cinéaste, mieux inspirée.

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Manque de travail aussi sur les personnages, les adversaires du naturalisme vont être ravis, car Téchiné ne s’est pas embarrassé de psychologie, pas plus que de vérité sociologique, ni même parfois géographique. Si bien que l’on a beaucoup de mal à croire à certains caractères, trop romanesques, au mauvais sens du terme. Il faut admettre, pour adhérer un minimum au film, que nous sommes devant un conte, habité par des êtres dont beaucoup n’ont ni épaisseur, ni vérité. Ils n’existent pas hors la temporalité du film. On ne sait pas par exemple si Medhi a couché avec d’autres garçons que Manu... On ne peut pas savoir s’il en connaîtra d’autres après lui, tant sa personnalité est floue. Toutefois Téchiné est cohérent avec lui-même puisqu’il déclare à Têtu : « Je ne voulais pas que le projet prenne la forme classique d’un documentaire objectif, réaliste. Je voulais que le film puisse s’apparenter à un conte, un conte pour adulte averti avec des moments d’enchantement mais aussi de violence... J'ai fait le film par devoir de mémoire envers des amis qui ont disparu dans ces années-là, et parce que comme beaucoup de gens de ma génération j’ai eu le sentiment, en passant entre les mailles du filet, en échappant au sida, qui apparaissait dans ces années-là, d’avoir en quelque sorte échappé à mon destin. Cela a fondé la nécessité d’en parler et de raconter cette histoire. C’est peut-être disproportionné de comparer ce drame au sort des hommes et des femmes qui ont pu éviter la déportation, mais il y avait à ce moment-là, également, une question de vie ou de mort en jeu, un effet de destin partagé... » Ces mots font immédiatement naître en moi deux questions : A-t-on envie de voir un conte sur la shoah ou sur le sida et a-t-on même le droit de traiter ces tragédies par ce biais ? Ma réponse, qui me semble nourrie par une éthique élémentaire, à ces deux questions est non. Il n’en reste pas moins qu’il était courageux et noble de s’embarquer dans l’aventure des Témoins.

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Il n’est pas nécessaire d’être un grand scénariste pour savoir que l’exceptionnel est à introduire dans une histoire à dose homéopathique si l’on veut qu’elle reste crédible. Et que voit-on dans Les Témoins ? Que des personnages sortant du commun : en 1984, un inspecteur de police d’origine maghrébine, de surcroît bisexuel, est bien improbable. Il faut tout l’immense talent de Bouajila pour que l’on puisse y croire un peu. Que cet homme épouse une écrivaine, voilà qui est encore plus problématique ; que cette dernière, alors qu’elle écrit pour les enfants, ne parvienne pas à aimer son nourrisson est un cas bien extraordinaire, sujet qui aurait à lui seul mérité tout un film. Autant d’extravagances que Téchiné introduit dans son scénario comme autant de faux-semblants qui lui évitent de se colleter d’emblée avec son vrai sujet : l’émergence du sida, trop douloureux pour lui comme il l’explique (voir ci-dessus sa déclaration à Têtu).
Le cinéaste, en reprenant son personnage récurrent de jeune paumé monté du sud-ouest à Paris dont on ne voit pas à quel brillant avenir il pourrait prétendre, affaiblit la charge émotionnelle de son film, laissant penser que seuls les marginaux étaient touchés par le fléau, alors que la plupart des victimes étaient des garçons bien intégrés dans la société dont on pouvait espérer qu’un fécond demain les attendait.

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Si Les Témoins ne parvient pas à imposer ses héros, en revanche le film montre bien la liberté des mœurs d’alors qui permettait d’expérimenter plusieurs relations, d’une façon harmonieuse, sans honte et sans mise au point. Cette diversité des expériences affectives et sexuelles pouvait se vivre sans culpabilité. On est loin de ce qui se passe aujourd’hui avec le règne du puritanisme et de la pornographie qui sont les deux faces de la même médaille. Pour les jeunes spectateurs, la scène de drague au Trocadéro, avec ses grappes d’hommes copulant dans les buissons, tout de même bien surpeuplés, dans la vision proposée par Téchiné, paraîtra surréaliste, et pourtant... Le film décrit avec justesse comment le virus du sida provoque, d’abord aux États-Unis, puis en France, un rejet de la communauté homosexuelle et combien le dépistage et la prévention auront du mal à se mettre en place face à la panique stigmatisante ambiante par des documents filmés d’époque qui, malheureusement s’intègrent mal à la trame romanesque du récit. Il illustre aussi ce qu’était l’état d’esprit du grand public face à l’épidémie à cette période, quand le jeune Américain venu à Paris pour faire la connaissance des parents de son ami décédé du sida, dit son désarroi à Adrien devant leur refus de le rencontrer. État d’esprit que résume bien Michel Blanc en une anecdote confiée au Nouvel observateur : « Je me rappelle avoir été bouleversé, au début de l'épidémie, par la réaction d'une femme de 45 ans qui faisait le ménage dans un club de sport où j'allais : cette femme, qui passait son temps à nettoyer les douches au milieu de mecs à poil, me disait qu'elle était malade, qu'elle devait se faire opérer, et que le sida, après tout, c'était bien fait pour ceux qui l'avaient. Les victimes de la société condamnant d'autres victimes, c'est quelque chose d'épouvantable. »
Téchiné n’a pas fait l’économie d’une réflexion sur l’histoire et la société comme le prouve cette déclaration : « Le film est comme tous les films, il pose des questions sur le bien et le mal. Et le bien et le mal, aujourd’hui, qui le décide ? La médecine et la justice. Je crois qu’à partir du sida justement, la médecine a capitulé par rapport à la morale, donc il ne reste que la justice, et son bras exécutif qu’est la police. C’est peut-être pour cela que les personnages du médecin et du policier se sont imposés avec évidence dans cette histoire. » Et sur la situation actuelle du cinéma : « Le sujet fait peur, il n'est pas commercial. C'est une des grandes différences entre Hollywood et la France : là-bas, les grands traumatismes nourrissent le cinéma, alors qu'ici la tendance est à les enfermer. C'est ainsi par exemple que je n'ai jamais réussi à monter mon film sur l'Algérie. » Malheureusement cette peinture juste d’une époque est mise à mal par le constant anachronisme sociologique des personnages. Le réalisateur a donné à ses créatures de 1984 la mentalité des bobos de 2006 d’où le hiatus permanent entre leurs agissements et le paysage social dans lequel ils évoluent.
Et puis comme souvent chez Téchiné, des erreurs de détail gênent la concentration du spectateur, erreurs imputables plus à l’équipe de tournage, assistants, scripte qu’au metteur en scène quoique bien s’entourer est aussi un grand talent... Par exemple, juste après le premier panneau « 1984 », on a un plan de rue, avec le gros logo bleu LCL... ou encore ces innombrables automobiles dans des paysages, censés être de 1984, de modèles sortis bien après cette date comme ces Twingos arrivées qu’en 1993 ! Autant d’impairs qui sont difficilement pardonnables de la part d’un cinéaste aussi chevronné. Bourdes qu’il était possible de corriger à la post-production. Pourquoi n’est-ce pas le cas ? Faut-il rappeler qu’un film ne se termine pas au dernier jour de tournage ?

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La clé du titre est donnée par Sarah, jouée par Emmanuelle Béart, qui est la narratrice de cette histoire, lorsqu'elle affirme qu'ils sont « tous des témoins du passage de Manu », atteint du sida, parmi eux.
En ce qui concerne les comédiens disons, pour être gentil, qu’ils font des prestations inégales. On ne comprend pas bien pourquoi Emmanuelle Béart, horripilante comme souvent, avec un jeu se résumant à la crispation des maxillaires, se trimbale à poil durant la plupart de ses scènes, sinon pour que l’on constate que le temps a été plus aimable pour son cul et ses seins que pour son visage...
Je ne sais plus pour quel film un journaliste (je revendique le droit du chroniqueur à l’imprécision) constatait, à propos d’une saga mettant en scène les membre d’une famille juive, qu’aucun des acteurs les incarnant n’étaient juif ; il ajoutait que pourtant la profession ne manquait pas d’acteurs juifs talentueux. Je précise que le-dit journaliste était juif lui-même. Je me dis, mais peut-être que je rêve un peu, qu’il doit bien y avoir des jeunes acteurs gays qui auraient été fiers de jouer le rôle de Manu. Je sais bien qu’être acteur c’est justement interpréter ce que l’on n’est pas. Mais je suis exaspéré par ces jeunes acteurs qui jouent le rôle d’un gay et dont les premiers mots à toute interview sont : « Je ne suis pas gay ! » Ce que je peux confirmer à propos de Libéreau, pour être passé sur un tournage où il sévissait et où il semblait filer le parfait amour avec la scripte (pourquoi ne pourrais-je pas faire mon Voici, zut alors ! Il n’y a pas que Zanzi sur ce blog pour être mauvaise fille !). L’interview en question est insérée dans un article laudateur de Ciné live dans lequel Johan Libérau est qualifié d’inoubliable par Xavier Leherpeur qui ajoute que : « subitement l’écran est devenu bien étroit pour accueillir son élégance féline et son sourire lumineux. » Encore une pauvre fille qui se rend malheureuse et qui doit avoir un chien pour faire une comparaison entre Libéreau et un chat ! Je me souviens aussi, pour avoir discuté avec des directeurs de casting, dont celui de Téchiné, pour avoir assisté à plusieurs castings et enfin pour en avoir fait moi-même, que le regard chez un acteur est prépondérant et à voir celui de Johan Libéreau, on se doute bien que ce dernier n’a pas inventé la pelle à charbon...
Au-delà du choix de Johan Libéreau que j’estime malheureux, tout de même moins que celui naguère de Manuel Blanc dans J’embrasse pas, un détail a frappé mon tympan, plusieurs fois : au détour d’une réplique j’ai entendu l’accent « d’jeune » bien connu aujourd’hui mais inaudible en 1984, je ne dirais donc rien du fait que Manu débarque de l’Ariège... Je suis conscient ici de soulever un tabou, l’irruption dans la société française d’un accent qui n’est plus régional mais social, un accent de classe qui stigmatise les locuteurs d’un français qui le colore de cet accent. Triste nouveauté dans notre république de ce qui était une particularité peu enviable de la Grande-Bretagne.
Bouajila réussit le tour de force de faire croire à ce flic complètement improbable, à être juste, sauf dans les premières scènes avec Emmanuelle Béart, mais qui le pourrait tant elles sont mal écrites, dans des situations aussi variées qu’incongrues. On savait depuis longtemps qu’il était un des tout meilleurs acteurs de sa génération, il le confirme une fois de plus.
Adrien, joué par Michel Blanc, est le seul rôle vraiment crédible et fouillé du film, peut-être parce qu’il est en grande partie l’alter ego de Téchiné. L’acteur est parfait, faisant bien ressortir les contradictions de l’homme, comme les dénonce Medhi dans la très bonne scène de dispute dans la voiture.
Mais la vraie révélation des Témoins c’est Julie Depardieu qui en quelques apparitions fait que la sœur de Manu, pourtant bien artificielle, existe.

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Le plus extravagant à propos de ces personnages dont la véracité est des plus problématique, est que Téchiné en donne les clefs : Manu serait inspiré par Michel Béna qui fut son assistant et surtout réalisa un très beau film, Le Ciel de Paris ; quant à Adrien, il serait nourri par Daniel Defert. J’ai eu (encore ! excusez-moi de mon parisianisme) l’occasion de croiser, il y a quelques années, ces deux personnes et je ne vois absolument pas le rapport entre elles et les êtres que l’on voit à l’écran, ce qui n’a aucune importance en soi, mais alors pourquoi donner des clés qui n’ouvrent aucune porte ?
Si vous êtes attentifs, vous repérerez quelques guest stars dans de petits rôles, le patron de l'hôtel : Jacques Nolot, l'éditeur : Xavier Beauvois, quelques plans leur suffisent à donner de l’épaisseur à ces silhouettes. On aperçoit aussi Jean-Marie Besset en  régisseur de théâtre.
Pendant longtemps la figure de l’homosexuel a hanté le cinéma de Téchiné sans pouvoir s’avancer dans la lumière, ce fut une drague sur un quai dans Hôtel des Amériques, la confession à demi-mot de l’homosexualité du héros à son frère dans La Matiouette, la passion d’un père de famille pour un bel arabe dans Les Innocents, la prostitution du héros de J’embrasse pas et son amitié avec un vieil animateur de télé gay... Puis en 1994, à la surprise générale, le timoré Téchiné fit son coming-out cinématographique avec Les Roseaux sauvages. Ensuite, on continuera de croiser des homos dans son œuvre : Catherine Deneuve et Laurence Côte dans Les Voleurs, Mathieu Amalric dans Alice et Martin, Gaël Morel dans Loin, Malek Zidi dans Les Temps qui changent. Dans Les Témoins comme dans Les Roseaux sauvages, les gays sont le sujet même du film mais alors qu’auparavant ils étaient relégués aux rôles d’accessoires décoratifs, ils semblent cette fois entravés par le romanesque.
On comprend bien qu’il était difficile à Téchiné d’aborder l’irruption du sida, lui-même comme tous les gays de sa génération se sentant comme injustes survivants. C’est un sentiment, ayant connu également cette période, que je partage et ressens presque chaque jour.
La gestation d’une telle œuvre est moralement compliquée et douloureuse. Quant à son financement, il est périlleux car il faut de la témérité pour entreprendre aujourd’hui un film sur ce sujet et cette époque à un moment où le cinéma est formaté en raison de son financement à 80 % par les télévisions qui sont toutes (plus ou moins) les parangons de la France moisie. Peut-être que le vrai scandale de ce film est qu’il soit courageux de le faire.
On attend toujours le grand film sur le sida, Les Témoins n’est pas celui-là. Mais malgré ses défauts, il est urgent que ceux qui ont aujourd’hui 16, 20 mais aussi 25 voire 30 ans et qui n'ont pas connu cette période (que nous, les rescapés, nommons les années enchantées) voient Les Témoins, témoignage sincère mais parfois maladroit d’une tragédie. À la fin du film, la mère de Sarah dit à sa fille : « c'est un miracle d'être vivant », ne l’oublions jamais.

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L’avis de Matoo :
Un film de Téchiné qui évoque les premières années Sida, avec un casting de rêve et une affiche closerienne assez mal venue, forcément ça donne envie d’aller se faire son idée. Histoire de se rendre compte du jeu des comédiens, mais aussi du traitement des événements, de la manière dont Téchiné rend cela avec sa sensibilité et son regard. Je ne suis pas déçu du résultat, j’ai bien aimé, même si je n’en ressors pas complètement convaincu et conquis.
Déjà, une chose est à saluer, le film n’est pas un docu-fiction sur le Sida en 1984. Il s’agit avant tout d’une histoire originale et à l’intrigue bien goupillée, et dont la maladie vient donner le prétexte à des « ruptures » intéressantes dans la narration. Je ne diminue pas non plus l’importance du film dans son rôle « témoin » (justement !), car il a aussi ce mérité de nous resituer en 1984-1985, et de rappeler cette période très étrange, entre chien et loup, où l’on commençait tout juste à réaliser ce qu’était le virus. Ensuite, j’ai vraiment trouvé les comédiens excellents et bien dirigés, avec un plus pour Michel Blanc et Emmanuelle Béart. Cette dernière est excellente, et très belle, malgré son bec de canard (nan mais vraiment elle ressemble à Daffy Duck avec ses lèvres collagènées) qui ne l’empêche presque pas de s’exprimer normalement.
Nous sommes en 1984, Sarah (Emmanuelle Béart) et Mehdi (Sami Bouajila) viennent d’avoir un bébé, et forment un beau couple libéré. Chacun peut aller voir ailleurs sans que l’autre n’en soit gêné. Le meilleur ami de Sarah, Adrien (Michel Blanc), un médecin d’une cinquantaine d’années, rencontre un jeune homme, Manu (Johan Libéreau, très charmant sans être d’une beauté fatale ou parfaite) dans un lieu de drague et s’en amourache. Manu vient de débarquer de province, et squatte la chambre d’hôtel (de putes), où sa sœur (excellente Julie Depardieu) vivote en attendant de gagner sa vie comme chanteuse lyrique. Adrien présente Manu à ses amis…

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Le film est en trois parties qui sont clairement intitulées, et sont trois périodes distinctes. Ainsi la toute première, qui dure un certain temps, n’évoque absolument pas la maladie. Il s’agit plus d’une préparation au drame, une mise en scène délicate et joliment orchestrée, aussi parcimonieuse que la rupture sera tranchante. Car le film démarre comme une histoire d’aujourd’hui, et sans l’intervention du Sida, on aurait une suite qui ne serait pas du tout la même. Ensuite c’est la maladie qui se déclare, et les relations qui volent en éclats, les personnalités qui se révèlent ou s’affirment, et des paradigmes qui changent, des morts prématurées à accepter. Étrangement, le film se passe plutôt en frange de l’épidémie, et il ne fait qu’évoquer cela dans l’engagement militant d’Adrien, le médecin pédé qui lutte tout de suite contre le fléau.
J’ai beaucoup aimé le personnage d’Adrien dans ce qu’il a de plus ambigu et réaliste. Car on devine sa personnalité en quelques traits et quelques minutes, lorsqu’il s’éprend ainsi du jeune Manu et se jette à corps perdu dans une relation vaine. Il s’investit pleinement dans la lutte, autant pour combattre la maladie, que pour y gagner une certaine reconnaissance, et oublier sa misère sexuelle et sentimentale (même si un retournement de situation change cela à la fin). Le film est très homo dans ses intrigues, et il ne manquera pas de toucher la communauté pédé.
Le film est plutôt bien ficelé, mais tout de même il manque quelque chose pour en faire une vraie réussite. J’ai été sans cesse gêné par des maladresses ou des petits agacements que je ne pensais pas avoir pour un réalisateur avec une telle expérience. Ok c’est un film français, et on peut du coup plus se concentrer sur un ressenti plutôt que sur un jugement totalement formel. Mais là, il y a aussi quelques moments qui battent de l’aile, et, comme le blogueur Orphéus le notait, faisaient penser à un premier (bon) film.
Ces points formels que j’évoque et qui m’ont un peu déçu, c’est sur l’évocation des années 80. À part quelques éléments vestimentaires ou de look, comme une coiffure, un blouson, ou la bagnole du héros, tout le reste n’est absolument pas dans le même ton. Alors je sais bien que ce n’est pas un blockbuster, et que l’objectif n’était pas de rendre l’époque à la perfection. Mais tout de même, les twingos garées dans les rues, les vues sur la tour Saint-Jacques avec ses échafaudages, ou les draps de l’hôpital avec « 2006 » inscrit, je pense que ça aurait pu facilement être évité. J’aurais été beaucoup plus « dans le truc » avec un film qui se donne beaucoup plus les moyens pour nous mettre dans l’époque (à part le clip des Rita qui déchire, évidemment !).
Le thème musical est extrêmement redondant, et j’en ai reconnu les premières notes (évidemment) puisqu’il s’agit d’un morceau de Philip Glass. J’ai été assez gêné comme je l’avais été dans The Hours puisque c’est encore une fois une reprise d’une œuvre existante (« Metamorphosis » pour The Hours), remaniée pour le film. Là, clairement c’était un extrait de Satyagraha : « The Protest », dont on entend que le début et avec des instruments différents. Cette réutilisation a été assez parasite pour moi car j’ai du mal à en entendre une version pareille, même si ce n’est pas mauvais, et mon oreille s’attend toujours à autre chose.
Donc vous voyez, j’ai aimé, mais ce n’est pas non plus l’extase…
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